SOMMAIRE
chapitre 1
La communauté russe de Nice
par Alexis Obolensky
chapitre 2
chapitre 3
chapitre 4
chapitre 5
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La présence russe à Nice au xix siècle La grande époque L’église de la rue Longchamp La cathédrale Saint-Nicolas Nice, terre d’exil après la révolution russe La vie de la paroisse de Nice Des années 1950 à nos jours
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L’église de la rue Longchamp
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par Pierre-Antoine Gatier
Une des premières églises orthodoxes russes en Europe occidentale L’architecture extérieure de l’église Le rez-de-chaussée et la bibliothèque L’église et le sanctuaire L’iconostase et le décor intérieur
La chapelle du tsarévitch
par Luc Svetchine
La mort du tsarévitch Nicolas Alexandrovitch L’architecture de la chapelle du tsarévitch Le décor intérieur de la chapelle
La cathédrale Saint-Nicolas
par Luc Svetchine
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La genèse du projet L’adaptation du projet au site de la villa Bermond Les débuts de la construction Du chantier à l’inauguration La construction : le choix audacieux du béton armé Les acteurs de la construction de la cathédrale L’inauguration de la cathédrale Saint-Nicolas L’architecture extérieure de la cathédrale Le style « vieux russe » Les toitures, par Pierre-Antoine Gatier Les jardins Le décor intérieur La liturgie orthodoxe, par Jean Gueit L’iconostase, par Alexis Obolensky Objets de culte, objets d’art, par Alexis Obolensky
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Le cimetière de Caucade
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par Alexis Obolensky
Histoire du cimetière russe Art funéraire, par Luc Svetchine Promenade...
Bibliographie Remerciements et crédits iconographiques
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Nice, terre d’exil après la Révolution russe La Première Guerre bouleverse la vie de la colonie russe de Nice qui compte, à la veille des hostilités, trois mille personnes ; en 1918, elles ne sont plus que cent cinquante. La Révolution de 1917 provoque un afflux massif de réfugiés.
À la fin des années 20, on dénombre jusqu’à cinq mille émigrés parmi lesquels sont représentées toutes les couches de la société, à commencer par des membres de la famille impériale. Ancien commandant en chef de l’armée impériale pendant la Grande Guerre, le grand-duc Nicolas Nicolaievitch, cousin germain de l’empereur Alexandre III, s’installe à Antibes en 1922. Le grand-duc André Vladimirovitch et son épouse,
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la danseuse Mathilde Kchessinskaia, habitent au Cap-d’Ail, villa Alam. Sous son patronage s’ouvre à Nice, en 1925, le lycée Alexandrino, où l’enseignement est dispensé en russe et en français. Le grand-duc André institue plusieurs bourses couvrant la moitié des frais de leurs bénéficiaires. De nombreux galas, auxquels le directeur des Ballets russes, Serge Diaghilev, prêta en voisin son concours, fournissent une partie des fonds.
Page de droite Cercle des anciens officiers, fin des années 20. Ci-dessous « Souviens-toi de la Russie ». Déjeuner des anciens officiers de l’armée impériale, fin des années 20.
Liste des associations s’occupant d’action sociale en 1927 : – la Société russe de bienfaisance, créée en 1885 ; – l’Office russe des réfugiés, créé par la princesse Catherine Yourievsky à la mémoire de son époux l’empereur Alexandre II ; – le Comité de secours aux citoyens russes ; – la Cantine russe, patronnée par la princesse Charlotte de Monaco, fonctionnant tous les jours rue Longchamp ; – la Société d’aide aux émigrés russes de la Riviera ; – la Société de la Croix-Rouge russe ; – le Comité de bienfaisance franco-russe ; – l’Union des mutilés russes de la Grande Guerre ; – la Société de secours à l’enfant russe, sous le patronage de la grande-duchesse Xénia de Russie ; – la clinique russe Galouzevsky, villa Saint-Cyr, boulevard Tsarévitch ; – un orphelinat à Cannes, des logements bon marché à Nice, une Maison russe à Menton… Associations à buts culturels ou religieux en 1927 : – l’Union des artistes russes organisant des soirées théâtrales, poétiques et musicales ; – la Société des amateurs d’Histoire russe ; – la Bibliothèque russe, rue Longchamp ; – la Société Herzen (salle de lecture) ; – l’école Alexandrino ; – l’Union des officiers russes ; – la Société des monarchistes russes ; – l’Association cultuelle orthodoxe (ACOR), administrant la paroisse. D’autres groupements furent créés par la suite. En 1932 est fondée l’Union des organisations russes à Nice et ses environs, sous la présidence de Paul Démidoff. Elle regroupe, en plus de certaines des organisations citées plus haut, l’Union des pages, l’Union des officiers de la Marine impériale, la société Sokol russe de Nice, l’amicale Kroujok, les Amis du Musée russe à Nice, l’Union des anciens élèves du lycée impérial Alexandre…
Parmi les émigrés, il y a également une forte proportion d’officiers de tous grades. L’armée du général Wrangel, évacuée de Sébastopol en novembre 1920, avait d’abord été parquée sur l’île de Gallipoli, dans le détroit des Dardanelles. Ces hommes, coupés de leur pays, inactifs, désireux d’en découdre et dont les Alliés ne savaient que faire, étaient la cible de la propagande bolchevique, qui, en échange de leur rapatriement, promettait de les amnistier. Ils finirent par trouver refuge un peu partout dans le monde, entre autres à Nice. En décembre 1920, trente navires de la flotte russe de la mer Noire, transportant six mille réfugiés, se retrouvèrent à Bizerte. Certains, à partir des années 19241925, s’installèrent sur la Côte. Tous sont meurtris par les années de guerre, la Révolution, la Terreur et l’exode. Une part non négligeable des émigrés exerce des professions libérales. Mais la plupart ne survivent que grâce à toutes sortes de petits métiers. La région ne possède pas d’industries ou de manufactures et offre peu de ressources. La majorité des émigrés vit dans une grande pauvreté. Devenus apatrides de jure depuis
l’année 1921, les Russes ont de réelles difficultés pour se déplacer et travailler. En 1924, la reconnaissance de l’URSS par la France prive les réfugiés de toute autorité de référence. Pour tous, vivace est l’idée que l’exil n’est que provisoire. À Genève, la Croix-Rouge se préoccupe de la situation de ces centaines de milliers de personnes qui, n’ayant pas renoncé à l’idée de rentrer dans leur pays, ne désirent pas acquérir la nationalité de leur pays d’accueil. Pour tous ces exilés, on crée une carte d’identité leur permettant de circuler en Europe. Le passeport Nansen – du nom du Norvégien Fridtjof Nansen qui en fut l’initiateur – est mis en circulation en 1922 et reconnu par seize pays. Dès 1926, il est validé dans quarante pays. Outre les églises, il y avait eu à Nice, avant la Révolution russe, un consulat permettant de répondre aux différentes demandes administratives. Il cesse d’exister en 1924. Les émigrés tentent tant bien que mal de s’organiser. Il suffit, pour s’en persuader, de parcourir la liste ci-contre, bien loin d’être exhaustive, des associations et organisations recensées en 1927 sur la Riviera. 15
béton de mâchefer pour les parties de remplissage entre le béton armé et les briques. Un peu plus loin, il est même fait mention de béton de pierre ponce, plus léger… Afin de ne pas être en reste, dans une notice datée du 14 décembre 1909, Préobrajensky donnait également une série d’indications relatives à la technique de couverture des coupoles, plans de détails à l’appui. Comme nous l’évoquons par ailleurs, c’est en cours d’exécution que les choses se compliquent : un rapport de l’avocat niçois René Pascalis adressé le 20 juin 1909 au prince Golitsyne fait état d’un litige soulevé au sujet du prolongement des piliers, induit par l’adoption du nouveau dispositif. En effet, les quatre piliers de maçonnerie avaient été exécutés bien avant que les établissements Considère n’aient eu la charge du projet. D’où la nécessité de prolonger ces derniers par des ouvrages
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« intermédiaires » destinés à recevoir les futures coupoles. Sur la bonne exécution de ceux-ci, un différend opposa les ingénieurs Mesnager et Ikavitz, d’une part, et l’entreprise Durandy et Barbet, d’autre part, les premiers arguant d’un « vice d’exécution quant à ces parties », hypothèse farouchement démentie par les seconds. Ces ouvrages, non prévus aux devis initiaux de l’entrepreneur, constituaient autant de « suppléments » malvenus en cette période. Ainsi la Commission reproche-t-elle à l’architecte de « ne pas avoir voulu […] exiger de la Compagnie Considère la présentation des plans, profils et calculs bien avant le commencement des travaux ». Ces tiraillements sont très vraisemblablement à l’origine de la démission de Barbet, le 17 juillet 1909, ce dernier devant supporter assez mal des contrôles incessants, trahissant la mise en doute de ses capacités.
Ci-dessus Coupe de la coupole et plan de la ceinture en béton armé par Nicolas de Ikavitz, architecte. Ci-contre Plan de la base de la coupole par Nicolas de Ikavitz. Page de droite Cette photographie exceptionnelle prise pendant le chantier souligne le mariage audacieux du soubassement en pierre et de la coupole en béton. Vers 1910.
Le corps central
Le corps principal du monument prend naissance sur un socle carré d’environ 20 mètres de côté servant d’assise à un volume central de proportion cubique aux arêtes verticales adoucies, lui-même couronné par deux rangs de kokoschniki sur lesquels s’appuient les tambours coiffés par les coupoles en forme de bulbes. La grande coupole centrale, culmine à près de 50 mètres de hauteur. Par leur position altière, des ouvertures en forme de fentes réparties sur le tambour prodiguent une pluie de lumière irradiant la partie sommitale du grand dôme intérieur. Les tambours des quatre petites coupoles sont aveugles et ne sont pas en relation avec ce même volume. Au centre de l’édifice, la façade est animée sur ses quatre côtés par un système de triples baies réunies sous une coiffe de lobes richement décorés de majoliques, semblant annoncer la présence voisine des kokoschniki1. L’architecture du corps central de la cathédrale ne peut se résumer à la description de sa volumétrie et de ses ouvertures. En effet, la perception
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d’ensemble doit beaucoup à l’assemblage de matériaux, de textures et de couleurs différents : la pierre, la brique, la céramique, la couverture des coupoles. L’emploi de la brique en combinaison avec la pierre blanche autorise des effets de soulignement, d’encadrement, de découpe de surfaces qui apportent élégance et légèreté. L’utilisation de matériaux composites contribue à souligner ces détails architecturaux. Sur la partie inférieure du monument, la blancheur du soubassement en pierre englobe les ouvertures cintrées, dessinant ainsi un mouvement de vagues successives qui se profile sur fond de bardage en brique orangée. La grande frise de majolique turquoise servant de support aux kokoschniki joue simultanément le rôle de couronnement de la partie intermédiaire et de socle de la partie supérieure. La concentration des ornements et l’assemblage des parements composites donnent à l’édifice un caractère festif. 1- L’église de la Résurrection (1687-1713) et l’église de la Trinité (1628-1651) à Moscou présentent des triples baies analogues disposées également au centre de la composition.
Ci-dessous, de gauche à droite Projet de la nouvelle église, façade latérale. Ce projet, parmi les premiers, va subir de nombreuses modifications de détails, notamment dans le dessin des baies. 1903. Autre projet pour la façade nord. Ce projet pour la facade nord montre l’escalier qui avait été prévu pour les deux façades latérales. Seul l’escalier de la façade sud a finalement été réalisé. 1903. Page de droite Vue de la façade sud.
Ci-contre L’une des trois baies ouvragées de la sacristie, sur la façade est de la cathédrale. Ci-dessous Vue de détail des décors en pierre. Page de droite Dessin pour le projet d’une des trois baies de la sacristie. Double page suivante Sur ce détail de la façade ouest, on distingue toutes les techniques employées pour le décor de la cathédrale : majolique, carreaux de faïence, pierre sculptée, métal doré.
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Ci dessus et ci-contre L. A. Pianovsky dessina un grand nombre de projets de tombes et de monuments funĂŠraires. Page de droite Statue de jeune femme ĂŠplorĂŠe ornant la tombe de S. V. Loukianovitch.
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En compagnie d’Alexis Obolensky, marguillier de la cathédrale, de l’architecte Luc Svetchine et de l’architecte en chef des monuments historiques Pierre-Antoine Gatier, l’ouvrage des « églises russes de Nice » expose les connaissances les plus récentes sur l’histoire et l’architecture de ces oeuvres d’art et de mémoire.
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Dès les années 1860, la famille impériale de Russie choisit Nice et ses alentours comme villégiature. Dans son sillage, une communauté russe d’aristocrates, de militaires et d’artistes se forme, rendant bientôt nécessaire la construction d’un lieu de culte orthodoxe. Ce sera l’église de la rue Longchamp puis, au tournant du siècle, la cathédrale Saint-Nicolas et sa remarquable silhouette à bulbes se découpant sur le ciel de la Côte d’Azur. D’autres témoins comme la chapelle du tsarévitch ou le cimetière de Caucade ancrent avec force la présence russe au coeur de la ville. La richesse et la qualité exceptionnelles des archives conservées ont permis de retracer avec précision l’histoire de ces différents édifices et l’aventure de leur construction. L’étude porte plus particulièrement sur la cathédrale conçue par M. T. Préobrajensky, l’un des architectes de la Cour impériale. Mêlant le langage traditionnel de l’architecture russe aux dernières innovations techniques, la cathédrale est un témoin exceptionnel du courant éclectique qui traverse l’Europe artistique du début du XXe siècle.
Églises russes de Nice
Alexis Obolensky
Luc Svetchine
Pierre-Antoine Gatier
Alexis Obolensky, agrégé de l’Université, a enseigné pendant plus de trente ans la langue, la littérature et l’histoire russes à la Faculté des Lettres de l’Université de Nice-Sophia-Antipolis. Depuis 1978, il est membre du « Quatuor Vocal Russe de Nice », interprète de la musique liturgique orthodoxe russe. Peintre et sculpteur, il a réalisé plusieurs céramiques murales pour des églises et des chapelles de la région. Depuis 2004, Alexis Obolensky est marguillier de la paroisse orthodoxe Saint-Nicolas à Nice. Luc Svetchine, architecte à Nice, réalise essentiellement des projets privés de prestige dans les domaines de la maison individuelle et de l’hôtellerie. Remarqué pour ses villas résolument contemporaines, il s’emploie à restructurer et restaurer des bâtiments anciens selon les techniques traditionnelles mises en œuvre pour la rénovation du patrimoine. Il est architecte conseil de Saint-Paul de Vence. Son père André Svetchine, émigré russe installé à Nice depuis 1926 et fils d’un général de l’Armée impériale, était également architecte. En 1985, André Svetchine dirigeait les travaux de restauration de la Cathédrale Saint-Nicolas de Nice, jusqu’à ce qu’elle soit classée monument historique en 1987.
Les Églises de
russes
Nice
24 €
Dépôt légal : janvier 2010 www.editions-honoreclair.fr
ISBN : 978-2-918371-01-4
Honoré Clair
Pierre-Antoine Gatier est architecte en chef des monuments historiques pour les départements des Alpes-Maritimes et du Var et Inspecteur général des monuments historiques au Ministère de la culture et de la communication pour les régions Rhône-Alpes, Lorraine et DOM. Il est par ailleurs membre de l’Académie d’architecture et Président d’ICOMOS France. L’exercice de sa pratique l’a conduit à devenir l’un des spécialistes de la restauration du patrimoine architectural du XXe siècle.