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| J ANVIER, FÉVRIER,

MARS 2022 Tevet, Chevat, Adar I, Adar II 5782

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Revue de l'association Aki Estamos Les Amis de la Lettre Sépharade fondée en 1998

01 De la kayadez

à la famadez. À propos de la série Kulüp

06 Avlando kon Guy Albala

25 Chronique de la famille Arié de Samokov (suite)

37 Para meldar — BERNARD PIERRON

SUPPLÉMENT

La Niuz


L'édito Affaires de sentiments

La nouvelle édition de Kaminando i Avlando fait la part belle aux sentiments à travers trois histoires familiales. La série Kulüp (Le Club) tout d’abord produite par Netflix qui a propulsé la communauté juive au premier plan de l’audience en Turquie. Se déroulant dans les années 1950 à Istanbul, elle évoque le destin de la famille Aseo à travers le personnage de l’héroïne Matilda et de sa fille Raşel. Les discriminations qui ont touché toutes les minorités en Turquie forment la toile de fond de l’histoire. En suscitant la peur et le refoulement, elles sont une source de souffrance qui se transmet de génération en génération, contrariant l’expression des talents et des sentiments. S’en libérer impose de faire un choix douloureux entre exil, travestissement et assimilation. Le récit de Guy Albala n’est pas exempt de cette dimension tragique. Sa famille a connu les chemins tortueux de l’exil plus encore que d’autres familles judéoespagnoles. Ce qui peut passer aujourd’hui pour un roman d’aventures est d’abord une suite d’épreuves tant morales qu’économiques dont on sort difficilement indemne. Enfin nous ouvrons un nouveau chapitre de la chronique Arié, celle qui verra la famille atteindre son plus grand rayonnement grâce au génie commercial et financier de Tchelebi Yeuda Arié assisté de ses deux frères Avraam et Gavriel. Mais cette ascension débute dans la souffrance et le deuil. Surtout une épidémie de peste sévit à Samokov en 1838, qui oblige la famille à s’isoler dans une ferme pour un temps indéfini.

Contrairement à une idée trompeuse, le monde de la tradition n’était pas épargné par les blessures de l’âme, la grande solitude, les chocs traumatiques. Les dépressions que l’on ne savait pas nommer, et encore moins soigner, étaient nombreuses. L’alcool constituait alors le remède le plus commun. Seule une minorité de gens éduqués, nous révèle le rédacteur de la chronique, parvenaient à trouver un refuge salutaire dans le travail de l’écriture. Nous formons donc le vœu que cette nouvelle année soit placée sous le signe du lien retrouvé. Les occasions de rencontres se sont par trop réduites ces derniers temps et nous souffrons tous de l’éloignement imposé par les règles sanitaires. Si nous devons rester prudents, nous offrons, à tous ceux qui le souhaitent, la possibilité de se revoir pour fêter, célébrer et cultiver notre amitié. Plusieurs rendez-vous sont proposés dans notre bulletin La Niuz. La fête de Pourim qui est celle de l’angoisse dépassée et de l’allégresse retrouvée prendra, souhaitons-le, tout son sens cette année. L’année 2022 s’ouvre aussi sur le nouveau site d’Aki Estamos réalisé par un talentueux graphiste, Jean-Paul Bagnis. La première version en est consultable sous le lien sefaradinfo.org ; elle s’enrichira tout au long de l’année de contenus inédits conférant ainsi un plus large rayonnement à notre association. Elle vous permet d’ores et déjà de renouveler votre adhésion ce dont nous vous remercions chaleureusement en vous adressant tous nos vœux pour una anyada buena, saludoza i provechoza.


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Selim Songür (Salih Bademci) et Matilda Aseo (Gökçe Bahadır) dans la série Kulüp. Crédit : Netflix.

Turquie En Turquie de la kayadez à la famadez, la nouvelle visibilité de la communauté juive Les Juifs turcs sont réputés cultiver la kayadez, une attitude faite de discrétion dans leur relation au pouvoir et à leurs concitoyens musulmans. Ce comportement remonte à l’Empire ottoman où les Juifs pouvaient se prévaloir d’une certaine protection des sultans en échange de leur soumission. Une expression en résumait le principe : la sadik millet : la « nation loyale » ce qui l’opposait aux nations grecque et arménienne soupçonnées de séparatisme dans les dernières décennies de l’Empire. Cette attitude a trouvé son prolongement sous la République. Un épisode resté célèbre a montré que toute manifestation publique de protestation de la communauté juive en Turquie, aussi légitime soitelle, se retournerait contre elle. Il s’agit de l’affaire Elza Niego qui défraya la chronique en 1927.

L’affaire Elza Niego et ses séquelles Elza Niego avait vingt-deux ans en 1927. Orpheline de père, elle était employée comme dactylo à la compagnie nationale d’assurance de Turquie. Avec sa sœur, Regina, elle était l’unique support de sa mère et de son jeune frère. Pendant des vacances à l’île d’Heybeliada en mer de Marmara, un fonctionnaire musulman, Osman Bey, fils d’un ancien gouverneur, en tomba amoureux. Osman Bey, qui avait trente ans de plus qu’Elza, était marié et père de famille. Il poursuivit la jeune femme de ses assiduités partout dans l’île. Désespérée, Elza Niego décida de raccourcir ses vacances et de revenir chez elle. Pendant un certain temps, Elsa ne croisa plus Osman Bey et pensa en être libérée. Mais un jour, en quittant son bureau, elle l’aperçut et celuici commença à proférer des menaces. Elza avertit

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alors son employeur de la persécution dont elle était l’objet. Un soir d’hiver, elle aperçut son harceleur en compagnie de trois autres hommes. Le directeur de la compagnie avertit la police, qui arrêta les quatre hommes. Ceux-ci avouèrent qu’ils avaient l’intention d’enlever Mademoiselle Niego et furent condamnés à deux mois d’emprisonnement chacun. Elza Niego se fiança alors avec l’un de ses collègues juif. Furieux, Osman Bey devint de plus en plus pressant. Un soir, alors qu’Elza et sa sœur Regina quittaient leur maison pour se promener, Regina vit un homme courir vers eux en tenant un poignard. Elle cria à sa sœur de se réfugier à la maison, mais il était déjà trop tard : Osman Bey la rattrapa et l’égorgea. Regina voulant défendre sa sœur reçut à son tour deux coups de couteau dans la cuisse. La foule se rassembla immédiatement et le meurtrier aurait été lynché sans l’intervention rapide de la police. Lors des funérailles d’Elza, le 18 août 1927, la foule envahit les rues et manifesta contre le gouvernement turc au cri de « Nous voulons la justice ». La presse turque s’empara de l’affaire et développa une rhétorique antisémite. Dix manifestants juifs, dont un jeune soldat, furent immédiatement arrêtés sous l’accusation d’offense à l’identité turque. Le jeune soldat, accusé d’avoir blessé un passant turc, fut condamné à trois mois d’incarcération. Les neuf autres Juifs furent acquittés de l’accusation de sédition le 21 septembre 1927 mais, devant les protestations de la presse, un nouveau procès s’ouvrit le 12 janvier 1928. Ils furent alors accusés d’avoir insulté la République turque. Ils étaient passibles d’une peine d’emprisonnement allant jusqu’à trois ans. Malgré les efforts du procureur, ils seront de nouveau acquittés. Le procureur chercha à impliquer les organisations juives. Une fouille dans les locaux de la branche turque du B’nai B’rith qui avait dépensé de grosses sommes pour la défense des accusés, ne permit pas de l’incriminer. La presse turque se déchaîna une nouvelle fois à cette occasion. Elle appela les Turcs à rompre toute relation commerciale avec les Juifs. Des manifesta-

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tions antijuives se déroulèrent à Izmir, conduisant le gouvernement turc à fermer les écoles juives, à interdire les journaux juifs, à dissoudre le rabbinat et à envisager l’expulsion de Turquie de tous les Juifs qui n’avaient pas fait leur service militaire. Un décret imposa dorénavant aux Juifs l’obtention d’un permis spécial pour se déplacer à l’intérieur de la Turquie, comme c’était déjà le cas pour les Grecs et les Arméniens. Le meurtrier quant à lui, échappa au procès et fut placé dans un hôpital psychiatrique. Dix ans plus tard, il fut à son tour assassiné par un patient de l’hôpital. Dans ses mémoires, Nissim M. Bénézra qualifie ces évènements de « derniers soubresauts du nationalisme juif turc ». Le choix sera désormais entre la discrétion ou l’exil. Plusieurs épisodes traumatiques rappelèrent à intervalles réguliers la situation précaire de la communauté juive en Turquie : en juin et juillet 1934, les pogroms de Thrace déclenchés simultanément dans toute la région par les militants du parti républicain du peuple (kémaliste) vidèrent la région de sa population juive. En novembre 1942, les Juifs furent touchés comme les Grecs, les Arméniens et les Dönmés par le varlık vergisi, l’impôt discriminatoire sur la fortune. Ceux qui ne purent s’en acquitter furent déportés vers le camp de travail forcé d’Aşkale. Cet épisode sera l’un des facteurs déterminants dans l’exode des Juifs de Turquie à la création de l’État d’Israël. Enfin le pogrom d’Istanbul des 6 et 7 septembre 1955, bien que dirigé principalement contre les Grecs, toucha par contagion les Arméniens et les Juifs présents dans les mêmes quartiers. La kayadez n’est pas seulement un réflexe défensif vis-à-vis d’un pouvoir perçu comme inquiétant et arbitraire. C’est une disposition psychologique plus profonde qui a ses prolongements dans la vie familiale et le destin aussi bien individuel que collectif. Nombre de familles feront ainsi silence sur les traumatismes passés et un « plafond de verre » interdit aux Juifs l’accès à certaines professions et


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fonctions publiques. Cette attitude peut perdurer consciemment ou inconsciemment sur plusieurs générations, bien après le départ de Turquie.

Un nouveau contexte Aujourd’hui la communauté juive de Turquie est confrontée à des défis bien différents de ceux qui prévalaient au XXe siècle. La menace principale qui pèse sur elle ne tient pas tant à l’attitude ambiguë du pouvoir, que dans sa faiblesse numérique, son haut degré d’assimilation, sa désagrégation progressive sous l’effet des départs et des mariages mixtes. L’une des dernières communautés juives du monde musulman paraît ainsi en sursis. Sa faible visibilité actuelle laisse libre cours aux fantasmes antisémites. Pour lutter contre les préjugés, les dirigeants communautaires ont donc accepté depuis quelques années d’intervenir dans l’espace public sans se départir d’une certaine réserve. Pour la première fois, en 2015, l’allumage des bougies de hanoukka par le grand rabbin s’est déroulé sur une place d’Istanbul en présence d’officiels turcs. Un travail de sauvegarde de la culture judéoespagnole a été entrepris ces vingt dernières années en Turquie. Le centre sépharade d’Istanbul fondé en 2003 et dirigé par Silvio Ovadya et Karen Gerson Şarhon est le principal foyer de cette renaissance culturelle. Il publie depuis mars 2005 le mensuel en judéo-espagnol El Amaneser dont le secrétariat de rédaction est tenu avec compétence et dévouement par Güler Orgün. La maison d’édition Libra fondée par Rifat Bali poursuit un travail remarquable de publication de livres dans le champ sépharade prolongeant l’œuvre engagée par Sinan Kuneralp aux éditions Isis. C’est toutefois dans le domaine du chant et du théâtre que la dynamique actuelle est la plus visible : citons sans être exhaustif les pionniers Jak et Janet Esim, Izzet Bana, Jojo Eskenazi, Soli Avigdor et Forti Barokas. Le blog culturel Avlaremoz tenu par une nouvelle génération montre qu’une relève est possible.

Kulüp (Le Club) : un changement d’échelle médiatique

Raşel Aseo (Asude Kalebek). Crédit : Netflix.

La série turque Kulüp (Le Club) diffusée depuis novembre 2021 sur Netflix a fait l’effet d’une révolution médiatique pour la communauté juive de Turquie. Encore faut-il souligner que ce changement d’échelle n’a été rendu possible que par le patient travail de restauration culturelle et linguistique engagé ces dernières décennies. L’intrigue a pour cadre l’Istanbul des années 1950 et pour point d’orgue les émeutes anti-grecques des 6 et 7 septembre 1955. L’héroïne Matilda Asséo vient de sortir de prison à la faveur d’une amnistie. Elle retrouve sa fille Raşel devenue adolescente et qui a grandi à l’orphelinat juif d’Ortaköy. Les rapports orageux entre la mère et sa fille permettent de lever progressivement le voile sur le passé tragique de la famille. Pour éviter à sa fille de connaître à son tour l’épreuve de la prison, Matilda accepte de travailler dans un music-hall sous la houlette de Çelebi, un manager aux activités aussi troubles que son passé. Le patron du club, Orhan est décidé à faire triompher son cabaret et il embauche un artiste surdoué, mais hypersensible, Selim Songür. Selim et Matilda qui se reconnaissent les mêmes fragilités deviennent amis et se protègent mutuellement. De son côté, Raşel est tombée amoureuse d’Ismet, un célèbre

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consultant des producteurs et qui joue lui-même un petit rôle lors de la fête de Purim. Pas moins de 67 membres de la communauté juive figurent dans la distribution du film, mais ce n’est sans doute pas là le plus important. Les rôles-titres sont en effet tenus par des acteurs turcs d’une façon si respectueuse de la mémoire juive, qu’ils lui confèrent une portée universelle.

Selim Songür (Salih Bademci). Crédit : Netflix.

coureur de jupons, au grand dam de sa mère. Les dix épisodes de la série tissent un ballet sentimental entre ces personnages. Tous ont pour point commun un passé qu’ils dissimulent autant que possible, mais qui ne cesse de les hanter. Celui-ci est en effet un gage de culpabilité. Ce n’est qu’en l'assumant et en le partageant que les personnages pourront s’en libérer. Mais en 1955 cela relève de l’utopie alors que le mensonge et la violence triomphent dans les rues. La scène finale, à la lueur des chandelles, dans un théâtre-refuge réduit au silence, n’est que l’humble promesse d’une aube meilleure. La magie du film ne tient pas seulement à la minutie avec laquelle ont été reconstitués les décors des années 1950. Les scénaristes (Necati Şahin et Rana Denizer) et les réalisateurs (Zeynep Günay Tan et Seren Yüce) ont abordé avec justesse des thèmes sensibles comme les discriminations et les violences dont ont été victimes les minorités en Turquie. Loin d’être à l’arrière-plan, ces questions sont au cœur du film puisqu’elles déterminent la geste des personnages. Le respect est peut-être ce qui traduit le mieux l’esprit dans lequel a été réalisée cette série. Ses concepteurs se sont en effet entourés des meilleurs conseils historiques, linguistiques, culturels pour bâtir scènes, dialogues et décors. L’une des marques de ce respect est bien sûr l’utilisation de dialogues en judéo-espagnol dont l’accent a été travaillé avec soin comme en témoigne Izzet Bana qui fut le principal

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En Turquie la série a battu des records d’audience. La communauté juive de Turquie l’a plébiscitée avec un double sentiment : de fierté, tout d’abord, en se découvrant, une fois n’est pas coutume, fidèlement représentée au premier plan d’une série populaire ; de reconnaissance ensuite, en découvrant des acteurs turcs prendre en charge avec empathie l’un des épisodes les plus sombres de son histoire. Un signe qui ne trompe pas : beaucoup regrettent de n’avoir pas décroché un rôle de figurant ou de n’être pas cité au générique. Bâti comme un mélodrame populaire dont il exploite les recettes inoxydables, Kulüp fait passer des vérités moins conventionnelles. Il y transparaît certes une nostalgie pour un Istanbul cosmopolite et interlope qui n’a rien d’originale. En revanche, la façon dont ce passé a été éradiqué sous l’emprise du nationalisme et dont des fortunes se sont constituées à l’abri du populisme trouve un écho aujourd’hui. Mais la question n’est pas que matérielle. L’un des ressorts les plus puissants de l’action tient au besoin effréné de reconnaissance des personnages qui déborde l’univers du spectacle. « Je voulais que tu me voies » dit Çelebi à Matilda pour se justifier. C’est peut-être là que se situe la réussite de la série : chacun a pu se voir et surtout être vu comme il l’espérait.


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Tolède, Espagne Campagne pour la sauvegarde des restes d’une synagogue du XVe siècle à Tolède Les restes d’une synagogue du XVe siècle ont été mis à jour lors de fouilles archéologiques à Tolède par M. Jean Passini, directeur de recherches au CNRS dans l’ancienne ruelle de Los Golondrinos (aux n° 29 et 31 de l’actuelle Calle de las Bulas). Les remblais accumulés ont permis d’en préserver des éléments essentiels. La structure est encore lisible au sol avec six piliers de soutènement, une partie centrale décorée et un mikvé. Les fouilles engagées en 2005 à l’occasion d’un projet immobilier n’ont révélé qu’une petite partie du complexe religieux qui se prolonge probablement sous les propriétés mitoyennes. M. Passini, architecte et historien de formation a consacré une partie importante de sa carrière à l’étude de la structure urbaine de Tolède au MoyenÂge et notamment des quartiers juifs ou aljamas. La synagogue de Los Golondrinos qu’il a découverte se trouve dans le quartier de la Alacava, la partie haute du quartier juif de Tolède. La synagogue n’était connue jusqu’ici que par une documentation de la seconde moitié du XVe siècle qui évoquaient deux maisons de la paroisse de San Román. L’une d’elles appartenait en 1488 à un juif converti, Lope de Acre. Sa description permet de la situer sur le chemin de Los Golondrinos et elle était attenante à « une cour qui servait de synagogue aux Juifs. » Sur la parcelle occupée par l’ancienne synagogue a été bâtie une maison vers 1930. Les recherches archéologiques tout comme les témoignages des personnes ayant assisté aux travaux penchent en faveur de l’existence d’un bain rituel qui consistait en une petite salle voûtée accessible depuis la rue par une porte indépendante. Un canal souterrain utilisant un puits du voisinage l’alimentait en eau courante. Le mikvé était également accessible depuis la synagogue par un couloir latéral. Si l’on en croit les sources documentaires, une école rabbinique

En haut : restes d'un mur de la synagogue de los Golondrinos. Ci-contre : mosaïque au sol. Photos Jean Passini. 2021.

(el midrash de las vigas) complétait l’ensemble. Il s’agit de l’une des dix synagogues connues à Tolède durant le Moyen-Âge et probablement l’une des plus anciennes, car faisant partie du noyau primitif de la juderia. Les restes découverts sont aujourd’hui menacés par un projet immobilier et une campagne pour leur sauvegarde a été entreprise. http://buscandomontsalvatge.blogspot.com/ 2013/08/toledo-sinagoga-de-golondrinos.html [consulté le 11/01/2022]

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Guy Albala Entretiens réalisés les 14 et 18 septembre, 21 et 26 décembre 2021 Guy Albala occupe depuis longtemps une place de choix dans le cœur des adhérents d’Aki Estamos. Excellent locuteur du judéo-espagnol, il dirige chaque année avec talent le seder de Pessah en ladino, mais aussi sur un mode plus divertissant le jeu du loto dont il scande l’appel des numéros. Mais des vies bien remplies de Guy Albala, nous ne connaissions que des bribes. Alors qu’un accident l’avait immobilisé pour un temps à l’hôpital, il nous a confié avec générosité son témoignage. Très vite l’entretien prévu s’est révélé trop bref pour consigner tous ses souvenirs et ce n’est pas moins de quatre séances qui auront été nécessaires, dont les deux dernières à son domicile parisien. Nous n’en reproduisons ici que les pages les plus liées à l’histoire sépharade. Entre-temps un remarquable dossier photographique est réapparu permettant d’illustrer ses propos. Si les vies de Guy Albala ont connu autant de hauts que de bas, leur fil conducteur est peut-être à rechercher du côté de l’amour voué à sa mère et à son épouse, et enfin à ses origines judéoespagnoles qu’il chérit avec un optimisme aussi rare que contagieux.

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À Istanbul circa 1920. Tous sont nés à Mustafa Pacha sauf le petit dernier qui est né à Istanbul fils de Roza et Nissim Poyastro. De gauche à drtoite : Roza Poyastro née Albala, Nissim Poyastro, la nona Sinyoru Cassuto épouse de Gabriel Albala, sur ses genoux Isaac Poyastro, Rachel Albala épouse de Eliya Aroyo, Pepo ( Joseph) Albala, en-dessous de Rachel, Lévi (leviko) Albala.

Quelles sont les origines de ta famille ? La famille de mon père est originaire de Svilengrad en Bulgarie, une petite ville située entre Plovdiv et Edirne qui sous l’Empire ottoman s’appelait Moustafa Pacha. Mon grand-père, Gabriel Albala était vigneron et il caressait un peu trop souvent la bouteille. Surtout l’argent lui manquait pour élever ses sept enfants : Yshua, Roza, Rachel, Yakov, Izak, Yosef (Pepo) et Levi (Louis). Ma grand-mère paternelle est née Cassuto, Sinyoru Cassuto. Elle était toute petite alors que mon grand-père était très grand. Mon père, prénommé Levi est né à Svilengrad le 7 décembre 1906. Il était le dernier-né de la fratrie. Il a perdu son père à l’âge de quatre ans et c’est son frère aîné Yshuah 1 qui est devenu chef de famille. Pour sortir la famille de la misère, il a décidé de déménager à Istanbul dans une maison à proximité de la gare de Sirkedji, dans le quartier de Sultanhammet.

Le frère de mon grand-père était décédé peu de temps avant lui. Il avait trois filles et ces trois filles et leur mère ont été recueillies par mon grand-père, puis par mon oncle Yshuah. Elles sont venues vivre en France où elles ont toutes été déportées. Une seule de ces trois cousines germaines de mon père, la tante Victoria, est revenue des camps. À Istanbul, Yshuah a converti sa petite maison en un hôtel de tourisme, le Filibé oteli, en référence à Plovdiv, Filibe en turc. Toute la famille se consacrait à cette activité. Lorsque les chambres étaient occupées par les touristes, les plus jeunes dormaient dans les couloirs. Un jour, un marchand juif a demandé s’il pouvait entreposer ses tapis dans la cour de l’hôtel. Mon oncle Yshuah qui était très intelligent lui a aussitôt proposé de les exposer en échange d’une commission sur les ventes. Bientôt il a tiré plus d’argent de la vente des tapis que de l’hôtel.

1. Nous transcrivons phonétiquement la variante du prénom hébraïque Yeshouah prononcé I-shuah dans la famille Albala.

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Ce grand frère n'avait pu aller à l'école comme aucun de ses frères et sœurs à l’exception de mon père et de son frère Pepo qui à Istanbul avaient suivi les cours de l’Alliance israélite universelle jusqu’au certificat d’études. On n’avait évidemment pas de quoi lui payer le lycée et, très jeune, il a été placé chez un commerçant juif qui vendait du cuir au kapalı çarşı, le grand bazar, à des clients de toutes les communautés. Un jour qu’il apportait un café à un Grec, celuici lui a répondu en judéo-espagnol : mersi muncho, komo sta tu patron ? Comme il s’en étonnait auprès de son patron, celui-ci lui a répondu qu’il n’avait qu’à apprendre le grec pour lui rendre la politesse. Peu à peu, mon père a appris toutes les langues du bazar. À l’âge adulte, il en maîtrisait neuf. Il a appris aussi les règles du commerce, la droiture, l’honnêteté qui ont fait du grand bazar le plus important marché d’Orient. Mais la vraie passion de mon père c’était le football et il était ailier gauche dans un petit club qui allait devenir célèbre, le Galatasaray. Il a fait son service militaire de trois ans en Turquie au milieu des années 1920. Les officiers de l’armée turque étaient conseillés par des Allemands. Pour les Juifs c’était un enfer. Mon père m’a raconté qu’un jour un officier l’a giflé sans relâche pendant vingt minutes en lui hurlant : « Garde-à-vous ! » Son calvaire a pris fin, le jour où un colonel a demandé si une recrue savait lire et écrire. Mon père était l’un des rares à pouvoir répondre. Il avait une belle calligraphie et on lui a demandé de translittérer des textes officiels qui avaient été écrits en caractères arabes, dans le tout nouvel alphabet turc. Après la chute de l’Empire ottoman, la Turquie a traversé une période très difficile. Le pays avait perdu les provinces dont il tirait sa richesse et la Première Guerre mondiale a achevé de le ruiner. Il commençait à peine à se rétablir quand est intervenue la crise de 1929. C’est alors que l’oncle Yshuah a entendu parler de l’essor du Maroc sous l’impulsion du maréchal Lyautey. Il s’est renseigné et a décidé de tenter sa chance en 1931.

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Dans quelles conditions est-il parti au Maroc ? Lorsque Yshuah a décidé de quitter la Turquie, deux de ses sœurs étaient déjà mariées. La deuxième sœur, Rachel avec son mari, M. Aroyo et deux de ses frères Jacques et Isaac ont emmené ma grandmère Sinyoru aux États-Unis. Les garçons se sont mariés à New York. Jacques Albala deviendra plus tard le directeur du centre sépharade de New York. La sœur la plus âgée, Roza est restée en Turquie avec son mari Naftali Poyastro jusqu’en 1948 quand ils ont émigré en Israël. Restaient mon père et son frère Pepo. Les deux s’adoraient, ils avaient une relation fusionnelle. Pepo s’est marié avec Régine Avigdor dont il a eu un premier enfant prénommé Gabriel. En 1931, Yshuah est parti pour le Maroc avec deux valises dans lesquelles il n’avait mis que quatre tapis. Arrivé à Casablanca, il est entré dans un café et a demandé au patron s’il voulait bien surveiller ses valises posées près du comptoir. Il a pris deux tapis, les a placés sur chaque épaule comme cela se faisait dans le monde musulman et il est sorti. Il avait naturellement choisi le café qui se trouve en face de la place de France, que l’on appelle aujourd’hui la place Mohammed V. Au bout d’une heure, un passant l’a interpellé : « Qu’est-ce que tu as là ? » « Tapis, beaux tapis ! » Son vocabulaire français était très limité au départ. « Mais quel tapis ? » « Persan, Persan ! Boukhara, Boukhara ! » Il se trouvait que le Français s’y connaissait un peu. Il lui a dit : « Combien tu vends ça ? » Et mon oncle qui a lu l’envie dans son regard lui a donné un prix très élevé. Et l’autre – qui en fait était un colonel – non seulement n’a pas marchandé, mais lui a dit : « Ah bon, c’est pas cher. Tu en as d’autres comme ça ? » Et l’oncle de répondre : « Demain, demain ! » « Bon je te prends celui-là ! » Il a vendu très vite toute sa marchandise à des clients venus de la part du premier et il est allé


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trouver un écrivain public pour envoyer une lettre à son frère Pepo avec cette exigence : « Je te donne l’ordre de vendre jusqu’à la plus petite aiguille que je possède, d’acheter avec cet argent tous les tapis que tu pourras et de venir au Maroc me les apporter avec ma femme et mes trois enfants. Et si tu veux un bon conseil, tu n’as qu’à en faire de même. » Pepo travaillait alors à la banque ottomane. De petit comptable, il commençait à grimper les échelons. Seulement Atatürk qui avait fait inscrire la laïcité et l’égalité des citoyens dans la constitution de la République turque n’en était pas à une contradiction près. La Banque ottomane devait renvoyer tous ses employés, majoritairement juifs, mais aussi grecs et arméniens pour prendre des musulmans. Pepo savait qu’il n’avait donc aucun avenir là-bas. Aussi, après avoir reçu cette lettre de son frère, il a décidé de partir avec sa femme Régine et son premier fils Gabriel. Il a quitté la Turquie avec ses tapis et, après une halte à Milan, il a fini par arriver au Maroc en 1932. Entre-temps, le frère Yshuah avait ouvert un petit magasin à proximité de la place de France. Ce commerce croîtra et prospérera grâce à son sens aigu des affaires. Après un stage à Casablanca, Pepo ouvrira à son tour un magasin en plein centre de Rabat où résidait toute l’administration française. Mon père ne pouvait être heureux sans son frère Pepo ; il l’a donc suivi au Maroc. À son arrivée à Casablanca en 1933, il est allé trouver Yshuah à son magasin. Celui-ci pensait lui ouvrir une boutique à Tanger. Il lui a mis une brosse dans la main et lui a demandé de nettoyer les tapis. Au bout d’une semaine, voyant que ce travail pouvait être fait par des Marocains pour des clopinettes, il a rendu la brosse en lui disant : « Tu n’as qu’à les brosser toi-même ! » Il lui fallait maintenant trouver un autre travail. C’est alors qu’intervient l’histoire de ma mère.

La famille Yohay de Gallipoli Mon grand-père maternel Presiado Yohay était le guizbar 2 de Gallipoli ; il était à la fois bijoutier,

saraf 3, prêteur 4, rabbin, mohel 5. Avec son épouse Buka Sedaka, ils ont eu cinq enfants : la tante Élise, ma mère Rachel, l’oncle Rodolphe, l’oncle Marcel (Meïr) et l’oncle Orhan (Shimon). Ma mère, leur deuxième fille, est née à Gallipoli le 14 avril 1911. La situation de mon grand-père a changé du tout au tout lors de la guerre gréco-turque de 1920-1922. Les Grecs soutenus par les Anglais et les Français ont pris Gallipoli, mais les Turcs ont contre-attaqué et chassé les Grecs. Ce chassé-croisé aura une conséquence désastreuse pour mon grand-père puisque sa bijouterie est détruite par une bombe. Mais il pouvait encore espérer que les paysans auxquels il avait avancé l’argent des semailles lui remboursent leurs prêts comme ils l’avaient toujours fait. C’est alors qu’Atatürk, qui avait mobilisé tous les paysans, a décrété l’annulation des dettes contractées auprès des saraf ; pour mon grand-père, c’était la ruine absolue. C’est l’une des raisons qui a poussé l’aîné de ses garçons, l’oncle Rodolphe, à tenter sa chance ailleurs. L’autre raison, évidemment, c’est qu’il ne voulait pas faire son service militaire chez les « boches » turcs. On apprend alors qu’un vague cousin Kandioti s’est vu attribuer une terre au Maroc contre l’engagement de la cultiver. Sa réussite sera vite connue. En 1933, Rodolphe décide alors d’émigrer au Maroc. Il est reçu par des Bénézra de Gallipoli qui étaient déjà à Casablanca et avaient organisé une tontine. Pour qu’il puisse s’installer, on lui confie une petite somme qu’il devra rembourser tous les mois. Il devient placier pour le compte de la compagnie « Sim », le grand limonadier du Maroc. Il se marie un peu plus tard avec une institutrice de l’Alliance et travaille dur pour pouvoir envoyer de l’argent à ses parents. Au cours de cette même année, mon père trouve aussi un poste de placier chez « Beni Amar », le grand producteur de vins marocain. Il sillonne le Maroc à bord de son camion et, naturellement, le placier en vins et le placier en limonade finissent par se rencontrer chez un même client et deviennent les meilleurs amis du monde.

2. Trésorier du tribunal rabbinique, mais aussi titre honorifique donné à certains grands rabbins. 3. Changeur. 4. Précisons : prêteur sans gages ce qui aura une importance par la suite. 5. Circonciseur.

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6. Une mensualité.

Mon père est heureux, il se sent libre, il gagne bien sa vie et propose à son nouvel ami de sortir s’amuser. Mon oncle Rodolphe refuse, car tout son argent est destiné à aider sa famille. La situation à Gallipoli devenant de plus en plus dramatique, il invite ses parents, sa sœur et ses frères à le rejoindre dans son petit appartement. Mon père se rend bien compte de la situation désastreuse dans laquelle ils se trouvent et qui lui rappelle son enfance. Il va alors faire quelque chose d’exceptionnel. Il va trouver ma grand-mère et lui dit : « Madame, moi je ne mange pas casher et je passe la plupart de mon temps sur les routes, mais quand je suis à Casablanca, j’aimerais bien manger casher. » C’était un énorme mensonge : mon père n’avait jamais mangé casher depuis son départ de Turquie. Il ajoute : « Je vous donnerai una mezada  6 d’avance. Si je viens, je mange et si je ne viens pas, c’est pour vous. » Ils se rendent vite compte que mon père leur a tendu une main secourable. Il vient tout de même de temps à autre manger et commence à s’imprégner d’une atmosphère pleine de noblesse et de dignité telle qu’il n’en avait jamais connue. Il est aussi impressionné par la beauté de Rachel encore célibataire à vingt-cinq ans. Son frère Pepo était déjà marié tout comme son ami Rodolphe et lui, ayant atteint la trentaine, finit par oser demander la main de Rachel. Mon grand-père Presiado lui a répondu les larmes aux yeux : « Mais je n’ai pas de dot à t’offrir. » Mon père a reçu cela comme une gifle : « Je ne vous demande pas de dot, je vous demande seulement votre bénédiction. » Et ils se sont embrassés. Mon père s’est toujours montré digne de leur confiance. Malgré des moyens limités, quand l’oncle Rodolphe et sa femme sont prématurément décédés, il a recueilli sans hésiter leurs trois enfants – Paul, Inès et Yvette – qui sont devenus frère et sœurs pour moi. Ma mère et mon père se sont mariés fin 1936 et je suis né en septembre 1938. Tous les frères et les sœurs de mon père, sauf un, ont eu un fils prénommé Gabriel. Mon père qui voulait se

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distinguer des autres a choisi de me prénommer Guy Gabriel. Nous habitions à près d’un kilomètre de mon oncle Rodolphe. L’école primaire de Casablanca où j’étais inscrit était à mi-chemin des deux maisons. C’était une école française. Pourquoi mon père ne m’a-t-il pas inscrit à l’école de l’Alliance israélite qui était à la même distance ? La première raison, c’est qu’il avait rencontré des instituteurs de l’Alliance dont les enfants fréquentaient les écoles françaises. Il s’est dit : « Pourquoi être plus royaliste que le roi ? » La seconde raison, c’est le souvenir qu’il avait de l’école de l’Alliance à Istanbul. Il était bon élève, mais il ne pouvait pas supporter le rabbin parce qu’un jour celui-ci, pour le punir, lui a infligé una falaka c’est-à-dire qu’il l’a attrapé et l’a frappé avec un bâton sur les plantes des pieds. Mon père n’a pas pu marcher durant des jours. Il n’a plus jamais mis les pieds au cours d’hébreu et m’en a pareillement dispensé jusqu’au moment de ma bar-mitzvah. J’avais un an quand a éclaté la Seconde Guerre mondiale. Ma sœur Jeanne venait tout juste de naître. Tous les collègues de mon père vendaient du vin au marché noir et amassaient des fortunes. Mon père, lui, droit dans ses bottes, se contentait de sa modeste paie. En 1948, mon père s’est laissé convaincre par un ami juif de Turquie, un certain Dayan qui avait réussi comme glacier, de reprendre une pâtisserie qui se trouvait entre le centre-ville de Casablanca et le quartier chic d’Anfa. Dès l’ouverture de la pâtisserie « La Régence », les clients ont afflué parce qu’ils appréciaient la qualité des gâteaux au beurre confectionnés par un jeune chef, François Andrades, totalement dévoué. Pour gérer l’affluence des samedis après-midi, des dimanches et des jours de fête, mon père me demandait d’être aux côtés de notre seule vendeuse pour tenir la caisse, ce qui fait que mes vacances se résumaient à un mois d’été par an. À mes copains qui me plaignaient de ne pas avoir de loisirs comme eux, je répondais que mon père avait commencé à travailler à neuf ans.


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Mariage de Marcel Yohay, frère de Rachel. À gauche Louis Albala, son épouse Rachel. La mariée Florence Castiel, originaire du Maroc. Au fond, la mère de Florence Castiel posant avec ses frères et soeurs. À droite du marié, Madame Shushana, cousine germaine de Florence, et Buka Tsedaka la grand-mère maternelle de Guy Albala. Au premier rang, trois garçons de Madame Shushana, Guy et Jeanne Albala. Casablanca 1943.

Rachel Yohay, Jeanne, Guy et Louis (Levi) Albala. Casablanca vers 1941.

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Photographie de gauche : Jeanne Albala. Casablanca. Vers 1952. Photographie de droite : de gauche à droite : Norbert Deschamps, Christian Eby et Guy Albala, camarades de jeu et d’école primaire. Vers 1944. Casablanca.

Mais ni mon père ni François n’ont su se renouveler ou innover en pâtisserie et de grands chefs pâtissiers se sont imposés. Après l’indépendance du Maroc, en 1956, beaucoup de clients sont retournés en France et la pâtisserie a commencé à moins bien tourner.

7. À toi l’honneur.

Ton père ouvrait la pâtisserie le samedi ? Absolument. Mon père se fichait de la religion. Pour donner un exemple, à Kippour mon père qui ne mettait pas les pieds à la synagogue, se préparait un repas de charcuteries avec des oursins dont il se régalait. Ce qu’il ne trouvait jamais à la maison, car ma mère, fille de rabbin, faisait tout casher. Le contraste était total. À son retour de l’office, ma mère, sans dire un mot, prenait l’assiette et les couverts « souillés » par mon père et jetait le tout à la poubelle. Pour comprendre cela, il faut revenir au moment de la demande en mariage. Mon père avait dit à son futur beau-père : « Je laisserai ma femme faire toute la casheroute qu’elle souhaite, mais qu’elle me laisse de mon côté libre de faire

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comme bon me semble. » Ils se sont disputés sur bien des sujets, mais jamais sur la religion. Dans un premier temps, le shabbat, nous avions l’habitude de descendre au rez-de-chaussée chez nos voisins juifs marocains, les Bilia, qui faisaient le kiddoush. Ils nous attendaient le vendredi soir et ensuite nous remontions dîner à la maison, et ce, jusqu’au moment de leur aliya en 1948. J’avais alors dix ans et ma mère m’a demandé : « Apprends la prière et fais-nous un kiddoush. » Ma mère était tout pour moi et je m’y suis mis volontiers. Le premier vendredi où j’ai été en mesure de le faire, mon père s’est tourné vers moi, en disant : behavod  7. À partir de ce moment, j’ai dit le kiddoush tous les vendredis soir. Il en a été de même pour la Agada de Pessah. Au début, mon père lisait le texte d’une Agada translittérée en caractères latins. C’était la seule chose qu’il faisait avant mes dix ans et juste après, il m’a tendu cette Agada et me disant : « Maintenant, à toi de lire. » Voilà comment j’ai fini par bien connaître la Agada en ladino. Comment as-tu appris le judéo-espagnol ? À ma naissance, ma mère ne me parlait qu’en judéo-espagnol. Il aurait été impensable qu’elle me dise « mon chéri » en français. Elle me disait :


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ojos mios, ijo de la madre. Elle avait une très belle voix, et nous chantait, à ma sœur Jeanne et à moi, des berceuses telles que Nani Nani ou Durme, durme ijiko. Mon père aussi nous parlait en judéoespagnol au début. Le passage du « tout judéo-espagnol » au « presque tout en français » s’est fait très progressivement et par à-coups. Mais ce que je trouvais le plus touchant, c’étaient les expressions pleines d’affection qui surgissaient constamment : pasha, hanum, ijo regalado, sano i rezio etc. Bien avant que je n’entre à l’école maternelle, ma mère s’est mise à nous parler aussi en français, ce qui m’a permis de jouer avec de petits Français de mon âge, dans un terrain vague que ma mère pouvait surveiller de sa cuisine. Un jour, je me souviens d’avoir commis un hispanisme à l’école primaire. Le maître m’a repris et tous les élèves de la classe se sont moqués de moi. Je suis rentré à la maison, furieux en criant : En esta kaza no se va avlar mas el espanyol ! Ma mère s’est mise à rire. Je lui ai demandé : « Pourquoi tu ris ? » Elle m’a répondu : « Tu aurais pu me le dire en français ! »

Ma mère n’a jamais cessé de naviguer entre ces deux langues selon les circonstances : elle parlait essentiellement en judéo-espagnol avec ses concitoyennes les Bénézra, en français avec les instituteurs de l’Alliance qui formaient le groupe le plus important de los turkanos et que nous rencontrions peu souvent. Les Gallipolitaines formaient une communauté qui avait conservé un petit côté villageois marqué surtout par les traditionnelles vijitas. Elles se réunissaient souvent l’après-midi pour la cérémonie du café où, tout en parlant, l’une après l’autre faisaient tourner le moulin à café turc. Une fois qu’une dose de mouture était versée dans le djizvé et que l’eau finissait de monter, chacune recevait son findjan accompagné de bizkotchos, masapanes, etc. Puis, elles se remettaient à papoter et à chanter des kantikas.

Pique-nique avec les Bénézra. Au fond, de gauche à droite : Jacques, fils de Bivinuta et David Bénézra, Jeanne, Max et Joseph Bénézra, fils de Mazalto et Yshua Bénézra, Renée fille aînée de Bivinuta, Guy Albala. Au premier rang, de gauche à droite : Mazalto Bénézra, Bivinuta Bénézra, Rachel Albala, David Bénézra (cousin germain de Daviko Bénézra, frère de lait de Rachel Yohay.)

Qui étaient ces Bénézra pour ta famille ? S’il n’y avait aucun lien de sang entre les Yohay et les Bénézra, ces deux familles avaient une longue histoire commune. Déjà à Gallipoli, les femmes faisaient partie du même cercle d’amies

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Michel Bénézra et l’autre qui comptait deux frères, un second Nissim (père d’André Bénézra, journaliste) et Samuel. Le premier des Nissim cités était ingénieur agronome et il fut le premier à arriver au Maroc après son cousin Kandiyoti. Il demanda à son tour un terrain à cultiver, mais on lui répondit que les terres étaient désormais réservées aux Français. Il ouvrira un grand magasin de tissus et créera la tontine. Ma mère était aussi l’amie d’enfance de Bivinuta, l’épouse de David. Lorsqu’elles se sont retrouvées enceintes en même temps, elles s’étaient promis que si l’une d’entre elles avait un garçon et l’autre une fille, « on » les marierait. Je fus le garçon et Renée la fille, tous deux prédestinés à nous unir avant notre naissance. Nos mères se retrouvaient souvent et par conséquent nous deux également. Mais à l’adolescence, quand Renée a esquissé l’idée de réaliser le vœu de nos mères, je n’étais pas prêt. Nous étions si souvent ensemble que je la voyais davantage comme une sœur. Dans ma grande innocence de bovo, elle m’était taboue. J’ai très maladroitement fait comme si je n’avais pas compris, au grand dam de ma sœur Jeanne qui, elle aussi, était très proche de Renée et qui m’a dit qu’elle en avait souffert.

Famille Albala Rachel et Louis Albala avec leurs enfants Jeanne et Guy. Casablanca. Vers 1947.

8. De l’hébreu, comité.

et les hommes du même va’ad  8. Tous avaient subi les mêmes affres et ils se retrouvaient un peu « comme là-bas ». Ma mère avait tout de même un lien symbolique avec son frère de lait qui s’appelait Daviko Bénézra. Comme ma grand-mère manquait de lait, elle avait demandé à la mère de Daviko, la tiya Siniorachi, d’être sa nourrice. Plus tard, à Casa, mon oncle Rodolphe et Daviko habiteront quelque temps dans le même immeuble. Daviko était le cousin germain de deux autres familles de Bénézra : l’une formée de quatre frères : Nissim (le patriarche), David, Yshua et

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Est-ce que tes parents s’exprimaient entre eux dans d’autres langues ? Ils échangeaient surtout en judéo-espagnol, le français venait en second lieu. Et, lorsqu’ils ne voulaient pas que nous comprenions, ils utilisaient le turc. Mais au bout d’un certain moment, ma sœur et moi avions fini par deviner certaines choses. Mon père, dans son travail de placier, était accompagné d’un marocain qui l’aidait. Au contact de ce manœuvre, il a appris l’arabe dialectal, le darija. Mais ce manœuvre a été renvoyé pour avoir commis quelques larcins. Une autre recrue est arrivée. Mon père, fier de son apprentissage, s’est mis à lui parler en darija, mais l’employé ne bronchait pas. Mon père s’est étonné : « Tu ne comprends pas ? Qu’est-ce que tu


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parles ? » « Le berbère ! » Et mon père s’est alors rendu compte qu’en dehors des grandes villes, la majorité des Marocains ne parlait pas l’arabe, mais le berbère amazir. Mon père a alors appris le berbère. Il était l’un des rares Occidentaux à le parler couramment.

L’amitié avec Marcel Cerdan En 1948, nous habitions rue des Pyrénées, au Maârif, un quartier de Casablanca peuplé de réfugiés de la guerre d’Espagne. Marcel Cerdan vivait juste à côté de chez nous. Il avait quitté l’école très tôt. Comme tous ceux qui ont de grosses lacunes, il posait des questions et savait très bien se taire pour faire croire aux gens qu’il les comprenait. Un jour, dans la rue, il a entendu mes parents parler en judéo-espagnol. Il s’est approché et leur a demandé ce qu’ils parlaient, car il ne comprenait pas certains mots. Mon père lui a alors expliqué nos origines sépharades et il en a été presque émerveillé. Il trouvait très belles certaines de nos tournures comme par exemple quand nous disons cocho là où les Espagnols disent cosido. Il adorait ces subtilités. Il a dit à mon père : Ven, vamos a bever un machakito, « Viens, allons boire une petite anisette ». Ils parlaient pendant des heures et sont devenus très amis. Ils avaient en commun d’avoir fait leur chemin seuls dans la vie. Ils avaient aussi une passion pour le football qu’ils avaient tous les deux pratiqué dans leur jeunesse. La première fois que je l’ai rencontré, Cerdan a dit : Que guapo ! Que guapo ! Il a fallu que mon père me traduise et j’ai découvert qu’il y avait deux espagnols. Du temps où il était placier en vins mon père ne buvait jamais d’alcool, mais à Marcel Cerdan il ne pouvait rien refuser. Les tournées s’enchaînaient. Peu à peu, mon père est devenu adepte du machakito. Quand Marcel Cerdan a commencé son aventure avec Édith Piaf, sa femme Marinette est venue se plaindre à ma mère des infidélités de son

mari. Puis est arrivé le drame. Il devait prendre sa revanche contre La Motta à New York et son avion s’est abîmé en mer en octobre 1949. Une chapelle ardente a été installée et tout Casablanca est venu lui rendre hommage. Nous avons dû patienter quatre heures avant d’arriver devant son catafalque. C’est la première fois où j’ai vu mon père essuyer une larme.

Une adolescence au Maroc De 1948 à 1956, j’ai fréquenté le lycée Lyautey. Alors que j’étais un élève très prometteur en primaire, j’ai redoublé deux fois le lycée. Comment expliquer cela ? Mon père rêvait que je sois une lumière. Sauf que son frère Pepo et sa femme Régine ont eu un deuxième fils, cinq années après moi. L’accouchement a été difficile et ma tante a raconté qu’elle avait vu une lumière au moment de la délivrance. Elle nommera son fils Nuri, ce qui signifie « lumière » en arabe. Nos pères étaient très liés et les enfants de Pepo étaient pratiquement des frères pour moi. L’ennui, c’est que le petit dernier, Nuri Albala, se distinguait dès ses trois ans en effectuant des calculs de tête époustouflants. À seize ans, ce petit génie obtiendra le second prix du concours général en version latine. Il deviendra par la suite un grand avocat, un communiste et un franc-maçon investi dans tous les combats pour les droits de l’homme. Il m’a volé la vedette. Il avait éclipsé la merveille que j’étais avant lui et moi, tout en l’admirant, j’étais un peu jaloux. Mon père m’a élevé à la dure. Il me disait : « Iju d'un aznu ! Quand est-ce que tu vas comprendre ? » Il voulait que je sois comme Nuri : «  Mira tu suvrino ! Regarde ton cousin, on a lu sa première rédaction dans toutes les écoles de Rabat ! » J’ai tout de même obtenu mon bac. Comme mon père, je mourrais d’envie d’aller en Israël et de rejoindre Paul et Inès, mes cousins, les enfants de Rodolphe, mais je ne pouvais pas m’y rendre sans argent. Pour préparer mon aliya, j’ai postulé pour être instituteur et j’ai été accepté.

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Patrouille des daims, troupe Maïmonide des EEIF. Départ pour le camp d’été dans l’Atlas. À gauche, Albert Cohen, chef de patrouille, puis Guy Albala. Max Bénézra, deuxième à droite, mort en Israël lors de la guerre des Six-Jours. Casablanca vers 1949.

Bar-mitzvah de Guy Albala et de son cousin Paul Yohay avec sa sœur Yvette à gauche et Jeanne au milieu. Casablanca. Juin 1952.

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Bar-Mitzvah de Nuri Albala à la grande synagogue algérienne de Casablanca. Derrière Guy Albala. Casablanca 1956.

Bar-Mitzvah de Nuri Albala, fils de Regine et Pepo Albala. De gauche à droite : Jeanne Albala, sa maman Rachel, Pepo, Gabriel (Gabi) et sa mère Régine. Casablanca 1956.

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La nationalité turque Mon père avait fait son service militaire et avait donc gardé la citoyenneté turque au Maroc. À ma naissance, il m’a enregistré au consulat et mon acte de naissance, le nufus, porte le numéro 3 des Turcs nés au Maroc. Vingt ans après, mon père a invité le consul général de Turquie à la maison. Je ne comprenais évidemment rien à la conversation qui se déroulait entièrement en turc. J’avais une course à faire en ville et je me suis excusé auprès du consul. Le voilà qui insiste pour m’y déposer, ce que je n’ai pu refuser. Une fois en voiture, il a commencé à m’interroger. « Quel avenir envisagez-vous ? Vous savez que vous devrez faire votre service militaire en Turquie ? » Je lui ai répondu que j’avais obtenu un sursis puisque je m’étais inscrit à la faculté tout en travaillant comme instituteur. Il m’a alors demandé comment je comptais me débrouiller sans parler turc, une fois là-bas. Je lui ai répondu que j’apprenais vite et que d’ailleurs je savais déjà dire quelques mots, comme pezevenk. J’ai vu son visage se figer et il n’a plus rien dit avant de m’avoir déposé. Un peu plus tard mon oncle Pepo est venu me trouver et m’a donné une leçon : « Tu sais ce que tu lui as dit au consul ? » « Non ! » « Pezevenk cela veut dire maquereau et il n’y a pas de pire insulte ! » Je me suis défendu en lui disant que j’avais entendu mon père me traiter mille fois de pezevenk, et que je ne savais pas ce que cela voulait dire. C’est aussi l’époque où de nombreux Juifs marocains partaient en Israël. Quelle était la position de ta famille ? Mon père n’était pas religieux, mais il était très sioniste. Ma mère en revanche était plus réservée à ce sujet. Mon père n’est pas parti en Israël, d’une part, parce que Pepo n’y est pas allé et, d’autre part, parce que sa sœur Roza, qui avait perdu son mari en Israël dans un accident, était dans un tel dénuement qu’elle ne l’encourageait

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pas. Mon père l’avait fait venir pour assister à ma bar-mitzvah et elle lui a raconté la dureté de la vie là-bas. D’autres amis juifs marocains qui s’étaient lancés, en étaient vite revenus en se plaignant de l’accueil exécrable qu’ils avaient reçu. On a beau être sioniste, on ne prend pas tous les risques. Les premières années qui suivirent l’indépendance du Maroc ont été une période très dure pour les Juifs, malgré le fait que le roi Mohammed V les avait protégés sous Vichy. Ayant décrété l’instruction obligatoire dans tout le pays, le roi Mohammed V souhaitait que l’on enseigne l’arabe classique aussi bien que le français. Si pour le français, il y avait assez de maîtres (dont j’étais), il manquait de professeurs d’arabe. Nasser a alors proposé d’envoyer des enseignants égyptiens. Mohammed V a accepté sans comprendre le piège qui lui était tendu. Nasser a proposé aux instituteurs de la mouvance des frères musulmans qui croupissaient en prison d’aller enseigner l’arabe au Maroc à condition de renoncer à leur nationalité égyptienne. C’est ainsi que sont arrivées dans les écoles du Maroc des cohortes de frères musulmans. Ils ont découvert la bonne entente qui existait entre juifs et musulmans. Bien sûr la vie des Juifs pouvait être terriblement pénible parfois, mais, en général, le Maroc était et reste vraiment le pays de la convivialité. Les frères musulmans se sont efforcés de changer ces relations en propageant l’antisémitisme et en dénigrant l’enseignement du français. Le roi Mohammed V est décédé en 1961 et son successeur Hassan II a très vite compris le danger mortel posé par les frères musulmans. Comme il ne pouvait pas les renvoyer en Égypte, il les a fait enfermer et exécuter. Gilles Perrault qui a écrit ce pamphlet Notre ami le roi n’a pas compris qu’il avait sauvé le Maroc en agissant ainsi. Malheureusement certains rares Marocains ont eu le temps d’adopter les thèses des frères musulmans, comme ceux de sinistre mémoire, que l’on retrouvera plus tard à Molenbeek et ailleurs en Europe.


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Mariage et départ pour la France Trois mois avant de quitter le Maroc, un ami me présente Clarisse Abisdris dont je tombe tout de suite amoureux. Comme Clarisse devait repasser son bac, je suis parti seul à Marseille pour poursuivre des études en dentisterie et attendre Clarisse avec toujours l’idée d’aller ensuite en Israël. En France, il me fallait travailler et je suis devenu l’adjoint du directeur du centre communautaire juif de Marseille qui en était à ses balbutiements. Nous étions en avril 1962 et c’est le moment où sont arrivés massivement les Juifs rapatriés d’Algérie. Le centre communautaire s’est trouvé en première ligne. Très souvent, je me rendais au port pour éviter que la mafia marseillaise ne profite de la situation. Certains avaient tout perdu et s’étaient suicidés. Le principal soutien nous est venu du Secours catholique. Je me suis investi dans cet accueil et, faute d’avoir étudié suffisamment, j’ai échoué à l’examen de première année en juin 1962. Je suis retourné au Maroc retrouver Clarisse qui venait de passer son baccalauréat et ses parents ont accepté de l’envoyer étudier à Marseille. Avec Clarisse à mes côtés, j’ai repris mes études tout en travaillant au centre communautaire. J’ai réussi les épreuves dentaires, mais j’ai échoué aux examens de médecine. À l’été 1963, mon père a fait la demande en mariage et nos parents se sont accordés pour qu’il ait lieu en décembre 1963. C’est à ce momentlà que j’ai découvert la force des traditions chez les Juifs marocains. Nous nous sommes mariés civilement le matin à Marseille et nous avons pris l’avion pour arriver le soir même au Maroc. Et là, nous avons eu droit à une semaine de festivités inoubliables à la marocaine. Mon père ne pouvait plus nous aider financièrement. À notre retour à Marseille, il m’a fallu trouver un travail plus rémunérateur que le centre communautaire. J’ai alors fait une croix sur les études et je suis devenu délégué médical. Je me suis arrangé avec un concessionnaire Citroën pour

obtenir une voiture à crédit. Les premiers vrais salaires que j’ai reçus m’ont fait l’effet d’une libération après las estrechuras que nous avions passés. Clarisse a abandonné ses études, car elle ne voulait pas d’un diplôme supérieur au mien. Pendant cinq ans, j’ai donc été représentant médical dans le sud-est de la France. J’ai effectué des milliers de kilomètres et lorsque ma tournée passait par Grenoble, je dormais bien sûr chez ma sœur Jeanne qui s’y était installée avec son mari Sam Tolédano et son fils Marc.

Vacances à l’été 1964 dans le jardin de la maison familiale. Clarisse, Guy et Rachel Albala. Casablanca 1964.

La disparition de mon père Après notre mariage, mon père, resté au Maroc avec ma mère a fini par vendre la pâtisserie en 1965 à ses employés qui lui versaient le prix accordé par mensualités. Son frère Pepo était toujours à Rabat prêt à l’aider. Puis ma sœur Jeanne s’est retrouvée enceinte et ma mère est venue à Grenoble pour préparer l’accouchement. Elle a donné le jour à une fille. J’ai alors écrit à mon père pour lui conseiller le meilleur itinéraire pour nous rejoindre. Son refus et la façon dont il l’avait formulé m’ont alors stupéfié. J’étais inquiet, mais j’avais une tournée d’une semaine à faire depuis Marseille vers Nîmes, Montpellier et Perpignan.

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Mariage civil de Guy et Clarisse Albala à Marseille décembre 1963. Devant la mairie. De gauche à droite : tenant le bras du marié : Josette Detraz (témoin de la mariée), tenant le bras de la mariée, David Elfassi (témoin du marié). Entre les mariés, Paul Alezra, immigrera en Israël. Entre la mariée et David Elfassi, Nissim Hassid qui s’installera à Bat Yam. À la droite de David Elfassi, un ami proche Paul Dahan. À l’extrème droite, en haut des marches, Jean-Pierre Festy, dentiste.

Mariage de Guy et Clarisse Albala. Chez les Abisdris à Casablanca. Décembre 1963. De gauche à droite : Rachel, les mariés, Orhan(Shimon) Yohay, frère de Rachel.

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De gauche à droite : Orhan et Sarita Yohay, Rachel Yohay ep. Albala, Guy et Clarisse, Isaac et Mercédès Abisdris et Louis Albala. Au premier plan, Monique (Sarah) Abisdris.

Mariage de Guy et Clarisse à la grande synagogue algérienne. Cérémonie présidée par le rabbin Tapiero. Décembre 1963.

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Mon père est rentré à Casa et a attendu un appel. N’ayant pas de nouvelles, il a décidé d’aller trouver mon oncle Orhan, le frère de ma mère, et l’a prié d’appeler Pepo pour lui demander s'il pouvait venir. Pepo lui a alors répondu : « Il est bien là où il est ». Mon père est sorti de la maison et est allé s'acheter une corde. Il n’avait pas soixante ans. Le lien entre les deux frères s’était rompu et mon père s'était trouvé seul face à cette épreuve. Peut-être attendait-il aussi un soutien de ma sœur et de moi. Il était trop orgueilleux pour se plaindre ou pour demander de l’aide. Il avait l’habitude de répéter ce terrible proverbe judéo-espagnol : kuando el padre da al ijo, riye el padre, riye el ijo. Kuando el ijo da al padre, yora el padre, yora el ijo 9.

Guy Albala en Israël pendant les milouim (période de réserve). Israël. Golan vers 1972.

En Israël

9. Quand le père donne au fils, rit le père, rit le fils. Quand le fils donne au père, pleure le père, pleure le fils.

Pour la première fois, j’ai emmené Clarisse avec moi. Sa sœur Sarah vivait à ce moment-là chez nous. Nous ne sommes revenus que le vendredi soir très tard. C’est alors que j’ai aperçu au balcon du troisième étage ma belle-sœur qui me criait : « Guy, ton père ! ton père ! » J’entends encore le hurlement que j’ai poussé dans la rue. Mon père n’était plus. S’ouvre alors une période très difficile pour moi. Je suis retourné à Casablanca et c’est alors que j'ai appris ce qui s'était passé. Il était allé voir son frère Pepo à son magasin. Mon père était quelqu’un qui ne tenait pas en place, qui voulait toujours aider. Mon oncle sans réfléchir lui a dit : « Écoute, Régine est un peu fatiguée, va voir si elle a besoin de quelque chose. » Mon père est allé la trouver et celle-ci lui a répondu : « Je n’ai pas besoin d’un boy ici ! » Mon père mortifié est retourné voir son frère et Pepo lui a dit : « Retourne à Casa et je vais tâcher d’arranger ça. »

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Lorsqu'est arrivée la guerre des Six Jours, nous avons décidé de réaliser notre rêve et de partir vivre en Israël avec nos deux enfants. Après avoir mis un peu d’argent de côté, nous sommes partis en 1970. D’abord installés à Jérusalem où se trouvait l’oulpan, nous sommes ensuite allés vivre à Bat Yam où nous avions un ami Nissim Hassid, natif d’Istanbul. Après l’oulpan, j’ai été embauché dans une société appartenant aux Milchan Brothers où, après quelque temps, j’ai dirigé l’équipe des délégués médicaux des laboratoires Spécia. En octobre 1973, la guerre de Kippour a éclaté. J’avais trente-cinq ans. Mon unité a d’abord été stationnée à la frontière du Liban. Cinq jours plus tard, nous avons été transférés dans le Sinaï près du QG du front sud. Pendant trois mois, mon épouse Clarisse n’a reçu presque aucune nouvelle. À mon retour, elle était résolue à quitter Israël. Ma situation professionnelle est aussi devenue plus difficile. J’ai changé de société, mais avec moins de réussite qu’auparavant. J’ai donc été conduit à faire un choix difficile et nous sommes finalement rentrés en France où j’ai repris un poste en région parisienne.


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Guy et Clarisse Albala en Israël avec leurs enfants. À gauche, Michaël, à droite, Daniel. Photo prise pour un journal de l’Agence juive. Bat Yam 1972.

L’avenir du judéo-espagnol et le rôle d’Aki Estamos À Paris, à la fin des années 1970, j’ai découvert les ateliers de judéo-espagnol que Haïm Vidal Sephiha organisait au centre communautaire. Je me suis précipité à ses cours, mais je n’ai pas aimé sa façon de tout ramener à la distinction entre judéo-espagnol et ladino. Chez nous on disait espanyol et de temps en temps djudyo, mais aux États-Unis et en Israël, c’est le terme ladino qui est employé. J’ai le sentiment que c’est la norme qui s’est imposée pour désigner notre langue comme beaucoup d’autres termes réfutés dans un premier temps par l’Académie et qui ont fini par entrer dans le dictionnaire. Dès que j’ai appris l’existence de l’association Aki Estamos, j’y ai adhéré avec le bonheur de me retrouver en famille. J’ai participé aux différentes activités qu’elle met en place, Je lui dois d’avoir largement enrichi ma connaissance de cette culture à laquelle je reste profondément attaché. C’est quelque chose d’extraordinairement important pour moi. Je me reproche de ne pas avoir transmis

le judéo-espagnol à mes enfants. Quand j’ai essayé, ils apprenaient déjà le français et l’hébreu. Mon épouse trouvait que cela leur compliquerait inutilement la vie. Bien malgré moi, je me suis rangé à son avis. Je leur ai tout de même souvent dit des mots doux de chez nous. Mais je pense aussi que tant que l’on se dispute autour de notre langue, c’est qu’elle vit. Je me souviens aussi d’un professeur de l’université de Barcelone qui venait chez ma mère à Grenoble pour l’interviewer. De nombreux professeurs en Espagne se passionnent pour cette histoire et je sais qu’elle va durer encore longtemps. Ce sont d’ailleurs des chrétiens qui montrent de plus en plus d’intérêt pour ce que nous sommes. J’ai eu l’exemple magnifique des sœurs Gaëlle et Gwenaëlle Collin. Il y a aussi de nombreux ashkenazim que cela passionne. Naturellement ce que j’ai connu dans ma jeunesse ne reviendra pas, mais notre avenir est désormais plus du côté des réseaux sociaux avec ladinokomunita ou los enkontros de alhad. Finalement j’entrevois avec sérénité et bonheur que l’histoire continue.

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Mariage de Jeanne Albala et Samuel Toledano. Casablanca. 1959.

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Chronique de la famille Arié de Samokov (suite) Nous poursuivons la publication bilingue de la chronique de la famille Arié de Samokov. Ce tapuscrit qui comprend plus de 2000 pages en judéo-espagnol en caractères latins retrace la vie d’une famille de grands commerçants sépharades de Bulgarie du milieu du XVIIIe siècle jusqu’au début du XXe siècle. Il est l’œuvre de deux rédacteurs qui lui consacrèrent trente années de leur vie (1884- 1914). Ce texte inédit a été fortuitement découvert en 1944 par M. Élie Eshkenzi, fondateur de l’Institut scientifique juif auprès du Consistoire central juif de la République populaire de Bulgarie. Les quatre volumes trouvés chez un brocanteur ont probablement été abandonnés par des membres de la famille Arié lors de l’expulsion des Juifs de Sofia en 1943.

Ils sont actuellement conservés à l’Académie des sciences de Bulgarie. Par son ampleur tant chronologique que géographique, la chronique Arié constitue un document ethnographique de premier plan sur le monde judéo-espagnol des Balkans. En prévision d’une édition critique et intégrale du texte, nous en publions ici les chapitres les plus significatifs. Après avoir traité de l’établissement de la famille en Bulgarie, à Vidin puis à Samokov, nous abordons maintenant la période la plus faste de cette famille, celle qui vit les trois frères Tchelebi Yeuda, Gavriel et Avraam M. Arié, développer considérablement leur commerce entre Vienne et Constantinople.

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1. Du turc ottoman čayer : prairie, pré. 2. Du turc champs cultivés. 3. De l’hébreu : épidémie. [ J. Nehama] 4. Littéralement en turc : sa fin, (le terme de la vie), est venue. 5. Du tuc yatak : receleur.

Eyos los 2 ermanos, Tchelebi Yeuda i Gavriel, ke fin a un grado, ya se konortaron de la muerte de sus Padre, i ke ya kortaron tambien i el mez de el limunio, de prima sus ditchizion fue, de mirarsen un bilanso, por saversen rijir por el avenir, i ansi por poder, lavorar, en algun negosio, a razon ke los gastes en el tiempo ke estuvo hazino sus Padre les fueron grandes muntcho mas ariva de esto ke eyos lo podiyan azerlo, i ansi fue ke sin tadrar eyos rekoj[i]eron sus eskrituras, i esto de ropas ke posedavan i ke lo todo ya lo izieron muy presto, i lo ke toparon fue solo una suma de 10 000 groches ke les kedava por toda sus fortunas, aparte de la kaza de 2 apartamientos ke eyos moravan en eya, i un tchair 1, kon 4 pedasos de tarlas  2, i Tchelebi Avraam, non tomo parte en este bilanso porke el estava, en el midrach, estudiando, kon Hr. Avraam Alkalai, ke fue en este anyo ke tomo la Semaha (depluma) de ahaham achalem, i eyos los 2 ermanos ke lo ataron i lo afirmaron el bilanso, fueron de el presipio muy sikiliyados, ma non se deskorajaron i a dinguno non lo izieron saver sus position, otro ke eyos de mizmo sin dingun trokamiento, se enkaminaron en lo todo sigun de en el tiempo de sus Padre. Apenas ke eyos eskaparon de rekojer sus eskrituras i afirmar sus bilanso, i tambien ke ya kortaron el mez, de sus padre, fue ke se enpeso a sintirse ke entre los Turkos de Samokov, se ivan muriendo de la epidemiya de la magefa  3 ke es la peste i en Sofia ya estava esta maladia de mas antes, solo ke en Samokov non aviya, ke de esto fueron todos muy muntcho espantados, ke non saviyan kualo azer, porke en akeyos tiempos los Turkos non davan kredito, ke en ansi epidemiyas, ke son apegaderas, ke izieran karantinas, era eyos ke diziyan por kuando alguno se muriya era edjeli geldi 4 ke es ke le vino la ora de murir, i eyos sin tadrar, lo izieron ke fueron i alkilaron el un apartamento de el tchiflik, de unos siertos turkos de Samokov, ke eran Ahmed Aga Hadji Ibich oglu, i de Ali Aga Kara Kires ke lo enpatronavan en el kampo de Kalkovo, (el kual Kara Kires, era, un voivoda, yatak  5 or kavesera de una banda

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Année 5597 [1837/1838] Les deux frères, Tchelebi Yeuda et Gavriel, une fois passé le premier mois du deuil de leur père, et s’être un peu consolé de sa mort, décidèrent d’établir un bilan pour savoir où ils en étaient avec l’intention d’ouvrir un commerce. Ils avaient en effet beaucoup dépensé durant la maladie de leur père, bien au-delà de ce qu’ils pouvaient assumer. C’est ainsi que sans tarder, ils firent le bilan ainsi que l’inventaire des marchandises qu’ils possédaient. Tout compte fait, il ne leur restait pour toute fortune qu’une somme de 10 000 groches, sans compter les deux appartements où ils vivaient, un pré et quatre parcelles de champs cultivés. Tchelebi Avraam ne prit pas part à ce bilan, car il étudiait au Midrach avec maître Avraam Alkalai. C’est cette année-là qu’il obtint son diplôme rabbinique. Les deux frères clôturèrent et signèrent le bilan et même si au début ils furent très inquiets, ils ne se découragèrent pas et n’en parlèrent à personne. Ils se mirent à l’ouvrage sans rien changer à ce qu’ils faisaient du temps de leur père. À peine avaient-ils fait leurs comptes et passé le premier mois du deuil de leur père que se propagea la rumeur d’une épidémie de peste dont mouraient les Turcs de Samokov et qui sévissait déjà depuis un certain temps à Sofia. Cela leur causa une grande frayeur et ils ne savaient pas quoi faire, car à cette époque les Turcs lors de ces épidémies contagieuses n’appliquaient pas les quarantaines. Quand quelqu’un mourait, ils disaient simplement que son heure était venue. Sans tergiverser, ils louèrent un logement dans une ferme de Kalkovo appartenant à des Turcs de Samokov qui s’appelaient Ahmed Agha Hadji Ibichoglu et Ali Agha Kara Kires. Ce dernier Kara Kires était à la tête d’une bande de voleurs et vivait près des portes de la ville. À cette époque, Samokov était ceinte de profonds fossés et possédait à chaque extrémité deux portes d’entrée. Le soir, la police les fermait et elle les rouvrait à l’aube. Pendant la nuit, on ne pouvait entrer en ville. Ce Kara Kires avait sa maison près des portes et, pour pouvoir abriter à l’occasion sa bande de voleurs, il avait fait creuser un tunnel, très bien conçu et en grand secret. La nuit, il recevait ses hommes chez lui et les renvoyait


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de ladrones, i morava serka, de las puertas de la sivdad, i en akel tiempo la sivdad de Samokov, era arodeyada de unas ondas kavaduras, (endekis) i teniya puertas para entrar a la sivdad de 2 partes, i las tadres las seravan, de parte la polisiya, i a la maniyana las avriyan, kon el amaneser, i mientres las notches non se podiya entrar en la sivdad, i el ditcho Kara Kires, ke su kaza, era serka de las puertas, ke para guadrarlos en okasion a su banda de los ladrones, lo izo ke se izo kavar un lagum adebacho la tiera, kon ke fue muy bien lavorado i en muy sikreto i por la notche los resiviya en su kaza i a la maniyana los mandava, sin ke dinguno los viera, i de esta manera iva lavorando i soideyando a los pasantes i tornantes, sin ke se dieron en mano lungo tiempo, i mas tadre ke fueron buchkando, por saver sus sikretos, a razon ke estuvieron aziendo muntchos danyos, i las puertas ke mas ya non las seraron, porke esta seradura turo fin a el anyo de 5625, i en este tiempo tambien lo mataron a Kara Kires, kon plomo de viya la polisia i fue denpues de su muerte ke pudieron deskuvrir, el ditcho lagum, ke teniya una largura de komo 300 metros, i era ke una persona etchada podiya arastarse 6, i esto avista lo taparon, i lo derokaron, komo tambien i la kaza, i lo decharon kampo vazio, sin ke dinguno lo podria, enpatronarlo,) i sigun ditcho kon el alkilamiento de el ditcho tchiflik, eyos mandaron sus menesteres seya en mobiliya i seya tambien i de todos los otros menesteres por sus bivir, i en el 14 tamuz de este anyo partieron i eyos kon sus familias, adjuntandose tambien i H. Refael sus tio, kon toda su familia, i tambien H. Behoratche Avdala kon su familia ke es la Bu. Rahel sus tiya, i estuvieron todos djuntos en el ditcho apartamento, ke en el sigundo apartamento, ke aviya en este tchiflik, lo alkilaron H. Presiyado Koen, kon Chemuelatche el Chichko, i otras familias, i eran kada uno aparte ke se governavan, kuanto a las kazas i butikas de Samokov, les eran todas seradas, i siempre se estava en el tchiflik, sin ke dinguno de eyos veniya ni una vez a Samokov.

le lendemain sans que personne ne s’en aperçoive. De cette façon, ils agissaient et dévalisaient les passants sans que [le butin] traîne dans leurs mains. Comme ils causaient beaucoup de ravages, on chercha plus tard à percer son secret. Depuis 1865, on ne fermait plus les portes de la ville et c’est à ce moment-là que la police tua par balles Kara Kires. Après sa mort, on découvrit le tunnel qui mesurait environ 300 mètres et qu’une personne pouvait parcourir à plat ventre. Ils le bouchèrent et le détruisirent aussitôt tout comme la maison et laissèrent le terrain nu sans que personne puisse l’acheter. Une fois loué le logement à la ferme, ils y envoyèrent tout ce dont ils avaient besoin qu’il s’agisse de meubles ou d’autres choses nécessaires à la vie courante. Le 14 Tamuz de cette année, ils partirent avec femmes et enfants accompagnés également de leur oncle maître Rafael, de sa famille, de leur tante la Bulisa Rachel et de son mari maître Behoratche Avdala. Ils partagèrent le même logement. L’autre logement de la ferme était loué par maître Presiado Koen et Chemuelatche el Chichko et d’autres familles. Ils s’occupaient chacun de leur côté de leurs affaires. Quant aux maisons et aux boutiques de Samokov, elles étaient toutes fermées et ils restaient à la ferme sans qu’aucun d’entre eux ne mette, ne serait-ce qu’une seule fois, les pieds en ville. Maître Avraam Alkalai se chargeait de leur acheter et de leur apporter tout leur approvisionnement. Quand il s’approchait de la ferme, ils le fumigeaient bien ainsi que tout ce qu’il apportait, et une fois que les provisions avaient été bien fumigées pendant environ deux heures, ils les prenaient et recevaient maître Avraam chez eux. Il leur racontait tout ce qui se passait en ville pendant leur absence. Ils vivaient bien à l’étroit dans la ferme et toutes sortes de questions surgissaient entre eux que l’on ne saurait écrire, mais ils durent prendre leur mal en patience. Ils passèrent ainsi quatre mois dans l’inconfort de leur refuge, mais heureusement rien de grave ne leur arriva et personne ne perdit la vie. Comme la direction de la communauté de Samokov dépendait d’eux, avant de partir pour la ferme, ils réunirent tous les notables de la ville au Midrach, qui était l’endroit où l’on se réunissait pour décider des

6. Arrastarse (du portugais) : se traîner.

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7. Purifié, assaini par fumigation. [ J. Nehama] 8. Rohesim ou rohes (de l’H.) membres d’une confrérie pieuse administrant la toilette mortuaire. 9. Arrastando : sans travail, sans gagne-pain.

I por el menester de sus komaniyas i otros era por lo todo ke Hr. Avraam Alkalai, ke se las empleyava, i se las yevava, i lo aziyan ke kuando, se aserkava de el tchiflik, era ke lo safumavan muy bien a Hr. Avraam Alkalai, i tambien todas las kozas ke les yevava, i denpues ke ya pasavan de safumerio 7 komo unas 2 oras, era ke las tomavan las kozas i tambien lo resiviyan a Hr. Avraam ande eyos, i el era ke les kontava todas las kozas ke pasavan en la sivdad mientres los diyas ke non veniya. Sus maneras de bivir en este Tchiflik fue kon algo de estretchura en todos los puntos, i entre eyos les pasava, muntchas diferentes kistiones, ke son kozas ke non se pueden eskrivir, ma ya era ke las somportavan, eyos estuvieron ansi 4 mezes guadrandosen i sufriendo maneras de kozas, i grasias ke ke non arivaron en dingun modo de apreto, ni menos dingun kavzo de muerte. I siendo ke de eyos dependiya el governamiento, de la komunita de Samokov, fue ke antes ke partieran por irsen a el tchiflik, se rekoj[i]eron eyos djunto todos los notavles de la sivdad, en el Midrach lugar ke se aziyan las reuniones por el reglamiento de la sivdad, por reglar tambien seya el etcho de la komunita komo tambien sovre esto de la epidemiya de la magefa ke si en kavzo se podiya mas espanderse, i de suyo es ke kada uno iba a buchkar seya de fuirse or de guadrarse i en kavzo de algun muerto podiya ser ke non uviera ken ke lo rij[i]era i tambien ke lo enterara, i todas las familias ke aviyan en Samokov, en este tiempo eran todo 75, i ansi fue ke nominaron, Rohesim 8 i kabari, i Chamas[h]im, i de eyos les nombraron semanada, por esto ke deviyan de kudiyar i tambien ke non podiyan salir de la sivdad, i eran los ke les pagavan a Hostemli, a H. Chemuel Baruh, i a H. Koen i a 2 Chamachim, ke todos los kavzos de muerte, ke uvo en Samokov entre los Djidios fue, de 18, ke murieron de esto. I mas tadre ke ya non uvo mas i ke ya era entrada de invierno i tambien ke ya fueron muy kansos de estarsen arastando 9 por los kampos, i dechando kada uno sus kazas i butikas, i sovre todo ke los gastos tambien les eran grandes, se

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affaires communales comme de la communauté, et de l’épidémie de peste au cas où elle s’étendrait plus. Chacun pour soi allait chercher à fuir ou à s’isoler de sorte qu’il ne resterait bientôt plus personne pour s’occuper des morts et les enterrer. Il y avait 75 familles [ juives] à Samokov à cette époque et ils nommèrent des préposés aux soins funéraires et aux enterrements auxquels ils attribuèrent un salaire, pour ceux dont ils devaient prendre soin et qui ne devaient pas quitter la ville. Ils payèrent Hostemli, maître Chemouel Barouh, maître Koen et deux veilleurs. Parmi tous les Juifs de Samokov, 18 moururent de la peste. Quand il n’y eut plus de cas, à l’approche de l’hiver, alors qu’ils étaient fatigués de traîner désœuvrés à la campagne et d’avoir laissés derrière eux leurs maisons et leurs boutiques, alors que leurs dépenses étaient grandes, ils rassemblèrent leurs affaires et chacun retrouva sa maison et sa boutique. Au début, ils vécurent dans la peur, mais plus tard, ils retrouvèrent leur calme et leur confort et chacun reprit le chemin de son travail. Ladite ferme, après quelques années, tomba complètement en ruine et il ne resta plus à son emplacement qu’un terrain nu pas très grand qu’ils achetèrent en association avec Rachid Bey, qui était mineur, où l’on extrayait de grandes quantités de minerai de fer et qu’ils exploitaient pour leurs fabriques. Aujourd’hui où j’écris ce texte, il appartient à M. Chemuelatche Yeuda Arié et il en tire de 30 à 40 charrettes de foin chaque année. En l’an 5598 [année civile 1837/1838], les deux frères Tchelebi Yeuda et Gavriel et toute leur famille étaient revenus de la ferme avec leur mère la Bulisa Lea tandis que Tchelebi Avraam poursuivait ses études avec maître Avraam Alkalai. Ils s’installèrent dans leur maison où ils vivaient déjà du temps de leur père et où les deux frères maître Yeuda et maître Gavriel étaient passés dans le second appartement nouvellement construit alors que la Bulisa Lea avec son jeune fils Tchelebi Avraam demeuraient dans l’appartement qu’ils occupaient auparavant. Ils conservèrent toutes les règles de vie du temps de leur père, la cuisine se faisait toujours dans l’appartement de la Bulisa Lea où ils se retrouvaient tous pour manger. Les deux frères sortirent en ville pour trouver un travail, peu importe


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enpesaron a rekojersen i venirsen kada uno a su kaza i butika, ke a los presipios les fue espanto grande ma mas tadre eyos ya se resentaron i estuvieron muy buenos, i enpesaron kada uno a buchkar sus lavoro. Este ditcho tchiflik denpues de unos kuantos anyos, se deperdio enteramente, i resto un kampo vazio ni sikera bastante grande, i eyos lo merkaron en Hevra kon Rachid Bey, ke era Rudichta, ke sali[y]a muntcho metal de fiero, i la lavoravan para sus fabrikas, ke sali[y]a partidas grandes, i agora ke esto eskriviendo la dita lo enpatrona Sr. Chemuelatche Yeuda Arie i toma de el de 30 a 40 karos de paja en kada anyo. En este anyo de 5598, los 2 ermanos, Tchelebi Yeuda, i Gavriel kon todas sus familias, i Tchelebi Avraam ke kontinuava, de mizmo sus estudios, kon Hr. Avraam Alkalai, i sus madre la Bu. Lea ke ya se boltaron de el tchiflik, i se resentaron en sus kazas ke moravan de mizmo i antes en el tiempo de sus Padre, ke es los 2 ermanos Tchelebi Yeuda, kon Tchelebi Gavriel, se pasaron en el sigundo apartamento ke fue muevo fraguado, i la Bu. Lea kon su ijo el Tchiko el Tchelebi Avraam, fueron en el apartamento ke ya moravan i de antes, i todas las reglas, de sus bivir fueron de mizmo, sigun ke en el tiempo de sus Padre, i la kozina fue tambien en la kaza de la Bu. Lea i de mizmo se ivan todos a komer, en su kaza sin ke uvieran dingunos trokamientos, i eyos ke salieron a la plasa, para enpesar a buchkar de lavorar, en kualo fuesa, visto sigun ditcho ke sus furtuna ke les aviya kedado de sus padre afuera ke ya era muy tchika, fue ke i esto tambien ya lo gastaron en la ida ke se fueron por razon de la magefa, ke ya se kere entendido en kuala position arivaron, kij[i]endo dizir ke fueron enteramente vazios, i eyos torna kon todo los 2 ermanos, non pedrieron el kuraje, i entre las muntchas platikas ke eyos las aziyan, sovre el suyo avenir, fue ke eyos se detchizaron por ke, se fuera Tchelebi Gavriel, a Sofia, i ke le rogara a su esfuegro, H. Presiyado Tatcher, a ke le diera algunas kartas de kredito, por algunos de sus komisioneros, de Viena, porke H. Presiyado era uno de los

lequel, car comme je l’ai dit non seulement la fortune qui leur était resté de leur père était fort réduite, mais ils l’avaient encore dépensée en fuyant l’épidémie. On comprend aisément dans quelle situation ils se trouvaient, autant dire qu’ils n’avaient plus un sou vaillant en poche, mais, malgré tout, les deux frères ne perdirent pas courage, et au cours des nombreuses discussions qu’ils eurent à propos de leur avenir, ils décidèrent que Tchelebi Gavriel irait à Sofia et qu’il prierait son beau-frère, maître Presiado Tatcher, de lui donner des lettres de change pour certains de ses fournisseurs à Vienne. Maître Presiado était en effet l’un des principaux commerçants de Sofia ; ce dernier, sans rien leur refuser ni même discuter ou y mettre des conditions, leur donna plusieurs lettres de change toutes rédigées de façon à ce qu’on leur ouvre un crédit illimité. Il le remercia comme il se doit et il rentra à Samokov avec les lettres. On comprend sans peine le plaisir et la joie qu’ils éprouvèrent. Ils avaient l’intention d’acheter des marchandises et de les vendre en gros pour aller plus vite. Ils se préparèrent en peu de jours et Tchelebi Gavriel partit pour Vienne. Tout le voyage se faisait à cheval en passant par Nich, Aleksinac, Belgrade, Semlin [aujourd’hui Zemun] et Budapest d’où l’on allait à Vienne en diligence. Le voyage prenait un mois, car on devait respecter une quarantaine au passage de toutes les frontières. À peine était-il arrivé à Vienne qu’il s’adressa sans tarder à tous les fournisseurs auxquels il remit les lettres de change et tous le reçurent aimablement en lui disant qu’il fasse ses achats pour la somme qu’il souhaitait et en se mettant à sa disposition. Il s’en réjouit et il fit ses achats sans tarder suivant la liste qu’il apportait de Samokov à laquelle il ajouta quelques articles qui lui paraissait bons et des plus convenables pour Samokov. Ses achats s’élevèrent à une somme de 100 000 groches. Il s’en réjouit et revint très satisfait à Samokov. Les marchandises arrivèrent peu de temps après et ils firent de bonnes ventes avec un gain de 25 %. Surtout, les ventes se firent rapidement et ils encaissèrent les règlements sans aucune difficulté ni retenue. Cette année-là, où Tchelebi Avraam poursuivait ses études au Midrach, et comme les deux frères Tchelebi Yeuda et Gavriel avaient fait de bonnes affaires, ils

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10. L’actuelle Aleksinać en Serbie. Elle est située entre Nich et Belgrade. 11. Cette ville est aujourd’hui en périphérie de Belgrade et a pris le nom de Zemun. 12. Bulgare граница: frontière.

mas grandes, merkaderes de Sofia, ke el kual sin en nada refuzarle ni menos dingunas difikultades, ni algunas kundisiones, fue ke le dyo unas kuantas kartas, i todas eskritas porke lo akreditaran sin limito, ke de esto le dyo las grasiyas, menesterozas i se vino djunto kon las kartas a Samokov, i ya se kere entendido el gusto i la alegriya ke eyos la tuvieron, kon la entision, de merkar ropas, i venderlas en groso, lo todo por mas presto, i esto eyos se prontaron en pokos diyas, i partio Tchelebi Gavriel por Viena, i el viyaje, ke lo aziyan todo a kavayo, i se ivan viya de Nich, a Belogrado, i Aleksensa 10, i Semlin 11, Budapechta, i kon karusa era ke se iva a ir a Viena, i esto todo le turava el viyaje komo un mez, porke guadrava karantinas en todas las grani[t]sas  12,(konfines) i apenas ke ya arivo en Viena, sin tadrarse el se adereso ande todos los komisioneres ke les yevo las kartas de kredito, i todos lo resivieron kon buenas karas, en diziendole ke iziera sus empleos de la suma ke lo keri[y]a ke eyos ya, estan prontos para responder, ke de esto tambien se gusto muntcho i sin tadrar, el izo sus empleos, a detras de la nota ke ya se yevo de Samokov, i algunos tambien artikolos ke a el le paresio de bueno, ke lo todo de los artikolos ke eran los mas pasavles en Samokov, i la suma ke merko, fue, de 100 000 groches, el ke ya fue tanto kontente i kon esto, se vino a Samokov, muy kontente, i pasando poko tiempo ke ya le arivaron i las ropas, eyos izieron sus buenas venditas i kon una ganansiya de 25 %, ke lo mijor fue ke presto la vendieron i en kurto tiempo tambien izieron sus enkasos, en buena regla si[n] ke tuvieron dingunas difikultades ni menos detenimientos. En este anyo, ke Tchelebi Avraam, estava de mizmo kontinuando sus estudios, en el midrach, i siendo ke sus etchos, ya les fueron buenos, fue ke los 2 ermanos Tchelebi Yeuda i Tchelebi Gavriel se detchizaron de kazarlo a sus ermano el tchiko, kon la Bu. Bulisu Simha, la ija grande de Tchelebi Yeuda, i esto kon ke kedaron de akordo los 2 ermanos mas grandes, ke Tchelebi Avraam tambien teniya de tomar parte, en todos los etchos ke eyos lavorara, anke

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décidèrent de marier leur jeune frère avec la Bulisa Simha, la fille aînée de Tchelebi Yeuda. Les deux frères s’accordèrent là-dessus et sur le fait que leur frère devait être partie à toutes les affaires qu’ils traitaient même s’il était encore étudiant. Ils décidèrent aussi de partager les dépenses du mariage et ils en informèrent Tchelebi Avraam pour que tout cela soit fait avec son accord. Il accepta toutes leurs propositions et sur ce, ils commencèrent les préparatifs. En peu de temps, ils furent prêts et ils célébrèrent les noces en grande cérémonie. Ils convièrent beaucoup d’invités des autres villes, et parmi eux les plus grands rabbins de ce temps-là qui résidaient à Sofia, Dupnitsa, Kyustendil et Pazardjik, tous revêtus de leurs robes et de leurs couvre-chefs rabbiniques et chaussés de babouches. Ils restèrent les huit jours que durèrent les noces, se réjouissant et chantant tous les jours et toutes les nuits. Durant tout ce temps, les deux frères n’ouvrirent pas leur boutique et ne traitèrent pas de leurs affaires. Tous les soirs, ils accueillaient nombre d’invités et de parents à leur table. Les hommes, les femmes et même les enfants étaient toujours dans la maison où se célébrait le mariage. Chaque jour, les femmes venaient leur rendre visite et ils leur offraient toutes sortes de confitures en guise de douceurs, des cafés et des chibouques. Elles chantaient, dansaient et les hommes comme les femmes se réjouissaient, car l’on savait, comme je l’ai déjà écrit, que lorsque l’on célébrait les noces dans la maison des Ariés on ne regardait pas à la dépense du moment que tous prenaient du plaisir. La mariée apportait une dot de 500 groches et un trousseau bien garni. Elle était et fut toujours d’un bon caractère, très gaie, bonne ménagère, très convenable et elle avait des doigts de fée. Elle fut toujours comblée et n’était en rien jalouse. Elle savait bien chanter et avait une belle voix haute et claire. Elle était économe et était d’un naturel généreux et porté à faire le bien. Elle était franche et ne cachait rien de ce qu’elle avait sur le cœur. Elle ne se soumettait à personne, car elle n’avait peur de personne et savait se défendre, en tout bien tout honneur. C’est ainsi que tous l’aimaient et la respectaient beaucoup, son père plus que personne qui ne lui refusait rien de ce qu’elle lui demandait. Elle vécut toujours très unie à son mari. Tous ses parents


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ke estava estudiando, i kon el gaste de la boda, ke lo teniyan de azerlo de en medio, i de esto todo ke se lo izieron saver a Tchelebi Avraam, porke fuera kon su kontentes, fue de akordo, a todas sus proposisiones i sovre eyo, es ke enpesaron a prontarsen todos los menesteres por la Boda, i esto en poko tiempo eyos ke ya estuvieron prontos, izieron la Boda kon muy muntcho saltanat, i tuvieron a muntchos kombedados de otras sivdades, i entre los kombedados uvieron tambien i de los mas grandes Rabanim de akel tiempo, ke eran de Sofia, i de Dupnitsa, i Kyustendil, i Pazardjik, i todos kon sus bonetas i biniches, i sapatos kon las mestas 13, i estuvieron todos los 8 diyas de la Boda, en todos los diyas i en las notches, siempre alegrandosen i kantando i en estos diyas sus ermanos non avrieron butika ni menos ke miravan dingun etcho, era ke en kada notche, ke teniyan mezas yenas de kombidados, i todos sus parientes, seya parientes, seya los ombres komo tambien i las mujeres mizmo i las kriyaturas, eran todos siempre en la kaza de la boda, i entre los diyas era ke kada diya vijitavan todas las mujeres i a todas las adulsavan kon modos de konfiturias, i kahves, i tchibukes i eyas kantavan i bailavan, i se alegravan sovre todo ke kuando ya aviya bodas en la kaza de los Aries, sigun ke ya lo tengo eskrito, ke se gustavan todos seya ombres komo tambien i mujeres, i a eyos no se les enporto por el grande gaste ke izieron en tal de alegrarsen, i la noviya ke ya trucho 500 groches de kontado i muntcha achug[u] ar, i la noviya ke ya era i fue siempre buena, i muy alegre, i nikotchera i muy yakichikliya 14, ke a eya le veniya todo azerlo de su mano, i eya fue siempre arta de lo todo, i por nada non se enselava, eya saviya muy bueno kantar, i su bos era muy alta i ermoza, eya saviya i konosiya, la ikonomiya, su natura era de azer bien a todos, eya era liberala, i esto ke lo teniya en el korazon era i en la boka, ke nada non enkuvriya, i lo todo era a la klara, eya non se sotometiya a dinguno, porke non se espantava de dinguno, i se saviya defenderse, kon muntcha onor, i ansi era ke

et leurs amis lui offrirent beaucoup de cadeaux et de gratifications, en ducats comme en d’autres choses tout comme au marié. Une fois les noces terminées et que tous les invités furent repartis joyeux et satisfaits, et que furent généreusement rétribués, en argent comme en nature, les serviteurs et les servantes, tout comme les musiciens, ils se reposèrent quelques jours et Tchelebi Avraam à la satisfaction de ses frères et de sa mère, retourna à la maison d’études. Les deux frères reprirent leur commerce et la Bulisa Lea était pleine de joie. Elle dirigeait la maison et ses trois belles-filles en conservant la même disposition qu’auparavant : la Bulisa Lea avec Tchelebi Avraam et la Bulisa Bulisu dans l’ancien appartement. Ils ne changèrent rien non plus à la cuisine et comme avant elle se faisait chez la Bulisa Lea et tous mangeaient à la même table comme ils en avaient l’habitude. Toutes les visites que leur rendaient leurs parents, d’autres personnes et même toute la communauté aux premiers jours de Souccot et de Pessah se déroulaient dans l’appartement de la Bulisa Lea. Il en allait de même des visites que faisaient les femmes et en général toutes les rencontres avaient lieu chez la Bulisa Lea. C’est de cette façon qu’ils marquaient leur déférence envers leurs parents et il faut dire qu’ils agissaient bien ainsi alors qu’aujourd’hui c’est l’inverse chez la plupart des jeunes ; les uns disent que leurs parents sont déjà vieux et qu’ils ont assez vécu et les autres leur disent de rentrer à la maison se mettre au lit, car ils se sentent déshonorés lorsque l’on dit qu’ils ont un père ou une mère âgée. Une fois la cérémonie achevée, il leur fallut partir à nouveau à Vienne pour faire leurs achats. Tchelebi Gavriel fit une liste de tout ce qu’il devait acheter et il prépara aussi l’argent nécessaire. Cette préparation se faisait ainsi : tout ce qu’il recueillait tant en or qu’en argent, ils le faisaient fondre en lingots, car les monnaies qui circulaient en Turquie n’avaient pas cours en Autriche. Quand ils arrivaient à Aleksinac en Serbie et à Semlin, ils observaient trois jours de quarantaine. Leur banquier, M. Mathe Ruso venait leur rendre visite durant la quarantaine et il leur achetait les lingots d’or et d’argent qu’ils avaient apportés et il leur donnait des minsas qui est la monnaie en circulation en Autriche. M. Mathe Ruso

13. Chaussure sans contrefort pour soutenir le talon, à l’usage des rabbins et des personnes très pieuses quand elles vont à la synagogue pour les offices prolongés de Kippour, du 9 Av etc. [ J. Nehama] 14. Du turc yakişmak en judéo-espagnol yakishear : convenir, seoir, aller bien. [ J. Nehama]

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todos la amavan i la respektavan muy muntcho, su padre la amava mas de muntcho, i non le refuzava, en nada por todo esto ke le demandava, siempre bivieron kon su marido, muy aunados en todos los puntos, a eya le dieron todos los parientes, i los amigos muntchos prezentes, de bezas manos, seya en dukados komo tambien i de otras kozas, de mizmo i a el novio, i denpues ke ya eskaparon la Boda, i ke ya mandaron a todos los kombedados, [y]endosen muy kontentes i alegres, i ke ya pagaron a todos los servidores, i las servideras, muy bien pagados, seya en moneda komo tambien i en ropas, ansi tambien i a los tchalg[u]idjis, repozaron unos kuantos diyas, i denpues Tchelebi Avraam kon la kontentes de sus ermanos i su madre se fue tambien i en este anyo a el midrach por ainda kontinuar algo sus estudios, i eyos los 2 ermanos ke ya se fueron a sus negosio, era la Bu. Lea yena de la alegriya, i governava la kaza i a todas sus 3 nueras, en restando de mizmo sigun antes, la Bu. Lea kon Tchelebi Avraam, i la Bu. Bulisu en la kaza ke estavan i de antes, i los 2 ermanos de mizmo en la kaza ke estavan tambien i de antes, i kon la kozina non trokaron tambien nada, i lo aziyan lo todo sigun de antes, ke torna se guizava, ande la Bu. Lea i se komiya todos en una meza, sigun ke i de mas antes. Todas las vijitas ke les aziyan, seya los parientes, i seya tambien i otra djente, i de mizmo i kuando les veniyan el kolel entero a vijitarlos en los primeros diyas de Sukod i de Pesah i esto tambien era ke les veniyan en la kaza de la Bu. Lea, de mizmo era i las mujeres, en general lo todo era en la kaza de la Bu. Lea ke se rekojiyan, para lo todo, i era de esta manera ke las respektavan a sus parientes, i por esto kale dizir ke teniyan todo lo bueno, anke ke en el tiempo de agora, es al kontrario, en lo mas de la manseveriya, kon dizirles ke sus parientes ya son viejos ke los unos le dizen ke ya abasta bivio, i los otros les dizen ke se vayga en kaza i ke se etche a durmir, porke non les aze onor a eyos ke se diga ke tienen un Padre or una Madre vieja.

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les visitait chaque jour durant le temps de la quarantaine ; il leur apportait souvent de quoi manger et ils en profitaient pour se restaurer ensemble. Au sortir de la quarantaine, ils restaient encore un ou deux jours le temps de trouver le moyen de repartir, et M. Ruso les invitait chez lui où ils mangeaient et dormaient avant leur départ. Il en était ainsi à chacun de leur voyage. Au bout de quelques jours, Tchelebi Gavriel arriva à Vienne, et il ne perdit pas de temps en distraction. Il se mit aussitôt à l’ouvrage et s’efforça de le terminer au plus vite pour repartir. Lors de ce voyage, il fit des achats deux fois plus importants qu’à sa première visite. Quand la marchandise arriva en grande quantité à Samokov, ils ne purent l’écouler tout de suite et ils décidèrent d’en envoyer une partie à Filibe et une partie à Pazardjik où se tenaient des foires. De nouveau, ils l’écoulèrent rapidement en en tirant un bon prix, ils en furent très contents et satisfaits, et ils mirent toutes leurs forces dans le travail. Usref Pacha, le gouverneur de Samokov les avait sous sa protection et ils lui rendaient souvent visite en lui apportant des cadeaux de Vienne. Tchelebi Yeuda était celui qui lui rendait visite le plus fréquemment, et Usref Pacha le faisait asseoir et lui offrait un chibouque et un café ce qui, en ce temps-là, était un très grand honneur. Cette année-là, Tchelebi Yeuda eut un fils et ils le nommèrent Josef David, [celui qui dans la suite du texte est nommé] M. Davidtchonatche. Comme ils étaient très contents et satisfaits du tour que prenaient leurs affaires, ils célébrèrent comme une noce les huit jours où l’accouchée garda le lit, et il va sans dire que le jour de la circoncision, ils firent une grande fête en invitant toute la ville, hommes et femmes, et ils se régalèrent en chantant et en dansant, en s’égayant et en se réjouissant. Ce fut sa propre mère qui l’allaita et en prit soin, sans en concevoir de fatigue. Ils poursuivaient leurs vies comme les autres années. Ils mangeaient tous dans la maison de leur mère, la Bulisa Lea et économisaient sur leurs dépenses. Toute la somme qu’ils dépensaient pour subvenir à leurs besoins s’élevait à 3 000 groches par an alors que du temps où leur père était en vie, ils dépensaient plus de 10 000 groches et malgré tout ils s’arrangeaient avec cette petite somme sans comparaison avec celle d’avant, et faisaient


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La foire annuelle à Nagyszeben (Transylvanie) en 1819. Musée hongrois du commerce et de la restauration Budapest.

Denpues ke ya se eskapo la Boda, i ke eyos ya kalia ke partieran de muevo a Viena por azer sus empleos, fue ke Tchelebi Gavriel se izo la nota, de esto ke le kalia ke empleyara, i se pronto tambien i la moneda, ke el prontamiento de la moneda era ke todo lo ke rekojiyan seya en oro komo tambien i en plata, era ke lo deritiyan seya el oro komo tambien i la plata, i lo aziyan en kioltches, por razon ke las monedas ke sirkuliyavan en Turkia, non eran valavles en la Austriya, i kuando ya arivaran en Aleksensia, Serbia, i tambien Semlin ke en todos los 2 lugares guadravan a 3 diyas de karantina, i en sus estar en la karantina de Semlin ya les veniya sus bankero ke era el Sr. Mathe Ruso i les merkava las piezas de oro i de plata, ke eyos teniyan, i les dava minsas, ke es la moneda ke sirkuliyava en la Austriya, i el ditcho Sr. Ruso en el tiempo ke eyos guadravan la karantina, era ke los vijitava kada diya i muntchas vezes

en sorte que personne ne s’en aperçoive. Aux yeux du monde, rien ne paraissait changé et ce fut l’une des raisons de leur réussite. Ils continuèrent de cette façon un certain nombre d’années, sans se lasser et en conservant un lien fraternel entre eux et tous ceux de leur maisonnée, et ils vivaient ainsi heureux et satisfaits. À partir de ce moment, Tchelebi Gavriel estima que plutôt que de se rendre à Vienne, il serait préférable d’aller seulement à Pest où se tenaient à cette époque quatre foires annuelles. Il les fréquentait toutes et il y retrouvait toutes les marchandises, les fournisseurs et les banquiers de Vienne qui leur faisaient crédit. Cela leur permit d’ouvrir un magasin pour vendre leur marchandise à Filibe. Ils s’entendirent à ce propos et Tchelebi Gavriel partit seulement à Pest. Il emporta cette fois une plus grande somme d’argent en empruntant à leurs amis et à des beys. Beaucoup des marchands juifs de Sofia étaient également du voyage et ils se réunirent et partirent tous ensemble.

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La foire annuelle à Nagyszeben (Transylvanie) en 1819. Musée hongrois du commerce et de la restauration Budapest.

les traiva i koza de komer, i komiyan djuntos, i kuando ya saliyan de la karantina i ke estavan un diya 2 fin a topar el molde por partir adelantre, era ke Sr. Ruso se los yevava en su kaza i komiyan i dormiyan tambien en su kaza, fin ke partiyan adelantre, i ansi lo aziya en kada vez ke ivan, i Tchelebi Gavriel denpues de unos kuantos diyas ke el ya arivava a Viena era ke non se tadrava, or mirava en algunos sus plazeres, otro ke de vista era sovre el etcho i muy presto buchkava, de eskapar, por vinirse, i mirar de adelantar, ke en este viyaje el izo los enpleos 2 vezes mas grande ke de la primera vez, i en arivandoles la ropa a Samokov, i ke era la suma mas grande, i en Samokov ke non la podiyan venderla tanto presto eyos lo izieron ke mandaron partida de eya a Filibe i partida a Pazardjik ke en estos lugares se aziyan feriyas, i de mizmo las vendieron kon su buen presio i esto tambien i presto, i ansi eran

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Comme je l’ai dit auparavant, ils observaient la quarantaine à Aleksinac et Semlin. Leur banquier M. Mathe Ruso qui les protégeait et leur apportait la monnaie qui avait cours à Pest vint les trouver et ils furent à nouveau reçus chez lui. Au moment de quitter la maison de son hôte, Tchelebi Gavriel avait l’habitude d’offrir des gratifications aux domestiques et M. Ruso en était très honoré et satisfait d’autant que les Sofiotes n’agissaient pas ainsi. C’est pourquoi M. Ruso le tenait en haute estime, le protégeait et l’aidait bien plus que les autres. Une fois à la foire de Pest, ils firent leurs achats, chacun selon ses moyens. Tchelebi Gavriel acheta d’abord les marchandises qui se vendaient à crédit, puis celles qui se vendaient au comptant, jusqu’à ce qu’il ait dépensé tout son argent. Les achats réalisés par Tchelebi Gavriel étaient bien plus modestes que ceux des marchands de Sofia. Alors que la foire était sur le point de s’achever, il remarqua qu’il y avait beaucoup d’articles que l’on cédait à prix cassés, et


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muy kontentes i muy gustozos, i tambien lavoravan kon todas sus fuersas. Usref Pacha ke era el governador de Samokov era ke los protejava muy muntcho, i eyos siempre lo vijitavan i le traivan i algunos prezentes de Viena, ke lo mas muntcho era Tchelebi Yeuda ke lo vijitava, i era tambien ke lo asentava i le dava tchibuk i kahve ke esto era una onor muy grande para akel tiempo. En este anyo le nasio a Tchelebi Yeuda un ijo, i lo yamaron Josef David ke es este el Sr. Davidtchonatche, i sigun ke ya estavan muy gustozos, i alegres de sus etchos ke les kaminavan a delantre, fue ansi ke en todos los 8 diyas ke la parida estuvo en la kama lo izieron boda grande, i non kere ditcho ke en el diya de el birkad mila lo izieron fiesta grande kon ke kombedaron a la sivdad entera seya a los ombres komo tambien i a las mujeres, i komieron todos, kon kantes i bailes, i se kontentaron, i se alegraron, ke eran de esta manera ke se pasavan i biviyan kontentes, era su propia Madre ke lo aletchava i lo kudiyava, sin enfastiyarse. Eyos era tambien i en este anyo ke kontinuaron sigun de los otros anyos, ke komiyan todos en la kaza de sus Madre la Bu. Lea, i non se antcharon en el gaste, eyos tambien guadraron la ikonomiya, ke toda la suma ke eyos gastavan por el menester de sus mantenimiento, era de 3 000 groches, en el anyo, a tiempo ke ke kuando biviya sus Padre, el gaste ke gastavan era ariva de 10 000 groches, i aun kon todo ke eyos lo aziyan kon esta tchika suma ke era grande la diferansiya, ma torna kon todo eyos non se aziyan demostrar, ande la djente, i a los ojos de el mundo, se demostravan lo todo sigun de mas antes, ke fue i esto tambien i una de las razones, de los suyos adelantamientos, i de esta manera eyos kontinuaron unos kuantos anyos, sin kansarsen i kon la grande union ke los ermanos la tuvieron, i esta de todos los ke eran en kaza, i era ke lo pasavan i biviyan muy, alegres i muy kontentes. Tchelebi Gavriel de este tiempo i endelantre, mas ya non lo topo de djusto por ir a Viena, otro ke ya le fue muntcho mas mijor el ir solo a Pechta,

comme il n’avait plus d’argent, il voyait les Sofiotes les acheter, car ils avaient beaucoup plus de ressources que lui. Il pensa écrire à son frère à Samokov pour qu’il trouve le moyen de lui procurer une somme d’argent, mais ce n’était pas possible, car non seulement il était tard, mais il n’y avait pas de télégraphes, de postes et d’autres facilités pour communiquer. Il resta donc à chercher comment il pourrait se procurer une somme d’argent pour acheter lui aussi les articles qu’il voyait à si bon prix. Il n’osait demander à personne, car il avait peur d’un refus et d’être atteint dans son honneur. Il alla donc marcher au bord du Danube, déambulant en proie aux soucis, et au cours de cette promenade, il tomba sur M. Ruso qui lui demanda : « Pour quelle raison te promènes-tu ainsi alors que la foire bat son plein ? » Aussitôt Tchelebi Gavriel lui dit qu’il avait bien raison de lui poser cette question et que la cause en était qu’il était à court d’argent et que bien qu’il y ait encore beaucoup d’articles, il n’avait plus de quoi les acheter ; que s’il voulait lui être agréable, il pouvait lui prêter une somme contre intérêts, et qu’il aurait de quoi la lui rembourser, car les articles étaient très intéressants. Sur-le-champ, M. Ruso sortit son portefeuille de sa poitrine et tout en lui disant de bien les tenir, car il y avait beaucoup de vent et qu’ils auraient pu s’envoler dans le Danube, il lui décompta 10 billets de 1 000 florins en lui demandant : « c’est suffisant ? » Tchelebi Gavriel non seulement le remercia mille fois, mais il lui dit que c’était beaucoup, et aussitôt il se rendit là ou se tenait la foire et il acheta beaucoup plus d’articles à bon prix qu’à l’ouverture. Il est facile d’imaginer combien il fut satisfait de ces derniers achats, et après avoir envoyé toutes les marchandises qu’il avait achetées, il rentra à Samokov tout réjoui, et après quelques jours, il partit pour Filibe louer un magasin, et plus tard, quand les marchandises commencèrent à arriver, ils les vendirent en bon ordre et de la manière la plus honnête qui soit tant à Samokov qu’à Filibe.

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15. Facilités. Substantif formé sur l’adjectif kolay (du turc facile).

ke en este lugar en akel tiempo se aziyan 4 ferias en el anyo i el las iva a frekontar todas las 4, ke de mizmo ya se topavan todas las ropas i los komisioneres i bankeres de Viena, ande eyos teniyan sus kreditos, i kon esto eyos era ke podiyan i avrir tambien i un magazen por vender ansi ropas tambien i en Filibe, i esto ke ya lo toparon de mas djusto fue ke partio Tchelebi Gavriel torna por ir solo a Pechta, kon ke se yevo en esta vez mas grande suma de moneda i esto kon ke se enperestaron de sus amigos, i de los begis, i de Sofia ke ya se ivan muntchos de los merkaderes Djidios ke ya aviyan fue ke se adjuntaron todos i en una partieron, i sigun ditcho mas antes ke eyos guadravan las karantinas, en Aleksensa i Semlin, i ke sus bankero el Sr. Mathe Ruso, ke los protejava i les trokava, sus moneda, por la moneda pasavle en Pechta, fue i en esta vez tambien lo mizmo, i estuvieron tambien, en su kaza komo musafires, i Tchelebi Gavriel ke estava tambien, era ke lo aziya ke kuando se iva a salir de la kaza, el les dava prezentes en moneda a los servidores de la kaza, i esto le era a el Sr. Ruso muy grande onor i plazer, lo kual ke los otros sus musafires los Sofiyales non lo aziyan esto, i ansi era ke a Tchelebi Gavriel lo viya muy klaro ke lo protejava i lo ayudava mas muntcho de los otros, i eyos ke ya estuvieron en la feria, de Pechta, lo izieron sus empleos, kada uno, sigun de su posibilidad, ansi de mizmo i Tchelebi Gavriel lo izo ke merko al presipio las ropas ke se merkavan a kredit, i denpues estas ke eran por kontante, lo todo fin a ande tuvo moneda, i a toda viya los empleos ke aziya Tchelebi Gavriel eran muntcho mas tchikos de estos ke los Sofiyales los aziyan, i serka komo a la seradura de la feria, era ke Tchelebi Gavriel lo viya ke aviyan de merkar muntchos modos de artikolos ke se estavan vendiendo muy baratos, i siendo ke el ya non tuvo mas moneda, era ke estava mirando sigun ke los Sofiyales siempre los merkavan, porke eyos ya teniyan muntcho mas de Tchelebi Gavriel, el se pensava, si mizmo, eskriviya a Samokov a su ermano porke topara el molde de kuala suma fuesa, non podiya ser porke aparte ke ya era tadre,

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era ke non aviya tambien los telegrafos, i pochtas i otros kolailikes 15 para azerlo esto, ansi fue ke sovre esto lo tuvo muy muntcho a pensar, komo lo podiya azer, por aremediyarse de algun lugar alguna suma de moneda por poder i el tambien merkar de los artikolos ke se le viyan tanto baratos, ke astrevirse a dinguno se espantava por el refuzo i kon esto era ke se guadravan muntcho la onor, lo izo ke se enpeso a kaminarse al borde de la oriya de la Tuna en aziendo las promenatas kon los mil penserios, i en esta promenata fue ke lo enkontro el Sr. Ruso i le demanda, kualo es la razon en el tiempo de feriya azer promenatas ? a la ora Tchelebi Gavriel le dize ke ya tiene muntcha razon de ansi una demanda ma el es ke non teniya mas moneda, por empleyar, ke ya ay muntchos artikolos ma es esto ke le mankava, i si le keriya azerle plazer, ke le enprestara la suma fuesa kon ke le pagava sus interesos, i ke ya teniya konto de pagar porke los artikolos ya estavan muy konvenivle, i a la ora el Sr. Ruso sigun ke estavan en la plasa kito su portmone, de su petcho, i le dicho deteneldos bueno porke aviya muntcho aire i ke non se bolen a la Tuna, i le konto 10, bankonotos de a 1 000 florinos, i le demando abasta ? i Tchelebi Gavriel aparte de todas las grasiyas ke el le dyo, le dicho tambien ke ya es i muntcho, i devista se fue a la plasa de la feriya, i se merko muntcho mas baratas ropas de el presipio, i ansi de esto tambien ya se kere entendido, el gusto ke tuvo, de este ultimo empleo, i denpues ke ya expedio toda su ropa ke el la empleo, se vino a Samokov muy kontente, i pasando unos kuantos diyas el partio por Filibe para alkilarse magazen, i mas tadre ke ya le enpesaron, i arivar las ropas, eyos aziyan las venditas seya en Samokov komo tambien i en Filibe, lo todo en muy buena regula, i kon la mas grande deretchedad.


PARA MELDAR |

Para Meldar L’Antisémitisme grec en Asie Mineure (Smyrne 1774-1924) Léon Kontente

Libra Kitap ve Yayıncılık. 2018. ISBN : 978-605-9022-17-0

Sous ce titre, l’auteur présente les résultats d’un travail de recherche considérable réalisé grâce à la connaissance de différentes langues parmi lesquelles il cite le turc ottoman et le turc moderne, même si nombre d’archives écrites dans ces langues ne sont guère accessibles. Certes, la période qu’il couvre, 1774 – 1924, révèle déjà son ambition, mais il va bien au-delà de l’objet qu’il se propose, à savoir l’antisémitisme grec en Asie Mineure et principalement à Smyrne. Son propos est en fait de couvrir tout un pan de l’histoire complexe de la Méditerranée orientale incluant souvent la Grèce et ses îles et bien sûr la côte occidentale de la Turquie qui connut une importante colonisation hellène dès l’antiquité. Cette implantation ancienne, il l’intègre dans un monde rendu complexe par la multiplicité des communautés qui, à l’image des États-Unis, a toujours fait de l’Empire ottoman une sorte de pseudo-melting-pot où chaque population côtoie l’autre sans que pour autant il ne se produise d’osmose effective même s’il est toujours possible de relever certaines influences de la culture dominante sur les cultures « hôtes ». Les plus importantes de ces communautés, dans la zone concernée, étaient turques, juives, arméniennes et levantines. Si les Grecs orthodoxes sont pour ainsi dire autochtones vu l’ancienneté de leur implantation qui daterait du IXe siècle avant notre ère, les Turcs, musulmans, arrivent à partir du XIIe siècle

de l’intérieur de l’Asie où l’on trouve des peuples turcophones jusqu’en Chine. Les Latins, catholiques, s’installent dans le sillage des croisades, notamment de la quatrième en 1204. Cohabitent en outre avec ces groupes majeurs, des Juifs arrivés au XVIe siècle et des Arméniens qui ont immigré un siècle plus tard. Même si l’on peut parler d’une « cohabitation apaisée », il existe entre ces diverses communautés des tensions qui peuvent parfois dégénérer en conflits sanglants, conflits qu’entretient par ailleurs l’interventionnisme étranger dans la politique de l’Empire ottoman. Les Russes, les Français, les Anglais, voire les Italiens, entre autres, agissent ici selon leurs intérêts du moment et en fonction d’alliances variables. Les Juifs vivent en assez bons termes avec le pouvoir ottoman. Il n’en est pas de même des minorités chrétiennes, notamment de la minorité grecque orthodoxe qui reste suspecte, et bien souvent à juste titre, de sympathie pour et de collaboration avec le petit royaume de Grèce déclaré état indépendant en 1830, à la suite du protocole de Londres. Après avoir dressé ainsi la carte démographique de Smyrne et de sa région, Leon Kontente, nous décrit les différentes phases d’une histoire ottomane très agitée qui influent considérablement sur les rapports intercommunautaires. Après avoir été grecque jusqu’au XIe siècle, cette côte occidentale de l’Asie Mineure passera sous la domination de tribus turciques, avec la prise de Constantinople au XVe siècle et l’instauration de l’Empire ottoman. L’expulsion des Juifs d’Espagne en 1492 constitue évidemment un évènement important dans l’histoire de l’Égée orientale, puisque nombre d’entre eux seront accueillis par le sultan Bayezid et pourront même jouir de droits plus étendus que les Grecs. D’autres évènements non moins importants modifieront au

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Le quartier grec de Smyrne avec au premier plan l'Eglise Saint Georges. Circa 1885. Sebah & Joaillier. Collection Pierre de Gigord. Getty Research Institute.

cours des siècles les conditions de vie de chacune des communautés : la guerre turco-vénitienne au XVIIe siècle ; le sabbataïsme ; le séisme de 1688 qui détruit entièrement Smyrne ; les guerres russoturques au XVIIIe siècle ; l’insurrection grecque de 1821 ; l’impérialisme russe au XIXe  siècle ; la montée en force du mouvement des Jeunes Turcs en 1909 et l’instauration d’une République laïque en 1923 par Mustapha Kemal. Il faut noter que les Juifs smyrniotes, à la différence des autres communautés de la ville, durant tous ces bouleversements, restent majoritairement solidaires du pouvoir en place. C’est dans le cadre de cette histoire troublée que Leon Kontente nous expose les relations tout aussi chaotiques des communautés juives et grecques. « En réalisant l’étude de l’histoire de

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Smyrne j’ai réalisé que l’animosité entre Grecs et Juifs en Asie Mineure, connue de tous, avait des racines profondes et que le rejet, voire la haine de l’autre était ancré dans le subconscient des communautés en question. Cette incompréhension réciproque n’est pas un cas propre à Smyrne : elle a existé dans toutes les villes ottomanes ayant d’importantes communautés grecques et juives, comme Salonique, Monastir, Magnésie ou Andrinople ». Non seulement la religion peut opposer Grecs et Juifs mais « dans le domaine économique, les intérêts divergents des différentes communautés exacerbent les passions ». Cette constatation doit nous permettre d’analyser les faits de religion, à savoir les accusations récurrentes de meurtres rituels, non seulement à la lumière des croyances religieuses, mais aussi des intérêts économiques


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et de nous poser la question suivante : « L’accusation de meurtre rituel auquel le petit peuple grec croyait fermement malgré toute son absurdité, ne servait-elle pas l’intérêt d’acteurs économiques ? » En effet Grecs et Juifs se trouvaient souvent en concurrence dans le monde égéen et la mise à mal de la communauté juive smyrniote sous le prétexte fallacieux de l’enlèvement et du sacrifice d’un enfant grec pouvait l’affaiblir à plus ou moins long terme. Le chapitre du meurtre rituel est d’une importance primordiale, car traiter de l’antisémitisme religieux c’est tenter de saisir l’incompatibilité et la contradiction entre la foi et la faculté de raisonner. La religion possède toujours dans le monde orthodoxe une position centrale et la période des Pâques était encore récemment l’occasion de manifester son ressentiment vis-àvis des prétendus responsables de la crucifixion. Nous pouvons parler d’un « traumatisme pascal » chez le croyant grec, impliquant des manifestations de deuil durant lesquelles la haine manifestée à cette époque de l’année – qu’il s’agisse de la Pâque juive ou des Pâques orthodoxes – toute irrationnelle qu’elle puisse nous paraître, vingt siècles après les évènements supposés, trouve son explication : elle est bien cette expression de la foi comme acte du cœur, profondément enracinée parmi les petites gens, refusant d’obéir à toute logique et réfractaire à tout acte de réflexion. L’exacerbation des sentiments religieux et antisémites intimement liés est parfaitement analysée par l’écrivain crétois Nikos Kazantzakis dans son roman La Liberté ou la Mort qui se déroule dans une Crète ensanglantée par les soulèvements contre l’occupant turc de la fin du XIXe siècle. C’est en gardant continuellement présent cela à l’esprit qu’il faut comprendre les cas d’accusation de meurtre rituel qu’énumère Leon Kontente. Il convient de préciser, pour ajouter à l’absurdité de la chose, que cette accusation reposait sur la croyance populaire selon laquelle, pour leur Pâque, les Juifs enlevaient un enfant chrétien

pour en recueillir le sang et en faire leur pain azyme… Et par quel moyen ? En l’enfermant dans un tonneau garni de clous que l’on roulait pour extraire le plus possible du précieux ingrédient. Ainsi que le précise l’auteur, la première accusation n’est pas orthodoxe, mais se produit en 1144 à Norwich en Angleterre. Mais alors que ces calomnies disparaissent progressivement en Europe occidentale, elles apparaissent au XVIIIe siècle dans l’Empire ottoman, véhiculées par des Grecs. La première de ces calomnies qui a lieu en 1774 s’avère être le premier acte antisémite à Smyrne. Le même scénario se reproduit en avril 1864. Un enfant grec disparaît. Quoique son corps soit retrouvé dans le puits d’une maison grecque cela ne calme pas les esprits. Les Juifs, à l’approche de Pâques doivent éviter de pénétrer dans le quartier grec ou dans des villages à majorité grecque. En 1872 une telle calomnie va provoquer de violentes émeutes antisémites. Les Grecs armés de couteaux marchent sur le quartier juif, tuent plusieurs personnes, mettent le feu à une soixantaine de maisons et des commerces. Le Vali ordonne la formation d’un cordon de police autour du quartier juif. Les incidents se propagent à l’intérieur du pays. Les Juifs doivent se réfugier dans des maisons turques pour sauver leur vie. Ces incidents se poursuivront dans la région de 1883 à 1898. Alors que Smyrne entre dans le XXe siècle, le 22 mars 1901 à l’approche de la Pâque juive un jeune Grec de dix-sept ans disparaît. Environ 10 000 Grecs après s’être rassemblés autour de la cathédrale Aghia Photini où les meneurs sonnent le tocsin, marchent sur le quartier juif. Quarantedeux personnes sont arrêtées. Si les débordements ont été contenus à Smyrne, toutes les villes de la région se sont embrasées. Le 13 juillet 1901 s’ouvre le procès dit des « sonneurs de tocsin ». L’avocat turc des accusés, Tevfik Nevzat, tente, dans sa longue plaidoirie, d’expliquer ces incidents par la naissance de l’antisémitisme moderne en Europe. Le Code pénal turc ne prévoyant pas ce genre d’évènement à caractère raciste, les accusés furent essentiellement jugés pour troubles à l’ordre

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public ce qui occulta la vraie raison de ce procès. Treize des inculpés sont condamnés à sept mois et demi de prison et les autres sont relaxés. Il est utile de rappeler que ce phénomène qui touche Smyrne et son hinterland est répandu dans tout l’Empire. Dans le monde grec proprement dit, pas moins de 34 cas sont recensés entre 1840 (à Rhodes) et 1932 (le dernier, à Kavala), le plus important étant assurément celui de Corfou en 1891 qui donna lieu à un véritable pogrom lors duquel les communautés orthodoxes et catholiques, habituellement à couteaux tirés, trouvèrent enfin un terrain d’entente selon l’adage qui veut que l’ennemi de mon ennemi est mon ami. Le cas de Corfou, île de culture italienne, est particulièrement représentatif de l’absurdité de ces croyances populaires. Nous savons en effet que la victime, Rubina Sarda, n’était pas chrétienne, mais juive et que toute l’affaire s’explique par un sombre commerce pédophile. D’autres prétextes sous-tendent l’animosité grecque à l’égard des Juifs de Smyrne, souvent jugés comme responsables des épidémies ou des incendies. À ce sujet il serait intéressant d’établir un parallèle entre Smyrne et Salonique, capitale de la Macédoine et ville « convoitée », digression qui dépasserait le cadre de cette recension. Après l’occupation par la Grèce, de 1919 à 1922, de Smyrne et de son territoire, peuplés de 950 000 habitants dont 550 000 Grecs et 80 000 Juifs et au lendemain de la déroute des armées du petit royaume face à celles de Mustapha Kemal, la région va se vider presque totalement de sa population grecque. Cet épisode qui entraînera la mise en jugement de 8 membres de l’armée et du gouvernement dont 6 seront condamnés à mort et fusillés, restera connue sous le nom de « catastrophe d’Asie Mineure ». La communauté juive qui dans plusieurs domaines se substitue aux Arméniens et aux Grecs ne devrait plus avoir à craindre la concurrence et le ressentiment de l’élément orthodoxe. Et pourtant, la Turquie, devenue une République, évolue politiquement et idéologiquement durant les années suivant la confé-

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rence de Lausanne de 1922-1923. Elle se tournera progressivement vers l’Allemagne hitlérienne. Les hauts fonctionnaires et la presse manifestent clairement leur soutien au nouveau régime nazi. Des mouvements antisémites se développent en Turquie, accusant les Juifs d’être un danger pour la nation. Le nationalisme turc exacerbé engage une campagne intitulée Vatandaş Türkçe Konuş ! « Citoyen parle turc ! ». Parler judéo-espagnol en public est passible de sanctions. En 1958, la calomnie de meurtre rituel est à nouveau lancée par un journaliste antisémite, Cevat Rifat Atilhan, qui prétend que les Juifs ont toujours sacrifié un enfant musulman selon le procédé du tonneau à clous. Mais il y a déjà bien des années que cette communauté a émigré en masse aux quatre coins du monde en emportant avec elle sa culture ancestrale, sa langue et ses traditions cultuelles.

Bernard Pierron


Las komidas de las nonas KOFTES ABAFADAS BOULETTES DE VIANDE À L’ÉTOUFFÉE

Oy es una resefta de los Istamboulis, ke topi en el livro de Deniz Alphan (ke ize muy bueno de merkarlo este enverano). Es una muy buena koza de kozer la karne molida de esta manera, me plaziyo muy muncho. Es una komida ke se kome kon arroz o patatas eskaldadas o fritas… humm… Espero ke vos va plazer.

Ingredientes – ½ kg karne molida – 2-3 revanadas de pan viejo – una sevoya – sal,pimienta – alzete para freir

Preparamiyento Mesklar la karne molida, la miga de las revanadas de pan, mojadas i esprimidas, sal, pimienta i la sevoya rayida kon un poko de alzete.

Recette publiée sur le blog de Sarah Izikli http://savoresdesiempre.blogspot.com

Masar muy bueno Tomar pedasikos de karne i dar forma de kofte En un paylon meter las koftes, echar un poko de alzete enriva i adjustar agua ( de manera a ver enriva de las koftes) Kozer fina ke buyi la agua, abashar el fuego. Kozer las koftes kon un ‘kapak’ – en turco (couvercle en fransez) – Aboltar las koftes de vez en kuando.

Note de la rédaction

Cette recette connaît de nombreuses variantes régionales. Parmi les ingrédients que l’on peut ajouter citons le cumin, la coriandre, l’origan, la menthe, l’ail, le persil, la pistache, la carotte, le romarin, la cannelle, les raisins de Corinthe, l’aneth.

Aujourd’hui je vous propose une recette stambouliote que j’ai trouvé dans le livre de Deniz Alphan (que j’ai très bien fait d’acheter cet été). C’est une très bonne façon de cuire la viande hachée qui me plaît beaucoup. Ce plat se mange avec du riz, des pommes de terre bouillies ou frites… humm… j’espère que cela vous plaira.

Ingrédients pour la pâte – ½ kg de viande hachée – 2 ou 3 tranches de pain sec – un oignon – du sel et du poivre – de l’huile de cuisson

Préparation Mélanger la viande hachée, la mie de pain mouillée et essorée, le sel, le poivre et l’oignon râpé avec un peu d’huile. Bien malaxer. Prendre de petits morceaux de viande et leur donner la forme de kofte Placer les koftes dans une poêle, ajouter un peu d’huile dessus et ajouter l’eau (de manière à toujours voir en haut des koftes). Porter à ébullition, puis diminuer le feu. Cuire en couvrant la poêle d’un couvercle. Retourner les koftes de temps à autre.


Directrice de la publication Jenny Laneurie Fresco Rédacteur en chef François Azar Ont participé à ce numéro Guy Albala, François Azar, Jenny Laneurie Fresco, Bernard Pierron, Martine Swyer. Conception graphique Sophie Blum Image de couverture Jeanne et Guy Albala. Casablanca. 1944. Photo Fabian. Impression Caen Repro Parc Athéna 8, rue Ferdinand Buisson 14 280 Saint-Contest ISSN 2259-3225 Abonnement (France et étranger) 1 an, 4 numéros : 40 € Siège social et administratif MVAC 5, rue Perrée 75003 Paris akiestamos.aals@yahoo.fr Tel : 06 98 52 15 15 www.sefaradinfo.org www.lalettresepharade.fr Association Loi 1901 sans but lucratif n° CNIL 617630 Siret 48260473300048 Janvier 2022 Tirage : 950 exemplaires Numéro CPPAP : 0324G93677

Aki Estamos – Les Amis de la Lettre Sépharade remercie ses donateurs et les institutions suivantes de leur soutien


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