Hors série Abidjan Free

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Un voyage de 164 pages dans la Perle des lagunes, ville fascinante et en mutation permanente, hub global, une des portes de l'Afrique, et melting-pot de cultures et de peuples.

France 5,90 € – Afrique du Sud 49,95 rands (taxes incl.) – Algérie 320 DA – Allemagne 6,90 € Autriche 6,90 € – Belgique 6,90 € – Canada 9,99 $C – DOM 6,90 € – Espagne 6,90 € – États-Unis 8,99 $ Grèce 6,90 € – Italie 6,90 € – Luxembourg 6,90 € – Maroc 39 DH – Pays-Bas 6,90 € – Portugal cont. 6,90 € Royaume-Uni 5,50 £ – Suisse 8,90 FS – TOM 990 F CFP – Tunisie 7,50 DT – Zone CFA 3 500 FCFA ISSN 0998-9307X0 JANVIER 2023 SOFT POWER HISTOIRE, ART, TALENTS, INTERVIEWS BUSINESS LES GENS ET LES IDÉES QUI FONT BOUGER LA VILLE URBANISME LES DÉFIS DE L'HYPER CROISSANCE Travel Guide
BUZZ, LES SPOTS ET LES BONNES ADRESSES
LE
ABIDJAN
L 13978 - 15 H - F: 5,90 € - RD
Un hors-série

Elle a une histoire. Elle n’est pas née de rien. Elle est un peu comme l’enfant de GrandBassam, un ensemble de villages où vivaient des communautés attiées et ébriées, un emplacement choisi par la puissance coloniale pour y installer ses quartiers généraux politiques et commerciaux. Les traces sont là, elles sont rares, car Abidjan est en mouvement permanent. Elle mute le long de cette incroyable lagune qui fait son identité si particulière. Le président Houphouët-Boigny voulait construire une cité capable de rivaliser avec les autres grandes cités du monde. Le Plateau, ancien « quartier blanc », « quartier des maîtres », deviendra vite l’épicentre de cette ambition. Au fil des années, les autres villes dans la ville vont croître, grandir, défendre chacune leur caractère : Yopougon, Abobo, Adjamé, Marcory, Koumassi… Les vagues de migrations internes et externes, africaines mais aussi d’ailleurs, françaises, libanaises, asiatiques vont tout à la fois bouleverser et enrichir les équilibres originaux. Les crises, économiques et politiques, parfois tragiques, vont freiner la croissance de « Babi ». Mais « Babi » résiste, elle plie mais ne rompt pas, elle sèche ses larmes. Elle n’est plus la capitale politique, et pourtant, elle reste bien au centre du pays, creuset, plus que toutes autres, de toutes les identités ivoiriennes.

L’arrivée au pouvoir d’Alassane Ouattara en 2011 et les années de forte croissance qui vont suivre vont remettre une formidable énergie dans le moteur. On rénove, on construit, les tours montent, on enjambe la lagune par des ponts aussi symboliques que concrets. La nuit, la musique, la culture sont de nouveau au rendez-vous. Les créateurs se retrouvent ici, voguent de maquis en restaurant, de galerie en marché d’art. Avec la croissance, le bond de cette dernière décennie, Abidjan, c’est aussi la cité du business et des affaires, des entrepreneurs, des pirates également, attirés par ce

qui brille. Les avions font le plein, le voyage n’est pas donné, les hôtels, nouveaux ou plus anciens, allument leurs néons et affichent leurs étoiles. Ça bouge, ça fusionne, ça crée, ça rêve en grand. Et puis, il y a cette touche particulière, cette ouverture vers l’extérieur, à l’autre, les maisons qui accueillent l’étranger… C’est rare, finalement. Le Covid-19 entamera à peine ce dynamisme parfois débridé. Juste une pause dans l’activité et la congestion. Mais depuis, les travaux ont repris, les embouteillages aussi, on pense encore à demain, et plus particulièrement à cette Coupe d’Afrique des nations qui arrive, tout début 2024, défi pour la ville et défi pour le pays. Évidemment, la médaille a ses revers. Abidjan, comme toutes les grandes métropoles émergentes, n’échappe pas aux inégalités brutales, aux désordres, aux quartiers spontanés, au manque d’infrastructures, aux défis posés par le climat et le développement durable. Et les efforts qui sont faits pour rattraper le retard, doivent anticiper, en même temps, le futur. Il faut tout à la fois restructurer et penser à demain, à ce qui sera dans dix ou quinze ans. « Comprendre » Abidjan avec ses frontières élargies qui iront quasiment de Jacqueville à Assinie, avec ses 10 millions d’habitants. Une ville plus grande que Ne w York… Il faudrait même s’inscrire dans un horizon encore plus large, plus lointain, dans le demi-siècle à venir. Entre Abidjan et Lagos est en train de naître l’une des grandes « mégalopolis » du futur, 1 200 kilomètres de zones urbaines se touchant pratiquement les unes aux autres, en passant par le Ghana, le Togo, le Bénin…

Ensuite vous invite donc à ce voyage entre hier, aujourd’hui et demain, un voyage à Abidjan, ville ouverte, Perle des lagunes, cité définitivement « afro-globale ».

Bonnes routes ! ■

HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I JANVIER 2023 3
À ABIDJAN édito

JANVIER 2023 Un hors-série

P.22

3 ÉDITO Ensuite à Abidjan par Zyad Limam

6 ZOOM DES GRANDS ANGLES ET DES IMAGES POUR VOUS RACONTER par Zyad Limam

14 COMPRENDRE TENDANCES, CHIFFRES ET ÉVOLUTIONS par Zyad Limam

22 MELTING-POT LES GENS, LES LIEUX, LES SONS ET LES COULEURS Laetitia Ky, sculptrice capillaire

162 POUR CONCLURE En mode nouchi ! par Emmanuelle Pontié

P.46

TEMPS FORTS

46 Il était une fois Abidjan par Élodie Vermeil

56 Bruno Koné : « Prendre en compte le Grand Abidjan » propos recueillis par Zyad Limam

64 Mon Abidjan : #Abidjanthologie par Armand Gauz

66 Yvette Akoua : « Nous avons l’âge de la maturité » propos recueillis par Emmanuelle Pontié

70 Ibrahima Cissé Bacongo, maire en sa commune propos recueillis par Emmanuelle Pontié

74 Ramzi Omaïs : « On est une famille ! » propos recueillis par Emmanuelle Pontié

76 Olga Djadji : « Il faut aller vers les jeunes » propos recueillis par Philippe Di Nacera

82 Siriki Sangaré et Sirandou Diawara : Urbanisme, penser aussi le futur propos recueillis par Philippe Di Nacera

88 Mon Abidjan : L’insaisissable par Venance Konan

90 Rotimi Vieyra : « Prendre toute notre place dans l’essor de la ville » propos recueillis par Zyad Limam

P.56

4 HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I JANVIER 2023
LAETITIA KYKEYSTONE/GAMMAJEAN SOMBRO

94 Hachim Diop, de l'espoir à Bingerville propos recueillis par Philippe Di Nacera

100 L’épopée de l'Ivoire par Élodie Vermeil

108 François-Xavier Gbré : « Les archives dialoguent intimement avec le présent » propos recueillis par Élodie Vermeil

114 Jean Servais Somian, l’homme qui veut rendre Abidjan « design friendly » propos recueillis par Philippe Di Nacera

118 Dorris Haron Kasco, de l’autre côté du miroir… propos recueillis par Élodie Vermeil

124 Mon Abidjan : Une histoire d’amour par Illa Donwahi

126 Thierry Dia, dénicheur de talents propos recueillis par Philippe Di Nacera

130 Mon Abidjan : Artitude par Anna-Alix Koffi

132 Les nouveaux sons de la cité par Jihane Zorkot

138 Ici, on sait rire ! propos recueillis par Jihane Zorkot

145 LE TRAVELER GUIDE

LE VOYAGE, LES SPOTS, LES GENS ! par les voyageurs de la rédaction

ANNONCEURS

NSIA Banque p. 2 – AICI p. 20 -21 - CERCIS p. 25 – ITC p. 27

– Ivoire Facility Management p. 31 – NSIA Assurances p. 37

– Waterfront p. 44-45 – Conseil du Café-Cacao p. 63 - FDFP p. 69 – IDT p. 73 – Accor p. 80-81 – AGEF p. 87 – Port autonome d'Abidjan p. 93 – Fondation Children of Africa p. 113 – Hôtel

Tiama p. 144 – ANAH p. 156 – Orabank p. 163 – SOTICI p. 164

Zyad Limam DIRECTEUR DE LA PUBLICATION DIRECTEUR DE LA RÉDACTION zlimam@afriquemagazine.com

Assisté de Laurence Limousin llimousin@afriquemagazine.com

RÉDACTION

Emmanuelle Pontié DIRECTRICE ADJOINTE DE LA RÉDACTION epontie@afriquemagazine.com

Isabella Meomartini DIRECTRICE ARTISTIQUE imeomartini@afriquemagazine.com

Jessica Binois PREMIÈRE SECRÉTAIRE DE RÉDACTION sr@afriquemagazine.com

Amanda Rougier PHOTO arougier@afriquemagazine.com

ONT COLLABORÉ À CE NUMÉRO

Philippe Di Nacera, Illa Donwahi, Armand Gauz, Virginie Gazon, Anna-Alix Koffi, Venance Konan, Élise Lejeune, Carine Renard, Élodie Vermeil, Jihane Zorkot.

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Commission paritaire : 0224 D 85602. Dépôt légal : janvier 2023.

La rédaction n’est pas responsable des textes et des photos reçus. Les indications de marque et les adresses figurant dans les pages rédactionnelles sont données à titre d’information, sans aucun but publicitaire. La reproduction, même partielle, des articles et illustrations pris dans Afrique Magazine est strictement interdite, sauf accord de la rédaction. © Afrique Magazine 2023.

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France 5,90 Afrique du Sud 49,95 rands (taxes incl.) Algérie 320 DA Allemagne 6,90 Autriche 6,90 Belgique 6,90 Canada 9,99 $C DOM 6,90 Espagne 6,90 États-Unis 8,99 Grèce 6,90 Italie 6,90 Luxembourg 6,90 Maroc 39 DH Pays-Bas 6,90 Portugal cont. 6,90 Royaume-Uni 5,50 Suisse 8,90 FS TOM 990 CFP Tunisie 7,50 DT Zone CFA 500 FCFA ISSN 0998-9307X0 JANVIER 2023 SOFT POWER HISTOIRE, ART, TALENTS, INTERVIEWS BUSINESS LES GENS ET LES IDÉES QUI FONT BOUGER LA VILLE URBANISME LES DÉFIS DE L'HYPER CROISSANCE Travel Guide LE BUZZ, LES SPOTS ET LES BONNES ADRESSES ABIDJAN Un voyage de 164 pages dans la Perle des lagunes, ville fascinante et en mutation permanente, hub global, une des portes de l'Afrique, et melting-pot de cultures et de peuples. Un hors-série L 13978 15 H F: 5,90 € RD
FONDÉ EN 1983 (39e ANNÉE) 31, RUE POUSSIN – 75016 PARIS – FRANCE Tél. : (33) 1 53 84 41 81 – Fax : (33) 1 53 84 41 93 redaction@afriquemagazine.com
NABIL ZORKOTBIYAMA KADAFA
PHOTO DE COUVERTURE : NABIL ZORKOT
P.100 P.114

ZOOM

Des grands angles et des images pour vous raconter présenté par Zyad Limam

MARCHER SUR L'EAU

ON L’APPELLE la Perle des lagunes… Abidjan s'est construite sur ce miroir, cet immense plan d'eau saumâtre de près de 120 000 hectares, le plus grand d'Afrique de l'Ouest, qui s’étend sur des dizaines de kilomètres d'est en ouest. Un paysage unique, où les denses communes s'entrelacent autour des méandres. Et où les ponts (ici, le 4e, en construction, entre Adjamé et Yopougon)

tentent de répondre aux défis de la mobilité… La lagune, c'est l'identité de cette mégalopole polymorphe, mais aussi sa vie, son eau, son poumon, son ouverture également vers l’océan (avec le canal de Vridi). L'hypercroissance menace directement cet écosystème, envahi par les plastiques, les eaux usées, les déchets… L'État, la société civile se mobilisent progressivement. Sauver la lagune, ce sera aussi sauver Abidjan. ■

NABIL ZORKOT POUR AM
8 HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I JANVIER 2023 ZOOM

BUSINESS CENTER

C'EST LA CAPITALE ÉCONOMIQUE, une ville ouverte sur la région, sur le continent, connectée au monde. C'est le centre névralgique d'un pays dont le PIB a déjà doublé depuis 2011, et qui devrait atteindre près de 100 milliards de dollars d'ici à 2030. Les hôtels et les avions sont souvent pleins, la congestion assez permanente. L'effort à fournir sur les infrastructures est essentiel pour qu'Abidjan soit à la hauteur de ses ambitions.

À proximité de l’aéroport Félix Houphouët-Boigny, une nouvelle aire de développement est en train de naître, avec de nombreux projets immobiliers. Avec, au cœur du « dispositif », le nouveau Parc des expositions (photo), dessiné par l'emblématique architecte Pierre Fakhoury. Un outil indispensable pour accueillir de grandes manifestations internationales. Le site devrait abriter, en novembre prochain, la Foire commerciale intra-africaine (IATF), organisée par Afreximbank. ■

HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I JANVIER 2023 9
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CARREFOUR DES ARTS

VOILÀ l'une des nouvelles frontières de l'art contemporain. À Abidjan, il y a de l'argent (ah !), des acheteurs, un marché de collectionneurs, une opportunité générée par plus d'une décennie de croissance. C'est également une ville ouverte aux « autres », à l’altérité, aux voyageurs. Le mélange est détonnant, générateur de créativité et d'audace. De jeunes artistes, dont beaucoup sont issus de l’école des Beaux-Arts de la ville, suivent les traces de leurs aînés illustres, comme Ouattara Watts (photo), Ernest Dükü, Jems Koko Bi, ou plus récemment le phénomène Aboudia. Des galeristes passionnés font bouger les lignes. On attend que la cité accueille un jour une grande manifestation de stature internationale. Et l'on parle d'un projet de musée pour les années à venir. Abidjan est grand ! ■

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ISSOUF SANOGO/AFP

BATAILLE VERTE

AKOUÉDO… Il n'y a pas si longtemps, c'était l'une des plus grandes décharges d'Afrique. La seule de la ville, progressivement absorbée par les constructions. Un véritable risque écologique et sanitaire collectif.

En 2019, la décharge a été fermée, le site entièrement assaini et nettoyé (photo). À terme, un parc botanique verra le jour, un parcours qui doit représenter les paysages naturels de la Côte d'Ivoire. Le projet,

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porté par PFO Africa avec Veolia et le cabinet paysagiste Niez Studio, est particulièrement significatif. Tout d'abord, sur le plan des technologies utilisées, qui pourraient être adaptées ailleurs sur le continent.

Mais aussi, et surtout, en tant qu'exemple de projet de développement durable pour une cité tentaculaire où les arbres disparaissent. Parmi les enjeux, la protection du fameux parc national du Banco,

menacé par l’urbanisation, la coupe illégale… Avec ses 35 km2, c'est le poumon vert d'Abidjan, l'un de ses réservoirs hydrauliques, avec, en son centre, une véritable forêt primaire. ■

NABIL ZORKOT

COMPRENDRE

Tendances, chiffres et évolutions

Destin Abidjan, à l'épicentre

ELLES SONT PEU NOMBREUSES FINALEMENT CES VILLES « AFRO-GLOBALES », qui bougent, qui rayonnent. Où l’on se projette avec un relatif optimisme, où l'on sent du dynamisme, de l’ambition, de « la taille ». Des villes ouvertes sur leur région, sur le continent, sur le monde, avec un métissage des peuples et des cultures, et une ambition business. Bienvenue à Abidjan, capitale économique de la Côte d'Ivoire (la capitale politique est officiellement Yamoussoukro depuis 1983, mais tout cela reste juste officiel…). Né de l'histoire coloniale, Abidjan a su se forger sa propre identité. Devenir elle-même, avec un soft power bien réel, ses musiques, ses artistes, ses fashionistas, ses opportunités qui attirent investisseurs et aventuriers…

Elle a souffert aussi. Depuis la fin des années 1990. Et plus douloureusement encore au lendemain de la crise électorale de novembre 2010. Abidjan était à genoux, exsangue. Les traces des combats étaient sur les murs. L'eau et l’électricité manquaient. Depuis 2011, avec l’arrivée d'Alassane Ouattara au pouvoir, la Perle des lagunes a entamé sa renaissance. La Côte d’Ivoire est sur le chemin d’une croissance rapide, avec une moyenne de 8 % par an. Malgré la pandémie de Covid-19, elle a fait partie du club très fermé des 22 pays à avoir affiché une croissance positive en 2020, avec des perspectives encourageantes depuis. Le PIB du pays a doublé depuis 2011 et devrait atteindre près de 100 milliards de dollars à l'horizon 2030. Abidjan, avec ses 7 millions d'habitants, est à la fois l'épicentre et le symbole de ce second miracle ivoirien. C'est ici que ça se passe. C'est ici que l'on vient chercher fortune, créer, investir. Les avions et les hôtels sont souvent pleins, les investisseurs cherchent des opportunités. La Banque africaine de développement (BAD) y a réouvert son siège central en septembre 2014. L’Organisation internationale du cacao (ICCO), implantée depuis 1973 à Londres, s'est installée en avril 2017. Le président Ouattara a entrepris une spectaculaire opération de rénovation du patrimoine immobilier de l’État (tour Postel, tours administratives, tour F, Palais des hôtes, Hôtel Ivoire…). D'importants projets d'infrastructure ont été lancés pour adapter la ville à la modernité, au nouveau siècle : l’inauguration du 3e pont (décembre 2014), les chantiers du 4e et du 5e pont, les échangeurs Solibra et de l'Indénié, le projet de métro, enfin en phase de démarrage, et aussi le Parc des expositions, le projet d'aménagement de l'aéroport Félix Houphouët-Boigny, le projet de transport urbain… Les chantiers sont permanents. Il s'agit tout à la fois de rattraper le retard des décennies perdues (2000-2020), de sortir de la congestion et des embouteillages, et de préparer l'avenir. Cœur battant de l’économie nationale, Abidjan pèse « lourd », peut-être trop lourd. Aujourd'hui, elle représente près de 70 à 80 % du PIB du pays. Et le défi pour l’État est bien de porter le développement hors les murs de la ville, décentraliser la croissance vers les autres Côte d'Ivoire. C’est l’objectif du gouvernement dirigé par Patrick Achi. L'hyper-concentration accentue les stress. Les inégalités sont brutales, plus ici qu'ailleurs dans le pays. Certains quartiers évoqueraient presque la Californie (vers Riviera, par exemple). Les enclaves de pauvreté, les habitats anarchiques soulignent visuellement l'urgence des politiques sociales et de réhabilitation urbaine à long terme. La densité, la taille entraînent un véritable défi écologique, de traitement des déchets, des eaux, d'assainissement de la lagune.

Mais « Babi » a la foi. Ici, entre lagune et océan, à l'ombre des tours et des ponts, entre maquis et marchés, entre l'urbanité riche et l'urbanité pauvre s'écrit certainement l'un des chapitres de l'Afrique du futur. ■

14 HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I JANVIER 2023
DR
Le chef d’État Alassane Ouattara au palais présidentiel, à Abidjan.

Identités Les villes dans la ville

TOUT D'ABORD, ABIDJAN, c'est administrativement et officiellement un district autonome, aujourd'hui dirigé par le gouverneur Robert Beugré Mambé. Il regroupe les 10 communes d'origine (Abobo, Adjamé, Attécoubé, Cocody, Le Plateau, Yopougon, Treichville, Koumassi, Marcory, Port-Bouët), plus quatre sous-préfectures adjacentes (Bingerville, Songon, Anyama, Brofodoumé). Chacune de ces communes se vit, se ressent comme une ville à part entière. Avec son maire, élu, mais aussi sa culture urbaine, son identité, sa densité. La lagune et les distances créent des sphères d'autonomie. Chacune mériterait son livre d’histoire, son guide adapté… Yopougon, avec son 1,5 million d’habitants, est elle toute seule la plus grande ville de Côte d'Ivoire. Plus au nord, Abobo lui contesterait presque ce rang, avec son 1,3 million d'habitants, et dont le regretté Hamed Bakayoko, qui en fut maire, disait : « Ici, c'est un peu comme la CEDEAO, avec toutes ces nationalités qui cohabitent… » Le Plateau, première vitrine du miracle ivoirien, cherche une seconde jeunesse. Cocody cultive son chic et son étendue (vers les Deux Plateaux, Riviera…). Marcory (avec sa fameuse Zone 4) et Koumassi (avant, on disait « la ville au-delà des ponts ») restent les épicentres du commerce et de la nuit. Treichville, nostalgique, voudrait retrouver sa place de plus grand marché d’Abidjan. Pendant que Port-Bouët, la rebelle, s'engage dans le futur avec les nouveaux développements près de l’aéroport Félix Houphouët-Boigny. À ces identités multiples, on pourrait ajouter aussi les plus ou moins 30 « villages » ébriés ou attiés répertoriés, certes fondus dans la cité, mais qui gardent chacun des traditions, des juridictions informelles… Et puis, comment ne pas évoquer tous les nouveaux venus, les immigrants de la région, mais également de plus loin en Afrique, la communauté libanaise, consubstantielle à l'abidjanité, les Français, les Vietnamiens, les Chinois, les Tunisiens, tous les autres attirés par les lumières de la ville… Bref, une cité afro-globale de près de 7 millions d'habitants, un melting-pot assez phénoménal de langues, de cultures, d’énergies, de rêves, d'ambitions… ■

Politique L'année des élections

EN OCTOBRE ET NOVEMBRE PROCHAINS se tiendront les élections locales et régionales. Abidjan sera l'un des enjeux majeurs de ce scrutin avec le renouvellement des conseillers municipaux, et donc des maires, des 10 communes du district. En 2018, au niveau national, les partisans de la majorité présidentielle avaient conquis 92 communes, contre 50 pour le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI). Mais côté Abidjan, les résultats avaient plus contrasté, avec quatre mairies, contre six pour le PDCI-RDA. Le scrutin de 2023 représente donc un intérêt majeur pour le parti au pouvoir, en particulier dans la capitale économique. Abidjan rassemble plus du tiers des votants inscrits dans le pays. Les résultats auront un sens particulier dans la perspective des élections présidentielles de 2025. Et depuis les législatives de mars 2021, les plus ouvertes et les plus inclusives depuis l'indépendance, une tradition de compétition politique à la (presque) loyale s’installe… Les grands barons sont convoqués pour la bataille. Adama Bictogo, président de l'Assemblée nationale, se présentera à Yopougon. Le communicant à succès Fabrice Sawegnon devrait s'attaquer à la mairie du Plateau. Tout comme le patron du port, Hien Yacouba Sié, qui devra chercher à ravir la mairie de Port-Bouët… À l'heure où ces lignes sont écrites, les jeux sont particulièrement ouverts. Et les alliances locales ou nationales ne sont pas à exclure. Fin 2022, une opération de renouvellement et d’enrôlement sur les listes électorales a été menée. De nouveaux électeurs majeurs se sont inscrits, plus jeunes, ajoutant une touche d'imprévisibilité naturelle à ces scrutins… ■

COMPRENDRE 16 HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I JANVIER 2023
PARC DU BANCO
E
ÎLE BOULAY YOPOUGON TREICHVILLE ABOBO COCODY ADJAMÉ KOUMASSI
MARCORY ATTÉCOUBÉ ALAMY LE PLATEAU
CANALDEVRIDI 3
PONT
PORT-BOUËT

Défi Développements durables

ABIDJAN SE DÉVELOPPE, la population s’accroît, le niveau de vie et la densité augmentent. Mais l’ensemble tient sur un écosystème lagunaire particulièrement fragile. Et les pollutions se multiplient. La ville doit faire face à un véritable défi environnemental. Traitement des eaux, gestion des pluies, des déchets industriels et urbains, des plastiques, de la qualité de l’air, protection et valorisation des espaces verts, usure des berges… les urgences sont multiples. Les plastiques et les résidus industriels représentent un danger particulier. Ils ne sont pas biodégradables, s’accumulent sur les berges et menacent les communautés (riches ou pauvres) sur les berges. Côté pouvoir public, la prise de conscience est progressive et réelle. La décharge d’Akouédo [voir pages 12-13] a été fermée et devrait se transformer en parc urbain. Les travaux d’infrastructures visent à décongestionner le trafic et son impact sur la qualité de l’air. On parle de plus en plus de solutions électriques. Objectif : faire muter 30 % du parc dans les années à venir. Enfin, il faut aussi souligner l’important projet de sauvegarde et de valorisation de la baie de Cocody et de la lagune Ébrié (PABC), porté par le gouvernement du Premier ministre Patrick Achi et le royaume du Maroc. Une approche écolo-urbaine particulièrement ambitieuse avec le traitement des eaux et des déchets, la création d’une marina, la construction du 5e pont (Plateau-Cocody) et du rond-point de l’Indénié. Et enfin, l’ouverture de l’embouchure du fleuve Comoé, à Grand-Bassam, pour soulager les eaux de la lagune Ebrié. La clé du futur restera la prise de conscience globale et la mobilisation de tous les acteurs : population, État, entreprises, société civile… ■

Événement Objectif, coupe d’Afrique

C’EST DANS À PEINE UN AN. L’Afrique et le monde auront les yeux braqués sur Abidjan, Bouaké, San Pedro, Korhogo, Yamoussoukro, les yeux braqués sur la Côte d’Ivoire, où se jouera la 34e Coupe d’Afrique des nations de football (CAN). Un retour en Éburnie, quasiment quarante ans après la dernière édition du tournoi au pays (1984). Un véritable événement, un pari en matière d’organisation et d’accueil pour les villes hôtes. 24 équipes participeront à la compétition. Et tout un pays se prépare à soutenir l’équipe des Éléphants, dont le palmarès n’est pas si mal, avec deux trophées continentaux en 1992 et 2015 (et deux finales perdues en 2006 et en 2012). La route vers cette CAN aura été longue et sinueuse, avec en particulier un report de dates afin d’éviter la saison des pluies de juin-juillet, pour le climat plus sec de janvier-février. Les frictions entre les uns et les autres, entre les différences instances (comité d’organisation, fédération, ministère…), et l’épidémie de Covid-19 n’auront finalement pas trop ralenti la mise en place des infrastructures nécessaires, en particulier avec la construction des nouveaux stades (Bouaké, Korhogo, San Pedro, Ebimpé…). Abidjan sera au cœur de l’événement. Ce sera le « camp de base » de la plupart des officiels, des VIP et des personnalités du monde entier. Ce sera l’épicentre du monde du football : associations, Confédération africaine de football, et délégués de la toute-puissante FIFA. Et ce sera aussi un lieu de compétition majeur. Le tout nouveau stade olympique Alassane Ouattara à Ebimpé, construit avec la Chine, a été inauguré le 3 octobre 2020. L’enceinte multisport et multimodale, d’une capacité de 60 000 places, se présente comme l’une des structures sportives les plus modernes du continent, et accueillera évidemment le match d’ouverture et surtout la finale. À quelques kilomètres de là, en plein cœur du Plateau, en bord de la baie de Cocody, le « vieux » stade Félix Houphouët-Boigny a été entièrement rénové, avec une capacité portée à 40 000 places. Tout est presque prêt donc. Et vivement que la fête commence ! ■

COMPRENDRE 18 HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I JANVIER 2023
NABIL ZORKOT
Le stade olympique Alassane Ouattara, à Ebimpé.

Les gens, les lieux, les sons et les couleurs

Laetitia Ky Sculptrice capillaire

Avec plus de 6 millions d’abonnés sur TikTok et 500 000 followers sur Instagram, elle est l’artiste ivoirienne DU MOMENT.

À 26 ANS, Laetitia Ky est aussi connue pour ses sculptures capillaires que pour son combat féministe. Son amour du cheveu apparaît alors qu’elle n’a que 5 ans, quand elle fait sa première tresse à sa petite sœur. Précoce, elle obtient son bac littéraire à 15 ans, puis entame des études de commerce à l’Institut national polytechnique Félix Houphouët-Boigny, à Yamoussoukro, qu’elle abandonne au bout de trois ans pour se consacrer pleinement à sa passion. Le déclic se produit lorsqu’elle tombe sur un album photo d’anciennes coiffures de femmes africaines. Et l’aventure démarre vraiment lorsqu’elle poste l’une de ses créations capillaires (représentant deux mains), qui devient virale. Passant de 4 000 à 25 000 abonnés en une nuit, elle prend pleinement conscience du pouvoir de son art et décide de l’associer à des causes qui lui tiennent à cœur, comme le mouvement #MeToo.

Ensuite : Quelles sont vos sources d’inspiration ? Pourquoi avoir choisi le support capillaire comme moyen d’expression ? Et pouvez-vous décrire votre processus de création, de l’idée à la mise en forme ?

Laetitia Ky : Lorsque je collabore avec une marque, je suis un thème précis. Sinon, les idées me viennent comme des déclics, puis je suis mon intuition. La durée de réalisation varie, pouvant aller de moins de 30 minutes à plus de 3 heures pour une création complexe. J’effectue de nombreux tests avant d’entamer la réalisation finale. Les idées simples, je peux juste les visualiser dans ma tête avant de me mettre à tresser, mais parfois je fais des schémas pour me guider. Puis je m’arme de mes ciseaux, de mon fil de fer et de mes extensions, je me mets devant mon miroir, et je commence le travail. Lorsque j’ai terminé, je pose ma caméra et je prends mes photos au retardateur. Ensuite, je défais mes cheveux et je poste la photo. Mes œuvres sont éphémères. Je m’inspire de musiques, de sons, de discussions. Je puise dans mon quotidien. Il peut arriver qu’une personne me fasse une remarque déplacée, alors je crée pour dénoncer ce que j’ai vécu : le harcèlement de rue, etc.

Quelles sont les causes qui vous tiennent à cœur ? Comment arrivez-vous à faire passer vos messages ?

Deux causes me tiennent à cœur. Tout d’abord, l’égalité des sexes, surtout en Côte d’Ivoire, où la société est très misogyne. J’ai été harcelée par des hommes beaucoup plus âgés que moi, alors que j’avais tout juste 10 ans. Les femmes sont à peine pubères qu’elles doivent faire face à des remarques déplacées. Mais grâce au combat que mènent les féministes en Côte d’Ivoire, certains tabous sont tombés. Les jeunes

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LAETITIA KY
« Je m’arme de mes ciseaux, de mon fil de fer et de mes extensions, je me mets devant mon miroir, et je commence le travail. »

filles s’éveillent et s’expriment. Mon second combat est de représenter une beauté non standardisée, que les femmes africaines s’acceptent comme elles sont, avec leur nature de cheveux, leur teint, sans devoir s’altérer pour se créer une place en société. Le cheveu est l’un de leurs premiers complexes. Elles doivent avoir le contrôle sur leur différence. C’est pour ces raisons que je réalise mes créations sur mes propres cheveux. Tout le message est là : je suis une femme noire et je l’assume. Je veux dire aux autres qu’elles sont assez belles pour se considérer comme des œuvres d’art. Comment définiriez-vous le combat féministe en Côte d’Ivoire ?

Il grandit chaque jour. De plus en plus de femmes créent des associations. Je vais travailler avec l’une d’elles, Akwaba Mousso (« Bienvenue femme »), la première de ce type dans le pays, qui accueillera des femmes victimes de violences et d’abus dans un centre avec des sages-femmes, des psychologues, une section juridique et un service dédié à l’insertion professionnelle. Elles pourront y vivre pour une durée de six mois, renouvelable bien sûr si elles ne se sentent pas prêtes à partir. L’un des plus gros

problèmes est qu’elles n’arrivent pas en général à dénoncer ce qu’elles vivent, car elles ne savent pas vers qui se tourner. J’animerai des ateliers d’expression de soi pour les remettre en confiance. Ce projet sera accompagné par la mairie de Cocody, qui fournira le local, mais c’est possible de multiplier les institutions de ce genre. Bref, les choses bougent. On essaie d’accomplir ce que l’on peut à notre échelle, un pas après l’autre. Mais le combat reste difficile, car la société n’est pas encore tout à fait prête. Si je fais parfois des images très crues, c’est pour attirer l’attention. Je pense qu’il faut décrire la réalité sans prendre de pincettes. On ne va pas parler d’une femme battue ou violée en enjolivant la situation. Quel rôle ont joué les réseaux dans votre ascension ?

Ils ont lancé ma carrière. Au départ, je créais du contenu et j’étais activiste, mais je ne pensais pas pouvoir en vivre. Le premier obstacle que j’ai rencontré a été le fait de vivre en Côte d’Ivoire. Lorsque mes images sont devenues virales, je communiquais en anglais sur les réseaux, et pas mal de personnes pensaient que je vivais en dehors du pays. Je recevais des propositions de casting, de partenariat. J’ai pensé à m’installer aux États-Unis, car c’est difficile de vivre de l’influencing ici. Puis, j’ai postulé pour du modeling, et le problème était le même. Un jour, Elite Model World a organisé un concours, l’Elite Model Look, et je l’ai remporté dans la catégorie influenceur. Malheureusement, la pandémie de Covid-19 a bloqué toutes mes opportunités à l’international. J’ai donc dû me réinventer. J’ai mené des collaborations avec des marques comme Marc Jacobs, Apple, Pinterest, Burberry, etc. Ces projets ont débouché sur d’autres grâce aux réseaux sociaux, et j’ai pu me hisser sur la scène internationale. J’ai également sorti un livre, Love & Justice, en avril 2022, dans lequel je décris mon parcours, mon background de jeune africaine, mon combat féministe… J’ai réalisé près d’une centaine de créations inédites pour cet ouvrage. Styliste, actrice, écrivaine… Vous êtes une artiste polyvalente. Comment réussissez-vous à tout mener de front ?

La comédie a toujours été l’une de mes passions. Comme souvent, l’occasion m’est tombée dessus. Le directeur de casting de La Nuit des rois, de Philippe Lacôte, m’a proposé un rôle dans le film. Nous nous sommes rencontrés et j’ai embarqué pour l’aventure. Mes photos capillaires, elles, ont été exposées à la Biennale de Venise, et je suis en discussion avec des galeries pour continuer à montrer mes photos. Quels sont vos projets pour demain ?

Je vais beaucoup créer pour faire des expositions. J’ai aussi envie de poursuivre ma carrière de comédienne. J’ai commencé le tournage d’une série de Canal+. Et je me demande aussi si, pour la suite, je ne vais pas déménager à l’étranger… ■ Propos recueillis par Jihane Zorkot

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LAETITIA KY
« Tout le message est là : je suis une femme noire et je l’assume. »

Depuis 1981, CERCIS est votre partenaire dans le développement de projets d’aménagements urbains se démarquant par leurs approches écologiques & adaptées.

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TRAVAUX

LA RÉVOLUTION MÉTRO

Longue de 37,5 kilomètres, LA PREMIÈRE LIGNE devrait sortir de terre en 2027. Un projet monumental et un véritable défi.

1 166 MILLIARDS DE FRANCS CFA (soit 1,77 milliard d’euros). Aucun projet d’infrastructure n’avait jamais atteint ces sommets en Côte d’Ivoire. L’enjeu est d’importance : transporter chaque jour 540 000 personnes dans des trains dont la fréquence de passage sera de 1 toutes les 100 secondes. La mise en service de cette ligne de 37,5 kilomètres, prévue en 2027, qui part d’Anyama, la commune la plus au nord d’Abidjan, jusqu’à Port-Bouët, tout au sud, doit engendrer la création de 2000 emplois directs et réduire les nuisances (sonores et de pollution) d’une ville qui suffoque. Est prévue, de surcroît, la construction de 18 stations, 24 ponts, 1 viaduc sur la lagune, 34 passerelles piétonnes, 8 passages souterrains.

« Nous sommes en train de changer toute l’urbanisation d’Abidjan. Non seulement nous construisons un métro, mais nous prévoyons des logements sociaux, des magasins, des écoles, tout au long de la ligne… », a annoncé le Premier ministre Patrick Achi. Confié par l’État de Côte d’Ivoire à un groupement d’entreprises françaises qui compte Bouygues, Alstom, Colas Rail ou encore Keolis, le chantier a enfin démarré, après la signature en décembre 2022 d’un avenant au contrat de construction. Prévus pour durer 66 mois, les travaux ont déjà commencé

avec des démolitions autour de l’emprise de la ligne, notamment dans la commune d’Adjamé. Avant cela, il a fallu expulser plus de 13 000 riverains, dont 7 000 ont à ce jour été indemnisés, à leur grand soulagement.

Côté financement, la France a tout fait pour tenir son rang face à ses concurrents asiatiques, et n’a pas hésité à mettre la main à la poche : la première fois, en 2017, avec un copieux décaissement de 1,4 milliard d’euros pour « sauver le projet », qui avait pris deux ans de retard faute d’investissements. En contrepartie, des entreprises françaises ont raflé la mise, contre des sociétés coréennes qui avaient constitué le premier consortium. Tout dernièrement encore, en novembre 2022, l’Hexagone a accordé un prêt de 250 millions d’euros à la Côte d’Ivoire, sans parler de la visite du ministre de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire, un mois plus tard. Il a signé avec les autorités un avenant au contrat de cession du marché et remis une lettre d’intention de la France pour accompagner financièrement le projet. Les banques Société générale, BNP Paribas et Bpifrance ont également été mobilisées pour le soutenir à hauteur de 1 090 millions d’euros, avec la garantie de l’État. ■ Philippe Di Nacera

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KINAPARA COULIBALY
Elle partira d’Anyama, la c ommune la plus au nord, pour finir à Port-Bouët, tout au sud.

L’ÎLE BOULAY LES PIEDS DANS LA LAGUNE

À 15 m inutes en bateau de la frénésie du centre-ville de la capitale économique, ce petit coin de paradis presque inhabité est le NOUVEAU SPOT de la belle société a bidjanaise.

C’EST COMME un petit coin de paradis de 20 km2, en plein cœur de la lagune Ébrié, pas si loin du port autonome d’Abidjan. L’île principale du chapelet qui entoure Abidjan. Accessible en bateau uniquement, à 15 minutes seulement de la furie de la mégalopole. Une terre presque vide d’habitants, avec quelques familles de villageois, sans eau courante ni électricité. Avec encore de la végétation sauvage et des plantations de cocotiers. Et une zone de mangrove devenue rare sur le littoral ivoirien. L’île Boulay est devenue depuis quelques années le nouveau spot d’évasion de la belle société abidjanaise, mélange de « vie naturelle » et d’endroits plus trendy où se prélasser le week-end. En bateau, en navette, en hors-bord, la « route » est assez spectaculaire. La ville est comme posée sur l’eau. On passe sous les ponts qui enjambent la lagune. Le quartier du Plateau se donne

28 HORS-SÉRIE AFRIQUE MAGAZINE I JANVIER 2023 MELTING-POT ÉVASION

des airs de Manhattan. Le village de pêcheurs appelé familièrement « Zimbabwe » dépassé et le canal de Vridi traversé, nous voici en approche de l’île. Cap sur la Baie des milliardaires. Le point de vue laisse apparaître un panorama de maisons, souvent luxueuses, au bord de l’eau, avec un ponton, que l’on appelle bien modestement des « cabanons ». Les terrains appartiennent le plus souvent aux villageois (droit coutumier), lesquels les louent contre un loyer plus ou moins avantageux.

Ceux qui n’ont pas de cabanons pour le week-end ont d’autres solutions. Au Coconut Grove Lodge, pour un forfait de 50 000 francs CFA, on peut passer une journée au calme, se divertir en faisant du canoë, une partie de pétanque, et déguster un repas de cuisine essentiellement international. Si l’on veut rester une nuit, les chambres

à thème sont accueillantes, tout comme la propriétaire des lieux, Miclo. Ouvert plus récemment, Romano Lodge propose une cuisine proche de la tradition locale et fait profiter de grillades de produits de la mer à foison. Un régal. D’autres établissements, Chez Rodrigue, plus connu, et Chez Valdez, avec ses plateaux de gambas grillés, font le plein le week-end.

On ne peut pas quitter l’île Boulay sans passer par la dernière folie de Fabrice Sawegnon, entrepreneur doué et touche-à-tout, à la tête du groupe de communication Voodoo. Son dernier bébé, le Boulay Beach Resort (BBr), ouvert en février 2020 (mais officiellement lancé en mai 2021, Covid-19 oblige), est un small resort de luxe qui se veut un « mariage entre la modernité et le chic à l’africaine ». Chic, il l’est à n’en point douter. Cher, également. Une clientèle huppée prend d’assaut,

chaque fin de semaine, ce lieu très en vogue et facile d’accès, situé à un saut de puce d’Abidjan. Avec des prestations à la hauteur des meilleurs établissements de ce type et un confort haut de gamme (les suites disposent d’une piscine privée), le BBr ne laisse personne indifférent.

Une journée à l’île Boulay vous donne l’impression d’être au bout du monde, mais comme si vous pouviez entrevoir votre bureau depuis la plage. Pourtant, l’endroit est menacé. En quittant le lieu, on peut voir certaines zones déboisées, des terrains nus, des constructions en cours… La zone est également proche du port autonome, en croissance permanente. On parle d’un projet de pont avec la commune de Yopougon. Des investisseurs étrangers s’intéressaient au site… Le paradis est si proche de la grande ville. C’est le moment de le (re)découvrir. ■ P.D.N.

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Un mélange de « vie naturelle » et d’endroits plus trendy où se prélasser le week-end.
ZORKOT
NABIL

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