Magazine «l'environnment» 3/2020 - Une belle diversité

Page 21

21

DOSSIER PAYSAGES

Évolution de la perception du paysage

« La spécificité du paysage est un point d’ancrage identitaire » La Convention européenne du paysage du Conseil de l’Europe définit le paysage comme une « partie de territoire telle que perçue par les populations ». L’activité humaine est ainsi prise en compte au même titre que l’influence de la nature. Le regard posé sur le paysage a en effet évolué au fil du temps. Nous nous sommes entretenus avec Renate Amstutz, directrice de l’Union des villes suisses (UVS), et Raimund Rodewald, directeur de la Fondation suisse pour la protection et l’aménagement du paysage (FP). Propos recueillis par Lucienne Rey

Le Prix du paysage 2018-2019 du Conseil de l’Europe a été décerné au projet « Renaturation du cours d’eau de l’Aire », près de Genève. Quelles étaient, selon vous, les motivations du jury ? Raimund Rodewald : Ce projet revêt une importance majeure au niveau de l’approche du paysage. Il est en effet le résultat d’une association plutôt inhabituelle entre les domaines de la biologie, de la protection de la nature, de l’architecture et de l’aménagement du territoire. Généralement, ces disciplines travaillent chacune dans leur coin. Ici, elles ont coopéré. Par ailleurs, le projet ne consistait pas à supprimer l’existant mais à l’inscrire dans un nouveau contexte. Ainsi l’ancien canal a-­ t-il été conservé et fait office désormais de promenade. Il s’agit d’une transformation du paysage qui véhicule une image optimiste. Renate Amstutz : Ce projet ne défend pas un « retour à la nature », mais une « avancée vers la nature », qui traduit une nouvelle forme de respect envers celle-ci. Il s’oppose aux démarches passées qui visaient à apprivoiser la nature et à contenir les cours d’eau. Signe révélateur, des besoins très différents ont été pris en considération : diversité des habitats, protection contre les crues, loisirs de la population. Mentionnons aussi la collaboration transfrontière, qui constitue également ici une démarche innovante.

l’environnement 3 | 20

Les adjectifs valorisant le paysage ne manquent pas : « charmant », « exceptionnel », « enchanteur » ou tout simplement « beau ». À l’inverse, les adjectifs péjoratifs sont peu nombreux. On trouve, le plus souvent, « défiguré », « mité » ou encore « urbanisé ». Comment expliquez-vous que, dans le contexte actuel de forte mutation du paysage, les termes positifs continuent à prévaloir ? R. Amstutz : Généralement, le terme même de « paysage » ne désigne pas le paysage dans sa globalité, mais ce qui n’a pas encore été modifié. Les termes le plus souvent utilisés expriment une certaine nostalgie et portent en réalité sur ce qui doit être protégé. Sans oublier que l’on préfère souvent décrire ce qui est beau !

« Il n’est pas simple de concevoir une urbanisation de qualité présentant une identité propre. » Renate Amstutz

R. Rodewald : Les enquêtes réalisées à partir de photos de paysage montrent que les critères esthétiques font plutôt l’unanimité dans la population.


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook

Articles inside

Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.