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| O CTOBRE NOVEMBRE

DÉCEMBRE 2012 Tichri Hechvane Kislev 5773

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Revue de l'association Aki Estamos Les Amis de la Lettre Sépharade fondée en 1998

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portrait de Jean-Luc Benoziglio — BRIGITTE PESKINE

11 U n journal

judéo-espagnol à Paris en 1864 — ANNIE COHEN BELLAÏCHE

16 M oshe Kastel

(1909 – 1992) — ZELDA OVADIA

18 L a kamiza de Djoha

— HANA SHARABANI

19 E l bas kon el Ermini — DAVID CHIKUREL

20 C onsejos a un muchacho

— SUSANA WEICHSHAHAK

24 R ecettes

traditionnelles


L'édito Jenny Laneurie François Azar

Nous avions rêvé de réunir pendant une semaine, quelques unes des personnalités marquantes du monde judéo-espagnol pour évoquer toutes ses composantes : la langue écrite ou parlée, l’histoire, la géographie, la musique et le chant et, bien sûr, les saveurs de notre cuisine… Nous avions rêvé d’une assistance nombreuse et très réactive qui ne viendrait pas seulement écouter mais aussi parler, échanger, cuisiner, chanter… en un mot vivre le judéo-espagnol comme il ne devra jamais cesser de vivre. Du 7 au 13 juillet dernier, ce double rêve est devenu réalité. C’est grâce au travail réalisé avec nos amis de l’Alliance israélite universelle. C’est grâce au comité scientifique, à l’équipe d’encadrement, aux artistes et à la qualité des intervenants. Et enfin, bien sûr, c’est grâce à vous tous, adhérents anciens, nouveaux ou prochains d’Aki Etamos-AALS, qui êtes venus en nombre. Dans les pages suivantes de ce numéro, vous retrouverez ou découvrirez des images qui témoignent du bonheur partagé. De ces journées sont nés de nouveaux projets et d’abord une nouvelle université d’été en 2013 mais également des ateliers de théâtre, de haketiya et des projets éditoriaux. Ce fut aussi l’occasion pour chacun de redécouvrir ses racines. Chaque parcours est unique et certains n’ont découvert que très tard leur filiation avec le judéoespagnol. C’est le cas de Jean-Luc Benoziglio, auteur d’un livre à succès Cabinet Portrait que vous voudrez lire dans l’heure après l’article que lui consacre une autre très belle signature, celle de notre amie Brigitte Peskine. Grâce à Annie Cohen Bellaïche, vous apprendrez que notre revue, votre revue Kaminando i Avalando avait un ancêtre à Paris dès 1864 ! Vous découvrirez, avec Zelda Ovadia un peintre judéo-espagnol de la Jérusalem des années 30, Moshe Kastel, avant de sourire avec Djoha et de découvrir de nouveaux livres et de nouvelles recettes. Nous voici donc en 5773 et nous vous disons très simplement et de grand cœur : Anyada buena i dulse a todos, kon salud i alegria.


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’accueil à la L Médiathèque.

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ans la D Médiathèque, Marie-Christine Varol et sa fille Suzanne Varol ; sur les écrans, l’exposition des photos d’Enrico Isacco.

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lifsu Sabuncu E devant Benjamin Haymann et Sarah Rozenblum.

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J enny Laneurie, présidente d’Aki Estamos-AALS.

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'inscription L avec l'équipe d'accueil : Françoise Apiou, Annette Loëb, Irène Behar et Denise Cattan (de dos) recevant Isaac Revah.

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Vanessa Paloma.

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oirée S d’inauguration : au premier rang, à droite, Richard Prasquier, président du Crif et S. Ex. Gürcan Türkoğlu, ambassadeur de la République de Turquie auprès de l’UNESCO.

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riel Danan, A directeur de la médiathèque Alliance Baron Edmond de Rothschild (MABER).

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arc Eisenberg, M président de l’Alliance israélite universelle.

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dy Steg, A président d’honneur de l’Alliance israélite universelle.

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ené Benbassat, R responsable de l’atelier de cuisine et Ida Simon-Barouh.

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Crédits photos : AIU

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a chorale L d'Aki EstamosAALS dirigée par Marlène Samoun.

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Liat Cohen.

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Naïma Chemoul.

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Hayati Kafe.

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elda Ovadia Z Salinas, rédactrice de la revue Aki Yerushalayim (Israël).

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illes Veinstein G professeur au Collège de France et directeur d'études à l'EHESS.

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nna A Angelopoulos, psychanalyste.

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able ronde T littérature judéoespagnole de gauche à droite : Marie-Christine Varol, professeur des Universités à l'Institut national des Langues et Civilisations orientales (INALCO) - Gaëlle Collin éditrice et responsable de la librairie du musée d'Art et d'Histoire du Judaïsme - Rosa Sanchez, docteur en linguistique ibéro-romane à l'Université de Bâle - Michèle Bitton, docteur en sociologie et Brigitte Peskine romancière et scénariste.

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andelis P Mavrogiannis (doctorant Paris VIII).

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ervé Roten, H directeur du Centre français des musiques juives.

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enri Nahum, H historien et professeur émérite à la faculté de médecine de Paris.

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braham Bengio, A agrégé de Lettres classiques et directeur adjoint de la Région Rhônes-Alpes.

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Jessica Roda

(doctorante à l'Université de Montréal et de Paris Sorbonne).

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S ilvia Planas Marcé, directrice du musée d’Histoire des Juifs de Gérone et de l’Institut d’Études Nahmanide.

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M ichael Alpert, professeur émérite d'histoire espagnole moderne et contemporaine à l'Université de Westminster.

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M onique Nahon, sociologue.

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G lady Bunan, artiste peintre et Line Amselem professeur agrégée d'espagnol et maître de conférences à l'Université de Valenciennes.

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J ean-Claude Kuperminc, directeur de la bibliothèque et des archives de l'Alliance israélite universelle.

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J ean Carasso Fondateur de La Lettre Sépharade et François Azar Vice-président d’Aki EstamosAALS.

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Moshe Shaul,

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vice-président de l'Autorité nationale du Ladino (Israël). 9

De droite à

gauche : Ida Simon Barouh, Jean Carasso, Moïse Rahmani et Selim Bonfil. 10 7

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L a table ronde finale : « Quel avenir pour les Judéo-espagnols ? »

Crédits photos : AIU

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Ke haber del mundo ? Échos de l’Université d’été

Après l’université d’été judéo-espagnole qui s’est déroulée dans les locaux du Centre Alliance Edmond J. Safra du 8 au 13 juillet derniers, nous avons reçu de nombreux messages des participants. Nous avons choisi de publier celui de la jeune Esther Ackermann qui vit à Genève et dont le premier album en judéo-espagnol est sorti tout récemment.

Quand une petite goutte d'eau rencontre la mer... « Je me sens comme une petite goutte d'eau qui aurait découvert la mer ! ». Telle a été mon impression ressentie à l'occasion de la première université d'été judéo-espagnole à laquelle je par ticipais récemment . Organisée par l'Association Aki Estamos en partenariat avec l'Alliance israélite universelle, cet événement s'est tenu à Paris

du 8 au 13 juillet, autant dire à un moment charnière de ma vie, quelques mois à peine après la sortie mon premier album judéoespagnol. Ce disque a vu le jour comme on navigue sur une eau douce avec pour seul capitaine, ma mère qui m'a montré toutes les directions à prendre, ma mère ma seule source, ma seule référence, mon île. Et puis tout à coup, je découvre à Paris une multitude de personnes passionnées comme moi par le judéo-espagnol, pétries par le miel de cette culture. Nombreuses

ont été les façons de clamer l'amour de ce monde ravivé en permanence comme une petite flamme précieuse : spectacles, expositions, cours de langue et cours de cuisine, films, ateliers chant, conférences réunissant de prestigieuses personnalités venues du monde entier. Ouvrir ses horizons, nouer des liens, apprendre toujours et encore sur un univers dont nous pensions tout connaître : tels ont été les trésors de cette université qui nous a aussi permis de découvrir ou redécouvrir les chanteuses Naïma Chemoul, Marlène Samoun, Vanessa Paloma : ces femmes si profondément impliquées dans leur chant m'ont profondément touchée. Des sœurs de cœur ! J'ai senti que nous faisions partie de la même famille, que nous éclairions notre culture sépharade chacune à notre façon mais unies autour d'une même sensibilité. En parlant de sœur, j'ai cru y voir la mienne dans le visage splendide de l'écrivaine d'origine

tangéroise Line Amsellem, aux longs cheveux de jais : une autre sœur de cœur. « À l’heure où s’efface peu à peu la génération des Judéo-espagnols nés dans les pays de l’ex-Empire ottoman et maîtrisant le judéoespagnol depuis l’enfance, comment transmettre efficacement notre culture ? » L'intitulé de la conférence de clôture à laquelle je n'ai malheureusement pu assister ne soulève en moi aucune inquiétude. Cette culture, dont nous ne souhaitons perdre aucune miette, a de beaux jours devant elle. J'ignorais que tant de personnes la faisaient vivre. Au détour d'un repas chaleureux lors de cet événement, une femme s'est mise à chanter spontanément et ses chants judéo-espagnols ont été repris en cœur par toute la table. Près de moi, deux enfants chantaient du judéo-espagnol avec un plaisir évident. Je me suis alors dis que tous les espoirs étaient permis et que la relève était assurée!

À Paris

28.09 > 29.01 Au Musée d'art et d'histoire du Judaïsme : Exposition « Juifs d’Algérie » À l’occasion du cinquantenaire des accords d’Évian, le Musée d’art et d’histoire du Judaïsme présente une exposition inédite retraçant les grandes étapes de l'histoire des Juifs d’Algérie. L’exposition met en lumière la grande diversité et la complexité des expériences, des trajectoires politiques et sociales des membres de cette communauté. Sont également abordées leur vie religieuse et leurs activités économiques. Enfin, la culture populaire des

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Juifs d’Algérie, notamment les coutumes et les divertissements. La musique n’est pas absente de ce panorama : mélodies synagogales, chants traditionnels, compositions savantes ou populaires issues des traditions arabo-andalouses ou du malouf constantinois. Grâce à un appel de dons, lancé dès 2011 en vue de collecter des archives, auquel ont répondu une centaine de familles, l’exposition fait une large place à la mémoire familiale, à des objets et à des archives conservés depuis plusieurs générations. Commissariat : Anne Hélène Hoog — Conseil scientifique présidé par le grand rabbin René-Samuel Sirat — Comité d’honneur présidé par Enrico Macias


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À Amsterdam

10.10 > 14.10

Un concours international de musique juive Après 2008 et 2010, le Festival International de Musique Juive (IJMF) organise, du 10 au 14 octobre 2012, son troisième concours international. Ce festival accueillera une centaine de musiciens répartis en 24 ensembles venus du monde entier qui interpréteront tous les genres musicaux, de toutes les époques :

ERRATUM

de la musique de la Renaissance au rap et du classique au klezmer, en passant par la musique judéo-espagnole. Le jury sera composé de personnalités éminentes du monde de la musique. Le montant total des prix attribués sera de l’ordre de 100 000 €. Le concert d’ouverture aura lieu le 10 octobre à la synagogue portugaise d’Amsterdam. Plus d'infos sur www.ijmf.org

À Jérusalem

Un concours de poésie judéo-espagnole Arkadash, association créée en 2003 sous l’égide de l’Autorité du Ladino, réunit les Juifs de Turquie vivant en Israël. Elle s’est donné pour objectif de préserver la culture, les traditions et la langue judéo-espagnoles.

Elle dispose d’un centre à Yehud, avec un musée et compte quelque 4300 adhérents. Elle organise des cours de judéo-espagnol, des conférences. Elle a créé une chorale, un groupe Facebook, un site Internet (www.ladino.org.il). Elle a lancé récemment un concours de poésie judéo-espagnole dont les textes sont accessibles sur le site et dont les résultats seront proclamés courant octobre 2012.

Dans notre précédent numéro, la légende de la photo de la page 13 présentait une erreur. Il fallait lire : « En haut Joseph (Peppo) Nahama Mallah (1889-1982) député à Salonique ; au milieu de gauche à droite : Henriette Mallah (1895-1942), Marcel Faraggi à l'âge de 4 ans environ (1909-1970), Léa Mallah (1898-1883). Assise, Mathilde Mallah (1884-1961) épouse Faraggi et mère de Marcel. Les 4 adultes sont frère et sœurs photographiés dans la villa de leur père Nahama Mallah avenue de la Reine Olga à Salonique en 1913 ». Nous remercions Anne-Marie Faraggi d’avoir pris le soin de nous transmettre ce correctif.

À Paris

Exposition et table ronde à l'Espace Rachi À l’occasion de l’exposition organisée par le FSJU et la Fédération des Associations Juives Sépharades, le Centre d’Art et de Culture de l’Espace Rachi Guy de Rothschild organise, le 14 octobre à 17 h, une table ronde sur « Les Grandes Figures Sépharades » depuis le Moyen Âge jusqu’aux temps modernes, avec la participation du Professeur Armand Abecassis. Cet événement clôturera l’exposition ouverte à Rachi depuis le 14 septembre. Il inaugure une tournée nationale de cette exposition à travers tous les centres communautaires et culturels juifs de France. Entrée libre.

Carnet gris  Le bureau de l’Association pour la Sauvegarde du Patrimoine culturel des Juifs d’Egypte ASPCJE annonce, avec une profonde tristesse, le décès d’Albert Oudiz survenu le samedi 25 août 2012. « Avec le départ d’Albert Oudiz, l’ASPCJE perd un très grand et fidèle ami, généreux et chaleureux, ainsi que l’une des grandes mémoires du judaïsme égyptien ».

Luisa Cohen, l’épouse de notre ami et adhérent Pierre Cohen nous a quittés en juillet au terme d’une longue et cruelle maladie contre laquelle elle lutta jusqu’à la fin avec un courage admirable. Née Hassid d’une famille salonicienne, Luisa a grandi à Barcelone où sa famille s’était réfugiée pendant la guerre. Elle avait pour sa seconde patrie espagnole et catalane un profond attachement. Nous garderons d’elle le souvenir d’un être lumineux. Ke su alma repoze en Ganeden.

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| AVIYA DE SER… LOS SEFARDIM

Brigitte Peskine

Aviya de ser… los Sefardim

Cabinet portrait de Jean-Luc Benoziglio

Cabinet portrait Jean-Luc Benoziglio Prix Médicis 1980

Éditions Seuil, collection Points 1980 ISBN: 978-2020510653

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J'ai choisi de vous parler d'un livre en français, écrit par un Suisse il y a un peu plus de 30 ans. Quand je l'ai découvert, en 1980, je ne me sentais pas judéo-espagnole. Je pourrais dire, en plaisantant à peine, que j'avais assez de problèmes pour ne pas m'en fabriquer d'autre. Il m'a fallu encore dix bonnes années pour m'atteler à ce qui deviendra Les Eaux douces d'Europe, puis Buena familia. Sur la couverture de Cabinet portrait, il y a une photo que nous pourrions tous, ici, nous approprier : elle représente une famille ottomane, au début du XX siècle. Un couple et ses quatre enfants. L'homme porte un fez. Jean-Luc Benoziglio a retrouvé cette photo bien après la mort de son père en 1966. Il ne peut la regarder sans ressentir colère et douleur. Parce qu'il ignore si son père est le petit garçon de droite ou celui de gauche.


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À l’enseigne de Cabinet portrait, un certain D. Michaïlides tenait à Edirne (Andrinople) un atelier de photographe. C’est là qu’en 1908 fut réalisé le document ci-contre, sur lequel sont représentés les grands-parents, tantes, oncle et père (debout à l’extrême gauche) de l’auteur. Prénom du grand-père : David. Prénom du père : Nissim. Les prénoms des quatre autres personnages sont inconnus.

Élevé par sa famille maternelle après le divorce de ses parents, il ne sait rien de ses origines paternelles, rien sur ses grands-parents, ses tantes, son oncle. Toute son œuvre est traversée par cette recherche du père. Son premier roman, publié en 1972, s'intitule Quelqu'un bis est mort… « Quelqu'un bis », « l'homme en blouse blanche », c'est ainsi que l'auteur appelle Nissim Benoziglio, né vers 1900 à Andrinople, aujourd'hui Edirne. De vieux papiers d’identité lui apprennent que le sujet ottoman qui porte ce nom a fait ses classes au lycée juif d'Istanbul jusqu'en 1916, date à laquelle il s'est rendu en Suisse, via la Bulgarie, pour y poursuivre ses études. C’est sous le nom de

Norbert Béno qu’il deviendra citoyen helvétique et psychiatre, spécialiste des enfants à problèmes. L'auteur passait un mois par an à Monthey où son père dirigeait la clinique psychiatrique de Malévoz: « Avec mon père, dit l'auteur dans un entretien, je n'ai jamais réussi à avoir de vraie conversation. Il ne m'a rien raconté, et le mot “juif ” n'a même jamais été prononcé entre nous ». Norbert Béno est mort brusquement, quand l'auteur avait 25 ans. Jean-Luc Benoziglio a l'élégance et l'humour pince-sans-rire des désespérés. Dans ce livre comme dans ses autres romans, le narrateur est présenté comme un être sans colonne vertébrale,

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incapable d'aimer, de se fixer, d'être père, de conserver un emploi. Une sorte de clochard qui met son intelligence, grande, et sa lucidité, décapante, au service d'entreprises vouées à l'échec. Dans Cabinet portrait, il raconte son installation dans une chambre de bonne avec les WC sur le palier. Il vient de rompre avec la mère de son enfant, il est seul et choisit un lieu à l'image de son sentiment d'échec. Il possède, on pourrait dire « en tout et pour tout », une immense encyclopédie, héritée de son père, qu'il entrepose faute de place dans les toilettes communes. C'est dans cet endroit, encore plus petit et plus humble que sa chambre minable, qu'il s'enferme, penché sur son encyclopédie, en butte aux tourments de ses voisins et confronté à son angoisse de la maladie et de la mort.

CE N’EST PAS UN HASARD SI LE NARRATEUR CHOISIT L'ENDROIT LE PLUS EXIGU, LE PLUS REPOUSSANT, ET LE MOINS INTIME POUR ENTREPOSER LA MÉMOIRE DE SON PÈRE Il a exaspéré jusqu'à la rupture la femme qu'il aimait, comme pour se prouver qu'il est indigne d'elle ; quant à la petite fille qui lui est née comme par accident, il n'ose s'en approcher tant il a peur de ne pas savoir l'aimer, de reproduire l'attitude de l'homme en blouse blanche. Seul, désœuvré, le double de Jean-Luc Benoziglio continue de se perdre en conjectures sur la personnalité de son géniteur. Il lui en veut d'avoir emporté ses secrets

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avec lui, mais l'aurait-il interrogé s'il avait vécu ? Cabinet portrait est un roman, et ce n’est pas un hasard si le narrateur choisit l'endroit le plus exigu, le plus repoussant, et le moins intime – puisque les voisins ne cessent de frapper à la porte – pour entreposer la mémoire de son père, ces 25 tomes où il aura beau chercher, il ne trouvera pas la réponse aux questions qu'il se pose. Par association d'idées, il passe d'un mot à l'autre, Juif, Sépharade, Andrinople, marrane, cancer, Suisse, père, psychiatre… Extrait du roman : « Une seule fois dans sa vie, (en dehors du portrait de groupe que je ne devais découvrir que bien après sa mort), mon père avait déboutonné sa blouse blanche pour sortir de sa poche une photographie représentant une petite fille de mon âge, endimanchée en l'honneur de je ne sais plus quelle fête rituelle. Pas en l'honneur du dimanche tout court, en tout cas, puisque, pour eux comme pour moi, mais pour des raisons différentes, ce jour-là est un jour comme les autres. Confus. “C'est ta cousine” avait-il dit. Shalom, cousine. Shalom spécial. Ah ah ah. Tssst… J'ai longtemps contemplé la photo. Trop longtemps sans doute. Car lorsque je me suis risqué à demander à l'homme en blouse blanche le prénom de la cousine, il s'était déjà reboutonné jusqu'au col. Adieu cousine ». Oh, le narrateur a un peu essayé de grandir… Il a écrit à la cousine, après la mort de son père. A-t-il posté la lettre ? En tout cas, elle est restée sans réponse. Il a même envisagé d'aller en Turquie, en voyage de noces, tiens, pourquoi pas ? La femme aimée donne son accord. Il pousse la porte d’une agence de voyage, espérant que la complexité des démarches à effectuer lui fournirait une excuse pour renoncer. Mais non, rien de plus simple… Là-dessus, quelques échauffourées en Turquie lui permettent de repousser le voyage. Ouf. Le répit n'est que de courte durée. Et au moment où il semble qu'il ne pourra pas y couper, surprise ! Il reçoit un coup de téléphone de la cousine Truc, pardon « turque ».


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Qui est-elle, d'où vient-elle, que veut-elle ? Serait-ce la fin des angoisses existentielles de notre anti-héros ? Il va découvrir une famille, une histoire, un terreau où s'enraciner. Il deviendra un autre homme, normal peut-être, à condition que cette normalité ne le fasse pas ressembler à ses voisins de palier, il ne faut quand même pas pousser… Il va même peut-être se réconcilier avec sa compagne ! Il est impatient, il a peur, il est en retard, et bien sûr, il est déçu: la cousine, son mari et leur gamine sont des personnes ordinaires, voire déplaisantes, qui n'attendent de lui qu'une chose: une aide matérielle, aide que Nissim le bien-aimé leur assurait jusqu'à sa mort et dont ils manquent présentement. Allons bon : l'homme en blouse blanche avait un cœur ? Il soutenait financièrement une parentèle dans le besoin ? En Turquie ??? L'auteur se sent floué, encore plus orphelin de n'avoir jamais connu ni compris son père. Mais, comme disent les enfants en cour de récréation : « C'est lui qui a commencé ! ». Dans les relations père / fils, a fortiori dans les relations pédopsychiatre / enfant à problèmes, c'est à l'adulte de répondre aux questions, même si elles ne sont pas formulées. D'anticiper le manque… Ce passé turc était-il si douloureux, si terrible qu'il a fallu le gommer ? Qu'est-ce que Nissim a fui ? Replié sur son encyclopédie et le siège des WC, l'auteur joue les victimes expiatoires et se laisse persécuter par son horrible voisin, un Polonais forcément antisémite. Croit-il se rapprocher de son père en jouant les boucs émissaires, en souffrant ce qu'ont vécu, peut-être, les membres d'une famille d'inconnus, en devenant le Juif des autres, lui qui a été élevé en bon Chrétien ? Mais il a beau tirer la chasse, la tirer encore et toujours, les matières de son imaginaire fétide ne s'évacuent pas. C'est drôle, c'est impertinent, c'est triste. Tout encombré de lui-même et de son encyclopédie, le narrateur finira par déménager à nouveau, éternel Juif errant qui veut comprendre, qui veut mettre un mot sur le mal dont il souffre,

mais qui préfère aussi ne rien savoir pour inventer le pire. J'ai rencontré Jean-Luc Benoziglio en 1986, à Genève, où nous participions à une émission littéraire pour la télévision. Il présentait un autre livre, et moi mon premier roman. Ces deux ouvrages n'avaient rien à voir avec les Judéo-espagnols et pourtant, dans la salle de maquillage, il m'a parlé de ses origines. « Tiens, c'est drôle, moi aussi ! » ai-je dit, avant d'ajouter que je ne savais rien de cette partie de ma famille. J'avais lu et aimé Cabinet Portrait quelques années auparavant. Comment avais-je pu effacer de ma mémoire cet aspect de l'histoire ? Alors que l'auteur et son écriture m'avaient touchée, marquée même !

LA QUESTION EST : QU'Y AVAIT-IL AVANT, COMMENT « ÇA » PEUT DISPARAÎTRE ? Contrairement à Jean-Luc Benoziglio, je n'ai jamais vu de photo de mon grand-père avec un fez sur la tête. Je doute qu'il en subsiste, tant était violent le désir d'effacer toute turquerie du roman familial. Personne ne faisait allusion à la vie de mes grands-parents à Salonique ou Istanbul, personne ne parlait ladino. Il subsistait quelques objets, un moulin à café en cuivre, un tapis…, qui auraient pu être achetés lors de voyages touristiques puisqu'ils ne m'étaient nullement présentés comme des reliques. Et les borekitas de ma grand-mère. Quand j'ai commencé les recherches pour écrire Les Eaux douces, j'espérais qu'en comprenant d'où je venais, je saurais mieux qui je suis. J'ai appris des tas de choses, et même découvert que je figurais au beau milieu d'un arbre généalogique de huit mètres de large. Je croyais n'avoir aucun cousin, j'en avais des dizaines. Mais ça ne change rien. La part d'ombre reste la même. Je n'en sais pas plus que les rares fois où je deman-

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dais à ma grand-mère pourquoi elle avait quitté Constantinople. Elle faisait un geste d'évidence : « Parce qu'il n'y avait plus rien, c'était fini… ». Et on passait à autre chose. La question est : qu'y avait-il avant, comment « ça » peut disparaître ? J'en sais plus et je ne sais rien. J'ai accroché dans mon escalier un portrait de mon arrièregrand-père coiffé d'un fez. J'ai découvert que mon père aidait financièrement quelques cousins de mon grand arbre… J'ai relu Elias Canetti et Albert Cohen. J'ai rencontré Clarisse Nicoïdski et Moïse Abinum. J'en sais plus et je ne sais rien. Comme Jean-Luc Benoziglio, je fais partie de la génération du silence. Annie Benveniste, dans son ouvrage Le Bosphore à la Roquette a très bien parlé de l'amnésie des Judéo-espagnols : quand elle les interrogeait sur leur départ de Turquie, leur voyage en bateau, leur arrivée en France dans les années 1910 ou 1920, elle n'obtenait rien. Comme si ce n'était rien de quitter l'Orient, le calendrier juif, une façon de vivre séculaire. Leurs souvenirs commençaient avec le traumatisme de la Seconde Guerre mondiale. Quand j'ai lu Cabinet portrait en 1980, j'ai fait preuve de la même amnésie. Je me souvenais de l'humour noir, des WC, du cancer, des voisins, mais pas des Turcs. L'homme en blouse blanche a peut-être attendu toute sa vie les questions de son fils. Comme ma grand-mère attendait peut-être que je l'interroge sur la juderia de Haskeuy où elle a passé les trente premières années de sa vie. JeanLuc Benoziglio est né en 1941, moi dix ans plus tard mais les cendres d'Auschwitz étaient encore chaudes. Nos parents n'avaient pas les mots pour en parler. Même entre eux, puisque nos mères n'étaient pas sépharades. Plus tard, dans les années 1960, les mots rupture, exil, bateau concernaient les rapatriés d'Algérie. Le mot Sépharades aussi. Ça ne simplifiait rien. Ensuite, eh bien c'était trop tard : nous étions devenus trop critiques, trop intransigeants. Mai 68 était passé par là. Élevés en marranes, nourris de

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psychanalyse, nous nous sommes arc-boutés sur notre mal être, dont nous avons fait notre fonds de commerce. Nos parents voulaient nous protéger, nous nous sommes vengés en leur refusant nos questions. Pour nous, le passé ottoman des Judéo-espagnols avait des relents de colonialisme : les Juifs, comme les Grecs ou les Arméniens avaient un statut spécial. Nous condamnions les statuts d'exception. Sans savoir, sans comprendre. Il faut avouer que c'était compliqué. Ils ont choisi le silence, et nous, toujours prêts à juger, le leur avons amèrement reproché. Après cette rencontre à Genève, j'ai découvert que Jean-Luc Benoziglio habitait à Paris à cent mètres de chez moi. Nous nous sommes plusieurs fois croisés dans la rue, sans jamais nous reparler, comme si chacun sentait en l'autre un abîme trop dangereux, trop semblable au sien. Le texte de Brigitte Peskine reproduit ci-dessus a été prononcé le 9 juillet 2012 lors de l’université d’été judéo-espagnole. Brigitte Peskine est écrivain et notamment l’auteur des Eaux douces d'Europe (Seuil, 1996) et de Buena familia (Nil/Laffont, 2000). Dans ce roman historique en deux volumes, elle évoque la vie de Rebecca Gategno, née dans la djuderia de Haskeuy, à Istanbul, à l'aube du XX siècle et confrontée aux traditions patriarcales de sa communauté.


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Annie Cohen Bellaïche

Un journal judéoespagnol à Paris en 1864 Bien que les Judéo-espagnols soient à cette époque très peu nombreux à Paris, un journaliste, Ezra Benveniste, originaire de Jérusalem, y arrive au début de l’année 1864 avec l’intention de fonder un journal : El Verdadero Progreso Israelita, gazeta semanal relidjiosa, moral i comersial. Son lectorat en France est quasi inexistant mais, d’après son rédacteur, ce journal, qui paraît de juillet à décembre, est en premier lieu destiné aux Juifs d’Orient. Ezra Benveniste est né à Jérusalem en 1827 et, après une éducation traditionnelle à Constantinople, a fait de multiples séjours dans les capitales européennes. Il y a rencontré nombre de personnages influents tels que Rabbi Yehuda Alkalay, Rabbi Reuven Baruch, Rabbi Yakir Gueron. Il appartient à cette génération de journalistes qui ont posé les bases du journalisme juif en Europe et en Orient. On peut citer parmi eux ses amis Israël Bek (Havazeleth, 1863), Shem Tov Semo (El Dragoman,1853, El Correo de Viena), Yehiel Bril et Michal HaCohen (HaLebanon,1863) et bien d’autres.

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À l’origine, Ezra Benveniste aurait voulu fonder son journal en Erets Israël, mais à cause des difficultés pour obtenir un firman en Palestine, il s’installe à Paris où, depuis quelques années, le gouvernement du Second Empire a considérablement assoupli la censure. Il veut également se rapprocher de l’Alliance israélite universelle, fondée en 1860 et dont il partage les idées de solidarité, émancipation et progrès. La seule collection originale, d’ailleurs incomplète, de son journal se trouve à la Bibliothèque nationale à Paris. Il est rédigé en judéo-espagnol et certains articles sont en hébreu. Dans les six premiers numéros apparaît une page en français qui disparaît, laissant une place plus importante aux nouvelles commerciales et aux cours des différentes Bourses. Dans le premier numéro, le rédacteur publie la lettre d’encouragement qu’il a reçue du Consistoire. Celui-ci soutient son initiative de « répandre la lumière de l’instruction parmi ses frères du Levant [...], de leur montrer comment les intérêts sacrés de la religion peuvent se concilier avec les progrès de la civilisation ». Les quelques mois précédant la parution du premier numéro ont été consacrés à sa préparation et à la recherche de subventions. Les archives de l’Alliance nous apprennent qu’il a sollicité une aide financière en contrepartie de laquelle le Comité Central l’a prié de propager ses idées : « Persuadés que vous aurez à cœur de diriger cette publication dans un esprit conforme aux tendances de notre Société, nous avons chargé M. le rabbin Astruc de vous désigner quelques sujets d’articles que nous aimerions voir traiter par votre estimable journal dans l’intérêt de nos coreligionnaires du Levant ». Une grande partie du journal est consacrée aux nouvelles des communautés juives de l’étranger. Ces articles sont issus, pour la plupart, de journaux comme Les Archives Israélites, L’Univers Israélite, le Jewish Chronicle ou encore Le Siècle et Le Moniteur.

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Par ces chroniques qui donnent des nouvelles de pays fort éloignés, Ezra Benveniste essaye de susciter la solidarité de ses lecteurs envers les communautés juives à travers le monde. En revanche, il déplore ne recevoir que trop peu de nouvelles en provenance de Turquie. Il profite de toutes les rubriques de son journal pour souligner que seul le progrès pourra aider ses frères d’Orient à occuper la place qui leur revient dans le monde. Sans doute reste-t-il très religieux dans ses articles ; il affirme toutefois qu’il n’est pas hassid et qu’il opte plutôt pour une voie moyenne. Pour Ezra Benveniste, tout ce qui est du domaine religieux ne doit pas être modernisé, mais il est essentiel que les enfants reçoivent une éducation qui leur permette de trouver un métier. C’est pourquoi il préconise l’étude des sciences et des technologies nouvelles sans que soit négligée l’étude de la Torah. Selon lui, nos sages sont des hommes de religion et en même temps des philosophes et des hommes de science. Ezra Benveniste exhorte ses lecteurs à aller vivre en Erets Israël. Il leur parle du développement des colonies agricoles, du nouvel essor du port de Jaffa et, en même temps, il décrit la situation matérielle difficile des habitants du Yichouv et lance des appels afin de leur apporter de l’aide. Dans des articles intitulés Avlas del Progreso (« Paroles du Progrès ») le rédacteur fait part aux lecteurs de nouvelles concernant le journal. Il y explique les difficultés de sa tâche et ses problèmes financiers. Ce sont ces problèmes financiers qui ont entraîné l’interruption du journal après six mois de parution, fin décembre 1864. Il s’en expliquera dans le n° 20 du Havazeleth en judéo-espagnol, son second journal qui paraîtra à Jérusalem en 1870.


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Première page du journal hebdomadaire, moral et commercial El verdadero progreso israelita, anyo primero, n° 10, 7 octobre 1864.

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Vital Eliakim en costume d'evzone à Salonique en 1936. Vital Eliakim est né le 10 juin 1928 à Salonique de Moïse et Nina Eliakim, née Hassid. Il a effectué ses études secondaires au lycée français puis grec. Ses parents ont tous disparus dans la Shoah. Sa mère, Nina, fut déportée de Salonique en 1943. Son père, Moïse, fut déporté avec sa mère Léa ainsi que sa sœur Julie le 9 novembre 1942 par le convoi n° 44 de Drancy à Auschwitz. Vital survécut en se cachant dans les montagnes auprès de la résistance grecque. Après-guerre, Vital étudie la médecine en Grèce, puis à la faculté de Paris. Il est avec son épouse Madeleine, également médecin, membre fondateur du comité directeur d’Aki EstamosAALS. Photographe : Papadakis. Collection : Vital Eliakim. Photothèque sépharade : Enrico Isacco.

Enrico Isacco a constitué depuis près de vingt ans une remarquable photothèque du monde sépharade en numérisant les clichés qui lui sont prêtés et dont il assure ainsi la préservation et la diffusion.

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Delizia (Dolly) Modiano entourée de ses parents Samuel (Sam) et Alice Modiano à Salonique en 1935. Samuel Modiano, né le 20 septembre 1894, est de nationalité italienne. Il s’est marié en 1921 à Salonique avec Alice Raphael. Ils ont eu deux enfants, Delicia (Dolly) et Abramo Alberto (Tico). Pendant la Seconde Guerre mondiale, Samuel et Alice Modiano échapperont à la déportation en se cachant, à Athènes, chez les Mavridis, famille grecque orthodoxe. Dolly Modiano survécut de son côté en rejoignant clandestinement la Palestine mandataire en 1943. Elle épouse en secondes noces à Paris Isaac Benozio. Elle est fondatrice et présidente d’honneur d’Aki Estamos-AALS. Collection : Dolly Benozio. Photothèque sépharade : Enrico Isacco.

SI VOUS POSSÉDEZ DES PHOTOS DE VOTRE FAMILLE et des lieux qu’elle fréquentait nous vous conseillons vivement de prendre contact avec notre ami Enrico Isacco en lui écrivant (indianart@ wanadoo.fr) ou en lui téléphonant au 01 43 26 34 38.

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| EL KANTONIKO DJUDYO

Zelda Ovadia

El kantoniko djudyo

Moshe Kastel (1909 – 1992) M

oshe Kastel, es un pintor israeli ke se distingio por su estilo i su teknika orijinal. El era desendiente de una famiya sefaradi ke yego1 a Erets Israel despues de la Ekspulsion de los djudios de Espanya en 1492. Segun2 lo indika su nombre, su famiya era orijinaria de la rejion de Castilla. Moshe Kastel nasio en Yerushalayim en 1909. Despues de aver terminado sus estudios en la eskola de artes Betsalel, a la edad de 18 anyos, el partio a Paris onde estudio en la Akademia Julian i en otras eskolas mas. Sus primeras pinturas tenian3 por tema rekuerdos4 de su chikez5 i panoramas de Erets Israel. Moshe Kastel ekspozo sus pinturas en las mas famozas galerias del mundo, en sivdades6 komo Paris, New York i otras. El investigo tambien la istoria i el dezvelopamiento de la pintura en Italia, en Sienna i Firenze.

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Kon el tiempo el troko7 los temas en sus pinturas i dezvelopo una teknika muy orijinala. El molia8 piedras de bazalto redusiendolas9 a un polvo muy fino ke mesklava10 kon las kolores, lo ke le permetia de obtener en sus pinturas una tekstura muy espesiala. Los anyos 30 fueron la epoka en la kuala el pinto mas panoramas i personajes de Erets Israel. Mas tadre el se inspiro de la antigua eskritura ebrea, lo ke, djuntos kon la tesktura partikulara de sus pinturas, le permetio de obtener efektos ke aserkavan11 su estilo a la epoka de Ur Kasdim i de Avraam Avinu. Una grande parte de las ovras de Kastel son eskpozadas en el muzeo a su nombre ke fue fraguado 12 sovre una de las kolinas en Maale Adumim. El lugar fue deskojido13 en 1981, por Moshe Kastel i su mujer Bilha en el dezierto de Yeuda, enfrente de Yerushalayim. Entre las ovras las mas importantes de Moshe Kastel, ke murio en 1992, se topan las dos pinturas Muro de Gloria a Yerushalayim i La Megila de Oro, en la grande sala de resepsiones de la rezidensia prezidensiala en Yerushalayim, ansi ke la murala14 Kante de Loores a Yerushalayim, en la Kneset.

1. yego : arriva (de yegar, arriver). 2. segun : comme, selon. 3. tenian : avaient (de tener, avoir). 4. rekuerdos : souvenirs. 5. chikez : enfance. 6. sivdades : villes. 7. troko : changea (de trokar, changer). 8. molia : il moulait (de moler, moudre). 9. redusiendolas : en les réduisant. 10. mesklava : il mélangeait (de mesklar). 11. se aserkavan : s’approchaient (de aserkarse). 12. fraguado : construit. 13. deskojido : choisi (de deskojer). 14. murala : peinture murale.

Page de gauche : Mordekhaï and Aman Ci-contre : Daughter of Jerusalem, 61 cm

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| EL KANTONIKO DJUDYO

Kontado por Hana Sharabani, 1985. In Djoha Ke Dize ? Kuentos populares Djudeo-espanyoles arekojidos, redaktados i traduizidos en ebreo por Matilda Koen Sarano.

La kamiza de Djoha La chemise de Djohra

Éditions Kana Jérusalem, 1991

Hana Sharabani François Azar (traduction)

A

nd’avia de ser de un rey, ke stava hazino, i le trusheron tantos medikos i no se sano. Vino una vieja, ke azia kuras a los ijos del rey, i disho ke, para ke el rey se amahara, kaliya ke se vistiera la kamiza de un ombre orozo. Ma, tanto ke bushkaron, no se topo un ombre orozo, porke kada uno tinia su ansia. Asta ke, bushkando… bushkando, arivaron a un kampo i lo vieron a Djoha, ke stava aya riyendo i kantando. Le demandaron : « tu stas orozo ?! » « Si, » les disho Djoha, « yo sto muy orozo ! No me sta mankando nada ! » Le disheron : « Te vas azer riko I vas a star mas orozo de lo ke stas; solo damos tu kamiza ! ». Ma kuando vinieron a deznudarlo para tomarle la kamiza para el rey, toparon ke Djoha… no tinia kamiza !

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Il était une fois un roi malade et on avait beau lui présenter médecin après médecin, il ne guérissait pas. Une vieille se présenta, qui faisait des remèdes pour les enfants du roi, et elle dit que pour que le roi guérisse, il faudrait qu’il se vêtît de la chemise d’un homme heureux. Mais, on eut beau chercher, on ne trouva pas d’homme heureux, car chacun avait ses soucis. Jusqu’à ce qu'en cherchant bien, on parvienne à un champ où l’on vit Djohra riant et chantant. On lui demanda : « Tu es heureux ?! » « Oui » répondit Djohra, « Je suis très heureux ! Je ne manque de rien ! » On lui dit : « Tu vas devenir riche et tu vas être plus heureux que tu l’es ; donne-nous seulement ta chemise ! ». Mais quand on le dénuda pour lui prendre la chemise et l’apporter au roi, on trouva que Djohra… n’avait pas de chemise !


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El bas kon el Ermini Le pari avec l’Arménien

Raconté par David Chikurel, 1984. In Kuentos del Folklor de la Famiya Djudeo-Espanyola de Matilda Koén-Sarano Éditions Kana Jérusalem, 1991

David Chikurel François Azar (traduction)

A

via en Izmir un bogachadji1 djidio, ke vindia en la kaleja kon una tavla bogachas i guevos haminados. I avia un ermini, ke se burlava del bogachadji, se dakiliava kon el i le dizia : « Tu sos bovo ! Tu no saves azer kuentos ! » Un dia el buen djidio s'inyervo i le disho : « Yo se mas entelijente de ti, i te lo v'a provar ! ». Yamo por shaetes a dos personas de la kaleja, i les disho : « Lo ke v'a azer yo kon ojos serrados, el ermini no lo va poder azer kon ojos aviertos ! ». Le disho al ermini : « Kita paras ! Yo esto kitando sinko liras, i tu da sinko liras ! El shaet va dentener las paras. « El ermini acheto, kito sinko liras i se las dio a uno de los shaetes. El djidio tomo la pimintera de pimienta, serro los ojos, i se arrego toda la pimienta sovre los ojos serrados. Despues se alimpio los ojos serrados kon un trapo, i le disho al ermini : « Agora es la sira tuya de azer la mizma koza kon los ojos aviertos ! »

Il y avait à Izmir un vendeur de bogachas1 juif, qui vendait dans la rue sur un étal des bogachas et des œufs durs. Un Arménien se moquait du vendeur de bogachas, il se riait de lui et lui disait : « Tu es idiot ! Tu ne sais pas compter ! » Un jour le bon Juif s’énerva et lui dit : « Je suis plus intelligent que toi et je vais te le prouver ! ». Il prit à témoins deux passants et leur dit : « Ce que je vais faire moi avec les yeux fermés, l’Arménien ne pourra pas le faire avec les yeux ouverts ! ». Il dit à l’Arménien : « Sors l’argent ! Je mets cinq livres, et tu mets cinq livres ! » Le témoin gardera l’argent. L’Arménien accepta, sortit cinq livres et les donna à un des témoins. Le Juif prit du piment de la boîte à épices, ferma les yeux, et dispersa tout le piment sur ses yeux fermés. Ensuite il se nettoya les yeux avec un chiffon et dit à l’Arménien : « Maintenant c’est à ton tour de faire la même chose les yeux ouverts ! ».

1. bogachadji (en turko bogaçaci) : vendedor de bogachas i de boyos. 1. (du turc boğaçaci) : vendeur de bogachas et de boyos (pâtés feuilletés au fromage ou à la viande hachée).

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Consejos a un muchacho Conseils Ă un jeune homme Par Susana Weich-Shahak

MIRA BIEN DE MADRUGAR (SALONIKI) Mira, ver de madrugar y d'alevantarte, primo hecho ke aras : la kara lavarte y despues andarte a la santa kehila a demandar piada te iras al echo, te verĂĄs provecho. Mancebo te izites, por tomar esposa no te enganyes de paras ni de facha hermosa : sea venturosa y dulce en el avlar, sea de kasta alta, si es de famiya te salva la vida.

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Isaac Azar à vingt ans, bijoutier au Caire, juin 1921. Photographie adressée à sa fiancée six mois avant leur mariage.

VEILLE À TE RÉVEILLER TÔT (SALONIQUE) Veille à te réveiller tôt et à te lever, Première chose que feras : Te laver le visage, Ensuite tu te rendras À la sainte synagogue Pour implorer pitié Tu iras travailler, Et gagneras ta vie.

Jeune homme tu es devenu, Pour prendre une épouse. Ne te laisses pas abuser Par l’argent ou la beauté : Qu’elle ait de la chance, Parle avec douceur, De haute naissance, Si elle est de bonne famille Elle te sauvera la vie.

Ethnomusicologue israélienne, Susana Weich-Shahak enseigne au Centre de recherche sur les musiques juives de l’université hébraïque de Jérusalem et à l'université de Haïfa. Elle a recueilli dans les années 1970 à 1990 une collection exceptionnelle de chants judéo-espagnols qui a contribué à enrichir la phonothèque israélienne. Parallèlement à son enseignement, elle a publié plusieurs ouvrages, livres et disques, portant sur les répertoires des traditions séfarades des Balkans et du Maroc. Lors de l’université d’été judéo-espagnole de juillet dernier, elle a présenté, dans une conférence, le répertoire musical judéo-espagnol, décrivant et analysant ses trois genres traditionnels : le romance, la copla et la cantiga. Cerise sur le gâteau, elle a chanté, en clôture de ces journées, à l’intention des participants, la petite copla ci-contre recueillie par ses soins.

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| PARA MELDAR

Para meldar Le nouveau dictionnaire judéo-espagnol / turc Éditions GÖzlem, Istanbul juin 2012 550 pages Europe et Israel : 18 € (broché) ou 24 € (cartonné)

Nous l’attendions depuis deux ans. Le nouveau dictionnaire judéo-espagnol / turc de Klara Perahia, édité par Karen Gerson Sharon, vient de sortir. Notre amie Rachel Amado Bortnick, qui s’est précipitée pour l’acheter, en fait une large description en judéo-espagnol dans le forum Ladinokomunita en date du 5 septembre 2012. Nous donnons ci-dessous — en traduction — de larges extraits de son commentaire. « Cette nouvelle édition est sensiblement amplifiée par rapport à la précédente en nombre d’entrées » souligne Rachel Amado. « Cependant, elle ne contient pas la contrepartie turc / judéo-espagnol. La différence la plus importante est constituée par les informations sur la langue judéo-espagnole contenues dans les quarante pages d’introduction ».

« Ces pages, de même que la préface du professeur Haïm Vidal Sephiha, sont écrites en judéo-espagnol, ce qui rend le livre très utile, même pour ceux qui ne parlent pas le turc. On y trouve des éclaircissements sur la manière dont la langue s’est construite et sur les différences entre le castillan d’aujourd’hui et le judéo-espagnol. L’origine, et le genre de chaque mot sont indiqués ainsi que les synonymes (s’il y en a). L’orthographe est plus proche du système d’Aki Yerushalayim que ne l’était le précédent dictionnaire. Une section de grammaire donne la conjugaison des verbes et plus encore ».

l’ancienne édition, page 195, entre le mot « sarten » et le mot « secreto/ta » elle a compté 62 mots ; dans la nouvelle édition (page 433 à 436), elle en a trouvé 92 soit 30 de plus, compte tenu d’un mot supprimé. « Si l’on constate déjà de tels changements par rapport à une seule page de l’ancienne édition, on imagine ce qu’a pu être le travail réalisé pour éditer l’ensemble de l’ouvrage ! ». Comme le fait Rachel Bortnick, Aki EstamosAALS, tient à féliciter et à remercier Klara Perahya, Karen Gerson Sharon et leurs collaborateurs pour l’important travail qu’ils ont réalisé et leur souhaitent, pour l’année 5773 qui commence, santé, joie et prospérité. —

Pour commander le dictionnaire, écrire à Emel Benbasat : sephardiccenter@gmail.com ou aymyly@gmail.com Pour lire l’article de Rachel Bortnick en judéo-epagnol : http://xa.yimg.com/kq/groups/ 395020/929014847/name/ l+Muevo+Diksionaryo+Judeo+2.doc

Pour avoir une idée de la différence entre les deux éditions quant au nombre des mots répertoriés, Rachel a compté le nombre de mots dans une série spécifique : dans

Si je t'oublie, Rhodes… Mémorial de la communauté juive de Rhodes (Grèce) Jacqueline Benatar, Myriam Benatar

Pour réaliser ce mémorial, Jacqueline et Myriam Benatar ont travaillé sur les fiches de recensement établies par les autorités italiennes, en 1939, à la suite de la promulgation des lois raciales de 1938. Elles ont consulté les feuilles de témoignage de Yad Vashem et différentes listes de nombreux autres organismes. Pendant plus de 10 ans, elles ont essayé de reconstituer chaque famille qui formait la population juive de Rhodes durant la période de 1939 à 1945. « Une tâche immense et difficile, rien que par la quantité d’homonymes ». Elles ont recueilli des photos auprès des familles et essayé ainsi, autant qu’il a été possible, de redonner de la vie à ces hommes, ces femmes, ces enfants tragiquement disparus. Éditions Erez à Jérusalem Août 2012 720 pages, 55 € (frais de port compris pour la France) —

Contact pour acheter le livre : myrja@scarlet.be

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PARA MELDAR |

Bella, itinéraire mémoriel Janine Gerson

Éditions Edilivre Août 2012 ISBN : 978-2332-51440-0 230 pages 21,50 €

Ce livre retrace l’histoire d’une famille de la communauté juive grecque, qui a choisi d’émigrer à Paris par amour de la culture française. Marianne, la narratrice, demande à Bella, sa mère vieillissante, de lui raconter sa vie : l’école de l’Alliance, l’atelier de couture, l’arrivée

à Paris dans les années 1930, mais surtout de dire ce qu’elle a tu jusqu’à présent, les années de guerre, les déportations, les rafles, la famille décimée. Au fur et à mesure du récit, Marianne bouleversée par ce qu’elle apprend, décide de mener une véritable enquête : elle retrouve des cousins, retourne dans le village où elle fut une enfant cachée, renoue avec ses racines et prend conscience qu’elle fait partie d’une communauté. Elle devient ainsi « passeur de mémoire » afin de transmettre aux nouvelles générations un patrimoine inestimable : des traditions.

Aspects de la culture des Juifs espagnols dans l'espace yougoslave XVI – XX siècles Krinka Vidadovic-Petrov Traduction E. Carlebach

El Mundo Djudeo-Espagnol Éditions du Nadir – Alliance israélite universelle, 2012 ISBN : 978-2-33272-011-9 35 € La collection El Mundo Djudeo-Espanyol, née d’une association entre l’Alliance israélite universelle et La Lettre Sépharade, vient de faire paraître aux éditions du Nadir le livre de Krinka Vidakovic Petrov Aspects de la culture des Juifs espagnols dans l’espace yougoslave XVI – XX siècles. Comme le souligne, dans la préface, Jean Carasso responsable de la collection, celle-ci poursuit ainsi le but qu’elle s’est fixé : « mettre en valeur les cultures judéo-balkaniques qui tendent à se dissoudre dans l’oubli du fait de la quasi-disparition dans la Shoah des communautés qui auraient pu en maintenir la mémoire. »

Le bruit de nos pas

Ronit Matalon Traduit de l’hébreu par Rosie Pinhas Delpuech Éditions Stock Août 2012 ISBN : 978-2234-07115-5 465 pages 22 €

Une famille démantelée dans une baraque au milieu du désert d’un vieux quartier d’immigrés en Israël. Le père, révolutionnaire séfarade déçu, est un éternel absent. Autour de la mère qui tient tête à l’échec, il y a la sœur, grande coquette,

déjà mariée, le frère serrurier fou au grand cœur, la Nona — la grand-mère — qui raconte, par bribes, l’Egypte perdue à « l’enfant » qui n’a pas de prénom mais enregistre le bruit des pas et des humeurs. Premier livre de Ronit Matalon traduit en français, Le bruit de nos pas est un texte d’une grande sensibilité et d'une grande poésie. Née en 1959 dans une famille égyptienne, l’auteure enseigne la littérature comparée et hébraïque à l’université de Haïfa et l’écriture de scénarios à la prestigieuse école de cinéma Sam Spiegel. Elle présentera son livre au MahJ le 3 octobre à 19 h 30.

Ce dernier ouvrage marque l’aboutissement de cette politique. « La collection a contribué à rendre de nouveau accessibles quelques textes fondateurs restés épuisés durant de longues décennies et donne une vision sur la culture et l’histoire des Sépharades des différentes zones de l’Empire ottoman ». La première partie de l’ouvrage de Krinka Vidakovic décrit la vie intellectuelle et artistique des communautés juives de Macédoine, Serbie, Bosnie et Dalmatie. Elle rend hommage aux grands auteurs et savants qui ont fait la richesse de Sarajevo et Belgrade. La seconde partie est consacrée à la poésie populaire (romancero séfarade, poésie séfarade) et analyse quatorze chants judéo-espagnols. L'ouvrage est issu d’une thèse universitaire rédigée en serbe et très recherchée puisque rééditée à deux reprises. La traduction française, qui paraît aujourd’hui avec le concours du Centre national du livre, a été réalisée par Emmanuel Carlebach qui l’a revue, augmentée et annotée avec la collaboration de l’auteure. Elle a bénéficié de la relecture attentive de Gaëlle Collin et constitue la version définitive de l’ouvrage. Laissons à Krinka le mot de la fin, extrait de la postface datée de 2012 à Belgrade : « Ce livre est un réceptacle dans lequel est préservée une goutte de vie et de mémoire… comme dans le ciel nous voyons encore l’éclat des étoiles aujourd’hui disparues ».

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| GASTRONOMIE SÉPHARADE

LA PÂTISSERIE ALBERT Nous reproduisons ci-contre en judéo-espagnol un courrier de Sara Surfrin Baruch publié en juin 2012

dans Ladinokomunita consacré à la pâtisserie Albert dans le quartier Florentin de Tel-Aviv. Bien que plusieurs vagues d’immigrants aient depuis longtemps remplacé les premiers immigrants sépharades, le quartier Florentin conserve encore plusieurs pâtisseries fondées par des Saloniciens. C’est le cas de la Konditoria Saloniki à l'intersection des rues Stern, Washington et Florentin ou de la Konditeria Albert au 36 rue Matalon. Leur avenir est toutefois menacé par l’absence de successeurs et par les projets de rénovation qui pourraient mettre fin au charme bohème et métissé du quartier Florentin. Keridos amigos, shalom, Vos kero kontar mis empresiones de mi vijita en una Patiseria i Dulseria yamada « Albert », en Tel Aviv, ke fue fondada por Albert Yehuda de Salonik En la sivdad Tel Aviv, al kartie komersial, serka de Florentin, un kartie ke fue fondado por imigrantes ke vinieron de Gresia en los anyos vente, ay una chika i unika patiseria ke se yama « Albert » al nombre de su fondador, Albert Yehuda, ke era patron de patiseria muy renomada en Salonik. En la kaleja Matalon numero 36, entre las vitrinas de las butikas, esta eskundida una chika vitrina, ke kontiene unas kuantas tabakas simples, enriva estan aresentados chinis kon una mostra de varios

tipos de dulserias, al lado de kada chini, esta aparado un papeliko, kon manuskrito ke eksplika su kontenido. Al entrar a la butika se siente komo ke el tiempo se aparo. La formasion del moble i la simplisidad no fueron trokados desde ke Albert Yeuhda la avrio, aze mas de setenta ayos. Su fijo Yaakov Yehuda i su mujer Levana, estan kontinuando a fazer dulserias i pasteles kon savores i rechetas orijinales, traidos de Salonik, por Albert. Los Sefaradim, i los afeksionados de savores de kaza, pueden topar aki los diferentes tipos de dulserias i pasteles komo: Bezes – echos de mareng ke se derriten en la boka. Konfites – bombones de almen-

Crédit photo : Omer Calev

dra en kolores : blanko, roz i siel ke ande los Sefaradim, se sierven adientro de bolsikas de tul en evenimientos de bodas i alegrias.

Maruchinos – roskitas dulses de almendras mundadas, ke Yaakov los muele en polvo, kon piedra de mulino, se sierven espesial en Pesah. Tajikos de Masapan / Mogados – de almendra freska mulida, kon savor delisiozo (mi papa z"l diziya ke esto fue : « lo ke dyo el rey a la reyna »)… Sharope – konfitura de asukar. ke solo los espesialistas komo Yaakov, fijo de Albert, lo saven a preparar. Muestras madres lo tenian en kaza en kavzos de aparision de musafires. Lo servian kon kucharika adientro de kopo kon agua yelada.

A ken ke le dezea, puede topar tambien kozas de forno dulses o saladas komo : Baklava, Kadaif, Shamli, varias de burekita i burekas kon gomos de Kezo, Spinaka o Merendjena, todo savrozo de chupar los dedos ! Yaakov Yehuda, es un ombre muy simpatiko, siempre esta pronto a ofreser a kualunke entra en su lugariko enkantado , a gostar i a gozar del trezoro, echo de su mano. Malorozamete, parese ke ya se esta aserkando el dia ke este « pedasiko de Gan-Eden » se va despareser del mundo, por la razon ke la manseves de la famiya Yehuda, los bizinyetos de Albert, no les enteresa a kontunear esta unika ovra. Ke pekado ! Sara Sufrin Baruch de Israel

DES BOREKAS AU CŒUR DE LONDRES… Kahve Dünyasi 200 Piccadilly W1J 9HU London United Kingdom

La chaîne turque Kahve Dünyasi connue pour son grand choix de cafés et de chocolats vient d’inaugurer une première enseigne à Londres au cœur du quartier

BULLETIN D'ADHÉSION ANNÉE 2012 En adhérant à l'association, vous recevrez notre revue Kaminando i Avlando COTISATION INDIVIDUELLE 40 € COTISATION COUPLE 65 € Je vous adresse ci-joint un chèque de   € (à l'ordre de Aki Estamos-AALS) qui représente :

de Picadilly dans un bâtiment propriété de la famille royale. La famille fondatrice de la marque a eu la bonne idée d’introduire à la carte de l’établissement

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- le règlement de ma cotisation   € N° Portable - un don de soutien pour l'association   €

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de délicieuses borekitas aux aubergines dont la recette a été transmise pour l’occasion par une famille judéo-espagnole d’Istanbul.

Courriel

Merci d'envoyer ce coupon et votre chèque à : Aki Estamos-AALS Maison des Associations 38 Bd Henri VI 75004 Paris (Un reçu Cerfa vous sera adressé, ouvrant droit à une réduction d'impôt correspondant à 66 % du montant de votre don.)


Las komidas de las nonas D’excellentes recettes judéo-espagnoles se trouvent sur le blog tenu par Sarah Isikli “Savores de Siempre”. Nous avons déjà eu l’occasion de nous y referrer ici. Tous les grands classiques de la cuisine judéo-espagnole sont là, impeccablement interprétés et illustrés par de très belles photos et, mieux encore, décrits en judéo-espagnol ! Sarah a pieusement recueilli auprès de sa famille originaire d’Izmir les recettes qu’elle nous propose. On y trouve la recette des Boyos, des Mogados d’Almendras, de l’Agristada, des Travados et de tant d’autres spécialités à la mode smyrniote, connues ou méconnues ! Aujourd’hui nous vous proposons la recette de la pâte de coing mise en ligne par Sarah en janvier 2006 au tout début de l’ouverture de son blog.

DULSE DE BIMBRIYO PÂTE DE COING

Sara mos conta : « Mi gramama aziya un dulse de bimbriyo delisiozo. Kon mi ermana eramos muy chikas para demandarle las reseftas ke aziya, i kuando fuimos en edad de demandar las reseftas, eya se murio. Esta resefta es de la gramama de mi mama ke era de Tiria. Kon esta mesura es siguro ke vash a reushir » Preparamiyento Mundar los bimbriyos, kortarlos en pedasikos chikitikos.

La pâte de coing est une friandise qui se déguste traditionnellement à l’automne, pendant les fêtes du nouvel an. Quand elle est bien sèche, après plusieurs jours, on la découpe en général en petits losanges. Vous pourrez la conserver ainsi pendant plusieurs mois… à condition qu’il en reste !

Los eskaldar poko a poko. Kuando estan blandos, kitarlos de la agua i los eskurir. Azer una pure kon los bimbriyos blandos. Para una kupa de pure se mezura una kupa de asukar. Meter a kozer, fina ke se espesa. Se mete en un paylon i se desha a sekar.

Préparation Éplucher les coings, les couper ensuite en tout petits morceaux (après avoir enlevé les pépins et la partie dure du centre). Blanchir les morceaux petit à petit dans de l’eau bouillante jusqu’à ce qu’ils soient bien tendres (on ajoute en général le jus d’un demi citron).

Les égoutter ensuite et en faire une purée. Pour une tasse de purée, mesurer une tasse de sucre en poudre. Faire cuire (doucement, en remuant régulièrement) jusqu’à ce que cela épaississe. Étaler la pâte sur un plat (sur du papier sulfurisé) et laisser sécher.


Directrice de la publication et rédactrice en chef Jenny Laneurie Fresco Ont participé à ce numéro Laurence Abensur-Hazan, Francois Azar, Annie Cohen Bellaiche, Corinne Deunailles, Jenny Laneurie Fresco, Enrico Isacco, Henri Nahum, Zelda Ovadia, Brigitte Peskine, Susana WeichShahak. Conception graphique Sophie Blum Image de couverture L'atelier de cuisine animé par René et Esther Benbassat à la première université d'été judéo-espagnole. Impression Caen Repro ISSN 2259-3225 Abonnement (France et étranger) 1 an, 4 numéros : 40 € Siège social et administratif Maison des Associations Boîte n°1 38 boulevard Henri IV 75 004 Paris akiestamos.aals@yahoo.fr Tel: 06 98 52 15 15 www.sefaradinfo.org www.lalettresepharade.fr Association Loi 1901 sans but lucratif n° CNIL 617630 Siret 48260473300022 Septembre 2012

Aki Estamos - AALS remercie de leur soutien M. Dominique Romano et les institutions suivantes :


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