3. Bouleversement du modèle
POUR ALLER PLUS LOIN, LA GUYANE DU XXIÈME SIÈCLE
3.II.
LES CHANGEMENTS APPORTÉS PAR LA DÉPARTEMENTALISATION Il y a maintenant 73 ans, les quatre “vieilles colonies” de la France, la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique et la Réunion accèdent au statut de départements d’Outre-mer. Leurs habitants sont des citoyens français depuis 1848, lorsque l’abolition de l’esclavage a rendu leur liberté à des milliers d’esclaves. Une citoyenneté néanmoins au rabais sous ce statut colonial où la France considère les habitants “comme des colonisés, comme des hommes qui appartiennent à une race inférieure. Il s’agit de noirs… ”1 La départementalisation de 1946 a provoqué des bouleversements économiques, démographiques et culturels. Sur le plan économique, la départementalisation est synonyme d’aides. C'est un nouveau statut qui débloque des budgets et améliore le niveau de vie de façon significative. Sur le plan démographique, elle est la raison d’un accroissement spectaculaire de la population, causé par les immigrations et un fort taux de natalité. La population de la Guyane ne cesse de s’agrandir, et les besoins qui en découlent sont largement supérieurs aux possibilités d'accueil. Concernant la culture, le basculement de la colonie en département accroît le sentiment d’appartenance à une culture guyanaise, à une “créolité” et la question de l’identité se fait de plus en plus ressentir. Qui est guyanais et qui ne l’est pas ? L’acte de 1946 est donc à l’origine d’un grand changement, qui s'installe au fil des ans au seind e la Guyane, sans pour autant être systématiquement synonyme d’améliorations. Le faible développement qui s’est opéré du temps de la colonie se fait ressentir et le département subit un retard qu’il n’arrive pas à rattraper. Aujourd’hui le fossé séparant les espérances et la réalité se creuse, plus rapidement chaque année. Est-ce un manque d’attention portée au département ou bien une mauvaise gestion d’une terre si lointaine ? A qui la faute ? Quoiqu’en dit une part de la population guyanaise, la France n’est pas seule responsable. Néanmoins il est reconnu qu’elle a fait preuve d’un certain manque de discernement. Les lois et politiques françaises, parfois inadaptées à la situation guyanaise, ne sont pas, ou trop peu, révisées pour le département d'outre-mer. Sur le plan de la construction par exemple, les réglementations jusqu'alors basées sur le climat et la situation métropolitaine, ont été modifiées par la RTAA DOM seulement depuis 2009. Un sujet qui pose question lorsque l’on connaît les différences - climatiques, culturelles, budgétaires, … - qui séparent le DOM de sa métropole. Sans les aides financières de la France, la Guyane risque de s’effondrer, à l’image du Surinam lors de son émancipation de la Hollande. Les guyanais en ont conscience et si certains, radicaux, réclament l’indépendance, d’autres, plus modérés, proposent une plus grande liberté d’action et de décision.
1
MAM LAM FOUCK Serge, Histoire de l’assimilation, Ibis Rouge, 2006, collection Espace outre-mer
131