Propylées extrait

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1785-1788

Claude Nicolas Ledoux

Une promenade savante au clair de lune

Jean-Pierre Lyonnet

HonorĂŠ Clair ĂŠditions


1785-1788

Claude Nicolas Ledoux

Une promenade savante au clair de lune

Jean-Pierre Lyonnet

HonorĂŠ Clair ĂŠditions


L’ u t o p i e

c o n s p u é e

« Le sieur Ledoux, jeune architecte, connu par plusieurs ouvrages qui annoncent du goût, de la noblesse, de l’  imagination, mais auquel il manque quelquefois de la sagesse, vient d’ être élu membre de l’ Académie d’ Architecture, au préjudice de beaucoup de ses anciens. » Épinglé par un délateur chronique1, l’ impétueux en question, Claude Nicolas Ledoux, né en Champagne trente-sept ans plus tôt, demeurant à Paris, 16, rue Neuve-d’ Orléans et architecte du roi depuis quelques jours prit, à n’ en pas douter, cette diatribe pour un compliment. En cet automne 1773, il battait le pavé entre la chaussée d’ Antin et le faubourg Poissonnière, ce nouveau quartier surgi des marais, où l’ on croisait aussi Brongniart, Cellerier, Bélanger, Boullée…, tous affairés aux écrins qu’ ils bâtissaient pour des fortunes, anciennes ou récentes, légitimes ou usurpées. « La finance va venir s’ y installer en de splendides hôtels, disait la rumeur, au lieu des voleurs nous aurons les fermiers généraux, en bonne morale, ce sera peut-être à peu près la même chose, mais Paris y gagnera de belles demeures2. » Entre 1765 et 1780, Ledoux habilla ce quartier d’ une douzaine d’ hôtels particuliers… pour des banquiers suisses, des militaires en retraite et des danseuses courtisées. Certains firent l’ objet de curiosité : on allait voir l’ étrange hôtel Thélusson3 comme on allait se faire peur aux montagnes russes à Belleville ; ou de critiques : Jacques François Blondel, souverain absolu de l’ ère classique et maître incontestable, lui reprochait « ses proportions et ses contrastes » et lui conseillait, d’ autorité, de « n’ employer du génie de l’ art que ce que le goût autorise4 ». De son enseignement magistral, Ledoux ne retint que la quintessence. On ne le vit ni à Rome ni à Athènes, comme l’ usage voulait qu’ on y envoie les apprentis bâtisseurs, mais il a quelquefois traversé la Manche, où l’ Italie s’ était invitée au siècle précédent, avec Palladio caché dans les cartons d’ Inigo Jones. La campagne anglaise s’ était alors parée, à l’ image de la Vénétie, de temples grecs, afin sans doute de conjurer ce soleil qui ne vient jamais. Un détour nordiste peu commun pour un jeune praticien français dont le but inavouable était de mettre un terme à trois cents ans d’ architecture baroque. Palladio plutôt que Mansart ! Vicence au lieu de Versailles ! « Ledoux, affirmait son premier biographe, avait un amour passionné pour la gloire5. » Elle se présenta rapidement grâce aux liens qu’ il noua durablement avec les fermiers généraux à partir de 1774. Cette « troupe de tyrans subalternes », comme l’ appelait Dulaure6, comprenait quarante financiers, en charge pour le compte de Versailles de la récolte d’ impôts sur les denrées entrant dans Paris (y compris vin et bois de chauffe). Les membres de cette assemblée d’ agioteurs sans scrupules jouissaient de privilèges exorbitants et tiraient de ce commerce des profits colossaux. « La finance, s’ insurgeait Louis Sébastien Mercier, c’ est la machine-pressoir

Claude Nicolas Ledoux (détail) Martin Drölling, 1790 Paris, musée Carnavalet

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« Le sieur Ledoux, jeune architecte, connu par plusieurs ouvrages qui annoncent du goût, de la noblesse, de l’  imagination, mais auquel il manque quelquefois de la sagesse, vient d’ être élu membre de l’ Académie d’ Architecture, au préjudice de beaucoup de ses anciens. » Épinglé par un délateur chronique1, l’ impétueux en question, Claude Nicolas Ledoux, né en Champagne trente-sept ans plus tôt, demeurant à Paris, 16, rue Neuve-d’ Orléans et architecte du roi depuis quelques jours prit, à n’ en pas douter, cette diatribe pour un compliment. En cet automne 1773, il battait le pavé entre la chaussée d’ Antin et le faubourg Poissonnière, ce nouveau quartier surgi des marais, où l’ on croisait aussi Brongniart, Cellerier, Bélanger, Boullée…, tous affairés aux écrins qu’ ils bâtissaient pour des fortunes, anciennes ou récentes, légitimes ou usurpées. « La finance va venir s’ y installer en de splendides hôtels, disait la rumeur, au lieu des voleurs nous aurons les fermiers généraux, en bonne morale, ce sera peut-être à peu près la même chose, mais Paris y gagnera de belles demeures2. » Entre 1765 et 1780, Ledoux habilla ce quartier d’ une douzaine d’ hôtels particuliers… pour des banquiers suisses, des militaires en retraite et des danseuses courtisées. Certains firent l’ objet de curiosité : on allait voir l’ étrange hôtel Thélusson3 comme on allait se faire peur aux montagnes russes à Belleville ; ou de critiques : Jacques François Blondel, souverain absolu de l’ ère classique et maître incontestable, lui reprochait « ses proportions et ses contrastes » et lui conseillait, d’ autorité, de « n’ employer du génie de l’ art que ce que le goût autorise4 ». De son enseignement magistral, Ledoux ne retint que la quintessence. On ne le vit ni à Rome ni à Athènes, comme l’ usage voulait qu’ on y envoie les apprentis bâtisseurs, mais il a quelquefois traversé la Manche, où l’ Italie s’ était invitée au siècle précédent, avec Palladio caché dans les cartons d’ Inigo Jones. La campagne anglaise s’ était alors parée, à l’ image de la Vénétie, de temples grecs, afin sans doute de conjurer ce soleil qui ne vient jamais. Un détour nordiste peu commun pour un jeune praticien français dont le but inavouable était de mettre un terme à trois cents ans d’ architecture baroque. Palladio plutôt que Mansart ! Vicence au lieu de Versailles ! « Ledoux, affirmait son premier biographe, avait un amour passionné pour la gloire5. » Elle se présenta rapidement grâce aux liens qu’ il noua durablement avec les fermiers généraux à partir de 1774. Cette « troupe de tyrans subalternes », comme l’ appelait Dulaure6, comprenait quarante financiers, en charge pour le compte de Versailles de la récolte d’ impôts sur les denrées entrant dans Paris (y compris vin et bois de chauffe). Les membres de cette assemblée d’ agioteurs sans scrupules jouissaient de privilèges exorbitants et tiraient de ce commerce des profits colossaux. « La finance, s’ insurgeait Louis Sébastien Mercier, c’ est la machine-pressoir

Claude Nicolas Ledoux (détail) Martin Drölling, 1790 Paris, musée Carnavalet

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cette fois un mur, destiné non plus à protéger les citoyens, mais à les dévaliser. Il est vrai que ce mur n’ avait physiquement rien de belliqueux, mais rien d’ attirant non plus. À la décharge de Ledoux, qui n’ en était pas l’ auteur. Construit en moellons blancs (des carrières d’ Arcueil) sur une base de meulière, il avait « 3 pieds d’ épaisseur (0,97 cm) et 10 à 12 pieds de hauteur (3,25 m à 3,90 m14) et encerclait Paris sur 24 km. Les fermiers généraux s’ étant portés acquéreurs des parcelles longeant le mur, il fut décidé qu’ on établirait un chemin de ronde à l’ intérieur, et un boulevard à l’ extérieur, planté d’ arbres sur une largeur de 15 toises (28 m). Une ordonnance du roi précisa plus tard qu’ « il ne sera point élevé de constructions sur les terrains qui resteront hors l’ enceinte, qu’ à 50 toises de distance de la clôture, pour former un chemin d’ isolement qui pût se convertir par la suite en une rue15 ». Les fermiers généraux n’ achetèrent que la moitié des terrains nécessaires, le reste fut payé par la ville. Le programme prévoyait en outre l’ élévation de 55 bureaux (le chiffre exact n’ a jamais été évoqué) dont l’ étude fut confiée en totalité au cabinet de Claude Nicolas Ledoux. Une telle commande, par le nombre, l’ unité de lieu et le temps concédé, n’ avait alors aucun équivalent en Europe. Il faut attendre la fin du siècle suivant pour que l’ expérience se renouvelle lors de la construction des gares et des entrées de divers réseaux de chemin de fer métropolitain à Vienne, Paris et Londres où un programme formel comparable – un chapelet de guichets à usage décoratif – confronta les architectes (en l’ occurrence Wagner, Guimard, Leslie et Holden) aux mêmes contraintes d’ organisation et de maîtrise esthétique16. Un exercice de style auquel Ledoux se prêta avec un génie créatif et industriel sans précédent. En moins de trois ans, il présenta à la Ferme 47 variations sur un même thème, composées à l’ aide d’ un répertoire de formes et de motifs conjugués à l’ infini, sans jamais se répéter. L’ ensemble constituant 61 pavillons (dont 13 doubles) établis selon des plans rectangulaires, circulaires ou cruciformes sur lesquels s’ élèvent des façades aveugles ornées de colonnes lisses, carrées, à bossage, d’ attiques démesurés, de serliennes vénitiennes, de cul-de-four ou de claveaux. Sept d’ entre eux recevront les figures allégoriques du sculpteur Jean-Guillaume Moitte (voir tableau p. 130-131). 47 villas colossales qui auraient permis à Ledoux de décorer les deux rives de la Brenta à lui tout seul. Au dépouillement formel extérieur correspondaient des aménagements intérieurs aussi peu accueillants en terme de confort. Les logements abritaient deux ou trois percepteurs et leur famille – quelquefois six pour les plus importants – dans des appartements meublés à l’ essentiel, agrémentés de chambres lambrissées, d’ un unique cabinet de toilette, de caves et parfois d’ un puits dans la cour. Une grille reliait les propylées aux guérites, et les guérites au mur, ne laissant aucune chance aux étourdis. Ledoux fut dans cette vaste entreprise secondé par Emmanuel Damesme, le chef de son cabinet (futur architecte du théâtre de la Monnaie à Bruxelles), et Charles-Pierre Pécoul, « entrepreneur des bâtiments du roi », qui, entre deux chantiers, pose avec son épouse pour le peintre Jacques-Louis David, son gendre. Le Serment des Horaces, exposé au Salon la même année, impressionna durablement Ledoux qui partageait avec David un retour aux archaïsmes gréco-romains. Dans le portrait qu’ il fit de son oncle, l’ architecte Jacques-François Desmaisons, on remarque, posé sur la table, un exemplaire du Quattro libri dell’ architettura de Palladio, qui, de toute évidence, ne se trouvait pas là par hasard. Les travaux, commencés en mai 1784 en bord de Seine, près de la Salpêtrière, atteignaient Grenelle neuf mois plus tard : « On en plaisantait, on en riait comme d’ une absurdité, comme d’ une folie… En conséquence, dès le mois de mai, on a vu décharger sur les boulevards neufs

Propylées et patache non réalisés pour l’ enceinte de Paris Claude Nicolas Ledoux, L’ Architecture considérée sous le rapport de l’ art, des mœurs et de la législation, 1804 Coll. part.

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cette fois un mur, destiné non plus à protéger les citoyens, mais à les dévaliser. Il est vrai que ce mur n’ avait physiquement rien de belliqueux, mais rien d’ attirant non plus. À la décharge de Ledoux, qui n’ en était pas l’ auteur. Construit en moellons blancs (des carrières d’ Arcueil) sur une base de meulière, il avait « 3 pieds d’ épaisseur (0,97 cm) et 10 à 12 pieds de hauteur (3,25 m à 3,90 m14) et encerclait Paris sur 24 km. Les fermiers généraux s’ étant portés acquéreurs des parcelles longeant le mur, il fut décidé qu’ on établirait un chemin de ronde à l’ intérieur, et un boulevard à l’ extérieur, planté d’ arbres sur une largeur de 15 toises (28 m). Une ordonnance du roi précisa plus tard qu’ « il ne sera point élevé de constructions sur les terrains qui resteront hors l’ enceinte, qu’ à 50 toises de distance de la clôture, pour former un chemin d’ isolement qui pût se convertir par la suite en une rue15 ». Les fermiers généraux n’ achetèrent que la moitié des terrains nécessaires, le reste fut payé par la ville. Le programme prévoyait en outre l’ élévation de 55 bureaux (le chiffre exact n’ a jamais été évoqué) dont l’ étude fut confiée en totalité au cabinet de Claude Nicolas Ledoux. Une telle commande, par le nombre, l’ unité de lieu et le temps concédé, n’ avait alors aucun équivalent en Europe. Il faut attendre la fin du siècle suivant pour que l’ expérience se renouvelle lors de la construction des gares et des entrées de divers réseaux de chemin de fer métropolitain à Vienne, Paris et Londres où un programme formel comparable – un chapelet de guichets à usage décoratif – confronta les architectes (en l’ occurrence Wagner, Guimard, Leslie et Holden) aux mêmes contraintes d’ organisation et de maîtrise esthétique16. Un exercice de style auquel Ledoux se prêta avec un génie créatif et industriel sans précédent. En moins de trois ans, il présenta à la Ferme 47 variations sur un même thème, composées à l’ aide d’ un répertoire de formes et de motifs conjugués à l’ infini, sans jamais se répéter. L’ ensemble constituant 61 pavillons (dont 13 doubles) établis selon des plans rectangulaires, circulaires ou cruciformes sur lesquels s’ élèvent des façades aveugles ornées de colonnes lisses, carrées, à bossage, d’ attiques démesurés, de serliennes vénitiennes, de cul-de-four ou de claveaux. Sept d’ entre eux recevront les figures allégoriques du sculpteur Jean-Guillaume Moitte (voir tableau p. 130-131). 47 villas colossales qui auraient permis à Ledoux de décorer les deux rives de la Brenta à lui tout seul. Au dépouillement formel extérieur correspondaient des aménagements intérieurs aussi peu accueillants en terme de confort. Les logements abritaient deux ou trois percepteurs et leur famille – quelquefois six pour les plus importants – dans des appartements meublés à l’ essentiel, agrémentés de chambres lambrissées, d’ un unique cabinet de toilette, de caves et parfois d’ un puits dans la cour. Une grille reliait les propylées aux guérites, et les guérites au mur, ne laissant aucune chance aux étourdis. Ledoux fut dans cette vaste entreprise secondé par Emmanuel Damesme, le chef de son cabinet (futur architecte du théâtre de la Monnaie à Bruxelles), et Charles-Pierre Pécoul, « entrepreneur des bâtiments du roi », qui, entre deux chantiers, pose avec son épouse pour le peintre Jacques-Louis David, son gendre. Le Serment des Horaces, exposé au Salon la même année, impressionna durablement Ledoux qui partageait avec David un retour aux archaïsmes gréco-romains. Dans le portrait qu’ il fit de son oncle, l’ architecte Jacques-François Desmaisons, on remarque, posé sur la table, un exemplaire du Quattro libri dell’ architettura de Palladio, qui, de toute évidence, ne se trouvait pas là par hasard. Les travaux, commencés en mai 1784 en bord de Seine, près de la Salpêtrière, atteignaient Grenelle neuf mois plus tard : « On en plaisantait, on en riait comme d’ une absurdité, comme d’ une folie… En conséquence, dès le mois de mai, on a vu décharger sur les boulevards neufs

Propylées et patache non réalisés pour l’ enceinte de Paris Claude Nicolas Ledoux, L’ Architecture considérée sous le rapport de l’ art, des mœurs et de la législation, 1804 Coll. part.

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de ma conduite semblait m’ annoncer cette fin. Je n’ ai rien fait sans décision. J’ ai été l’ instrument du ministre, qui avait des idées grandes, qui aimait les arts. Il voulait que les entrées de la capitale du monde annonçassent à l’ étranger l’ importance d’ une ville opulente28. » Pour autant, Antoine ne désarme pas et s’ en prend au manque de professionnalisme de Ledoux, qui selon lui entraînera la ruine des propylées : « L’ objet utile n’ étant traité que d’ une manière accessoire et même avec une telle négligence qu’ à peine peut-on croire qu’ un artiste s’ en soit occupé. On a remarqué aussi peu d’ attention pour le choix, la qualité et l’ emploi des matériaux29. » Il se rapproche de Necker qui vient d’ être rappelé à Versailles pour endiguer une probable faillite de l’ État. Le 23 mai 1789, Necker avertit Ledoux de son renvoi définitif et de son remplacement par Antoine, propulsé pour l’ occasion Architecte du roi. À peine distingué, ce dernier se plaint de ne pas être assez payé et de ne recevoir pour récompense que des « assurances de satisfaction et des témoignages de confiance », et qu’ en outre il « eût été fort heureux d’ obtenir, pour avoir pris la place de l’ infortuné Ledoux, sacrifié à l’ opinion publique, et sans doute victime d’ une coterie, le cordon de l’ ordre de Saint-Michel, ordre particulièrement réservé aux artistes30». Le 2 juin, Ledoux répond à Necker : « Monsieur, la lettre que vous m’ avez fait l’ honneur de m’ adresser m’ apprend avec douleur que d’ autres personnes allaient continuer les travaux de la clôture de Paris confiés à mes soins. Réclamer les lois de la justice, ce patrimoine commun, l’ unique appui de l’ opprimé, auprès d’ un ministre vertueux, c’ est faire le plus noble éloge de son caractère, auprès de tout autre la réclamation serait un reproche. En 1787 j’ étais à la moitié de la dépense prévue, j’ aurais pris les mesures nécessaires pour ne pas l’ excéder. Tout pouvait être fini à la fin de l’ année, lorsque l’ arrêt du 7 septembre 1787 nomma des commissaires pour faire un nouvel examen. » Cette somme de flagorneries s’ accompagne, pour la première fois, d’ un mea culpa bien embarrassant : « Je dois ignorer, poursuit-il, si on a bien fait de clore la ville de Paris, de construire des bâtiments qui annoncent à l’ étranger l’ importance de la capitale ; si on a bien fait de planter des boulevards ; si on a bien fait de donner au public une espèce de satisfaction en publiant qu’ on n’ a pas voulu faire ce qu’ on a fait. » L’ audacieuse dialectique resta sans réponse31. Comme chacun sait, le 14 Juillet 1789 a eu lieu le 12, lorsque Louis XVI congédie Necker – la relégation est une constance chez Necker – pour avoir « déserté la cause monarchique » ! Et pendant que Camille Desmoulins saute sur les tables des cafés du Palais-Royal en hurlant « Aux armes ! », les Parisiens, galvanisés par les marchands de vin et les taverniers des barrières qui se sentent particulièrement pénalisés, joignent les actes à la parole et passent leur colère sur les bureaux d’ octroi, objets de leurs ressentiments quotidiens. On brûle le mobilier et les registres, on course et violente le personnel : « Douze ou quinze hommes, armés de bâtons et de torches, ayant commencé par chasser les commis, piller et incendier la barrières des Gobelins, la foule s’ accrût bientôt, et dans la même nuit la plus grande partie des barrières eut le même sort32. » Sur la rive gauche, la quasi-totalité des barrières est endommagée, au nord les dégâts sont moins importants car peu d’ entre eux sont achevés. Certains propylées ne s’ en remettront pas : au quai de la Rapée, aux Amandiers, les dommages sont sans appel. Le bureau du Combat ne vaut guère mieux : « Le sieur Mortier, receveur des droits d’ octroi dans la banlieue, constatant que la populace, notamment certains ouvriers des ateliers de charité près de la nouvelle barrière Saint-Louis (Combat), avaient menacé de lui faire un mauvais parti et de l’ ensevelir sous les ruines de son bureau qui avait été démoli et brûlé les jours précédents…33 » À la

Barrières de Belleville, des Paillassons, de Grenelle, des Fourneaux, de Courcelles, des Vertus, de la Chopinette, d’ Aunay Jean-Louis Palaiseau, La ceinture de Paris, ou recueil des barrières qui entourent cette capitale, 1819 Paris, Bibliothèque nationale de France

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de ma conduite semblait m’ annoncer cette fin. Je n’ ai rien fait sans décision. J’ ai été l’ instrument du ministre, qui avait des idées grandes, qui aimait les arts. Il voulait que les entrées de la capitale du monde annonçassent à l’ étranger l’ importance d’ une ville opulente28. » Pour autant, Antoine ne désarme pas et s’ en prend au manque de professionnalisme de Ledoux, qui selon lui entraînera la ruine des propylées : « L’ objet utile n’ étant traité que d’ une manière accessoire et même avec une telle négligence qu’ à peine peut-on croire qu’ un artiste s’ en soit occupé. On a remarqué aussi peu d’ attention pour le choix, la qualité et l’ emploi des matériaux29. » Il se rapproche de Necker qui vient d’ être rappelé à Versailles pour endiguer une probable faillite de l’ État. Le 23 mai 1789, Necker avertit Ledoux de son renvoi définitif et de son remplacement par Antoine, propulsé pour l’ occasion Architecte du roi. À peine distingué, ce dernier se plaint de ne pas être assez payé et de ne recevoir pour récompense que des « assurances de satisfaction et des témoignages de confiance », et qu’ en outre il « eût été fort heureux d’ obtenir, pour avoir pris la place de l’ infortuné Ledoux, sacrifié à l’ opinion publique, et sans doute victime d’ une coterie, le cordon de l’ ordre de Saint-Michel, ordre particulièrement réservé aux artistes30». Le 2 juin, Ledoux répond à Necker : « Monsieur, la lettre que vous m’ avez fait l’ honneur de m’ adresser m’ apprend avec douleur que d’ autres personnes allaient continuer les travaux de la clôture de Paris confiés à mes soins. Réclamer les lois de la justice, ce patrimoine commun, l’ unique appui de l’ opprimé, auprès d’ un ministre vertueux, c’ est faire le plus noble éloge de son caractère, auprès de tout autre la réclamation serait un reproche. En 1787 j’ étais à la moitié de la dépense prévue, j’ aurais pris les mesures nécessaires pour ne pas l’ excéder. Tout pouvait être fini à la fin de l’ année, lorsque l’ arrêt du 7 septembre 1787 nomma des commissaires pour faire un nouvel examen. » Cette somme de flagorneries s’ accompagne, pour la première fois, d’ un mea culpa bien embarrassant : « Je dois ignorer, poursuit-il, si on a bien fait de clore la ville de Paris, de construire des bâtiments qui annoncent à l’ étranger l’ importance de la capitale ; si on a bien fait de planter des boulevards ; si on a bien fait de donner au public une espèce de satisfaction en publiant qu’ on n’ a pas voulu faire ce qu’ on a fait. » L’ audacieuse dialectique resta sans réponse31. Comme chacun sait, le 14 Juillet 1789 a eu lieu le 12, lorsque Louis XVI congédie Necker – la relégation est une constance chez Necker – pour avoir « déserté la cause monarchique » ! Et pendant que Camille Desmoulins saute sur les tables des cafés du Palais-Royal en hurlant « Aux armes ! », les Parisiens, galvanisés par les marchands de vin et les taverniers des barrières qui se sentent particulièrement pénalisés, joignent les actes à la parole et passent leur colère sur les bureaux d’ octroi, objets de leurs ressentiments quotidiens. On brûle le mobilier et les registres, on course et violente le personnel : « Douze ou quinze hommes, armés de bâtons et de torches, ayant commencé par chasser les commis, piller et incendier la barrières des Gobelins, la foule s’ accrût bientôt, et dans la même nuit la plus grande partie des barrières eut le même sort32. » Sur la rive gauche, la quasi-totalité des barrières est endommagée, au nord les dégâts sont moins importants car peu d’ entre eux sont achevés. Certains propylées ne s’ en remettront pas : au quai de la Rapée, aux Amandiers, les dommages sont sans appel. Le bureau du Combat ne vaut guère mieux : « Le sieur Mortier, receveur des droits d’ octroi dans la banlieue, constatant que la populace, notamment certains ouvriers des ateliers de charité près de la nouvelle barrière Saint-Louis (Combat), avaient menacé de lui faire un mauvais parti et de l’ ensevelir sous les ruines de son bureau qui avait été démoli et brûlé les jours précédents…33 » À la

Barrières de Belleville, des Paillassons, de Grenelle, des Fourneaux, de Courcelles, des Vertus, de la Chopinette, d’ Aunay Jean-Louis Palaiseau, La ceinture de Paris, ou recueil des barrières qui entourent cette capitale, 1819 Paris, Bibliothèque nationale de France

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Croix-Blanche : « Des ouvriers employés aux travaux de charité qu’ on a établis à Montmartre en faveur des pauvres sont allés brûler la barrière Blanche dimanche dernier, et y ont commis des excès dont les contrebandiers ont tiré parti pour introduire beaucoup de marchandise en fraude34. » Tous les commis ne sont pas à la solde du fisc : François Hanriot, employé à la barrière de Belleville et futur compagnon d’ échafaud de Robespierre, mit le feu à son bureau sans attendre les insurgés. Mais pour la plupart des propylées, enfumés plutôt qu’ incendiés (huit sur la rive droite, treize sur la rive gauche), les dégâts sont supportables. Ledoux commente ainsi le désastre : « On verra ces Erostrate du jour, déguiser les motifs de ces monuments, les dégrader, et se charger de la honte des siècles : leurs noms seront imprimés sur les débris qu’ ils ont noircis ; on les retrouvera sous la fumée qui enveloppe encore leurs mystères sacrilèges35. » La prise de la Bastille, deux jours plus tard, ayant occulté – pour longtemps semble-t-il – l’ assaut des propylées, les tribunaux, complaisants à l’ égard des incendiaires, jugèrent moins le délit que ses intentions : « Poursuivre l’ incendie des barrières, disaient leurs avocats, c’ est faire le procès de la Révolution ! » Dans La Gazette nationale, on rappelait que « le besoin d’ être libre agitait un peuple nombreux, il ne considérait les employés que comme des agents de perception arbitraires, de vexations dont il avait été trop longtemps la victime. Il a détruit les monuments fastueux que l’ imbécile prodigalité d’ un ministre coupable semblait avoir élevés pour insulter à sa misère ; il a brûlé les barrières, mais de la même main il a pris la Bastille et assuré la liberté36. » De la Bastille, il fut donc grandement question dans les foyers parisiens, car dès le lendemain de sa reddition on commençait à la démonter pierre à pierre. Les propylées, jugés moins représentatifs de la monarchie – de ce point de vue, Versailles les dominait tous –, furent épargnés, les quelques noirceurs occasionnées étant suffisantes à leur châtiment. Ce mur, pensait-on à la mairie, n’ était pas une si mauvaise idée que ça. Antoine, officiellement architecte de la clôture de Paris depuis le 4 octobre, est chargé par l’ Assemblée constituante de sa restauration, qu’ il chiffre à 15 824 000 livres, soit trois fois le devis initial. La totalité des pavillons de la rive gauche et plus de la moitié de ceux de la rive droite sont restaurés selon les plans de Ledoux, mais avec les réductions ornementales voulues par Brienne. À l’ est, les bureaux qui n’ ont pas été incendiés sont achevés dans les mêmes conditions. Seuls les propylées des Amandiers et de la rue Poissonnière ne sont pas reconstruits. Mais les commis avaient à peine regagné leurs guérites qu’ un décret de la Constituante du 27 mars 1791 supprimait la Ferme et les droits d’ entrée, et ordonnait à Antoine de cesser les travaux dans l’ heure. Ce décret invitait également la ville de Paris à mettre en vente tous les bâtiments, murs et terrains de l’ enceinte au « profit de la Nation » (la mise en location fut par la suite préférée à l’ adjudication). Le 1er mai 1791, jour de la « Grande Réjouissance » Paris ouvrait ses portes à la libre circulation des denrées et boissons de toutes provenances. On note à la porte de Vaugirard qu’ « il est entré quantité de toile de Jouy, de Laval et d’ Alençon, en outre plus de 16 000 chapons et poulardes du Mans, et 1 672 poulets d’ Inde du Gâtinais. » Pour ces marchandises, les vendeurs auraient payé (sous l’ ancien octroi) près de 3 500 000 livres. Somme sur laquelle 2 000 000 livres auraient échoué dans les poches des fermiers généraux37. À la barrière du Trône, ce sont 341 chariots chargés de vin, à celle de Saint-Denis plus de 100 000 livres de dentelle de Flandre qui sont entrés dans Paris. Cette soudaine liberté ne va

La Barrière de Clichy (détail) [Combat du 30 mars 1814] Horace Vernet, 1820 Paris, musée du Louvre

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Croix-Blanche : « Des ouvriers employés aux travaux de charité qu’ on a établis à Montmartre en faveur des pauvres sont allés brûler la barrière Blanche dimanche dernier, et y ont commis des excès dont les contrebandiers ont tiré parti pour introduire beaucoup de marchandise en fraude34. » Tous les commis ne sont pas à la solde du fisc : François Hanriot, employé à la barrière de Belleville et futur compagnon d’ échafaud de Robespierre, mit le feu à son bureau sans attendre les insurgés. Mais pour la plupart des propylées, enfumés plutôt qu’ incendiés (huit sur la rive droite, treize sur la rive gauche), les dégâts sont supportables. Ledoux commente ainsi le désastre : « On verra ces Erostrate du jour, déguiser les motifs de ces monuments, les dégrader, et se charger de la honte des siècles : leurs noms seront imprimés sur les débris qu’ ils ont noircis ; on les retrouvera sous la fumée qui enveloppe encore leurs mystères sacrilèges35. » La prise de la Bastille, deux jours plus tard, ayant occulté – pour longtemps semble-t-il – l’ assaut des propylées, les tribunaux, complaisants à l’ égard des incendiaires, jugèrent moins le délit que ses intentions : « Poursuivre l’ incendie des barrières, disaient leurs avocats, c’ est faire le procès de la Révolution ! » Dans La Gazette nationale, on rappelait que « le besoin d’ être libre agitait un peuple nombreux, il ne considérait les employés que comme des agents de perception arbitraires, de vexations dont il avait été trop longtemps la victime. Il a détruit les monuments fastueux que l’ imbécile prodigalité d’ un ministre coupable semblait avoir élevés pour insulter à sa misère ; il a brûlé les barrières, mais de la même main il a pris la Bastille et assuré la liberté36. » De la Bastille, il fut donc grandement question dans les foyers parisiens, car dès le lendemain de sa reddition on commençait à la démonter pierre à pierre. Les propylées, jugés moins représentatifs de la monarchie – de ce point de vue, Versailles les dominait tous –, furent épargnés, les quelques noirceurs occasionnées étant suffisantes à leur châtiment. Ce mur, pensait-on à la mairie, n’ était pas une si mauvaise idée que ça. Antoine, officiellement architecte de la clôture de Paris depuis le 4 octobre, est chargé par l’ Assemblée constituante de sa restauration, qu’ il chiffre à 15 824 000 livres, soit trois fois le devis initial. La totalité des pavillons de la rive gauche et plus de la moitié de ceux de la rive droite sont restaurés selon les plans de Ledoux, mais avec les réductions ornementales voulues par Brienne. À l’ est, les bureaux qui n’ ont pas été incendiés sont achevés dans les mêmes conditions. Seuls les propylées des Amandiers et de la rue Poissonnière ne sont pas reconstruits. Mais les commis avaient à peine regagné leurs guérites qu’ un décret de la Constituante du 27 mars 1791 supprimait la Ferme et les droits d’ entrée, et ordonnait à Antoine de cesser les travaux dans l’ heure. Ce décret invitait également la ville de Paris à mettre en vente tous les bâtiments, murs et terrains de l’ enceinte au « profit de la Nation » (la mise en location fut par la suite préférée à l’ adjudication). Le 1er mai 1791, jour de la « Grande Réjouissance » Paris ouvrait ses portes à la libre circulation des denrées et boissons de toutes provenances. On note à la porte de Vaugirard qu’ « il est entré quantité de toile de Jouy, de Laval et d’ Alençon, en outre plus de 16 000 chapons et poulardes du Mans, et 1 672 poulets d’ Inde du Gâtinais. » Pour ces marchandises, les vendeurs auraient payé (sous l’ ancien octroi) près de 3 500 000 livres. Somme sur laquelle 2 000 000 livres auraient échoué dans les poches des fermiers généraux37. À la barrière du Trône, ce sont 341 chariots chargés de vin, à celle de Saint-Denis plus de 100 000 livres de dentelle de Flandre qui sont entrés dans Paris. Cette soudaine liberté ne va

La Barrière de Clichy (détail) [Combat du 30 mars 1814] Horace Vernet, 1820 Paris, musée du Louvre

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dans les autres, aucun n’ est entré à titre individuel dans l’ histoire de l’ architecture parisienne. Ils sont remisés sous un label collectif, monolithique et désespérant que l’ on appelle le « Paris haussmannien », concept pensé pour une ville de garnison par des urbanistes sabreurs. Comment les champêtres propylées de Ledoux auraient-ils pu échapper à leurs terrassiers ? L’ accusé, curieusement, reconnaît les faits : « Artistes démolisseurs… si l’ on veut, écrit Haussmann dans ses mémoires, la vocation de tous ceux qui démolissent n’ est pas la même, Dieu merci ! – moins heureux, peut-être, en reconstruction, mais par le faute de l’ Académie plus que par la mienne. En effet, si l’ École des beaux-arts, placée sous son patronage, a doté le pays d’ architectes de grand talent et d’ un goût irréprochable, dont, pour ma part, je me suis fait un devoir et un honneur d’ invoquer le concours en tant d’ occasions, j’ ai la hardiesse de dire, au risque de tout, que, parmi eux, ne s’ est point révélé, sous l’ Empire, un de ces artistes dont le génie transforme son art et l’ approprie aux aspirations de temps nouveaux60. » Davioud et Hittorff ont diversement apprécié le compliment. Et Haussmann de poursuivre : « Mais, bonnes gens, qui, du fond de vos bibliothèques, semblez n’ avoir rien vu, citez, du moins, un ancien monument, digne d’ intérêt, un édifice précieux pour l’ art, curieux par ses souvenirs, que mon administration ait détruit, ou dont elle se soit occupée, sinon pour le dégager et le mettre en aussi grande valeur, en aussi belle perspective que possible ! » C’ est ainsi qu’ après avoir réchappé à trois révolutions et quelques coups d’ États fumeux, un haut fonctionnaire dévoué, cynique de surcroît, eut raison des propylées. Il serait évidemment un peu simpliste de l’ accabler de tous les maux parisiens ; pourtant, en 1853, un rapport de la Commission d’ embellissement de Paris initié et soutenu par son supérieur hiérarchique – pas n’ importe qui : un empereur ! – proposait, entre autres, de « ne pas se rendre esclave des tracés en ligne droite. En le faisant, on s’ expose à renverser sans but utile des monuments ou des constructions dignes d’ intérêt. Pour la vaine satisfaction d’ avoir des lignes droites, ne détruisons pas ces vieux et glorieux souvenirs. Une large voie peut être très utilement et très commodément tracée, même avec des angles, pourvu qu’ ils soient sagement aménagés. La belle ligne de nos boulevards (ceux des xviie et xviiie siècles) en est une preuve évidente61. » Cette commission, aussi angélique qu’ éphémère, fut dissoute peu après par l’ empereur en question, sur les conseils d’ Haussmann. Quelques intellectuels se sont élevés contre les démolitions du second Empire, Jules Ferry, Émile Zola, Jules Vallès furent les plus prompts à défendre le « vieux Paris », mais aucun n’ évoque les propylées de Ledoux, pas plus d’ ailleurs qu’ ils ne prêteront attention aux saccages de la chaussée d’ Antin, gisement incomparable d’ architecture néoclassique où Ledoux avait dessiné une douzaine d’ hôtels particuliers. Quinze ans après les faits, Maxime Du Camp ne décolérait toujours pas : « L’ architecte Ledoux, qui fut chargé de ce travail, avait une imagination aussi déréglée que stérile ; il s’ épuisait à trouver des formes nouvelles, et ne les obtenait le plus souvent qu’ au détriment des règles les plus élémentaires du bon goût. Ledoux préconisait ce qu’ il appelait “l’ architecture parlante”, et trouvait tout simple que la maison d’ un vigneron eût l’ apparence d’ un tonneau62. » À l’ exception de la rotonde du parc Monceau, qui justifia sa grâce en temps que « fabrique » au même titre que la naumachie et la pyramide voulues par le duc d’ Orléans, les sept propylées épargnés par Haussmann le furent pour des raisons plus administratives que patrimoniales. La barrière de Bercy fit pendant un temps office de tribunal, Saint-Martin d’ entrepôt. Celle

La barrière du Combat [pendant la Commune de Paris] Alphonse Liébert, 1871 Paris, Bibliothèque historique de la Ville de Paris

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dans les autres, aucun n’ est entré à titre individuel dans l’ histoire de l’ architecture parisienne. Ils sont remisés sous un label collectif, monolithique et désespérant que l’ on appelle le « Paris haussmannien », concept pensé pour une ville de garnison par des urbanistes sabreurs. Comment les champêtres propylées de Ledoux auraient-ils pu échapper à leurs terrassiers ? L’ accusé, curieusement, reconnaît les faits : « Artistes démolisseurs… si l’ on veut, écrit Haussmann dans ses mémoires, la vocation de tous ceux qui démolissent n’ est pas la même, Dieu merci ! – moins heureux, peut-être, en reconstruction, mais par le faute de l’ Académie plus que par la mienne. En effet, si l’ École des beaux-arts, placée sous son patronage, a doté le pays d’ architectes de grand talent et d’ un goût irréprochable, dont, pour ma part, je me suis fait un devoir et un honneur d’ invoquer le concours en tant d’ occasions, j’ ai la hardiesse de dire, au risque de tout, que, parmi eux, ne s’ est point révélé, sous l’ Empire, un de ces artistes dont le génie transforme son art et l’ approprie aux aspirations de temps nouveaux60. » Davioud et Hittorff ont diversement apprécié le compliment. Et Haussmann de poursuivre : « Mais, bonnes gens, qui, du fond de vos bibliothèques, semblez n’ avoir rien vu, citez, du moins, un ancien monument, digne d’ intérêt, un édifice précieux pour l’ art, curieux par ses souvenirs, que mon administration ait détruit, ou dont elle se soit occupée, sinon pour le dégager et le mettre en aussi grande valeur, en aussi belle perspective que possible ! » C’ est ainsi qu’ après avoir réchappé à trois révolutions et quelques coups d’ États fumeux, un haut fonctionnaire dévoué, cynique de surcroît, eut raison des propylées. Il serait évidemment un peu simpliste de l’ accabler de tous les maux parisiens ; pourtant, en 1853, un rapport de la Commission d’ embellissement de Paris initié et soutenu par son supérieur hiérarchique – pas n’ importe qui : un empereur ! – proposait, entre autres, de « ne pas se rendre esclave des tracés en ligne droite. En le faisant, on s’ expose à renverser sans but utile des monuments ou des constructions dignes d’ intérêt. Pour la vaine satisfaction d’ avoir des lignes droites, ne détruisons pas ces vieux et glorieux souvenirs. Une large voie peut être très utilement et très commodément tracée, même avec des angles, pourvu qu’ ils soient sagement aménagés. La belle ligne de nos boulevards (ceux des xviie et xviiie siècles) en est une preuve évidente61. » Cette commission, aussi angélique qu’ éphémère, fut dissoute peu après par l’ empereur en question, sur les conseils d’ Haussmann. Quelques intellectuels se sont élevés contre les démolitions du second Empire, Jules Ferry, Émile Zola, Jules Vallès furent les plus prompts à défendre le « vieux Paris », mais aucun n’ évoque les propylées de Ledoux, pas plus d’ ailleurs qu’ ils ne prêteront attention aux saccages de la chaussée d’ Antin, gisement incomparable d’ architecture néoclassique où Ledoux avait dessiné une douzaine d’ hôtels particuliers. Quinze ans après les faits, Maxime Du Camp ne décolérait toujours pas : « L’ architecte Ledoux, qui fut chargé de ce travail, avait une imagination aussi déréglée que stérile ; il s’ épuisait à trouver des formes nouvelles, et ne les obtenait le plus souvent qu’ au détriment des règles les plus élémentaires du bon goût. Ledoux préconisait ce qu’ il appelait “l’ architecture parlante”, et trouvait tout simple que la maison d’ un vigneron eût l’ apparence d’ un tonneau62. » À l’ exception de la rotonde du parc Monceau, qui justifia sa grâce en temps que « fabrique » au même titre que la naumachie et la pyramide voulues par le duc d’ Orléans, les sept propylées épargnés par Haussmann le furent pour des raisons plus administratives que patrimoniales. La barrière de Bercy fit pendant un temps office de tribunal, Saint-Martin d’ entrepôt. Celle

La barrière du Combat [pendant la Commune de Paris] Alphonse Liébert, 1871 Paris, Bibliothèque historique de la Ville de Paris

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18. B A R R I È R E D E L ’ É T O I L E [de Neuilly, ou de la route de Saint-Germain]. La perspective des Champs-Élysées, depuis la place Louis-XV (Concorde) jusqu’ à la montagne du Roule (Étoile), inspira à Ledoux deux bâtiments colossaux de plus de vingt mètres de haut qu’ il proposait de surélever de groupes allégoriques en bronze, voués à Cybèle et Théthys, deux habituées du « bout de la terre ». Calonne l’ encouragea, de La Boullaye fut moins enthousiaste. Le devis présenté en 1785 (de 96 000 livres) avait été largement dominé par les quatre étages et les vingt colonnes à bossage de chaque pavillon. Peu endommagés par les émeutiers de 1789 – Antoine évalua les frais de réparation à seulement 3 600 livres –, les deux bâtiments souffrirent de la concurrence déloyale de l’ Arc de triomphe qui commença sa croissance en 1806 (année de la mort de Ledoux) pour atteindre une altitude de 50 m la trentaine passée. On s’ interrogera longtemps sur la disparition de ces deux chefs-d’ œuvre en 1860, sous l’ administration haussmannienne. Leur démolition fut un événement considérable que Linton grava pour la postérité et dont Delvau se félicita : « Je ne veux pas parler des deux bâtiments de Ledoux, ornés chacun dans leur pourtour de vingt colonnes, qui la décoraient – si imparfaitement – et qu’ on a sagement fait de démolir. » Enfin seul, l’ arc de triomphe de Chalgrin, authentique bahut de la Grande Armée, chassait définitivement l’ Ancien Régime. Nos regrets iront toujours au pacifique et gigantesque éléphant en ciment prévu à cet endroit par un optimiste nommé Ribart et jamais construit. Hist. : 1787-1860 ; géom. : 17,70 m x 17,70 m = 313,30 m2 ; icono. : Gaitte (1792), Chapuy (180?), Palaiseau (1819), Civeton (1829), Bury et Winkles (1829), Rosen (?), Thorigny et Linton (destruction, 1860) ; photo. : Melbye (1848), Gouviot (1859), Marville (1859) ; topog. : de part et d’ autre de l’ avenue des Champs-Élysées, au débouché des rues de Tilsitt et Presbourg.

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18. B A R R I È R E D E L ’ É T O I L E [de Neuilly, ou de la route de Saint-Germain]. La perspective des Champs-Élysées, depuis la place Louis-XV (Concorde) jusqu’ à la montagne du Roule (Étoile), inspira à Ledoux deux bâtiments colossaux de plus de vingt mètres de haut qu’ il proposait de surélever de groupes allégoriques en bronze, voués à Cybèle et Théthys, deux habituées du « bout de la terre ». Calonne l’ encouragea, de La Boullaye fut moins enthousiaste. Le devis présenté en 1785 (de 96 000 livres) avait été largement dominé par les quatre étages et les vingt colonnes à bossage de chaque pavillon. Peu endommagés par les émeutiers de 1789 – Antoine évalua les frais de réparation à seulement 3 600 livres –, les deux bâtiments souffrirent de la concurrence déloyale de l’ Arc de triomphe qui commença sa croissance en 1806 (année de la mort de Ledoux) pour atteindre une altitude de 50 m la trentaine passée. On s’ interrogera longtemps sur la disparition de ces deux chefs-d’ œuvre en 1860, sous l’ administration haussmannienne. Leur démolition fut un événement considérable que Linton grava pour la postérité et dont Delvau se félicita : « Je ne veux pas parler des deux bâtiments de Ledoux, ornés chacun dans leur pourtour de vingt colonnes, qui la décoraient – si imparfaitement – et qu’ on a sagement fait de démolir. » Enfin seul, l’ arc de triomphe de Chalgrin, authentique bahut de la Grande Armée, chassait définitivement l’ Ancien Régime. Nos regrets iront toujours au pacifique et gigantesque éléphant en ciment prévu à cet endroit par un optimiste nommé Ribart et jamais construit. Hist. : 1787-1860 ; géom. : 17,70 m x 17,70 m = 313,30 m2 ; icono. : Gaitte (1792), Chapuy (180?), Palaiseau (1819), Civeton (1829), Bury et Winkles (1829), Rosen (?), Thorigny et Linton (destruction, 1860) ; photo. : Melbye (1848), Gouviot (1859), Marville (1859) ; topog. : de part et d’ autre de l’ avenue des Champs-Élysées, au débouché des rues de Tilsitt et Presbourg.

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30. B A R R I È R E S A I N T - M A R T I N [de la Villette, ou de Senlis]. En septembre 1787, Antoine restait médusé par l’ envergure du projet : « Son immensité ne laisse aucun doute sur la possibilité de remplir amplement l’ objet de son service. » Posté à la croisée des routes de Flandre et d’ Allemagne, le bâtiment principal annonçait près de 800 m2 sur quatre niveaux, quatre péristyles en saillie de huit colonnes carrées, une galerie circulaire de quarante colonnes accouplées et un puits de lumière en son centre. Quatre guérites de taille imposante marquaient l’ entrée de la capitale, dont deux demeurèrent inachevées. Ledoux et Moitte avaient prévu de les couronner de figures colossales, qui furent refusées par de La Boullaye en raison de leur coût. L’ entrepreneur Pécoul avait dépêché sur ce chantier exceptionnel plus de 200 ouvriers qui s’ enfuirent devant les insurgés, le soir du 12 juillet 1789. Deux ans plus tard, lors de la suppression de l’ octroi, les travaux n’ étaient toujours pas terminés. Dès lors, le pavillon remplit en alternance les fonctions de caserne, d’ entrepôt, de douane et accessoirement d’ hôtel pour voyageurs. C’ est sans doute cette occupation permanente qui le sauva de la destruction en 1860. Bachelet, en 1871, fut le premier à en reconnaître les mérites architectoniques : « Remarquez la sévérité du soubassement, dont les murs sont taillés en refends profondément fouillés et arrondis en bossage ; observez ces frontons si larges portés sur de gros pilastres carrés, qui leur donnent un aspect de lourdeur autant que de force. » En 1865, une batterie d’ entrepôts encerclait littéralement le propylée, détruisant la perspective depuis le bassin de la Villette. Au passage, la façade nord-est était amputée de son péristyle par un certain Gabriel Crétin, architecte de la banque de France. Incendiés pendant la Commune, ils furent reconstruits dans les mêmes proportions et ne disparurent définitivement qu’ en 1932. Entre-temps, la rotonde avait brillamment résisté au métro aérien de Bienvenüe et Formigé, lancé au-dessus des boulevards en 1903. Une habile chicane l’ évitait de justesse, offrant aux usagers un point de vue panoramique inédit sur les serliennes du second étage. La République, pas rancunière, lui rendit son péristyle en 1989, à l’ occasion du bicentenaire de la Révolution. Hist. : 1788 ; géom. : 28 m x 28 m = 784 m2 ; icono. : Gaitte (1792), Marlès (1811), Palaiseau (1819), Swebach (1820 ?), Nash (1820), Martens (1820), Courvoisier-Voisin (1825), Leprince (182?), Civeton (1829), Eckersberg (1850), Herpin (1870) ; photo. : Gouviot (1859), Robert (1892), Atget (1901) ; topog. : place de la Bataille-de-Stalingrad.

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30. B A R R I È R E S A I N T - M A R T I N [de la Villette, ou de Senlis]. En septembre 1787, Antoine restait médusé par l’ envergure du projet : « Son immensité ne laisse aucun doute sur la possibilité de remplir amplement l’ objet de son service. » Posté à la croisée des routes de Flandre et d’ Allemagne, le bâtiment principal annonçait près de 800 m2 sur quatre niveaux, quatre péristyles en saillie de huit colonnes carrées, une galerie circulaire de quarante colonnes accouplées et un puits de lumière en son centre. Quatre guérites de taille imposante marquaient l’ entrée de la capitale, dont deux demeurèrent inachevées. Ledoux et Moitte avaient prévu de les couronner de figures colossales, qui furent refusées par de La Boullaye en raison de leur coût. L’ entrepreneur Pécoul avait dépêché sur ce chantier exceptionnel plus de 200 ouvriers qui s’ enfuirent devant les insurgés, le soir du 12 juillet 1789. Deux ans plus tard, lors de la suppression de l’ octroi, les travaux n’ étaient toujours pas terminés. Dès lors, le pavillon remplit en alternance les fonctions de caserne, d’ entrepôt, de douane et accessoirement d’ hôtel pour voyageurs. C’ est sans doute cette occupation permanente qui le sauva de la destruction en 1860. Bachelet, en 1871, fut le premier à en reconnaître les mérites architectoniques : « Remarquez la sévérité du soubassement, dont les murs sont taillés en refends profondément fouillés et arrondis en bossage ; observez ces frontons si larges portés sur de gros pilastres carrés, qui leur donnent un aspect de lourdeur autant que de force. » En 1865, une batterie d’ entrepôts encerclait littéralement le propylée, détruisant la perspective depuis le bassin de la Villette. Au passage, la façade nord-est était amputée de son péristyle par un certain Gabriel Crétin, architecte de la banque de France. Incendiés pendant la Commune, ils furent reconstruits dans les mêmes proportions et ne disparurent définitivement qu’ en 1932. Entre-temps, la rotonde avait brillamment résisté au métro aérien de Bienvenüe et Formigé, lancé au-dessus des boulevards en 1903. Une habile chicane l’ évitait de justesse, offrant aux usagers un point de vue panoramique inédit sur les serliennes du second étage. La République, pas rancunière, lui rendit son péristyle en 1989, à l’ occasion du bicentenaire de la Révolution. Hist. : 1788 ; géom. : 28 m x 28 m = 784 m2 ; icono. : Gaitte (1792), Marlès (1811), Palaiseau (1819), Swebach (1820 ?), Nash (1820), Martens (1820), Courvoisier-Voisin (1825), Leprince (182?), Civeton (1829), Eckersberg (1850), Herpin (1870) ; photo. : Gouviot (1859), Robert (1892), Atget (1901) ; topog. : place de la Bataille-de-Stalingrad.

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33. B A R R I È R E D E B E L L E V I L L E [de la Courtille, ou du Faubourg-du-Temple]. À Belleville, Ledoux avait prévu deux propylées pour un devis de 138 000 livres. De La Boullaye proposa de baisser les dépenses en supprimant l’ un des deux pavillons et demanda à Ledoux un nouveau plan à cet effet. Ledoux répondit que les assises du deuxième pavillon étaient déjà posées, que les fondations étaient très avancées et qu’ une simple réduction des couronnements économiserait 6 000 livres. Au résultat, les deux bureaux furent construits, sans leurs couronnements, certes, mais avec seize colonnes chacun, soutenant six arcades et deux frontons triangulaires. Le tout, selon Antoine, pour la somme de 200 000 livres. Ce tour de passe-passe phagocyté par Ledoux demeure inexpliqué. Cernée par une pléthore de guinguettes bruyantes, son nom fut associé, à partir de 1822, à l’ un des événements majeurs de la vie parisienne : la descente de la Courtille. Point de départ des fameux cortèges imbibés en partance pour l’ Hôtel de Ville, elle en épousa le patronyme jusqu’ à sa destruction par Haussmann en 1860, ce qui sonna le glas de cette joyeuse beuverie collective. En 1932, lors de travaux de déviation d’ un égout pour le percement du métropolitain, les fouilles révélèrent un « important massif de pierre de taille », d’ environ 5 m de longueur sur 3 m de hauteur et d’ une épaisseur de 1,60 m. C’ étaient les vestiges du pavillon de droite de la barrière de Belleville, enfouis sous 3,40 m de souvenirs. Hist. : 1788-1860 : géom. : 16,15 x 12,50 m = 202 m2 ; icono. : cabinet Ledoux (1787), Gaitte (1792), Marlès (1811), Palaiseau (1819), Durau (1820 ?), Civeton (1829) ; topog. : boulevard de Belleville, au niveau de la rue du Faubourg-du-Temple.

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33. B A R R I È R E D E B E L L E V I L L E [de la Courtille, ou du Faubourg-du-Temple]. À Belleville, Ledoux avait prévu deux propylées pour un devis de 138 000 livres. De La Boullaye proposa de baisser les dépenses en supprimant l’ un des deux pavillons et demanda à Ledoux un nouveau plan à cet effet. Ledoux répondit que les assises du deuxième pavillon étaient déjà posées, que les fondations étaient très avancées et qu’ une simple réduction des couronnements économiserait 6 000 livres. Au résultat, les deux bureaux furent construits, sans leurs couronnements, certes, mais avec seize colonnes chacun, soutenant six arcades et deux frontons triangulaires. Le tout, selon Antoine, pour la somme de 200 000 livres. Ce tour de passe-passe phagocyté par Ledoux demeure inexpliqué. Cernée par une pléthore de guinguettes bruyantes, son nom fut associé, à partir de 1822, à l’ un des événements majeurs de la vie parisienne : la descente de la Courtille. Point de départ des fameux cortèges imbibés en partance pour l’ Hôtel de Ville, elle en épousa le patronyme jusqu’ à sa destruction par Haussmann en 1860, ce qui sonna le glas de cette joyeuse beuverie collective. En 1932, lors de travaux de déviation d’ un égout pour le percement du métropolitain, les fouilles révélèrent un « important massif de pierre de taille », d’ environ 5 m de longueur sur 3 m de hauteur et d’ une épaisseur de 1,60 m. C’ étaient les vestiges du pavillon de droite de la barrière de Belleville, enfouis sous 3,40 m de souvenirs. Hist. : 1788-1860 : géom. : 16,15 x 12,50 m = 202 m2 ; icono. : cabinet Ledoux (1787), Gaitte (1792), Marlès (1811), Palaiseau (1819), Durau (1820 ?), Civeton (1829) ; topog. : boulevard de Belleville, au niveau de la rue du Faubourg-du-Temple.

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propylées Paris les

de

Avec l’histoire des propylées, l’auteur nous convie à une promenade poétique et sensible le long des murailles de Paris ; grâce à ses illustrations originales, il nous permet la découverte d’une exceptionnelle série architecturale, restituée pour la première fois dans son intégralité.

Illustrateur et historien, Jean-Pierre Lyonnet observe l’architecture des villes depuis une quarantaine d’années, avec, selon l’air du temps, un pinceau ou un stylo à la main, quelquefois les deux... Il est l’auteur et l’illustrateur de plusieurs ouvrages comme Villas modernes, Guimard perdu ou encore Robert Mallet‑Stevens, architecte. Président fondateur du Cercle Guimard, il anime depuis 2005 ce forum de passionnés.

1785-1788

Claude Nicolas Ledoux

Jean-Pierre Lyonnet

à la fin du xviiie siècle, les Fermiers généraux ont la charge de récolter l’impôt sur les denrées entrant dans Paris. Pour éviter les fraudeurs et les contrebandiers, l’idée de ceindre Paris d’une muraille de 24 km fait jour. C’ est à l'architecte Claude Nicolas Ledoux que revient la charge d’ en ériger les portes, plus connues sous le nom de propylées de Paris. En trois ans, une cinquantaine de barrières d’ octroi sont édifiées. Animées par le souffle d’une architecture visionnaire, elles présentent chacune un répertoire stylistique différent. Ledoux s’illustre avec génie dans l’ art de conjuguer la forme et la fonction, l’idéal et le contestable. Quatre d’ entre elles sont arrivées jusqu’ à nous, rescapées ayant fini par rejoindre, in fine, le panthéon de l’ architecture française.

Une promenade savante au clair de lune

Jean-Pierre Lyonnet

39 €

www.editions-honoreclair.fr Dépôt légal : octobre 2013 ISBN : 978-2-918371-16-8

Honoré Clair


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