Sommaire
LE SCULPTEUR À L’ŒUVRE
PRéFACE La fabrique de l’intimité
par Guy Amsellem, président de la Cité de l’architecture et du patrimoine
Un travail d’orfèvre
7
L’orfèvrerie civile : l’invention et la déclinaison de modèles
par Carole Lenfant et élodie Lévy, chargée de recherches documentaires chez Laurent Vanlian
INTRODUCTION La cohérence d’un fonds d’atelier et sa diffusion
par Laurence de Finance, directeur du musée des Monuments français
13
Le complément de donation en 2011
17
Histoire d’un tableau
19
par Dominique de Font-Réaulx, conservateur en chef, musée du Louvre, directeur du musée Delacroix
par Carole Lenfant, attachée de conservation, responsable du fonds Geoffroy-Dechaume/musée des Monuments français par Carole Lenfant
Figures libres
9
La logique de l’acquisition du fonds en 2000 - les enjeux fondateurs d’une acquisition exceptionnelle
Création néogothique et sculpture commémorative Restaurations en chantier Geoffroy-Dechaume restaurateur : de l’objet au monumental
par Pierre-Antoine Gatier, architecte en chef des Monuments historiques, Inspecteur général des Monuments historiques et Audrey De Cillia, historienne de l’art, agence Gatier
Hommage au maître par Jean-Marc Hofman, attaché de conservation avec la collaboration de Christine Lancestremère, conservateur, responsable de la galerie des moulages/ musée des Monuments français
25
Le cercle artistique Quai d’Anjou, « le ciel de l’art » : l’art pour l’art, l’art pour le progrès, l’art solidaire
45
La redécouverte d’un portrait
53
La Solidarité, une idée de sculpteur ?
62
par Carole Lenfant par Carole Lenfant
par Emmanuel Bréon, conservateur en chef, responsable de la galerie des peintures murales et des vitraux/musée des Monuments français
par Carole Lenfant
85
207
ANNEXES Biographie
215
Bibliographie
216
Index
218
Crédits photographiques
220
Liste des abréviations utilisées
D’après ou sur nature ? D’après ou sur nature ? Le moulage comme objet d’étude et source d’inspiration
175
par Laurence de Finance et Carole Lenfant
L’ATELIER
Les ateliers de Geoffroy-Dechaume
159
par Laurence de Finance et Carole Lenfant
Aux sources du musée de Sculpture comparée
La richesse d’un fonds
121
AVGD : Adolphe Victor Geoffroy-Dechaume bd : en bas à droite bg : en bas à gauche CAPA : Cité de l’architecture et du patrimoine cat. exp. : catalogue d’exposition
cl. : cliché D. : diamètre Fonds G.-D. : Fonds Geoffroy-Dechaume Gen. : Genèse hd : en haut à droite
hg : en haut à gauche Inv. : inventaire MMF : musée des Monuments français s.d. : sans date VAD (monogramme) : Victor Adolphe Dechaume
Sommaire
LE SCULPTEUR À L’ŒUVRE
PRéFACE La fabrique de l’intimité
par Guy Amsellem, président de la Cité de l’architecture et du patrimoine
Un travail d’orfèvre
7
L’orfèvrerie civile : l’invention et la déclinaison de modèles
par Carole Lenfant et élodie Lévy, chargée de recherches documentaires chez Laurent Vanlian
INTRODUCTION La cohérence d’un fonds d’atelier et sa diffusion
par Laurence de Finance, directeur du musée des Monuments français
13
Le complément de donation en 2011
17
Histoire d’un tableau
19
par Dominique de Font-Réaulx, conservateur en chef, musée du Louvre, directeur du musée Delacroix
par Carole Lenfant, attachée de conservation, responsable du fonds Geoffroy-Dechaume/musée des Monuments français par Carole Lenfant
Figures libres
9
La logique de l’acquisition du fonds en 2000 - les enjeux fondateurs d’une acquisition exceptionnelle
Création néogothique et sculpture commémorative Restaurations en chantier Geoffroy-Dechaume restaurateur : de l’objet au monumental
par Pierre-Antoine Gatier, architecte en chef des Monuments historiques, Inspecteur général des Monuments historiques et Audrey De Cillia, historienne de l’art, agence Gatier
Hommage au maître par Jean-Marc Hofman, attaché de conservation avec la collaboration de Christine Lancestremère, conservateur, responsable de la galerie des moulages/ musée des Monuments français
25
Le cercle artistique Quai d’Anjou, « le ciel de l’art » : l’art pour l’art, l’art pour le progrès, l’art solidaire
45
La redécouverte d’un portrait
53
La Solidarité, une idée de sculpteur ?
62
par Carole Lenfant par Carole Lenfant
par Emmanuel Bréon, conservateur en chef, responsable de la galerie des peintures murales et des vitraux/musée des Monuments français
par Carole Lenfant
85
207
ANNEXES Biographie
215
Bibliographie
216
Index
218
Crédits photographiques
220
Liste des abréviations utilisées
D’après ou sur nature ? D’après ou sur nature ? Le moulage comme objet d’étude et source d’inspiration
175
par Laurence de Finance et Carole Lenfant
L’ATELIER
Les ateliers de Geoffroy-Dechaume
159
par Laurence de Finance et Carole Lenfant
Aux sources du musée de Sculpture comparée
La richesse d’un fonds
121
AVGD : Adolphe Victor Geoffroy-Dechaume bd : en bas à droite bg : en bas à gauche CAPA : Cité de l’architecture et du patrimoine cat. exp. : catalogue d’exposition
cl. : cliché D. : diamètre Fonds G.-D. : Fonds Geoffroy-Dechaume Gen. : Genèse hd : en haut à droite
hg : en haut à gauche Inv. : inventaire MMF : musée des Monuments français s.d. : sans date VAD (monogramme) : Victor Adolphe Dechaume
6
Préface
7
Guy Amsellem
La fabrique de l’intimité
Entrer dans l’atelier de l’artiste, par le truchement
cependant tout son mystère.Quel sens donner à
du tableau, de l’archive ou de l’exposition, est
ces voluptueux moulages sur nature de corps de
toujours une expérience forte pour le public,
femmes, d’autant plus fascinants qu’ils ne sont
lui offrant l’occasion de dresser l’inventaire des
nullement nécessaires aux activités du sculpteur.
œuvres réalisées, de visiter l’arrière-cuisine de la
Participent-ils d’une curiosité, en vogue à l’époque,
création, de pénétrer dans un univers intime.
pour l’origine du monde – Courbet, commentant
Un tableau de Franck Bail nous donne à voir le
son Atelier du peintre, écrit à Champfleury « c’est
singulier portrait, exposé au Salon de 1891,
le monde qui vient se faire peindre chez moi » ?
d’Adolphe Victor Geoffroy-Dechaume dans son
Renvoient-ils à une histoire plus personnelle, mar-
atelier de l’île Saint-Louis. Il y est assis à sa table,
quée par la quête d’origine, tragique et inassouvie,
près d’une fenêtre, coiffé d’un bonnet et baigné
d’un enfant né de « père inconnu » ?
d’une lumière jaune, dans une ambiance qui
Faut-il rattacher à ce vide de filiation le goût du
rappelle la célèbre Philosophie en méditation
sculpteur pour la généalogie, transfigurée dans la
de Rembrandt. Les œuvres qui l’entourent pré-
recherche d’une antériorité gothique des formes
sentent un aperçu de la palette de talents – aussi
architecturales, et son intérêt pour la reproduc-
vaste que méconnue du grand public – de cet
tion, dont le moulage constitue la métaphore ?
artiste multiple, qui fut restaurateur d’édifices
On peut voir, dans le tableau de Franck Bail, face
religieux, sculpteur monumental, auteur de
à Adolphe Victor Geoffroy-Dechaume, un bronze
statues commémoratives, orfèvre des princes,
d’Antoine-Louis Barye, représentant le combat de
mouleur à l’activité prolifique et conservateur du
Thésée contre le Minotaure. Une sculpture qui,
musée de Sculpture comparée.
elle aussi, recèle un concentré d’intimité, réu-
La présente exposition, nourrie par le fonds d’ate-
nissant la figure de l’enfant rejeté, fruit d’amours
lier du sculpteur, qui fit l’objet d’une donation-ac-
coupables, et, par l’évocation de Dédale, qui se
quisition en l’an 2000, éclaire le cheminement de
façonne des ailes pour s’échapper du labyrinthe
son processus créatif. Elle nous dévoile aussi, pour
qu’il a édifié, le destin contrasté de l’architecte
reprendre l’intitulé choisi par Carole Lenfant, sa
qui regarde vers le ciel, mais reste cependant
commissaire, l’« intimité » du créateur, lui laissant
prisonnier de sa construction terrestre.
GEOFFROY-DECHAUME DANS SON ATELIER QUAI D’ANJOU, ÎLE SAINT-LOUIS (détail) Frank Antoine Bail (1858-1924) Huile sur toile, vers 1891-1894 H. 131,7 cm ; l. 113,9 cm CAPA /MMF-Fonds G.-D.
6
Préface
7
Guy Amsellem
La fabrique de l’intimité
Entrer dans l’atelier de l’artiste, par le truchement
cependant tout son mystère.Quel sens donner à
du tableau, de l’archive ou de l’exposition, est
ces voluptueux moulages sur nature de corps de
toujours une expérience forte pour le public,
femmes, d’autant plus fascinants qu’ils ne sont
lui offrant l’occasion de dresser l’inventaire des
nullement nécessaires aux activités du sculpteur.
œuvres réalisées, de visiter l’arrière-cuisine de la
Participent-ils d’une curiosité, en vogue à l’époque,
création, de pénétrer dans un univers intime.
pour l’origine du monde – Courbet, commentant
Un tableau de Franck Bail nous donne à voir le
son Atelier du peintre, écrit à Champfleury « c’est
singulier portrait, exposé au Salon de 1891,
le monde qui vient se faire peindre chez moi » ?
d’Adolphe Victor Geoffroy-Dechaume dans son
Renvoient-ils à une histoire plus personnelle, mar-
atelier de l’île Saint-Louis. Il y est assis à sa table,
quée par la quête d’origine, tragique et inassouvie,
près d’une fenêtre, coiffé d’un bonnet et baigné
d’un enfant né de « père inconnu » ?
d’une lumière jaune, dans une ambiance qui
Faut-il rattacher à ce vide de filiation le goût du
rappelle la célèbre Philosophie en méditation
sculpteur pour la généalogie, transfigurée dans la
de Rembrandt. Les œuvres qui l’entourent pré-
recherche d’une antériorité gothique des formes
sentent un aperçu de la palette de talents – aussi
architecturales, et son intérêt pour la reproduc-
vaste que méconnue du grand public – de cet
tion, dont le moulage constitue la métaphore ?
artiste multiple, qui fut restaurateur d’édifices
On peut voir, dans le tableau de Franck Bail, face
religieux, sculpteur monumental, auteur de
à Adolphe Victor Geoffroy-Dechaume, un bronze
statues commémoratives, orfèvre des princes,
d’Antoine-Louis Barye, représentant le combat de
mouleur à l’activité prolifique et conservateur du
Thésée contre le Minotaure. Une sculpture qui,
musée de Sculpture comparée.
elle aussi, recèle un concentré d’intimité, réu-
La présente exposition, nourrie par le fonds d’ate-
nissant la figure de l’enfant rejeté, fruit d’amours
lier du sculpteur, qui fit l’objet d’une donation-ac-
coupables, et, par l’évocation de Dédale, qui se
quisition en l’an 2000, éclaire le cheminement de
façonne des ailes pour s’échapper du labyrinthe
son processus créatif. Elle nous dévoile aussi, pour
qu’il a édifié, le destin contrasté de l’architecte
reprendre l’intitulé choisi par Carole Lenfant, sa
qui regarde vers le ciel, mais reste cependant
commissaire, l’« intimité » du créateur, lui laissant
prisonnier de sa construction terrestre.
GEOFFROY-DECHAUME DANS SON ATELIER QUAI D’ANJOU, ÎLE SAINT-LOUIS (détail) Frank Antoine Bail (1858-1924) Huile sur toile, vers 1891-1894 H. 131,7 cm ; l. 113,9 cm CAPA /MMF-Fonds G.-D.
30
L’atelier
La richesse d’un fonds
31
plan par des parois minces, caractéristiques d’une structure légère à pans de bois. L’atelier de Geoffroy-Dechaume que révèle la photographie de 1855 occupe les deux pièces qui se commandent, traversant le logis du quai à la cour. Elles communiquent par une porte axiale fermée d’un rideau théâtral. La troisième pièce est sans doute réservée à sa fonction historique de chambre à alcôve. L’appartement de l’entresol (voir p. 11) conserve son ancien décor classique de panneaux de lambris du xviie siècle sommés par la corniche d’un plafond droit, témoignant de cette appropriation par le sculpteur d’un espace classique. Il est masqué par le décor tapissant des moulages de plâtre et transformé par la présence du poêle, objet emblématique de l’atelier, avec son seau à charbon au premier plan de l’image justement cadrée par le tuyau d’évacuation des fumées. Cet assemblage de fragments de sculptures, de moulages (bustes, éléments d’archiExtrait du relevé cadastral Détail sur le 13, quai d’Anjou Atlas Vasserot, 1827 Archives de Paris, F31/90/21
tecture, statues, bas-reliefs, médaillons, etc.), gravures encadrées, toiles sur châssis, et meuble de bibliothèque, est à l’image de l’artiste éru-
assis près de la fenêtre encadrée d’un arbuste
L’atelier est un cabinet de curiosités où « le maître
dit, entouré d’œuvres et d’ouvrages qui lui per-
grimpant16 », vision qui sera celle de la toile de
statuaire étudiait, comparait et notait17 » quand
mettent d’enrichir sa pratique de l’art médiéval.
étaient de la main de M. Geoffroy-Dechaume15. »
Franck Bail ou de sa transposition gravée pour
l’escalier, par la rigueur de son accrochage,
Cette photographie doit être interprétée comme
En forme d’hommage, Arsène Alexandre écrit
« L’Art » par G. Manesse, avec une fenêtre à grands
est réservé à l’exposition, montrant comment
la représentation de « la seconde et la principale
« lorsque nous l’avons vu pour la première fois,
carreaux réservée à la façade principale, quand
l’espace composé par l’artiste est désormais un
pièce, dont la fenêtre large et haute laissait abon-
c’était pour lui demander sur Daumier des rensei-
l’escalier sur cour était éclairé de fenêtres à petits
lieu de sociabilité et de visite. L’accrochage évoque
der le grand jour tranquille de la Seine, les dessins
gnements que seul lui demeurait à même de don-
bois. Le photographe de l’atelier de 1855 tourne
la chapelle du Couvent des Petits-Augustins de
montaient du lambris au plafond ; les cartons se
ner aussi complets et aussi profonds. M. Geof-
le dos à la fenêtre, qui éclaire la prise de vue,
l’École des Beaux-Arts, les présentations d’œuvres
gonflaient de documents ; dans des rayons, sur
froy-Dechaume se tenait à sa place habituelle,
laissant la table de travail de Geoffroy-Dechaume
médiévales du musée de Cluny ouvert en 1844, et
dans son dos, sans doute proche du poêle.
préfigure le musée de Sculpture comparée dont
16 Ibid., p. 6.
17 Ibid., p. 6.
des tablettes, se pressaient des esquisses, des fragments anciens ou modernes, ou enfin sur des sujets se dressaient quelques beaux bustes qui
15 Catalogue de vente, succession de M. GeoffroyDechaume, op. cit., p. 6.
de gauche à droite
ESCALIER DE l’ATELIER D’ADOLPHE VICTOR GEOFFROY-DECHAUME AU 13, QUAI D’ANJOU, ÎLE SAINT-LOUIS, PARIS A. Callery Photographie, avant 1892 H. 38,7 ; l. 30,1 cm Collection particulière ESCALIER, 13, QUAI D’ANJOU Eugène Atget Papier albuminé, vers 1902 H. 21,7 ; l. 17,4 cm Paris, Institut national d’histoire de l’art, num ph 190
30
L’atelier
La richesse d’un fonds
31
plan par des parois minces, caractéristiques d’une structure légère à pans de bois. L’atelier de Geoffroy-Dechaume que révèle la photographie de 1855 occupe les deux pièces qui se commandent, traversant le logis du quai à la cour. Elles communiquent par une porte axiale fermée d’un rideau théâtral. La troisième pièce est sans doute réservée à sa fonction historique de chambre à alcôve. L’appartement de l’entresol (voir p. 11) conserve son ancien décor classique de panneaux de lambris du xviie siècle sommés par la corniche d’un plafond droit, témoignant de cette appropriation par le sculpteur d’un espace classique. Il est masqué par le décor tapissant des moulages de plâtre et transformé par la présence du poêle, objet emblématique de l’atelier, avec son seau à charbon au premier plan de l’image justement cadrée par le tuyau d’évacuation des fumées. Cet assemblage de fragments de sculptures, de moulages (bustes, éléments d’archiExtrait du relevé cadastral Détail sur le 13, quai d’Anjou Atlas Vasserot, 1827 Archives de Paris, F31/90/21
tecture, statues, bas-reliefs, médaillons, etc.), gravures encadrées, toiles sur châssis, et meuble de bibliothèque, est à l’image de l’artiste éru-
assis près de la fenêtre encadrée d’un arbuste
L’atelier est un cabinet de curiosités où « le maître
dit, entouré d’œuvres et d’ouvrages qui lui per-
grimpant16 », vision qui sera celle de la toile de
statuaire étudiait, comparait et notait17 » quand
mettent d’enrichir sa pratique de l’art médiéval.
étaient de la main de M. Geoffroy-Dechaume15. »
Franck Bail ou de sa transposition gravée pour
l’escalier, par la rigueur de son accrochage,
Cette photographie doit être interprétée comme
En forme d’hommage, Arsène Alexandre écrit
« L’Art » par G. Manesse, avec une fenêtre à grands
est réservé à l’exposition, montrant comment
la représentation de « la seconde et la principale
« lorsque nous l’avons vu pour la première fois,
carreaux réservée à la façade principale, quand
l’espace composé par l’artiste est désormais un
pièce, dont la fenêtre large et haute laissait abon-
c’était pour lui demander sur Daumier des rensei-
l’escalier sur cour était éclairé de fenêtres à petits
lieu de sociabilité et de visite. L’accrochage évoque
der le grand jour tranquille de la Seine, les dessins
gnements que seul lui demeurait à même de don-
bois. Le photographe de l’atelier de 1855 tourne
la chapelle du Couvent des Petits-Augustins de
montaient du lambris au plafond ; les cartons se
ner aussi complets et aussi profonds. M. Geof-
le dos à la fenêtre, qui éclaire la prise de vue,
l’École des Beaux-Arts, les présentations d’œuvres
gonflaient de documents ; dans des rayons, sur
froy-Dechaume se tenait à sa place habituelle,
laissant la table de travail de Geoffroy-Dechaume
médiévales du musée de Cluny ouvert en 1844, et
dans son dos, sans doute proche du poêle.
préfigure le musée de Sculpture comparée dont
16 Ibid., p. 6.
17 Ibid., p. 6.
des tablettes, se pressaient des esquisses, des fragments anciens ou modernes, ou enfin sur des sujets se dressaient quelques beaux bustes qui
15 Catalogue de vente, succession de M. GeoffroyDechaume, op. cit., p. 6.
de gauche à droite
ESCALIER DE l’ATELIER D’ADOLPHE VICTOR GEOFFROY-DECHAUME AU 13, QUAI D’ANJOU, ÎLE SAINT-LOUIS, PARIS A. Callery Photographie, avant 1892 H. 38,7 ; l. 30,1 cm Collection particulière ESCALIER, 13, QUAI D’ANJOU Eugène Atget Papier albuminé, vers 1902 H. 21,7 ; l. 17,4 cm Paris, Institut national d’histoire de l’art, num ph 190
38
L’atelier - œuvres exposées
ci-dessus
MÉDAILLON ORNÉ D’UNE TÊTE DE FEMME COIFFÉE EN CHIGNON, Adolphe Victor Geoffroy-Dechaume, plâtre, 1836. Œuvre identifiée : représentation d’Emma Steinheil (1817-1888), épouse de Meissonier (1815-1891), sœur cadette de Louis Charles Auguste Steinheil (1814-1885). H. 6 ; D. 17 cm. CAPA/MMF-Fonds G.-D., MOU.08388 page ci- contre
TÊTE DE JEUNE FEMME PENCHÉE SUR LA DROITE, LES CHEVEUX COIFFÉS EN CHIGNON, anonyme, pierre noire reconstituée et rehauts de craie blanche sur papier vergé, s.d. H. 45,5 ; l. 30,07 cm. CAPA/MMF-Fonds G.-D., DSS.1405
La richesse d’un fonds
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38
L’atelier - œuvres exposées
ci-dessus
MÉDAILLON ORNÉ D’UNE TÊTE DE FEMME COIFFÉE EN CHIGNON, Adolphe Victor Geoffroy-Dechaume, plâtre, 1836. Œuvre identifiée : représentation d’Emma Steinheil (1817-1888), épouse de Meissonier (1815-1891), sœur cadette de Louis Charles Auguste Steinheil (1814-1885). H. 6 ; D. 17 cm. CAPA/MMF-Fonds G.-D., MOU.08388 page ci- contre
TÊTE DE JEUNE FEMME PENCHÉE SUR LA DROITE, LES CHEVEUX COIFFÉS EN CHIGNON, anonyme, pierre noire reconstituée et rehauts de craie blanche sur papier vergé, s.d. H. 45,5 ; l. 30,07 cm. CAPA/MMF-Fonds G.-D., DSS.1405
La richesse d’un fonds
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40
L’atelier - œuvres exposées
ci-dessus
MAIN DROITE TENANT UN BÂTON, Adolphe Victor Geoffroy-Dechaume, moulage sur nature, plâtre ; s.d. H. 16 ; l. 16 ; P. 8,5 cm. CAPA/MMF-Fonds G.-D., MOU.07688 page ci- contre
FEUILLE D’ARTICHAUT, Adolphe Victor Geoffroy-Dechaume, moulage sur nature, plâtre patiné, vers 1841 ? H. 18 ; l. 40 ; P. 62 cm. CAPA/MMF-Fonds G.-D., MOU.07664
La richesse d’un fonds
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40
L’atelier - œuvres exposées
ci-dessus
MAIN DROITE TENANT UN BÂTON, Adolphe Victor Geoffroy-Dechaume, moulage sur nature, plâtre ; s.d. H. 16 ; l. 16 ; P. 8,5 cm. CAPA/MMF-Fonds G.-D., MOU.07688 page ci- contre
FEUILLE D’ARTICHAUT, Adolphe Victor Geoffroy-Dechaume, moulage sur nature, plâtre patiné, vers 1841 ? H. 18 ; l. 40 ; P. 62 cm. CAPA/MMF-Fonds G.-D., MOU.07664
La richesse d’un fonds
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52
L’atelier
Le cercle artistique
53
Carole Lenfant
La redécouverte d’un portrait
Lors de l’inventaire des œuvres graphiques, un dessin aquarellé sans aucune annotation, ni signature ni date mais de toute évidence remarquable, attira particulièrement mon attention. Douze croquis au graphite dont trois figures féminines, trois portraits masculins de profil et un chien courant entourent un portrait d’homme. Emmanuel Bréon, conservateur en chef, confirma mon intuition première et suggéra de se tourner vers une représentation de Baudelaire. Après m’être assurée que Baudelaire était l’homme
AUTOPORTRAIT DE BAUDELAIRE Gravé par Braquemond Reproduit dans Charles Asselineau, Charles Baudelaire, sa vie, son œuvre, 1869, p. 28. Annotation : « Dessiné par Baudelaire 1848. Imp. A. Salmon. Gravé par B. » Bibliothèque historique de la ville de Paris, 15 539, fonds Jules Cousin
portraituré et que l’un au moins, sinon tous les croquis de personnages féminins pouvaient représenter Jeanne Duval1, j’ai cherché à déterminer l’auteur du portrait aquarellé. Les comparaisons avec des autoportraits connus de l’écrivain incitèrent à penser qu’il s’agissait peut-être d’un
publié par Asselineau en 1868. Un exemplaire
autoportrait inédit à ce jour. à la recherche d’une
de cette estampe est conservé au Metropolitan
preuve tangible, le portrait a été examiné par
Museum of Art à New York.
M. Thierry Bodin, expert en autographes, qui
Sur cette estampe, est inscrit « Dessiné par
le jugea d’après photographie très proche de la
Baudelaire 1848 Impr. A. Salmon Gravé par B. »
gravure de Bracquemond reproduite dans le livre
M. Bodin estima, sans voir le dessin original du
1 Amante de Baudelaire dès 1842 et avec laquelle il vécut jusqu’à la fin de 1860, malgré quelques séparations. Cf. Jean-Paul Avice.
fonds Geoffroy-Dechaume, qu’il s’agissait vraisemblablement d’une copie de cette gravure. Il conseilla néanmoins de contacter Jean-Paul Avice,
page ci- contre
AUTOPORTRAIT ET CROQUIS Charles Baudelaire (1821-1867) Graphite et aquarelle, entre 1844 et 1847 ? H. 28,1 ; l. 22,5 cm CAPA/MMF-Fonds G.-D., DSS.2052
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L’atelier
Le cercle artistique
53
Carole Lenfant
La redécouverte d’un portrait
Lors de l’inventaire des œuvres graphiques, un dessin aquarellé sans aucune annotation, ni signature ni date mais de toute évidence remarquable, attira particulièrement mon attention. Douze croquis au graphite dont trois figures féminines, trois portraits masculins de profil et un chien courant entourent un portrait d’homme. Emmanuel Bréon, conservateur en chef, confirma mon intuition première et suggéra de se tourner vers une représentation de Baudelaire. Après m’être assurée que Baudelaire était l’homme
AUTOPORTRAIT DE BAUDELAIRE Gravé par Braquemond Reproduit dans Charles Asselineau, Charles Baudelaire, sa vie, son œuvre, 1869, p. 28. Annotation : « Dessiné par Baudelaire 1848. Imp. A. Salmon. Gravé par B. » Bibliothèque historique de la ville de Paris, 15 539, fonds Jules Cousin
portraituré et que l’un au moins, sinon tous les croquis de personnages féminins pouvaient représenter Jeanne Duval1, j’ai cherché à déterminer l’auteur du portrait aquarellé. Les comparaisons avec des autoportraits connus de l’écrivain incitèrent à penser qu’il s’agissait peut-être d’un
publié par Asselineau en 1868. Un exemplaire
autoportrait inédit à ce jour. à la recherche d’une
de cette estampe est conservé au Metropolitan
preuve tangible, le portrait a été examiné par
Museum of Art à New York.
M. Thierry Bodin, expert en autographes, qui
Sur cette estampe, est inscrit « Dessiné par
le jugea d’après photographie très proche de la
Baudelaire 1848 Impr. A. Salmon Gravé par B. »
gravure de Bracquemond reproduite dans le livre
M. Bodin estima, sans voir le dessin original du
1 Amante de Baudelaire dès 1842 et avec laquelle il vécut jusqu’à la fin de 1860, malgré quelques séparations. Cf. Jean-Paul Avice.
fonds Geoffroy-Dechaume, qu’il s’agissait vraisemblablement d’une copie de cette gravure. Il conseilla néanmoins de contacter Jean-Paul Avice,
page ci- contre
AUTOPORTRAIT ET CROQUIS Charles Baudelaire (1821-1867) Graphite et aquarelle, entre 1844 et 1847 ? H. 28,1 ; l. 22,5 cm CAPA/MMF-Fonds G.-D., DSS.2052
98
L’atelier - œuvres exposées
D’après ou sur nature ?
99
98
L’atelier - œuvres exposées
D’après ou sur nature ?
99
106
L’atelier - œuvres exposées
ci-dessus
VISAGE NON IDENTIFIÉ, Adolphe Victor Geoffroy-Dechaume (1816-1892), moulage sur nature, plâtre, s.d. H. 31 ; l. 18 ; P. 16 cm. CAPA/MMF-Fonds G.-D., MOU.07691 page ci- contre
LOUIS CHARLES AUGUSTE STEINHEIL, LES MAINS SUR LES YEUX, Adolphe Victor Geoffroy-Dechaume, moulage sur nature, plâtre, 1834-1838. H. 26 ; l. 19 ; P. 13 cm. CAPA/MMF-Fonds G.-D., MOU.09434
D’après ou sur nature ?
107
106
L’atelier - œuvres exposées
ci-dessus
VISAGE NON IDENTIFIÉ, Adolphe Victor Geoffroy-Dechaume (1816-1892), moulage sur nature, plâtre, s.d. H. 31 ; l. 18 ; P. 16 cm. CAPA/MMF-Fonds G.-D., MOU.07691 page ci- contre
LOUIS CHARLES AUGUSTE STEINHEIL, LES MAINS SUR LES YEUX, Adolphe Victor Geoffroy-Dechaume, moulage sur nature, plâtre, 1834-1838. H. 26 ; l. 19 ; P. 13 cm. CAPA/MMF-Fonds G.-D., MOU.09434
D’après ou sur nature ?
107
132
Le sculpteur à l’œuvre - œuvres exposées
ci-dessus, de haut en bas
MODèLE POUR LA FRISE DE L’AIGUIÈRE DE LA TEMPÉRANCE ET DE L’INTEMPÉRANCE, Adolphe Victor Geoffroy-Dechaume, plâtre, 1837-1839. H. 2 ; l. 13 ; P. 4,5 cm. CAPA/MMF-Fonds G.-D., MOU.08521 LÉZARD DÉVORANT UN SCARABÉE, Adolphe Victor Geoffroy-Dechaume, moulage sur nature, plâtre, 1837-1839. H. 4,5 ; l. 16 ; P. 8,5 cm. CAPA/MMF-Fonds G.-D, MOU.07451 page ci- contre
L’AIGUIÈRE DE LA TEMPÉRANCE ET DE L’INTEMPÉRANCE, Charles-Louis Wagner et Augustin-Médard Mention, d’après le modèle d’Adolphe Victor Geoffroy-Dechaume, argent et argent doré, fondu et repoussé, 1837-1839. Signature sur le pied : « opus. caroli. wagner. parisiis. m. dccc. xxxix ». Inscriptions : « lascivia ; temulentia ; jurgia gliscunt ; nequities ; puerilis aetas gulosa ; immane foedans magnanimum ; temperantia ». Ce vase, présenté à l’exposition des produits de l’Industrie de 1839, valut à Wagner un rappel de médaille d’or. H. 62,8 ; l. 25,5 ; D. 20,8 cm. Paris, musée du Louvre, OA12119 (œuvre non présentée)
132
Le sculpteur à l’œuvre - œuvres exposées
ci-dessus, de haut en bas
MODèLE POUR LA FRISE DE L’AIGUIÈRE DE LA TEMPÉRANCE ET DE L’INTEMPÉRANCE, Adolphe Victor Geoffroy-Dechaume, plâtre, 1837-1839. H. 2 ; l. 13 ; P. 4,5 cm. CAPA/MMF-Fonds G.-D., MOU.08521 LÉZARD DÉVORANT UN SCARABÉE, Adolphe Victor Geoffroy-Dechaume, moulage sur nature, plâtre, 1837-1839. H. 4,5 ; l. 16 ; P. 8,5 cm. CAPA/MMF-Fonds G.-D, MOU.07451 page ci- contre
L’AIGUIÈRE DE LA TEMPÉRANCE ET DE L’INTEMPÉRANCE, Charles-Louis Wagner et Augustin-Médard Mention, d’après le modèle d’Adolphe Victor Geoffroy-Dechaume, argent et argent doré, fondu et repoussé, 1837-1839. Signature sur le pied : « opus. caroli. wagner. parisiis. m. dccc. xxxix ». Inscriptions : « lascivia ; temulentia ; jurgia gliscunt ; nequities ; puerilis aetas gulosa ; immane foedans magnanimum ; temperantia ». Ce vase, présenté à l’exposition des produits de l’Industrie de 1839, valut à Wagner un rappel de médaille d’or. H. 62,8 ; l. 25,5 ; D. 20,8 cm. Paris, musée du Louvre, OA12119 (œuvre non présentée)
146
Le sculpteur à l’œuvre - œuvres exposées
Un travail d’orfèvre
ci-dessus
COUPE « PERSANE » (GARNITURE DE CHEMINÉE), Adolphe Victor Geoffroy-Dechaume, graphite et pastel sur papier bleu, 1847. Signé et daté : « Geoffroy 1847 ». H. 31,5 ; l. 22 cm. CAPA/MMF-Fonds G.-D., DSS.136 page ci- contre
COUPES « PERSANES » (GARNITURE DE CHEMINÉE), Adolphe Victor Geoffroy-Dechaume, Auguste-Maximilien Delafontaine (1813-1892), bronze doré et argenté, vers 1847-1855. Monogramme : « A.D » pour Auguste-Maximilien Delafontaine. H. 13 ; D. 14,5 cm. Collection particulière L.V.
147
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Le sculpteur à l’œuvre - œuvres exposées
Un travail d’orfèvre
ci-dessus
COUPE « PERSANE » (GARNITURE DE CHEMINÉE), Adolphe Victor Geoffroy-Dechaume, graphite et pastel sur papier bleu, 1847. Signé et daté : « Geoffroy 1847 ». H. 31,5 ; l. 22 cm. CAPA/MMF-Fonds G.-D., DSS.136 page ci- contre
COUPES « PERSANES » (GARNITURE DE CHEMINÉE), Adolphe Victor Geoffroy-Dechaume, Auguste-Maximilien Delafontaine (1813-1892), bronze doré et argenté, vers 1847-1855. Monogramme : « A.D » pour Auguste-Maximilien Delafontaine. H. 13 ; D. 14,5 cm. Collection particulière L.V.
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174
Le sculpteur à l’œuvre
Restaurations en chantier
175
Laurence de Finance Carole Lenfant
Geoffroy-Dechaume restaurateur : de l’objet au monumental Le sculpteur le plus habile et le plus capable que nous connaissons pour la sculpture religieuse*
Le contexte politique, artistique et littéraire en
la première liste des Monuments historiques est
France vers 1830 permet la découverte d’œuvres
établie en 1840. La Commission, créée en 1837,
du Moyen Âge et de la Renaissance par la lecture
distribue les premiers crédits destinés à entre-
d’ouvrages comme Notre-Dame de Paris de Victor
prendre des travaux sur les édifices dont l’état de
Hugo, paru en 1831. C’est à cette époque que naît
conservation est jugé préoccupant.
un mouvement archéologique qui va croissant
De grands chantiers de restauration s’ouvrent
sous la monarchie de Juillet. En témoignent les
pour les édifices religieux insignes que sont la basi-
cours d’antiquités monumentales et la création
lique de Saint-Denis, la cathédrale Notre-Dame
des Annales archéologiques . C’est dans ce climat
de Paris, la Sainte-Chapelle et la cathédrale de
culturel que l’État met en œuvre les moyens néces-
Chartres où Adolphe Victor Geoffroy-Dechaume,
saires à la protection de son patrimoine en créant
assisté de Malzieux, travaille sous les ordres de
le poste d’inspecteur général des Monuments his-
Lassus entre 1849 et 18613. Il est aussi retenu par
toriques. Occupée jusqu’en 1834 par Ludovic Vitet,
Eugène Viollet-le-Duc à Notre-Dame (1848-1867),
la fonction revient ensuite à Prosper Mérimée, et
à Saint-Denis pour le Tombeau de Dagobert
1
2
(1859). Il est également sollicité par Félix Duban * Témoignage de Lassus sur le talent de Geoffroy-Dechaume dans une lettre de recommandation adressée à Monseigneur Pie, archevêque de Poitiers, s.d. [vers 1850]. Document cité par Jean-Michel Leniaud, Jean-Baptiste Lassus (18071857) ou le temps retrouvé des cathédrales, Art et métiers graphiques, Paris, 1980, p. 163. 1 Six volumes publiés de 1830 à 1843 par Arcisse de Caumont (1801-1873). 2 Fondées par Adolphe Napoléon Didron et publiées de 1844 à 1881.
et Jean-Baptiste Lassus à la Sainte-Chapelle (1849-1873), avant de travailler à la restauration dirigée par Émile Boeswillwald à la cathédrale de 3 Lassus entreprend des fouilles archéologiques à Chartres en 1837 après la découverte de fragments de l’ancien jubé médiéval. Dix ans plus tard, il met au jour six bas-reliefs dont il confie la restauration à Geoffroy-Dechaume en 1849.
VIERGE À L’ENFANT, STATUE DE LA GALERIE DE LA VIERGE DE LA CATHÉDRALE NOTRE-DAME DE PARIS Thérèse Jean Baptiste Augustin Mestral dit Olivier Mestral (1812-1884) Photographie, papier salé, 1853-1854 H. 35 ; l. 27,8 cm CAPA/MMF-Fonds G.-D., PH.65
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Le sculpteur à l’œuvre
Restaurations en chantier
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Laurence de Finance Carole Lenfant
Geoffroy-Dechaume restaurateur : de l’objet au monumental Le sculpteur le plus habile et le plus capable que nous connaissons pour la sculpture religieuse*
Le contexte politique, artistique et littéraire en
la première liste des Monuments historiques est
France vers 1830 permet la découverte d’œuvres
établie en 1840. La Commission, créée en 1837,
du Moyen Âge et de la Renaissance par la lecture
distribue les premiers crédits destinés à entre-
d’ouvrages comme Notre-Dame de Paris de Victor
prendre des travaux sur les édifices dont l’état de
Hugo, paru en 1831. C’est à cette époque que naît
conservation est jugé préoccupant.
un mouvement archéologique qui va croissant
De grands chantiers de restauration s’ouvrent
sous la monarchie de Juillet. En témoignent les
pour les édifices religieux insignes que sont la basi-
cours d’antiquités monumentales et la création
lique de Saint-Denis, la cathédrale Notre-Dame
des Annales archéologiques . C’est dans ce climat
de Paris, la Sainte-Chapelle et la cathédrale de
culturel que l’État met en œuvre les moyens néces-
Chartres où Adolphe Victor Geoffroy-Dechaume,
saires à la protection de son patrimoine en créant
assisté de Malzieux, travaille sous les ordres de
le poste d’inspecteur général des Monuments his-
Lassus entre 1849 et 18613. Il est aussi retenu par
toriques. Occupée jusqu’en 1834 par Ludovic Vitet,
Eugène Viollet-le-Duc à Notre-Dame (1848-1867),
la fonction revient ensuite à Prosper Mérimée, et
à Saint-Denis pour le Tombeau de Dagobert
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(1859). Il est également sollicité par Félix Duban * Témoignage de Lassus sur le talent de Geoffroy-Dechaume dans une lettre de recommandation adressée à Monseigneur Pie, archevêque de Poitiers, s.d. [vers 1850]. Document cité par Jean-Michel Leniaud, Jean-Baptiste Lassus (18071857) ou le temps retrouvé des cathédrales, Art et métiers graphiques, Paris, 1980, p. 163. 1 Six volumes publiés de 1830 à 1843 par Arcisse de Caumont (1801-1873). 2 Fondées par Adolphe Napoléon Didron et publiées de 1844 à 1881.
et Jean-Baptiste Lassus à la Sainte-Chapelle (1849-1873), avant de travailler à la restauration dirigée par Émile Boeswillwald à la cathédrale de 3 Lassus entreprend des fouilles archéologiques à Chartres en 1837 après la découverte de fragments de l’ancien jubé médiéval. Dix ans plus tard, il met au jour six bas-reliefs dont il confie la restauration à Geoffroy-Dechaume en 1849.
VIERGE À L’ENFANT, STATUE DE LA GALERIE DE LA VIERGE DE LA CATHÉDRALE NOTRE-DAME DE PARIS Thérèse Jean Baptiste Augustin Mestral dit Olivier Mestral (1812-1884) Photographie, papier salé, 1853-1854 H. 35 ; l. 27,8 cm CAPA/MMF-Fonds G.-D., PH.65
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Le sculpteur à l’œuvre
Restaurations en chantier
183
Nieuwerkerke sont également portraiturés aux retombées des voussures du portail de la cathédrale de Laon. À la naissance de la pointe, entre des gâbles monumentaux évidés, logent des anges aux ailes
PLAN DE DISPOSITION DES STATUES DES DOUZE APÔTRES ORNANT LA FLÈCHE DE LA SAINTE-CHAPELLE, Adolphe Victor Geoffroy-Dechaume (attribué à) Graphite sur papier vélin, 12 mars 1861 Annotation hg : « Pour le canon de la messe les douze apôtres sont désignés dans l’ordre suivant. » Colonne de gauche : « Pierre, André, Jean, Jacques, Barthelemy, Simon ». Colonne de droite : « Paul, Jacques : majeur chapeau et coquille, Thomas, Phillippe, Matthias, Taddée ». Titre hd : « flèche de la Ste Chapelle. Ordre des statues ». En tournant autour de la flèche : « n° 1 Pierre. n° 2 André. n° 3 Jean. n° 4 Jacques mineur n° 8. n° 5 Barthélémy. n° 6 Simon n° 9. n° 7 Taddée n°5. n° 8 Mathias. n° 9 Philippe. n° 10 Thomas. n°11 Jacques majeur. n°12 Paul ». Au centre : « le Gd ange ». Bg: « 12 mars 1861 » H. 31,4 ; l. 20 cm CAPA/MMF-Fonds G.-D., DSS.1357
dressées vers le ciel (quatre de 1,50 m de haut et six de 1,90 m32). Si Lassus fournit un dessin en 1852, Geoffroy-Dechaume réalise de très nombreux croquis pour ces figures qui annoncent le Jugement dernier en soufflant dans des trompettes, certains d’entre eux portant aussi les Instruments de la Passion. Intentionnellement, celui qui tient la RECONSTRUCTION DE LA FLÈCHE DE LA SAINTE-CHAPELLE À PARIS Bisson Frères Papier albuminé, 1853 Inscription sous la photographie : « Lassus architecte. Imp. Photog. Lemercier, Paris. Bisson frères Photog. Ste Chapelle. Reconstruction de la Flèche. J VILLEZ MDCCCLIII » ; tampon : « Bisson Fres Photographes » ; dédicace : « à mon ami Geoffroy de Chaume » ; signature manuscrite : « Lassus » H. 28,7 ; l. 23,9 cm CAPA/MMF-Fonds G.-D., PH 91
Couronne d’épines à deux mains ne porte pas de trompette. Leur visage angélique entouré d’une coiffure bouclée et les plis souples de leur longue tunique donnent à ces figures une grâce particulière proche de dessins de référence conservés dans le fonds de l’artiste (fig. p. 198-199). En 1853, Lassus propose de placer au-dessus de la croupe du chevet, une statue monumentale
une couronne de têtes saillantes, sans doute les
qui tournerait selon le soleil, comme celle de
portraits des acteurs du chantier, bien visibles sur
la cathédrale de Chartres , dont il demande le
la très belle photographie de Marville (fig. p. 197).
dessin à Geoffroy-Dechaume. Ce dernier conçoit
à titre d’exemple, on peut indiquer que le coût
la statue de l’archange saint Michel tenant dans la
total de la flèche et du comble se monte à
main gauche la croix monumentale dont la hampe
221 873, 14 francs qui se répartissent comme
prend appui dans la gueule du dragon qu’il sur-
suit : 7 000 francs pour l’architecte, 11 265 francs
monte. La statue – dont on a cru un temps qu’elle
pour
tournait au moyen d’une horloge – est coulée
2 763,50 francs payés à Pyanet pour la sculpture
en plomb par les frères Durand. Elle surmonte
d’ornement, 96 994,64 francs pour les plombe-
33
34
la
statuaire
de
Geoffroy-Dechaume,
ries d’art des frères Durand, 67 911 francs pour 32 Devis du 17 avril 1852 signé de Lassus, fonds GeoffroyDechaume, cl. 07-0142-203 33 Celui de Chartres est connu par un dessin de l’Album de Villard de Honnecourt. 34 Caroline Piel, Jonathan Trouillet, Monumental, 2010-2, p. 76-79.
l’entrepreneur Bellu et encore 35 379 francs pour l’entreprise de plomberie Bonnin35. 35 Jean-Michel Leniaud, De plâtre et d’or, op. cit., 1998, p. 173-180.
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Le sculpteur à l’œuvre
Restaurations en chantier
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Nieuwerkerke sont également portraiturés aux retombées des voussures du portail de la cathédrale de Laon. À la naissance de la pointe, entre des gâbles monumentaux évidés, logent des anges aux ailes
PLAN DE DISPOSITION DES STATUES DES DOUZE APÔTRES ORNANT LA FLÈCHE DE LA SAINTE-CHAPELLE, Adolphe Victor Geoffroy-Dechaume (attribué à) Graphite sur papier vélin, 12 mars 1861 Annotation hg : « Pour le canon de la messe les douze apôtres sont désignés dans l’ordre suivant. » Colonne de gauche : « Pierre, André, Jean, Jacques, Barthelemy, Simon ». Colonne de droite : « Paul, Jacques : majeur chapeau et coquille, Thomas, Phillippe, Matthias, Taddée ». Titre hd : « flèche de la Ste Chapelle. Ordre des statues ». En tournant autour de la flèche : « n° 1 Pierre. n° 2 André. n° 3 Jean. n° 4 Jacques mineur n° 8. n° 5 Barthélémy. n° 6 Simon n° 9. n° 7 Taddée n°5. n° 8 Mathias. n° 9 Philippe. n° 10 Thomas. n°11 Jacques majeur. n°12 Paul ». Au centre : « le Gd ange ». Bg: « 12 mars 1861 » H. 31,4 ; l. 20 cm CAPA/MMF-Fonds G.-D., DSS.1357
dressées vers le ciel (quatre de 1,50 m de haut et six de 1,90 m32). Si Lassus fournit un dessin en 1852, Geoffroy-Dechaume réalise de très nombreux croquis pour ces figures qui annoncent le Jugement dernier en soufflant dans des trompettes, certains d’entre eux portant aussi les Instruments de la Passion. Intentionnellement, celui qui tient la RECONSTRUCTION DE LA FLÈCHE DE LA SAINTE-CHAPELLE À PARIS Bisson Frères Papier albuminé, 1853 Inscription sous la photographie : « Lassus architecte. Imp. Photog. Lemercier, Paris. Bisson frères Photog. Ste Chapelle. Reconstruction de la Flèche. J VILLEZ MDCCCLIII » ; tampon : « Bisson Fres Photographes » ; dédicace : « à mon ami Geoffroy de Chaume » ; signature manuscrite : « Lassus » H. 28,7 ; l. 23,9 cm CAPA/MMF-Fonds G.-D., PH 91
Couronne d’épines à deux mains ne porte pas de trompette. Leur visage angélique entouré d’une coiffure bouclée et les plis souples de leur longue tunique donnent à ces figures une grâce particulière proche de dessins de référence conservés dans le fonds de l’artiste (fig. p. 198-199). En 1853, Lassus propose de placer au-dessus de la croupe du chevet, une statue monumentale
une couronne de têtes saillantes, sans doute les
qui tournerait selon le soleil, comme celle de
portraits des acteurs du chantier, bien visibles sur
la cathédrale de Chartres , dont il demande le
la très belle photographie de Marville (fig. p. 197).
dessin à Geoffroy-Dechaume. Ce dernier conçoit
à titre d’exemple, on peut indiquer que le coût
la statue de l’archange saint Michel tenant dans la
total de la flèche et du comble se monte à
main gauche la croix monumentale dont la hampe
221 873, 14 francs qui se répartissent comme
prend appui dans la gueule du dragon qu’il sur-
suit : 7 000 francs pour l’architecte, 11 265 francs
monte. La statue – dont on a cru un temps qu’elle
pour
tournait au moyen d’une horloge – est coulée
2 763,50 francs payés à Pyanet pour la sculpture
en plomb par les frères Durand. Elle surmonte
d’ornement, 96 994,64 francs pour les plombe-
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la
statuaire
de
Geoffroy-Dechaume,
ries d’art des frères Durand, 67 911 francs pour 32 Devis du 17 avril 1852 signé de Lassus, fonds GeoffroyDechaume, cl. 07-0142-203 33 Celui de Chartres est connu par un dessin de l’Album de Villard de Honnecourt. 34 Caroline Piel, Jonathan Trouillet, Monumental, 2010-2, p. 76-79.
l’entrepreneur Bellu et encore 35 379 francs pour l’entreprise de plomberie Bonnin35. 35 Jean-Michel Leniaud, De plâtre et d’or, op. cit., 1998, p. 173-180.
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Le sculpteur à l’œuvre - œuvres exposées
ci-dessus
NOé PLANTANT SA VIGNE, quadrilobe du soubassement droit de la chapelle haute de la Sainte-Chapelle à Paris, Adolphe Victor Geoffroy-Dechaume, plâtre, vers 1870. « Noé planta sa vigne, il en but le vin et s’enivra. » (Gen. 9, 20), H. 52,5 ; l. 43 ; P. 3,5 cm. CAPA/MMF-Fonds G.-D., MOU.07525 page ci- contre, en haut, de gauche à droite
éTUDES D’OISEAU ET D’ESCARGOTS pour l’écoinçon du quadrilobe, représentant Noé plantant sa vigne, du soubassement droit de la chapelle haute de la Sainte-Chapelle à Paris, Adolphe Victor Geoffroy-Dechaume, graphite sur papier vergé, s.d. H. 31,2 ; l. 20 cm. CAPA/MMF-Fonds G.-D., DSS.1341 V COQUILLES D’ESCARGOTS, Adolphe Victor Geoffroy-Dechaume, moulage sur nature, plâtre, s.d. H. 3 ; l. 4,5 ; P. 4 cm. CAPA/MMF-Fonds G.-D., MOU.07706 page ci- contre, en bas
éTUDES D’ESCARGOTS pour l’écoinçon du quadrilobe, représentant Noé plantant sa vigne, du soubassement droit de la chapelle haute de la Sainte-Chapelle à Paris, Adolphe Victor Geoffroy-Dechaume, graphite sur papier calque, s.d. H. 20 ; l. 31,7 cm. CAPA/MMF-Fonds G.-D., DSS.1332
Restaurations en chantier
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Le sculpteur à l’œuvre - œuvres exposées
ci-dessus
NOé PLANTANT SA VIGNE, quadrilobe du soubassement droit de la chapelle haute de la Sainte-Chapelle à Paris, Adolphe Victor Geoffroy-Dechaume, plâtre, vers 1870. « Noé planta sa vigne, il en but le vin et s’enivra. » (Gen. 9, 20), H. 52,5 ; l. 43 ; P. 3,5 cm. CAPA/MMF-Fonds G.-D., MOU.07525 page ci- contre, en haut, de gauche à droite
éTUDES D’OISEAU ET D’ESCARGOTS pour l’écoinçon du quadrilobe, représentant Noé plantant sa vigne, du soubassement droit de la chapelle haute de la Sainte-Chapelle à Paris, Adolphe Victor Geoffroy-Dechaume, graphite sur papier vergé, s.d. H. 31,2 ; l. 20 cm. CAPA/MMF-Fonds G.-D., DSS.1341 V COQUILLES D’ESCARGOTS, Adolphe Victor Geoffroy-Dechaume, moulage sur nature, plâtre, s.d. H. 3 ; l. 4,5 ; P. 4 cm. CAPA/MMF-Fonds G.-D., MOU.07706 page ci- contre, en bas
éTUDES D’ESCARGOTS pour l’écoinçon du quadrilobe, représentant Noé plantant sa vigne, du soubassement droit de la chapelle haute de la Sainte-Chapelle à Paris, Adolphe Victor Geoffroy-Dechaume, graphite sur papier calque, s.d. H. 20 ; l. 31,7 cm. CAPA/MMF-Fonds G.-D., DSS.1332
Restaurations en chantier
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Exposition organisée à Paris par la Cité de l’architecture & du patrimoine du 24 avril au 22 juillet 2013
Guy Amsellem président de la Cité de l’architecture & du patrimoine
Au cœur du XIXe siècle, la restauration des édifices majeurs du patrimoine se généralise dans toute la France : SainteChapelle, Notre-Dame de Paris, cathédrale de Chartres... Sculpteur talentueux, Adolphe Victor Geoffroy-Dechaume (1816-1892) est appelé à collaborer sur ces chantiers prestigieux, aux côtés d’Eugène Viollet-le-Duc ou encore de Jean-Baptiste Lassus. Artiste inventif et fécond, il excelle également dans la réalisation de moulages sur nature et la conception de modèles d’orfèvrerie. Au-delà d’une carrière emblématique d’un XIXe siècle éclectique, Geoffroy-Dechaume est aussi l’ami fidèle de certains des artistes les plus marquants de l’époque tels que Jean-Baptiste Corot, Honoré Daumier, CharlesFrançois Daubigny, Antoine-Louis Barye... L’ouvrage retrace l’histoire de ce réseau fraternel de l’île SaintLouis, soulignant la qualité et l’intensité des échanges personnels et professionnels entre ces hommes.
Laurence de Finance conservateur général du patrimoine, directeur du musée des Monuments français - Cité de l’architecture & du patrimoine Dominique de Font-Réaulx conservateur en chef, musée du Louvre, directeur du musée Delacroix Carole Lenfant attachée de conservation au musée des Monuments français, responsable du fonds Geoffroy-Dechaume/musée des Monuments français Pierre-Antoine Gatier architecte en chef des Monuments historiques, inspecteur général des Monuments historiques Audrey De Cillia historienne de l’art, agence Gatier Emmanuel Bréon conservateur en chef, responsable de la galerie des peintures murales et des vitraux/musée des Monuments français Élodie Lévy chargée de recherches documentaires chez Laurent Vanlian
Publié dans le cadre de l’exposition que lui consacre la Cité de l’architecture et du patrimoine, le catalogue « Dans l’intimité de l’atelier, Adolphe Victor GeoffroyDechaume » révèle les différentes étapes de la création artistique au travers de croquis, dessins, photographies, plâtres originaux, moulages... Ces traces émouvantes, laissées dans le secret de l’atelier, témoignent du travail passionné d’un artiste érudit.
Jean-Marc Hofman attaché de conservation au musée des Monuments français Christine Lancestremère conservateur, responsable de la galerie des moulages/musée des Monuments français
ILLUSTRATION DE COUVERTURE
VISAGE D’ADOLPHE VICTOR GEOFFROY-DECHAUME Louis Charles Auguste Steinheil (1814-1885) Moulage sur nature, plâtre patiné, vers 1834-1837 H. 38 ; l. 39 ; P. 16 cm CAPA/ MMF-fonds G.-D., MOU.07434
32 €
Dépôt légal : avril 2013 www.editions-honoreclair.fr
ISBN : 978-2-918371-15-1
Honoré Clair