Du bidonville à l'habitat digne - Architectes Sans Frontières

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Du bidonville à l’habitat digne Architectes Sans Frontières La réduction des risques liés à l’environnement pour faciliter l’accès au logement dans les bidonvilles de Marseille 2017-2019

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Du bidonville à l’habitat digne Architectes Sans Frontières La réduction des risques liés à l’environnement pour faciliter l’accès au logement dans les bidonvilles de Marseille 2017-2019


Table des matières Introduction et contexte Introduction Contexte historique Contexte social Contexte socio-politique

Une stratégie territoriale et interpartenariale

9 10 12 14 18 25

Un collectif associatif

26

Une stratégie locale concertée Des axes d’intervention et des valeurs communes

31 35

Un projet pilote Rôle des acteurs

37 45

L’action d’ASF

47

Présentation

48

Méthode Les rapports de visite Les chantiers

53 53 54

L'action d'ASF sur le site pilote des Aciéries Le site des Aciéries L’accompagnement à la maîtrise d’ouvrage Les chantiers « goutte d'eau » Les Workshops

57 59 69 83 87

L'action d'ASF sur l'ensemble des sites Des relevés habités Amélioration des conditions de sécurité

6

107 111 115


Bilan stratégique et méthodologique

125

La capitalisation de l’expérience

126

Bilans Bilan et réorientation de la stratégie interpartenariale Bilan structurel et méthodologique Bilan de la stratégie d’intervention Fiche bilan : l’action sanitaire

133 135 138 140 150

Fiches méthode Fiche méthode : l’accompagnement des habitant·e·s

163 168

Remerciements

187

7


1 | contexte d’intervention

8


1. Introduction et contexte

crĂŠdits : MĂŠdecins du Monde

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1 | Introduction et contexte

Introduction Ce livre synthétise l’action de l’association Architectes Sans Frontières dans les bidonvilles et squats de Marseille. En partenariat avec d’autres associations locales, elle y mène depuis 2016 un accompagnement renforcé des habitants vers le droit commun, permettant l’accès à un logement pérenne. Elle mène des actions de plaidoyer auprès des pouvoirs publics et réalise de s interventions in situ : réduction des risques liés à l’environnement, par l’amélioration des conditions de sécurité et des conditions sanitaires.

Cette publication est le résultat d’une mission de capitalisation de l’expérience d’un an. Elle a consisté en l’accompagnement de l’équipe opérationnelle dans la compilation des données et la mise en place d’outils de suivi, ainsi que dans l’analyse des pratiques. Des entretiens ont également été réalisés auprès de l’ensemble des partenaires avec qui l’association a été amenée à collaborer. La capitalisation avait pour objectif de faire émerger les jalons d’une méthodologie de mise en œuvre des projets, en vue de leur reproductibilité. Ici sera retracée la genèse des interventions, par une évaluation des principales actions, identifiant les difficultés et les opportunités, retraçant les bifurcations et proposant des axes d’amélioration. Il s’agira également de rendre compte de l’évolution des aménagements, depuis la commande jusqu’à la « vie des projets » : leur réception et leur usage par les habitant·e·s. 10

Cet écrit a pour visée la transmission de l’expérience. Il permet à l’association de faire un point sur sa propre méthode, et de la mettre en écho avec les modes d’actions des autres délégations. Il offre également un retour et une évaluation aux différents partenaires impliqués dans le projet, qu’ils aient été associatifs ou institutionnels. Enfin, il s’adresse à toutes les structures qui pourraient être impliquées dans des projets analogues.

Composition Cet ouvrage comprend quatre chapitres. Le premier précise le contexte d’intervention. Elle propose un éclairage sémantique sur l’emploi de la notion de “bidonville” et les enjeux politiques qui y sont associés, et fournit un état de la situation en France et à Marseille. Elle précise également les catégories de l’action publique dans lesquelles s’inscrit l’action d’ASF : celui de l’accompagnement des populations sans-abris


1 | Introduction

crédits : Médecins du Monde

ressortissantes de l’union européennes, et spécifiquement celui des personnes « Roms ou désignées comme telles » habitant les « campements illicites ». Le second chapitre détaille la genèse du projet et des jeux d’acteurs dans lesquels ASF prend place. Il décrit l’investissement de l’association dans un collectif pluridisciplinaire, au sein d’une stratégie territoriale globale de résorption des bidonvilles.

Enfin, le dernier chapitre revient sur la mission de capitalisation de l’expérience : son émergence, la méthodologie mise en place, et les différents outils qui en sont issus.

Le troisième chapitre expose de manière spécifique certaines actions d’ASF, sur des sites sélectionnés. Il restitue la chronologie des interventions, les stratégies développées et l’évolution de la méthode en fonction des contraintes rencontrées.

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1 | Introduction et contexte

Contexte historique Le bidonville : histoire et traitement par les politiques publiques Le terme « bidonville » désigne à la fois une forme singulière d’habitat et une catégorie de l’action publique. Pour donner quelques repères historiques sur les bidonvilles en France et l’action publique associée à son « traitement », nous nous attacherons à retracer l’emploi de son terme au sein des politiques publiques, comme révélatrice des représentations qui y sont associées.

Du « bidonville » au « campement illicite » Apparu à Casablanca dans les années 80 pour désigner une forme d’habitat insalubre au Maroc, le bidonville désigne « en Afrique du Nord, et par extens, dans d’autres contrées, des quartiers urbains ou suburbains, parfois importants, constitués de cabanes faites de matériaux de récupération, en particulier de métaux provenant de vieux bidons »1. Son emploi dans les documents administratifs est associé à la misère et la pauvreté et corrobore des politiques publiques concernant son « traitement », qu’il s’agisse de son « éradication », ou de sa « résorption ». La loi Debré du 14 décembre 1964, dite de « suppression des bidonvilles », autorise l’expropriation de terrains occupés par des bidonvilles pour la réalisation de logements. En 1966, un plan national de « résorption des bidonvilles » est lancé, suivi dès 1967 par les politiques de Résorption de l’Habitat Insalubre (RHI)

1.  Définition du Grand Larousse Encyclopédique de 1930

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qui visent au relogement de toutes les personnes vivant en habitats dégradés. La « suppression » officielle du dernier bidonville est marquée par l’évacuation définitive du bidonville de Nice, le 16 mars 1976. Depuis cette date, le mot disparaît des politiques publiques, et avec lui, la mémoire du bidonville comme forme urbaine présente en France. Dans les années 1990, une forte migration en provenance d’Europe Orientale et des Balkans s’accompagne de la réapparition dans le paysage français d’ensembles de baraquements, similaires à ceux qu’on a pu observer dans les années 1960. Pourtant, ceux-ci ne sont plus désignés comme « bidonvilles » mais comme « campements illicites » par les médias et politiciens. Ce terme, comme plus tard à Calais celui de « jungle »2 , dans son ambiguïté contribue à la marginalisation des populations concernées. La seule qualification d’illicite, c’est-à-dire par opposition au « licite »,

2.  « djangle » étant à l’origine une appellation endogène donné par les habitant·e·s eux·ellesmêmes signifiant « forêt »


Contexte historique

appuie la dimension de trouble à l’ordre public, et justifie le recours à l’expulsion comme seul « traitement ».

Du « bidonville » à la « question Rom » L’idée de « campement » renvoie également à l’idée de « temporaire » associée à un nomadisme présumé des populations qui habitent ces espaces : pour beaucoup, des personnes issues de la communauté Rom, ou désignées comme telles. Le 5 août 2010, une circulaire du Ministère de l’Intérieur illustre l’ethnicisation qui accompagne le débat sur les bidonvilles, en ordonnant « l’expulsion immédiate de 300 campements d’ici trois mois, en priorité ceux des Roms ». Les vifs réactions dans l’opinion publique suscitées par cette affirmation conduiront à l’annulation de la circulaire par le Conseil d’Etat un an plus tard, le 7 avril 2011. Ainsi, le traitement médiatique et politique de la recrudescence du bidonville ne se fait jamais sous le prisme de l’habitat mais tantôt par une approche légaliste (opposition licite/illicite), tantôt sous un angle ethnique. La question des bidonvilles est amalgamée avec ce qui deviendra la « question Rom ».

Pour le réemploi du terme « bidonville »

amplifié par de nouvelles vagues migratoires, de nombreuses associations plaident pour la réhabilitation du terme « bidonville ». En 2010, l’association Romeurope publie une déclaration incitant à parler de « bidonville» plutôt que de « campement illicite »3 , et en 2015, la fondation Abbé Pierre lance la campagne #25ANSBIDONVILLES, où elle s’engage à employer le terme « bidonville » 4 . Les deux structures et les associations signataires militent en vertu de la reconnaissance du bidonville, non pas uniquement comme une installation « illicite » mais bien comme une forme d’habitat à part entière. Admettre que les bidonvilles sont encore présents en France en acceptant de les nommer permettrait de lutter contre les politiques d’expulsions systématiques au profit de solutions de relogement pérennes. Ces deux déclarations s’accompagnent de nombreuses actions de plaidoyer à échelle locale, de négociations institutionnelles et de sensibilisation des pouvoirs publics, dont certaines seront détaillées par la suite. 3.  Source : Romeurope, rapport 2017 [en ligne] Disponible à l’adresse http://www.romeurope.org/ wp-content/uploads/2017/02/Rapport_2017_20propositions-1.pdf 4.  Source : Fondation abbé Pierre, 2016 [en ligne] Disponible à l’adresse http://www.fondationabbe-pierre.fr/nos-actions/sensibiliser-au-mallogement/expulsion-evacuation-des-bidonvilles25-ans-de-politiques-couteuses-et-inutiles

Dès les années 2000, devant l’ampleur d’un phénomène de réencampement 13


1 | Introduction et contexte

Contexte social Roms, tsiganes, repères1 1.  Les données et faits historiques mobilisés dans ce texte sont issus de la formation : « Roms, tsiganes, quels publics pour quels accompagnements », dispensée par l’Association Rencontres Tsiganes et l’association Anthropos Cultures Associées, en 2019, ainsi que de l’ouvrage collectif : Coor. Didier Bonnel, Marie Véronique Raynaud, Collectif Roms de Gardanne, Familles roms, le choix de l’accueil, 2018

Au-delà des problématiques générée par une ethnicisation exacerbée des habitant·e·s, la présence dans les bidonvilles de nombreuses personnes issues de la communauté Roms ou désignées comme telles implique des spécificités d’intervention relatives aux catégories de l’action publique. Nous reviendrons par la suite sur ces spécificités, et notamment sur les enjeux liés au recensement des personnes. Il ne s’agit pas tant de relever ce qui correspondrait à des singularités culturelles que de retracer l’histoire des peuples concernés, de leurs mouvements migratoires, et des politiques - souvent discriminatoires - dont ils ont été l’objet. L’éclairage historique et ethnographique permettra, d’une part, de donner des éléments de compréhension de la manière dont les politiques d’accompagnement se mêlent à des représentations culturelles, de l’autre, de mettre en avant les enjeux de la revendication communautaire au sein du débat public.

De qui parle-t-on ? Les termes de « Roms », « tsiganes », « manouches », sont inscrits dans un flou sémantique reflétant les 14

réalités multiples et complexes qu’ils désignent. Pour mieux les appréhender, il est important de comprendre que ces dénominations sont à la fois exogènes, c’est-à-dire produites par les institutions chargées de l’accompagnement des publics concernés, et endogènes, c’està-dire issues des personnes ellesmêmes, dans la revendication d’une appartenance communautaire. Les appellations exogènes correspondent aux noms donnés par les personnes extérieures à la communauté, et notamment les politiques publiques et médias. Elles font références à des catégories de l’action publique. Les nominations du conseil de l’Europe et des institutions européennes ont beaucoup évolué entre le début des années 1970 et 2004 : « tsiganes et autres nomades », « population d’origine nomade », « tsiganes » « Roms (tsiganes) » « Roms/tsiganes et voyageurs », « Roms et gens du voyage ». Nous ferons une aparté sur l’appellation de « gens du voyage », qui correspond à une catégorie administrative française, désignant la plupart du temps des citoyen·ne·s français·e·s issu·e·s de populations mobiles, dont le déplacement sur


Contexte social

à gauche : clichés réalisés lors d’une campagne photographique de Médecins du Monde

le territoire a été conditionné jusqu’en 2017 par la délivrance d’une carte de séjour. Nous ne détaillerons pas d’avantage cette catégorie, car elle correspond à d’autres réalités institutionnelles et culturelles dont il n’est pas l’objet ici. Parmis les dénominations endogène, « tsiganes » désigne une catégorie générique, englobant trois groupes selon la région de provenance : les « Roms », les « Gitans » et les « Manouches ». L’appellation « Roms » désigne les tsiganes orientaux en provenance de Roumanie, Bulgarie, Hongrie, Slovaquie, Serbie et Kosovo, et représente 85% de la population générale. Les nominations « Gitans » et « Khalés » représentent les personnes en provenance du Sud de l’Europe Ibérique, et les « Sintés » et « Manouches » celles en provenance de

l’Est de l’Europe (Allemagne, Autriche, Bohême, Nord de l’Italie). En 1971, lors du premier congrès de l’union romani internationale à Londres, des mouvements associatifs émergent, revendiquant l’appartenance à une communauté « Roms » désignée par « un ensemble de populations ayant une origine commune. Ils affirment « le droit du peuple Rom à chercher sa propre voie vers le Progrès et appellent au développement d’une langue commune », le Romani. Le 8 avril est depuis ce jour défini comme le jour des Roms, Romano dives. Ainsi, l’endonyme « Rom » désigne à la fois une partie de la population tsigane en provenance des Balkans, et un terme politique revendicatif d’une culture collective. 15


1 | Introduction et contexte

16


Contexte social à gauche : clichés réalisés lors d'une campagne photographique de Médecins du Monde

Roms, tsiganes : repères historiques S’il est difficile d’en retracer précisément les parcours, il est communément admis que la population Rom/tsigane a de nombreux antécédents de persécution, à l’origine de migrations successives au cours de l’histoire. Originaires d’Inde, ils furent, dès le XI° siècle, vendus comme esclaves en Iran et en Irak, puis arrivèrent dans les Balkans au XIV° siècle en suivant l’armée. Au XX° siècle, ils·elles furent l’objet de politiques discriminatoires, comme en témoigne la loi de 1912 sur la circulation des « nomades » et l’instauration des « carnets anthropométriques d’identité », restreignant leurs déplacements. Sous l’Allemagne nazie, ils·elles furent persécuté·e·s et déporté·e·s au même titre que les Juifs·ves, réduisant considérablement leur nombre (de 40 à 90% dans certaines régions), même si, à ce jour, aucun « génocide Roms » n’a été reconnu. En Roumanie, la politique nationaliste menée par le régime Caucescu dès les années 1970 perpétua la persécution des Roms, les maintenant dans une précarité extrême et aux marges de la société.

une nouvelle migration des populations Roms d’Europe Orientale et des Balkans. Celle-ci s’amplifia à partir de 2007 avec l’entrée dans l’Union européenne de la Roumanie et de la Bulgarie. On estime à 17 000 le nombre de Roms en provenance de ces pays arrivés en France entre 2012 et 2013 – nombre toujours stable aujourd’hui. L’intégration des populations Roms s’est vue fortement compromise par l’instauration dès 2007 de « mesures transitoires » à l’égard de la Roumanie et de la Bulgarie. Celles-ci ont considérablement impacté l’accès au droit commun des ressortissant·e·s des pays concernés, restreignant par exemple leur accès au marché du travail. En France l’application de ces mesures ne cessa qu’ en 2014. Aujourd’hui, du fait de l’interdiction de recensement ethnique en France, les catégories de « Roms », « nomades » et « tsiganes » n’ont plus, du point de vue institutionnel, de périmètre défini. Pourtant, dans l’imaginaire collectif, la persistance de l’amalgame entre « gens du voyage » et « Rom » alimente encore l’idée d’un nomadisme des personnes Rom vivant en bidonville.

A la fin des années 1980, la fin des républiques socialistes, et les montées nationalistes concomitantes provoquèrent 17


1 | Introduction et contexte

Contexte socio-politique

Un cadre d’action renouvelée Simultanément aux différentes campagnes de plaidoyer sur la réhabilitation du terme « bidonville », une circulaire interministérielle est publiée le 26 août 2012 relative à « l’anticipation et à l’accompagnement des opérations d’évacuation des campements illicites »1. Première réutilisation du terme dans un document institutionnel, la circulaire propose un cadre d’action renouvelé. Elle présente une série de mesures qui amènent à « dépasser l’approche centrée sur les évacuations » pour envisager « l’amélioration in situ » des lieux de vie, « depuis l’implantation du campement jusqu’à sa disparition, en passant par la prévention des installations » : « Il s’agit de dépasser l’approche centrée sur les évacuations et d’inscrire l’intervention publique dans une dimension plus large, depuis l’implantation du campement jusqu’à sa disparition, en passant par la prévention des installations, et alliant à la fois programmes d’insertion en France, respect des lois de la République et du droit au séjour, actions de 1.  Cf. Ministère de l’Intérieur et al., 2012. Circulaire interministérielle NOR INTK123053C relative à l’anticipation et à l’accompagnement des opérations d’évacuation des campements illicites

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réinstallation dans le pays d’origine et coopération transnationale » Le 25 janvier 2018, est publiée2 une Instruction interministérielle « visant à donner une nouvelle impulsion à la résorption des campements illicites et des bidonvilles », signée par huit ministres. Prolongeant la circulaire non abrogée du 26 août 2012, elle se fixe pour objectif la résorption durable des squats et bidonvilles dans les 5 ans et encourage une mobilisation des outils et des acteurs dès l’installation. Elle s’articule autour de quatre axes prioritaires : • Mettre en place une stratégie territoriale (dès le 1er semestre 2018) • Adapter les solutions en fonction des lieux de vie et des personnes • Lutter contre la grande précarité et assurer le respect des lois de la République • Mobiliser les financements de l’Etat et rechercher des co-financements Le texte donne des directives adressées aux Préfets quant à la manière dont doit être mise en œuvre cette politique de résorption : « Dans

une

action

plus

suivie,

2.  publiée au B.O du Ministère de la Cohésion des Territoires et disponible sur le site circulaire. gouv


Contexte socio-politique

à gauche : clichés réalisés lors d’une campagne photographique Médecins du Monde - Tous droits réservés

l’aménagement d’un site d’accueil provisoire ou d’autres solutions d’hébergement adaptées peuvent être envisagées dans certains cas, dans l’objectif de stabiliser transitoirement les personnes concernées pour favoriser leur insertion. Des solutions de ce type ne peuvent se concevoir que dans un partenariat étroit entre l’Etat et les collectivités territoriales. Lorsque le partenariat local est suffisamment construit, il peut être utile de recourir à la mise en place d’une maîtrise d’œuvre urbaine et sociale (MOUS) pour déterminer et mettre en œuvre les solutions appropriées en matière d’habitat ».

légation interministérielle relative à l’habitat et au logement, ou DIHAL. Elle regroupe différents représentants des services de l’Etat, ainsi que des membres du collectif Romeurope, collectif à l’échelle national regroupant 48 associations qui revendiquent la défense du droit des Roms.

A la suite de cette instruction ministérielle est fondée une instance en charge de la résorption des bidonvilles : la dé-

Si les données précisent que le recense-

La DIHAL a pour mission la réalisation d’un état des lieux national des campements et Grands squats en France Métropolitaine, en lien avec plusieurs correspondants associatifs locaux. En 2019, elle estimait à 17 619 le nombre d’habitant·e·s vivant dans les bidonvilles en France Métropolitaine3 .

3.  Source : Rapport 2017 de la DIHAL

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1 | Introduction et contexte

ment concerne les occupant·e·s de campements illicites, bidonvilles et grands squats, indépendamment de leur origine ethnique, il convient cependant de préciser que ce décompte ne comprend pas les ressortissant·e·s non européen·ne·s, comme par exemple ceux de la « Jungle » de Calais.

Contexte local Il y aurait dans les Bouches-du-Rhône, environ 1300 personnes dans les bidonvilles, réparti·e·s entre les villes de Marseille, Aix-en-Provence, Arles, Aubagne, Marignane et Vitrolles. A Marseille en 2019, l’association Rencontres Tsiganes dénombrait 17 squats et 10 bidonvilles, soit 27 sites au total,

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abritant près de 850 personnes. S’il est courant de différencier les bidonvilles, ensembles de baraquements construits sur des terrains nus, des squats, aménagements de bâtiments existants, la plupart d’entre eux sont hybrides. Ils sont présents dans la plupart des quartiers, en limite de ville, ou dans des zones industrielles désaffectées, avec une concentration plus importante dans les 14 et 15° arrondissements, au Nord de la ville. 18 des sites se situent sur des parcelles appartenant à l’Etat et à des collectivités territoriales, et 9 se trouvent dans le domaine privé. La plupart des sites ont une population de moins de 15 personnes, exceptés 4 grands squats de plus de 60 personnes. Le plus important étant celui de « Cazemajou », avec près


contexte socio-politique à gauche : clichés réalisés lors d’une campagne photographique de Médecins du Monde

de 250 personnes, dans le 15ème arrondissement de la ville.

Populations rencontrées A Marseille, ASF est principalement amenée à travailler avec des membres issus de la communauté Rom ou désigné·e·s comme tels, parmi lesquels beaucoup sont de nationalité Roumaine. Ces populations sont pourtant loin d’être les seules concernées par l’habitat en squat et bidonville sur le territoire. Cette singularité est liée à plusieurs facteurs, parmi lesquels on retiendra principalement l’expertise d’associations impliquées depuis de nombreuses années dans l’accompagnement des personnes tsiganes et Roms, comme l’association Rencontres Tsiganes ou encore l’AMPIL. Ces dernières réalisent un accompagnement minutieux des familles dans leurs parcours de vie, et une veille sur l’évolution des bidonvilles. Un des autres facteurs de cette séparation des publics est la différenciation au sein des Institutions - et principalement du pôle « Résorption des bidonvilles » de la Préfecture des Bouches du Rhône - entre citoyen·ne·s européen·ne·s et non eu-

ropéen·ne·s. Cette catégorisation place de fait, nombre de personnes « hors-radars » : celles issues de la communauté Rom mais non Roumaines (Albanaises, Serbes, Croates), ou encore les populations en situation de migration, non ressortissantes de l’union européenne. La cartographie présentée ci-après est donc lacunaire et mouvante. La crise migratoire que nous traversons actuellement a eu pour conséquence la réapparition sur le territoire de grands squats de ressortissant·e·s non européen·ne·s, amenant la nécessité d’élargir la réflexion sur la définition des sites et des périmètres d’intervention.

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Saint-Antoine Métropole Aix-Mars 60 hab

L’Hermitage Public 30 hab

Saint-Louis RFF 25 hab Madrague Ville de Marseille 45 hab

Littoral Privé 20 hab

Oddo EPF PACA 6 hab Casanova Privé 15 hab Salengro EPF PACA 10 hab

Cazemajou I à IV EPF PACA 260 hab

Marché EPF PACA 15 hab

National Privé 10 hab

Baussenque ?

Brion Privé 10 hab Evacué Octobre 2019

Plombières Ville de Marseille 12 hab Villecroze Privé 60 hab

Perrin Privé 10 hab

Flemming MPM 10 hab

Guigou MPM 17 hab évacué aout19

Athènes Trottoir 15 hab

Patinoire Parking 10 hab

Cantini ERDF 12 hab

Aciéries Ministère Armée 80 hab


bidonvilles squats sites évacués Total : 816 habitant·e·s

Frais Vallon Public 60 hab

Mistral Conseil Général 12 hab Evacué Sept 2019

Caillols France Domaines 10 hab Lamartine Congrégation religieuse 15 hab Evacué Octobre 2019 St Jean Désert Métro Aix-Marseille 10 hab

La Pomme Privé 30 hab

Heineken Privé 30 hab St Marcel Diocèse 11 hab

Saint Menet RFF 30 hab



2. Une stratĂŠgie territoriale et interpartenariale

crĂŠdits : MĂŠdecins du Monde

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2 | Une stratégie territoriale et interpartenariale

Un collectif associatif Un tissu associatif dense Architectes Sans Frontières intervient régulièrement au sein d’un collectif de sept associations actives sur l’ensemble du territoire. Il rassemble des acteurs impliqués dans l’accompagnement de personnes précaires issues de la communauté Rom ou désignées comme telles. Il mène différents types d’actions : une veille et un repérage des sites d’habitats spontanés, un plaidoyer et des négociations avec les pouvoirs publics, et des actions individuelles et collectives tournées vers l’accès au droit commun et au logement.

Architectes Sans Frontières Architectes Sans Frontières Marseille est une des cinq délégations de l’association Architectes Sans Frontières France. Elle appartient au réseau international Architecture Sans Frontières Architectural Network, qui compte 25 membres à travers le monde. Elle est une association à but non lucratif dont l’objectif est « d’apporter une assistance dans tous les domaines relevant de l’art de bâtir, de l’urbanisme et de l’environnement à toutes les victimes de catastrophes naturelles, d’accidents collectifs, de situation belligérante et d’une manière générale, de conditions naturelles défavorables, sans aucune discrimination de race, de position politique, de religion ou de philosophie. »1 L’action s’oriente autour de trois axes : projets (en France et à l’international), sensibilisation et formation. Fondée en 2015, l’antenne Marseillaise agit surtout localement, à la demande d’associations partenaires, sur la thématique de l’habitat en squat et bidonvilles et de l’habitat indigne. Elle réalise la majeure partie de ses actions sur les bidonvilles identifiés par le collectif associatif, même si elle tend à étendre son champ d’intervention à l’ensemble des occupations temporaires. En 2017 et 2019, elle coordonne la formation « Agir contre l’habitat indigne ». 1.

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Définition issu des statuts de l’association


Un collectif associatif

ADDAP 13 L’ADDAP 13 est un groupement associatif agissant dans la prévention spécialisée, la médiation et la cohésion sociale, et l’insertion par l’activité économique. Elle effectue un accompagnement renforcé des personnes vers différents dispositifs d’insertion professionnelle, et organise des chantiers d’insertion par l’activité économique et solidaire.

AMPIL L’Action Méditerranéenne pour l’Insertion Par le Logement, créée en 1992, intervient sur la thématique de l’habitat et du logement à travers de nombreuses missions s’articulant autour de trois axes principaux : permanences/diagnostics/ conseils/médiations juridiques - gestion locative et gestion adaptée - dispositif spécifiques d’accompagnement de publics en grande précarité. En 2007, dans le cadre d’une pratique d’accueil inconditionnel, et suite à une demande de la Fondation Abbé Pierre et de l’État, l’AMPIL a mis en place un dispositif spécifique à destination des familles Roms. La mission Roms, qui a connu plusieurs évolutions et différents dispositifs spécifiques au fil du temps (des besoins et des contextes), accueille et accompagne aujourd’hui des personnes s’identifiant ou étant identifiées en tant que Roms, principalement de nationalité européenne. Cela au travers d’accompagnements à la construction et la mise en œuvre de démarches socioprofessionnelles s’inscrivant dans des projets d’insertion / de vie. L’équipe intervient au travers de démarches socio-administratives et d’accompagnements physiques touchant 6 thématiques principales (accès aux droits, habitat, santé, emploi, scolarité, juridique). Cette mission est structurée en trois axes : l’unité mobile (diagnostics sociaux sur sites et accompagnement social global individualisé), la gestion locative adaptée (31 mesures à destination des ménages issus de bidonvilles), et jusqu’en milieu d’année 2020, une intervention spécifique dans le cadre du projet de stabilisation temporaire de deux sites marseillais. 27


2 | Une stratégie territoriale et interpartenariale

Association JUST Association qui œuvre à l’amélioration des conditions de vie des personnes exclues du marché locatif ou dans de l’habitat dégradé, afin de réduire les risques sanitaires et de prévenir les expulsions. Les régisseurs sociaux qui composent l’association accompagnent les habitant·e·s en apportant des solutions techniques aux problématiques de sécurité et de salubrité sur leurs lieux de vie.

Médecins du Monde Association médicale militante de solidarité internationale (ONG), Médecins du Monde s’engage à soigner les populations les plus vulnérables. A travers son antenne « Mission bidonville », elle met en place un accompagnement et un suivi régulier des personnes confrontées à la vie en squat et en bidonville. Ses objectifs sont les suivants : • Faciliter et améliorer l’accès au soin et aux droits des populations vivant en bidonvilles à Marseille

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Un collectif associatif à gauche : réunion interpartenariale, juillet 2020

• Améliorer la santé materno-infantile : suivi de grossesse, surveillance des nourrissons et des enfants, vaccination des enfants • Témoigner et mobiliser les acteurs institutionnels du champ sanitaire et social via des actions d’information, de témoignage et de lien avec les acteurs concernés (PMI, APHM etc.)

Association Rencontres Tsiganes Créé en 2003, l’association Rencontres Tsiganes s’est donnée pour objectifs de lutter contre les discriminations et dénis de droits dont sont victimes les populations Roms/Tsiganes. Ses actions : Informer les responsables locaux et régionaux de la réalité des besoins et des modes de vie des Roms/tsiganes dans leur diversité et leur complexité, participer à la réflexion et à la mise en œuvre des politiques publiques, développer auprès de l’opinion publique des occasions de rencontres, de débats, faire reconnaître et appliquer les lois et règlement les concernant, informer et accompagner les populations Roms/ tsiganes pour un meilleur accès au droit. Elle dispose aussi d’un centre de ressources, qui a pour vocation de faire découvrir et mieux connaître les cultures tsiganes.

Association paroles Vives Elle se définit comme une association de recherche-action, qui se donne pour objectif de promouvoir la recherche en sciences sociales. Au sein du projet, elle a mis en place une boîte à outils permettant l’autonomisation des familles dans leurs parcours d’insertion professionnelle, via l’apprentissage du français, l’animation d’ateliers pédagogiques, et une approche active et participative qui se module en fonction des besoins des apprenant·e·s.

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1 | contexte d’intervention

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Une stratégie locale concertée

Une stratégie locale concertée Depuis de nombreuses années, plusieurs associations, dont ASF, réalisent une veille et un accompagnement des habitant·e·s, vers l’accès à la dignité et dans les démarches de droit commun sous divers aspects : scolarité, enseignement, santé etc. Défendant la nécessité d’un logement digne, et revendiquant la fin des expulsions systématiques, ces associations formées en collectif à géométrie variable, ont mené au cours des 20 dernières années différentes actions de plaidoyer et de sensibilisation auprès des pouvoirs publics. Depuis le début des années 2000, le collectif travaille à la formalisation d’une stratégie territoriale de résorption des bidonvilles, qui articule les compétences et pratiques des différents acteurs de terrain. Cette dernière prévoit un accompagnement multi-partenarial sur le court et long terme des habitant·e·s des bidonvilles dans leurs parcours de droit commun, avec pour objectif leur accès à un logement pérenne. Elle a pour préalable, la « stabilisation temporaire » des sites, pour une durée minimale de 2 ans.

Une « stabilisation temporaire » comme préalable Dans un rapport publié en 2017, l’association Romeurope pointait l’errance forcée qui constitue la réalités des habitant·e·s des bidonvilles. Elle appuyait le fait que les ruptures de soin et d’accompagnement provoquées par les évacuations répétées entravent l’accès des résident·e·s aux dispositifs

de droit commun, et perpétuent leur précarité résidentielle. C’est de ce constat qu’est née l’hypothèse d’une « stabilisation temporaire » des sites, comme condition si ne qua non à l’élaboration d’une stratégie territoriale de résorption des bidonvilles. Celle-ci consisterait à contractualiser l’installation, à garantir aux personnes présentes la sécurité et l’accès à un minimum de services (eau, douches, électricité etc.), pour une durée minimale de 2 ans1. Le principe de « stabilisation temporaire » n’a pas pour visée de légitimer l’habitat en bidonville, ni de le proposer comme solution à la crise du logement, mais de le reconnaître pour ce qu’il est, réellement : une alternative, faute de mieux, à la privation totale d’hébergement. 1.  Durée basée sur une estimation du collectif associatif comme durée moyenne de régularisation des situations d’accès à un logement.

à gauche : document de l’association Romeurope sur l’errance forcée des habitant·e·s des squats / bidonvilles

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2 | Une stratĂŠgie territoriale et interpartenariale

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Une stratégie locale concertée

à gauche : réunion interpartenariale et documents de travail

Le choix de s’appuyer sur des lieux investis à l’initiative des habitant·e·s constitue un mouvement de reconnaissance et de valorisation des compétences d’auto-installation développées par les habitant·e·s au fil de leurs itinéraires. Cette vision participative revient à considérer les personnes concernées comme motrices de leur inclusion, et à mettre la priorité sur leurs propres capacités d’actions, dans la continuité des interactions qu’elles ont déjà tissées avec leurs territoire d’implantation.

Des actions concertées S’il n’est pas juridiquement défini, le collectif se formalise par la coordination de ses actions : réunions fréquentes, rédaction collective de documents ou encore participation commune à des instances de négociation avec les Institutions.

mutualiser les moyens lors de ses actions. Pour illustrer cette coordination, nous pouvons prendre pour exemple les actions d’amélioration des conditions sanitaires que nous détaillerons par la suite : Médecin du monde participe de l’identification des besoins en installations selon les critères sanitaires puis mène différentes actions de sensibilisation auprès des habitant·e·s. ASF et JUST sont alors chargées du diagnostic technique et de la mise en œuvre des installations. L’association Rencontres Tsiganes et l’avocate Laurence Henry alimentent le plaidoyer « Droit à l’Eau », coordonné à l’échelle nationale, et duquel toutes les associations du collectif sont signataires.

Il mène une veille collective sur l’ensemble du territoire et participe également de la remontée des informations auprès des autorités, au sein des commissions locales (DDCS, Commission résorption bidonville) ou nationale (commission de la DIHAL). Sur le plan opérationnel, le collectif affiche une volonté d’apparaître comme entité aux yeux des habitant·e·s, et de

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2 | Une stratégie territoriale et interpartenariale

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Domiciliation

Droit à l'éducation

Accompagnement dans les démarches administratives

Inscription et suivi des élèves Veille de l'application de la trêve scolaire

Droit à l'hébergement et au logement

Accès aux ressources et à l'emploi

Insertion logement ou logement passerelle (intermédiation locative)

Accompagnement à l’insertion professionnelle et à la formation

Droit à la santé

Droit à la dignité sur les lieux de vie

Ouverture de droits santé Médiation santé Réduction des risques sanitaires

Diagnostics techniques des lieux Réduction des risques liés à l'environnement


Des axes d’intervention et des valeurs communes

Des axes d’intervention et des valeurs communes Les actions menées par le collectif sont basées sur la complémentarité des savoir-faire et un positionnement collectif vis-à-vis des objectifs à atteindre. La stratégie d’accompagnement est strucutée selon 5 axes, qui s’appuient sur les critères indispensables à la construction d’un parcours vers le logement : • Domiciliation : la possibilité de pouvoir attester administrativement d’un lieu de vie, comme premier point d’entrée vers l’accès au droit. • Accès à la santé : la possibilité de se soigner, de disposer d’une couverture santé et comprendre les enjeux propres à sa santé et à celle de son entourage.

• Accès à l’emploi : la possibilité d’obtenir un emploi stable, reconnu, qui permette d’attester d’un revenu régulier et de faciliter l’insertion sociale et l’obtention d’un logement • Accès à l’éducation : la scolarisation sur le temps long des enfants, dans des établissements à proximité de leurs lieux de vie. La possibilité de poursuivre cette scolarisation malgré les impératifs inhérents à la grande précarité • Droit à la dignité sur les lieux de vie : la mise en place de services élémentaires qui garantissent l’accès à un minimum de dignité - accès à l’eau, aux sanitaires, mise en sécurité, gestion des déchets, et la possibilité de vivre dans un environnement qui ne présente pas de risque majeur pour sa santé.

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2 | Une stratĂŠgie territoriale et interpartenariale

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Un projet pilote

Un projet pilote En 2015, dans le cadre de l’application de la circulaire interministérielle de 2012, une commission résorption des bidonvilles est formée, portée par la DDCS (Direction Départementale de la Cohésion Sociale), sous l’égide de la PDEC (Préfète Départementale à l’Égalité des Chances).

Mise en place du projet pilote Le 5 octobre 2016, à la demande du collectif associatif (AMPIL, JUST, Médecins du Monde, Rencontres tsiganes), un groupe de travail est mis en place, présidé par le directeur de la DDCS. Le Préfet demande alors la mise en place de quatre groupes de travail : •

Stabilisation des bidonvilles

Scolarisation

CAF - Ouverture des droits

• Dispositifs d’insertion professionnelle Le 28 novembre 2016, une réunion de travail conduit à la définition des principes généraux de la stabilisation et des critères d’éligibilité des sites : • Terrains locaux appartenant à un propriétaire public • Absence de projet à court ou moyen terme sur la parcelle

• Lieux ne présentant pas de risques majeurs pour les occupant·e·s et où pourraient être mis en place les aménagements nécessaires à des conditions de vie décente •

Absence de conflit avec le voisinage

• Présence d’un groupe stable, n’excédant pas 100 personnes, qui adhère au projet La période de novembre 2016 à septembre 2017 est consacrée aux diagnostics et à la validation des sites. L’AMPIL réalise des diagnostics sociaux auprès des habitant·e·s, afin d’évaluer leurs situations et leurs avancements dans les démarches d’insertion. Le 6 septembre 2017, à la demande de la Préfecture, le Groupement d’Évaluation des Installations Illicites (GEii) effectue une visite des sites en présence des associations, afin d’attester de l’absence de péril sur les bâtiments.

a gauche : génèse du projet pilote et articulation avec le plaidoyer

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2 | Une stratégie territoriale et interpartenariale

Deux sites sont alors retenus comme répondant aux critères de stabilisation :

vier 2018, à la rédaction du document de projet.

Avenue de Saint-Antoine : squat d’une vingtaine de ménages, dans un hôtel désaffecté à proximité de la gare de Saint-Antoine dans le 14° arrondissement, situé sur une parcelle appartenant à la Métropole Aix-Marseille-Provence.

Le 24 janvier 2018, impulsé par le lancement de l’Instruction Interministérielle de la même date, une réunion de l’ensemble des partenaires acte le lancement du « projet de résorption des bidonvilles par un accompagnement multipartenarial renforcé ».

Boulevard des Aciéries : squat de 19 ménages (43 personnes) dans un ancien bâtiment industriel, dans la zone industrielle de la Capelette dans le 11°arrondissement, sur une parcelle du Ministère des Armées

ASF rejoint le projet en novembre 2017, et participe, de septembre 2017 à jan38

Rédaction du protocole-accord La période de janvier à avril 2018 est consacrée à la rédaction d’un protocole-accord, visant à contractualiser le projet auprès des différents acteurs. Il implique de nombreuses instances institutionnelles, dont la Métropole Marseille Provence, l’Agence Régionale


Un projet pilote

a gauche : un comité de pilotage à la Préfecture des Bouches-du-Rhône

de Santé ou encore le Conseil départemental et régional. Le document précise : •

le cadre national et le contexte local

• les objectifs et modalités de mise en œuvre du projet •

le rôle des différents acteurs

les actions à mettre en œuvre

les résultats attendus

• les instances de gouvernement du projet Le 24 avril 2018, un comité de pilotage est organisé avec l’ensemble des instances partenaires pour finaliser la signature du protocole.

Lors de la réunion, la Métropole révèle la réalisation prochaine d’un projet de rénovation urbaine sur l’un des deux sites pilotes : le site de Saint-Antoine, situé sur une parcelle dont elle est propriétaire. Elle annonce que cet événement implique l’annulation de la stabilisation temporaire du site, ainsi que la démolition du bâtiment à compter de février 2019. Enfin, elle déclare se retirer de la signature du protocole-accord, mais s’engage par ailleurs à accorder son soutien à la recherche d’une solution alternative d’hébergement. Face à la situation, le collectif associatif se retire également de la signature du protocole-accord, estimant qu’il ne remplit plus les conditions initiales. 39


2 | Une stratĂŠgie territoriale et interpartenariale

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Un projet pilote à gauche : choix des sites vis à vis de la stratégie globale

Objectif et gouvernance Dès janvier 2018, plusieurs associations sont alors financées pour réaliser l’accompagnement renforcé sur les deux sites pilotes. Le projet a pour objectif de : • Permettre l’occupation temporaire des lieux durant une période donnée (de 18 à 24 mois) • Mettre en place des conditions de vie et accompagnements adaptés • Mobiliser les pouvoirs publics et partenaires en continu sur la durée du projet • Affecter des moyens dédiés pour la réalisation du projet • Mobiliser et engager les pouvoirs publics et partenaires associatifs sur un projet commun Le projet prévoit la mise en place de deux instances décisionnelles : un comité de pilotage et un comité de suivi se réunissant régulièrement.

général et l’évaluation en continu du projet. Il est composé des services et opérateurs de l’État, des collectivités territoriales, des partenaires publics et privés, des associations (AMPIL, Rencontres Tsiganes, Médecins du Monde, Paroles Vives et ASF) ainsi que de représentant·e·s des occupant·e·s. Le comité de suivi est présidé par le Directeur départemental délégué de la Direction Régionale et Départementale de la Jeunesse et des Sports et de la Cohésion Sociale (DRDJSCS), et a pour rôle le suivi technique opérationnel continu des actions. Il est composé de la DRDJSCS, de la référente du conseil départemental, et des associations (AMPIL, Rencontres Tsiganes, Médecins du Monde, Paroles Vives et ASF), ainsi que de représentant·e·s des occupant·e·s.

Le comité de pilotage est présidé par la Préfète déléguée pour l’égalité des chances (PDEC), et a pour rôle le suivi

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2 | Une stratégie territoriale et interpartenariale

Acteurs du projet Au lancement du projet, l’AMPIL est mandatée pour les diagnostics sociaux et l’accompagnement des familles des sites dans leurs démarches d’insertion au logement par l’emploi. A chaque comité de suivi, elle fournit un état des lieux actualisé de l’avancement de la situation. En septembre 2019, l’association recrute un conseiller d’Insertion Professionnel, pour renforcer l’accompagnement dans les démarches d’insertion professionnelle. L’association Paroles Vives est missionnée pour un volet de préparation à l’insertion professionnelle. Après avoir établi un état de la situation, elle accompagne les habitant·e·s qui le désirent dans la réalisation de leurs CV. En fonction des besoins repérés, elle met en place des ateliers, selon une « boîte à outils » : ateliers de français pour l’apprentissage de vocabulaire spécifique à certains champs professionnels, préparations aux entretiens d’embauche. Elle ajuste sa méthode à mesure des besoins,

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et assure une mise en lien avec des entreprises d’insertion professionnelle. L’association Rencontres Tsiganes est en charge de la médiation entre institutions et habitant·e·s Forte de son expérience sur le territoire et de sa connaissance des habitant·e·s depuis de nombreuses années, elle accompagne également le suivi administratif. Médecins du Monde a pour rôle l’accompagnement vers l’accès aux soins, ainsi que la médiation santé. Elle met en place des actions de sensibilisation sur des thématiques spécifiques, selon les besoins repérés. En coordination avec ASF et JUST, elle mène également des interventions d’amélioration des sites, visant à la réduction des risques liés à l’environnement. Par l’embauche régulière de médiateur·trice·s pair·e·s et la présence dans l’équipe d’une médiatrice santé Roumanophone, l’ONG est un maillon essentiel de la communication entre institutions, associations et habitan·t.e·s.


Un projet pilote

ASF dans le projet pilote Depuis 2016, ASF est présente au sein du collectif associatif sur les squats et bidonvilles de Marseille. Elle réalise des diagnostics et différents chantiers sur les lieux de vie, et participe au plaidoyer pour la stabilisation des bidonvilles. A partir de 2018, l’action est soutenue par la Fondation de France, qui renouvellera son partenariat en 2019.

d’un montant de 51 536€. Celui-ci prévoit la mise en place d’un chantier d’insertion pour l’amélioration des conditions de vie, porté par l’ADDAP 13. ASF est en charge de l’accompagnement et du suivi technique des équipes de l’ADDAP lors du chantier. Le premier chantier est lancé en janvier 2019.

En 2019, l’association intègre le projet pilote sur le volet « amélioration des conditions de vie » sur les sites des Aciéries et de Saint-Antoine. Sur ces sites elle est responsable de la coordination des études, de l’élaboration du cahier des charges et de la mise en œuvre des aménagements. Pour réaliser ce projet, l’association obtient deux subventions : • Une subvention de la PDEC Habitat de 50 000€, pour l’amélioration des conditions de vie sur le site des Aciéries. • Le fond d’innovation pour l’Habitat de la Métropole Aix-Marseille Provence,

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2 | Une stratĂŠgie territoriale et interpartenariale

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Rôle des acteurs

Un projet pilote

Rôle des acteurs Accès au droit - Association Rencontres tsiganes Accompagnement juridique Défense des droits Médiation institutions/habitant·e·s

Accès au soin - Médecins du Monde Ouverture de droits santé Médiation santé Réduction des risques sanitaires

Emploi - Association Paroles Vives Chantier d'insertion - ADDAP 13 Réalisation d'un chantier d'insertion Gestion de site Insertion logement

Préparation à l’emploi : repérage de compétences, cours de langue, CV Accompagnement à l’insertion professionnelle et à la formation

Réduction des risques liés à l'habitat - Architectes sans frontières & JUST

Hébergement - logement - AMPIL

Diagnostics techniques de l'état du bâti Amélioration du bâti (réduction des risques) Appui à la gestion collective Régie sociale (JUST)

Diagnostic social Insertion logement Accompagnement à l'insertion professionelle

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3. L’action d’ASF

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3| L’action d’ASF

Présentation En appui du collectif associatif, l’action d’ASF depuis 2017 comprend deux volets : un volet « diagnostic » sur l’ensemble des sites, et un volet « intervention » sur un nombre plus restreint de sites.

Les rapports de visite En collaboration avec le collectif interassociatif, ASF contribue à la veille sur l’ensemble des sites, et à la mise à jour régulière de la cartographie des bidonvilles. Elle produit des « rapports de visite », qui permettent d’attester de l’absence de risques majeurs et de la possibilité d’un maintien de l’installation. Ceux-ci s’articulent avec les diagnostics, sociaux et santé réalisés par les associations, dans la production d’un « diagnostic concerté ». Tous les éléments produits lors des visites nourrissent le plaidoyer : les pièces réalisées sont transmises à l’avocate en charge de la défense juridique des habitant·e·s, et utilisées pour empêcher ou retarder une expulsion. Les informations collectées permettent également d’alimenter les différentes actions d’interpellation des pouvoirs publics ou des médias.

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La réduction des risques liés à l'habitat ASF réalise également des projets in situ sur plusieurs bidonvilles, avec pour méthode un travail de fond qui vise à améliorer les conditions de vie des habitant·e·s par des démarches participatives. La plupart du temps, les interventions sur les sites font suite à des sollicitations des associations partenaires, ou à des demandes formulées par les habitant·e·s. Les interventions s’orientent principalement autour de deux axes : • Réduction des risques liés à la sécurité, en appui des associations de défense des droits des occupant·e·s sans titre. Ce volet s’articule avec des enjeux liés à la stabilisation des sites, et différentes actions sont menées en collaboration avec une avocate, ou l’association Rencontres Tsiganes. • Réduction du risque sanitaire et accès à l’eau, en association avec Médecins du Monde sur le volet santé. Les actions menées dans ce cadre s’insèrent dans une campagne nationale de sensibilisation « L’eau est un droit ! » dans la-


Présentation

quelle sont impliquées près de 30 ONG et associations. La « réduction des risques » correspond à une philosophie qui prend forme dans le champ de la santé et principalement de l’addictologie : en opposition à une approche normative, qui aurait pour objectif la suppression totale d’un risque identifié, la « réduction des risques » consiste à accepter la situation donnée comme « état de fait » et à agir sur les conditions de la situation afin qu’elle entrave le moins possible la sécurité des personnes concernées.

Le squat des « Aciéries » Depuis 2017, le squat dit « des Aciéries » a été un lieu principal d’intervention de l’association. Il est aussi l’un des sites pilote du projet partenarial de la Préfecture. La variété des chantiers et des actions de participation menées sur le site ont permis d’acquérir une connaissance significative des enjeux liés à l’amélioration des conditions de vie et de tester et d’affiner la méthodologie d’action.

Le temps d’immersion, la fréquence des interventions, la diversité des formes et durées de chantiers ont permis d’ajuster la compréhension des besoins et des enjeux. Différentes méthodes de co-conception et de participation ont également été expérimentées, à travers de nombreux ateliers de concertation. Cette expérience permet de faire émerger des éléments de méthode de l’intervention d’ASF, qui ont été réinvestis sur d’autres sites.

Des interventions sur l'ensemble des sites Au-delà des actions menées sur le site des Aciéries, ASF intervient également de manière ponctuelle sur d’autres sites, selon des besoins ciblés, identifiés avec le collectif interpartenarial. Tout d’abord, nous détaillerons l’action de diagnostic et les enjeux des rapports de visites, comme outils effectifs du plaidoyer, puis nous reviendrons sur les interventions d’ASF, sur le site des Aciéries dans un premier temps, sur les autres sites dans un second temps.

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3 | L’action d’ASF sur le site pilote des « Aciéries »

Fiche méthode : l’amélioration des conditions de vie

Etape 1

Etape 2

Etape 2

Etape 3

Premières visites Rapport de visite

Etudes Esquisses

Etat des ressources

Projet détaillé

Rapport de visite

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Premières esquisses

Cahier des charges


Fiche méthode : l’amélioration des conditions de vie

Etape 4

Etape 5

Etape 6

Etape 7

Préparation du chantier

Chantier

Mise à jour du diagnostic

Suivi

Documents d'exécution

Rapport de visite mis à jour

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3 | L’action d’ASF

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Méthode - les rapports de visite

Méthode

Les rapports de visite Lorsqu’un nouveau site est identifié par les associations, une première visite est organisée, afin d’évaluer la possibilité de sa viabilisation in situ et d’ébaucher des préconisations d’améliorations. À cette occasion, un rapport de visite est dressé, issu d’un premier relevé succinct. Il a pour but d’évaluer la possibilité de la viabilisation in situ, et d’ébaucher les premières préconisations d’améliorations des conditions de vie. Il consiste en une analyse technique du bâtiment et de l’environnement, et fait état de l’installation et des risques encourus par les habitant·e·s. Il comprend plusieurs volets : état du bâti, état des installations sanitaires et préconisations d’améliorations. Le rapport de visite constitue l’un des éléments du diagnostic concerté réalisé par l’ensemble des partenaires associatifs sur différents aspects : situation sociale des ménages, avancement dans les démarches d’accès au droit, situations de santé etc.

L’ensemble du diagnostic permet d’évaluer la faisabilité de l’entrée d’un site dans le dispositif d’accompagnement. Ce document est un élément de dialogue avec les pouvoirs publics : il permet d’argumenter en faveur de l’entrée d’un site dans le projet expérimental, ou alors, le cas échéant, d’attester de la dangerosité d’une installation. Il est régulièrement remis à jour, à mesure des aménagements. En cas de litige avec le propriétaire de la parcelle conduisant à une assignation au tribunal des occupant.e.s, il arrive qu’il soit mobilisé comme élément de plaidoyer par les avocat·e·s de la défense des habitant·e·s. A ce jour, des rapports de visite ont été dressés sur la majeure partie des 29 sites identifiés par le consortium associatif, en fonction des demandes des associations et habitant·e·s. Les grands sites, c’est-à-dire rassemblant plus de 60 personnes, font l’objet de visites régulières.

à gauche : exemple d'un rapport de visite réalisé sur le site de « La Pomme »

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3 | L’action d’ASF sur le site pilote des « Aciéries »

Les chantiers ASF met en place différents types de chantiers, aux temporalités et complexités différentes : les chantiers « goutte d’eau », les chantiers écoles et la coordination de chantiers réalisés par des intervenant·e·s extérieur·e·s. Afin d’approfondir les méthodologies des trois types de chantiers, les parties suivantes s’organisent sous formes de fiches, qui détaillent plus précisément certaines actions. Celles-ci indiquent le type de chantier mobilisé, ainsi que la catégorie dans laquelle ils s’implantent.

L'accompagnement à la maîtrise d’ouvrage sur le site pilote Le mode d’action sur le site pilote des Aciéries se rapproche d’un processus d’accompagnement à la maîtrise d’ouvrage de la DDCS, même si le projet ne spécifie pas de « maître d’ouvrage » à proprement parler. ASF accompagne la dans la mise en œuvre du projet d’amélioration des conditions de vie défini par le cahier des charges. ASF a procédé à la réalisation et à la gestion de la mise en œuvre du cahier des charges validé par la DDCS. Les actions réalisées s’orientaient selon quatre axes : amélioration des conditions de sécurité, amélioration du confort thermique, amélioration des conditions sanitaires et réalisation d’un espace collectif.

durée : 3 ans

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technicité : +++++

préparation : 1 an

fréquence : selon cahier des charges


Méthode - les chantiers

Les chantiers « goutte d’eau » Les chantiers « goutte d’eau » sont des interventions mineures (1 à 2 journées) de réparations ou d’aménagement. Ils ont un double usage : proposer une maintenance des équipements, en fournissant des matériaux et de la main d’œuvre nécessaire, et améliorer et affiner la connaissance du site et des usages des habitant·e·s. Des chantiers goutte d’eau peuvent être réalisés sur l’ensemble des sites, à la demande des associations ou des habitant·e·s. durée : 1-2 jours

technicité : +++++

préparation : 2 sem fréquence : 1-2/ mois

Les chantiers école En 2018, ASF a organisé, en partenariat avec l’école d’architecture de Paris-Belleville, la réalisation de deux aménagements sur le site des Aciéries. La dimension pédagogique de ce type de chantier présente un double intérêt : le déploiement de moyens humains, techniques et financiers, rendant possible la réalisation de projets de technicité plus importante et la formation de jeunes architectes à l’intervention en milieu précaire. En 2019, l’expérience a été reconduite pour la construction d’un module sanitaire (douches et station de lavage) : le Lava’blah. durée : 1-3sem

technicité : +++++

préparation : 6 mois fréquence : 1/ an

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L'action d'ASF sur le site pilote des AciĂŠries

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3 | L’action d’ASF sur le site pilote des « Aciéries » A50

Palais omnisport Grand Est Voie ferrée transport de matières

Échangeur place de Pologne 8 min.

12 min.

Déchètterie Marseille Bonnefoy

Parc du 26ème centenaire

Vers Castellane

7 min.

Noyau villageois la Capelette

10 min.

Site du projet les Aciéries

15 min.

Fleuve l’Huveaune

M Rond-point du Prado

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Stade Orange Vélodrome

M Sainte-Marguerite Dromel


Le site des Aciéries

Le site des Aciéries Le squat des « Aciéries » se situe dans une zone industrielle du quartier de la Capelette, dans le 10° arrondissement de Marseille. La parcelle appartenant au Ministère des Armées se compose de deux bâtiments industriels désaffectés, et d’un grand terrain extérieur servant d’aire de ferraillage. Le lieu fait partie des deux sites pilotes du projet d’accompagnement renforcé à la résorption des bidonvilles piloté par la Préfecture. Le bâtiment habité est une ancienne savonnerie. Un premier groupe, de personnes non issues de la communauté Rom, se définissant comme “punk”, habitaient le bâtiment depuis 2016. Elles s’étaient installées dans l’aile Est du bâtiment, mais n’ont pas souhaité rejoindre le programme d’accompagnement. Peu d’échanges ont eu lieu entre les deux groupes.

viron soixante personnes, organisées de manière communautaire : un « chef de platz1 », et organisé en trois sousgroupes tenus par des liens familiaux ou affinitaires2 . Depuis 2016, ASF intervient dans l’accompagnement des habitant·e·s dans l’amélioration des conditions sanitaires et la mise en sécurité du site. 1.  Nom roumain donné par les habitant·e·s pour désigner le squat 2. Ce chiffre est issu d’une étude réalisée en 2017, il change fréquemment en fonction des allers et venues sur les sites

Parmis les autres habitant·e·s on compte trente-cinq ménages, soit en-

à gauche : en haut : ancrage dans le quartier de la Capelette dessin : Marie Cabrol en bas : photographie du site

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3 | L’action d’ASF sur le site pilote des « Aciéries »

Ancrage dans le quartier de la Capelette

En-tête

Titre Texte

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Le site des Aciéries

ci-dessus : axonométrie du quartier de la Capelette. crédit : Actes et Cité, ENSA Paris Belleville

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3 | L’action d’ASF sur le site pilote des « Aciéries »

Fonctionnement du site

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Le site des Aciéries

à gauche : organisation du site des Aciéries. crédit : Actes et Cité, ENSA Paris Belleville

Aire de ferraillage

Emplacement des toilettes

Espace collectif Bâtiment habité

Terrain municipal

Bâtiment désaffecté et interdit d'accès Entrée

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3 | L’action d’ASF sur le site pilote des « Aciéries »

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Le site des AciĂŠries

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3 | L’action d’ASF sur le site pilote des « Aciéries »

Bilan des actions sur les Aciéries

jan

fev

mar

avr

mai

juin

2017 rapport de visite

douches + plan de travail

études d'usage études techniques 2018 descriptif des actions

machine à laver à pédales

plomberie

chiffrage

at. fertile

relevés ENSAB élaboration descriptif des actions

étude...

2019 financement PDEC

équipe renforcée (2 postes)

réparation toiture

document gestion de site

réparation plafonds

relevés ENSAB études Lava'blah études poele à bois

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études electricité

lava'blah


Bilan des actions sur le site des Aciéries documents produits chantiers études jui

aout

sep

oct

nov

dec 2017

réparation fenêtres

études thermiques 2018 cahier des charges

toilettes sèches

réparation toiture

diag amiante

... toilettes sèches

élaboration cahier des charges 2019

finitions lava'blah

étude suivi Lava'blah

chauffe'eau lava'blah

études eau chaude lava'blah

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3 | L’action d’ASF sur le site pilote des « Aciéries »

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L’accompagnement à la maîtrise d’ouvrage

L’accompagnement à la maîtrise d’ouvrage Ecriture du cahier des charges

Etudes

Suite à la validation des sites, ASF a procédé à l’élaboration du cahier des charges détaillant l’ensemble des travaux d’amélioration des conditions de vie à réaliser sur le site des Aciéries. En janvier 2018, des diagnostics amiante et plomb ont été conduits préalablement au lancement du chantier. Le premier chantier a débuté en décembre 2018.

Suite à l’identification des problématiques sur le site, une phase de faisabilité a été enclenchée, afin de définir plus précisément les aménagements à réaliser au vu des différentes contraintes techniques. A cet effet, différentes études ont été menées avec l’appui de techniciens : évaluation des possibilités de raccordement à l’eau, études de sols et de terrain, études d’implantation, études thermiques.

Le cahier des charges initial prévoyait quatre types d’améliorations : amélioration du confort thermique, amélioration des conditions sanitaire, amélioration des conditions de sécurité et création d’un lieu commun Trois principaux chantiers ont été réalisés : la réhabilitation de la toiture du bâtiment, la préparation du chantier électricité, et le raccordement à l’eau d’une salle de bain Des entreprises ont été mandatées pour la réalisation des travaux. La réhabilitation de la toiture du bâtiment a consisté en la réparation des plaques de couverture à l’aide de plaques en fibrociment et silicone, et à la réparation des chéneaux de récupération d’eaux de pluie.

Une étude d’usage a également été réalisée, avec pour objectif une compréhension des besoins et des enjeux de l’intervention sur les lieux de vie. Elle a mobilisé différents outils, comme des enquêtes auprès des habitant·e·s, l’observation participante ou encore l’analyse de l’appropriation spatiale. L’enquête a également fait émerger les compétences sur place, susceptibles d’être sollicitées lors de la mise en œuvre des projets. Ces deux phases d’évaluation ont permis de préciser le cahier des charges, par la réalisation du descriptif quantitatif du projet.

Le cahier des charges prévoyait également l’installation de l’électricité sur le site. à gauche : photographie du chantier de réfection de toiture

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L’accompagnement à la maîtrise d’ouvrage

La mise en place du chantier électricité L’électrification du site a été l’un des projets les plus importants d’ASF sur le site des Aciéries. Il fait suite à un besoin exprimé de manière récurrente par les habitant·e·s, qui s’approvisionnaient grâce à des branchements informels sur l’éclairage municipal. Compte-tenu de l’état des installations, de l’ampleur des besoins (60 personnes) et des enjeux liés à la facturation des fluides, la mise en œuvre d’un tel projet s’est avérée d’une grande complexité. En dépit du fait que le projet n’aie en définitive pas abouti, il est intéressant d’en retracer la génèse, les bifurcations et les réflexions, ayant permis d’expérimenter et d’affiner des méthodes d’identification des besoins, au regards des différents enjeux techniques, politiques et anthropologiques.

Genèse1 La mise en place du projet électricité a connu plusieurs phases. De novembre 2017 à juillet 2018, des premières enquêtes ont été menées, accompagnées de visites d’électriciens sur le site. Elles ont permis la réalisation des premiers plans électricité en collaboration avec l’association JUST, ainsi que la création d’une association d’habitant·e·s. En 1. Certaines parties de cette section (en italique) sont extraites d’une proposition de communication rédigée pour le colloque « Margin, construire les politiques de lutte contre la pauvreté urbaine à partir du terrain ? », auquel ASF a participé les 4 et 5 juillet 2019 à Science Po Paris : L.Jeanjacques, H.Panabières, L.Perdreau, F.Viellot, Un accompagnement renforcé par la stabilisation temporaire : construire l’accès au logement des habitant·e·s de bidonvilles dans le contexte marseillais, 2019

juillet 2018, les études ont été suspendues pour cause de manque de moyens, néanmoins, le projet a été intégré au cahier des charges. En février 2019, la Préfecture annonçait la suspension du projet, suite à des négociations avec le gestionnaire de site, qui émettait des réserves quant à la signature d’une convention d’occupation temporaire. Néanmoins, compte-tenu des besoins du site, il a été convenu de poursuivre les études. Des études d’usages ont été menées, ainsi que de nouvelles études techniques, jusqu’à l’élaboration d’un avant projet détaillé. Le projet est définitivement abandonné en juillet 2019, du fait du manque d’évolution de la situation. 71


3 | L’action d’ASF sur le site pilote des « Aciéries »

Une association d’habitant·e·s Lors de l’établissement du conventionnement avec la Préfecture, l’accès aux fluides, et principalement à l’électricité, a été une priorité du projet d’amélioration des conditions de vie. Dès le lancement des études, s’est posée la question de la facturation, et s’est imposée la nécessité de désigner une entité morale et un compte en banque où adresser les factures. C’est donc assez naturellement qu’est née l’idée de la création d’une association d’habitant·e·s. Dès février 2018, les statuts ont été déposés, actant la création de l’association loi 1901 « La rose des Aciéries ». 72

En décembre 2018, le financement accordé par la PDEC a relancé le projet d’électrification du site, jusque-là suspendu faute de moyens. A cette occasion, ASF a procédé au recrutement d’un prestataire de service, en charge de la mise en œuvre et du suivi de l’association d’habitant·e·s et de la facturation. Le projet électricité comprenait donc d’une part les études techniques relatives à l’installation électrique, de l’autre l’accompagnement des habitant·e·s dans les démarches administratives de création de l’association et du compte en banque associé.


L’accompagnement à la maîtrise d’ouvrage

ci-dessus: sondage pour l’apport d’électricté sur le site

Dans la continuité des études de 2018, une enquête a été menée pour estimer les consommations et quantifier les équipements nécessaires. Cette étude a été l’occasion d’une campagne de sensibilisation des occupant·e·s sur la facturation et a permis d’évaluer si ils·elles accepteraient de participer financièrement à l’installation. L’enquête d’usages réalisée alors a fait émerger le besoin d’approfondir les réflexions sur les dynamiques collectives et les enjeux liés à la précarité de l’installation.

Enjeux liés à l’usage de l’électricité La précarité du contexte, autant du point de vue de la situation économique des ménages, que de l’instabilité du statut de l’occupation a fait émerger des complexités quant à l’électrification du site. D’une part d’ordre administratif : la mise en place d’un système électrique nécessite la mobilisation de différents partenaires institutionnels et commerciaux (banque, fournisseur d’énergie, entreprise de réseaux), suivant un processus lent, souvent dématérialisé, qui impacte la mobilisation des occupant·e·s sur le long terme. D’autre part, d’ordre 73


3 | L’action d’ASF sur le site pilote des « Aciéries »

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L’accompagnement à la maîtrise d’ouvrage à gauche : plan électricité avant et après l'étude d’usages. On observe sur le plan du bas la présence de disjoncteurs différentiels et de compteurs individuels loars que le plan initial ne comprenait qu’un seul compteur pour l’ensemble des logements

technique : par exemple, les contraintes de facturation liées à l’atribution des compteurs et la nécessité d’une installation démontable et transférable sur d’autres sites en cas d’expulsion. ASF a recueilli l’expérience de différent·e·s protagonistes (chercheur·euse·s ou acteur·trice·s associatif·ve·s) ayant participé à l’électrification de sites d’habitats spontanés. Les observations qui suivent sont issues de leurs conclusions et d’entretiens informels menés avec les habitant·e·s à propos de leur adhésion au projet. La mise en place d’un système énergétique au sein d’une communauté qui en a été longuement privée et l’adhésion des habitant·e·s au dispositif lié est source de frottements, caractéristiques de l’émergence d’un système normatif dans un contexte informel. Au regard de certaines structures d’accompagnement, la fiabilité de paiement des factures est considérée comme un indicateur de la capacité à suivre un comportement normatif, et par extension à intégrer un parcours d’insertion. Ainsi, des logiques contradictoires sont à l’œuvre. Lorsque, pour une raison ou pour une autre, la volonté d’intégrer un parcours d’insertion n’est pas établie, des difficultés d’adhésion au dispositif peuvent

être observées. L’hostilité du contexte dans lequel se trouvent les habitant·e·s des bidonvilles vis-à-vis de ce qui représente la norme, peut générer des comportements de défiance, et une réticence à participer à un système considéré comme oppressif, qui se traduirait par les difficultés liées à la facturation (impayés) ou à l’utilisation des installations (surconsommation).

Faisabilité technique La modélisation du projet a demandé une prise de contact avec différentes structures : fournisseurs, banques, services des administrations. De nombreuses démarches ont été menées auprès de différents fournisseurs d’électricité, afin d’estimer les coûts, et les différentes possibilités. Les démarches administratives ont été complexifiées par l’absence d’une contractualisation effective de l’installation, empêchant par exemple la domiciliation de l’association sur le site-même. Une étude de faisabilité technique a été menée avec un électricien. Au total, trois visites ont été organisées, ainsi que de nombreux retours, pour l’élaboration des plans et l’estimation des coûts d’installation.

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3 | L’action d’ASF sur le site pilote des « Aciéries »

Evolution du projet au regard des enjeux L’enquête d’usage a soulevé d’importantes questions sur l’autonomisation et a fait émerger un risque de complexité du système de paiement et de surchage des associations en cas de collecte des paiements. Entre autres risques identifiés, a été noté celui d’un accroissement probable des inégalités au sein du lieu, entre celles et ceux qui auraient la possibilité de payer leur part et les autres. Il a également été pointé un risque de récupération du système par le chef de platz, comme outil supplémentaire de pression sur les habitant·e·s. De plus, l’étude a fait émerger des besoins bien supérieurs à ceux estimés, représentant une hausse significative de budget. L’impossibilité matérielle de fournir une réponse adaptée faisait courir le risque d’une surexploitation des installations, qui aurait pour conséquences un dépassement de la facturation. L’une des problématiques résidait donc dans l’inadéquation entre les besoins réels et les moyens matériels. Pour y répondre, plusieurs solutions ont été envisagées :

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• La pose de sous-compteurs individuels plutôt que d’un seul compteur collectif • Le phasage du projet : une première installation « minimum », comprenant une prise par famille, pour ajuster la méthode de collecte et comprendre les éventuels problèmes liés à la facturation, puis une seconde phase pour compléter l’installation • La possibilité d’une installation partielle, complétée par les familles en fonction de leurs besoins • La formation des habitant·e·s à l’utilisation du disjoncteur général, ainsi que la remise de clés à chaque groupe affinitaire


L’accompagnement à la maîtrise d’ouvrage

Bilan Si l’électrification du site est un point névralgique de l’amélioration des conditions de vie et une demande majeure des habitant·e·s, sa mise en œuvre effective révèle d’importantes complexités.

L’association d’habitant.e.s créée à l’occasion du projet s’est avérée un outil indispensable à une gestion collective et horizontale des lieux d’installation auto-gérés, sur le plan administratif et décisionnel.

Le projet a rencontré de nombreux aléas, liés à l’incertitude des financements et du statut du site. L’absence de contractualisation de l’installation a été un facteur important d’inertie des démarches administratives.

Lorsque le projet a finalement été suspendu, les ressources qui lui étaient attribuées ont été placées dans la proposition de gestion de site par l’association d’habitant·e·s, que nous développerons par la suite.

Les retours d’expériences similaires ont fait émerger les nombreux écueils de l’électrification de lieux d’installation précaires, notamment concernant les risques de surconsommation. Ils ont ouvert des réflexions sur des solutions alternatives, comme le phasage ou la réversibilité de l’installation. La réflexion sur les modes de facturation a soulevé des interrogations sur la légitimité d’une intervention des associations sur la logique économique interne, qui impliquerait la mise en place d’un système de gestion spécifique. Elle met en jeu l’autonomisation des habitant·e·s et la responsabilité des associations dans la garantie et le suivi du paiement.

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3 | L’action d’ASF sur le site pilote des « Aciéries » à droite : schémas présentés aux habitant·e·s concernant les différents modèles d’associations possibles

Le projet de gestion de site par l’association « La Rose des Aciéries »

En février 2019, le Ministères des Armées, propriétaire du terrain, a formulé la demande de désignation d’un gestionnaire de site, comme condition nécessaire à la contractualisation de l’installation. En réponse, les associations ont choisi de proposer l’association « La Rose des Aciéries », comme gestionnaire de site et signataire de la convention d’occupation temporaire. Un travail de concertation a été effectué avec les habitant·e·s pour la mise en œuvre de cette proposition.

Réflexions préalables L’objectif de la proposition était de permettre aux habitant·e·s de disposer de la responsabilité de la gestion de leur lieu de vie. Un enjeu majeur reposait dans la prise en compte des hiérarchies organisationnelles : il était indispensable que le système proposé ne favorise pas le renforcement de l’emprise du chef de platz sur les habitant·e·s, lui offrant un moyen de pression supplémentaire. Afin de conserver une horizontalité décisionnelle, l’une des pistes envisagées a été de proposer une structure collégiale d’association, où chaque membre équivaudrait à une voix. Dans un modèle plus traditionnel, il a été proposé que la composition du bureau comprenne des représentant.e.s de chaque groupe affinitaire. Afin que les occupant·e·s se saisissent pleinement de ces problématiques et prennent une décision éclairée, 78

un atelier de concertation a été organisé. Les objectifs étaient doubles : informer sur les négociations en cours et les enjeux liés à la gestion de site et récolter un accord sur la proposition de gestion, en vue de la rédaction d’un document à soumettre à la DDCS.

Déroulé de la réunion Afin que l’atelier rassemble le maximum de personnes, il a été décidé qu’il se tiendrait de 10h à 13h, moment de la journée où les habitant·e·s sont le plus nombreux·se·s. Pour la communication de l’évènement, un document traduit en Roumain a été affiché sur site, précisant la date et l’heure de rendez-vous, ainsi que l’ordre du jour. Le jour J, quasiment tous.te.s les habitant·e·s se sont présenté·e·s. L’ensemble des associations partenaires était également présente.


L’accompagnement à la maîtrise d’ouvrage

L’associa�on des habitants « Les Roses des Aciéries » aujourd’hui

President: Victor Rostas Vice-president: Sorin Moldovan

Tresoriere: Eleonora Rostas Vice tresorier: Lucian Moldovan

Secretaire: Anrita Sunita Koha

Vice secretaire: Dani Cos�ca

L’associa�on “Les Roses des Aciéries” après : proposi�on numéro 2 La forme collégiale : tout le monde est à la même place

Membres ac�fs: tous les habitants des Acieries

Membres dhonneur: les associa�ons

Associa�on Les Roses des Acieries

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3 | L’action d’ASF sur le site pilote des « Aciéries »

Le parcours d’un habitant avec l’associa�on « Les Roses des Aciéries »

Je par�cipe a laccompagnement:

Jhabite aux Acieries

La conven�on est signee avec lArmee

Je dois faire par�e de lassocia�on "Les Roses des Acieries" pour con�nuer a habiter ici et faire le travail dinser�on avec les associa�ons

Je suis responsable comme tous les membres de lassocia�on que tout se passe bien ici

Dans un souci de circulation et de répartition équitable de la parole, plusieurs séquences avaient été prévues, dont certaines en groupes réduits, afin que chacun·e puisse poser ses questions. La réunion trois temps :

était

organisée

en

• Un premier temps en groupe collectif, avec pour but d’informer de l’état de la situation et des négociations en cours avec le propriétaire de site, ainsi que de leur impact sur le projet pilote. La traduction était assurée par une médiatrice de Médecins du Monde. • Dans un second temps, l’assemblée a été répartie en quatre sous-groupes, permettant d’aborder plus en détail les modalités de gestion de l’association. 80

- les cours de francais avec Elodie et Alice de Paroles Vives - La sante avec Claudia de Medecins du Monde - la domicilia�on, la CAF.. avec Angele de lAmpil - la recherche de travail avec Serge de lAMPIL - lacces aux droits avec Caroline de Rencontres Tsiganes

Si tout se passe bien, je trouve un travail qui me permet davoir apres un logement

En qui�ant les Acieries, je qui�e aussi lassocia�on et je ne suis plus responsable de ce qui sy passe

Des supports explicatifs contenant des schémas et traduits en Roumain avaient été préparés et distribués à chaque groupe. Un·e traducteur·trice par groupe avait été désigné·e parmi les habitant·e·s. ASF assurait la médiation et passait de groupe en groupe pour inviter à poser des questions. Ce temps collectif en assemblée restreinte a permis de faire émerger la parole de personnes qui ne se sentaient habituellement pas légitimes d’intervenir en groupe entier. • Le troisième temps était consacré aux débats collectifs et à la prise de décision par vote à main levée. • Un quatrième temps avait été prévu le lendemain, pour la validation définitive de la proposition. Celui-ci n’a pas été nécessaire puisque la décision dé-


L’accompagnement à la maîtrise d’ouvrage à gauche : schéma présenté aux habitant·e·s sur les enjeux de la reponsabilité du lieu de vie

finitive avait été adoptée à l’unanimité lors de l’assemblée collective.

au sein d’un projet pilote, dont il sont à priori les « bénéficiaires ».

Suite à la concertation, un document de proposition de gestion de site a été rédigé par les associations, avec l’appui de l’avocate Laurence Henry et transmis à la DDCS, en charge des échanges avec le ministère des Armées.

S’il·elles ont été concerté·e·s à l’initiative des associations, ils·elles ne sont pas inclus·e·s dans les démarches de rédaction de la convention, ni dans les négociations avec le propriétaire de site. Les associations se portent garantes d’assurer la traduction des besoins en enjeux politiques. Dans ce processus, la multiplication des interlocuteurs·trices est une des causes de l’inertie importante de la prise de décision. Le document parvenu à la DDCS n’a par ailleurs pas été transmis au Ministère des Armées. Celui-ci a orienté son choix sur la mobilisation d’un opérateur professionnel comme gestionnaire de site : l’Addap 13. Le groupement associatif a été mandaté pour la gestion de site, la sécurisation du bâtiment ainsi que pour l’organisation d’un chantier d’insertion. La mise en place de la convention d’occupation temporaire était toujours en cours début 2020.

Bilan La proposition d’une association comme gestionnaires de site avait pour objectif de redonner aux occupant·e·s la responsabilité de la gestion de leurs lieux de vie. La concertation a été organisée dans l’optique d’outrepasser les structures hiérarchiques en place, et de faire place à une décision éclairée et horizontale, ce qui semble avoir été une réussite, puisque la décision a été adoptée à l’unanimité. Ce temps d’échange a ouvert des débats au sein des habitan·t.e·s sur les enjeux liés à la responsabilité des lieux de vie partagés. Dans l’incertitude du contexte de négociations avec les partenaires institutionnels, des difficultées ont été constatées pour exposer la complexité des enjeux de responsabilité juridique aux habitant.e.s, qui ne sont pas familier·ère·s de ces dispositifs. La proposition de gestion de site et le processus d’élaboration du document a également soulevé des questionnements sur la prise en compte des habitant·e·s

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3 | L’action d’ASF sur le site pilote des « Aciéries » Diagnostic

traces d’infiltration humidité

dalles de plafond manquante

câbles à nu

Fenêtres cassées

espaces de stockage

Pistes d’amélioration

isolation et étanchéité réparation de toiture et complément des dalles

prévention du risque électrique protection des cablages

isolation remplacement des vitres cassées

protection contre l’humidité dessin de mobilier avec portes, pour la protection des vêtements ou la conservation des denrées alimentaires

optimisation de l’espace mobiliers suspendus dégagement des surfaces de tables

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Amélioration des conditions de vie

Diagnostic et pistes d’amélioration dans un appartement sur le site de la Capelette en vue du chantier «Préparation de l’hiver»


Les chantiers « goutte d'eau »

Les chantiers « goutte d'eau » Sous-titre Philosophie des chantiers « goutte d’eau » L’appellation « goutte d’eau » renvoie à une succession de chantiers courts, nécessitant peu de moyens, souvent réalisés dès les premières études. Il peut s’agir d’installations ou de réparations mineures, en coordination avec l’association JUST, de fourniture de matériel, ou encore d’actions concertées en amont des chantiers (actions de nettoyage, sensibilisation). Les chantiers « goutte d’eau » sont réalisés à la demande des associations ou des habitant·e·s suite à l’identification d’une situation spécifique. Par leur rapidité de mise en œuvre, ils s’apparentent davantage à ce qu’on pourrait qualifier d’intervention d’urgence. Au-delà de leur objectif de réponse à un besoin urgent, ils permettent également d’affiner la connaissance du site et d’établir des premiers liens auprès des occupant·e·s. Pour cette raison, ils mobilisent fortement les habitant·e·s : ils sont davantage conçus comme des actions d’accompagnement et de renforcement des compétences.

Compte-tenu du peu de moyens qu’ils suscitent, les chantiers « goutte d’eau » ne peuvent se faire sans une forte mobilisation des ressources sur place : compétences des habitant·e·s, circuits de réemploi. La technicité du chantier à réaliser joue un rôle déterminant : elle est garante de l’investissement des habitant·e·s dans le chantier, puis dans l’entretien les aménagements sur le long terme. Ils s’accompagnent bien souvent d’une action de sensibilisation à la thématique déployée.

Chantier de réparation de fenêtres

En novembre 2017, un chantier de réparation de fenêtres a été réalisé sur le site des Aciéries. Il s’agissait d’effectuer le remplacement des carreaux manquants par des carreaux de plexiglas afin d’optimiser le confort thermique. L’étude préalable à ce chantier a nécessité une consultation des familles, indépendamment les unes des autres, au sein même de leur logement. Ce micro chantier a donné lieu à une sensibilisation à l’optimisation thermique, et sa faible technicité a permis aux habi-

à gauche : un relevé d'un appartement en vue d'un chantier goutte d'eau

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3 | L’action d’ASF sur le site pilote des « Aciéries »

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Les chantiers « goutte d’eau »

"

C’est là qu’on a réfléchi à l’idée des chantiers « goutte d’eau » : des mini chantiers dans lesquels les habitant·e·s étaient invité·e·s à participer, pour rentrer en lien avec eux. On disait aux bénévoles de ne jamais travailler entre eux·elles et d’aller chercher les habitant·e·s pour faire des binômes : pour être soudés, il n’y a rien de mieux que couper du bois ensemble.

"

Récit de Lucia tant.e.s de réaliser par la suite à leur initiative les améliorations thermiques de leurs logements. Parce qu’il touchait aux logements, le chantier de réparation de fenêtres a permis d’établir un contact spontané avec les habitant·e·s, libéré·e·s d’éventuelles interférences avec les systèmes hiérarchiques en place.

Chantier d’amélioration des poêles à bois

Au sein des logements, le chauffage est assuré par des poêles à bois, fabriqués à partir de chauffe-eaux recyclés et de tuyaux de cheminées. Réalisés par les habitant.e.s lors de leur entrée dans les lieux, ces dispositifs s’avèrent efficaces et économiques, essentiels au confort thermique des lieux. Selon leur utilisation, ils peuvent cependant générer des risques pour la sécurité des personnes : risques incendies si positionnés trop près de matériaux inflammables, risques de déperdition

de chaleur du logement du fait du trou percé dans la façade pour l’évacuation, ou encore risques pour la santé liés aux matériaux de combustion utilisés et à l’émission de monoxyde de carbone. Ces problématiques ont fait émerger la nécessité d’une campagne de sensibilisation, et d’un accompagnement pour l’optimisation des installations. Dans un premier temps, ce chantier a consisté en un repérage des installations dans chaque logement, et une estimation des besoins, ainsi qu’en l’identification des risques potentiels de chaque installation. Dans un second temps, des préconisations ont été établies, traduites sous forme de schémas et présentées aux habitant·e·s. Dans la continuité de cette action, un chantier d’une journée a été organisé, en collaboration avec l’association JUST pour proposer des réparations mineures aux personnes intéressées.

à gauche : photographies du chantier de réparation des carreaux de fenêtres

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Les workshops - L’atelier fertile

Les Workshops L’atelier fertile En juin 2018, se met en place le partenariat entre Architectes Sans Frontières et le master Architecture de la résilience de l’ENSA Paris Belleville.

Analyse Dans un premier temps, les 12 étudiant·e·s du master ont mené une analyse sur plusieurs sites : Saint-Antoine, les Aciéries et Cazemajou. Après une première visite, un relevé sensible a été établi, menant à la production d’un diagnostic et à la formulation de préconisations. A la suite de ces études, des propositions d’aménagements ont été faites sur un des sites sélectionnés : celui des Aciéries.

Conception Le 25 mai 2019, un premier atelier de concertation a été conduit sur le site, grâce à l’appui d’un médiateur pair de Médecins du Monde, pour présenter les six projets des étudiant·e·s. Plusieurs programmes étaient proposés : modules sanitaires (douches, toilettes),

ressourcerie, espace de jardinage, marché. La plupart proposaient la construction de modules externes au bâtiment existant. La concertation a fait émerger la nécessité de s’appuyer sur les équipements existants au sein de bâtiments. Au-delà du workshop, cette conclusion a notamment appuyé un chantier de raccordement des sanitaires du bâtiment par ASF. Ainsi, le projet d’ « Atelier Fertile » sélectionné était une adaptation de la proposition « Interface » faite par les étudiant·e·s. Cette dernière consistait en la construction d’un espace collectif pour l’organisation de rencontres, d’événements et d’ateliers, permettant de renforcer les liens sociaux entre habitant·e·s, et entre habitant·e·s et associations.

à gauche : atelier de concertation de l’atelier fertile

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Les workshops - L’atelier fertile

Dans la continuité de la concertation, le programme a été défini comme tel : • Réhabilitation d’un hangar situé au centre du bâtiment, jusqu’ici non utilisé • Réalisation de mobilier léger pour animer et rendre identifiable le lieu : assises, tablettes, marquage du seuil par des jardinières Une levée de fond a été organisée par le biais de l’association « Les Petites Pierres » pour financer le projet et les déplacements des étudiant·e·s. Pour assister les étudiant·e·s dans la réalisation technique, ASF a fait appel à la Caravanade, atelier mobile de construction de bois conçu par Yes We Camp.

Chantier Le chantier a duré une semaine, durant laquelle l’équipe d’ASF assurait la médiation avec les habitant·e·s, ainsi que l’approvisionnement du chantier en matériaux et la logistique des repas. Les habitant·e·s ont apporté leur contribution à la réalisation de repas au quotidien. Ces dernier·ère·s ont contribué de manière active et ont été force de proposition, notamment en fournissant la peinture et en repeignant le hangar en prévision du chantier.

Bilan Deux ans après sa réalisation, l’expérience de l’Atelier Fertile présente un décalage entre usage prévu du lieu et l’usage effectif. En effet, la salle n’a presque jamais été utilisée par les habitant·e·s mais appropriée par le chef de platz pour de la location évènementielle (mariages, anniversaires). Pour valoriser son ouverture, deux évènements publics ont été organisés : la projection du film « 8, avenue Lénine», peu après l’inauguration de la salle, et celle du film « Gadjo diLo», lors du second workshop en 2019. Ce détournement d’usage a fait émerger un point de vigilance dans l’identification des logiques internes d’emprise, et un besoin d’anticipation des conséquences possibles de l’action des associations sur le renforcement des inégalités structurelles. L’expérience a éclairé l’importance de la consultation des habitant·e·s tout au long du processus de conception, et de la multiplication des allers-retours, entre habitant·e·s, étudiant·e·s et membres associatifs.

à gauche : photographies du chantier et de la Caravanade. crédit : Yes we Camp

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Les workshops - L’atelier fertile

crédits : Actes et Cité, ENSA Paris Belleville

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Les workshops - L’atelier fertile

crédits : Actes et Cité, ENSA Paris Belleville

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3 | L’action d’ASF sur le site pilote des « Aciéries »

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Les workshops - L’atelier fertile

crédits : Actes et Cité, ENSA Paris Belleville

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PROJET

FINALISATION DU PROJET

PREPARATION WORKSHOP

WORKSHOP

3 | L’action d’ASF sur le site pilote des « Aciéries »

24 - 29 juin

04 - 09 juin

Visite 3

Construction du Lavablah

Appel à don

Les petites pierres Objectif : 9315 €

juin Présentation informelle des projets aux habitants

29 mai

20 mai

Sélection du projet construit Le Lavablah

17 mai

Rendus des projets

9 - 10 mai

Visite 2

Présentation des projets aux habitants

mai Retours de l’équipe ASF sur les analyses

26 avril

(prévu) Présentation des analyses aux habitants

Rendus des analyses

ESQUISSE

24 avril

Design thingking

05 avril

Rendu des analyses 1eres esquisses de projet

ANALYSE

avril

Visite 1 14 - 15 mars

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Analyses des 3 sites : Aciéries, L’Hermitage et La Pomme


Les workshops - Le Lava’blah

Les workshops Le Lava’blah Dans le cadre de l’amélioration des conditions sanitaires, le partenariat avec l’ENSA Paris Belleville a été reconduit en 2019, pour la construction du Lava’blah, un module sanitaire composé de quatre douches et d’une station de lavage.

Analyse et esquisse Comme lors du premier workshop, une première phase d’analyse des sites a été menée. Lors d’une première visite, les étudiant·e·s réparti·e·s par groupes se sont rendu·e·s à La Pomme, l’Hermitage et aux Aciéries, pour y effectuer des relevés et enquêtes d’usages. De la même manière qu’en 2018, c’est le site des Aciéries qui a été privilégié pour la réalisation du projet, du fait de l’appui de la PDEC par un apport de financements supplémentaires. Suite au choix du site, différentes phases de conception ont été conduites. Un cahier des charges a été réalisé, en lien avec les objectifs de la PDEC, priorisant l’amélioration des conditions sanitaires. La première phase de conception a été menée au sein des locaux de l’ENSA Paris-Belleville, selon une méthode de Design Thinking : il s’agit d’un moment de conception intensif et rapide ayant pour objectif l’ouverture de l’éventail de solutions envisagées, puis sa réorienta-

tion progressive en fonction des besoins identifiées. La séance a eu lieu dans les locaux de l’école, durant une journée à laquelle deux membres d’ASF ont participé pour apporter leurs retours. La première esquisse a été présentée aux habitant·e·s lors d’une seconde visite des étudiant·e·s sur site les 9 et 10 mai 2019, avec pour objectif la définition du programme. Différents scénari ont été affichés sur le site et commentés par les étudiant·e·s lors d’une journée de restitution. Les planches avaient été réparties sur des tables installées en extérieur, et présentées à chaque habitant·e qui passait à proximité. ASF assurait un rôle de passerelle, en apportant un support à la compréhension et en sensibilisant à la lecture des documents.

La démarche itérative Suite au bilan du premier workshop en 2018, une méthode avait été envisagée afin de favoriser la participation des habitant·e·s à la conception.

à gauche : calendrier du projet et processus de démarche itérative

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3 | L’action d’ASF sur le site pilote des « Aciéries »

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Les workshops - Le Lava’blah

La démarche itérative est une méthode de conception évolutive qui a pour objectif d’améliorer l’adéquation du projet final aux besoins. Elle consiste en un découpage du processus de conception une alternance d’étapes de réalisation et d’évaluation, permettant un réajustement constant en fonction des objectifs finaux. Ce séquençage permet la prise en compte de facteurs mouvants, comme l’évolution des conditions de vie (accès au fluide, situation des familles) ou les contraintes techniques du site (évacuation, nature du terrain). Il permet également d’offrir des espaces de participation aux habitant·e·s à différentes étapes de réalisation du projet, et de favoriser la prise en compte de cette participation dans la définition du programme. Les membres d’ASF avaient réalisé un protocole qui prévoyait différentes étapes de présentation du projet aux habitant·e·s, afin d’obtenir leurs retours. Les rendus intermédiaires des étudiant·e·s devaient être transmis aux membres d’ASF et communiqués lors d’ateliers de concertation sur sites (voir frise chronologique). Il était prévu que les étudiants envoient leurs projets en amont de la construction afin que ceuxci soient présentés aux habitant·e·s. En définitive, différents décalages de planning ont entravé l’application de

la démarche itérative, ne permettant pas aux membres d’ASF de présenter les projets à temps. De fait, nombres de décisions ont été prises en amont, sans concertation préalable. Néanmoins, les membres d’ASF se sont efforcé·e·s d’apporter des éléments de retours du terrain sur les projets réalisés, suite à des présentations informelles auprès des habitant·e·s. Certains de ces retours ont eu des répercussions spatiales, comme la répartition homme-femme, ou la pose de bacs de lavage suffisamment grands pour accueillir le linge.

Projet détaillé Le projet retenu, le Lava’blah consistait en un module sanitaire, comprenant quatre douches et un ensemble de points d’eau équipés de bacs de lavage. Ces derniers avaient pour objectif la réponse à une activité économique importante sur le site : le lavage des vêtements glânés avant d’être revendus aux marchés au puces. Le module devait s’implanter sur le terrain extérieur, de manière à être visible et facilement accessible par tous.t.e.s. La seconde phase de conception consistait en l’affinage programmatique et l’approfondissement technique de la proposition, jusqu’à la planification de la réalisation. Cette phase a été en-

à gauche : conception du projet en atelier - crédit : Actes et Cité, ENSA Paris Belleville

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Les workshops - Le Lava’blah

cadrée par un artisan menuisier et un plombier. Un budget a été co-réalisé, et une campagne de dons a été lancée pour financer la mise en œuvre du projet. La préparation du chantier par les étudiant·e·s comprenait également l’organisation logistique : achats de matériaux, levée de fonds, communication, préparation des repas. La liste des matériaux a été transmise à ASF en amont du chantier, qui a réalisé les commandes et achats.

Le chantier Le chantier s’est déroulé sur une semaine, avec l’appui d’un menuisier, de la Caravanade de Yes We Camp et de l’association JUST pour la plomberie. Les premiers jours ont été consacrés au creusement des tranchées pour l’implantation des fondations, ainsi qu’à l’installation des évacuations et au débouchage des regards. Simultanément à ces installations, les étudiant·e·s ont également entamé dès le second jour la découpe du bois permettant l’assemblage et le levage de la charpente. Les étudiant·e·s s’étaient organisé·e·s selon un planning précis et s’étaient réparti les tâches par groupe. Ils formaient une « bulle autonome » sur le chantier, allant jusqu’à planifier chaque repas. L’anticipation du projet et la pré-

cision du planning de chantier ont ainsi permis une exécution technique précise dans les délais impartis. Les habitant·e·s ont participé à l’organisation sur site : récupération d’un groupe électrogène, stockage et récupération de matériaux. Cependant, la rigidité de l’assignation des tâches a laissé relativement peu de place à la participation. Le partenariat R-aedificare Le chantier a permis la concrétisation d’un partenariat avec l’association R-aedificare, qui coordonne des chantiers de déconstruction/récupération de bâtiments industriels et tertiaires. Elle assure le lien entre les maîtrises d’œuvre et les associations qui souhaitent participer au démontage pour récupérer des matériaux sur chantier. Le partenariat a été mis en œuvre sur la déconstruction d’une usine Peugeot. Préalablement, un descriptif avait été envoyé en amont pour que chaque structure sélectionne les éléments qui l’intéressait. ASF a ainsi récupéré des éléments sanitaires (bacs de douches, vasques), des dalles de faux-plafonds et des extincteurs. La récupération des matériaux à l’usine Peugeot a été effectuée le second jour du chantier, avec trois étudiant·e·s, deux

à gauche : chantier. crédit : Actes et Cité, ENSA Paris Belleville

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Les workshops - Le Lava’blah

membres d’ASF et trois habitants. Ces derniers ont mis à disposition leur camion et leurs outils pour le démontage des équipements. Rôle d’ASF ASF a apporté un support sur des aspects logistiques, comme l’approvisionnement en matériaux, la gestion du budget ou encore l’organisation des repas. L’association réalisait la réception des matériaux, l’accueil des partenaires et la coordination du chantier. Des bénévoles ont également participé à la mise en œuvre. Les membres de l’équipe ont assuré des permanences sur site tout au long de la semaine. Ils·elles ont réalisé un important travail de mobilisation des habitant·e·s, tant d’un point de vue informatif que de la participation au chantier. Le dernier jour, une présentation du projet avait été prévue. Une habitante devait réaliser l’interprétariat de la présentation en Roumain. Celle-ci s’est déroulée malgré le fait que le chantier ne soit pas finalisé : la plomberie n’était pas terminée et les douches n’étaient pas reliées à l’eau chaude. Des protestations ont été formulées du fait de l’absence d’électricité.

Suivi des usages et suites du chantier Suite au workshop, de nombreux chantiers de finitions ont dû être organisés, afin de rendre le projet opérationnel. Des travaux de finalisation de plomberie pour le raccordement à l’eau ont été réalisés la semaine qui a suivi le workshop. L’équipe a effectué un suivi d’usage et un retour, par des enquêtes informelles auprès des habitant·e·s. Deux stagiaires arrivé·e·s à ce moment avaient alors pour mission de travailler sur les améliorations possibles du module. Un second chantier plus important a permis la mise en service effective du Lava’blah. En effet, à l’issue du workshop, les douches n’étaient pas approvisionnées en eau chaude. Le projet prévoyait des chauffe-eau électrique, alors que l’électricité n’avait toujours pas été installée sur le site. De fait, en septembre, le module n’avait pas été utilisé. ASF a alors contacté l’association Low-tech lab, pour l’installation d’un système de chauffage à partir de poêle à bois. Le chantier a eu lieu en décembre.

à gauche : projet terminé. crédit : Actes et Cité, ENSA Paris Belleville

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3 | L’action d’ASF sur le site pilote des « Aciéries »

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Les workshops - Le Lava’blah

Bilan Le niveau de définition et de finalisation dans la conception a permis une exécution efficace, et la réalisation d’un projet d’une technicité supérieure aux réalisations habituelles de l’association. L’emploi de matériaux nobles dans une mise en œuvre précise, a apporté une véritable plus-value esthétique, répondant à des enjeux de dignité sur les lieux de vie. En revanche, le projet ne prévoyait ni la mise en service ni le suivi des équipements, ce qui a demandé à ASF un investissement considérable, aussi bien humain que financier, en aval du workshop pour permettre sa mise en service. Cette réponse est la conséquence d’un manque de compréhension des problématiques du site, et de leur absence de prise en compte dans les décisions. Les retours d’expérience ont fait émerger des difficultés de transmission des informations, en termes de temporalités, de moyens utilisés (mails, réseaux sociaux) ou d’interlocuteurs·trices sollicité·e·s. Ceux-ci ont eu pour conséquence générale la persistance d’une communication articulée entre coordinateurs du projet (enseignants de l’ENSA et président d’ASF) plutôt qu’entre concepteurs·trices et acteurs·trices de terrain / utilisateurs·trices. (membres

d’ASF, étudiant·e·s habitant·e·s). Enfin, le manque de formation des étudiant·e·s au travail avec ce type de public, ni aux méthodes inclusives et horizontales de participation a eu pour conséquences une lecture erronée des besoins. Ainsi, la méthode conduite en atelier n’a pas su absorber les aléas du terrain qui intervenaient tout au long de la conception : retrait du site par les autres associations, renforcement de l’influence du chef de platz, et, en arrière-plan, retour de la menace d’expulsion du fait des difficultés de négociations avec les partenaires institutionnels. De fait, le programme a été élaboré à partir d’hypothèses erronées, comme par exemple l’arrivée prévue de l’électricité sur le site. Ces dysfonctionnements ont été identifiés comme symptomatiques d’une incompatibilité entre temporalités pédagogiques et réalité du site. On peut imaginer qu’une présence sur site plus fréquente aurait également favorisé la compréhension et l’implication des habitant·e·s dans le projet. Le manque de prise en compte des retours du terrain fourni par les membres d’ASF a eu pour conséquence une perte de contrôle du projet et une mise en porte-à-faux de l’association vis-à-vis des habitant.e.s.

à gauche : chantier de construction du poêle à bois, en partenariat avec le Low-tech lab

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L'action d'ASF sur l'ensemble des sites

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3 | L'action d'ASF sur l'ensemble des sites

Saint-Antoine Métropole Aix-Mars 60 hab

L’Hermitage Public 30 hab

Cazemajou I à IV EPF PACA 260 hab

Aciéries Ministère Armée 80 hab

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Présentation des sites

bidonvilles bidonvilles squats squats sites évacué sites évacués Total : 816 habitants

La Pomme Privé 30 hab

à droite : sites sur lesquels est intervenue ASF

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3 | L’action d’ASF sur l’ensemble des sites

3

CAZEMAJOU Relevés habités

IRINA ET SES ENFANTS

Irina, âgée d’une cinquantaine d’années, est la mère d’Aurel. Elle a aussi trois autres enfants : Marcel (20 ans), Daniella (11 ans) et Samuel (10 ans). Son mari est décédé. Irina est arrivée en France avec sa famille en 2015, directement à Marseille. Avant, elle vivait en Roumanie. Comme son fils Aurel et sa famille, elle a d’abord vécu dans le squat de Capelette. Quand celui-ci a été expulsé, elle a été relogée pendant trois semaines dans un Ibis avec sa fille et ses deux plus jeunes fils, avant d’arriver à Cazemajou. Irina est inscrite à Pôle emploi, mais ne trouve pas de travail. Elle parle peu français, ce sont ses enfants qui traduisent les conversations pour elle. Dans la journée, elle passe beaucoup de temps avec sa belle-fille, Alina et la mère de celle-ci et s’occupe de ses petits enfants Sylvio, Alin, David et Luisa.

Rue

KRISTINA, KOSMIN ET LEURS ENFANTS Irina a honte de son logement ; elle s’excuse continuellement du désordre mais sourit devant les posters des idoles de sa fille, que celle-ci a accroché partout dans la pièce. Elle explique que c’est compliqué de trouver du mobilier. La Croix Rouge lui amène parfois des fournitures et de la nourriture.

Dégagement

Parties communes

Rue

Toilettes

Kristina, âgée d’une trentaine nées, vit à Cazemajou avec se enfants et son mari. La jeune femme parle mal fran qui rend difficile d’interagir av Elle reste néanmoins très accue et aime cuisiner pour ses invité Son mari travaille ; elle n’a p trouver d’emploi à cause de la b de la langue. Comme elle fait partie des prem rivés sur le site, elle a pu profit logement plutôt confortable, a mier étage, face au patio. Ses e peuvent jouer devant la maison large coursive. Elle y a égaleme posé une cuisine plus importan celle de son logement, afin d’y c ter des plats plus confortabl ainsi que quelques poules.

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Des relevés habités

Des relevés habités Le relevé est un outil qui permet d’affiner la connaissance des lieux. Les relevés habités mis en place par Cyrille Hanappe permettent de faire des liens entre espaces construits et usages. En 2018 puis en 2019, les étudiant·e·s de l’ENSA Paris Belleville ont réalisé des relevés sur plusieurs sites : Les Aciéries, Cazemajou, l’Hermitage, la Pomme. Utilisées lors des passages en appel des habitant·e·s en phase d’expulsion, les pièces produites lors des relevés constituent autant des preuves – au sens juridique du terme – que des témoignages de la réalité du bidonville. Le principal enjeu de l’intervention de l’architecte repose sans sa capacité à traduire la réalité du bidonville vers le langage normatif des institutions. Les documents produits par les architectes (croquis, géométraux…) ont un rôle performatif : en utilisant les mécanismes classiques de représentation de l’architecture, ils

font exister ces lieux en tant que réalités construites. Cette posture témoigne d’une volonté de déplacer le regard porté, dans un mouvement de considération : « Considérer, en effet, c’est regarder attentivement, avoir des égards, faire attention, tenir compte, ménager avant d’agir ; c’est le mot du prendre en estime, du faire cas de, mais aussi du jugement, de l’attention et du droit. Il désigne cette disposition où se conjuguent le regard (l’examen par les yeux ou la pensée) et l’égard, le scrupule, l’accueil sérieux de ce que l’on doit faire effort pour garder sous les yeux. »1 1. Marielle Macé, Sidérer Considérer, Seuil, Paris : 2017

Ci-contre : l'une des planches du diagnostic du site de Cazemajou réalisé par les étudiant·e·s. Crédits : Actes et Cité, ENSA Paris Belleville

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3 | L’action d’ASF sur l’ensemble des sites Ci-dessous : Relevé du site de la Pomme. Crédits : Actes et Cité, ENSA Paris Belleville

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Des relevĂŠs habitĂŠs

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3 | L’action d’ASF sur l’ensemble des sites

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L’amélioration des conditions de sécurité

Amélioration des conditions de sécurité La mise en sécurité du site de Cazemajou 1 Avec près de 300 personnes, le site de « Cazemajou » est le plus peuplé des bidonvilles de Marseille. Il est situé dans le quinzième arrondissement de la ville, à proximité du métro Bougainville, et regroupe quatre « sites », communément appelés par les associations « Cazemajou 1 à 4 ». De nombreuses associations y interviennent régulièrement : Médecins du Monde, ATD Quart-Monde, Rencontres Tsiganes, JUST ou encore la Croix-Rouge française. ASF est présente à Cazemajou 1 depuis 2017. L’association a réalisé plusieurs diagnostics et des chantiers d’amélioration des conditions de sécurité. Le site est surveillé par les services de la Préfecture et est régulièrement menacé d’expulsion. L’expérience des actions d’ASF donne un aperçu des enjeux de la mise en sécurité d’une occupation temporaire, entre risque d’expulsion et sécurité des habitant·e·s.

Présentation du site

à gauche : axonométrie du site de Cazemajou 1. Crédits : Actes et Cité, ENSA Paris Belleville

Le site s’organise en plusieurs parties : un bâtiment principal de type industriel, ayant accueilli l’atelier méditerranéen de la chanson, s’élevant sur quatre niveaux, dont trois sont habités (RDC, 1er et 2ème étage), et un plus petit bâtiment habité sur deux niveaux. Les deux bâtiments s’organisent autour d’une cour principale, couverte par une structure métallique ajourée. Le bâtiment contient trois typologies d’habitat : cabanes extérieures dans la cour, cabanes intérieures dans le bâtiment, et aménagement de pièces dans l’existant. Dans l’entrée, une aire de ferraillage a été aménagée.

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3 | L’action d’ASF sur l’ensemble des sites

Cazemajou 1 Ancien squat Rue Madrague-Ville

Métro ligne 2 Vers Gèze

Ateliers associatifs

Ecole primaire Arenc Bachas

Salle de concert Autoroute A55

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Voie ferrée

Tramway T1, T2


L’amélioration des conditions de sécurité

Station de métro Bougainville

Bus vers centre ville

Autoroute A7

Axonométrie du quartier. crédit : Actes et Cité, ENSA Paris Belleville

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3 | L’action d’ASF sur l’ensemble des sites

Un enjeu territorial La parcelle appartient à l’Etablissement Public d’Aménagement Euroméditerranée (EPAEM), et se trouve sur le territoire du grand projet urbain d’Euromed 2. Nombre de bâtiments de cet ancien secteur industriel sont à ce jour désaffectés, et plusieurs d’entre eux ont fait l’objet d’un appel à projet d’occupation temporaire.

Les enjeux de la sécurisation Lors d’un premier diagnostic, ASF a identifié plusieurs problématiques sur la sécurité du bâtiment au regard du risque incendie et du risque sanitaire. Dans ce bâtiment qui se déploie sur trois niveaux, le parcours d’évacuation reste un enjeu majeur de la sécurité incendie. 118

Les issues de secours et les circulations verticales doivent rester dégagées et une ventilation suffisante doit être assurée. Au rez-de-chaussée, l’évacuation des cabanes construites dans l’espace principal en double hauteur doit être assurée, pour éviter tout risque d’incendie émanant des gazinières. L’installation électrique complexe se développe sur trois niveaux, donnant lieu à un enchevêtrement de câbles à travers le bâtiment. Lors des premières visites, tous les branchements étaient effectués sur un seul compteur, faisant courir un risque de surchauffe de l’installation. Les aménagements sanitaires sont en nombre insuffisant. L’alimentation en eau est assurée par un point d’eau unique au milieu de la cour.


L’amélioration des conditions de sécurité

Etapes de la mise en sécurité Du fait des enjeux sécuritaires et de la population nombreuse, les interventions d’ASF sur le site depuis 2017 ont fait suite à des demandes de la Préfecture, après des visites des services techniques (pompiers, sécurité...). Ces interventions se répartissent en trois phases : • En décembre 2017, peu après l’installation des habitant·e·s, une visite est réalisée à la demande de la Préfecture. Un premier rapport est dressé et différents aménagements sont réalisés, en coordination avec l’association JUST : désencombrement des issues de secours, amélioration de l’installation électrique, remise en service des sanitaires et couverture de la cour intérieure. Le rapport

technique dressé par le service mandaté par la Préfecture alerte sur la dangerosité du R+3 liée à l’absence de grilles aux fenêtres et en interdit l’accès. • En 2018, les étudiant·e·s de l’ENSA Paris Belleville réalisent une analyse de site à l’occasion d’un Workshop. • En avril 2019, ASF est de nouveau sollicitée pour intervenir sur le site, suite à une seconde visite du GEII1 mandatée par la DDCS. Les conclusions du GEII mentionnent un risque d’expulsion, pointant un accroissement du risque incendie, lié à la densité d’habitation et à l’obstruction des circulations et issues de secours.

1.  Groupement d’Evaluation des Installations Illicites

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3 | L’action d’ASF sur l’ensemble des sites

L’intervention d’ASF porte alors sur l’amélioration de la sécurité incendie, par la dé-densification et le dégagement des circulations et issues de secours. Malgré l’interdiction de 2017, des travaux de sécurisation du R+3 sont alors réalisés, afin de permettre la démolition des cabanes obstruant les circulations et le déplacement des familles dans les pièces de l’étage. Des travaux de sécurisation sont également menés sur l’ensemble du site : installations de portes couvre-feu, BAES et extincteurs, réalisation et affichage de plans d’évacuation. • 120

En septembre 2019, une troisième

phase d’intervention se déroule, suite à une visite de l’Etat-Major sur site, demandant la mise à jour du rapport de visite. A cette occasion, de nouvelles améliorations sanitaires sont réalisées ainsi qu’un chantier de pose de portes.

Bilan La mobilisation des ressources L’ambitieux projet de sécurisation de Cazemajou n’aurait pas pu se faire sans une forte mobilisation des habitant·e·s. Il·elles ont été impliqué·e·s dans le processus dès le lancement, et ont participé au relevé de l’existant. Il·elles ont également été sollicité·e·s pour la ré-


L’amélioration des conditions de sécurité

ci-dessus: chantier de nettoyage du site

cupération et l’installation des grilles de sécurisation des fenêtres. En février 2018, ASF a été contrainte de suspendre le chantier, du fait de difficultés de coordination sur site, et d’un manque de moyens. L’association s’était alors retirée, sans que les grilles ne soient toutes posées ni que les familles ne puissent s’installer. Pourtant, en novembre 2019, lors d’une visite de contrôle, l’association a pu constater que les habitant·e·s avaient poursuivi et terminé les aménagements, et investi le niveau suivant les préconisations. L’implication des habitant·e·s s’est donc prolongée au-delà de la présence asso-

ciative sur site. Nous avons analysé ce taux inhabituellement élevé de participation comme les résultats de plusieurs facteurs : • une adéquation entre aménagements prévus et besoins des habitant·e·s • la reconnaissance pour les habitant·e·s de la nécessité de réaliser les travaux, comme condition nécessaire à la pérennité de l’installation • une proposition qui offrait un confort supplémentaire : possibilité d’obtenir de la lumière directe dans les appartements Pour la récupération d’équipements sécuritaires tels que les BAES et ex121


3 | L’action d’ASF sur l’ensemble des sites

tincteurs, ASF a mobilisé un partenariat avec l’association R-Aedificare, qui coordonne la récupération de matériel lors de chantiers de déconstruction. Le chantier de mise en sécurité montre qu’une mobilisation effective des ressources sur place permet la réalisation d’aménagements de plus grande technicité. Ici, partenaires, habitant·e·s et membres d’ASF ont œuvré ensemble, mobilisant compétences techniques et empiriques. Le chef de platz, dans sa tendance à solliciter l’avis et l’aide de l’ensemble des habitant·e·s a, dans ce cas, été facilitateur.

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Occupation temporaire et risque sécuritaire : les enjeux de l’amélioration des conditions de vie La réduction du risque sécuritaire mêle des enjeux liés à la sécurité et la santé des habitant·e·s et des enjeux liés à la pérennité de l’installation. En effet, l’argument sécuritaire est bien souvent un levier d’expulsion, et un argument irrévocable. Pourtant, l’exemple de Cazemajou met en avant une relative flexibilité dans sa définition : l’interdiction d’occuper le R+3 prononcée par la première commission de sécurité a été remise en question un an plus tard par la nécessité de


L’amélioration des conditions de sécurité

ci-dessus: réaménagement du R+3 et installation dans les pièces existantes

fluidification des circulations liée au risque incendie. Ainsi, la définition du risque elle-même reste mouvante, et engage d’autres enjeux : politiques, urbanistiques...

sociations à s’opposer à la stabilisation temporaire de certains lieux de vie et à encourager les mise à l’abri des habitant·e·s.

Dans le cadre d’une occupation temporaire, la mise en sécurité ne peut évidemment pas se faire dans une perspective normative ; elle consiste davantage en une évaluation des risques effectifs pour la sécurité des habitant·e·s, au regard des possibilités d’amélioration et des moyens à disposition. Si l’enjeu de la sécurisation des lieux est de prévenir les expulsions, il arrive que l’état de délabrement d’un bâtiment conduise les as123



4. Bilan stratégique et méthodologique

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4 | Bilan stratégique et méthodologique à gauche : bureau d’ASF

La capitalisation de l’expérience Capitaliser, chemin faisant, à partir de l’expérience L’objectif de la capitalisation est de dresser un bilan des interventions : retracer les actions, les difficultés rencontrées, repérer les opportunités avérées, afin de transformer l’expérience en connaissance partageable. Les récurrences des modes d’intervention sur les sites permettent d’esquisser les contours d’une méthode d’action en perpétuelle évolution, qui s’affine à mesure de l’expérience.

travail. Une grande partie de la mission a été consacrée à l’archivage et au classement de la matière acquise au fil des années et à la réalisation de documents de synthèse (cartographies, frises chronologiques), dont la plupart sont visibles dans cette publication. Dans un second temps, des matériaux ont été récoltés auprès des différent·e·s protagonistes du projet, par des entretiens ethnographiques et des ateliers collectifs.

La capitalisation s’adresse aux partenaires du projet et à tous·te·s les acteur·trice·s qui ont été impliqué·e·s.

Enfin, la mission s’est accompagnée d’actions ponctuelles de diffusion et transmission : exposition, participation à un colloque, interventions dans des écoles d’architecture.

Elle permet également à ASF de faire un bilan sur sa méthode, afin de pouvoir la confronter à d’autres expériences similaires.

Méthode La capitalisation a été réalisée au fil de l’eau, à mesure de l’action. Elle a consisté dans un premier temps en un accompagnement de l’équipe dans la compilation des données et la mise en place d’outils de suivi adaptés aux modes de

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Les entretiens L’enquête anthropologique a été un des principaux outils de recueil ayant permis l’élaboration de ce document. Son objectif était de rendre compte de manière sensible des rôles de chaque structure au sein du projet. Les entretiens ont été menés auprès de toutes les personnes qui sont ou ont été impliquées dans le projet. C’est à partir


La capitalisation de l’expérience

de ces entretiens qu’ont été élaborés des « récits d’expérience ». Ils couvrent la période de mars 2017 à avril 2020. L’élaboration des récits s’est déroulée selon trois étapes. Etape 1 - Entretiens. Les entretiens ont été réalisés à partir de la méthode dite de « l’entretien biographique »1, dans laquelle la chronologie a constitué le fil conducteur : il s’agissait de retracer le parcours de l’enquêté·e depuis son arrivée dans le projet, afin de comprendre les missions réalisées, les modes opéra-

1.  Demazière, D. (2008) « L’entretien biographique comme interactions, négociations, contre-interprétations, ajustement de sens », dans Langages et Société n°123, Ed. De la maison des Sciences de l’homme, pp 15-35

toires déployés et les compétences mobilisées. Un entretien durait en moyenne 1h à 1h30. Il est important de préciser que l’entretien ne relève pas d’une récolte d’opinions, mais s’attache aux faits, pour permettre la production d’une matière la plus objective possible. Etape 2 - Traduction et utilisation des récits. Les entretiens brut ont ensuite fait l’objet d’une transcription d’après notes, puis d’une « traduction », du français « oral » vers le français « écrit », visant à le rendre intelligible : remise en ordre chronologique, suppression des répétitions, syntaxe… Durant cette étape, des allers-retours ont été réalisés

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4 | Bilan stratégique et méthodologique

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La capitalisation de l’expérience à gauche : ateliers collectif d’analyse de la pratique organisés sur les chantiers « Electricité » et Lava’blah.

entre l’enquêtrice et les enquêté·e, afin de s’assurer que ces dernier·ère soit en accord avec les propos qui leur ont été prêtés. Cette phase d’aller-retour est essentielle : elle permet de restituer à l’enquêté·e l’intégralité de sa parole, et constitue le fondement éthique de la méthode. Etape 3. Utilisation et diffusion. Les récits ont par la suite été mis en forme, puis partagés en interne. Au total 25 entretiens ont été réalisés.

Les ateliers de capitalisation

La parole des habitant·e·s La parole des habitant·e·s transmise ici provient d’observations et d’entretiens menés successivement par le médiateur puis la médiatrice d’Architectes Sans Frontières, lors de leurs missions successives d’accompagnement. Une enquête approfondie aurait permis d’étendre les entretiens aux habitant·e·s, mais il a semblé que ce guide méthodologique relevait davantage d’une analyse de la pratique et d’une volonté d’agencer et d’ordonner les pratiques professionnelles d’accompagnement sur le projet.

Des ateliers de capitalisation ont été mis en place au sein de l’équipe pour analyser des projets spécifiques. Ceux-ci avaient pour objectif de retracer l’historique des projets, depuis les études jusqu’à la réalisation, afin de comprendre les différentes étapes de réalisation et les moyens mobilisés, ainsi que de repérer les manquements et ajustements nécessaires.

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4 | Bilan stratégique et méthodologique

La capitalisation de l’expérience mars

Enquête Documentation

avr

mai

juin

juil

aout

Immersion, Observation participante Documentation, recherche Entretiens acteurs. trices du projet Ateliers d’analyse de la pratique

Capitalisation au fil de l’eau

doc gestion de site

Capitalisation interpartenariale (cartographie, doc) Appui équipe dans la mise en place d’ outils de suivi

Rapport final

Traitement des matériaux de l’enquête Réalisation infographies de synthèse Rédaction du rapport final

Diffusion Communication

CNDH Romeurope : groupe de travail pour rédaction rapport 2019 Publications, intervention extérieures Appui rédaction financements (demandes, suivi) Rapport d’intervention 2019

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ENSAM

Fondation de France

colloque Marg-in


La capitalisation de l’expérience

sept

oct

nov

dec

jan

fev

mar avr

mai

juin

juil

aout

sept

cartographie des sites

ENSAM

Caisse des Dépôts

Fondation de France

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Bilans

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Bilan et réorientation de la stratégie interpartenariale

Bilan et réorientation de la stratégie interpartenariale Bilan du projet pilote Les principaux points de frictions du projet pilote sont associés aux difficultés pour les parties prenantes - et notamment les propriétaires de site d’établir un cadre juridique permettant la contractualisation de l’installation. Aux Aciéries, le propriétaire du site a refusé que le conventionnement s’établisse sans la nomination d’une association gestionnaire : un interlocuteur unique prenant en charge la responsabilité des lieux. Sur le site de Saint-Antoine, la difficulté de proposer une solution de relogement qui répondrait aux termes posés par les commanditaires et associations, ont entravé le bon déroulement des démarches d’accompagnement. Face à l’absence de compromis, et à l’absence de moyens déployés pour réaliser les aménagements nécessaires au maintien de l’installation, le site de Saint-Antoine a été évacué en mai 2020, suite une alerte lancée par les le collectif inter-partenarial quant à l’état de délabrement du bâtiment. L’absence de contractualisation effective sur les deux sites pilotes a été un frein à la réalisation des travaux d’amélioration des conditions de vie : la domiciliation sur le site n’a pas été possible, ralentissant

les démarches administratives d’accès au droit et au logement. L’absence de transparence des négociations et la persistance d’une incertitude quant au statut des occupations ont été perçues par les associations comme l’une des causes du désengagement progressif des familles au sein du projet.

Pour une veille : mise en place de l’observatoire des conditions de vie1 Les lacunes en matière de pilotage ont impacté la coordination des actions des associations, suscitant des redondances, des incohérences et l’incompréhension des habitant·e·s. Le collectif partenarial a néanmoins poursuivi sa veille sur les sites (maraudes et diagnostics), et a maintenu les réunions avec les habitant·e·s afin d’assurer un lien et la transmissions des informations. Certaines actions concertées menées par le collectif ont abouti, comme la rédaction du document d’aide à la décision ayant permis l’annulation de l’arrêté de péril imminent qui prévoyait l’expulsion des occupant·e·s du site de La Pomme. 1.  Texte issu de la déclaration d’intention de l’Observatoire des conditions de vie

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4 | Bilan stratégique et méthodologique

ci-dessus: extrait de la cartographie collaborative des sites, 2011, 2015 et 2019 - source : Marion Serre & Association Rencontres Tsiganes

Ces expériences ont démontré la place centrale de l’information au sein du projet, et ont mis en avant le besoin fondamental de structurer la capitalisation et la transmission des données.

• Coordonner les actions de terrain : partage d’informations, retours d’expérience, résolution des situations complexes, planification des actions à venir

Créé en 2019, l’observatoire des conditions de vie a pour objectif de structurer la veille et le suivi des sites et de renforcer l’opérationnalité des actions d’amélioration des conditions de vie. Il répond au besoin d’inventorier, d’organiser et de transmettre les informations afin de produire une vision claire et actualisée des conditions de vie en bidonville et de faciliter les actions de terrain. Il constitue un support pour :

• Construire une position stratégique commune qui va permettre, d’une part, la définition des orientations dans lesquelles s’inscrivent les actions d’amélioration des conditions de vie, de l’autre la mutualisation des moyens pour la rédaction de documents collectifs de plaidoyer, d’interpellation et de sensibilisation

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Bilan et réorientation de la stratégie interpartenariale

Objectifs • Produire un état des lieux des bidonvilles et squats à Marseille qui soit basé sur des indicateurs clairs et actualisés • Structurer le suivi des conditions de vie pour faciliter la planification et le suivi des actions d’amélioration • Grâce aux données produites, accroître l’efficacité du plaidoyer auprès des pouvoirs publics. Diffuser les outils et les méthodes de l’Observatoire au sein des réseaux dans lesquels il est impliqué

Modes d’action Etat des lieux • Recensement et veille, par la réalisation et l’actualisation régulière de la cartographie des sites, permettant un suivi des parcours des familles : évacuations, relogement. La cartographie a également pour objectif de produire une vision claire du statut des occupations temporaires : propriétaires des terrains, démarches juridiques en cours… • Repérage des situations critiques et priorisation des interventions grâce à la création d’un « tableau alerte » Réduction des risques liés à la sécurité et à la santé des occupant·e·s • Mise en sécurité : identification des risques, préconisations et interventions

nitaires, accompagnement à la gestion des déchets Plaidoyer pour la résorption des bidonvilles • Elaboration d’outils collaboratifs d’aide à la décision • Prévention des expulsions, par des actions de mobilisation des pouvoirs publics articulées à un plaidoyer pour la sanitation des occupations temporaires • Implication dans la rédaction et la diffusion d’une stratégie territoriale de résorption des bidonvilles, au sein d’un groupe de travail lancé en 2018, regroupant les associations des Bouches-du-Rhône • Articulation des actions avec des campagnes nationales et internationales de sensibilisation. Par exemple, « Coalition eau », ou la campagne « L’eau est un droit ! » pour le droit à l’eau

Modalités Les réunions de l’Observatoire se tiennent une fois par mois avec les principales associations fondatrices : Rencontres Tsiganes, JUST, Médecins du Monde, Laurence Henry avocate et Architectes Sans Frontières. D’autres structures peuvent être invitées lors de ces échanges pour apporter des informations, nourrir la réflexion sur les actions à mener, ou bien échanger autour des conditions de vie des bidonvilles.

• Sanitation des lieux de vie : raccordement à l’eau, aménagements sa-

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4 | Bilan stratégique et méthodologique

Bilan structurel et méthodologique Une professionnalisation de la structure Depuis son implication dans le Projet de résorption des bidonvilles à Marseille en 2017, les modes d’intervention d’ASF ont considérablement évolué. Partant d’un premier constat de la nécessité d’un renforcement du suivi des sites, ASF s’est progressivement outillée pour renforcer les moyens humains et professionnaliser ses membres. En 2018, grâce à l’obtention d’un premier financement par la Fondation de France, un poste pour la coordination du projet d’amélioration des conditions de vie a été ouvert. Cette mission a été prolongée en 2019 avec l’aide du Fond d’Innovation pour l’Habitat de la Métropole Marseille Provence et deux autres postes ont été ouverts : accompagnement des habitant·e·s et capitalisation de l’expérience. L’association a également accueilli des stagiaires et des services civique. Afin d’instaurer une régularité dans le suivi, elle a privilégié l’essaimage des missions sur des longues durées, sur des temps partiels. En 2020, l’évolution statutaire des membres d’ASF a franchi un nouveau cap avec la transformation de deux des trois missions de prestation en contrats à durée déterminée. Cette augmentation des ressources humaines a conduit à la multiplication des actions

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d’amélioration des conditions de vie, ainsi que l’instauration d’une veille sur l’ensemble des sites. Un second constat portant sur le besoin de renforcement de la participation des occupant·e·s au sein des projets a fait émerger la nécessité d’une diversification disciplinaire au sein de l’équipe. Celle-ci s’est matérialisée par la création d’un poste d’accompagnement des habitant·e·s, destiné à des professionnel·le·s du secteur sanitaire et social ou issu·e·s des sciences sociales. L’accueil de deux services civiques en binôme, l’une de formation architecturale, la seconde formée en géographie et anthropologie, avait pour objectif de renforcer la complémentarité des disciplines. Cette diversification a consolidé les compétences internes d’accompagnement, grâce à une connaissance plus fine des enjeux socio-anthropologiques du contexte d’intervention. Elle a mené au développement d’une méthode de conception pluridisciplinaire, plus proche des habitant·e·s et de leurs besoins. L’entrée d’ASF dans le dispositif expérimental piloté par la DDCS a entraîné l’augmentation des moyens de mise en œuvre du projet d’amélioration des conditions de vie sur le site des


Bilan structurel et méthodologique

Aciéries, et le développement d’une méthode d’accompagnement à la maîtrise d’ouvrage.

Le renforcement du réseau partenarial La présence renforcée d’ASF sur le site a renforcé le réseau partenarial et sa ramification autour de l’amélioration des conditions de vie. Elle a contribué à l’affirmation d’ASF au sein du collectif associatif et à sa reconnaissance comme intervenante compétente sur l’amélioration des conditions de vie en squats et bidonvilles. L’association a pu légitimer sa place dans le tissu local et auprès des habitant·e·s et partenaires publics. ASF a pu s’engager davantage dans le collectif interpartenarial, notamment avec la création de l’Observatoire des conditions de vie sur les bidonvilles. Des collaborations ont également été mises en place, avec des associations ou entreprises de constructeur.trice.s comme R-aedificare ou F.AI.R.E.

Bénévolat et professionnalisation Cette évolution des pratiques a soulevé des interrogations sur les modes de structuration et d’intervention de l’association. La professionnalisation de certains membres de l’association a eu

pour conséquence la diminution importante du nombre de bénévoles impliqué·e·s dans les projets entre 2018 et 2020. Cette évolution découle à la fois de la réduction du nombre de chantiers au profit de l’allongement des phases d’étude et de la réévaluation de la posture d’ASF au sein des projets. Initialement basée sur une mobilisation bénévole sur les chantiers, l’association a progressivement privilégié le recours à des structures professionnelles, et a œuvré au développement des partenariats avec des entreprises et associations issues du secteur de la construction. Cette démarche est révélatrice d’un déplacement de la stratégie d’intervention, éloignant ASF de la maîtrise d’œuvre au profit de l’accompagnement à la maîtrise d’ouvrage. Avec une montée en compétences sur l’accompagnement, la structure assure ainsi l’interface, entre habitant·e·s, entreprises et institutions. Aujourd’hui, de nouvelles réflexions sont menées quant à l’élaboration d’une nouvelle politique bénévole. Celles-ci prennent notamment en compte la nécessité de la formation des bénévoles à l’accompagnement de publics spécifiques, ainsi que des orientations de suivi ayant pour objectif la montée en compétence et l’autonomisation des participant·e·s. 139


4 | Bilan stratégique et méthodologique

Bilan de la stratégie d’intervention Définition et application de la stratégie d’intervention La première stratégie d’intervention a été présentée en mars 2017 lors du concours Devenir, Habitat du futur. Celle-ci décrivait les enjeux de la reconnaissance et de la stabilisation des bidonvilles, et ébauchait les premiers axes d’une stratégie de résorption passant par la mise en place d’un accompagnement in situ. Le projet d’amélioration des conditions de vie comprenait alors cinq axes : amélioration des conditions sanitaires, mise en sécurité, amélioration de l’habitat et l’environnement, création d’un lieu collectif et appui à la gestion collective. L’année 2017 est consacrée à l’écriture du projet expérimental de résorption et aux choix des sites. ASF réalise alors des diagnostics sur la majeure partie des lieux de vie, afin d’évaluer leur possible entrée dans le dispositif. Cette phase s’est déroulée en concertation avec les services de la DDCS. Parallèlement, des actions d’urgence sont conduites, principalement sur le site des Aciéries, sur la base de chantiers bénévoles. L’écriture collective du projet est finalisée en avril 2018 et présentée en comité de pilotage. A partir d’avril 2018, ASF réalise les études de faisabilité et l’écriture du ca140

hier des charges pour l’amélioration des conditions de vie sur le site des Aciéries. Quatre axes d’intervention sont alors prévus : amélioration des conditions sanitaires, mise en sécurité, amélioration du confort thermique et construction d’un lieu collectif. La plupart des actions réalisées en 2018 et 2019 se concentrent donc sur le site pilote des Aciéries. En juin 2018, le partenariat avec l’ENSA Belleville permet de concrétiser une action d’ampleur avec la réalisation d’un lieu collectif : l’Atelier fertile. L’atelier permet de rendre visible la présence de l’association et contribue à la mobilisation des pouvoirs publics sur le site des Aciéries. En septembre 2018, le collectif associatif réactualise les diagnostics afin de proposer l’entrée de nouveaux sites dans le dispositif expérimental. Parallèlement, ASF réalise des actions d’urgence sur d’autres sites, à la demande des associations et habitant.e.s : l’Hermitage, la Pomme. Celles-ci sont organisées sur un principe de chantiers bénévoles. A partir de décembre 2018, l’obtention de financements permet le lancement du projet pilote sur les Aciéries. Dès février 2019, l’équipe renforcée commence les phases études pour la mise en œuvre des premiers travaux.


Bilan de la stratégie d’intervention

Des difficultés opérationnelles Dès avril 2018, le désengagement de la Métropole sur le site de Saint-Antoine et les négociations qui s’ensuivent pour des solutions de relogement participent d’une inertie qui s’installe progressivement. Plus aucun comité de pilotage n’est convoqué, et seulement quatre comités de suivi ont lieu au cours des années 2018 et 2019, à raison de deux par an. Sur le site des Aciéries, les négociations avec le propriétaire du terrain entravent la contractualisation effective de l’installation et compromettent le lancement des travaux. Néanmoins, le collectif interpartenarial poursuit l’accompagnement renforcé sur le site, et continue d’organiser des réunions hebdomadaires avec les habitant·e·s pour assurer la durabilité du lien. ASF réalise des actions urgentes d’amélioration des conditions de vie (réfection de toiture) et lance les études pour l’électrification du site. La dégradation de la situation est amplifiée par une emprise croissante du chef de platz sur les habitant·e·s, qui tire profit de l’accompagnement réalisé par les associations. En juin 2019, Rencontres Tsiganes et Médecins du monde font savoir qu’elles ne retourneront plus sur le site. A la fin de l’année 2019, la DDCS réoriente sa stratégie d’intervention et mandate de nouveaux acteurs pour la réalisation d’un chantier d’insertion.

Les deux autres associations mandatées jusqu’alors, l’AMPIL et Paroles Vives, cessent leurs actions sur site. Malgré le retrait de l’ensemble des acteurs, ASF considère que suspendre l’amélioration des conditions de vie au vu des circonstances constitue une « double peine » pour les habitant·e·s, et souhaite finaliser l’action sanitaire amorcée par le Lava’blah. Elle réalise ainsi les derniers travaux nécessaires à sa mise en service. Parallèlement, l’association est sollicitée par la DDCS, comme appui technique sur le chantier d’insertion. Dans un souci d’engagement vis-à-vis des habitant·e.·, elle propose de réaliser un suivi allégé, afin d’assurer la transmission des connaissances, et la continuité du suivi. En mars 2020, l’emprise du chef de platz prend une nouvelle dimension, contraignant près de la moitié des occupant·e·s à quitter le squat. En mars 2019, face à une perte de contrôle de la situation, la DDCS choisit d’abandonner définitivement le projet.

Une réorientation progressive des actions A la fin de l’année 2019, l’inertie décisionnelle pousse le collectif à reprendre les diagnostics et à militer pour l’entrée de nouveaux sites dans le dispositif expérimental. L’expérience des Aciéries conduit l’association à une réévaluation de sa stratégie d’intervention, qui se 141


1 | contexte d’intervention

ci-dessus: Façade arrière du bâtiment du site de SaintAntoine

142


Bilan de la stratégie d’intervention

resserre sur deux axes : amélioration des conditions sanitaires et mise en sécurité des lieux de vie. Pour garantir l’indépendance de la structure et se déployer sur d’autres sites, d’autres financements sont mobilisés, comme Le financement participatif les Petites Pierres ou le mécénat de la Caisse des Dépôts et Consignations. La réévaluation des modes d’action conduit également à modifier la stratégie partenariale, en renforçant le réseau d’acteurs du BTP et de constructeurs. Un premier partenariat est passé avec l’association R-aedificare pour le réemploi de matériaux de construction. Le projet d’action sanitaire Lava’blah et la mise en sécurité de Cazemajou rendront effectif ce partenariat. ASF s’entoure également d’un réseau de constructeurs, dans le but de renforcer ses compétences techniques : l’équipe pluridisciplinaire de l’ENSA Paris Belleville pour les deux workshops (menuisier, plombier), puis, à partir en juillet 2019, l’association F.A.I.R.E avec qui elle signe une convention de partenariat. C’est avec cette dernière qu’ASF réalise la conception et la fabrication du projet Mobil’eau à la Pomme. Cette stratégie partenariale se poursuit et s’affine en 2020, avec le renforcement de l’action sanitaire. (cf. fiche action sanitaire).

Le site pilote de Saint-Antoine Le site de Saint-Antoine initialement in-

clus dans le projet pilote, a rencontré de nombreuses difficultés. En septembre 2017, ASF réalise les premiers diagnostics techniques sur le site. A cette occasion, elle avertit sur les dangers du bâtiment et sur le fait qu’une stabilisation temporaire nécessiterait d’importants travaux de mise en sécurité. Malgré l’entrée du site dans le projet expérimental, le retrait de la Métropole ravive le spectre de l’expulsion. Dans l’attente de solutions de relogement qui tardent à arriver, peu de moyens sont déployés pour l’amélioration de la sécurité du bâtiment. Les associations poursuivent malgré tout leurs actions d’accompagnement, complexifiées cependant par une faible adhésion des habitant·e·s, et des conflits internes. ASF se rend rarement sur les lieux, déplorant le manque de moyens à disposition au vu des besoins. Elle participe néanmoins à des actions d’urgence sanitaire conduites par Médecins du Monde. Plusieurs alertes sont lancées sans succès et la situation se dégrade de plus en plus. En 2020, après concertation avec le collectif partenarial, ASF est contrainte de prévenir les institutions mandataires de l’état de délabrement de l’escalier principal, et le danger imminent pour la sécurité des habitant·e·s. Le service péril de la ville de Marseille préconise alors l’évacuation des lieux. 143


4 | Bilan stratégique et méthodologique

Bilan des financements

Fonctionnement

Chantiers gou e d’eau

Fondation de France AAP Habitat 2018 - 20 000 € 2019 - 20 000 €

Les Petites Pierres Crowdfunding 2020 - 10 600 €

Caisse des dépôts et consignations AAP Architecture et paysage 2020 - 17 232 €

Divers chantiers Mobil’eau Services civiques

Poste coordination projet Poste accompagnement habitants

Poste capitalisation

144


Bilan des financements

Actions

Worskhop ENSA Paris Belleville

Projet pilote (AMO)

Les Petites Pierres Crowdfunding

PDEC (Préfecture) Subvention Politique de la Ville

2020 - 5000 € 2019 - 12 000 €

2019 - 50 000 €

Métropole Aix-Marseille Provence AAP Fond d’Innovation pour l’Habitat 2019 - 51 960 €

Atelier Fertile et Lava’blah aux Aciéries Projet d’amélioration des conditions de vie aux Aciéries

145


4 | Bilan stratégique et méthodologique

Bilan des chantier 2018 jan

Aciéries

Etudes électricité

Atelier fertile

Toilettes sèches

Plomberie

Machine à laver à pédales

St Antoine

Amélioration conditions sanitaires

Cazemajou

Pose de bâches

L’Hermitage

Construction bassin de rétention

Ressources humaines

Lucia Pierre-Charles Stéphane Marie C (Stage) Lilia (Stage) Coline (SC) Giulia (Stage) Camille F (Stage)

146

fev

mar

avr


Bilan des chantiers - 2018 AMO Workshop mai

Chantier goutte d’eau juin

jui

SC : Service Civique PS : Prestation de service aout

sep

oct

nov

dec

147


4 | Bilan stratégique et méthodologique

Bilan des chantier 2019 jan

Aciéries

Réfection de la toiture

Installation électricité

Lavablah

Réparation fauxplafonds

La Pomme

Mobil’eau Sécurisation du site en réponse à l’arrêté de péril Sécurisation et nettoyage de site

Cazemajou

Relevés et plans de sécurité

Saint-Just

Améliorations conditions sécurité Lucia (PS)

Ressources humaines

Pierre-Charles Stéphane Camille F (Stage) Hugo (PS) Faustine (SC) Lou (SC) Léa (PS) Antoni (Stage) Emilie (Stage) Soukaina (SC)

148

fev

mar

avr


Bilan des chantiers - 2019 AMO Workshop mai

Chantier goutte d’eau juin

jui

SC : Service Civique PS : Prestation de service aout

sep

oct

nov

dec

149


4 | Bilan stratégique et méthodologique

Fiche bilan : l’action sanitaire A l’installation sur un site, les habitant·e·s réalisent des branchements sur les réseaux municipaux pour accéder à l’eau potable. La vétusté des aménagements existants peut occasionner d’importantes déperditions et un coût d’utilisation significatif. L’amélioration des aménagements sanitaires est donc bien souvent l’une des premières interventions d’amélioration des conditions de vie sur les sites, en appui de l’association JUST. Depuis 2018, ASF fait également régulièrement appel à un plombier pour la mise en œuvre des chantiers d’action sanitaire, ainsi qu’à une entreprise d’assainissement et hygiène pour le débouchage et la remise en service des réseaux. Depuis 2017, de nombreuses actions d’ASF ont été consacrées à la gestion sanitaire et à l’accès à l’eau. Parmis cellesci, on compte : • La réalisation d’équipements sanitaires et la remise en service d’équipements existants •

L’accès à l’eau

• L’accompagnement à la gestion des déchets • 150

La sensibilisation aux probléma-

à gauche : réparation d’un point d’eau sur le site des Aciéries

tiques de santé liées aux conditions sanitaires, en appui de Médecins du Monde • Le plaidoyer pour l’accès à l’eau et aux équipements Selon la typologie des sites, les solutions apportées sont de deux types : • Construction de modules sur site, avec ou sans préfabrication. Cette solution nécessite un espace suffisant, souvent extérieur. Les modules peuvent être entièrement autonomes (toilettes sèches) ou raccordés au réseau existant • Remise en service d’équipements existants. Cette solution est souvent privilégiée dans les typologies squats. Sa pertinence dépend de la nature des installations sur place (état des canalisations, évacuations, raccordements, fuites…)

Trois actions sanitaires clés Trois actions sanitaires clés ont permis la construction et l’orientation de la stratégie d’ASF sur l’action sanitaire : • Un chantier de toilettes sèches sur le site des Aciéries, suivi par l’élaboration d’un manuel méthodologique • Le Lava’blah, mené avec l’ENSA Paris Belleville sur le site des Aciéries. Il s’agit de la construction d’une struc-


1 | contexte d’intervention

151


4 | Bilan stratégique et méthodologique à gauche : Proposition d’amélioration des toilettes sèches. Extrait du « Manuel de construction de toilettes sèches » - Août 2018. Dessin : Coline Scoarnec

ture sanitaire, comprenant des douches et des points d’eau, dont une station de lavage

(utilisation de la sciure, changement des bacs etc.). Cette action a fait émerger deux enjeux :

• Le Mobil’eau, ingénierie de projet pour des sanitaires modulable et démontable, dont le prototype a été réalisé en collaboration avec F.AI.R.E sur le site de La Pomme

• L’importance de capitaliser pour favoriser la reproductibilité et l’optimisation de la construction. Elle a démontré les avantages de la préfabrication en atelier, notamment en terme de rapidité de mise en oeuvre en situation d’urgence

Bilan des actions sanitaires Sur le site des Aciéries, deux chantiers de remise en état des douches et WC ont été conduits. Le premier n’a pas été utilisé par les habitant·e·s, et le second a été réquisitionné par une seule famille. Cette première expérience a montré que l’utilisation d’aménagements existants était conditionnée par l’état de vétusté du bâtiment et pouvait demander un important travail de suivi et de réparations. Suite à cette action, un chantier de toilettes sèches a été mené en juin 2018. Deux toilettes ont été construites par des bénévoles ASF. Le chantier a connu une forte mobilisation habitant·e·s. Dans le souci d’une reproductibilité de l’action, un manuel pratique a ensuite été réalisé, traitant à la fois des aspects techniques de la construction (quantification des matériaux, chiff rage, procédés d’assemblage…) et de l’entretien 152

• La nécessité de mener un suivi post-chantier, et de mener des actions de sensibilisation à l’utilisation d’équipements spécifiques que sont les toilettes sèches (nettoyage fréquent, vidange des bacs, réapprovisionnement en sciure), pour permettre un entretien régulier et prolonger la durée de vie de l’équipement Dans un second temps, le chantier du Lava’blah a été réalisé en partenariat avec l’ENSA Paris-Belleville. Il a fait émerger plusieurs constats : • La nécessité d’un appui technique solide, par le développement et le renforcement d’un réseau partenarial du secteur du BTP. Il s’est traduit par le renforcement des compétences techniques par l’implication d’artisans spécialisés, et la mobilisation de filières de réemploi de matériaux.


Fiche bilan : l’action sanitaire

153


• La nécessité d’un suivi sur le long terme et d’une modularité des solutions apportées, en anticipation des aléas inhérents au statut de l’occupation temporaire. Dans ce cas précis, le projet avait été initialement conçu avec des chauffe-eaux électriques, mais le chantier n’ayant pas été réalisé, une solution alternative a dû être mise en place par l’équipe d’ASF. L’absence d’anticipation de cette solution a empêché l’utilisation de l’équipement, privant les habitant·e·s de douches durant quatre mois supplémentaires. Le projet du Lava’blah a également soulevé un certain nombre de questionne-

154

ments sur l’accompagnement et le suivi, notamment : • Le besoin d’une lecture fine des usages, (grands bacs pour la lessive, séparation hommes/femmes), conditionnant l’utilisation de l’équipement • L’impact de l’implication des habitant·e·s dans le projet sur l’entretien des équipements • La nécessité d’une attention portée aux logiques organisationnelles en place, afin d’éviter l’appropriation par un ou plusieurs groupes au détriment d’autres • Les enjeux anthropologiques et de dignité à l’œuvre, comme freins à la


ci-dessus: chantier de construction de toilettes sèches

participation ou à l’investissement des habitant·e·s dans la construction et la gestion des équipements

Bilan général de l’action sanitaire L’action sanitaire a questionné l’association sur ses modes d’intervention. La démarche d’ASF se définit davantage comme une démarche de « développement » que comme une action d’urgence. Cette posture amène naturellement à privilégier la solution de remise en état d’installations existantes à l’apport de modules externes.

L’expérience a montré que les réponses varient en fonction de la diversité des sites, et qu’une analyse précise devait être menée, sans exclure la préfabrication de nouveaux équipements. Les actions sanitaires menées par ASF ont montré cependant que les réponses apportées dans l’urgence, avec des moyens minimaux, n’étaient bien souvent ni satisfaisantes ni suffisantes. La mise en œuvre des chantiers par des bénévoles uniquement s’est avérée chronophage et coûteuse et limitée techniquement. Elle a démontré un besoin d’augmenter les compétences techniques et de se placer davantage du côté de la 155


coordination de chantier que de celui de la construction. Ces chantiers ont cependant permis l’acquisition d’une expertise sur l’identification des besoins et sur les processus d’accompagnement des habitant·e·s.

Réorientation de la stratégie de l’action sanitaire Fin 2019, suite au bilan réalisé, différentes orientations de restructuration de l’action sanitaire ont été définies : • L’augmentation des moyens, pour améliorer la qualité des équipements, indispensable au développement d’une véritable ingénierie de projet 156

• La consolidation du réseau partenarial pour déléguer la mise en œuvre et se placer davantage dans l’étude des besoins, l’accompagnement et la coordination de chantier • La mise en place d’une stratégie concertée de réduction des risques sanitaires à l’échelle de l’ensemble des sites • L’interpellation à grande échelle des pouvoirs publics sur la nécessité d’une mise en œuvre effective du droit à l’eau sur les sites d’occupations temporaires • Le renforcement des compétences sur l’accompagnement à la gestion et la participation


ci-dessus: construction de chauffe-eau pour l’amélioration du Lava’blah

Un plaidoyer pour le droit à l’eau En octobre 2018, ASF a participé à une campagne nationale sur le droit à l’eau, intitulée Coalition eau. A cette occasion, l’association a réalisé un recensement et une cartographie des points d’eau sur l’ensemble de la ville de Marseille. En partenariat avec Rencontres tsiganes, un diagnostic sanitaire a été dressé sur l’ensemble des 29 sites. Il s’agissait de définir la potentialité d’accès à l’eau, l’état des équipements sanitaires et les possibilités d’amélioration. Lors de la crise sanitaire, la ville de Marseille a réalisé les raccordements à l’eau sur les sites qui pouvaient l’être.

En juillet 2017, un premier projet de toilettes sèches a été conduit en juillet 2017 sur le site des Aciéries. Depuis, l’association réfléchit au prototypage des projets, dans le but d’apporter une réponse systématique et opérationnelle à la problématique sanitaire sur le site. Le Mobil’eau Le Mobil’eau consistait en une proposition de solution face à la précarité sanitaire. Une proposition « clé-en-main » de réponse à l’urgence sanitaire sur l’ensemble des sites, qui s’adapterait en fonction des besoins. Le projet comportait deux volets : 157


• La co-conception, la préfabrication et l’installation de modules sanitaires démontables : un module de WC, un point d’eau, et un module de douche, assemblés en fonction des besoins et de la typologie des sites • La conception d’une ingénierie de projet : le développement et le renforcement de la méthode d’accompagnement des habitant·e· dans l’identification des besoins, de conception-réalisation et de suivi des usages Afin de renforcer l’efficience de la réponse, la solution privilégiée pour les modules a été la préfabrication en atelier, complétée par la conception in situ 158

des espaces intermédiaires en fonction de la typologie des sites En novembre 2020, une demande de financement a été déposée auprès de la Caisse des Dépôts et Consignations, pour la construction d’un premier prototype sur le site de La Pomme. Le projet a été réalisé entre octobre 2019 et juillet 2020, en partenariat avec F.A.I.R.E. Une seconde publication est prévue, afin de décrire précisément la réalisation du projet Mobil’eau à La Pomme et le développement des actions sanitaires qui s’est déroulé depuis décembre 2020.


ci-dessus : prÊfabrication du Mobil’eau dans les ateliers de F.A.I.R.E et montage sur site

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4 | Bilan stratégique et méthodologique

Bilan des actions sanitaires 2018 avr mai juin juil aout sept oct nov dec

Aciéries

Machine à laver à pédales

Plomberie

Construction toilettes sèches

Manuel toilettes sèches

Lava’blah

L’Hermitage

Réalisation d’un bassin de rétention

Saint-Just

Installation de bacs de douches

La Pomme

Mobil’eau

Tous sites

Coalition eau

Diagnostic tous sites

160


Bilan des actions sanitaires

2019 jan

2020 fev mar avr mai juin juil aout sept oct nov dec jan

fev m-av mai juin juil

161



Fiches mĂŠthode

163


4 | Bilan stratégique et méthodologique

Fiche méthode : processus d’intervention

DIAGNOSTIC Etape 1 Premières visites Diagnostic

Rapport de visite

164

ÉTUDES Etape 2 Relevés - relevés sensibles - études techniques ciblées

Premières esquisses

CONCEPTION Etape 2 Programmation - Identification des besoins - Atelier de programmation

Etape 3 Co-conception - Premières esquisses - Ateliers participation

Cahier des charges


Fiche méthode : processus d’intervention

CONSTRUCTION Etape 4 Préparation chantier - Etat des ressources - Etudes techniques approfondies

Etape 5 Pré-chantier : - Actions de nettoyage - Achats de matériaux

Documents d'exécution

SUIVI Etape 6 Chantier

Etape 7 Etudes d'usage Accompagnement à la gestion

Etape 7 Ajustements éventuels Premières réparations

Rapport de visite mis à jour

165


4 | Bilan stratégique et méthodologique

Fiche méthode : l’amélioration des conditions de sécurité

Etape 1 Première visite Diagnostic

Etape 2 Etudes Esquisses

Etape 3 Etat des ressources

Objectifs

Présentation du projet aux habitants Prise de connaissance du site Réalisation d’un premier diagnostic

Evaluation des besoins Sensibilisation des habitants aux enjeux de la sécurisation Premières esquisses

Repérage des compétences Identification des personnes ressources Identification des partenaires

Moyens

Introduction sur le site par des associations partenaires Réunion de présentation avec les habitants

Relevé de l’existant Informations ciblées auprès des habitants concernés Organisation de réunions collectives

Prises de contact Entretiens informel avec les habitants Esquisse financière Présentation esquisses aux habitants

Observation participante

Relevé sur site Observation participante Carnets de visite

Répertoire de contact Carnets de visite

Rapport de visite 1

Plans d’état des lieux Plans esquisses Schémas - croquis

Descriptif quantitatif

Outils de suivi

Documents produits

166


Fiche méthode : l’amélioration des conditions de sécurité

Etape 4 Projet détaillé

Etape 5 Préparation du chantier

Etape 6 Chantier

Etape 8 Suivi

Finalisation du projet

Préparation du site Equipement Mobilisation des habitants

Mobilisation des habitants dans le chantier Coordination générale Logistique

Evaluation du projet Mise à jour du diagnostic Réalisation des plans de sécurité

Visa par un expert technique (appui extérieur) Finalisation budget Présentation collective du projet et du calendrier aux habitants

Réalisation d’actions de nettoyage Achat et récupération des matériaux Annonce auprès des habitants Elaboration du calendrier de chantier

Sollicitation des personnes ressources

Enquêtes d’usages

Feuille de route Affiches en Français/Roumains Affiches individuelles

Feuille de route

Carnets de visites

Descriptif quantitatif finalisé Budget finalisé Plans finalisés

Calendrier de chantier

Rapport de visite 2 Plans avant/après Plans de sécurité

167


4 | Bilan stratégique et méthodologique

Fiche méthode : l’accompagnement des habitant·e·s Bilan et constat Depuis le lancement du projet, l’accompagnement des habitant·e·s, est une préoccupation majeure d’ASF. Dès la première année, un groupe de travail a été lancé concernant l’implication des occupant·e·s dans la programmation et la mise en œuvre des travaux d’amélioration des conditions de vie. Sur le site des Aciéries, la présence régulière d’ASF pendant trois ans, a permis d’installer une certaine familiarité et de construire une relation de confiance. Pourtant fin 2018, le bilan est mitigé et plusieurs problématiques émergent : • Des difficultés dans l’identification des besoins, avec un impact sur l’usage des équipements • Une faible participation dans les projets : dans la conception, sur le chantier ou dans la gestion de l’installation sur le long terme • Une problématique liée aux logiques internes de gestion de site et à certaines dynamiques hiérarchiques, donnant lieux à des appropriations des équipements par certains groupes ou personnes, au détriment d’autres. Conscient des difficultés des associa168

à gauche : concertation de l’Atelier Fertile. Premier jour de chantier

tions à intervenir au sein de logiques auto-gestionnaires qui mettent en jeu des mécanismes de débrouille et de survie, il importait cependant de réfléchir aux conséquences possibles des actions, et d’apporter une vigilance supplémentaire pour qu’elles n’aient pas vocation à renforcer les logiques d’emprises déjà en place. Ainsi au terme des deux premières années, plusieurs enjeux ont émergé : • Comment assurer une meilleure identification des besoins, qui reflète davantage les usages et tient compte des logiques de structuration du groupe déjà établies ? • Comment impliquer les habitant·e·s dans les processus de réalisation des aménagements dès la conception, et ce sans pour autant tomber dans l’écueil d’une injonction à la participation ? • Comment favoriser l’émergence d’une parole la plus représentative possible, et permettre une prise de décision éclairée et horizontale ? Les problématiques rencontrées dans l’accompagnement sont représentatives des enjeux de positionnement des membres de l’association vis-à-vis des


1 | contexte d’intervention

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4 | Bilans et méthodologie

habitant·e·s et ont amené à questionner l’impact des actions sur les logiques internes en place.

méthode d’accompagnement, depuis la définition, à la mise en œuvre des projets jusqu’au suivi de l’installation.

En 2018, le projet électricité et la mise en place d’une association d’habitant·e·s a fait émerger la nécessité d’un suivi plus détaillé, sur le plan administratif et organisationnel. Avec l’obtention du financement de la Métropole, une fiche de poste a été créée pour assurer une médiation autour du montage administratif du projet électricité.

Les deux ateliers d’analyse de la pratique réalisés en février 2020 dans le cadre de la capitalisation avaient pour objectif de revenir sur le déroulé de cet accompagnement dans les projets, dans l’idée de faire émerger des lignes directrices, des principes d’intervention et des processus qui forment les jalons d’une méthode. Cette section capitalise les résultats de ces sessions.

La diversification des disciplines et le renforcement des compétences au sein de l’équipe ont permis la mise en place de différents outils de médiation et de participation et le développement d’une

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Principe fondateur : l’empowerment La méthode d’accompagnement, guidée par des réflexions sur l’empowerment ou


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« capacitation », a pour objectif l’autonomisation des personnes concernées. Cette méthode consiste à considérer les compétences habitantes comme ressources premières de l’intervention. Dans le cadre de l’amélioration des conditions de vie, elle a pour mode d’action le développement et la transmission d’outils permettant aux occupant·e·s de se saisir des enjeux propres à leur environnement. Elle s’attache à laisser place à l’implication individuelle et collective dans la prise de décision. L’empowerment rejoint l’un des axes principaux du fonctionnement d’ASF, qui consiste à « faire avec » plutôt que « faire pour ». Cela nécessite de se défaire

de ses préjugés sur les besoins supposés, pour partir de ceux formulés depuis le terrain par les personnes concernées.

La communication : un enjeu primordial La diffusion d’une information claire et précise permet de s’assurer que les habitant·e·s aient entre les mains tous les éléments nécessaires à la compréhension des enjeux du projet, afin de permettre une prise de décision la plus éclairée possible. La communication est donc un levier privilégié de la méthodologie d’empowerment.

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4 | Bilan stratégique et méthodologique

"

Rencontrer les habitant·e·s demandait de se poser chez eux et de fumer des cigarettes avec eux. Ils prenaient une poignée de pipas, me la mettaient dans la main et on prenait vingt minutes pour manger des pipas et discuter de choses anodines. C’est ça qui fait que la relation peut se faire.

"

Extrait du récit d'Hugo

Elle consiste en un travail de traduction : • Communiquer dans la langue. La traduction ciblée est un élément essentiel à l’établissement d’une communication efficace. Quand le contexte s’y prête, la traduction est menée avec l’appui de la médiatrice santé Roumanophone de Médecins du Monde. Parfois, des habitant·e·s sont sollicité·e·s pour assurer l’interprétation. Certain·e·s ont été rémunéré·e·s pour assurer ce rôle sur d’autres sites durant les chantiers. Souvent, les enfants assurent une médiation de manière informelle avec les associations. Au-delà de l’interprétariat, les documents sont dans la mesure du possible, rédigés dans plusieurs langues : français, roumain ou romani selon les besoins. • Faire passer des informations techniques. Le recours au croquis et à la maquette 3D, qu’elle soit virtuelle ou matérielle, permet de faciliter les 172

échanges autour des projets. Certaines associations comme Paroles Vives mènent un travail d’outillage autour de vocabulaire spécifique : préparation à un entretien d’embauche, vocabulaire technique. • Assurer une médiation avec les acteurs institutionnels, comme le fait l’association Rencontres Tsiganes. Elle informe des procédures engagées sur le site (assignations), et renseigne les occupant·e·s de leurs droits. Accompagnée d’une ou plusieurs avocates, elle prépare également la défense des habitant·e·s. Les associations assurent la transmission d’informations concernant le projet pilote, en organisant des réunions d’information. La communication se fait sur différents modes : • à

Communiquer avec tous·tes, grande échelle, à destination


1 | contexte d’intervention

de l’ensemble du groupe. Cette communication peut prendre la forme d’affiches ou d’ateliers. Sur le site des Aciéries, un panneau d’information a été installé à plusieurs reprises pour annoncer les plannings de visite de chaque association. • Communiquer individuellement. Notamment grâce au porte-à-porte, afin de rencontrer les personnes individuellement et dans leurs appartements. Selon les besoins, cette méthode peut s’appuyer sur des grilles d’entretien semi-directives, mais est le plus souvent conduite sur le mode de la conversation informelle • Communiquer de manière ciblée : le focus group. Méthode utilisée lors d’une phase de diagnostic global sur

l’ensemble des sites, en partenariat avec l’association Médecins du Monde, afin d’identifier des problématiques relatives à des groupes spécifiques. Par exemple, des groupes de femmes ont été réunis pour aborder des questions d’accès à l’hygiène de manière plus ciblée. Des focus group ont également été organisés entre habitant·e·s d’une même famille. Ils permettent notamment un accès à la parole à des personnes habituellement invisibilisées, ou d’aborder des thématiques reléguées à l’arrière-plan. Nous détaillerons par la suite les spécificités de l’accompagnement dans les projets d’amélioration des conditions de vie.

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4 | Bilans et méthodologie

ci-dessus: visite de site de la Pomme par l’association JUST

Se rencontrer – Se présenter La première visite sur site a pour objectif d’établir un premier contact, de présenter l’association et les motifs de sa présence sur site. Elle est déterminante car elle va permettre aux habitant·e·s d’identifier le rôle de l’association et de pouvoir la solliciter en fonction de leurs besoins. Elle a aussi un rôle dans l’amorce de la relation de confiance qui sera consolidée par la suite. Souvent, ASF est introduite par une ou plusieurs associations déjà présentes sur le site, afin de favoriser la mise en lien. Les premières visites se font généralement de manière concertée, afin de 174

rendre identifiable les liens entre les différents acteurs du collectif. La sollicitation se fait de manière collective et souvent avec l’intervention d’un·e interprète, parfois avec l’aide du chef de platz, à qui il est demandé de mobiliser les habitant·e·s. Les visites suivantes sont l’occasion d’approfondir la connaissance des familles. Elles ont lieu à intervalles réguliers, une à deux fois par semaine et à différents moments de la journée ou de la semaine, pour s’adapter à la diversité des emplois du temps. Les premières rencontres n’ont pas d’objectif précis : elles sont faites de conver-


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1 | contexte d’intervention

LE TOI T / acoperișul casei

problème observé / problemă + INFILTRATION D’EAU /

INFILTRARE

responsable / persoană responsabilă

2

mission / misiune + R ÉPARER LES TROUS /

reparație

matériaux / material

LE PLAFOND / tavanul camerei

problème observé / problemă + PLAFOND INCOMPLET /

TAVANUL INCOMPLET

responsable / persoană responsabilă

mission / misiune + RÉCUPÉRER DES PLAQUES /

recupera plăci

matériaux / material

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4 | Bilans et méthodologie

sations informelles qui permettent d’interroger les trajectoires individuelles et collectives, et d’avoir un aperçu des modes de vie et des aspirations de chacun·e. La relation se tisse à mesure des visites, au cours desquelles la méfiance laisse progressivement place à la confiance.

Identifier les besoins Cette phase consiste à affiner la compréhension des usages du site et les logiques affinitaires. Elle passe par l’information des occupant·e·s sur les enjeux relatifs à leur installations : risques sanitaires, amélioration de la sécurité.

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Le porte-à-porte est beaucoup mobilisé, car il permet une plus grande proximité et favorise l’émergence de la demande. A mesure de l’affinage de l’identification des besoins, de nouveaux modes de communication collectif sont mobilisés.


Fiche méthode : l’accompagnement des habitant.e.s

Focus : les ateliers collectifs Les concertations prennent la forme d’ateliers collectifs. Idéalement ces ateliers accompagnent toutes les phases de conception du projet. Ils ont pour objectif la validation du programme et l’obtention de l’adhésion des habitant·e·s sur les aménagements qui vont être réalisés. Plusieurs allers-retours sont organisés, selon une méthode « itérative ». Régulièrement, des ateliers sont réalisés pour présenter le projet aux habitant·e·s, et recueillir leur expertise d’usage afin d’améliorer le projet. Les ateliers sont préparés plusieurs semaines à l’avance, grâce à l’élaboration d’une feuille de route et de documents supports. Un atelier s’organise principalement en trois phases : • Une phase d’information générale et de présentation, avec l’ensemble du groupe • Une phase d’information ciblée, en groupes restreints, sous un format atelier • Une phase de débat et prise de décision collective. Afin de rassembler le plus de monde possible, l’évènement est communiqué en amont, à la fois de manière collective, par l’affichage de panneaux, et de manière individuelle, par des papiers distribués en porte-à-porte.

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4 | Bilan stratégique et méthodologique

"

La participation, c’est aussi apprendre à utiliser une scie circulaire. C’est travailler des petites choses qui ouvrent des imaginaires.

"

Extrait du récit de Faustine Le chantier tiers

Mobilisation en amont des chan-

• Identification des ressources. Identification des compétences en place et estimation du nombre d’habitant·e·s prêt·e·s à se mobiliser pour le chantier. Ces médiations permettent le repérage des compétences, pour identifier les personnes susceptibles d’apporter une aide sur le chantier et cibler leur disponibilité. La mobilisation des ressources consiste aussi à interpeller les habitant·e·s sur les moyens qu’ils·elles sont prêt·e·s à mettre à disposition pour l’aménagement : prêt de matériels, soutien en manutention, récupération de matériaux divers. Par exemple, sur le chantier de Cazemajou, les habitant·e·s s’étaient engagés à récupérer des grilles pour la sécurisation des fenêtres. • Actions préparatoires de type nettoyage. Dans ces phases, les habitant·e·s sont sollicité·e·s sur une journée entière pour préparer les sites. Une benne est commandée en amont, et des sacs sont distribués. 178

Sur le chantier Durant le chantier, ASF prend le rôle de « passeur », entre constructeur·trice·s et habitant·e·s. Les membres de l’association font du porte-à-porte, pour les informer et recueillir leur avis, les habitant·e·s à venir voir le chantier et à y prendre part. La mobilisation des habitant·e·s sur le chantier peut prendre différentes formes : • Appui à la mise en œuvre. Selon leurs compétences et leurs envies. Lors de chantiers bénévoles, ASF avait pour habitude de réaliser des binômes bénévoles ASF-habitant·e·s dans une visée de partage de compétences et d’auto-formation. • Appui à la logistique et intendance de chantier. Les habitant·e·s peuvent également être mis à disposition pour différentes actions autour du chantier. La plus courante a été la mise à disposition de camionnette pour la récupération de matériaux. ASF encourage à la réalisation des repas, souvent en début ou fin de chantier lors de gros travaux.


Fiche méthode : l’accompagnement des habitant.e.s

Focus : l’embauche d’un·e habitant·e sur chantier Dans une optique de valorisation des compétences, il a été envisagé de recruter un·e habitant·e· Lors de la préparation du chantier d’électrification des Aciéries, Hugo a travaillé en collaboration avec l’AMPIL et le Conseiller en charge de l’insertion professionnelle, sur la modélisation d’une embauche Parmi les questions soulevées par cette démarche, celle de la légitimité d’une association à sélectionner un·e habitant·e plutôt qu’un·e autre. Le choix s’est tourné vers une personne mineure, tenue de fait hors des dispositifs d’accès à l’emploi prévus par le projet d’accompagnement, afin d’éviter une mise en concurrence des habitant·e·s face aux associations. Des démarches administratives ont été entamées pour l’ouverture du contrat et la rémunération de la personne sélectionnées. Malheureusement, les procédures ont dû être suspendues du fait de la complexité de la situation administrative de la personne concernée, puis à l’arrêt du chantier.

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4 | Bilan stratégique et méthodologique

Ce type de sollicitation est très précieux dans la mobilisation des femmes, qui ne sont habituellement pas sollicitées lors des travaux manuels. • Sensibilisation au chantier. Celleci se fait souvent via les enfants, qui sont encouragés à venir voir le chantier et par exemple à apprendre à utiliser certains outils. Après le chantier : accompagnement à la gestion de suivi L’expérience a montré la nécessité de réaliser un suivi une fois l’équipement terminé, afin d’accompagner la prise en main des lieux. Celui-ci consiste à :

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• Sensibiliser et informer sur l’utilisation et l’entretien des équipements, en particulier lorsqu’il s’agit d’équipements spécifiques, par exemple des toilettes sèches. Sur ce sujet, ASF s’est beaucoup appuyée sur l’association Toilettes du Monde qui a mis en place des documents méthodologique d’accompagnement à l’usage des équipements • S’assurer d’une utilisation équitable de l’équipement et lutter contre l’appropriation par un groupe ou une personne spécifique. Lorsqu’il s’agit de petits équipements ou sanitaires, les habitant·e·s ont eu la plupart du temps tendance à s’auto-organiser par groupes


fiche méthode : l’accompagnement des habitant.e.s

ci-dessus: montage du Mobil’eau sur site

affinitaires, en posant des cadenas sur chacun des équipements

d’actions plus courtes, de nettoyage et de réparations mineures.

• Évaluer par une enquête d’usage. Collecter les retours sur le projet réalisés, présenter les modalités de réalisation du chantier, et réaliser les ajustements nécessaires.

Une connaissance plus précise des dynamiques collectives et individuelles a permis d’affiner les réponses apportées et d’ajuster les programmes. Par exemple, la compréhension de l’absence d’un seul groupe constitué sur les sites, mais souvent de plusieurs groupes affinitaires. La méthode de mobilisation d’un seul groupe a fait émerger des problématiques d’inéquité de répartition de la parole, où les logiques hiérarchiques favorisent certains groupes au détriment d’autres. Il a été constaté que cette répartition avait également des ef-

Bilan Une présence régulière sur le site a permis de consolider la relation avec les habitant·e·s et d’approfondir les méthodes de mobilisation en amont, pendant et après les chantiers. L’augmentation des phases d’étude et de suivi ont eu pour conséquence une diminution du nombre de grands chantiers, et l’augmentation

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4 | Bilan stratégique et méthodologique

fets sur les usages des équipements, qui n’étaient utilisés que par certaines personnes. L’une des réponses apportées à cette problématique a été de multiplier les petits équipements répartis entre les différents groupes affinitaires.

viennent à identifier l’objectif de la présence d’ASF sur site, et à contacter l’association directement pour un chantier. Par exemple, la fabrication des toilettes sèches sur le site a été faite sur demande des habitant·e·s.

Enfin, la présence sur site a permis l’identification de personnes ressources : pour leurs compétences, leur adhésion aux projets, leurs affinités. Celles-ci sont des ponts incontournables de la relation aux associations.

Cette méthode, qui consiste davantage à répondre à un besoin émergent qu’à chercher à ajuster un besoin sur une proposition d’aménagement préalablement définie, est un horizon vers lequel tend ASF.

Au fil de l’expérience, on remarque un changement de posture de l’association dans la stratégie d’étude des besoins. A mesure du temps, les habitant·e·s par-

Deux enjeux ont émergé pour la suite :

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• La formation des habitant·e·s sur les chantiers. Dans l’effervescence du


fiche méthode : l’accompagnement des habitant.e.s

ci-dessus : actions de concertation pour la conception du Mobil’eau

chantier, les liens entre professionnelles et habitant·e·s ne se font pas forcément. L’articulation avec des personnes ressources, intermédiaires, qui seraient formées en amont des chantiers, et qui auraient pour objectif la mobilisation des habitant·e·s lors du chantier. Cette méthode se réalise déjà de manière informelle mais il serait intéressant de la formaliser.

mis d’ouvrir des pistes. Cette dernière partie permet de faire des ponts avec le volet emploi et formation.

• La valorisation des compétences acquises lors du chantier, ou le chantier pour valoriser des compétences déjà existantes. L’embauche d’un·e habitant·e sur les chantiers fait partie de ce volet, même s’il n’a pas abouti, il a per-

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4 | Bilan stratégique et méthodologique

Fiche méthode : l’accompagnement des habitant·e·s

ETAPE

Etape 1 Premier contact

Etape 2 Etudes Esquisses

Présentation de la structure, rôle et motif de l'intervention Annonce de première ébauche de programme

Evaluation des besoins Sensibilisation des habitants aux enjeux de la sécurisation Premières esquisses

Moyens

Rassemblement collectif en groupe entier

Relevé de l’existant Informations ciblées auprès des habitants concernés Organisation de réunions collectives

Outils de suivi

Observation participante

Relevé sur site Observation participante Carnets de visite

Répertoire de contact Carnets de visite

Rapport de visite 1

Plans d’état des lieux Plans esquisses Schémas - croquis

Descriptif quantitatif

Objectifs

Documents produits

184

Etape 3 Etat des ressources

Repérage des compétences Identification des personnes ressources Identification des partenaires opérationnels

Prises de contact Entretiens informel avec les habitants Esquisse financière Présentation esquisses aux habitants


Fiche méthode : l’accompagnement des habitant.e.s

Etape 4 Projet détaillé

Etape 5 Préparation du chantier

Etape 6 Chantier

Etape 7 Suivi

Finalisation du projet

Préparation du site Equipement Mobilisation des habitants

Mobilisation des habitants dans le chantier Coordination générale Logistique

Evaluation du projet Mise à jour du diagnostic Réalisation des plans de sécurité

Visa par un expert technique (appui extérieur) Finalisation budget Présentation collective du projet et du calendrier aux habitants

Réalisation d’actions de nettoyage Achat et récupération des matériaux Annonce auprès des habitants Elaboration du calendrier de chantier

Sollicitation des personnes ressources

Enquêtes d’usages

Feuille de route Affiches en Français/ Roumains Affiches individuelles

Feuille de route

Carnets de visites

Descriptif quantitatif finalisé Budget finalisé Plans finalisés

Calendrier de chantier

Rapport de visite 2 Plans avant/après Plans de sécurité

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Remerciements A celles et ceux qui ont écrit ce livre, pour leur participation active, leur implication à toute épreuve, et leur énergie colossale. A l’équipe : Lucia Cano Dato, coordinatrice du projet, Faustine Viellot et Hugo Panabière, chargé·e·s de l’accompagnement des habitant·e·s, Léa Jeanjacques, chargée de capitalisation. A celles et ceux qui ont fait et/ou font encore vivre le projet : Lilia Benbelaid, Léa Bourgarel, Marie Cabrol, Camille Chapin, Giulia De Matteis, Soukaina Echchiguer, Elise Fargetton, Camille Fraissenet, Florentin Godeau, Laetitia Hedon, Stéphane Herpin, Corentin Holvoet, Wanda Hoesch, Pierre-Charles Marais, Antoni Marchesi, Cécile Meurou, Lou Perdreau, Coline Scoarnec, Marie Segonne, Emilie Spitz, et d’autres... Au fourmillement des bénévoles qui animent et animent la délégation. Aux partenaires, pour le temps accordé dans les entretiens : Tanina Baudrand, Caroline Godard, Elodie Maniaval, Claudia Marchetti, Florence Mazella di Bosco, Roselyne Prince-Grondin. Et merci enfin à Manoel Auffray, Maude Bellini, Nicolas Ferro, Janny Lessire, Jacques Letourneur, Romain Mantout, Marie Segonne, pour leurs relectures minutieuses et patientes et la pertinence de leurs retours.

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Architectes Sans Frontières Marseille Décembre 2020 - Tous droits réservés


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