Sommaire Le château de la Ménagerie : histoire, architecture et décor
p. 4
Gérard Mabille
La
création de la
Ménagerie
p. 6
L’architecture du château Le château, aménagements intérieurs et ameublement Promenades, fêtes et divertissements
p. 12
Ménagerie
p. 30
L’appartement d’hiver L’appartement d’été Le nouveau jardin et ses pavillons
p. 43
épilogue
p. 54
La Ménagerie de Versailles : les bêtes et les hommes
p. 56
La
duchesse de
Bourgogne
à la
p. 20 p. 28
p. 36 p. 50
Joan Pieragnoli
La Ménagerie
Les
Louis XIV
p. 60
L’implantation L’approvisionement et le peuplement Ménagerie d’apparat ou institution scientifique ?
p. 61
sous
p. 80
Louis XVI
p. 86
Le peuplement Le temps de l’abandon et la campagne de réhabilitation Le personnel
p. 90
règnes de
Louis XV
p. 72
et
p. 87 p. 91
Première de couverture Vue de la Ménagerie Restitution virtuelle.
Postérité
Ménagerie
p. 92
Un aigle et deux spatules (dét.) Pieter Boel Dépôt du musée du Louvre au musée du Vieux Château de Laval, Inv. 3967.
Notes et bibliographie
p. 94
Crédits iconographiques
p. 96
de la
Sommaire Le château de la Ménagerie : histoire, architecture et décor
p. 4
Gérard Mabille
La
création de la
Ménagerie
p. 6
L’architecture du château Le château, aménagements intérieurs et ameublement Promenades, fêtes et divertissements
p. 12
Ménagerie
p. 30
L’appartement d’hiver L’appartement d’été Le nouveau jardin et ses pavillons
p. 43
épilogue
p. 54
La Ménagerie de Versailles : les bêtes et les hommes
p. 56
La
duchesse de
Bourgogne
à la
p. 20 p. 28
p. 36 p. 50
Joan Pieragnoli
La Ménagerie
Les
Louis XIV
p. 60
L’implantation L’approvisionement et le peuplement Ménagerie d’apparat ou institution scientifique ?
p. 61
sous
p. 80
Louis XVI
p. 86
Le peuplement Le temps de l’abandon et la campagne de réhabilitation Le personnel
p. 90
règnes de
Louis XV
p. 72
et
p. 87 p. 91
Première de couverture Vue de la Ménagerie Restitution virtuelle.
Postérité
Ménagerie
p. 92
Un aigle et deux spatules (dét.) Pieter Boel Dépôt du musée du Louvre au musée du Vieux Château de Laval, Inv. 3967.
Notes et bibliographie
p. 94
Crédits iconographiques
p. 96
de la
Ci-dessous Le château de la Ménagerie, vue du côté de la cour d’honneur Estampe par Jean Mariette Châteaux de Versailles et de Trianon, Recueil de gravures 137. Les artistes ne s’étant pas rendus à la Ménagerie, leur vision du site comporte de nombreuses inexactitudes. Ainsi, dans cette estampe figurant l’entrée du château, les toitures ne sont pas pyramidales ; l’ensemble des décors est magnifié, comme en témoigne la présence fantaisiste d’un fronton orné ; la symétrie entre les deux pavillons latéraux est accentuée pour offrir un ensemble des plus séduisants.
L’architecture du château
12
Selon qu’on le voyait de l’est ou de l’ouest, le château offrait deux aspects bien différents, reflétant parfaitement la complexité de sa conception et de ses fonctions. Sur la cour d’honneur, trois pavillons quadrangulaires, dont celui du centre en retrait, élevés d’un rez-de-chaussée et d’un premier étage sous combles, composaient un corps de logis à l’apparence bien traditionnelle. Au centre de la façade, une large ouverture percée sur toute la hauteur, sans vantaux ni grille, permettait d’accéder au grand escalier, constitué d’une volée unique et axiale ; de part et d’autre, une travée d’ouverture flanquait cette porte monumentale que surmontait vraisemblablement un fronton curviligne, et une horloge fournie par Martinot en 1663. Les pavillons latéraux présentaient chacun quatre façades percées d’ouvertures : une travée sur les façades de raccordement avec le pavillon médian, deux sur la cour d’honneur, trois sur les façades latérales au sud et au nord, et pour finir deux sur les façades ouest. Ces façades de pierres de taille semblent avoir été sobrement décorées ; le fronton central ne paraît pas avoir été sculpté ; on peut juste supposer que les arêtes des pavillons avaient reçu un décor classique de refends. Le Vau avait su diversifier la forme des toitures d’ardoise, combinant, comme à Vaux-le-Vicomte, combles brisés au centre et combles droits et pyramidaux sur les pavillons latéraux.
Autant la façade orientale du château obéissait à un plan traditionnel, autant la façade ouest présentait un aspect aussi peu conventionnel que possible. Du pavillon central se détachait perpendiculairement un étroit corps de bâtiment à trois travées qui donnait naissance, à son extrémité, à un surprenant pavillon octogonal coiffé d’un dôme à huit pans, lui-même surmonté d’un lanternon. C’est à partir de ce pavillon que s’organisait le plan radial des espaces réservés aux animaux. Au niveau du premier étage, tel un promenoir
Page de droite Le château de la Ménagerie, vue de l’entrée Restitution virtuelle.
suspendu, un long balcon de ferronnerie ceinturait l’édifice tout entier, offrant un point d’observation idéal sur toutes les cours environnantes. De ce pavillon, nous connaissons en toute certitude l’élévation du rez-de-chaussée, puisque cette partie ne fut détruite qu’au début du xxe siècle, non sans avoir été photographiée8. Les précieuses images ainsi parvenues jusqu’à nous montrent une architecture étonnamment simple et dépouillée, au bel appareillage de pierres de taille dépourvu de tout ornement : aucune modénature
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Ci-dessous Le château de la Ménagerie, vue du côté de la cour d’honneur Estampe par Jean Mariette Châteaux de Versailles et de Trianon, Recueil de gravures 137. Les artistes ne s’étant pas rendus à la Ménagerie, leur vision du site comporte de nombreuses inexactitudes. Ainsi, dans cette estampe figurant l’entrée du château, les toitures ne sont pas pyramidales ; l’ensemble des décors est magnifié, comme en témoigne la présence fantaisiste d’un fronton orné ; la symétrie entre les deux pavillons latéraux est accentuée pour offrir un ensemble des plus séduisants.
L’architecture du château
12
Selon qu’on le voyait de l’est ou de l’ouest, le château offrait deux aspects bien différents, reflétant parfaitement la complexité de sa conception et de ses fonctions. Sur la cour d’honneur, trois pavillons quadrangulaires, dont celui du centre en retrait, élevés d’un rez-de-chaussée et d’un premier étage sous combles, composaient un corps de logis à l’apparence bien traditionnelle. Au centre de la façade, une large ouverture percée sur toute la hauteur, sans vantaux ni grille, permettait d’accéder au grand escalier, constitué d’une volée unique et axiale ; de part et d’autre, une travée d’ouverture flanquait cette porte monumentale que surmontait vraisemblablement un fronton curviligne, et une horloge fournie par Martinot en 1663. Les pavillons latéraux présentaient chacun quatre façades percées d’ouvertures : une travée sur les façades de raccordement avec le pavillon médian, deux sur la cour d’honneur, trois sur les façades latérales au sud et au nord, et pour finir deux sur les façades ouest. Ces façades de pierres de taille semblent avoir été sobrement décorées ; le fronton central ne paraît pas avoir été sculpté ; on peut juste supposer que les arêtes des pavillons avaient reçu un décor classique de refends. Le Vau avait su diversifier la forme des toitures d’ardoise, combinant, comme à Vaux-le-Vicomte, combles brisés au centre et combles droits et pyramidaux sur les pavillons latéraux.
Autant la façade orientale du château obéissait à un plan traditionnel, autant la façade ouest présentait un aspect aussi peu conventionnel que possible. Du pavillon central se détachait perpendiculairement un étroit corps de bâtiment à trois travées qui donnait naissance, à son extrémité, à un surprenant pavillon octogonal coiffé d’un dôme à huit pans, lui-même surmonté d’un lanternon. C’est à partir de ce pavillon que s’organisait le plan radial des espaces réservés aux animaux. Au niveau du premier étage, tel un promenoir
Page de droite Le château de la Ménagerie, vue de l’entrée Restitution virtuelle.
suspendu, un long balcon de ferronnerie ceinturait l’édifice tout entier, offrant un point d’observation idéal sur toutes les cours environnantes. De ce pavillon, nous connaissons en toute certitude l’élévation du rez-de-chaussée, puisque cette partie ne fut détruite qu’au début du xxe siècle, non sans avoir été photographiée8. Les précieuses images ainsi parvenues jusqu’à nous montrent une architecture étonnamment simple et dépouillée, au bel appareillage de pierres de taille dépourvu de tout ornement : aucune modénature
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Page de gauche Coupe de la grotte et projet d’aménagement de celle-ci avec terrasse et escalier, 21 février 1848 Nepveu Archives de l’établissement public de Versailles, liasse 89, n° 27. Le couloir d’accès à la grotte était coupé en son milieu par plusieurs marches qu’il fallait descendre pour y pénétrer. La grotte était donc en partie excavée, éclairée par quatre ouvertures ménagées au ras du sol. Chaque côté montrait une niche en cul-de-four. Une banquette de pierre occupait la base des murs sur tout le pourtour de la salle.
en fasse quelques modèles, je presserai d’y travailler23 » ; le 28 avril 1666 : « Sa Majesté fut à la Ménagerie, où elle eut bien du divertissement des eaux de la grotte24… » Le sol de la grotte était sensiblement plus bas que celui de la Cour octogone, ce qui devait accentuer l’impression de fraîcheur que l’on y ressentait. Son accès relativement secret ne pouvait que rendre plus vif l’étonnement qu’elle suscitait : on y entrait par une porte à laquelle conduisait un étroit couloir qui ne se découvrait lui-même qu’en empruntant un passage transversal, fermé par deux grilles et pratiqué sous la galerie. Mais on pouvait aussi descendre dans la grotte par le petit escalier prenant à l’étage supérieur, dans un des réduits situés entre la galerie et le Salon octogone. En 1686, Le Mercure galant, à propos de la visite des ambassadeurs de Siam, souligne les effets d’eau qu’on y trouvait : « Au milieu de cette grotte il y a un jet d’eau tournant qui s’étend dans tout le tour de la grotte, et du plancher, qui est tout rempli de petits trous, d’où s’élève une pluie d’eau25. »
Bruzen de la Martinière décrit ainsi la grotte : « […] voûtée, revêtue dans tout son pourtour et à sa voûte de rocailles fines employées avec art : elles sont distribuées par panneaux et par contours de formes différentes ; on y montre plusieurs jets d’eau ingénieux. Elle est percée à son pavé, ainsi que dans toutes ses parties de petits tuyaux imperceptibles qui font comme une pluie fine, qui surprend ceux qui s’y trouvent enfermés26.
27
m
26
de la Renaissance, et largement illustrée en France dès le xvie siècle. C’est sans doute au Château neuf de SaintGermain, où Henri IV les avaient multipliées sous les monumentales terrasses qui descendaient vers la Seine, ou bien à Rueil, dans les jardins du cardinal de Richelieu, que Louis XIV avait pu apprécier leur charme et leur fraîcheur. Quelques années plus tard, le roi souhaita à Versailles ce qui reste comme le chefd’œuvre du genre : l’éphémère grotte de Thétis, entreprise vers 1665, que celle de la Ménagerie précéda donc de quelques années. Cette dernière, en raison de sa disparition relativement récente et si regrettable, nous est assez bien connue21, d’autant plus que des photographies en furent faites vers 189922. Entreprise dès la construction du château, la grotte était sans doute terminée en 1664, date à laquelle les rocailleurs Pierre de Cussy et Jean de Launay recevaient parfait paiement pour leurs ouvrages. Le 5 juin 1665, Petit écrit à Colbert : « Le roi demande toujours des adjustoires nouveaux pour la grotte de la Ménagerie, s’il vous plaît d’ordonner que le Sieur Jolly
Ci-contre et ci-dessous Vestiges du soubassement et de l’intérieur de la Ménagerie vers 1900 Bibliothèque nationale de France, Estampes, VA-78 (F)-Fol. Ces précieuses photographies laissent deviner la fantaisie des parements entièrement revêtus de rocailles et de coquillages formant des cercles, losanges ou rectangles.
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Page de gauche Coupe de la grotte et projet d’aménagement de celle-ci avec terrasse et escalier, 21 février 1848 Nepveu Archives de l’établissement public de Versailles, liasse 89, n° 27. Le couloir d’accès à la grotte était coupé en son milieu par plusieurs marches qu’il fallait descendre pour y pénétrer. La grotte était donc en partie excavée, éclairée par quatre ouvertures ménagées au ras du sol. Chaque côté montrait une niche en cul-de-four. Une banquette de pierre occupait la base des murs sur tout le pourtour de la salle.
en fasse quelques modèles, je presserai d’y travailler23 » ; le 28 avril 1666 : « Sa Majesté fut à la Ménagerie, où elle eut bien du divertissement des eaux de la grotte24… » Le sol de la grotte était sensiblement plus bas que celui de la Cour octogone, ce qui devait accentuer l’impression de fraîcheur que l’on y ressentait. Son accès relativement secret ne pouvait que rendre plus vif l’étonnement qu’elle suscitait : on y entrait par une porte à laquelle conduisait un étroit couloir qui ne se découvrait lui-même qu’en empruntant un passage transversal, fermé par deux grilles et pratiqué sous la galerie. Mais on pouvait aussi descendre dans la grotte par le petit escalier prenant à l’étage supérieur, dans un des réduits situés entre la galerie et le Salon octogone. En 1686, Le Mercure galant, à propos de la visite des ambassadeurs de Siam, souligne les effets d’eau qu’on y trouvait : « Au milieu de cette grotte il y a un jet d’eau tournant qui s’étend dans tout le tour de la grotte, et du plancher, qui est tout rempli de petits trous, d’où s’élève une pluie d’eau25. »
Bruzen de la Martinière décrit ainsi la grotte : « […] voûtée, revêtue dans tout son pourtour et à sa voûte de rocailles fines employées avec art : elles sont distribuées par panneaux et par contours de formes différentes ; on y montre plusieurs jets d’eau ingénieux. Elle est percée à son pavé, ainsi que dans toutes ses parties de petits tuyaux imperceptibles qui font comme une pluie fine, qui surprend ceux qui s’y trouvent enfermés26.
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de la Renaissance, et largement illustrée en France dès le xvie siècle. C’est sans doute au Château neuf de SaintGermain, où Henri IV les avaient multipliées sous les monumentales terrasses qui descendaient vers la Seine, ou bien à Rueil, dans les jardins du cardinal de Richelieu, que Louis XIV avait pu apprécier leur charme et leur fraîcheur. Quelques années plus tard, le roi souhaita à Versailles ce qui reste comme le chefd’œuvre du genre : l’éphémère grotte de Thétis, entreprise vers 1665, que celle de la Ménagerie précéda donc de quelques années. Cette dernière, en raison de sa disparition relativement récente et si regrettable, nous est assez bien connue21, d’autant plus que des photographies en furent faites vers 189922. Entreprise dès la construction du château, la grotte était sans doute terminée en 1664, date à laquelle les rocailleurs Pierre de Cussy et Jean de Launay recevaient parfait paiement pour leurs ouvrages. Le 5 juin 1665, Petit écrit à Colbert : « Le roi demande toujours des adjustoires nouveaux pour la grotte de la Ménagerie, s’il vous plaît d’ordonner que le Sieur Jolly
Ci-contre et ci-dessous Vestiges du soubassement et de l’intérieur de la Ménagerie vers 1900 Bibliothèque nationale de France, Estampes, VA-78 (F)-Fol. Ces précieuses photographies laissent deviner la fantaisie des parements entièrement revêtus de rocailles et de coquillages formant des cercles, losanges ou rectangles.
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Appartement d’hiver
Appartement d’hiver
Ci-contre Vénus dans une conque portée par trois tritons Antoine Coypel Châteaux de Versailles et de Trianon, Inv. 3524. Ci-dessous Coupes montrant en élévation les lambris de la chambre de Vénus (5, 8 et 7) (dét.) Lassurance Archives nationales, O1 18055.
40
à la suite, la chambre de Vénus était tout entière consacrée à la déesse de l’amour et de la beauté. Les boiseries, sculptées par Charmeton, montraient une grande richesse décorative : au-dessus de la cheminée de marbre, deux pilastres composites flanquaient le trumeau de glace, tandis qu’au-dessus des portes étaient sculptées des colombes parmi des rinceaux de feuillages. En outre, sur toute la hauteur de la pièce, cinq grands panneaux de glace agrémentaient les murs
de la cheminée et des fenêtres ; à en croire les dessins, ces miroirs devaient recevoir d’élégantes consoles d’applique en bois sculpté. Couronnant la pièce, une délicate corniche figurait des cœurs enflammés, des colombes et des amours tirant à l’arc. Sur un fond blanc, Audran avait peint en couleur ses précieuses arabesques ; au plafond, Vénus apparaissait dans diverses attitudes : au centre était la pomme d’or ; aux angles, amours et ornements célébraient les charmes de la tendresse,
de même que les ornements peints sur les lambris. En haut de ces derniers, cinq cadres ovales reçurent autant de tableaux racontant l’histoire de Vénus : l’un était l’œuvre d’Antoine Coypel37 et les quatre autres des frères Bon et Louis de Boullogne. Un lit de repos, un fauteuil et huit petites banquettes de bois sculpté et doré, garnis de gros de Tours vert brodé d’or, composaient le meuble de la chambre de Vénus.
le cabinet de Minerve Faisant suite à la chambre, le premier cabinet était placé sous le signe de Minerve. Les boiseries en avaient été sculptées par Dugoulon ; une cheminée de marbre et son trumeau de glace, deux autres grandes glaces du côté des fenêtres, ainsi qu’un grand panneau tendu d’étoffe complétaient le décor. Tous les ornements avaient été peints par Audran en jaune et bleu sur fond d’or. Au plafond, en voussure, apparaissait Minerve sur des nuées, entourée des génies des arts et des sciences ; sur les portes
était racontée l’histoire de la déesse et sur les volets étaient peintes les neuf Muses. Enfin, au-dessus des portes, deux tableaux de Blanchard évoquaient le récit de Niobé, et deux autres, peints par Ubelesqui, celui d’Arachné ; surmontant la cheminée, un cinquième tableau de Charles-François Poerson représentait la dispute de Neptune et de Minerve38. Une banquette et quatre tabourets de bois sculpté et doré garnis de gros de Tours blanc brodé d’or meublaient le cabinet.
Ci-dessus La Dispute de Neptune et Minerve Charles-François Poerson Château de Fontainebleau, Inv. 7257. Ci-dessous Coupes montrant en élévation les lambris du cabinet de Minerve (12 - deux versions - et 11) (dét.) Lassurance Archives nationales, O1 18055. Ces deux dessins représentent la même élévation du cabinet de Minerve. Sur celle de droite, une retombe envisage l’alternative d’une tenture d’étoffe. Elle porte la mention « Sa Majesté a réglé cet endroit au lieu de glace à mettre de l’étoffe ».
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la chambre de Vénus m
Appartement d’hiver
Appartement d’hiver
Ci-contre Vénus dans une conque portée par trois tritons Antoine Coypel Châteaux de Versailles et de Trianon, Inv. 3524. Ci-dessous Coupes montrant en élévation les lambris de la chambre de Vénus (5, 8 et 7) (dét.) Lassurance Archives nationales, O1 18055.
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à la suite, la chambre de Vénus était tout entière consacrée à la déesse de l’amour et de la beauté. Les boiseries, sculptées par Charmeton, montraient une grande richesse décorative : au-dessus de la cheminée de marbre, deux pilastres composites flanquaient le trumeau de glace, tandis qu’au-dessus des portes étaient sculptées des colombes parmi des rinceaux de feuillages. En outre, sur toute la hauteur de la pièce, cinq grands panneaux de glace agrémentaient les murs
de la cheminée et des fenêtres ; à en croire les dessins, ces miroirs devaient recevoir d’élégantes consoles d’applique en bois sculpté. Couronnant la pièce, une délicate corniche figurait des cœurs enflammés, des colombes et des amours tirant à l’arc. Sur un fond blanc, Audran avait peint en couleur ses précieuses arabesques ; au plafond, Vénus apparaissait dans diverses attitudes : au centre était la pomme d’or ; aux angles, amours et ornements célébraient les charmes de la tendresse,
de même que les ornements peints sur les lambris. En haut de ces derniers, cinq cadres ovales reçurent autant de tableaux racontant l’histoire de Vénus : l’un était l’œuvre d’Antoine Coypel37 et les quatre autres des frères Bon et Louis de Boullogne. Un lit de repos, un fauteuil et huit petites banquettes de bois sculpté et doré, garnis de gros de Tours vert brodé d’or, composaient le meuble de la chambre de Vénus.
le cabinet de Minerve Faisant suite à la chambre, le premier cabinet était placé sous le signe de Minerve. Les boiseries en avaient été sculptées par Dugoulon ; une cheminée de marbre et son trumeau de glace, deux autres grandes glaces du côté des fenêtres, ainsi qu’un grand panneau tendu d’étoffe complétaient le décor. Tous les ornements avaient été peints par Audran en jaune et bleu sur fond d’or. Au plafond, en voussure, apparaissait Minerve sur des nuées, entourée des génies des arts et des sciences ; sur les portes
était racontée l’histoire de la déesse et sur les volets étaient peintes les neuf Muses. Enfin, au-dessus des portes, deux tableaux de Blanchard évoquaient le récit de Niobé, et deux autres, peints par Ubelesqui, celui d’Arachné ; surmontant la cheminée, un cinquième tableau de Charles-François Poerson représentait la dispute de Neptune et de Minerve38. Une banquette et quatre tabourets de bois sculpté et doré garnis de gros de Tours blanc brodé d’or meublaient le cabinet.
Ci-dessus La Dispute de Neptune et Minerve Charles-François Poerson Château de Fontainebleau, Inv. 7257. Ci-dessous Coupes montrant en élévation les lambris du cabinet de Minerve (12 - deux versions - et 11) (dét.) Lassurance Archives nationales, O1 18055. Ces deux dessins représentent la même élévation du cabinet de Minerve. Sur celle de droite, une retombe envisage l’alternative d’une tenture d’étoffe. Elle porte la mention « Sa Majesté a réglé cet endroit au lieu de glace à mettre de l’étoffe ».
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la chambre de Vénus m
Page de droite La volière de la ménagerie Restitution virtuelle. La volière de la Ménagerie n’était pas, comme on l’a souvent écrit, destinée à abriter des oiseaux exotiques. Les contemporains comme Madeleine de Scudéry ou Claude Denis précisent qu’elle abritait des pigeons. Certains des éléments architecturaux de cette restitution sont proposés à titre d’hypothèse. Il en va ainsi du treillage coiffant les absides terminales. Cette solution avait prévalu à la volière de la Villa Borghèse, où un pan de la toiture des pavillons terminaux offrait un parti pris voisin. À la ménagerie du prince Eugène, directement inspirée de celle de Versailles, le grillage s’étendit à la toiture toute entière. En 1888 enfin, pour l’Exposition universelle, on édifia à la ménagerie du Jardin des plantes une volière entièrement constituée de grillage. On peut encore aujourd’hui y pénétrer et s’y retrouver au milieu des oiseaux et d’une petite rivière, comme autrefois à la Ménagerie.
la Volière
64
On peut également avancer que la Volière était achevée en 1664. Elle clôturait sur son côté nord la cour à laquelle elle donnait son nom. Plusieurs estampes où elle apparaît nous sont parvenues, mais ces images, que leurs auteurs dupliquaient sans se rendre sur les lieux, restent peu fiables, et sont souvent incompatibles avec les plans dont nous disposons. La Volière affectait la forme d’un long bâtiment interrompu en son milieu par un pavillon circulaire et terminé par un autre à chacune de ses extrémités. Il semble que l’arcature en plein cintre de la façade nord représentée sur les estampes n’ait existé que sur le seul côté sud : tous les plans s’accordent à montrer une série de dix baies ouvrant sur la cour et réparties de part et d’autre du pavillon central. Six autres baies scandaient ce pavillon : trois sur le côté nord et trois autres du côté de la cour. Chacun des pavillons terminaux disposait d’une baie regardant vers la cour. Si l’on se reporte aux plans et à une estampe de la Bibliothèque nationale, il semble que ces pavillons aient affecté une forme curieuse, ourlée d’un renflement de section semi-elliptique sur chacun des deux côtés ne regardant pas vers la cour, sans que, semble-t-il, ces absides aient reçu un toit. Accolés à la façade nord se trouvaient deux autres pavillons, rectangulaires, que reliaient aux pavillons terminaux des raccords permettant de rattraper l’alignement de la façade.
Un dôme couvrait le pavillon central que les documents iconographiques représentent coiffé d’une calotte de treillage, de façon à laisser s’écouler l’eau de pluie à l’intérieur de la Volière. Un toit à double pente, percé sur chacun de ses versants de fenestrons grillagés, couvrait les ailes, tandis qu’un toit en pavillon surmontait chacun des édifices terminaux. Chaque baie était voilée d’un treillage de laiton pour garder les oiseaux captifs. À l’intérieur de la volière, un long bassin la parcourait sur toute sa longueur, formant un cercle à l’endroit du pavillon central et deux carrés à chacune des extrémités. Sur le côté nord, on trouvait deux bassins dans chacun des pavillons rectangulaires, et un autre placé devant la baie principale du pavillon central. Tous les bassins de la volière étaient reliés les uns aux autres et à l’ensemble du système hydraulique de la Ménagerie, comme le montre un plan de 1768, par un réseau complexe de tuyaux de plombs. Les pigeons sculptés qui couronnaient la Volière rappellent que cette dernière étaient un pigeonnier et non, comme le pensait Gustave Loisel, une oisellerie destinée à abriter des espèces exotiques. Le Vau n’était pas allé chercher très loin son modèle puisque la volière de la Ménagerie était une imitation classicisante de celle de Fontainebleau. Cette dernière était elle aussi scandée par une arcature en plein cintre ouvrant sur le
jardin de la Reine et cantonnée à chacune de ses extrémités par un pavillon, tandis qu’un autre se dressait en son milieu7. à Fontainebleau également, une fontaine intérieure rafraîchissait la volière. Et, si l’on en juge par l’importance des pavillons de la volière de la Ménagerie (sur les plans, on voit nettement qu’ils étaient plus grands que ceux de Mansart), elle devait être suffisamment vaste pour que, comme à Fontainebleau, on ait pu y entrer et s’y retrouver au milieu des oiseaux. S’il ne peut être question, comme le fit Loisel, à partir d’interprétations littérales de plans ou d’inventions de son cru, de présenter une disposition immuable des enclos (qui changeaient sans cesse), on peut cependant en proposer une restitution vers 1670, à l’aide de témoignages littéraires comme La Promenade de Versailles8 de Madeleine de Scudéry et le poème du fontainier Claude Denis9, composés l’un et l’autre à l’extrême fin des années 1660. La promenade de Scudéry débuta dans une cour où étaient les demoiselles de Numidie - sortes de grues - et les magnifiques « logements des pigeons, qui ont des fontaines et des rigoles ». Si l’on se reporte au poème de Denis, nous apprenons que la cour de la Volière, placée à l’ouest de ce qui deviendrait le jardin de la duchesse de Bourgogne, abritait des demoiselles de Numidie et des « pigeons de toutes les façons » ; quant à la magnifique oisellerie décrite par Scudéry,
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Page de droite La volière de la ménagerie Restitution virtuelle. La volière de la Ménagerie n’était pas, comme on l’a souvent écrit, destinée à abriter des oiseaux exotiques. Les contemporains comme Madeleine de Scudéry ou Claude Denis précisent qu’elle abritait des pigeons. Certains des éléments architecturaux de cette restitution sont proposés à titre d’hypothèse. Il en va ainsi du treillage coiffant les absides terminales. Cette solution avait prévalu à la volière de la Villa Borghèse, où un pan de la toiture des pavillons terminaux offrait un parti pris voisin. À la ménagerie du prince Eugène, directement inspirée de celle de Versailles, le grillage s’étendit à la toiture toute entière. En 1888 enfin, pour l’Exposition universelle, on édifia à la ménagerie du Jardin des plantes une volière entièrement constituée de grillage. On peut encore aujourd’hui y pénétrer et s’y retrouver au milieu des oiseaux et d’une petite rivière, comme autrefois à la Ménagerie.
la Volière
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On peut également avancer que la Volière était achevée en 1664. Elle clôturait sur son côté nord la cour à laquelle elle donnait son nom. Plusieurs estampes où elle apparaît nous sont parvenues, mais ces images, que leurs auteurs dupliquaient sans se rendre sur les lieux, restent peu fiables, et sont souvent incompatibles avec les plans dont nous disposons. La Volière affectait la forme d’un long bâtiment interrompu en son milieu par un pavillon circulaire et terminé par un autre à chacune de ses extrémités. Il semble que l’arcature en plein cintre de la façade nord représentée sur les estampes n’ait existé que sur le seul côté sud : tous les plans s’accordent à montrer une série de dix baies ouvrant sur la cour et réparties de part et d’autre du pavillon central. Six autres baies scandaient ce pavillon : trois sur le côté nord et trois autres du côté de la cour. Chacun des pavillons terminaux disposait d’une baie regardant vers la cour. Si l’on se reporte aux plans et à une estampe de la Bibliothèque nationale, il semble que ces pavillons aient affecté une forme curieuse, ourlée d’un renflement de section semi-elliptique sur chacun des deux côtés ne regardant pas vers la cour, sans que, semble-t-il, ces absides aient reçu un toit. Accolés à la façade nord se trouvaient deux autres pavillons, rectangulaires, que reliaient aux pavillons terminaux des raccords permettant de rattraper l’alignement de la façade.
Un dôme couvrait le pavillon central que les documents iconographiques représentent coiffé d’une calotte de treillage, de façon à laisser s’écouler l’eau de pluie à l’intérieur de la Volière. Un toit à double pente, percé sur chacun de ses versants de fenestrons grillagés, couvrait les ailes, tandis qu’un toit en pavillon surmontait chacun des édifices terminaux. Chaque baie était voilée d’un treillage de laiton pour garder les oiseaux captifs. À l’intérieur de la volière, un long bassin la parcourait sur toute sa longueur, formant un cercle à l’endroit du pavillon central et deux carrés à chacune des extrémités. Sur le côté nord, on trouvait deux bassins dans chacun des pavillons rectangulaires, et un autre placé devant la baie principale du pavillon central. Tous les bassins de la volière étaient reliés les uns aux autres et à l’ensemble du système hydraulique de la Ménagerie, comme le montre un plan de 1768, par un réseau complexe de tuyaux de plombs. Les pigeons sculptés qui couronnaient la Volière rappellent que cette dernière étaient un pigeonnier et non, comme le pensait Gustave Loisel, une oisellerie destinée à abriter des espèces exotiques. Le Vau n’était pas allé chercher très loin son modèle puisque la volière de la Ménagerie était une imitation classicisante de celle de Fontainebleau. Cette dernière était elle aussi scandée par une arcature en plein cintre ouvrant sur le
jardin de la Reine et cantonnée à chacune de ses extrémités par un pavillon, tandis qu’un autre se dressait en son milieu7. à Fontainebleau également, une fontaine intérieure rafraîchissait la volière. Et, si l’on en juge par l’importance des pavillons de la volière de la Ménagerie (sur les plans, on voit nettement qu’ils étaient plus grands que ceux de Mansart), elle devait être suffisamment vaste pour que, comme à Fontainebleau, on ait pu y entrer et s’y retrouver au milieu des oiseaux. S’il ne peut être question, comme le fit Loisel, à partir d’interprétations littérales de plans ou d’inventions de son cru, de présenter une disposition immuable des enclos (qui changeaient sans cesse), on peut cependant en proposer une restitution vers 1670, à l’aide de témoignages littéraires comme La Promenade de Versailles8 de Madeleine de Scudéry et le poème du fontainier Claude Denis9, composés l’un et l’autre à l’extrême fin des années 1660. La promenade de Scudéry débuta dans une cour où étaient les demoiselles de Numidie - sortes de grues - et les magnifiques « logements des pigeons, qui ont des fontaines et des rigoles ». Si l’on se reporte au poème de Denis, nous apprenons que la cour de la Volière, placée à l’ouest de ce qui deviendrait le jardin de la duchesse de Bourgogne, abritait des demoiselles de Numidie et des « pigeons de toutes les façons » ; quant à la magnifique oisellerie décrite par Scudéry,
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Ci-contre, en bas Autruche Nicasius Bernaerts Musée du Louvre, Inv. 1626.
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Ci-dessous, en haut Autruches Extrait des Oiseaux de la Ménagerie du roi Bibliothèque nationale de France, Estampes, JB-37-FT 4. Ci-dessous, en bas Deux autruches, un casoar et deux spatules Estampe par Pieter Boel Musée du Louvre, collection Rothschild, 3419LR. étude de trois autruches Pieter Boel Musée du Louvre, Inv. 3970.
L’autruche est un animal acclimaté en France depuis l’époque médiévale. Henri IV en possédait deux que la famille royale aimait à montrer à ses hôtes princiers. Sous Louis XIV, on importait les autruches de façon massive ; ces animaux suscitèrent longtemps la curiosité, au point que Louis XV, qui se rendait peu à la Ménagerie, daignait se les faire présenter dans le salon d’Hercule.
La Ménagerie et ses animaux constituent une source d’inspiration inépuisable pour les scientifiques comme pour les artistes. Ces œuvres montrent comment les artistes travaillaient en copiant leurs prédécesseurs. Jean-Baptiste Oudry, en particulier, copia certaines des esquisses de Boel, quand il ne peignait pas des spécimens naturalisés ou des cadavres d’animaux. Au XIXe siècle, Delacroix et le sculpteur Barye ne procédèrent pas autrement.
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Ci-contre, en haut L’autruche Extrait des Mémoires de l’Académie royale des sciences depuis son établissement en 1666 jusqu’à 1699, publiés par Bernard Le Bouyer de Fontenelle, Paris, Gabriel Martin, Jean-Baptiste Coignard fils, Hippolyte-Louis Guérin, 1733.
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Ci-contre, en bas Autruche Nicasius Bernaerts Musée du Louvre, Inv. 1626.
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Ci-dessous, en haut Autruches Extrait des Oiseaux de la Ménagerie du roi Bibliothèque nationale de France, Estampes, JB-37-FT 4. Ci-dessous, en bas Deux autruches, un casoar et deux spatules Estampe par Pieter Boel Musée du Louvre, collection Rothschild, 3419LR. étude de trois autruches Pieter Boel Musée du Louvre, Inv. 3970.
L’autruche est un animal acclimaté en France depuis l’époque médiévale. Henri IV en possédait deux que la famille royale aimait à montrer à ses hôtes princiers. Sous Louis XIV, on importait les autruches de façon massive ; ces animaux suscitèrent longtemps la curiosité, au point que Louis XV, qui se rendait peu à la Ménagerie, daignait se les faire présenter dans le salon d’Hercule.
La Ménagerie et ses animaux constituent une source d’inspiration inépuisable pour les scientifiques comme pour les artistes. Ces œuvres montrent comment les artistes travaillaient en copiant leurs prédécesseurs. Jean-Baptiste Oudry, en particulier, copia certaines des esquisses de Boel, quand il ne peignait pas des spécimens naturalisés ou des cadavres d’animaux. Au XIXe siècle, Delacroix et le sculpteur Barye ne procédèrent pas autrement.
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Ci-contre, en haut L’autruche Extrait des Mémoires de l’Académie royale des sciences depuis son établissement en 1666 jusqu’à 1699, publiés par Bernard Le Bouyer de Fontenelle, Paris, Gabriel Martin, Jean-Baptiste Coignard fils, Hippolyte-Louis Guérin, 1733.
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règnes de
Louis XV
et
Le peuplement La
conjoncture socio-historique du ne fut pas favorable à la Ménagerie : l’absence d’un pourvoyeur attitré et les guerres empêchèrent l’arrivée d’animaux exotiques par l’entremise de la Compagnie des Indes. Cette dernière n’approvisionna la Ménagerie qu’à la fin du règne de Louis XV et au début de celui de Louis XVI, puis à nouveau en 1785, avec la restitution de Pondichéry17. Pour autant, les acquisitions d’animaux, plus sporadiques, continuaient : entre 1726 et 1749, Maurepas put ainsi offrir à Louis XV trois lions, un tigre et un mouton de Barbarie. La Ménagerie abritait aussi des animaux dont nous ignorons totalement la provenance. Ainsi en va-til du dromadaire mentionné par Luynes en 1750, du lion et du chameau qu’il signale en 1751, du toucan qui suscita l’étonnement de De Croÿ en 1771, du phoque dont il écrit en 1778 qu’on l’avait amené de Dalmatie, mais aussi de l’ours et des singes dont Laimant, le délivreur de la Ménagerie, acheta la nourriture en 1785 et de la mangouste dont il fit réparer la loge en 1786. Les arrivages restaient donc suffisamment rares pour être remarqués : Louis XV accepta ainsi de régler les frais énormes engendrés par le transport depuis l’Inde d’un tigre en 1765 et de deux autres en 1770 (il fallut, dans ce dernier cas, fournir quelque quatre cents moutons pour assurer leur nourriture entre Chandernagor et Lorient). Mais xviiie siècle
le coût de ces acheminements demeurait négligeable comparé à celui des périples qui conduisirent à Versailles le premier rhinocéros bicorne en 1770, et l’éléphant qui y parvint en 1772. Les acquisitions se poursuivirent sous Louis XVI, qui reçut un zèbre en 1786. L’entretien des pensionnaires s’avérait coûteux : il fallait des fruits pour nourrir les singes, mais aussi chaque mois quatre-vingt-dix petits pains de 6 livres pour le rhinocéros. Ce dernier réclamait, à l’instar des autres pensionnaires, des soins spéciaux : l’huile étant indispensable à sa
Louis XVI
Page de gauche Le rhinocéros de Louis XV Museum national d’histoire naturelle. C’est en 1770 que le rhinocéros acquis pour le roi par le gouverneur de Chandernagor arrive enfin à la Ménagerie, après de nombreuses péripéties. Il y vécut pendant vingttrois ans. Ci-dessous Clara le rhinocéros à Paris Jean-Baptiste Oudry, 1749 Staatliches Museum Schwerin. Sur l’initiative de son propriétaire, un commandant de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales, Clara le rhinocéros entreprend un grand tour européen. Son passage à la Ménagerie de Versailles est attesté en janvier 1749. Louis XV songea à l’acheter mais y renonça, en raison du prix exorbitant qu’en demandait son propriétaire. Elle suscita l’intérêt de Buffon qui l’examina et de Jean-Baptiste Oudry qui en effectua une reproduction grandeur nature.
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règnes de
Louis XV
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Le peuplement La
conjoncture socio-historique du ne fut pas favorable à la Ménagerie : l’absence d’un pourvoyeur attitré et les guerres empêchèrent l’arrivée d’animaux exotiques par l’entremise de la Compagnie des Indes. Cette dernière n’approvisionna la Ménagerie qu’à la fin du règne de Louis XV et au début de celui de Louis XVI, puis à nouveau en 1785, avec la restitution de Pondichéry17. Pour autant, les acquisitions d’animaux, plus sporadiques, continuaient : entre 1726 et 1749, Maurepas put ainsi offrir à Louis XV trois lions, un tigre et un mouton de Barbarie. La Ménagerie abritait aussi des animaux dont nous ignorons totalement la provenance. Ainsi en va-til du dromadaire mentionné par Luynes en 1750, du lion et du chameau qu’il signale en 1751, du toucan qui suscita l’étonnement de De Croÿ en 1771, du phoque dont il écrit en 1778 qu’on l’avait amené de Dalmatie, mais aussi de l’ours et des singes dont Laimant, le délivreur de la Ménagerie, acheta la nourriture en 1785 et de la mangouste dont il fit réparer la loge en 1786. Les arrivages restaient donc suffisamment rares pour être remarqués : Louis XV accepta ainsi de régler les frais énormes engendrés par le transport depuis l’Inde d’un tigre en 1765 et de deux autres en 1770 (il fallut, dans ce dernier cas, fournir quelque quatre cents moutons pour assurer leur nourriture entre Chandernagor et Lorient). Mais xviiie siècle
le coût de ces acheminements demeurait négligeable comparé à celui des périples qui conduisirent à Versailles le premier rhinocéros bicorne en 1770, et l’éléphant qui y parvint en 1772. Les acquisitions se poursuivirent sous Louis XVI, qui reçut un zèbre en 1786. L’entretien des pensionnaires s’avérait coûteux : il fallait des fruits pour nourrir les singes, mais aussi chaque mois quatre-vingt-dix petits pains de 6 livres pour le rhinocéros. Ce dernier réclamait, à l’instar des autres pensionnaires, des soins spéciaux : l’huile étant indispensable à sa
Louis XVI
Page de gauche Le rhinocéros de Louis XV Museum national d’histoire naturelle. C’est en 1770 que le rhinocéros acquis pour le roi par le gouverneur de Chandernagor arrive enfin à la Ménagerie, après de nombreuses péripéties. Il y vécut pendant vingttrois ans. Ci-dessous Clara le rhinocéros à Paris Jean-Baptiste Oudry, 1749 Staatliches Museum Schwerin. Sur l’initiative de son propriétaire, un commandant de la Compagnie néerlandaise des Indes orientales, Clara le rhinocéros entreprend un grand tour européen. Son passage à la Ménagerie de Versailles est attesté en janvier 1749. Louis XV songea à l’acheter mais y renonça, en raison du prix exorbitant qu’en demandait son propriétaire. Elle suscita l’intérêt de Buffon qui l’examina et de Jean-Baptiste Oudry qui en effectua une reproduction grandeur nature.
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Les
La Ménagerie de Versailles La Ménagerie de Versailles
Gérard Mabille Joan Pieragnoli
Première création de Louis XIV à Versailles, la Ménagerie devient vite un lieu de promenade et de divertissement ; le roi aime à s’y rendre par le Grand Canal, en compagnie choisie... Plus tard, il en fera cadeau à sa chère petite-fille, la duchesse de Bourgogne. Aujourd’hui disparue, la Ménagerie fut édifiée par l’architecte Louis Le Vau et réaménagée par Jules Hardouin-Mansart. Autour d’un pavillon faisant office d’observatoire, sept enclos accueillent oiseaux et animaux exotiques : autruches et pélicans, gibier en tout genre, et même un rhinocéros sous Louis XV... Tous firent le bonheur des visiteurs, dont les savoureux récits traduisent l’émerveillement. Les animaux de Versailles furent enfin de remarquables objets d’étude pour la jeune Académie des sciences. Grâce à une reconstitution 3D de la Ménagerie et de ses curieux occupants, l’ouvrage permet de partager l’enthousiasme des contemporains pour ce bâtiment à la fonction inédite.
24 €
LES AUTEURS Gérard MABILLE est aujourd’hui conservateur en chef au château de Versailles. Il a été auparavant conservateur en chef au département des Objets d’art du musée du Louvre ainsi qu’au musée des Arts décoratifs. Joan PIERAGNOLI est historien et historien de l’art. Depuis 2007, il effectue des recherches sur la Ménagerie de Versailles.
Dépôt légal : novembre 2010 www.editions-honoreclair.fr ISBN : 978-2-918371-07-6
Honoré Clair
La Ménagerie de Versailles