1
Plan masse du palais des Tuileries
Sommaire
1. Pavillon d’extrémité nord Gros pavillon du côté du théâtre (XVIIe siècle) Pavillon de Marsan (XVIIIe-XXe siècles)
Introduction
6
2. Aile de la salle des Machines (XVIIe siècle) Aile de la salle de la Convention (fin XVIIIe siècle) Aile de la salle de spectacle (XIXe siècle)
L e s T u i l e r i e s ava n t l e pa l a i s Des origines au XIIIe siècle : un site rural De la campagne à la ville : villégiature et industrie (XIIIe-XIVe siècles)
8 9
3. Pavillon intermédiaire nord Pavillon du théâtre (XVIIe siècle) Pavillon de la chapelle (XIXe siècle) 4. Aile nord de Philibert Delorme Aile de la chapelle (XVIIe siècle) 5. Pavillon central Pavillon du dôme 6. Aile sud de Philibert Delorme 7. Pavillon intermédiaire sud Pavillon de Jean Bullant Pavillon de Catherine de Médicis 8. Galerie de liaison Petite galerie des Tuileries (XVIIe siècle) Galerie des Ambassadeurs (XVIIe siècle) Galerie de Diane (XIXe siècle) 9. Pavillon d’extrémité sud Gros pavillon sur la rivière Pavillon de Flore (1669-XXe siècle) 10. Aile nord des Tuileries Aile neuve (XIXe siècle) Aile sur la rue de Rivoli (XIXe siècle) Aile Marsan 11. Grande Galerie Aile de Flore (XXe siècle) 12. Grande Galerie Pavillon des états (XIXe siècle) Pavillon de l’En-Cas (XIXe siècle) Pavillon des Sessions (XXe siècle) 13. Arc du Carrousel
Le g ran d proj et de Cath e r i n e de Médici s Les Tuileries de Catherine de Médicis Une histoire mouvementée Les dessins de Jacques Androuet du Cerceau Une architecture à plusieurs mains Le projet hybride de Philibert Delorme Les inflexions de Jean Bullant et de ses successeurs
12 13 20 27
Un château modernisé Les Tuileries d’Henri IV et de Louis XIII Les nouveaux bâtiments des Tuileries Un décor intérieur à l’antique
48 49 65
Les Tuileries de Louis XIV La « salle des Machines » La seconde campagne : les extérieurs 1662-1665 La seconde campagne : les intérieurs 1666-1667
70 71 82 100
Le palais endormi : de la fin du règne de Louis XIV à la Révolution
112
L e s T u i l e r i e s , e s pac e d u p o u vo i r Les Tuileries sous la Révolution Louis XVI et Marie-Antoinette aux Tuileries Le « palais national »
122 123 126
Les Tuileries de Napoléon Ier Isoler et dégager le château Un château adapté pour la nouvelle cour impériale Les espaces de vie quotidienne des souverains
132 135 138 150
Les derniers rois des Tuileries L’intermède de la Restauration Les Tuileries de Louis-Philippe
156 157 162
Les Tuileries de Napoléon III L’éphémère Deuxième République L’installation de l’empereur et de l’impératrice La genèse du grand projet de Lefuel (1859-1861) Les « nouvelles Tuileries », un chantier inachevé
172 173 176 184 187
La
198 201 212
Tuileries Le coup de grâce du 23 mai 1871 La destruction des Tuileries : une mort politique La seconde vie des vestiges des Tuileries
fin des
Les Tuileries : toute une histoire
215
Notes Bibliographie
218 222
1
Plan masse du palais des Tuileries
Sommaire
1. Pavillon d’extrémité nord Gros pavillon du côté du théâtre (XVIIe siècle) Pavillon de Marsan (XVIIIe-XXe siècles)
Introduction
6
2. Aile de la salle des Machines (XVIIe siècle) Aile de la salle de la Convention (fin XVIIIe siècle) Aile de la salle de spectacle (XIXe siècle)
L e s T u i l e r i e s ava n t l e pa l a i s Des origines au XIIIe siècle : un site rural De la campagne à la ville : villégiature et industrie (XIIIe-XIVe siècles)
8 9
3. Pavillon intermédiaire nord Pavillon du théâtre (XVIIe siècle) Pavillon de la chapelle (XIXe siècle) 4. Aile nord de Philibert Delorme Aile de la chapelle (XVIIe siècle) 5. Pavillon central Pavillon du dôme 6. Aile sud de Philibert Delorme 7. Pavillon intermédiaire sud Pavillon de Jean Bullant Pavillon de Catherine de Médicis 8. Galerie de liaison Petite galerie des Tuileries (XVIIe siècle) Galerie des Ambassadeurs (XVIIe siècle) Galerie de Diane (XIXe siècle) 9. Pavillon d’extrémité sud Gros pavillon sur la rivière Pavillon de Flore (1669-XXe siècle) 10. Aile nord des Tuileries Aile neuve (XIXe siècle) Aile sur la rue de Rivoli (XIXe siècle) Aile Marsan 11. Grande Galerie Aile de Flore (XXe siècle) 12. Grande Galerie Pavillon des états (XIXe siècle) Pavillon de l’En-Cas (XIXe siècle) Pavillon des Sessions (XXe siècle) 13. Arc du Carrousel
Le g ran d proj et de Cath e r i n e de Médici s Les Tuileries de Catherine de Médicis Une histoire mouvementée Les dessins de Jacques Androuet du Cerceau Une architecture à plusieurs mains Le projet hybride de Philibert Delorme Les inflexions de Jean Bullant et de ses successeurs
12 13 20 27
Un château modernisé Les Tuileries d’Henri IV et de Louis XIII Les nouveaux bâtiments des Tuileries Un décor intérieur à l’antique
48 49 65
Les Tuileries de Louis XIV La « salle des Machines » La seconde campagne : les extérieurs 1662-1665 La seconde campagne : les intérieurs 1666-1667
70 71 82 100
Le palais endormi : de la fin du règne de Louis XIV à la Révolution
112
L e s T u i l e r i e s , e s pac e d u p o u vo i r Les Tuileries sous la Révolution Louis XVI et Marie-Antoinette aux Tuileries Le « palais national »
122 123 126
Les Tuileries de Napoléon Ier Isoler et dégager le château Un château adapté pour la nouvelle cour impériale Les espaces de vie quotidienne des souverains
132 135 138 150
Les derniers rois des Tuileries L’intermède de la Restauration Les Tuileries de Louis-Philippe
156 157 162
Les Tuileries de Napoléon III L’éphémère Deuxième République L’installation de l’empereur et de l’impératrice La genèse du grand projet de Lefuel (1859-1861) Les « nouvelles Tuileries », un chantier inachevé
172 173 176 184 187
La
198 201 212
Tuileries Le coup de grâce du 23 mai 1871 La destruction des Tuileries : une mort politique La seconde vie des vestiges des Tuileries
fin des
Les Tuileries : toute une histoire
215
Notes Bibliographie
218 222
Introduction
Introduction
Introduction
qui venaient rythmer la longue façade, puis deux nouveaux corps de bâtiment terminés par les grands pavillons d’extrémité (ill. 1). Sans cesse, les espaces changeaient de nom, ce
2 Vue de Paris prise
depuis la tour nord de Saint-Sulpice (dét.) Au second plan, de gauche à droite : les Tuileries, la Grande Galerie, le Nouveau Louvre de Napoléon III et une partie de la Cour carrée Fonds Léon & Lévy, vers le 21 juillet 1861 Négatif, plaque de verre au collodion, vue stéréoscopique Agence Roger-Viollet, LL 1627A
Le propos de ce livre a de quoi surprendre : en 2010, le topo-
Imaginer ce bâtiment immense, long de 327 m sur le
qui ne facilite pas l’orientation ; certaines appellations, éla-
nyme des Tuileries évoque un jardin au cœur de Paris, l’un
jardin, et dont la surface avait plus de 7 230 m2 d’emprise
borées par les historiens anciens et couramment admises,
des chaînons du grand axe ouest qui prend naissance dans
au sol, tel est l’objectif de cet ouvrage, ambition qui se
ne peuvent plus être maintenues aujourd’hui. C’est le cas
la cour Napoléon du Louvre pour s’achever à la Défense, en
heurte à des écueils parfois difficiles à surmonter pour le
en particulier du pavillon intermédiaire sud appelé « de Jean
passant par la place de la Concorde, les Champs-élysées
lecteur ou pour l’auteur. La restitution du château disparu
Bullant », du nom de l’architecte qui est supposé en être
et l’Arc de Triomphe de l’étoile. Quelques détails, dans ce
ne peut être que partielle, en particulier pour la période de
l’auteur et auquel il ne peut plus être entièrement attribué.
grandiose paysage urbain, surprennent parfois un obser-
sa création, le xvie siècle, où l’information fait cruellement
Le principe retenu ici a été d’utiliser pour chaque espace le
vateur averti : en avançant vers le Louvre, les frondaisons
défaut. Curieusement, au moment où la reine Catherine
nom qu’il avait au moment où il est étudié ; d’où plusieurs
du jardin laissent place à des parterres de pelouse et à de
de Médicis (1519-1589) puis le roi Henri IV (1553-1610)
toponymes successifs pour un même lieu. Les nombreux
grands bassins qui dessinent une géométrie rigoureuse,
faisaient travailler au plus grand château royal de Paris,
plans qui accompagnent le texte permettront au lecteur de
mais abstraite, qui ne semble pas conçue pour le visiteur
aucun contemporain ne se soucia d’en enregistrer exac-
se repérer mieux que de longues explications.
mais pour un observateur placé plus en hauteur. Surtout,
tement l’histoire.
Il n’est pas possible de se promener ainsi dans le grand
la grande avenue qui structure l’axe n’est pas alignée sur le
L’édifice était si grand qu’il constituait un véritable
château restitué sans se poser des questions et proposer
centre du Louvre, mais sur un point décalé (ill. 3). En réalité,
labyrinthe, dans lequel il était facile de se perdre. à partir
des éléments d’interprétation sur une histoire exceptionnel-
l’une des compositions urbaines les plus monumentales
du milieu du xviie siècle, au moment où les architectes de
lement chaotique. Sur le site des Tuileries, on peut presque
d’Europe est construite à partir d’un édifice aujourd’hui
Louis XIV lui donnèrent sa plus grande extension, le château
dire que plusieurs bâtiments se sont succédé, s’engendrant
difficile, parfois rebutant au premier abord : l’architecture
disparu, une clef qui lui donnait son sens : le château
était composé de cinq pavillons : un dôme central, flanqué
et se détruisant les uns les autres. Le palais de Catherine
elle-même. Les grandes constructions en pierre de taille des
des Tuileries.
de deux corps de bâtiment, deux pavillons intermédiaires
de Médicis, la demeure de plaisance au milieu des jardins
temps passés donnent une telle impression de stabilité et
d’Henri IV, le château de Louis XIV et de ses successeurs,
d’ancienneté qu’il est difficile de s’imaginer qu’elles n’ont
le siège du gouvernement sous la Révolution puis au xixe
pas toujours existé ou qu’elles auraient pu être autrement.
siècle, autant d’architectures différentes, parfois dissimu-
Si elles dégagent une forme d’évidence, elles n’en sont
lées sous la même enveloppe. Il faut distinguer les temps
pas moins le fruit d’un processus d’élaboration complexe.
forts de cette histoire, seul moyen de redécouvrir un édifice
Il n’y a peut-être pas d’autre art qui réponde à autant de
qui fut un jalon de l’architecture française.
paramètres que l’architecture : raisons esthétiques et sym-
Car ce livre est une histoire architecturale et c’est peut-
boliques, nécessités fonctionnelles, limitations construc-
être ce qui fait son originalité par rapport aux publications
tives et techniques, aléas logistiques. Toute la science
antérieures . Pour l’écrire, il a fallu renoncer à tout dire.
de l’architecte consiste à faire converger ces contraintes
Les amateurs d’histoire événementielle peuvent refermer
centrifuges et à les canaliser vers un but cohérent. On ne
ces pages, car ils ne trouveront rien (ou presque) sur les
peut pas comprendre l’architecture édifiée sans remonter
grands moments historiques dont les Tuileries ont été le
au moment de sa création, à l’instant où tous les possibles
théâtre. Choix plus dur peut-être encore, celui de ne pas
sont encore ouverts, où l’architecture est un projet. Quelles
parler du jardin dont l’histoire est si liée au bâtiment en
étaient les contraintes de l’architecte ? Que voulait-il faire ?
bordure duquel il était planté. Mais le jardin est un sujet
Quels moyens avait-il pour y parvenir ? Qu’a-t-il pu réaliser
à part entière qui mérite un ouvrage à lui seul . Enfin, du
finalement ? Voici les quatre questions qui sous-tendent
côté est, l’étude s’arrête à l’arc du Carrousel, qui marquait
chaque passage de ce livre.
1
2
3 Vue aérienne du site du Louvre et des Tuileries 2010 1. Parterres du jardin des Tuileries 2. Emplacement du palais des Tuileries 3. Carrousel 4. cour Napoléon et Louvre de Napoléon III 5. Cour carrée 6. Grande Galerie 7. rue de Rivoli 8. Seine
l’entrée de la cour des Tuileries, laissant de côté la question de la réunion au Louvre voisin. Ces renoncements ont été la condition pour présenter de manière approfondie un sujet
6
7
Introduction
Introduction
Introduction
qui venaient rythmer la longue façade, puis deux nouveaux corps de bâtiment terminés par les grands pavillons d’extrémité (ill. 1). Sans cesse, les espaces changeaient de nom, ce
2 Vue de Paris prise
depuis la tour nord de Saint-Sulpice (dét.) Au second plan, de gauche à droite : les Tuileries, la Grande Galerie, le Nouveau Louvre de Napoléon III et une partie de la Cour carrée Fonds Léon & Lévy, vers le 21 juillet 1861 Négatif, plaque de verre au collodion, vue stéréoscopique Agence Roger-Viollet, LL 1627A
Le propos de ce livre a de quoi surprendre : en 2010, le topo-
Imaginer ce bâtiment immense, long de 327 m sur le
qui ne facilite pas l’orientation ; certaines appellations, éla-
nyme des Tuileries évoque un jardin au cœur de Paris, l’un
jardin, et dont la surface avait plus de 7 230 m2 d’emprise
borées par les historiens anciens et couramment admises,
des chaînons du grand axe ouest qui prend naissance dans
au sol, tel est l’objectif de cet ouvrage, ambition qui se
ne peuvent plus être maintenues aujourd’hui. C’est le cas
la cour Napoléon du Louvre pour s’achever à la Défense, en
heurte à des écueils parfois difficiles à surmonter pour le
en particulier du pavillon intermédiaire sud appelé « de Jean
passant par la place de la Concorde, les Champs-élysées
lecteur ou pour l’auteur. La restitution du château disparu
Bullant », du nom de l’architecte qui est supposé en être
et l’Arc de Triomphe de l’étoile. Quelques détails, dans ce
ne peut être que partielle, en particulier pour la période de
l’auteur et auquel il ne peut plus être entièrement attribué.
grandiose paysage urbain, surprennent parfois un obser-
sa création, le xvie siècle, où l’information fait cruellement
Le principe retenu ici a été d’utiliser pour chaque espace le
vateur averti : en avançant vers le Louvre, les frondaisons
défaut. Curieusement, au moment où la reine Catherine
nom qu’il avait au moment où il est étudié ; d’où plusieurs
du jardin laissent place à des parterres de pelouse et à de
de Médicis (1519-1589) puis le roi Henri IV (1553-1610)
toponymes successifs pour un même lieu. Les nombreux
grands bassins qui dessinent une géométrie rigoureuse,
faisaient travailler au plus grand château royal de Paris,
plans qui accompagnent le texte permettront au lecteur de
mais abstraite, qui ne semble pas conçue pour le visiteur
aucun contemporain ne se soucia d’en enregistrer exac-
se repérer mieux que de longues explications.
mais pour un observateur placé plus en hauteur. Surtout,
tement l’histoire.
Il n’est pas possible de se promener ainsi dans le grand
la grande avenue qui structure l’axe n’est pas alignée sur le
L’édifice était si grand qu’il constituait un véritable
château restitué sans se poser des questions et proposer
centre du Louvre, mais sur un point décalé (ill. 3). En réalité,
labyrinthe, dans lequel il était facile de se perdre. à partir
des éléments d’interprétation sur une histoire exceptionnel-
l’une des compositions urbaines les plus monumentales
du milieu du xviie siècle, au moment où les architectes de
lement chaotique. Sur le site des Tuileries, on peut presque
d’Europe est construite à partir d’un édifice aujourd’hui
Louis XIV lui donnèrent sa plus grande extension, le château
dire que plusieurs bâtiments se sont succédé, s’engendrant
difficile, parfois rebutant au premier abord : l’architecture
disparu, une clef qui lui donnait son sens : le château
était composé de cinq pavillons : un dôme central, flanqué
et se détruisant les uns les autres. Le palais de Catherine
elle-même. Les grandes constructions en pierre de taille des
des Tuileries.
de deux corps de bâtiment, deux pavillons intermédiaires
de Médicis, la demeure de plaisance au milieu des jardins
temps passés donnent une telle impression de stabilité et
d’Henri IV, le château de Louis XIV et de ses successeurs,
d’ancienneté qu’il est difficile de s’imaginer qu’elles n’ont
le siège du gouvernement sous la Révolution puis au xixe
pas toujours existé ou qu’elles auraient pu être autrement.
siècle, autant d’architectures différentes, parfois dissimu-
Si elles dégagent une forme d’évidence, elles n’en sont
lées sous la même enveloppe. Il faut distinguer les temps
pas moins le fruit d’un processus d’élaboration complexe.
forts de cette histoire, seul moyen de redécouvrir un édifice
Il n’y a peut-être pas d’autre art qui réponde à autant de
qui fut un jalon de l’architecture française.
paramètres que l’architecture : raisons esthétiques et sym-
Car ce livre est une histoire architecturale et c’est peut-
boliques, nécessités fonctionnelles, limitations construc-
être ce qui fait son originalité par rapport aux publications
tives et techniques, aléas logistiques. Toute la science
antérieures . Pour l’écrire, il a fallu renoncer à tout dire.
de l’architecte consiste à faire converger ces contraintes
Les amateurs d’histoire événementielle peuvent refermer
centrifuges et à les canaliser vers un but cohérent. On ne
ces pages, car ils ne trouveront rien (ou presque) sur les
peut pas comprendre l’architecture édifiée sans remonter
grands moments historiques dont les Tuileries ont été le
au moment de sa création, à l’instant où tous les possibles
théâtre. Choix plus dur peut-être encore, celui de ne pas
sont encore ouverts, où l’architecture est un projet. Quelles
parler du jardin dont l’histoire est si liée au bâtiment en
étaient les contraintes de l’architecte ? Que voulait-il faire ?
bordure duquel il était planté. Mais le jardin est un sujet
Quels moyens avait-il pour y parvenir ? Qu’a-t-il pu réaliser
à part entière qui mérite un ouvrage à lui seul . Enfin, du
finalement ? Voici les quatre questions qui sous-tendent
côté est, l’étude s’arrête à l’arc du Carrousel, qui marquait
chaque passage de ce livre.
1
2
3 Vue aérienne du site du Louvre et des Tuileries 2010 1. Parterres du jardin des Tuileries 2. Emplacement du palais des Tuileries 3. Carrousel 4. cour Napoléon et Louvre de Napoléon III 5. Cour carrée 6. Grande Galerie 7. rue de Rivoli 8. Seine
l’entrée de la cour des Tuileries, laissant de côté la question de la réunion au Louvre voisin. Ces renoncements ont été la condition pour présenter de manière approfondie un sujet
6
7
Le
grand projet de
Catherine
de
Médicis
Le
et sur jardin des parties construites par Philibert Delorme Jacques Androuet du Cerceau Vers 1570-1575 ? Plume et lavis sur vélin H. 51 cm ; l. 75,1 cm Londres, British Museum, 1972,U.877
30
toutes les façades : côté cour, des pilastres encadrent des
effets surprenants : les tables sous les appuis des fenêtres
travées où des trumeaux pleins alternent avec des baies.
sont représentées comme des plaques suspendues à la
Côté jardin, les arcades ouvertes sur les promenoirs sont
tablette principale par une sorte d’anneau (ill. 33). Tout
animées par des pilastres et par huit avant-corps réguliè-
se passe comme si l’épaisse maçonnerie de pierre voulait
rement répartis. L’ordre ionique employé par Philibert est
donner l’illusion d’être un mécano d’éléments simples,
à lui seul un condensé de sa conception de l’architecture
assemblés et accrochés ensemble. Le traitement de l’ordre
(ill. 21, 22). La base de l’ordre, avec sa succession particu-
d’architecture lui-même, pourtant directement inspiré de
lière de moulures, est conforme aux prescriptions consi-
l’antique, est l’objet d’une revendication de modernité :
gnées dans l’unique traité antique qui nous soit parvenu :
si Delorme a choisi l’ordre ionique, c’est parce qu’« il est
celui de Vitruve, qui vécut au tournant de notre ère et qui
encore peu usité et que encore peu de personnes l’ont
fut traduit en français en 1547 par l’éditeur Jean Martin.
mis en œuvre aux bâtiments avec colonnes84 ». Il affirme
Cette base témoigne d’une volonté archéologique, mais
avoir retrouvé la manière exacte d’en dessiner la volute,
reprend aussi les recherches menées sur l’antique par les
cette spirale compliquée qui orne les côtés du chapiteau,
architectes italiens contemporains de Delorme. Elle copie
revendication sans doute forcée85. Delorme aurait souhaité
celle qui orne la cour du palais Farnèse à Rome, dont les
utiliser des colonnes monolithes, mais des difficultés d’ap-
étages inférieurs ont été dessinés par l’architecte Antonio
provisionnement l’obligèrent à élever des fûts en plusieurs
da Sangallo le Jeune et qui était en construction au moment
pièces (les tambours). Au lieu de dissimuler cet artifice de
où les appartements sont organisés selon une logique
de Du Cerceau. D’autres dispositifs en rapport avec
du séjour romain de Delorme entre 1534 et 1539 . Sur la
construction, il choisit de le mettre en valeur en faisant
de taille décroissante. Tout montre donc qu’il y a un fond
des fêtes et des réjouissances peuvent être identifiés à
porte d’entrée côté cour, le fronton est supporté par des
alterner des tambours saillants formant comme des bagues
81
de vérité dans le dessin de Du Cerceau. Cependant, les
proximité : de part et d’autre des salles ovales, les cours
consoles composées d’une volute dont la face est couverte
et d’autres plus en retrait, ornés de cannelures. Il affirmait
raisons de la profondeur inhabituelle de ces promenoirs
sont découpées en arènes bordées encore par des gradins
d’écailles de poisson au-dessus d’un dé orné de glyphes,
ainsi contribuer à l’élaboration d’un ordre français86.
restent un mystère. Peut-être la réponse se trouvait-elle
desservis par de petits escaliers droits dans les angles.
formule qui s’inspire d’un motif créé par Michel Ange pour
à l’étage, accessible par deux escaliers placés à chaque
De tels aménagements sont généralement temporaires.
les fenêtres du second étage sur cour du palais Farnèse
extrémité des ailes ?
La particularité du projet des Tuileries est de pérenniser
vers 1547 et utilisé par Delorme dans son traité pour un
Ces galeries ne constituent pas la partie la plus
ces dispositifs éphémères : le palais devient une maison
projet de porte composée82. La date du modèle prouve que
incroyable du plan des Tuileries, où la palme revient aux
de spectacle permanente . Ce n’est pas la première fois
Delorme se tenait régulièrement au courant des dernières
grandes salles ovales qui recoupent les cours latérales.
que Delorme proposait un aménagement de ce type : il
créations architecturales romaines.
Ces structures semblent plus légères que le reste de
l’avait déjà fait pour le château neuf de Saint-Germain-en-
Delorme entretient avec Michel Ange des liens plus
l’édifice, à en juger par l’épaisseur des murs, et il faut
Laye avec sa cour « en forme d’un théâtre ». Il s’inscrit
particuliers83 : il ne se contente pas de lui emprunter des
peut-être les imaginer en bois ; le dôme très plat aurait
dans un mouvement plus général qui toucha également
motifs, mais s’inspire également d’une manière plus large
exigé une charpente adaptée à la grande portée qu’il fallait
d’autres résidences royales à partir du règne d’Henri II,
de sa démarche créatrice qui consiste à partir d’éléments
franchir (41 m sur 21 m) et aurait pu constituer un manifeste
comme Fontainebleau avec sa salle de bal ou le Louvre,
connus pour les recombiner de manière inédite, prati-
du procédé à petit-bois que Delorme avait inventé (ill. 11).
dont le projet initial fut bouleversé pour accueillir de grands
que parfois qualifiée de « libertinage architectural » où
à l’intérieur, l’espace est entouré de gradins accessibles
espaces de réception .
les principes élaborés à partir des modèles romains sont
76
20 Élévations sur cour
grand projet de
78
79
80
par un promenoir scandé par des colonnes, disposition qui
Le plan du grand projet pour Catherine est donc un
systématiquement transgressés. L’architecture selon De-
évoque un lieu de spectacle. La forme ovale fait référence
mélange surprenant : maison de plaisance liée à un jardin,
lorme n’est pas que le recommencement de l’antique ni
aux grands amphithéâtres antiques que l’architecte tente
palais à cours multiples, architecture éphémère fossilisée.
la répétition des grands modèles italiens, mais comporte
ici d’imiter et de dépasser. Une salle de même forme, qui
La combinaison inédite de ces modèles explique les dif-
aussi des innovations. Au premier étage des Tuileries,
mesurait 32 m sur 16 m, mais temporaire, fut d’ailleurs
ficultés de l’architecte à en faire un ensemble cohérent.
l’architecte créa des supports nouveaux, indépendants
commandée par Catherine à l’occasion du mariage du
L’originalité de ce programme hybride se retrouve dans les
de la logique des ordres d’architecture : il s’agit de gaines
duc de Joyeuse en 158177. Un projet ovale fut peut-être
élévations (ill. 20). La partie entreprise par Delorme est or-
cannelées en trapèze surmontées par des frontons au-
avancé pour Fontainebleau, si l’on en croit les dessins
née d’un ordre d’architecture ionique qui donne son unité à
dessus des travées aveugles (ill. 32). Delorme aime les
Catherine
de
Médicis
21 Colonnes cannelées de Philibert Delorme, pavillon central côté cour (dét.) Anonyme, 1871-1882 épreuve photographique Paris, Arch. nat., 64AJ 286, dossier 24, pièce 8 22 Colonne ionique dessinée par Philibert Delorme pour les Tuileries : premier projet (côté gauche) et colonne effectivement réalisée (côté droit) Partie gauche tirée de Philibert Delorme, Le Premier Tome de l’architecture, 1567, f° 221 r° Partie droite, relevé du XIXe siècle
31
Le
grand projet de
Catherine
de
Médicis
Le
et sur jardin des parties construites par Philibert Delorme Jacques Androuet du Cerceau Vers 1570-1575 ? Plume et lavis sur vélin H. 51 cm ; l. 75,1 cm Londres, British Museum, 1972,U.877
30
toutes les façades : côté cour, des pilastres encadrent des
effets surprenants : les tables sous les appuis des fenêtres
travées où des trumeaux pleins alternent avec des baies.
sont représentées comme des plaques suspendues à la
Côté jardin, les arcades ouvertes sur les promenoirs sont
tablette principale par une sorte d’anneau (ill. 33). Tout
animées par des pilastres et par huit avant-corps réguliè-
se passe comme si l’épaisse maçonnerie de pierre voulait
rement répartis. L’ordre ionique employé par Philibert est
donner l’illusion d’être un mécano d’éléments simples,
à lui seul un condensé de sa conception de l’architecture
assemblés et accrochés ensemble. Le traitement de l’ordre
(ill. 21, 22). La base de l’ordre, avec sa succession particu-
d’architecture lui-même, pourtant directement inspiré de
lière de moulures, est conforme aux prescriptions consi-
l’antique, est l’objet d’une revendication de modernité :
gnées dans l’unique traité antique qui nous soit parvenu :
si Delorme a choisi l’ordre ionique, c’est parce qu’« il est
celui de Vitruve, qui vécut au tournant de notre ère et qui
encore peu usité et que encore peu de personnes l’ont
fut traduit en français en 1547 par l’éditeur Jean Martin.
mis en œuvre aux bâtiments avec colonnes84 ». Il affirme
Cette base témoigne d’une volonté archéologique, mais
avoir retrouvé la manière exacte d’en dessiner la volute,
reprend aussi les recherches menées sur l’antique par les
cette spirale compliquée qui orne les côtés du chapiteau,
architectes italiens contemporains de Delorme. Elle copie
revendication sans doute forcée85. Delorme aurait souhaité
celle qui orne la cour du palais Farnèse à Rome, dont les
utiliser des colonnes monolithes, mais des difficultés d’ap-
étages inférieurs ont été dessinés par l’architecte Antonio
provisionnement l’obligèrent à élever des fûts en plusieurs
da Sangallo le Jeune et qui était en construction au moment
pièces (les tambours). Au lieu de dissimuler cet artifice de
où les appartements sont organisés selon une logique
de Du Cerceau. D’autres dispositifs en rapport avec
du séjour romain de Delorme entre 1534 et 1539 . Sur la
construction, il choisit de le mettre en valeur en faisant
de taille décroissante. Tout montre donc qu’il y a un fond
des fêtes et des réjouissances peuvent être identifiés à
porte d’entrée côté cour, le fronton est supporté par des
alterner des tambours saillants formant comme des bagues
81
de vérité dans le dessin de Du Cerceau. Cependant, les
proximité : de part et d’autre des salles ovales, les cours
consoles composées d’une volute dont la face est couverte
et d’autres plus en retrait, ornés de cannelures. Il affirmait
raisons de la profondeur inhabituelle de ces promenoirs
sont découpées en arènes bordées encore par des gradins
d’écailles de poisson au-dessus d’un dé orné de glyphes,
ainsi contribuer à l’élaboration d’un ordre français86.
restent un mystère. Peut-être la réponse se trouvait-elle
desservis par de petits escaliers droits dans les angles.
formule qui s’inspire d’un motif créé par Michel Ange pour
à l’étage, accessible par deux escaliers placés à chaque
De tels aménagements sont généralement temporaires.
les fenêtres du second étage sur cour du palais Farnèse
extrémité des ailes ?
La particularité du projet des Tuileries est de pérenniser
vers 1547 et utilisé par Delorme dans son traité pour un
Ces galeries ne constituent pas la partie la plus
ces dispositifs éphémères : le palais devient une maison
projet de porte composée82. La date du modèle prouve que
incroyable du plan des Tuileries, où la palme revient aux
de spectacle permanente . Ce n’est pas la première fois
Delorme se tenait régulièrement au courant des dernières
grandes salles ovales qui recoupent les cours latérales.
que Delorme proposait un aménagement de ce type : il
créations architecturales romaines.
Ces structures semblent plus légères que le reste de
l’avait déjà fait pour le château neuf de Saint-Germain-en-
Delorme entretient avec Michel Ange des liens plus
l’édifice, à en juger par l’épaisseur des murs, et il faut
Laye avec sa cour « en forme d’un théâtre ». Il s’inscrit
particuliers83 : il ne se contente pas de lui emprunter des
peut-être les imaginer en bois ; le dôme très plat aurait
dans un mouvement plus général qui toucha également
motifs, mais s’inspire également d’une manière plus large
exigé une charpente adaptée à la grande portée qu’il fallait
d’autres résidences royales à partir du règne d’Henri II,
de sa démarche créatrice qui consiste à partir d’éléments
franchir (41 m sur 21 m) et aurait pu constituer un manifeste
comme Fontainebleau avec sa salle de bal ou le Louvre,
connus pour les recombiner de manière inédite, prati-
du procédé à petit-bois que Delorme avait inventé (ill. 11).
dont le projet initial fut bouleversé pour accueillir de grands
que parfois qualifiée de « libertinage architectural » où
à l’intérieur, l’espace est entouré de gradins accessibles
espaces de réception .
les principes élaborés à partir des modèles romains sont
76
20 Élévations sur cour
grand projet de
78
79
80
par un promenoir scandé par des colonnes, disposition qui
Le plan du grand projet pour Catherine est donc un
systématiquement transgressés. L’architecture selon De-
évoque un lieu de spectacle. La forme ovale fait référence
mélange surprenant : maison de plaisance liée à un jardin,
lorme n’est pas que le recommencement de l’antique ni
aux grands amphithéâtres antiques que l’architecte tente
palais à cours multiples, architecture éphémère fossilisée.
la répétition des grands modèles italiens, mais comporte
ici d’imiter et de dépasser. Une salle de même forme, qui
La combinaison inédite de ces modèles explique les dif-
aussi des innovations. Au premier étage des Tuileries,
mesurait 32 m sur 16 m, mais temporaire, fut d’ailleurs
ficultés de l’architecte à en faire un ensemble cohérent.
l’architecte créa des supports nouveaux, indépendants
commandée par Catherine à l’occasion du mariage du
L’originalité de ce programme hybride se retrouve dans les
de la logique des ordres d’architecture : il s’agit de gaines
duc de Joyeuse en 158177. Un projet ovale fut peut-être
élévations (ill. 20). La partie entreprise par Delorme est or-
cannelées en trapèze surmontées par des frontons au-
avancé pour Fontainebleau, si l’on en croit les dessins
née d’un ordre d’architecture ionique qui donne son unité à
dessus des travées aveugles (ill. 32). Delorme aime les
Catherine
de
Médicis
21 Colonnes cannelées de Philibert Delorme, pavillon central côté cour (dét.) Anonyme, 1871-1882 épreuve photographique Paris, Arch. nat., 64AJ 286, dossier 24, pièce 8 22 Colonne ionique dessinée par Philibert Delorme pour les Tuileries : premier projet (côté gauche) et colonne effectivement réalisée (côté droit) Partie gauche tirée de Philibert Delorme, Le Premier Tome de l’architecture, 1567, f° 221 r° Partie droite, relevé du XIXe siècle
31
Le
grand projet de
Catherine
de
Médicis
Le
32 Gaines entre les
fenêtres du premier étage des parties de Philibert Delorme état en 2009 Vestige remonté sur la façade d’entrée du château de la Punta (Alata, Haute-Corse)
grand projet de
Catherine
de
Médicis
34 Vue de la façade sur cour, restitution virtuelle
33 Estampage pris sur une allège de fenêtre du rezde-chaussée Anonyme, vers 1860 Plâtre H. 1,41 m ; l. 57 cm ; P. 15 cm Musée du Louvre, service d’Histoire, moulage n° 302
30 Emblèmes de
Catherine de Médicis : plumes, miroir et faux Anonyme, seconde moitié du XVIe siècle Marbre blanc incrusté dans une table en marbre rouge H. 33 cm ; l. 69 cm ; P. 11 cm Musée du Louvre, Sculptures, ENT 2000-30
34
31 élévation côté jardin du rez-de-chaussée du pavillon central et des travées attenantes Jacques Androuet du Cerceau, vers 1570-1575 ? Plume et lavis sur vélin H. 51,3 cm ; l. 75,1 cm Londres, British Museum, 1972, U.878
35
Le
grand projet de
Catherine
de
Médicis
Le
32 Gaines entre les
fenêtres du premier étage des parties de Philibert Delorme état en 2009 Vestige remonté sur la façade d’entrée du château de la Punta (Alata, Haute-Corse)
grand projet de
Catherine
de
Médicis
34 Vue de la façade sur cour, restitution virtuelle
33 Estampage pris sur une allège de fenêtre du rezde-chaussée Anonyme, vers 1860 Plâtre H. 1,41 m ; l. 57 cm ; P. 15 cm Musée du Louvre, service d’Histoire, moulage n° 302
30 Emblèmes de
Catherine de Médicis : plumes, miroir et faux Anonyme, seconde moitié du XVIe siècle Marbre blanc incrusté dans une table en marbre rouge H. 33 cm ; l. 69 cm ; P. 11 cm Musée du Louvre, Sculptures, ENT 2000-30
34
31 élévation côté jardin du rez-de-chaussée du pavillon central et des travées attenantes Jacques Androuet du Cerceau, vers 1570-1575 ? Plume et lavis sur vélin H. 51,3 cm ; l. 75,1 cm Londres, British Museum, 1972, U.878
35
Le
grand projet de
Catherine
de
Médicis
Du Cerceau, les pavillons du palais devaient comprendre côté jardin deux niveaux d’élévation en pierre surmontés par un comble à lucarnes et se plaquer contre des ailes plus basses côté cour qui dessinaient la grille générale du palais. Ce parti pris aboutissait à une situation étrange dans les angles où les pavillons prenaient une forme d’équerre, parfois au mépris des dispositions intérieures comme au niveau de la grande salle. Ces pavillons en équerre n’étaient cependant pas entièrement étrangers à l’œuvre de Delorme qui proposa une solution analogue pour flanquer les angles d’une grande salle de fêtes restée à l’état de projet106. Si Jean Bullant suivit la même idée, son pavillon devait se composer seulement de trois faces sur le jardin (ill. 39). C’est là, en effet, qu’on retrouve le plus d’indices de sa manière. Au premier étage, il adopta un ordre corinthien, suivant en cela la règle de succession des ordres les uns au-dessus des autres. Il renonça au système bagué de Philibert Delorme au profit de colonnes monolithes cannelées. Il évita de couper l’entablement par des tables et le laissa filer sans interruption (ill. 42). Il semble donc avoir assagi l’architecture de 41 Élévation géométrale
du pavillon intermédiaire sud côté jardin (dét.) Jean Marot, vers 1650-1659 Eau-forte et burin Bibl. nat., Estampes, Ha 7d, pet. fol, f° 189
42 Vue du pavillon
intermédiaire sud côté jardin prise du nord-ouest Jean-Eugène Durand, 1871-avant 1876 ? Négatif, plaque de verre au collodion. H. 30 cm ; l. 40 cm Médiathèque de l’architecture et du patrimoine, MH 6662
40
son prédécesseur en la pliant sans concession aux règles et aux références antiques. L’emblématique signifiante de Catherine disparut presque entièrement et Jean Bullant ne garda que le principe d’ornements végétaux glissés dans les lignes des ordres. Les feuillages s’enroulèrent dans la volute dilatée des chapiteaux (ill. 44). La base des
un fronton sans base triangulaire au rez-de-chaussée et
qui se trouvait dans l’aile basse imaginée par Delorme.
cannelures fut traitée par un motif appelé « rudenture » qui
cintré au premier étage, brisé en deux et inversé, comme
Comme on ne voulut pas changer la distribution des murs
ressemble à un soliflore d’où sort une longue pousse de
si l’architecte s’était amusé à casser les formes architectu-
de refend, le pavillon prit une curieuse forme de L et, côté
feuilles. Des pousses plus petites furent réparties dans la
rales et à les empiler à contresens. Si Jean Bullant, plutôt
jardin, il fallut surélever la dernière travée de l’aile de
partie supérieure selon un réseau géométrique. Cette dis-
« timide », pour reprendre le titre d’un article récent, est
Delorme pour l’englober dans le pavillon élargi, en laissant
position des ornements à l’intérieur des cannelures évoque
parfois capable d’« audace », aucune autre de ses œuvres
apparent un repentir particulièrement disgracieux (ill. 41).
un ouvrage contemporain que l’architecte construisit pour
n’aurait poussé le paradoxe aussi loin107.
Catherine de Médicis dans son hôtel du quartier des Hal-
Sur le côté cour, un changement de parti important
les : la colonne astronomique, seul vestige encore visible
eut lieu : comme le pavillon occupa finalement toute la
aujourd’hui. Il est difficile de s’avancer davantage et de lui
profondeur de l’aile, il fallut le doter de ce côté d’une façade
attribuer les autres ornements de la façade sur jardin, et en
à deux niveaux terminée par des lucarnes, là où Philibert
particulier les niches que la gravure de Jean Marot timbre du
Delorme avait dessiné un rez-de-chaussée surmonté d’un
monogramme d’Henri IV. Même situation au niveau des lu-
comble à surcroît (ill. 39). Cette modification pouvait se
carnes où les tables sont ornées des armes de France et de
faire sans difficulté côté sud où les murs de refend entre
Navarre (ill. 41). Cette situation est d’autant plus frustrante
les pièces côté jardin et côté cour étaient alignés. Elle
que le dessin des niches est particulièrement original :
était beaucoup plus difficile côté nord où la pièce dans
elles étaient encadrées de deux fins pilastres supportant
le pavillon avait une travée de moins que l’antichambre
43 Vue côté jardin du
pavillon intermédiaire sud, restitution virtuelle état après les travaux d’Henri IV
44 Chapiteau ionique du
rez-de-chaussée sur cour du pavillon intermédiaire sud Vestige remonté à l’école des beaux-arts (Paris, vie arrondissement) état en 2010
41
Le
grand projet de
Catherine
de
Médicis
Du Cerceau, les pavillons du palais devaient comprendre côté jardin deux niveaux d’élévation en pierre surmontés par un comble à lucarnes et se plaquer contre des ailes plus basses côté cour qui dessinaient la grille générale du palais. Ce parti pris aboutissait à une situation étrange dans les angles où les pavillons prenaient une forme d’équerre, parfois au mépris des dispositions intérieures comme au niveau de la grande salle. Ces pavillons en équerre n’étaient cependant pas entièrement étrangers à l’œuvre de Delorme qui proposa une solution analogue pour flanquer les angles d’une grande salle de fêtes restée à l’état de projet106. Si Jean Bullant suivit la même idée, son pavillon devait se composer seulement de trois faces sur le jardin (ill. 39). C’est là, en effet, qu’on retrouve le plus d’indices de sa manière. Au premier étage, il adopta un ordre corinthien, suivant en cela la règle de succession des ordres les uns au-dessus des autres. Il renonça au système bagué de Philibert Delorme au profit de colonnes monolithes cannelées. Il évita de couper l’entablement par des tables et le laissa filer sans interruption (ill. 42). Il semble donc avoir assagi l’architecture de 41 Élévation géométrale
du pavillon intermédiaire sud côté jardin (dét.) Jean Marot, vers 1650-1659 Eau-forte et burin Bibl. nat., Estampes, Ha 7d, pet. fol, f° 189
42 Vue du pavillon
intermédiaire sud côté jardin prise du nord-ouest Jean-Eugène Durand, 1871-avant 1876 ? Négatif, plaque de verre au collodion. H. 30 cm ; l. 40 cm Médiathèque de l’architecture et du patrimoine, MH 6662
40
son prédécesseur en la pliant sans concession aux règles et aux références antiques. L’emblématique signifiante de Catherine disparut presque entièrement et Jean Bullant ne garda que le principe d’ornements végétaux glissés dans les lignes des ordres. Les feuillages s’enroulèrent dans la volute dilatée des chapiteaux (ill. 44). La base des
un fronton sans base triangulaire au rez-de-chaussée et
qui se trouvait dans l’aile basse imaginée par Delorme.
cannelures fut traitée par un motif appelé « rudenture » qui
cintré au premier étage, brisé en deux et inversé, comme
Comme on ne voulut pas changer la distribution des murs
ressemble à un soliflore d’où sort une longue pousse de
si l’architecte s’était amusé à casser les formes architectu-
de refend, le pavillon prit une curieuse forme de L et, côté
feuilles. Des pousses plus petites furent réparties dans la
rales et à les empiler à contresens. Si Jean Bullant, plutôt
jardin, il fallut surélever la dernière travée de l’aile de
partie supérieure selon un réseau géométrique. Cette dis-
« timide », pour reprendre le titre d’un article récent, est
Delorme pour l’englober dans le pavillon élargi, en laissant
position des ornements à l’intérieur des cannelures évoque
parfois capable d’« audace », aucune autre de ses œuvres
apparent un repentir particulièrement disgracieux (ill. 41).
un ouvrage contemporain que l’architecte construisit pour
n’aurait poussé le paradoxe aussi loin107.
Catherine de Médicis dans son hôtel du quartier des Hal-
Sur le côté cour, un changement de parti important
les : la colonne astronomique, seul vestige encore visible
eut lieu : comme le pavillon occupa finalement toute la
aujourd’hui. Il est difficile de s’avancer davantage et de lui
profondeur de l’aile, il fallut le doter de ce côté d’une façade
attribuer les autres ornements de la façade sur jardin, et en
à deux niveaux terminée par des lucarnes, là où Philibert
particulier les niches que la gravure de Jean Marot timbre du
Delorme avait dessiné un rez-de-chaussée surmonté d’un
monogramme d’Henri IV. Même situation au niveau des lu-
comble à surcroît (ill. 39). Cette modification pouvait se
carnes où les tables sont ornées des armes de France et de
faire sans difficulté côté sud où les murs de refend entre
Navarre (ill. 41). Cette situation est d’autant plus frustrante
les pièces côté jardin et côté cour étaient alignés. Elle
que le dessin des niches est particulièrement original :
était beaucoup plus difficile côté nord où la pièce dans
elles étaient encadrées de deux fins pilastres supportant
le pavillon avait une travée de moins que l’antichambre
43 Vue côté jardin du
pavillon intermédiaire sud, restitution virtuelle état après les travaux d’Henri IV
44 Chapiteau ionique du
rez-de-chaussée sur cour du pavillon intermédiaire sud Vestige remonté à l’école des beaux-arts (Paris, vie arrondissement) état en 2010
41
Un
Un
château modernisé
que surintendant) les dépenses sur les budgets qu’il avait
initialement prévues par Vigarani15 ? C’est la proposition
lui-même (en tant qu’architecte) demandés . Colbert mit
maximaliste qui semble en tout cas l’avoir emporté, car
un terme à cette situation dès son arrivée à la surinten-
le théâtre des Tuileries, avec sa scène de 49,6 m de long
dance en 1664, mais il ne réussit semble-t-il jamais tout à
et sa salle de 17,3 m sur 30,75 m, fut la plus grande de
fait à briser la relation directe que Le Vau entretenait avec
France et sans doute d’Europe. Le Vau intervint ensuite
le roi lui-même, au mépris de la hiérarchie des bâtiments.
sur la disposition de la charpente. Peut-être est-ce lui qui
Le Vau avait l’habitude de gérer d’énormes chantiers ; aux
fit construire sur chaque côté de la salle huit gros piliers
Tuileries, il était assisté par François d’Orbay, qui semble
de plan carré, sans doute destinés à réduire la portée des
l’avoir accompagné sur tous ses projets, et par Nicolas
poutres du comble16 (ill. 83).
13
80, 81 et 82 Plan des
trois niveaux principaux de la salle des Machines (dét.) Antoine Desgodetz, 8 novembre 1700 Plume et aquarelle Arch. nat., VA LIX, pièce 10
76
Louis Le Vau12 qui eut un rôle déterminant dans ce chantier.
particulière dans l’aménagement des intérieurs et la mise
Madiot, qui dirigeait jusqu’à 860 hommes14. Il était donc,
Premier architecte du Roi depuis 1654, titre qui lui permet-
en place de distributions originales et commodes. Dans les
pour Vigarani, un redoutable adversaire.
tait de superviser tous les chantiers de l’administration des
années 1650, il eut la charge de deux immenses projets, la
Les textes rapportent cette opposition et les thèmes
décor de la partie réservée aux spectateurs devaient donner
bâtiments, il conçut l’architecture des Tuileries, en dépit
création d’un château neuf dans l’enceinte médiévale de
du débat entre les deux hommes, mais sans malheureu-
lieu sans cesse à de nouveaux délais. Le 10 octobre 1659,
de l’inimitié assez nette que lui témoignait Colbert. Le Vau
Vincennes, commandité par le roi et par le gouverneur de la
sement développer les arguments de chacun des deux
Gaspare Vigarani en avait déjà arrêté les grandes lignes.
était à la fois un architecte brillant et un homme d’affaires
place, le cardinal Mazarin ; et le château de Vaux-le-Vicomte
partis, consignés dans des mémoires aujourd’hui perdus.
Dès le mois de décembre, « un Français, un professeur »
intrigant. Fils d’un entrepreneur de maçonnerie, il s’était fait
pour le surintendant des finances Nicolas Fouquet. En 1663,
Le premier architecte dirigeait la construction du bâtiment
proposait un dessin de plafond que Vigarani, obligé de
connaître par la construction et la transformation d’hôtels
Le Vau était au sommet de sa carrière : en charge du Louvre
qui devait abriter la salle de spectacle ; il avait donc un droit
prendre en compte « par déférence pour Ratabon et Col-
parisiens – il est en particulier l’auteur de l’hôtel Lambert,
et des Tuileries, il assurait l’intérim du surintendant des
de regard sur ses dimensions. Est-ce lui qui, « par raison
bert », fit rejeter en raison de ses dimensions17. Les travaux
véritable fer de lance de la nouvelle architecture qui se
bâtiments, Antoine Ratabon, ce qui le mettait dans une
d’architecture et pour le faire plus beau », avait proposé
étaient toujours en cours le 10 avril 1660, date du devis et
développa dans les années 1640. Il montra une habileté
position plutôt confortable puisqu’il ordonnait (en tant
un théâtre de longueur et largeur supérieures à celles
marché passé pour la commande de chapiteaux corinthiens
château modernisé
L’opposition de Le Vau ne fut pas le seul obstacle dont eut à triompher Vigarani. L’aménagement intérieur et le
83 Coupe longitudinale sur la salle des Machines Anonyme, 1680-1740 ? Plume, aquarelle et rehauts de blanc H. 22,5 cm ; l. 41,4 cm Stockholm, Nationalmuseum, THC 8893
77
Un
Un
château modernisé
que surintendant) les dépenses sur les budgets qu’il avait
initialement prévues par Vigarani15 ? C’est la proposition
lui-même (en tant qu’architecte) demandés . Colbert mit
maximaliste qui semble en tout cas l’avoir emporté, car
un terme à cette situation dès son arrivée à la surinten-
le théâtre des Tuileries, avec sa scène de 49,6 m de long
dance en 1664, mais il ne réussit semble-t-il jamais tout à
et sa salle de 17,3 m sur 30,75 m, fut la plus grande de
fait à briser la relation directe que Le Vau entretenait avec
France et sans doute d’Europe. Le Vau intervint ensuite
le roi lui-même, au mépris de la hiérarchie des bâtiments.
sur la disposition de la charpente. Peut-être est-ce lui qui
Le Vau avait l’habitude de gérer d’énormes chantiers ; aux
fit construire sur chaque côté de la salle huit gros piliers
Tuileries, il était assisté par François d’Orbay, qui semble
de plan carré, sans doute destinés à réduire la portée des
l’avoir accompagné sur tous ses projets, et par Nicolas
poutres du comble16 (ill. 83).
13
80, 81 et 82 Plan des
trois niveaux principaux de la salle des Machines (dét.) Antoine Desgodetz, 8 novembre 1700 Plume et aquarelle Arch. nat., VA LIX, pièce 10
76
Louis Le Vau12 qui eut un rôle déterminant dans ce chantier.
particulière dans l’aménagement des intérieurs et la mise
Madiot, qui dirigeait jusqu’à 860 hommes14. Il était donc,
Premier architecte du Roi depuis 1654, titre qui lui permet-
en place de distributions originales et commodes. Dans les
pour Vigarani, un redoutable adversaire.
tait de superviser tous les chantiers de l’administration des
années 1650, il eut la charge de deux immenses projets, la
Les textes rapportent cette opposition et les thèmes
décor de la partie réservée aux spectateurs devaient donner
bâtiments, il conçut l’architecture des Tuileries, en dépit
création d’un château neuf dans l’enceinte médiévale de
du débat entre les deux hommes, mais sans malheureu-
lieu sans cesse à de nouveaux délais. Le 10 octobre 1659,
de l’inimitié assez nette que lui témoignait Colbert. Le Vau
Vincennes, commandité par le roi et par le gouverneur de la
sement développer les arguments de chacun des deux
Gaspare Vigarani en avait déjà arrêté les grandes lignes.
était à la fois un architecte brillant et un homme d’affaires
place, le cardinal Mazarin ; et le château de Vaux-le-Vicomte
partis, consignés dans des mémoires aujourd’hui perdus.
Dès le mois de décembre, « un Français, un professeur »
intrigant. Fils d’un entrepreneur de maçonnerie, il s’était fait
pour le surintendant des finances Nicolas Fouquet. En 1663,
Le premier architecte dirigeait la construction du bâtiment
proposait un dessin de plafond que Vigarani, obligé de
connaître par la construction et la transformation d’hôtels
Le Vau était au sommet de sa carrière : en charge du Louvre
qui devait abriter la salle de spectacle ; il avait donc un droit
prendre en compte « par déférence pour Ratabon et Col-
parisiens – il est en particulier l’auteur de l’hôtel Lambert,
et des Tuileries, il assurait l’intérim du surintendant des
de regard sur ses dimensions. Est-ce lui qui, « par raison
bert », fit rejeter en raison de ses dimensions17. Les travaux
véritable fer de lance de la nouvelle architecture qui se
bâtiments, Antoine Ratabon, ce qui le mettait dans une
d’architecture et pour le faire plus beau », avait proposé
étaient toujours en cours le 10 avril 1660, date du devis et
développa dans les années 1640. Il montra une habileté
position plutôt confortable puisqu’il ordonnait (en tant
un théâtre de longueur et largeur supérieures à celles
marché passé pour la commande de chapiteaux corinthiens
château modernisé
L’opposition de Le Vau ne fut pas le seul obstacle dont eut à triompher Vigarani. L’aménagement intérieur et le
83 Coupe longitudinale sur la salle des Machines Anonyme, 1680-1740 ? Plume, aquarelle et rehauts de blanc H. 22,5 cm ; l. 41,4 cm Stockholm, Nationalmuseum, THC 8893
77
Un
Un
château modernisé
Pour le château lui-même, le projet de 1660 ne fut
les mains de l’architecte suédois Cronstedt et aujourd’hui
essentiel. Lorsqu’il était présent à Paris, il se rendait régu-
Tuileries », c’est-à-dire sans doute du pavillon d’extrémité
mis en œuvre qu’à partir de 1664, peut-être parce que les
conservés dans les collections nationales de ce pays . Ces
lièrement sur le chantier ; sinon, il se faisait tenir au courant
nord, situé au-delà de la salle des Machines, était passé
années 1661 à 1663 furent surtout consacrées au Louvre.
dessins des Tuileries semblent avoir été rassemblés dès le
par des rapports écrits qui donnent un aperçu précieux de
le 22 mars suivant avec les entrepreneurs André Mazières
Trois sources exceptionnelles permettent d’en suivre le dé-
xviie siècle par un collectionneur admirateur de Le Vau, pro-
l’avancement des travaux. Il savait par ailleurs que l’achève-
et Antoine Bergeron35. Il s’élevait au sommet du premier
roulement. La première est la comptabilité des bâtiments,
bablement un de ses collaborateurs qui a eu la possibilité
ment de la Cour carrée du Louvre allait entraîner une gêne
étage à la fin de 166436 et fut certainement achevé l’année
conservée à partir de l’arrivée de Colbert à la Surinten-
d’extraire les feuilles une fois qu’elles n’étaient plus utiles
importante pour la cour et le roi. Il fallait donc, pendant
suivante. La nouvelle façade sur jardin côté sud s’élevait à
dance . La seconde est la correspondance du ministre .
ou qui les a récupérées chez les entrepreneurs après la fin
ces grands travaux, bénéficier d’une résidence de repli en
7 m au-dessus du sol au mois de juillet 1664 et était ache-
La troisième enfin est un ensemble de dessins techniques
des travaux. Colbert, désireux de maintenir le roi à Paris
attendant que le palais principal soit à nouveau habitable.
vée à la fin de l’année37. Mais les transformations portèrent
produits à l’occasion du chantier, passés au xviiie siècle entre
et critique à l’égard du site de Versailles, a joué un rôle
C’est sans doute la raison pour laquelle une modernisation
surtout sur la partie centrale datant de Philibert Delorme
radicale des Tuileries fut entreprise immédiatement après
que Le Vau avait tout d’abord voulu épargner. Dans un pre-
son arrivée à la tête des bâtiments du Roi33. Le chantier
mier temps, il projeta seulement de transformer le premier
ouvrit au début de l’année 1664, comme en témoigne un
étage des corps de bâtiment entourant le pavillon central :
arrêt du Conseil du 13 février, enjoignant à tous ceux qui
l’idée que les appartements principaux du château puis-
avaient reçu du roi des concessions de terrains attenants au
sent être placés dans un comble n’était plus admissible. Il
palais de les libérer pour permettre le début des travaux34.
fallait donc supprimer les lucarnes et les remplacer par un
Un marché malheureusement perdu « pour faire la maçon-
étage carré, surmonté d’une balustrade. Bien que la toiture
nerie entière au-dessus des fondations du gros pavillon des
ne figure sur aucun des dessins relatifs à cette phase du
30
31
32
château modernisé
98 Premier projet de
surélévation de la partie centrale des Tuileries au premier étage, aile sud, côté jardin (photomontage) Atelier de Louis Le Vau, 1664 Plume Stockholm, Nationalmuseum, CC 10B : H. 51 cm ; l. 85 cm CC 20 : H. 55 cm ; l. 2,15 m CC 6 : H. 55 cm ; l. 52,5 cm
99 Premier projet de
surélévation de la partie centrale des Tuileries au premier étage, aile sud, côté cour (photomontage) Atelier de Louis Le Vau, 1664 Plume Stockholm, Nationalmuseum, CC 12 : H. 56,5 cm ; l. 1,98 m CC 13 : H. 48,5 cm ; l. 77,5 cm
96 Coupe transversale sur la partie centrale du château avec le premier projet de surélévation de Louis Le Vau Atelier de Louis Le Vau, 1664 Plume et aquarelle H. : 35,1 cm ; l. 44,5 cm Arch. nat., O1 1678C, pièce 496 97 Relevé des
moulurations et du couronnement en pot à feu de l’attique des pavillons intermédiaires (dét.) Anonyme, 1er octobre 1671 Plume et lavis Stockholm, Nationalmuseum, CC 32
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Un
Un
château modernisé
Pour le château lui-même, le projet de 1660 ne fut
les mains de l’architecte suédois Cronstedt et aujourd’hui
essentiel. Lorsqu’il était présent à Paris, il se rendait régu-
Tuileries », c’est-à-dire sans doute du pavillon d’extrémité
mis en œuvre qu’à partir de 1664, peut-être parce que les
conservés dans les collections nationales de ce pays . Ces
lièrement sur le chantier ; sinon, il se faisait tenir au courant
nord, situé au-delà de la salle des Machines, était passé
années 1661 à 1663 furent surtout consacrées au Louvre.
dessins des Tuileries semblent avoir été rassemblés dès le
par des rapports écrits qui donnent un aperçu précieux de
le 22 mars suivant avec les entrepreneurs André Mazières
Trois sources exceptionnelles permettent d’en suivre le dé-
xviie siècle par un collectionneur admirateur de Le Vau, pro-
l’avancement des travaux. Il savait par ailleurs que l’achève-
et Antoine Bergeron35. Il s’élevait au sommet du premier
roulement. La première est la comptabilité des bâtiments,
bablement un de ses collaborateurs qui a eu la possibilité
ment de la Cour carrée du Louvre allait entraîner une gêne
étage à la fin de 166436 et fut certainement achevé l’année
conservée à partir de l’arrivée de Colbert à la Surinten-
d’extraire les feuilles une fois qu’elles n’étaient plus utiles
importante pour la cour et le roi. Il fallait donc, pendant
suivante. La nouvelle façade sur jardin côté sud s’élevait à
dance . La seconde est la correspondance du ministre .
ou qui les a récupérées chez les entrepreneurs après la fin
ces grands travaux, bénéficier d’une résidence de repli en
7 m au-dessus du sol au mois de juillet 1664 et était ache-
La troisième enfin est un ensemble de dessins techniques
des travaux. Colbert, désireux de maintenir le roi à Paris
attendant que le palais principal soit à nouveau habitable.
vée à la fin de l’année37. Mais les transformations portèrent
produits à l’occasion du chantier, passés au xviiie siècle entre
et critique à l’égard du site de Versailles, a joué un rôle
C’est sans doute la raison pour laquelle une modernisation
surtout sur la partie centrale datant de Philibert Delorme
radicale des Tuileries fut entreprise immédiatement après
que Le Vau avait tout d’abord voulu épargner. Dans un pre-
son arrivée à la tête des bâtiments du Roi33. Le chantier
mier temps, il projeta seulement de transformer le premier
ouvrit au début de l’année 1664, comme en témoigne un
étage des corps de bâtiment entourant le pavillon central :
arrêt du Conseil du 13 février, enjoignant à tous ceux qui
l’idée que les appartements principaux du château puis-
avaient reçu du roi des concessions de terrains attenants au
sent être placés dans un comble n’était plus admissible. Il
palais de les libérer pour permettre le début des travaux34.
fallait donc supprimer les lucarnes et les remplacer par un
Un marché malheureusement perdu « pour faire la maçon-
étage carré, surmonté d’une balustrade. Bien que la toiture
nerie entière au-dessus des fondations du gros pavillon des
ne figure sur aucun des dessins relatifs à cette phase du
30
31
32
château modernisé
98 Premier projet de
surélévation de la partie centrale des Tuileries au premier étage, aile sud, côté jardin (photomontage) Atelier de Louis Le Vau, 1664 Plume Stockholm, Nationalmuseum, CC 10B : H. 51 cm ; l. 85 cm CC 20 : H. 55 cm ; l. 2,15 m CC 6 : H. 55 cm ; l. 52,5 cm
99 Premier projet de
surélévation de la partie centrale des Tuileries au premier étage, aile sud, côté cour (photomontage) Atelier de Louis Le Vau, 1664 Plume Stockholm, Nationalmuseum, CC 12 : H. 56,5 cm ; l. 1,98 m CC 13 : H. 48,5 cm ; l. 77,5 cm
96 Coupe transversale sur la partie centrale du château avec le premier projet de surélévation de Louis Le Vau Atelier de Louis Le Vau, 1664 Plume et aquarelle H. : 35,1 cm ; l. 44,5 cm Arch. nat., O1 1678C, pièce 496 97 Relevé des
moulurations et du couronnement en pot à feu de l’attique des pavillons intermédiaires (dét.) Anonyme, 1er octobre 1671 Plume et lavis Stockholm, Nationalmuseum, CC 32
88
89
Un
Un
château modernisé
129 Le centaure montre à
Achille à conduire un char Décor du plafond de la chambre à coucher du dauphin au rez-de-chaussée Jean-Baptiste de Champaigne, 1666-1670 Huile sur toile H. 1 m ; l. 1,57 m Musée du Louvre, dépôt au château de Maisons, Peintures, Inv. 1173
130 L’Aurore et la Nuit
Décor de la chambre à coucher du dauphin au rez-de-chaussée Jean-Baptiste de Champaigne, 1666-1670 Huile sur toile. H. 1,44 m ; l. 1,88 m Musée du Louvre, Peintures, RF 1986-62
château modernisé
revêtue d’un chiton saturé de rose, baignée dans la lumière de la torche qu’elle apporte et qui crée un effet de clair-obscur très irréel, semble s’élever dans les airs qui s’engouffrent dans son vêtement et dans son manteau aux couleurs changeantes. Suivant le texte homérique,
fois de la politique d’éducation artistique voulue par le roi
ses « doigts de rose » sèment les fleurs dans son sillage.
et de la volonté de compléter les collections royales par
Au sein des appartements des Tuileries, une pièce
des copies lorsqu’on ne pouvait disposer des originaux
se distinguait particulièrement des autres : la galerie
(la galerie Farnèse, peinte à fresque, n’était pas transpor-
des Peintures du grand appartement du roi (ill. 131).
table). Cependant, la transposition de la galerie romaine
Ses murs étaient recouverts de tableaux provenant des
à Paris exigea plusieurs aménagements : le décor conçu
collections royales, témoignage du goût que Louis XIV
pour un petit espace (20,15 m sur 6,5 m) devait être porté
portait aux œuvres d’art pour lesquelles il aménageait,
à une échelle monumentale nouvelle (53 m sur 8,3 m). Les
durant les années 1660, des pièces spécifiques au sein de
grands cartons envoyés de Rome (et dont certains sont
ses appartements, que ce soit au Louvre ou à Versailles.
toujours conservés) étaient mis en peinture par une équi-
La galerie constituait donc une sorte de musée réservé
pe établie à Paris qui devait interpréter les indications
à l’usage du souverain. Elle avait un pendant au rez-de-
qui lui furent transmises. La galerie Farnèse présente un
chaussée avec l’antichambre, où on avait placé des sculp-
trompe-l’œil destiné à faire croire que plusieurs tableaux
tures en mêlant antiques et copies. La grande voussure
dans leurs cadres sont posés sur la corniche de la pièce ou
de la galerie des Peintures était ornée de copies de l’un
sont accrochés à la voûte. Chaque tableau feint fut copié
61
siècle : la
séparément par les élèves français de l’Académie et leurs
galerie du palais Farnèse à Rome, réalisée par les frères
toiles furent placées sur la voûte des Tuileries non pas en
Carrache entre 1595 et 1602, qui, par la complexité des
fonction de leur emplacement dans le modèle d’origine,
sujets représentés et la richesse spatiale de leur mise en
mais selon leur format : tous les plus grands tableaux de
scène, devint un véritable modèle pour tout le siècle. La
la galerie Farnèse se retrouvèrent donc alignés au sommet
copie de l’original romain fut confiée à de jeunes peintres,
de la voûte, selon une logique étrangère à celle qui avait
partis étudier en Italie aux frais du roi à partir de 1666 au
présidé à leur conception. Les parties basses de la vous-
sein d’une institution nouvellement créée : l’Académie de
sure étaient donc partiellement vides et il fallut compléter
France à Rome. La voûte de la galerie témoignait donc à la
les sujets par des tableaux nouveaux, au risque parfois de
des plus célèbres décors plafonnants du
xvii
e
redondances ; des modifications intervinrent d’ailleurs en
108
1669 et 1670 dans la disposition des tableaux62. Ce n’est
n’avait conservé de l’édifice précédent que des fragments.
nouvelle strate de construction le caractère disparate que
pas le sens complexe de la galerie Farnèse (une allégo-
Les intérieurs avaient été déshabillés pour être remis au
Jean Bullant et les architectes d’Henri IV avaient initié. Ce
rie de l’amour) qui intéressait les Français, mais bien la
goût du jour. Au dehors, 80 % environ de la façade sur
défaut fut cruellement souligné par Le Bernin, invité en
beauté plastique des morceaux de peinture qui la compo-
jardin et 65 % de la façade sur cour étaient nouveaux.
France entre juin et octobre 1665 pour terminer le Louvre :
saient : aux Tuileries, le roi disposait d’une sorte de flori-
Les parties du xvi siècle, « désornementées » et percées
selon lui, les Tuileries étaient « une grande petite chose63 »,
lège de grands morceaux de peinture.
de fenêtres, étaient profondément altérées. Du château
une façade de 327 m de long sur jardin faite de petites
e
Avec Louis XIV et Le Vau, les Tuileries subirent une
raffiné de Catherine de Médicis et d’Henri IV, Le Vau
unités plus ou moins bien soudées entre elles. En dépit de
nouvelle transformation qui poursuivait la logique
avait fait une demeure aux dehors plus austères, qui
ces imperfections, la silhouette des Tuileries donnée par
d’Henri IV en achevant la symétrie de l’édifice
contrastaient avec la splendeur des intérieurs. L’ancienne
Le Vau fut maintenue presque sans changement jusqu’à la
et en remettant à l’échelle les parties centrales,
demeure des Valois était devenue, pour plagier le mot
fin du château. Aucun architecte ne put vraiment revenir
considérablement agrandies et surélevées. Désormais,
du Bernin, une résidence « pour un roi d’aujourd’hui ».
sur les principes qu’il avait adoptés pour les extérieurs
le palais se transformait en un château traditionnel entre
Cependant, en s’accrochant aux lignes existantes, Le Vau
et pour le grand appartement, en dépit des nombreux
cour et jardin. La grande campagne des années 1660
s’était condamné à maintenir et à accentuer par une
changements d’usage que connut le palais.
131 La galerie des
ambassadeurs au palais des Tuileries Jean-Baptiste Fortuné de Fournier, 1857 Aquarelle. H. 40 cm ; l. 52 cm Musée du Louvre, Arts graphiques, RF 34435
Double page suivante 132 Vue du château côté
jardin, restitution virtuelle État après les travaux de Louis Le Vau
109
Un
Un
château modernisé
129 Le centaure montre à
Achille à conduire un char Décor du plafond de la chambre à coucher du dauphin au rez-de-chaussée Jean-Baptiste de Champaigne, 1666-1670 Huile sur toile H. 1 m ; l. 1,57 m Musée du Louvre, dépôt au château de Maisons, Peintures, Inv. 1173
130 L’Aurore et la Nuit
Décor de la chambre à coucher du dauphin au rez-de-chaussée Jean-Baptiste de Champaigne, 1666-1670 Huile sur toile. H. 1,44 m ; l. 1,88 m Musée du Louvre, Peintures, RF 1986-62
château modernisé
revêtue d’un chiton saturé de rose, baignée dans la lumière de la torche qu’elle apporte et qui crée un effet de clair-obscur très irréel, semble s’élever dans les airs qui s’engouffrent dans son vêtement et dans son manteau aux couleurs changeantes. Suivant le texte homérique,
fois de la politique d’éducation artistique voulue par le roi
ses « doigts de rose » sèment les fleurs dans son sillage.
et de la volonté de compléter les collections royales par
Au sein des appartements des Tuileries, une pièce
des copies lorsqu’on ne pouvait disposer des originaux
se distinguait particulièrement des autres : la galerie
(la galerie Farnèse, peinte à fresque, n’était pas transpor-
des Peintures du grand appartement du roi (ill. 131).
table). Cependant, la transposition de la galerie romaine
Ses murs étaient recouverts de tableaux provenant des
à Paris exigea plusieurs aménagements : le décor conçu
collections royales, témoignage du goût que Louis XIV
pour un petit espace (20,15 m sur 6,5 m) devait être porté
portait aux œuvres d’art pour lesquelles il aménageait,
à une échelle monumentale nouvelle (53 m sur 8,3 m). Les
durant les années 1660, des pièces spécifiques au sein de
grands cartons envoyés de Rome (et dont certains sont
ses appartements, que ce soit au Louvre ou à Versailles.
toujours conservés) étaient mis en peinture par une équi-
La galerie constituait donc une sorte de musée réservé
pe établie à Paris qui devait interpréter les indications
à l’usage du souverain. Elle avait un pendant au rez-de-
qui lui furent transmises. La galerie Farnèse présente un
chaussée avec l’antichambre, où on avait placé des sculp-
trompe-l’œil destiné à faire croire que plusieurs tableaux
tures en mêlant antiques et copies. La grande voussure
dans leurs cadres sont posés sur la corniche de la pièce ou
de la galerie des Peintures était ornée de copies de l’un
sont accrochés à la voûte. Chaque tableau feint fut copié
61
siècle : la
séparément par les élèves français de l’Académie et leurs
galerie du palais Farnèse à Rome, réalisée par les frères
toiles furent placées sur la voûte des Tuileries non pas en
Carrache entre 1595 et 1602, qui, par la complexité des
fonction de leur emplacement dans le modèle d’origine,
sujets représentés et la richesse spatiale de leur mise en
mais selon leur format : tous les plus grands tableaux de
scène, devint un véritable modèle pour tout le siècle. La
la galerie Farnèse se retrouvèrent donc alignés au sommet
copie de l’original romain fut confiée à de jeunes peintres,
de la voûte, selon une logique étrangère à celle qui avait
partis étudier en Italie aux frais du roi à partir de 1666 au
présidé à leur conception. Les parties basses de la vous-
sein d’une institution nouvellement créée : l’Académie de
sure étaient donc partiellement vides et il fallut compléter
France à Rome. La voûte de la galerie témoignait donc à la
les sujets par des tableaux nouveaux, au risque parfois de
des plus célèbres décors plafonnants du
xvii
e
redondances ; des modifications intervinrent d’ailleurs en
108
1669 et 1670 dans la disposition des tableaux62. Ce n’est
n’avait conservé de l’édifice précédent que des fragments.
nouvelle strate de construction le caractère disparate que
pas le sens complexe de la galerie Farnèse (une allégo-
Les intérieurs avaient été déshabillés pour être remis au
Jean Bullant et les architectes d’Henri IV avaient initié. Ce
rie de l’amour) qui intéressait les Français, mais bien la
goût du jour. Au dehors, 80 % environ de la façade sur
défaut fut cruellement souligné par Le Bernin, invité en
beauté plastique des morceaux de peinture qui la compo-
jardin et 65 % de la façade sur cour étaient nouveaux.
France entre juin et octobre 1665 pour terminer le Louvre :
saient : aux Tuileries, le roi disposait d’une sorte de flori-
Les parties du xvi siècle, « désornementées » et percées
selon lui, les Tuileries étaient « une grande petite chose63 »,
lège de grands morceaux de peinture.
de fenêtres, étaient profondément altérées. Du château
une façade de 327 m de long sur jardin faite de petites
e
Avec Louis XIV et Le Vau, les Tuileries subirent une
raffiné de Catherine de Médicis et d’Henri IV, Le Vau
unités plus ou moins bien soudées entre elles. En dépit de
nouvelle transformation qui poursuivait la logique
avait fait une demeure aux dehors plus austères, qui
ces imperfections, la silhouette des Tuileries donnée par
d’Henri IV en achevant la symétrie de l’édifice
contrastaient avec la splendeur des intérieurs. L’ancienne
Le Vau fut maintenue presque sans changement jusqu’à la
et en remettant à l’échelle les parties centrales,
demeure des Valois était devenue, pour plagier le mot
fin du château. Aucun architecte ne put vraiment revenir
considérablement agrandies et surélevées. Désormais,
du Bernin, une résidence « pour un roi d’aujourd’hui ».
sur les principes qu’il avait adoptés pour les extérieurs
le palais se transformait en un château traditionnel entre
Cependant, en s’accrochant aux lignes existantes, Le Vau
et pour le grand appartement, en dépit des nombreux
cour et jardin. La grande campagne des années 1660
s’était condamné à maintenir et à accentuer par une
changements d’usage que connut le palais.
131 La galerie des
ambassadeurs au palais des Tuileries Jean-Baptiste Fortuné de Fournier, 1857 Aquarelle. H. 40 cm ; l. 52 cm Musée du Louvre, Arts graphiques, RF 34435
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jardin, restitution virtuelle État après les travaux de Louis Le Vau
109
Les Tuileries,
Les Tuileries,
espace du pouvoir
Le palais national
d’une salle d’assemblée en saillie sur le jardin, rez-dechaussée et premier étage Attribué à Pierre Adrien Pâris, 1792 Plume et lavis H. 32,5 cm ; l. 35 cm Arch. nat., F13 1240, dossier 1
126
plus jeunes, qui n’avaient pas peur du risque ; deux d’entre
proposant dès le 8 septembre 1793 de détruire le théâtre
s’installer dans le château. Curieusement, le projet de
eux s’affrontèrent dans un duel qui est sans doute le plus
de Soufflot et Gabriel pour y loger une nouvelle salle
Dans les mois qui suivirent la chute de la royauté, le
salle de la Convention ne semble avoir intéressé aucun
féroce de ceux que connurent les Tuileries : Pierre Vignon
d’assemblée. Comme on voulait aller très vite et qu’on
château des Tuileries attira l’attention de la Convention qui
des grands noms de l’architecture de la fin du xviii siècle :
et Jacques Gisors . Pierre Vignon n’était pas originaire du
envisageait une salle provisoire seulement, on renonça
gouvernait la France : le pouvoir politique était désormais
si certains étaient tombés en disgrâce en raison de leur
milieu du bâtiment et il s’était formé plus ou moins en
à la procédure du concours et on se dispensa de devis
réparti entre l’assemblée élue et des comités chargés de
trop grand succès sous l’Ancien Régime (Ledoux), d’autres
autodidacte ; il prit sans doute immédiatement le parti de
et d’études détaillées ; le ministre Roland se contenta de
l’exécution des lois. Depuis 1789 et l’installation du roi à
préférèrent prudemment rester en retrait (Boullée), quitte
la Révolution car il obtint en 1789 le poste d’inspecteur
réunir un comité d’experts qui comprenait en particulier
Paris, les députés occupaient l’ancien manège construit pour
à tirer les ficelles en figurant dans des comités d’experts.
des casernes et corps de garde de Paris ; en 1791, il avait
les architectes Boullée et Heurtier et le peintre David. En
Louis XV, bâti le long du côté nord du jardin ; ils disposaient
Seul De Wailly proposa dans une grande vue perspective
déjà réfléchi au programme d’une salle d’assemblée qu’il
dépit du scepticisme de ses conclusions, le plan de Vignon
aussi de bâtiments dans les couvents attenants, devenus
d’accroître le palais par un bâtiment neuf sur la cour du
proposait d’édifier sur le site de l’église inachevée de
était adopté dès le 14 septembre et mis à exécution. Les
biens nationaux, mais ces aménagements n’étaient guère
Carrousel . Le champ restait donc libre pour des collègues
la Madeleine. Quant à Gisors, il avait un parcours plus
propositions d’architectes concurrents, Pierre Adrien Pâris
canonique et avait obtenu le grand prix de Rome en 1779 ;
(ill. 160), Bernard Poyet, architecte de la ville, François Victor
on ignore malheureusement presque tout de son activité
Pérard de Montreuil associé à un dénommé Allais, furent
avant la Révolution. Comme chacun des deux architectes
rejetées car elles comprenaient toutes l’idée d’édifier une
s’était employé à activer ses relations et ses réseaux au sein
salle neuve adossée au bâtiment et non un établissement
de l’assemblée et avait entrepris une campagne d’opinion
provisoire. Cependant, le doute se glissa peu à peu dans
par des sortes de tracts publicitaires présentant leur projet,
l’esprit du ministre, peut-être à cause du scepticisme de
leur conflit devint très vite l’un des terrains d’affrontement
son comité d’experts, des contre-projets qui continuaient à
de deux partis en lutte ouverte. D’un côté, l’aile la plus à
affluer et enfin de défaillances de Vignon, sans titre et sans
gauche de l’assemblée, proche de la commune de Paris
expérience clairement reconnue, qui eut du mal à produire
et de son député-maire, Pétion, soutenait Vignon ; de
les détails d’exécution en temps voulu. Le comité d’experts
l’autre, le courant girondin, inquiet de l’importance que
de Roland s’enrichit de nouveaux membres, et en particulier
prenait la capitale et incarné par le ministre de l’Intérieur
d’un véritable cheval de Troie : Jacques Gisors. Celui-ci
Roland, défendait Gisors. C’est Pétion qui ouvrit le feu en
était convoqué comme expert mais il faisait partie des
9
160 Plan pour la création
confortables. Dès le 13 août 1793, l’idée fut avancée de
e
10
11
espace du pouvoir
161, 162 Titre et extrait du mémoire de Pierre Vignon Tiré de Pierre Vignon, architecte, à la Convention nationale, sur la nouvelle Salle dans le Palais des Tuileries, 1793-1794 Arch. nat., F13 1240
127
Les Tuileries,
Les Tuileries,
espace du pouvoir
Le palais national
d’une salle d’assemblée en saillie sur le jardin, rez-dechaussée et premier étage Attribué à Pierre Adrien Pâris, 1792 Plume et lavis H. 32,5 cm ; l. 35 cm Arch. nat., F13 1240, dossier 1
126
plus jeunes, qui n’avaient pas peur du risque ; deux d’entre
proposant dès le 8 septembre 1793 de détruire le théâtre
s’installer dans le château. Curieusement, le projet de
eux s’affrontèrent dans un duel qui est sans doute le plus
de Soufflot et Gabriel pour y loger une nouvelle salle
Dans les mois qui suivirent la chute de la royauté, le
salle de la Convention ne semble avoir intéressé aucun
féroce de ceux que connurent les Tuileries : Pierre Vignon
d’assemblée. Comme on voulait aller très vite et qu’on
château des Tuileries attira l’attention de la Convention qui
des grands noms de l’architecture de la fin du xviii siècle :
et Jacques Gisors . Pierre Vignon n’était pas originaire du
envisageait une salle provisoire seulement, on renonça
gouvernait la France : le pouvoir politique était désormais
si certains étaient tombés en disgrâce en raison de leur
milieu du bâtiment et il s’était formé plus ou moins en
à la procédure du concours et on se dispensa de devis
réparti entre l’assemblée élue et des comités chargés de
trop grand succès sous l’Ancien Régime (Ledoux), d’autres
autodidacte ; il prit sans doute immédiatement le parti de
et d’études détaillées ; le ministre Roland se contenta de
l’exécution des lois. Depuis 1789 et l’installation du roi à
préférèrent prudemment rester en retrait (Boullée), quitte
la Révolution car il obtint en 1789 le poste d’inspecteur
réunir un comité d’experts qui comprenait en particulier
Paris, les députés occupaient l’ancien manège construit pour
à tirer les ficelles en figurant dans des comités d’experts.
des casernes et corps de garde de Paris ; en 1791, il avait
les architectes Boullée et Heurtier et le peintre David. En
Louis XV, bâti le long du côté nord du jardin ; ils disposaient
Seul De Wailly proposa dans une grande vue perspective
déjà réfléchi au programme d’une salle d’assemblée qu’il
dépit du scepticisme de ses conclusions, le plan de Vignon
aussi de bâtiments dans les couvents attenants, devenus
d’accroître le palais par un bâtiment neuf sur la cour du
proposait d’édifier sur le site de l’église inachevée de
était adopté dès le 14 septembre et mis à exécution. Les
biens nationaux, mais ces aménagements n’étaient guère
Carrousel . Le champ restait donc libre pour des collègues
la Madeleine. Quant à Gisors, il avait un parcours plus
propositions d’architectes concurrents, Pierre Adrien Pâris
canonique et avait obtenu le grand prix de Rome en 1779 ;
(ill. 160), Bernard Poyet, architecte de la ville, François Victor
on ignore malheureusement presque tout de son activité
Pérard de Montreuil associé à un dénommé Allais, furent
avant la Révolution. Comme chacun des deux architectes
rejetées car elles comprenaient toutes l’idée d’édifier une
s’était employé à activer ses relations et ses réseaux au sein
salle neuve adossée au bâtiment et non un établissement
de l’assemblée et avait entrepris une campagne d’opinion
provisoire. Cependant, le doute se glissa peu à peu dans
par des sortes de tracts publicitaires présentant leur projet,
l’esprit du ministre, peut-être à cause du scepticisme de
leur conflit devint très vite l’un des terrains d’affrontement
son comité d’experts, des contre-projets qui continuaient à
de deux partis en lutte ouverte. D’un côté, l’aile la plus à
affluer et enfin de défaillances de Vignon, sans titre et sans
gauche de l’assemblée, proche de la commune de Paris
expérience clairement reconnue, qui eut du mal à produire
et de son député-maire, Pétion, soutenait Vignon ; de
les détails d’exécution en temps voulu. Le comité d’experts
l’autre, le courant girondin, inquiet de l’importance que
de Roland s’enrichit de nouveaux membres, et en particulier
prenait la capitale et incarné par le ministre de l’Intérieur
d’un véritable cheval de Troie : Jacques Gisors. Celui-ci
Roland, défendait Gisors. C’est Pétion qui ouvrit le feu en
était convoqué comme expert mais il faisait partie des
9
160 Plan pour la création
confortables. Dès le 13 août 1793, l’idée fut avancée de
e
10
11
espace du pouvoir
161, 162 Titre et extrait du mémoire de Pierre Vignon Tiré de Pierre Vignon, architecte, à la Convention nationale, sur la nouvelle Salle dans le Palais des Tuileries, 1793-1794 Arch. nat., F13 1240
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Les Tuileries,
Les Tuileries,
espace du pouvoir
espace du pouvoir
172 La revue de Quintidi Vue de la cour du Carrousel avec les arbres de la liberté Claude-Louis Desrais (dessinateur), 1801 Estampe H. 37,5 cm ; l. 52,5 cm Bibl. nat., Estampes, Va 419j ft. 4, mf. H 184 967
173 Élévation de la partie centrale de la grille du château des Tuileries Anonyme, début XIXe siècle Plume et aquarelle H. 17,6 cm ; l. 28,7 cm Bibl. nat., Estampes, collection Destailleur, n° 1316, rés. Ve 53h fol., mf. A 29951 Page de droite 174, 175 Élévations et
coupe sur l’arc du Carrousel (dét.) Charles Percier et PierreFrançois-Léonard Fontaine (dessinateurs), Louis-Marie Le Normand (graveur) Tiré de L’arc de triomphe des Tuileries, 1827
Isoler et dégager le château
176
Vue de l’arc du Carrousel du côté de l’entrée état 2010
Durant toute l’année 1801, les premiers travaux de Percier développant une sorte de société fraternelle et d’intérêt
dépit de sa longévité, Fontaine ne put jamais aller au bout
avec d’autres architectes, en particulier Charles Percier, qui
des grands projets qu’il avait pour le Louvre ou les autres
est peut-être le véritable artiste et créateur de l’association
palais dont il était chargé. Il décida de quitter ses fonctions
« Fontaine 5». Les deux hommes travaillèrent main dans
après la révolution de février 1848, durant laquelle tous
la main à tel point qu’il reste aujourd’hui impossible de
ses bureaux avaient été dévastés, désastre qui nous prive
faire la part de l’un et de l’autre, unis dans la vie comme
de presque tous ses dessins ; après avoir réglé les affaires
ils le sont dans la mort puisqu’ils partagent une tombe
en cours, il démissionna le 24 septembre à quelques jours
commune au Père-Lachaise. Lorsque la réorganisation
de son quatre-vingt-septième anniversaire 7. De son propre
de l’administration en 1804 obligea à n’avoir qu’un seul
aveu, durant la première moitié du xixe siècle, l’aménage-
architecte titulaire par bâtiment, Fontaine devint l’inter-
ment des Tuileries est plus question de décor intérieur que
locuteur officiel de l’administration « pour les Tuileries,
de construction : à ses yeux, seul l’escalier qu’il réalisa
le Louvre et ses dépendances » auxquels s’ajoutaient les
entre 1832 et 1833 fut l’occasion de « faire de la véritable
manufactures et les autres bâtiments du département de
architecture8 ». Sur ce point, il fait cependant preuve de
Paris6, mais Percier continua à dessiner et mettre au point
défaitisme, car le Premier Empire lui donna la possibilité
les projets de son ami et associé jusqu’à ses derniers jours
de travaux de grande ampleur.
en 1838. Il disposait d’un atelier qui était l’un des hauts lieux d’enseignement à Paris, véritable pépinière de prix de Rome (cette récompense suprême du cursus d’études qui permettait à son bénéficiaire d’aller pendant plusieurs années étudier en Italie) et il utilisa beaucoup de jeunes talents pour l’aider dans son travail, diffusant sa manière et son style auprès de toute une génération d’architectes. En
134
et Fontaine consistèrent à sécuriser le palais. Pour lutter contre les incendies, les deux architectes firent nommer des équipes permanentes, dont un poêlier 9 ; ce type de demande, réitérée en 1802, ne fut sans doute pas suivie entièrement d’effet10. L’espace du Carrousel fut peu à peu déblayé de plusieurs constructions parasites et isolé de la ville entre avril 1801 et juin 1802 ; la grande grille entreprise sous la Révolution fut poursuivie et achevée11 (ill. 173). Napoléon voulut qu’elle fût éclairée de fanaux, qui donnèrent lieu à des projets grandioses de Percier et Fontaine, restés lettre morte12. La cour fermée au pied du palais devint une sorte de « place d’armes13 » où avaient lieu les revues militaires de Quintidi (du nom du jour du calendrier républicain où elles se tenaient) (ill. 172). Le régime affirmait ainsi son caractère intrinsèquement militaire, symbole qui fut renforcé par l’érection à l’entrée de la cour d’une porte monumentale qui subsiste toujours aujourd’hui : l’arc du Carrousel14. Construit en un temps très court entre 1806 et 1808, il reprenait fidèlement, mais à échelle réduite, les grands arcs de triomphe romains, utilisés lors des pompes triomphales au retour des armées. Par la polychromie de ses marbres, ses chapiteaux de bronze doré et la richesse de son décor sculpté, à la gloire de la
135
Les Tuileries,
Les Tuileries,
espace du pouvoir
espace du pouvoir
172 La revue de Quintidi Vue de la cour du Carrousel avec les arbres de la liberté Claude-Louis Desrais (dessinateur), 1801 Estampe H. 37,5 cm ; l. 52,5 cm Bibl. nat., Estampes, Va 419j ft. 4, mf. H 184 967
173 Élévation de la partie centrale de la grille du château des Tuileries Anonyme, début XIXe siècle Plume et aquarelle H. 17,6 cm ; l. 28,7 cm Bibl. nat., Estampes, collection Destailleur, n° 1316, rés. Ve 53h fol., mf. A 29951 Page de droite 174, 175 Élévations et
coupe sur l’arc du Carrousel (dét.) Charles Percier et PierreFrançois-Léonard Fontaine (dessinateurs), Louis-Marie Le Normand (graveur) Tiré de L’arc de triomphe des Tuileries, 1827
Isoler et dégager le château
176
Vue de l’arc du Carrousel du côté de l’entrée état 2010
Durant toute l’année 1801, les premiers travaux de Percier développant une sorte de société fraternelle et d’intérêt
dépit de sa longévité, Fontaine ne put jamais aller au bout
avec d’autres architectes, en particulier Charles Percier, qui
des grands projets qu’il avait pour le Louvre ou les autres
est peut-être le véritable artiste et créateur de l’association
palais dont il était chargé. Il décida de quitter ses fonctions
« Fontaine 5». Les deux hommes travaillèrent main dans
après la révolution de février 1848, durant laquelle tous
la main à tel point qu’il reste aujourd’hui impossible de
ses bureaux avaient été dévastés, désastre qui nous prive
faire la part de l’un et de l’autre, unis dans la vie comme
de presque tous ses dessins ; après avoir réglé les affaires
ils le sont dans la mort puisqu’ils partagent une tombe
en cours, il démissionna le 24 septembre à quelques jours
commune au Père-Lachaise. Lorsque la réorganisation
de son quatre-vingt-septième anniversaire 7. De son propre
de l’administration en 1804 obligea à n’avoir qu’un seul
aveu, durant la première moitié du xixe siècle, l’aménage-
architecte titulaire par bâtiment, Fontaine devint l’inter-
ment des Tuileries est plus question de décor intérieur que
locuteur officiel de l’administration « pour les Tuileries,
de construction : à ses yeux, seul l’escalier qu’il réalisa
le Louvre et ses dépendances » auxquels s’ajoutaient les
entre 1832 et 1833 fut l’occasion de « faire de la véritable
manufactures et les autres bâtiments du département de
architecture8 ». Sur ce point, il fait cependant preuve de
Paris6, mais Percier continua à dessiner et mettre au point
défaitisme, car le Premier Empire lui donna la possibilité
les projets de son ami et associé jusqu’à ses derniers jours
de travaux de grande ampleur.
en 1838. Il disposait d’un atelier qui était l’un des hauts lieux d’enseignement à Paris, véritable pépinière de prix de Rome (cette récompense suprême du cursus d’études qui permettait à son bénéficiaire d’aller pendant plusieurs années étudier en Italie) et il utilisa beaucoup de jeunes talents pour l’aider dans son travail, diffusant sa manière et son style auprès de toute une génération d’architectes. En
134
et Fontaine consistèrent à sécuriser le palais. Pour lutter contre les incendies, les deux architectes firent nommer des équipes permanentes, dont un poêlier 9 ; ce type de demande, réitérée en 1802, ne fut sans doute pas suivie entièrement d’effet10. L’espace du Carrousel fut peu à peu déblayé de plusieurs constructions parasites et isolé de la ville entre avril 1801 et juin 1802 ; la grande grille entreprise sous la Révolution fut poursuivie et achevée11 (ill. 173). Napoléon voulut qu’elle fût éclairée de fanaux, qui donnèrent lieu à des projets grandioses de Percier et Fontaine, restés lettre morte12. La cour fermée au pied du palais devint une sorte de « place d’armes13 » où avaient lieu les revues militaires de Quintidi (du nom du jour du calendrier républicain où elles se tenaient) (ill. 172). Le régime affirmait ainsi son caractère intrinsèquement militaire, symbole qui fut renforcé par l’érection à l’entrée de la cour d’une porte monumentale qui subsiste toujours aujourd’hui : l’arc du Carrousel14. Construit en un temps très court entre 1806 et 1808, il reprenait fidèlement, mais à échelle réduite, les grands arcs de triomphe romains, utilisés lors des pompes triomphales au retour des armées. Par la polychromie de ses marbres, ses chapiteaux de bronze doré et la richesse de son décor sculpté, à la gloire de la
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Les Tuileries,
espace du pouvoir
185 Michel Ney, duc
d’Elchingen, prince de la Moskowa, maréchal de l’Empire en 1804 (1769-1815) Charles Meynier, 1805 Huile sur toile H. 2,17 m ; l. 1,41 m Musée des châteaux de Versailles et de Trianon, MV 8127
Les Tuileries,
espace du pouvoir
186 André Masséna, duc de Rivoli, prince d’Essling, maréchal de l’Empire en 1804 (1756-1817) Edme-Adolphe Fontaine, copie d’après Antoine-Jean Gros, 1856 D’après un original de 1805 Huile sur toile H. 2,15 m ; l. 1,40 m Musée des châteaux de Versailles et de Trianon, MV 1128
187 François Séverin Marceau-Desgraviers, général de division (1769-1796) Jacques-Edme Dumont, vers 1800 Terre cuite préparatoire au marbre. H. 59 cm ; l. 37,3 cm ; P. 29,3 cm Musée du Louvre, RF 2988 188 Maurice, comte de
Saxe, maréchal de France (1696-1750) Pierre Cartellier, 1803 Marbre H. 66 cm ; l. 39 cm ; P. 34 cm Musée des châteaux de Versailles et de Trianon, MV 7794
189 Vue du mur côté nord du salon des Maréchaux Fonds Léon & Lévy, avant 1871 Négatif, plaque de verre au collodion, vue stéréoscopique H. 9,2 cm ; l. 9 cm Agence Roger-Viollet, LL 8470A Page de droite 190 Vue des cariatides de la salle des Maréchaux Pierre-François-Léonard Fontaine et Charles Percier, juillet 1809 Plume et lavis H. 45 cm ; l. 35 cm Saint-Pétersbourg, musée de l’Ermitage, Journal des monuments de Paris, Livre IV, pl. 17
140
141
Les Tuileries,
espace du pouvoir
185 Michel Ney, duc
d’Elchingen, prince de la Moskowa, maréchal de l’Empire en 1804 (1769-1815) Charles Meynier, 1805 Huile sur toile H. 2,17 m ; l. 1,41 m Musée des châteaux de Versailles et de Trianon, MV 8127
Les Tuileries,
espace du pouvoir
186 André Masséna, duc de Rivoli, prince d’Essling, maréchal de l’Empire en 1804 (1756-1817) Edme-Adolphe Fontaine, copie d’après Antoine-Jean Gros, 1856 D’après un original de 1805 Huile sur toile H. 2,15 m ; l. 1,40 m Musée des châteaux de Versailles et de Trianon, MV 1128
187 François Séverin Marceau-Desgraviers, général de division (1769-1796) Jacques-Edme Dumont, vers 1800 Terre cuite préparatoire au marbre. H. 59 cm ; l. 37,3 cm ; P. 29,3 cm Musée du Louvre, RF 2988 188 Maurice, comte de
Saxe, maréchal de France (1696-1750) Pierre Cartellier, 1803 Marbre H. 66 cm ; l. 39 cm ; P. 34 cm Musée des châteaux de Versailles et de Trianon, MV 7794
189 Vue du mur côté nord du salon des Maréchaux Fonds Léon & Lévy, avant 1871 Négatif, plaque de verre au collodion, vue stéréoscopique H. 9,2 cm ; l. 9 cm Agence Roger-Viollet, LL 8470A Page de droite 190 Vue des cariatides de la salle des Maréchaux Pierre-François-Léonard Fontaine et Charles Percier, juillet 1809 Plume et lavis H. 45 cm ; l. 35 cm Saint-Pétersbourg, musée de l’Ermitage, Journal des monuments de Paris, Livre IV, pl. 17
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Les Tuileries,
Les Tuileries,
espace du pouvoir
seul un portrait équestre de Na-
artistiques : il jeta son dévolu sur un architecte qui avait
Elle lui avait donné une facilité à présenter des projets, à
poléon III fut placé dans la gale-
mené une carrière uniquement administrative et avait été
dresser des grands dessins de présentation et à multiplier
rie Louis-Philippe (ill. 242). Dans
en charge de l’entretien de Meudon, de la manufacture de
les variantes virtuoses dont les raisons nous échappent
le salon des Maréchaux, le pla-
Sèvres et de Fontainebleau. Jamais jusqu’alors il n’avait
parfois. Enfin, sa culture architecturale lui permettait de
fond fut transformé pour faciliter
proposé de grands projets ni dirigé de grands chantiers
s’adapter aux désirs de son commanditaire et il pouvait
la descente du lustre et créer un
de constructions neuves , mais il ne manquait pas d’atouts
imiter aussi bien la manière de Delorme que les charmes
système de ventilation. à cette
pour réussir . Issu du milieu du bâtiment de Versailles,
des intérieurs de la fin du xviiie siècle. Cette capacité à jouer
occasion, la base du cintre fut
il avait une excellente formation pratique et avait dû, à
avec les styles historiques fait de lui un représentant de
redécorée par quatre grandes
vingt-trois ans, reprendre l’entreprise de maçonnerie de
l’éclectisme en architecture, ce courant souvent associé
ouvertures en perspective fein-
son père après son décès prématuré. Lefuel était un grand
au Second Empire qui mélangeait les références les plus
te (ill. 243). Le 1 octobre 1852,
organisateur, comme en témoigne le fonds d’archives de
diverses et semblait sélectionner (eclegein en grec) dans
Firmin Bourgeois, nommé archi-
son agence, toujours conservé et principale source sur
chacune d’elles ce qui l’intéressait. Cependant, Lefuel
tecte du château de Compiègne,
l’histoire du palais sous le Second Empire . De plus, il
n’est pas qu’un pasticheur de génie, et certaines de ses
cédait la place à Louis Visconti
est le premier architecte des Tuileries à avoir bénéficié
réalisations laissent transparaître son goût et sa manière
bonne architecture, une sorte de doctrine qui devait peser
qui était en charge de l’achèvement du Louvre et dont la
de la formation de l’école des beaux-arts, créée en 1816.
personnelle. Il avait des critères précis sur ce qu’est la
lourd sur les dernières décennies des Tuileries.
8
242 Napoléon III à cheval Alfred Dedreux, 1858 Huile sur toile H. 3 m ; l. 2,10 m Musée de l’Armée, 10582, Ea 308.3 243
Vue de la salle des Maréchaux Jean-Baptiste Fortuné de Fournier, vers 1853-1855 Aquarelle H. 46,6 cm ; l. 60 cm Achetée par décret du 11 mai 1855 et inscrite sur l’inventaire des Arts graphiques du musée du Louvre, Inv. 26637, mais peut-être jamais livrée au musée et actuellement non localisée.
244, 245 Plans restitués
du palais des Tuileries état en 1860
er
10
11
246 Portrait d'Hector
Lefuel (1810-1880) Alexandre Hesse, vers 1870-1879 Plume et encre H. 27,5 cm ; l. 36 cm Tiré de Croquis, esquisses et pochades de divers maîtres recueillis par le comte Henri Delaborde Bibliothèque de l’Institut, Ms 4683, f° 30
famille était profondément bonapartiste ; il n’eut cepen9
dant pas le temps de laisser profondément sa marque aux Tuileries car il mourut le 23 décembre 1853. Avec le règne de Napoléon III, le
xix e siècle
arriva
au pouvoir : Louis-Philippe, né en 1773, et Fontaine, né en 1762, étaient des hommes formés sous l’Ancien Régime. Le nouvel empereur avait vu le jour en 1808, durant le Premier Empire, tout comme l’architecte qu’il choisit pour remplacer Visconti : Hector-Martin Lefuel, né en 1810.
PREMIER étage
Enfin, par son mariage le 30 janvier 1853, l’empereur
Grand appartement 41. Salon des Gardes 42. Galerie de la Paix 43. Salon de la Colonne 44. Salon des Maréchaux 45. Salon blanc ou salon du Premier Consul 46. Salon d’Apollon ou salon de la Colonne 47. Salon du Trône 48. Salon de Louis XIV servant de salle à manger 49. Galerie de Diane
plaça au sommet de la hiérarchie de la nouvelle cour une jeune femme de vingt-six ans, Eugénie de Montijo, issue d’une famille de la noblesse espagnole. Le choix d’Hector Lefuel est assez déroutant et montre peut-être que le nouvel empereur manquait de relations dans les milieux
REZ-de-chaussée 1. Vestibule Appartement de travail de l’Empereur 2. Salon des Huissiers 3. Salon des Aides de camp 4. Salon du Conseil 5. Cabinet des Dépêches 6. Cabinet de l’Empereur 7. Petit salon de l’Empereur Appartement de l’Empereur 8. Salon des Huissiers
174
espace du pouvoir
Appartement de l’Impératrice 50. Salon des Huissiers 51. Salon vert ou salon des Dames 52. Salon rose ou salon d’Attente 53. Salon bleu ou salon des Audiences 54. Cabinet de travail 55. Boudoir 56. Salle de bains, cabinet de toilette et bibliothèque des papiers d’état 57. Chambre à coucher 58. Après 1868 : nouveau cabinet de toilette
9. Premier salon 10. Deuxième salon 11. Troisième salon 12. Petit salon et dégagement 13. Chambre à coucher 14. Cabinet de toilette 15. Salle de bains et dégagement Appartement du Prince Impérial 16. Grand salon du Prince Impérial 17. Chambre à coucher du Prince Impérial 18. Salle à manger et petits salons du Prince Impérial
Ancien appartement de l’Impératrice (appartement du Prince Impérial à partir du milieu des années 1860) 59. Salon de Mars 60. Salon bleu ou salon des Chambellans 61. Salon des tapisseries 62. Petit salon vert 63. Cabinet de travail
19. Pièces de service et logement de la sousgouvernante 20. Corps de garde et conciergerie 21. Pâtisserie et dépendances 22. Appartement du Grand Maréchal 23. Vestibule de l’Empereur 24. Escalier de l’Empereur 25. Salon des Huissiers 26. Salon de Stuc 27. Appartement du Premier Chambellan 28. Secrétariat du Premier Chambellan
64. Appartement du pavillon de Flore puis du Prince Impérial 65. Grande Galerie 66. Salle des Travées 67. Tribunes hautes de la chapelle 68. Antichambre de la salle de spectacle 69. Foyer de la salle de spectacle 70. Salle pour les spectateurs 71. Scène de la salle de spectacle 72. Appartement du Grand Chambellan
29. Pièces pour les officiers 30. Niveau bas de la chapelle 31. Vestibule de la chapelle 32. Espace sous la salle pour les spectateurs 33. Espace sous la scène 34. Grand appartement du rez-de-chaussée de Marsan 35. Appartement du général Rolin 36. Vestibule de l’Impératrice 37. Salon des officiers d’ordonnance 38. Escalier de l’Impératrice 39. Vestiaire 40. Escalier d’honneur
175
Les Tuileries,
Les Tuileries,
espace du pouvoir
seul un portrait équestre de Na-
artistiques : il jeta son dévolu sur un architecte qui avait
Elle lui avait donné une facilité à présenter des projets, à
poléon III fut placé dans la gale-
mené une carrière uniquement administrative et avait été
dresser des grands dessins de présentation et à multiplier
rie Louis-Philippe (ill. 242). Dans
en charge de l’entretien de Meudon, de la manufacture de
les variantes virtuoses dont les raisons nous échappent
le salon des Maréchaux, le pla-
Sèvres et de Fontainebleau. Jamais jusqu’alors il n’avait
parfois. Enfin, sa culture architecturale lui permettait de
fond fut transformé pour faciliter
proposé de grands projets ni dirigé de grands chantiers
s’adapter aux désirs de son commanditaire et il pouvait
la descente du lustre et créer un
de constructions neuves , mais il ne manquait pas d’atouts
imiter aussi bien la manière de Delorme que les charmes
système de ventilation. à cette
pour réussir . Issu du milieu du bâtiment de Versailles,
des intérieurs de la fin du xviiie siècle. Cette capacité à jouer
occasion, la base du cintre fut
il avait une excellente formation pratique et avait dû, à
avec les styles historiques fait de lui un représentant de
redécorée par quatre grandes
vingt-trois ans, reprendre l’entreprise de maçonnerie de
l’éclectisme en architecture, ce courant souvent associé
ouvertures en perspective fein-
son père après son décès prématuré. Lefuel était un grand
au Second Empire qui mélangeait les références les plus
te (ill. 243). Le 1 octobre 1852,
organisateur, comme en témoigne le fonds d’archives de
diverses et semblait sélectionner (eclegein en grec) dans
Firmin Bourgeois, nommé archi-
son agence, toujours conservé et principale source sur
chacune d’elles ce qui l’intéressait. Cependant, Lefuel
tecte du château de Compiègne,
l’histoire du palais sous le Second Empire . De plus, il
n’est pas qu’un pasticheur de génie, et certaines de ses
cédait la place à Louis Visconti
est le premier architecte des Tuileries à avoir bénéficié
réalisations laissent transparaître son goût et sa manière
bonne architecture, une sorte de doctrine qui devait peser
qui était en charge de l’achèvement du Louvre et dont la
de la formation de l’école des beaux-arts, créée en 1816.
personnelle. Il avait des critères précis sur ce qu’est la
lourd sur les dernières décennies des Tuileries.
8
242 Napoléon III à cheval Alfred Dedreux, 1858 Huile sur toile H. 3 m ; l. 2,10 m Musée de l’Armée, 10582, Ea 308.3 243
Vue de la salle des Maréchaux Jean-Baptiste Fortuné de Fournier, vers 1853-1855 Aquarelle H. 46,6 cm ; l. 60 cm Achetée par décret du 11 mai 1855 et inscrite sur l’inventaire des Arts graphiques du musée du Louvre, Inv. 26637, mais peut-être jamais livrée au musée et actuellement non localisée.
244, 245 Plans restitués
du palais des Tuileries état en 1860
er
10
11
246 Portrait d'Hector
Lefuel (1810-1880) Alexandre Hesse, vers 1870-1879 Plume et encre H. 27,5 cm ; l. 36 cm Tiré de Croquis, esquisses et pochades de divers maîtres recueillis par le comte Henri Delaborde Bibliothèque de l’Institut, Ms 4683, f° 30
famille était profondément bonapartiste ; il n’eut cepen9
dant pas le temps de laisser profondément sa marque aux Tuileries car il mourut le 23 décembre 1853. Avec le règne de Napoléon III, le
xix e siècle
arriva
au pouvoir : Louis-Philippe, né en 1773, et Fontaine, né en 1762, étaient des hommes formés sous l’Ancien Régime. Le nouvel empereur avait vu le jour en 1808, durant le Premier Empire, tout comme l’architecte qu’il choisit pour remplacer Visconti : Hector-Martin Lefuel, né en 1810.
PREMIER étage
Enfin, par son mariage le 30 janvier 1853, l’empereur
Grand appartement 41. Salon des Gardes 42. Galerie de la Paix 43. Salon de la Colonne 44. Salon des Maréchaux 45. Salon blanc ou salon du Premier Consul 46. Salon d’Apollon ou salon de la Colonne 47. Salon du Trône 48. Salon de Louis XIV servant de salle à manger 49. Galerie de Diane
plaça au sommet de la hiérarchie de la nouvelle cour une jeune femme de vingt-six ans, Eugénie de Montijo, issue d’une famille de la noblesse espagnole. Le choix d’Hector Lefuel est assez déroutant et montre peut-être que le nouvel empereur manquait de relations dans les milieux
REZ-de-chaussée 1. Vestibule Appartement de travail de l’Empereur 2. Salon des Huissiers 3. Salon des Aides de camp 4. Salon du Conseil 5. Cabinet des Dépêches 6. Cabinet de l’Empereur 7. Petit salon de l’Empereur Appartement de l’Empereur 8. Salon des Huissiers
174
espace du pouvoir
Appartement de l’Impératrice 50. Salon des Huissiers 51. Salon vert ou salon des Dames 52. Salon rose ou salon d’Attente 53. Salon bleu ou salon des Audiences 54. Cabinet de travail 55. Boudoir 56. Salle de bains, cabinet de toilette et bibliothèque des papiers d’état 57. Chambre à coucher 58. Après 1868 : nouveau cabinet de toilette
9. Premier salon 10. Deuxième salon 11. Troisième salon 12. Petit salon et dégagement 13. Chambre à coucher 14. Cabinet de toilette 15. Salle de bains et dégagement Appartement du Prince Impérial 16. Grand salon du Prince Impérial 17. Chambre à coucher du Prince Impérial 18. Salle à manger et petits salons du Prince Impérial
Ancien appartement de l’Impératrice (appartement du Prince Impérial à partir du milieu des années 1860) 59. Salon de Mars 60. Salon bleu ou salon des Chambellans 61. Salon des tapisseries 62. Petit salon vert 63. Cabinet de travail
19. Pièces de service et logement de la sousgouvernante 20. Corps de garde et conciergerie 21. Pâtisserie et dépendances 22. Appartement du Grand Maréchal 23. Vestibule de l’Empereur 24. Escalier de l’Empereur 25. Salon des Huissiers 26. Salon de Stuc 27. Appartement du Premier Chambellan 28. Secrétariat du Premier Chambellan
64. Appartement du pavillon de Flore puis du Prince Impérial 65. Grande Galerie 66. Salle des Travées 67. Tribunes hautes de la chapelle 68. Antichambre de la salle de spectacle 69. Foyer de la salle de spectacle 70. Salle pour les spectateurs 71. Scène de la salle de spectacle 72. Appartement du Grand Chambellan
29. Pièces pour les officiers 30. Niveau bas de la chapelle 31. Vestibule de la chapelle 32. Espace sous la salle pour les spectateurs 33. Espace sous la scène 34. Grand appartement du rez-de-chaussée de Marsan 35. Appartement du général Rolin 36. Vestibule de l’Impératrice 37. Salon des officiers d’ordonnance 38. Escalier de l’Impératrice 39. Vestiaire 40. Escalier d’honneur
175
caméléon et inconsistant ou courtisan flexible qui ne révéla sa vraie nature que dans les espaces où il avait la liberté de le faire ? La question reste ouverte, d’autant plus que Lefuel n’a pratiquement rien construit en dehors de ce que lui a commandé Napoléon III et qu’une étude détaillée de son œuvre est encore à faire. En juillet 1861, Lefuel mit son projet à exécution et le divisa en deux campagnes : il reconstruisait d’abord le pavillon de Flore et la partie de la Grande Galerie qui lui était attenante45 ; une fois que ce chantier était avancé, il abattait la seconde partie de la Grande Galerie jusqu’au pavillon Lesdiguières qui marque la jonction avec le Louvre. Le photographe édouard Baldus nous a laissé un compte rendu saisissant, comme un film au ralenti, de la démolition de la première campagne qui s’échelonna du 21 juillet au 3 novembre et dont il prenait un cliché chaque dimanche46 (ill. 277 à 280). Les fondations étaient en travaux durant l’été 1862 et le gros œuvre (maçonnerie et toiture) était achevé en 1864. Une importante équipe de sculpteurs se mit alors au travail (ill. 281), et pour les frontons du pavillon de Flore on fit appel à deux grands noms : Jules Cavelier côté jardin et Jean-Baptiste Carpeaux côté Seine, qui exécuta l’un de ses chefs-d’œuvre : le groupe de Flore47. En juillet de cette même année, la seconde campagne fut entreprise, avec la destruction du second morceau de la Grande Galerie et le creusement des fondations. à cette occasion, un four de tuilier et des fragments de l’atelier de Bernard Palissy furent mis au jour. Parallèlement, le travail de reprise en sous-œuvre était lancé sur les premières travées de la galerie de Diane côté cour d’octobre 1863 à avril 1864. Cette opération consistait à étayer la charpente, puis à détruire toute la face du mur qui se trouvait en dessous pour la remplacer par une maçonnerie neuve et plus solide. La face interne du mur, à l’intérieur du bâtiment, et une partie du remplissage entre les deux faces étaient conservées et également échafaudées au cours de l’opération de remontage du parement extérieur (ill. 283). Ce travail « dans l’embarras des étais », selon l’expression consacrée, était particulièrement long, difficile et donc coûteux ; il permettait cependant de conserver les précieux décors qui ornaient les pièces à l’intérieur. La corniche du reste du bâtiment fut étayée en attendant de subir un sort analogue48.
caméléon et inconsistant ou courtisan flexible qui ne révéla sa vraie nature que dans les espaces où il avait la liberté de le faire ? La question reste ouverte, d’autant plus que Lefuel n’a pratiquement rien construit en dehors de ce que lui a commandé Napoléon III et qu’une étude détaillée de son œuvre est encore à faire. En juillet 1861, Lefuel mit son projet à exécution et le divisa en deux campagnes : il reconstruisait d’abord le pavillon de Flore et la partie de la Grande Galerie qui lui était attenante45 ; une fois que ce chantier était avancé, il abattait la seconde partie de la Grande Galerie jusqu’au pavillon Lesdiguières qui marque la jonction avec le Louvre. Le photographe édouard Baldus nous a laissé un compte rendu saisissant, comme un film au ralenti, de la démolition de la première campagne qui s’échelonna du 21 juillet au 3 novembre et dont il prenait un cliché chaque dimanche46 (ill. 277 à 280). Les fondations étaient en travaux durant l’été 1862 et le gros œuvre (maçonnerie et toiture) était achevé en 1864. Une importante équipe de sculpteurs se mit alors au travail (ill. 281), et pour les frontons du pavillon de Flore on fit appel à deux grands noms : Jules Cavelier côté jardin et Jean-Baptiste Carpeaux côté Seine, qui exécuta l’un de ses chefs-d’œuvre : le groupe de Flore47. En juillet de cette même année, la seconde campagne fut entreprise, avec la destruction du second morceau de la Grande Galerie et le creusement des fondations. à cette occasion, un four de tuilier et des fragments de l’atelier de Bernard Palissy furent mis au jour. Parallèlement, le travail de reprise en sous-œuvre était lancé sur les premières travées de la galerie de Diane côté cour d’octobre 1863 à avril 1864. Cette opération consistait à étayer la charpente, puis à détruire toute la face du mur qui se trouvait en dessous pour la remplacer par une maçonnerie neuve et plus solide. La face interne du mur, à l’intérieur du bâtiment, et une partie du remplissage entre les deux faces étaient conservées et également échafaudées au cours de l’opération de remontage du parement extérieur (ill. 283). Ce travail « dans l’embarras des étais », selon l’expression consacrée, était particulièrement long, difficile et donc coûteux ; il permettait cependant de conserver les précieux décors qui ornaient les pièces à l’intérieur. La corniche du reste du bâtiment fut étayée en attendant de subir un sort analogue48.
La
fin des
Tuileries
286 Panorama de Paris. Incendie des Tuileries, 24 mai 1871 Anonyme Eau-forte gouachée H. 38,5 cm ; l.55,4 cm Musée Carnavalet, HIST GC XX bis B
La
les derniers jours de son existence : le palais de la Légion
plus complète et où la défaite de la Commune, inéluctable,
d’honneur, la Cour des comptes sur le quai d’Orsay, le mi-
se doublait de la certitude que les armées de Versailles ne
nistère des Finances rue de Rivoli, la bibliothèque impériale
feraient pas de quartier (de fait, la Commune compta plus
du Louvre, le Palais-Royal, le palais de la Cité et l’Hôtel de
de trente mille morts). Cette pulsion de la table rase était
Ville connurent le même sort (ill. 286). Une dizaine d’années
renforcée par la structure anarchique par définition de la
Le 24 mai 1871, il ne restait plus des Tuileries que leur struc-
après les événements, des communards les justifièrent
Commune, hostile à toute autorité. Aujourd’hui encore,
ture de pierre (ill. 284). Pendant douze ans, les ruines du
par des considérations militaires : les incendies devaient
on ignore exactement comment la décision de détruire les
château occupèrent le cœur de Paris (ill. 288 à 296), jusqu’à
ralentir la progression des troupes ennemies et permettre
Tuileries a été prise. Y a-t-il eu un conseil le matin entre
ce qu’elles soient définitivement démolies en 1883 après
de créer une nouvelle ligne de défense plus en retrait 4. Si
Jules Bergeret et les principaux acteurs de l’incendie :
un long débat qui hésitait entre trois solutions 7. Le premier
cet argument peut être vrai pour les Tuileries qui bordent
Alexis Dardelle, nommé gouverneur du château par la Com-
parti, qualifié de « restauration », consistait à conserver
les quais de Seine et la rue de Rivoli, deux grandes voies
mune, Victor Bénot et étienne Boudin, respectivement
les éléments du vieux palais ; le deuxième proposait de
de progression en rive droite, il est plus discutable pour
garçon boucher et menuisier, issus des couches sociales
détruire entièrement le vieux bâtiment qui était jugé trop
d’autres édifices. La destruction obéissait à des considéra-
qui formaient la base de la Commune et plus ou moins
endommagé et d’édifier à sa place un monument neuf, qui
tions symboliques : alors que l’ennemi rentrait dans Paris,
autopromus, à l’occasion du siège, à des titres et grades
serait plus ou moins un pastiche de l’ancien (c’est l’idée
il fallait lui signifier que le retour d’un pouvoir autoritaire
militaires élevés ? Jules Bergeret a-t-il au contraire reçu
de la « reconstruction »). Enfin, un très petit nombre de
ne serait plus possible en brûlant le siège du pouvoir exé-
des instructions de l’Hôtel de Ville6 ? Quoi qu’il en soit,
personnes étaient partisanes de détruire le palais et de
cutif : « Les flammes irritées se dressent contre Versailles
ces quatre hommes devaient payer au prix fort leur parti-
ne rien reconstruire. Comment cette idée, au départ très
et disent au vainqueur de Paris qu’il n’y retrouvera plus sa
cipation à la destruction du château : ils furent condamnés
minoritaire, s’est-elle finalement imposée ?
place, et que ces monuments monarchiques n’abriteront
à mort et les deux derniers d’entre eux furent exécutés
plus la monarchie 5. » Enfin, il faut faire la part d’une pulsion
en 1872 et 1873.
de destruction dans un Paris en proie à la déliquescence la
fin des
Tuileries
La destruction des Tuileries : une mort politique
Le système politique qui se mit en place à partir de 1871 était marqué par une profonde ambiguïté : la chambre élue démocratiquement était par réaction contre la Commune très favorable au rétablissement de la royauté en faveur du comte de Chambord, le petit-fils de Charles X. Adolphe Thiers, le président de cette république qui rêvait de se transformer en monarchie, ordonna à Lefuel de travailler à un projet de « reconstruction » des Tuileries dès le mois d’août 1871. Quoique l’architecte affirme n’avoir eu aucune
le Second Empire, de conserver les vieux corps de bâti-
précision sur l’affectation du bâtiment, le projet qu’il dressa
ment qu’il avait originellement prévu de garder en raison
était clairement une habitation pour le chef de l’état, com-
de la beauté des décors qu’ils abritaient et il opta donc
portant en partie sud les logements et en partie nord les
pour une « reconstruction ». Il joignit à son rapport du
services administratifs8. Il restait fidèle à la logique qu’il
12 août 1871 deux perspectives de la main de son assistant
avait adoptée durant le Second Empire et estimait que
Jean-Louis Pascal11, qui utilisait une méthode de dessin
l’incendie avait encore aggravé le mauvais état des vieux
nouvelle : elles étaient tracées et calculées en posant un
bâtiments qu’il envisageait déjà de reprendre entièrement
calque sur des clichés anciens de l’édifice pour « ne pas
pour des raisons de solidité. Durant les premières semaines
tromper » et donner une sorte de vérité photographique
après l’incendie, un ouvrier qui travaillait sur le site fut
à ses propositions (ill. 298). Le corps central des Tuileries
blessé par la chute d’un moellon et, entre le 5 et le 7 juin,
reconstruites était isolé des pavillons de Flore et de Marsan
plus de 50 m de corniche sur le côté jardin s’effondrèrent.
auxquels il était lié par des portiques, idée qui s’appuyait
L’architecte dut procéder à des purges supplémentaires
sur l’autorité d’un texte de l’écrivain Chateaubriand12. Tout
qui venaient accréditer l’idée que le vieux bâtiment était
l’édifice était rebâti sur une échelle plus monumentale
trop fragile pour être restauré . Dans tous les rapports
avec des volumes plus contrastés, mais selon la logique
qu’il adressa à sa tutelle, Lefuel répéta : « le palais est
originelle. Au début de l’année 1873, la reconstruction des
perdu ». De plus, il ne se sentait plus tenu, comme sous
Tuileries fut décidée, comme en témoigne une demande de
9
10
287 Jules Henri Martin
Bergeret, général pendant la Commune Atelier de Nadar, 1871 Négatif, plaque de verre au collodion Archives photographiques, fond Nadar, n0 18321
201
La
fin des
Tuileries
286 Panorama de Paris. Incendie des Tuileries, 24 mai 1871 Anonyme Eau-forte gouachée H. 38,5 cm ; l.55,4 cm Musée Carnavalet, HIST GC XX bis B
La
les derniers jours de son existence : le palais de la Légion
plus complète et où la défaite de la Commune, inéluctable,
d’honneur, la Cour des comptes sur le quai d’Orsay, le mi-
se doublait de la certitude que les armées de Versailles ne
nistère des Finances rue de Rivoli, la bibliothèque impériale
feraient pas de quartier (de fait, la Commune compta plus
du Louvre, le Palais-Royal, le palais de la Cité et l’Hôtel de
de trente mille morts). Cette pulsion de la table rase était
Ville connurent le même sort (ill. 286). Une dizaine d’années
renforcée par la structure anarchique par définition de la
Le 24 mai 1871, il ne restait plus des Tuileries que leur struc-
après les événements, des communards les justifièrent
Commune, hostile à toute autorité. Aujourd’hui encore,
ture de pierre (ill. 284). Pendant douze ans, les ruines du
par des considérations militaires : les incendies devaient
on ignore exactement comment la décision de détruire les
château occupèrent le cœur de Paris (ill. 288 à 296), jusqu’à
ralentir la progression des troupes ennemies et permettre
Tuileries a été prise. Y a-t-il eu un conseil le matin entre
ce qu’elles soient définitivement démolies en 1883 après
de créer une nouvelle ligne de défense plus en retrait 4. Si
Jules Bergeret et les principaux acteurs de l’incendie :
un long débat qui hésitait entre trois solutions 7. Le premier
cet argument peut être vrai pour les Tuileries qui bordent
Alexis Dardelle, nommé gouverneur du château par la Com-
parti, qualifié de « restauration », consistait à conserver
les quais de Seine et la rue de Rivoli, deux grandes voies
mune, Victor Bénot et étienne Boudin, respectivement
les éléments du vieux palais ; le deuxième proposait de
de progression en rive droite, il est plus discutable pour
garçon boucher et menuisier, issus des couches sociales
détruire entièrement le vieux bâtiment qui était jugé trop
d’autres édifices. La destruction obéissait à des considéra-
qui formaient la base de la Commune et plus ou moins
endommagé et d’édifier à sa place un monument neuf, qui
tions symboliques : alors que l’ennemi rentrait dans Paris,
autopromus, à l’occasion du siège, à des titres et grades
serait plus ou moins un pastiche de l’ancien (c’est l’idée
il fallait lui signifier que le retour d’un pouvoir autoritaire
militaires élevés ? Jules Bergeret a-t-il au contraire reçu
de la « reconstruction »). Enfin, un très petit nombre de
ne serait plus possible en brûlant le siège du pouvoir exé-
des instructions de l’Hôtel de Ville6 ? Quoi qu’il en soit,
personnes étaient partisanes de détruire le palais et de
cutif : « Les flammes irritées se dressent contre Versailles
ces quatre hommes devaient payer au prix fort leur parti-
ne rien reconstruire. Comment cette idée, au départ très
et disent au vainqueur de Paris qu’il n’y retrouvera plus sa
cipation à la destruction du château : ils furent condamnés
minoritaire, s’est-elle finalement imposée ?
place, et que ces monuments monarchiques n’abriteront
à mort et les deux derniers d’entre eux furent exécutés
plus la monarchie 5. » Enfin, il faut faire la part d’une pulsion
en 1872 et 1873.
de destruction dans un Paris en proie à la déliquescence la
fin des
Tuileries
La destruction des Tuileries : une mort politique
Le système politique qui se mit en place à partir de 1871 était marqué par une profonde ambiguïté : la chambre élue démocratiquement était par réaction contre la Commune très favorable au rétablissement de la royauté en faveur du comte de Chambord, le petit-fils de Charles X. Adolphe Thiers, le président de cette république qui rêvait de se transformer en monarchie, ordonna à Lefuel de travailler à un projet de « reconstruction » des Tuileries dès le mois d’août 1871. Quoique l’architecte affirme n’avoir eu aucune
le Second Empire, de conserver les vieux corps de bâti-
précision sur l’affectation du bâtiment, le projet qu’il dressa
ment qu’il avait originellement prévu de garder en raison
était clairement une habitation pour le chef de l’état, com-
de la beauté des décors qu’ils abritaient et il opta donc
portant en partie sud les logements et en partie nord les
pour une « reconstruction ». Il joignit à son rapport du
services administratifs8. Il restait fidèle à la logique qu’il
12 août 1871 deux perspectives de la main de son assistant
avait adoptée durant le Second Empire et estimait que
Jean-Louis Pascal11, qui utilisait une méthode de dessin
l’incendie avait encore aggravé le mauvais état des vieux
nouvelle : elles étaient tracées et calculées en posant un
bâtiments qu’il envisageait déjà de reprendre entièrement
calque sur des clichés anciens de l’édifice pour « ne pas
pour des raisons de solidité. Durant les premières semaines
tromper » et donner une sorte de vérité photographique
après l’incendie, un ouvrier qui travaillait sur le site fut
à ses propositions (ill. 298). Le corps central des Tuileries
blessé par la chute d’un moellon et, entre le 5 et le 7 juin,
reconstruites était isolé des pavillons de Flore et de Marsan
plus de 50 m de corniche sur le côté jardin s’effondrèrent.
auxquels il était lié par des portiques, idée qui s’appuyait
L’architecte dut procéder à des purges supplémentaires
sur l’autorité d’un texte de l’écrivain Chateaubriand12. Tout
qui venaient accréditer l’idée que le vieux bâtiment était
l’édifice était rebâti sur une échelle plus monumentale
trop fragile pour être restauré . Dans tous les rapports
avec des volumes plus contrastés, mais selon la logique
qu’il adressa à sa tutelle, Lefuel répéta : « le palais est
originelle. Au début de l’année 1873, la reconstruction des
perdu ». De plus, il ne se sentait plus tenu, comme sous
Tuileries fut décidée, comme en témoigne une demande de
9
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287 Jules Henri Martin
Bergeret, général pendant la Commune Atelier de Nadar, 1871 Négatif, plaque de verre au collodion Archives photographiques, fond Nadar, n0 18321
201
293 Vue du mur
côté jardin du salon des Maréchaux Négatif, plaque de verre au collodion, vue stéréoscopique H. 9,2 cm ; l. 8,7 cm Agence Roger-Viollet, LL 8592 Stéréo
294
Vue du grand escalier de Percier et Fontaine en cours de démolition, prise depuis le palier supérieur Alexis Durandelle, 1883 ? Tirage ancien H. 43,5 cm ; l. 34,5 cm Arch. nat., 285 AP 12, dossier 2, pièce 1049
295 Vue de la chapelle
de Percier et Fontaine prise depuis l’autel Anonyme, 1871-1883 Tirage ancien H. 34,5 cm ; l. 42 cm Arch. nat., 285 AP 12, dossier 2, pièce 1046
Page de droite 296 Vue de la galerie
de la Paix et du mur de refend vers le salon des Maréchaux Jean Andrieu, 1871 Tirage ancien H. 37,5 cm ; l. 29 cm. Arch. nat., 64AJ 286, dossier 25, pièce 12
293 Vue du mur
côté jardin du salon des Maréchaux Négatif, plaque de verre au collodion, vue stéréoscopique H. 9,2 cm ; l. 8,7 cm Agence Roger-Viollet, LL 8592 Stéréo
294
Vue du grand escalier de Percier et Fontaine en cours de démolition, prise depuis le palier supérieur Alexis Durandelle, 1883 ? Tirage ancien H. 43,5 cm ; l. 34,5 cm Arch. nat., 285 AP 12, dossier 2, pièce 1049
295 Vue de la chapelle
de Percier et Fontaine prise depuis l’autel Anonyme, 1871-1883 Tirage ancien H. 34,5 cm ; l. 42 cm Arch. nat., 285 AP 12, dossier 2, pièce 1046
Page de droite 296 Vue de la galerie
de la Paix et du mur de refend vers le salon des Maréchaux Jean Andrieu, 1871 Tirage ancien H. 37,5 cm ; l. 29 cm. Arch. nat., 64AJ 286, dossier 25, pièce 12
Le Palais des Tuileries Guillaume Fonkenell
Résidence d’agrément, lieu de vie des souverains et siège du pouvoir, le palais des Tuileries accompagne l’histoire de France de sa silhouette devenue composite au fil des siècles. Entrepris par Catherine de Médicis, le palais des Tuileries est poursuivi et agrandi par Henri IV. Louis XIV en fait un séjour habitable pour la famille royale et la cour tout entière. Haut lieu de l’Ancien Régime, il est le théâtre de sa chute le 10 août 1792. Mis à sac, le palais retrouve sa splendeur sous l’Empire. Napoléon III y effectue à son tour des travaux titanesques et réalise enfin le grand projet d’unification avec le Louvre. Pris dans les tourmentes de la Commune, les Tuileries sont ravagées par un incendie tragique en 1871. Leurs vestiges calcinés, fantôme du palais au cœur de Paris, ne sont abattus que douze ans plus tard au terme de combats politiques acharnés. Chaque époque est marquée par l’intervention des architectes les plus talentueux : Philibert Delorme, Jean Bullant, Baptiste Androuet du Cerceau, Louis Le Vau, JacquesGermain Soufflot et Ange-Jacques Gabriel, Charles Percier et Pierre-François-Léonard Fontaine, Hector Lefuel… tous œuvrent à la construction, à la transformation et à l’agrandissement du palais, repensant en profondeur la logique du projet pour le compte de leurs prestigieux commanditaires. Grâce à une description et une analyse architecturale du bâtiment au cours des siècles, Guillaume Fonkenell signe avec Le Palais des Tuileries un ouvrage de référence, faisant le point sur les dernières recherches. Le recours à la technologie 3D donne à voir le palais aujourd’hui entièrement disparu grâce à des restitutions virtuelles exceptionnelles, offrant ainsi au lecteur une appréhension renouvelée de ce lieu mythique.
Guillaume Fonkenell, architecte, ancien élève de l’école normale supérieure, agrégé de lettres classiques, est responsable de la section d’Histoire au musée du Louvre. Il est chargé de cours à l’École nationale des chartes et à l’École du Louvre.
49 € Dépôt légal : août 2010
9 782918 371045
www.editions-honoreclair.fr ISBN : 978-2-918371-04-5
Honoré Clair