numéro 91

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SOMMAIRE

1

LE LIVRE DE LA QUINZAINE

Miroslav Karléja

Je ne joue plus

par Vladimir Balvanovic

4

ROMAJf8 ETRANGERS

Josef Skvorecky Véra Linhartova David Boyer-

L'Escadron blindé Canon à l'écrevisse Regards en coulisse d'un tueur de pigeons Le triomphe Miss Mamma Aimée

par Claude Bonnefoy

8

John Kenneth Galbraith Erskine Caldwell

par Jean Wagner par J. W. par J. W.

Propos d'Alain

7

14

ROMANS rRANçAIS

Geneviève Serreau

Ce cher point du monde

par Bernard Pingaud

10

FANTASTIQUE

Tzvetan Todorov

Introduction à la littérature fantastique Un jour vieltdra

par Dominique Fernandez

Lettres d'Ezra Pound à James Joyce avec les essais de Pound sur Joyce

par Hélène Cixous

André Dhôtel

13

18

ARTS

John Berger

Art et révolution Images tantriques Le C.N.A.C. propose... Arts japonais d'aujourd'hui

par par par par

SOCIOLOGIE

Edgar Morin Emile Durkheim

par Emmanuel Berl par Jean Bazin

Marcel Mauss

La Rumeur d'Orléans JOl/rnal sociologique La science sociale et l'action Œuvres

par Georges Condominas

Dominique Desanti

L 'Internationale communiste

par Annie Kriegel

17 18 19 20

par Lionel Mirisch

21

Marcel Billot J.-L. Verley J .-L. Verley Françoise Choay

22

HISTOIRB

24

ilS PACE

Ouvrages sur la Lune

par Gilbert Walusinski

28

FEUILLBTON

w

par Georges Perec

28

THBATRE

August Strindberg Jacques Kraemer

La Danse de mort Splendeur et misère de Minette la bonne Lorraine

par Gilles Sandier

François Erval, Maurice Nadeau.

Publicité littéraire : 22, rue de Grenelle, Paris-7". Téléphone : 222-94-03.

Crédits photographiquel

Conseiller : Joseph Breitbach.

La Quinzaine litteraire

Comité de rédaction: Georges Balandier, Bernard Cazes, François Châtelet, Françoise Choay, Dominique Fernandez, Mare Ferro, Gilles Lapouge, Gilbert Walusinski. Secrétariat de la rédaction : Anne Sarraute. Courrier littéraire : Adelaide Blasquez. Rédaction; administration : 43, rue duTemple, Paris-4· Téléphone: 887-48.58.

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Publicité générale : au journal. Prix du n· au Canada: 75 cent,. Abonnementl! : Un an : 58 F, vingt-trois numéral!. Six mois : 34 F, douze numéral. Etudiants: réduction de 20 %. Etranger : Un an : 70 F. Six mois: 40 F. Pour tout changement d'adrellie envoyer 3 timbres à 0,30 F. Règlement par mandat, chèque bancaire, chèque postal : C.C.P. Paris 15.551.53. Directeur de la publication François Emanuel.

çomp. Phot. Graphiques Gambon Impression S.I.S.S. Printed in France

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9 p. 10 p. Il

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p. 22 p. 23 p.24 p.25 p. 28

D.R. Gallimard éd. Le Seuil éd. Roger Viollet D.R. Roger Viollet Roger Viollet Roger Viollet D.R. Denoël éd. Le Point Cardinal Musée Cernuschi Bernard Cormerais Presses Universitaires France Minuit éd. Monique Burke Roger Viollet Payot éd. Bernand

de


Un dissident • Pour pouvoir faire honnêtement ·son devoir, l'écrivain a besoin d'être dans un cer· tain sens dissident, voire défaitiste, aussi bien à l'égard de l'Etat et des institutions, qu'envers la nation et les au· torités (1), déclarait, en 1968, l'écrivain croate Miroslav Karléja, romancier, poète, dramaturge, polémiste et, de toute façon, la personnalité la plus marquante des lettres yougoslaves contemporaines. J)

Miroslav Karléja

Je ne joue plw

trad. du croate p~ Janine Matillon Ed. du Seuil, 272 p. Pour ce qui est de la dissidence, Karléja en fut toujours l'instigateur, aussi bien à l'époque de l'Empire austro-hongrois puis pen. dant le Royaume de Yougoslavie quand il s'érigea en accusateur fulgurant d'une société « criminelle :t et avilie, qu'en Yougosla. vie socialiste où il livra, en 1952, sa célèbre bataille contre le c: caiigulisme e8thétique :t de Jdanov. D'où un véritable « mythe Karléja :t non seulement en You· goslavie, mais aussi dans certains autres pays de l'Europe orientale. Si l'on voulait en expliquer aujourd'hui la genèse, il faudrait d'abord noter que, militant communiste dès 1917, idéologue qui a combattu, pendant l'entre-deuxguerres, pour un « socialisme à visage humain » avant la lettre, Karléja n'a pourtant jamais cédé à la tentation de soumettre ses positions esthétiques aux mots d'ordre de l'action révolutionnaire. C'est cette attitude qui fut à l'origine, une décennie avant le c: schisme » yougoslave de 1948, d'un profond conflit dans les rangs du P.C. yougoslave Miroslav Karléja et ses quelques amis ne manquèrent pas d'être qualifiés de c: déviationnistes », « trotskystes », «petits bourgeois» etc. Immédiatement après la libération, le grand « incorruptible » eut le courage. de répondre par un silence quasi systématique aux dogmes du « réalisme socialiste », importé plus ou moins officielle· ment en Yougoslavie. Au congrès des Ecrivains tenu à Ljubljana en 1952, il n'hésite pas à réclamer le droit à la « simultanéité ~es sty-

les :t, et cette intervention marque le déplut d'une mutation irréversible des lettres yougoslaves dans leur ensemble. Ces quelques points semblent indispensables pour situer dans son contexte le roman Je ne joue plus, qui est, en fai~ une sorte d'« anti-roman :t, publié en 1938, une année avant l'éclatement de l' c: affaire Karléja :., au moment où celui-ci cessa lui·même de jouer et de se taire devant les aberrations de plus en plus manifestes du stalinisme. Dialoguant en prison avec un détenu politique, ré· volutionnaire qui prône l'établis· sement d'un c: ordre supérieur :. aux traits singulièrement totaJitaristes, le héros du roman ne pose-t.il pas à son interlocuteur cette question prémonitoire c: Est-ce que" l'assassi1U/.t consti·

tuera la base de cet ordre social impérieur, comme cela se produit chez nos capitalistes et chez leur! avocats? :. La réponse est lourde de sens en cette seconde année des procès de Moscou : « Tant qu'il y a des ulcères, Monsieur le Docteur, ·il y aura des chirurgiens. » Entre le rôle de l'oppresseur et celui de l'hérétique, Kar· léja choisit le second: «L'artiste, déclare.t-il, semble beaucoup plus

proche de Lucifer que de Promé· thée, ·son frère plus jeune et plw

Miroslav Karléja

gés :t, voit se déclancher un scandale qui lui fera perdre sa situation, sa famille, ses biens, et qui le mènera de prison en prison, de l'hôpital à l'asile psychiatrique. Les concitoyens troglodytes de ce fauteur de troubles excuseraient à la rigueur son c: inconduite », mais ne lui pardonnent pas son extraordinaire insolence : il n'a pas honte d'être mis au ban de la société. Comment absoudre ce trouble·fête qui refuse de se débattre dans les filets du Code pé. nal, qui se laisse déposséder de ses biens sans broncher ? Ils l'ont sali et conspué, il ne se sent pas pour autant déshonoré. Ils le font

Un anti.roman, publié en 1938, et qui, déjà, dénon· ~t

les aberrations de plus en plus manifestes du

stalinisme.

1U/.ïf, auquel on a trop l'habitude de l'assimiler. » (2) Ce roman-symptôme raconte l'histoire d'un homme « qui dor-

mait depuis plus de trente ans, qui se réveille, qui se lève et commence à marcher au milieu du dé· sordre sous l'impulsion d'une petite vérité simple, logique et on ne peut plus claire. :. Pour avoir dit à un omnipotent d'une capitale provincale, à un « bienfaiteur na· tional », qu'il est « criminel et dépravé :. de se vanter du meurtre de quatre paysans qui voulaient lui voler quelques bouteilles de vin, le héros sacrilège de Karléja, un avocat qui avait vécu jusque là toute sa vie c en zéro bien rangé

dans une foule de zéros bien ran-

La Quinzaine littéraire, du 16 au 31 man 1970

passer pour fou, il ·ne s'en défend pas. Il refuse la main de sa fille à un grand notable de la ville non à cause de la dot exigée (<< La maison, je la lui aurais donnée »), mais parce qu'il méprise cette fa· mille. Ils l'ont déclaré politiquement dangereux, communiste, ils n'en a pas honte. Bref, il ne joue plus, il n'accepte plus la règle du jeu, et commet ainsi le crime majeur aux yeux des défenseurs des valeurs chrétiennes, bourgoises, progressistes et autres. Ce côté contestataire frappe même les plus jeunes lecteurs, ceux dont les souvenirs ne remontent qu'à l'année 1968. Je ne joue plus est un texte actuel et percutant. C'est en réalité par un « côté

noir » que Karléja observe ici le monde qui l'indigne et contre lequel son personnage sans nom (un « innommable :., comme celui de Beckett) se révolte jusqu'à la démence. Il nous faudrait, pour bien dégager ces thèmes, revenir aux nouvelles de l'Enterrement à Thérésienbourg (3) , et surtout au sombre Retour de Philippe Latinovicz (4) qui situent l'œuvre de K.arléja dans le contexte d'Europe cen· traIe, à côté de Holmannsthal, de Kafka, de Broch, de Musil, de Lukacs, voire même de Freud. Le héros anonyme de ce roman est un isolé, comme l'était Latinovicz, artiste solitaire, « englué :t dans une « vie hrumeuse » et c: sans racine », sentant (en 1932!) une ({ nausée» anàlogue celle du Roquentin de Sartre, ressemblance perçue aussi bien par la critique yougoslave qu'étrangère. Dans le monde souterrain de ses personnages à la dérive, c'est encore un être conscient d'avoir rompu le pacte, un ({ homme sans qualité », aussi peu c: édifiant » que possible. Sa révolte n'a aucun sens, elle n'a pas d'avenir, mais, en même temps, ne débouche·t-elle pas, sur une prise de conscience ? Celle de l'impossible acceptation de la cruauté et de la bêtise. On re· procha à Karléj.a « l'individualisme », l'absence de « perspective historique », son « pessimisme anarchisant », mais l'auteur croate, continuera malgré tout son incessante contestation : «Refuser le monde, dira-t-il plus tard, est une manière de raccepter. » Dans ce désengagement engagé, l'Homme ne se perd point. Sa contestation est située aussi bien au niveau du langage qu'au niveau de la forme romanesque : Je ne joue plus est construit comme un puzzle et ressemble plus à un « état de la question » qu'à une fresque, au sens traditionnel. Certains chapitres sont des chefsd'œuvre d'inspiration multiforme. Ce « visionnaire » des lettres yougoslaves et slaves s'offre aujourd'hui au public françaill avec son œuvre peut-être la plus percutante. La traductrice, Janine Matillon, a su trouver de très ingénieuses équivalences.

Vladimir Balvanovic 1. « Le Monde Il du 28·12·1968. 2. P. Matvejevitch : «Entretiens avec Karléja li, Ed. Naprijed, 1969. 3. Edition de Minuit, 1956. 4. Calmann-Lévy, 1957.

3


ROMANS :l:TRANGERS

Du soldat

Josef Skvorecky L'Escadron blindé Traduit du tchèque par François Kerel Gallimard, 288 p.

1 1

Véra Linhartova Canon à l'écrevisse Traduit du tchèque par Joseph et Denise Suchy Ed. du Seuil, 224 p.

Rien ne ressemble moins au réalisme truculent de l'Escadron blindé que le symbolisme subtil de Canon à l'écrevisse. Les titres euxmêmes indiquent la différence de ton à moins qu'on ne prenne le canon, ici accommodé à l'écrevisse, pour une arme et non pour la forme sommaire de la fugue. Cependant, les auteurs de ces deux livres, Josef Skvorecky et Véra Linhartova sont tchèques.

Malgré la différence de leurs styles - qui paraîtrait plus atténuée si l'on se référait à un texte plus récent de Skvorecky, mais qui fut traduit en premier, la Légende d'Emoke ils ont en commun le goût d'une écriture libre qui ne s'embarrasse pas des règles, et encore moins des dogmes, pour dire ce qui est ou ce qu'elle veut. Et si l'on regarde de près fEscadron blindé et Canon à l'écrevisse, on constate encore ceci : les définitions qui semblent d'abord leur convenir, réalisme et symbolisme, ne peuvent être qu'approximatives et provisoires. Par-delà les scènes de la vie de caserne, Skvorecky fait le portrait de la bêtise. Derrière l'onirisme de Linhartova se profile le visage d'un monde, le nôtre, où tout fait toujours question. Ici comme là, l'écriture dit toujours plus qu'il ne semble. Le roman de Skvorecky a une histoire. Ecrit en 1954, ce récit des aventures du brave soldat Smiricky dans une caserne de l'armée populaire tchécoslovaque n'aurait pu alors obtenir son visa de censure. Quatre ans après, du reste, son auteur subissait les foudres de l'idéologie officielle pour la publication des Lâches. Reconnu depuis la parution de la Légende d'Emoke en 1963 comme un des meilleurs écrivains de sa génération, Skvorecky s'apprêtait à publier fEsca4

dron blindé lorsque les blindés soviétiques vinrent lui signifier l'incongruité d'un tel projet. De surcroît Skvorecky n'avait-il pas déclaré dans une interview à Antonin Liehm, et cela avant même le printemps de Prague, que sa génération avait longtemps cru au socialisme avant de prendre conscience que le socialisme qu'on lui proposait n'était qu'un mot auquel il importait désormais de donner « chair » (1)? C'est pourquoi fEscadron blindé voit le jour en France tandis que son auteur enseigne dans une université canadienne. Au premier degré, il s'agit d'un récit d'une bouffonnerie savoureuse, quelque chose comme la rencontre sous le portrait de Staline de Schveik et de l'adjudant Flick. Le tire-au-flanc et la baderne sont ici les mêmes que dans toutes les armées du monde. Le conscrit ne peut supporter le règlement qu'en s'en moquant; le gradé qui le fait appliquer à la lettre, même s'il se fait craindre, n'échappe pas au ridicule. L'introduction de cours de socialisme dans la pratique militaire quotidienne ne change rien, mais ajoute plutôt un piquant supplémentaire. Qu'on imagine Flick ou Hurluret, l'un jugulaire, l'autre relativement bonnasse, enseignant la

politique avec la même subtilité que le maniement d'armes. Cela nous vaut des Gaîtés de l'Escadron d'un nouveau genre où les tics et les non·sens de la vie militaire sont comme soulignés par l'emploi d'un nouveau vocabulaire

qui, greffé sur l'ancien, devient vite aussi stéréotypé. Quand, à la prison du quartier, le commandant trouve l'aspirant de garde galamment occupé dans la cellule d'une prisonnière (auxiliaire féminine de

l'armée), sa colère (où rappel du règlement, et références au parti se mêlent à une jalousie secrète) prend une dimension comique étonnante. L'Escadron blindé est plus qu'un roman picaresque d'une cocasserie extrême. Sous-titré « chronique de la période des cultes », il dénonce en même temps le formalisme de l'instruction militaire et celui de l'endoctrinement politique. Ici comme là, Je cadre compte plus que le contenu, l'apparence que la réalité. Pris au piège vingt-quatre heures sur vingt-quatre, le soldat voit très vite quelles sont les failles de celui-ci, comment il suffit de faire semblant, de maquiller son scepticisme ou sa désinvolture en sérieux pour y échapper. Et Skvorecky montre très bien comment ce jeu se pratique à tous les échelons de la hiérarchie, mais ne s'avoue vraiment qu'au niveau des appelés, comment aussi la sclérose des formes militaires appelle en retour l'ironie. Paradoxalement, la leçon qu'il nous donne est celle·ci : plongé dans un monde absurde, confronté à la bêtise militaire et militante, le conscrit n'a d'autre ressources que la ruse, la feinte ou l'humour. Conçues pour l'abêtir, les caser-


Schveik à Kafka nes, à rebours, éveillent son intelligence. Mais contre eUes. Et que P'tit Méphisto, le commandant sadique et borné disparaisse à jamais dans une trappe d'où seul pourrait le sortir le croc à merdre du père Ubu lui apparaît alors, à l'image de l'armée, comme une farce colossale et tragique. Avec Véra Linhartova, le ton est radicalement différent. La réalité n'est plus dénoncée par son outrance même, mais par son envers, le rêve, l'irréel. Les textes réunis sous le titre Canon à l'écrevisse et qui furent écrits de 1960 à 1965 quand l'auteur avait de vingt à vingt-deux ans jouent sur divers registres, réflexions, récits, journal, poème en prose. En fait, aucun n'est uniquement ce qu'il parait être et tous ont en commun de nous faire entendre une sorte de narrateur anonyme, tantôt très vieux, tantôt très jeune, qui, parfois, semble se confondre avec l'auteur (notamment dans Pro jeetion picaresque sur arrière.plan et Maison Loin) sans pourtant que le féminin, sauf quelques très rares fois et par une sorte d'inadvertance voulue, soit jamais employé. Cette voix, venu d'un « je » mystérieux, sans visage, qui semble constamment décentré, un peu en dehors, au-dessus ou à côté de soi (le thème du décentrement et du rapport à soi est du reste une des constantes du livre) est ce qui donne unité à l'ensemble. Même si elle feint de n'être pas la même et de nous projeter dans des directions différentes, d'emprunter des langages différents, elle demeure toujours reconnaissable. Elle est le lieu où s'articulent les mots, où leur référence aux choses s'énonce, s'évanouit dans un tremblement, où ils apprennent à se tenir seuls ou à se donner pour le miroir, non d'un monde, mais des multiples dimensions du monde. Ici nous ne sommes plus chez Schveik, mais dans cette Prague baroque et mystérieuse ou Rilke et Kafka découvrirent, sans passer semble-t.i! par les mêmes rues, que le réel est bien plus que le réel, où Apollinaire rencontrant Isaac Laquedem franchit ensemble les factices frontières du temps et de l'espace. Comme Apollinaire, bien qu'elle écrive tout autrement, Véra Linhartova franchit ces frontières. Concrètement, le narrateur de Tout en Gris nous raconte comment il « fait » le mur de la réalité. De l'autre ooté c'est peut-être le rêve.

Bééc1itions Le 15 mars 1988 paraissait le premier numéro de «la Quinu.ine ». La présente livraison, datée du 15 ma... 1970, porte le numéro 91. Profitons de l'occasion pour remeroier tous oeux qui ont permis à «la Quinzaine» d'entrer dans sa oinquième année d'ezistenoe: nos leoteurs et nos abonnée <particulièrement oeux qui, parmi eux, ont souscrit des amons); nos aanonoeurs; et, parmi nos 408 oollaborateurs, les 148 qui ont éorit régulièrement dans « la Quinzaine lit durant les 12 derniers mois.

C'est aussi la liberté ou cette vraie vie dont Rimbaud se plaignait qu'elle fût absente. Les créatures imaginaires, même celles imaginées par les autres, y ont présence et poids. En quelques enjambées on passe de la Venise du XVIIIe siècle à la Prague d'aujourd'hui. Dans le même temps, on rencontre Behrisch qui fut l'ami de Goethe, on assiste au spectacle de la comédie italienne, on monte en ballon avec l'astronome Camille Flammarion. on invente et on tue des personnages. Dans un autre texte, Divertissement polyphonique, la frontière n'existe plus. La folie, le délire qui $Ont peut-être l'extrême lucidité ou la suprême perception l'ont abolie. Dans une même promenade à travers Prague apparaissent successivement Charlie Parker, Verlaine et Rimbaud, celui·ci dissimulant dans sa chambre d'hôtel les chameaux de ses caravanes, Dylan Thomas, Nijinsky. Comme dans tout ce qu'écrit Vêra Linhartova, on ne sait jamais si ce sont la musique, la poésie et la danse qui transcendent la réalité ou bien si, pour les percevoir dans toute leur force, il faut déjà avoir fait le saut avec le narrateur. Un double saut, à la fois dans le langage et de l'autre côté du miroir. Le narrateur ne dit-il pas, à un moment: « Le monde que j'~e de représenter ressemble à la mort un peu comme un décédé ressemble à un trépassé» ? Vêra Linhartova connait tous les bonheurs du langage et en pratique toutes les ruses, de la phrase cadencée et comme portée par ses images

La Quinzaine littéraire, du 16 au 31 mars 1970

Parmi les rééditons, paraîtront la Gana, de Jean Douassot, chez Losfeld (avec des dessins de l'auteur) ; Jacob COW, le pirate, de Jean Paulhan, publié, dans le cadre de l'édition des. Œuvres complètes de l'auteur, dans la collection • Le prix des mots • de Tchou; Sans annure, premier roman de Jean Lorbais, paru autrefois chez Plon et que l'auteur présente chez Gallimard en même temps qu'un nouveau toman intitulé la MI.. au mond••

aux calembours où les mots se cassent comme des noix pour révéler des sens ou des apparentements inattendus. Canon à l'écrevisse nous révèle les facettes multiples d'un écrivain qui devrait être l'un des plus grands d'aujourd'hui, qui ne cesse de jouer sur les ambiguïtés du langage et du monde pour faire surgir autre chose par l'écriture ou dans le recul de l'écriture ou encore dans ce temps de l'incertitude que fait surgir l'écriture. Et sa démarche est comme un écho à la chanson d'Apollinaire :

Incertitude ô mes délices Vous et moi nous nous en allons Comme s'en vont les écrevisses A reculons à reculons Claude Bonnefoy 1. Antonin Liehm: Troï. Généraliona (Gallimard ).

Ismaïl Kadaré

LB GiNiR1L DB L'IRMiB MORTB roman traduit de l'albanais

~

Un roman de stature mondiale... la voix même de l'Albanie millé'. naire. Robert Escarpit

~ Albin Michel


Après la rupture David Boyer Regarda en coulisse d'un tueur de pigeom. Trad. de l'américain par Jean.Pierre Allen. Caimann.Lévy éd., 228 p. On le sait, il suffit d'un geste, d'un mot parfois pour qu'un homme parfaitement intégré dans une société devienne soudain en porte. à·faux. C'est le sujet, par exemple, d'un film récent, Charles mort ou vif qui nous décrit par le menu le mécanisme de la rupture. Regards en coulisse d'un tueur de pigeom se situe après la rupture lorsque le comportement quotidien de l'imlividu est pour le commun des mortels anormal. Pour l'écrivain, deux solutions : l'une dramatique en un schéma dit kafkaïen où le décalage a des consé· quences violentes ou concentrationnaires. L'autre est comique et plus spécifiquement burlesque. C'est celle qui fondait les films de McSennett et les premiers Chaplin. En littérature, les exemples sont rares: l'aspect visuel du gag cinématographique facilite une telle ex· pression. Aussi, le roman de David Boyer se distingue-t.il, par le ton, des autres (et très nombreux) romans qui se veulent satires du mode de vie américain. Dès le premier paragraphe, nous connaissons la manière de Boyer : Cl: La bonne femme dam mon taxi

LETTRES

A. LA QUINZAINE

Benjamin Péret L'article de Serge Fauchereau ,ur Péret est l'un dei plu. jrutes, dam le ton, et dei plru vrai&, dom la pemée, parmi les ClUe: nombreux tutes que la preue a cOnlenti à diffruer récemment. Je souhaiterai& cependant qu'une erreur, grave à certains yelU, soit rectifiée: Péret n'a pas participé à la guerre d'Espagne dam les brigade& internationales mai& dom la colonne Durruti. Les brigades étaient entièrement contrôlées par l'appareil sta· linien et leurs chefs (Togliatti, Geroë, Marty... ) agissaient en liaison avec les hommes du G.P.U. afin d'éliminer les révolutionnaires anarchistes et trot:r.kystes. Ceci n'implique, naturellement, aucune condom· nation ni même srupicion à l'égard des combattants dei dites brigade& qui ne pou· vaient mesurer, à l'époque, l'ampleur de la peste contre·révolutionnaire stalinienne. MtJis quant à Péret, sa «religion lt était faite. Jean 5chuster

me dit que mon klaxon ne ferait Je lui demandai d'où lui venait tant de sagesse. V ous êtes jeune, dit-elle, en vieillissant vous apprendrer. la ver· tu de patience. Les gem patients ont déjà deux pieda dam la tombe, dis.je, alors que mon klaxon est un cri de rage indomptable. S'il ne fait pas fondre les embouteillages, il me fait en tout cas le plus grand bien. V ous déshonorer. le saint jour de Noël, dit-elle. J'en étais ravi ». Cette atmosphère invraisemblable et farfelue sera celle du livre jusqu'à son terme aussi bien dans l'anecdote que dans le ton. Cette accumulation de détails cocasses qui heurtent le lecteur, dans le meilleur des cas, par le rire, désamorce en apparence les cris de rage impuissante de l'auteur mais, paradoxalement, c'est cette invraisemblance qui donne du poids à la satire. Chaque personnage possède, au départ, des composantes qu'on pourrait ap· peler réalistes : le héros, chauffeur de taxi, sa mère, sa maîtresse, quelques femmes, ses amis, ses collègues de travail. Ce sont là personnages quotidiens qui pourraient peupler un roman naturaliste. Le contexte est tel qu'ils n'existent que par la dimension caricaturale que leur confère l'auteur. Il suffit d'un léger coup de pouce pour que, ce qui était normal devienne proche de la démence. Aussi ce livre où l'on rit souvent pas fondre l'embouteillage.

Wyndham Lewi. J'ai été extrêmement heureux de voir que La Quinzaine Littéraire s'intéressait à Wyndham Lewis. L'utile et complète présentation de M. Fauchereau comporte les erreurs auxquelles on s'expose inévi· tablement avec un écrivain aussi mIll exploré par la critique que Lewis. Kandimky n'a jamais participé à Blast : on relève seulement dons le premier nu· méro une présentation par le peintre Wadsworth de «Ueber da& Geistige in der KUnit lt. Ce n'est pas par Blast (1914) que Lewis en vint à la littérature : ses premiers textes furent publiés en 1909 par Ford Madox Ford. Quant au Red Priest, ce titre n'a rien de révélateur : les journaux de l'époque étaient pleins du Red Dean de Canterbury. Croire que «l'homme qui a pu inti· tuler un livre les Juifs IlOnt·ils humains ? ou ne saurait jamai& en être blanchi », c'est tomber dam un piège rhétorique cher à la satire anglaise : celui que tend Defoe dons The Shortest Way with Dissenters ou Swift dam A Modest ProposaI. Inspiré d'un livre récent de J.G. Renier (The English, are they human ?), cet ouvrage de 1939, derrière son titre provocant, constituait une dé·

est·il en fin de compte à peu près complètement désespéré. La seule valeur fi positive» du livre est le mouvement, l'agitation : l'amour, le travail, l'amitié et les quelques valeurs traditionnelles, mais tandis premier rang de ses soucis sont sapés par un humour corrosif qui ne respecte rien. En outre, dès que le sentiment semble affleurer, une pirouette de Boyer le fait aussitôt éclater. Il n'est pas interdit de voir là une sorte de négatif de la mystique beatnik : même besoin d'évasion, même contestation des valeurs traditionnelles mais tandis que les beatniks recherchaient une mystique, Boyer ne cherche plus rien. Et ce roman d'un chauffeur de taxi ne laisse pas d'inquiéter : David Boyer qui n'a pas trente ans et qui est universitaire, appartient à la génération qui suit celle de Mailer, par exemple. A la colère de ce dernier, Boyer substitue un ricanement sec et sans illusion. Aventure indéterminée, roman picaresque à rebours, ce livre mal composé qui progresse sans la moine dre logique interne, n'est peut-être pas un grand roman, mais il témoigne mieux que cent reportages d'un malaise qui n'en finit pas de déchirer l'Amérique. Que David Boyer ait opté pour le burlesque rend ce témoignage plus significatif.

Jean Wagner

noncwtwn sans équivoque dei persée cutions anti-sémites. D'une façon plus générale, et bien qu'ü y ait ici amplement matière à controverse, il me semble inexact d'assimiler les attitudes politiques de Lewis dons les années trente à celles de ses amis Eliot, Pound et Campbell. Disons seulement ceci : le souci cOnltant de Lewis était la défeme de la paix. Lorsqu'ü est victime d'un coup de foudre passager pour Hitler en 1931, c'est qu'il croit avoir en lui « un homme de paix lt. Ses attaques contre le communisme de salon typique de l'intelligentsia anglaise d'alors, le ton nettement indépendant de ses épisodiques contributions à des périodiques fascistes, tout comme les titres de ses pomphlets les plru significatifs, Left Wings Over Europe (1936) et Count your Dead : They are Alive! Or a new war in the making (1937), confirment que la préoccupation de cet f18prit libre était la défense des hommes contre la montée des idéologies. V oru à l'échec, le pacifisme de Lewis n'était pas pour cela celui de Munich, ni celui, très tactique, des fascistes britanniques (ou). Bernard Lafourcade Carthage

Un économiste égaré John Kenneth Galbraith Le Triomphe trad. de l'américain par J. Collin.Lemercier Gallimard éd., 281 p.

1

John Kenneth Galbraith, économiste célèbre, voulant traiter de la politique des Etat.Unis dans ses rapports avec lei pays d'Amérique latine, a choisi le r0man. Il ne s'agit, en aucun cas, d'un ouvrage littéraire: roman fonctionnel, fable didactique ayant pour seul but de nom livrer les mécanismes intemes de l'Admi· nistration américaine. On ne s'improvise pas romancier, même romancier u populaire lt. Harold Robbina ou Frank Slaughter appliquent des recet· tes précises, recettes que, du reste, on apprend aux Etats-Unis dans des écoles spécialisées. Ces règles de métier leur permettent de parler d'un peu n'importe quoi en intéressant à coup sûr leur lecteur. John Kenneth Galbraith a raté son coup: jamais le lecteur ne s'intéresae aux multiples grenouillages qui nous sont relatés. On confond x et y, on ne voit ja· mais leur rôle exact et on se demande à chaque instant la nécessité profonde de ces pages. A nous, profanes, la plupart des faits racontés semblent tout juste di· gnes d'un paragraphe. Pourtant, l'intérêt s'éveille dans le der· nier chapitre écrit d'une plume à la fois ironigue et lucide. Hélas, il commence à la page 266. On peut, sans inconvénient, le lire sans connaître le début.

I.W.

Le vieux Sud Erskine Caldwell Miss Mamma Aimée trad. de l'américain par Marie Tadié. Albin Michel éd., 251 p.

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Est-ce nous qui avons vieilli? Ou les couleurs dont nous parions la Route au tabac et surtout le Petit arpent du Bon Dieu n'étaient-elles pas aussi brillantes que nous l'avions cru ? Erskine Caldwell continue pourtant à moudre sa chanson du vieux Sud agonisant sans se soucier des critiques, qu'il ne lit jamais, de ses succès et de ses insuccès.

Dans Mûs Mamma aimée, tous les in· grédients sont là: le personnage central, une vieille propriétaire qui voit ses ter· res s'en aller au profit des Yankees, la fille prostituée, la belle-fille nymphomane, le fils anormal, l'autre fils qui égrène des folk-songs sur sa guitare, toute cette ménagerie à la fois cocasse et pitoyable est celle qui peuplait les meilleurs romans de Caldwell. Mais le cœur n'y est plus. Le procédé se fait jour et l'on sent le marionnettiste qui tire les ficelles. Nous sommes loin de la sève qui jaillissait des premiers livres. A moins que nous soyons blasés... Nous avons cependant appris une chose: à la düférence de Faulkner, qui a transformé le Sud en royaume mythique de notre malédiction, Caldwell s'est contenté de chanter nostalgiquement sa terre. C'est son charme et sa limite.

I.W.


Propos d'Alain Un nouveau choix de Propos d'Alain va paraître le mois prochain dans la Bibliothèque de la Pléiade (et y prendre sa place à côté de celui que Maurice Savin nous a donné déjà en 1956). " comportera, sur l'aventureuse histoire de l'entreprise, une

importante documentat ion biographique, bibliographique, critique. Le classement chronologique des textes, de 1906 à 1914 puis de 1921 à 1936, donne lieu à une observation singulière : après deux tiers de siècle parfois (ou presQue), on n'a aucune peine à

exhumer encore des Propos écrits pourtant jour après jour, selon les hasards de la circonstance, de l'instant et de l'humeur - qui gardent intacts la naïveté de leur fraîcheur, le mordant de leur pénétration.

Trahir Comme je lisais l'Histoire d'un Paysan d'Erckmann-Chatrian, je vivais, par l'imagination, au temps de la Révolution française; je cherchais à comprendre comme ce peuple, si longtemps tyran· nisé, dépouillé et méprisé, avait montré soudainement sa puissance, simplement par sa confiance en lui-même; mais j'admirais aussi cette ruse des privilégiés, qui promettaient toujours et puis reprenaient leurs promesses, et qui passaient d'une folle confiance à une terreur folle, selon les acclamations et les grondements populaires. Dès que les choses revenaient à une espèce d'équi· libre, ils reprenaient espoir dans le vieil art de gouverner, éprouvé par tant de siècles; toujours la modération glissait à la trahison; toujours le pouvoir absolu se reformait par une espèce de cristallisation inévitable:\ L'Empire, la Restauration, l'Empire encore, groupèrent les mêmes forces; toute l'élite toujours se retrouva au centre, se recruta de la même manière, essaya la même résistance enragée; et toujours des succès étonnants lui donnèrent raison. Ceux qui disent que la monarchie est un état naturel auquel on revient toujours, disent une chose assez évidente. Et pour moi les réactionnaires d'aujourd'hUi ressemblent à ceux de ce temps-là. JI y a une cour, aujourd'hUi comme autrefois. et des courtisans, même sans roi. Il y a une vie riche et ornée; l'homme qui se permet d'y entrer y perd pour toujours la liberté de son jugement. C'est inévitable. La vie qui se passe au bal, au souper, au théâtre, à la parure, est une espèce de preuve par elle-même, et bien puissante. Et l'opinion académicienne, qui est celle des femmes les plus brillantes, des écrivains, des danseurs, des avocats, des médecins, de tous les riches enfin et de leurs parasites, l'opinion académiCienne a bientôt décrassé l'esprit de n'importe quel ambitieux. Qu'un homme de bonne foi veuille bien réfléchir à ceci, qu'un succès quelconque, dans le monde qui fait le succès, se mesure toujours exactement à la quantité d'esprit monarchique que l'on peut montrer. Et l'élite, malgré une frivolité d'apparence, sait très bien reconnaître le plus petit grain de trahison; chacun est payé sur l'heure, et selon son mérite. En sorte qu'il faut dire qu'à mesure qu'un homme se pousse dans le monde, il est plus étroitement ligoté. • La pensée d'un homme en place, c'est son traitement.; cette forte maxime de Proudhon trouve son application dès que l'on a un ascenseur, une auto et un jour de réception. " n'est pas un écrivain qui .puisse vivre de sa plume et en même temps mépriser ouvertement ce genre d'avantages. On peut en revenir, mais il faut passer par là ; ou bien alors vivre en sauvage, j'entends renoncer à toute espèce d'Importance. On se demande souvent pourquoi les réactionnaires se fient à des traîtres, qui ont suivi visiblement leur intérêt propre, et vont ingénuement du côté où on sait louer. Mais justement la trahison est une espèce de garantie, si l'on ose dire; car l'intérêt ne change point; il n'est pas tantôt ici, tantôt là; il tire toujours à droite. En sorte que celui qui a trahi le peuple apparaît comme dominé pour toujours par le luxe, par la vie facile, par les éloges, par le salaire enfin de l'Homme d'Etat. L'autre parti n'offre rien de pareil. " n'y a donc point deux tentations, il n'yen a qu'une. JI n'y a point deux espèces de trahison, il n'yen a qu'une. Toute la faiblesse de n'importe quel homme le tire du même côté. La pente est à droite. 12 mars 1914. La Quinzaine littéraire, du 16

/lU

31 nuIT' 1970

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Alain

Je1Ul.. rameaux Quand le Parti radical sera réorganisé fortement, il faudra une espèce d'initiation propre à former les jeunes et à réchauffer leur courage. Je passe sur les principes et sur les programmes, et je pense surtout à un certain nombre de vérités désagréables qu'il sera bon d'annoncer en une fols è l'enfant du peuple, dès qu'il aura pris ses grades. «Tu es assurément, lui dirais-je, un brave ami du peuple; et ce que tu promets tu le feras. Mais tu es aussi assez ambitieux, et cela est bien naturel. Assez de charlatans et d'aventuriers ont été portés sur le pavois, encensés dans les journaux et considérés par les rois: tu penses qu'II est temps que les vrais amis du peuple arrivent aussi à cette gloire, qu'ils auront bien méritée. Tu t'y prépares, sans méditer aucune injustice. Eh bien, il faut que tu le saches, cette gloire, tu ne l'auras pas. Le pouvoir, sans doute, si tu veux, mais non pas la gloire. La gloire, en politique, est le salaire de l'Injustice. • Songes-y bien, avant d'entrer dans cet enfer. Laisse toute espérance. Tu n'auras que de rudes amis, fort occupés, très loin de toi, et qui n'écrivent point dans les journaux, Tout le reste, toute l'Académie, tous les lettrés, tous les dramaturges, tous les écrivains, tous les sociologues, tous les directeurs de théâtre, tous les acteurs, toutes les actrices, tous les marchands et marchandes de luxe, tous les marchands et marchandes de plaisir, tout ce beau monde te méprisera d'abord ouvertement, et te jugera inculte, ignorant, paresseux, ivrogne et mal tenu. En vain, tu liras tout ce qu'il faut lire: en vain, tu iras te montrer avec ta femme à ces spectacles bien parisiens où la salle est ornée d'une guirlande de femmes jolies et faciles en étalage: en vain, tu seras élégant dans tes discours; en vain, tu citeras Barrès. Ces politesses seront comptées pour rien si tu n'y mêles pas quelques marques assez claires de ton mépris pour l'électeur ignorant, et pour la petite mare dont les grenouilles t'ont pris pour roi. On t'observera; on attendra que tu trahisses. «Alors, comme par magie, ton nom ira de journal en journal, d'ambassade en ambassade, à travers toute l'Europe. Les femmes brillantes viendront comme au théâtre pour t'entendre. Tu seras orateur; tu seras homme d'Etat: on te décrira élégant et beau, même si tu gardes ta redingote provinciale et ta moustache d'ouvrier. Car l'élite juge d'après re cœur et ne trompe jamais. Observe bien quel est le plus étonnant succès de ce temps, et comment il a été obtenu. D'après cela, juge de ce qui t'attend si tu restes l'ami du peuple et le défenseur des pauvres et des artisans.• Oui, je dirais tout de suite la chose comme elle est. Une petite pluie enrhume; une bonne douche réchauffe. 7 avril 1913.

L1TTtRATUREIBEAUX.ARTS

les a~l'~çans . . IDralrle ga1erl '" 7 RUE DE RENNES PARIS 6' TËLËPHDNE 548.73-82

L'aD 2000 Ils en sont tous à nous parler de l'an 2000, comme s'ils y étaient; ce ne sont qu'omnibus volants et maisons de cinquante étages. Ces merveilles, et bien d'autres qu'il n'est pas difficile d'imaginer, n'ont rien qui dépasse la puissance humaine. Toute· fois, il en est de ce luxe comme de tout luxe; il est limité non pas par la pauvreté de l'imagination humaine, mais par les ressources qu'une juste répartition nous laissera: et il est inévitable que toutes ces folles dépenses soient arrêtées un jour ou l'autre. Tant que les travailleurs n'auront pas une vie facile, et l'avenir assuré, on peut compter qu'ils réclameront; et certainement ce qu'on leur abandonnera encore sera pris sur toutes ces dépenses de luxe; car comment faire? Mais bien plus; je les suppose tous bien payés, et assurés contre tous maux et accidents; Ils voudront peut-être alors travailler moins, et ces heures de travail seront prises sur les travaux de luxe, et non sur les travaux de nécessité. Voilà à quoi Il faut s'atendre. Si l'inégalité des conditions subsistait, sans aggravation, il faudrait encore compter avec le Suffrage Universel et les progrès de l'instruction; les esclaves seront de moins en moins dociles, il faut bien se mettre cela dans la tête. Mais considérez aussi que toute invention nouvelle, qui n'est pas d'utilité stricte, consomme des journées de travail et réduit la provision des objets utiles; ainsi l'injustice se trouvera aggravée, et il faudra bien que tout craque à la fin. Comment se fera cette réaction Inévitable contre les gaspilleurs de la fortune publique? Je ne sais. Peut·être y aura·t·i1 une révolution violente, qui ramènera pour un temps l'égalitê des fortunes, et l'heureuse médiocrité pour tous. Je crois plutôt que tout se fera en douceur, par l'effet de crises économiques qui ruineront les grosses fortunes, et mettront fin à ces folles entreprises, qui bâtissent de nouvelles Pyramides avec le pain des pauvres gens. Toujours est·i1 que nous partons trop tôt et trop vite. On n'aurait pas dû organiser les téléphones tant que tous ceux qui travaillent ne sont pas convenablement logés et nourris; et il fallait donner de beaux jardins aux enfants pauvres avant d'élever les mâts de la télégraphie sans fil: cela est de bon sens; il faut penser au pain quotidien avant de s'acheter des diamants. Malheureusement ce n'est pas le bon sens qui règle la production: c'est l'ennui des riches, et l'aveuglement Incroyable des pauvres. Tous admirent l'homme volant et rêvent aux miracles de la science, sans penser que nous voilà en octobre, et qu'une foule de petits bonshommes n'ont point de chaussons de laine pour l'hiver qui vient. On admire que les Pharaons aient trouvé assez d'esclaves pour bâtir les Pyramides. Ninive a été rebâtie bien des fois, et Babylone avait des jardins suspendus. Mals tous ces pays sont maintenant des déserts de sable, sans doute par l'excès du luxe et de "injustice. Nous ne retomberons pas si bas, parce que nous ne volerons pas si haut. Nos esclaves ont appris à lire, et nos Pharaons n'achèveront point leurs Pyramides. 13 octobre 1908.


ROMANS

L'ennelllÎ FRANÇAIS

ture plus attentive découvrira dans son récit un autre niveau, que j'appellerai, faute de mieux, celui de la dépossession. Lorris est quelqu'un qui ne s'appartient pas, qui trouve (ou projette) toujours sa vérité hors de lui. L'ambiguïté du roman tient à ce flottement fondamental, qui nous interdit aU1l8i bien d'y voir une c histoire:t réelle ou imaginaire' une allégorie politique ou métaphysique, que de considérer son personnage principal comme un «héros positif », dont le comportement pourrait se ranger sous des catégories rassurantes, - les

Sous une phrase célèbre de Rimbaud, qui lui fournit son titre, le roman de Geneviève Serreau porte cette épigraphe tirée d'un texte de Michaux : cc L'homme - son être essentiel - n'est qu'un point. C'est ce seul point que la mort avale D. VoiJà, d'emblée, mis en place les trois thèmes du livre· l'action (c'est-à-dire la Révolution), l'homme, la mort. Geneviève Serreau Ce cher point du monde Coll. Les Lettres Nouvelles. Denoël éd., 196 p.

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Trois thèmes, ou plutôt trois questions: car chacun d'eux souffre lui-même d'une ambiguïté. Comment concilier, dans l'action révolutionnaire, justice et violence, organisation et vivacité '1 De quel côté se situe l'homme, ici figuré par un révolutionnaire amateur qui est aussi un comédien professionnel : côté théâtre ou côté «praxis », côté jeu ou côté discipline? Enfin quand meurt-on ? Ce qui revient à dire ~ où est la mort, où est la vie ? Aux premières pages du récit, L.K. Lorris ~ observé par un tiers, 1'« imperceptible témoin» entouré de livres, dans lequel on reconnaît, comme aux premières lignes de Dans le labyrinthe de Rohbe-Grillet, le romancier luimême - fait l'expérience prémonitoire de !ta propre mort. Il se voit à la fois mort et vivant, « chu» et «debout », immobile et en marche. L'image reviendra à plusieurs reprises au cours du roman. Elle s'imposera finalement à la dernière page, justifiée par un probable assassinat, sans qu'on puisse pourtant affirmer que la réalité confirme la prémonition. Il se pourrait que ces deux morts soient tout aussi fietives l'une que l'autre. Il se pourrait, comme le suggère l'auteur, qu'un intervalle de quelques secondes seulement les sépare, et par conséquent qu'entre temps, il ne se soit rien passé. Le livre a ainsi la forme d'une boucle reliant deux points très voisins sur une droite; on peut aller directement d'A en B. On peut aussi suivre toute la courbe. Lire Ce cher point du monde, c'est, il me semble, suivre à la

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fois les deux trajets : car l'image initiale, renforcée par la présence invisible de l'observateur-narrateur, fail peser sur l'ensemble du récit un soupçon d'irréalité qui ne se dissipera jamais complètement. Mais pour que ce soupçon soit vérifié, pour que Lorris rencontre vraiment lia mort, il faut aussi que

Le

lecteur

reoonnaîtra

au 'passage plusieurs de. figures qui obsèdent notre univers.

la suite ne soit pas une simple parenthèse : la mort a besoin de ce détour pour être crue. J'ai cité Dans le labyrinthe. Le lecteur familier du roman moderne reconnaîtra au passage plusieurs des figures qui obsèdent notre univers et resteront vraisemblablement comme les traits caractéristiques de la littérature de ces vingt dernières années : le labyrinthe, bien sûr (je pense à l'épisode du château de Mortelange, vaste construction marienbadesque où des serviteurs désignés par de simples numéros accomplissent silencieusement des tâches mystérieuses et spécifiques), la Révolution (avec son cortège de

La Quinzaine littéraire, du 16 au 31 man 1970

violences aveugles, la dureté de ses choix), le dédoublement (qui n'est peut-être qu'une fuite, mais qui est peut-être aussi la vérité même, symbolisée par le théâtre, représentation dans la représentation) , et ce complot universel, anonyme, figure la plus profonde du mécanisme social, qui semble avoir pris, dans nos récits, la place des vieilles intrigues psychologiques. Kafka, Borges, Beckett ne sont pas loin. . On pensera aussi, parce que le livre paraît en 1970, à des événements récents. Il est permis d'imaginer, par exemple, que l'Organisation, c'est le Parti communiste, ou plus généralement le stalinisme, et que les insurgés des Hautes-Fagnes, ce sont les gauchistes de mai 1968. Auquel cas, Lorris, pris entre deux feux (entre deux jeux) , trahissant involontairement les uns et les autres, et trahissant les deux au profit du théâtre, représenterait assez bien l'intellectuel de gauche d'aujourd'hui, qu'une sincérité sans emploi, une rigueur purement négative, prive du confort de l'efficacité sans lui donner la sécurité de la bonne conscience. Ces références grossières risquent de dissimuler l'essentiel, et le reproche qu'on serait tenté de faire à Geneviève Serreau serait plutôt d'avoir, par une affabulation un peu surchargée, un peu trop symbolique, prêté le flanc à des interprétations qui ne peuvent être que réductrices. Une lec-


FANTASTIQUE

Unem.achine plus rassurantes étant, hien sûr, celles de 1'« action ~. Ce n'est pas un hasard si Lorris fait partie d'une troupe théâtrale; ce n'est pas un hasard non plus s'il passe sa vie à jouer avec des douhles : à commencer par ce Monsieur Elka imaginaire qu'il a fahriqué de ses initiales, et dont les mésaventures contées avec une tendre ironie coupent le roman d'épisodes inat· tendus, - pour continuer par Séhastien, le jeune neveu retrouvé dans une ville «frontière~, qui lui offre, à vingt ans de distance, outrr. If' l'ouvenir d'une jeune femme autrefois aimée {Anna, douhle elle-même de ces deux douhles que sont Lucia l'actrice et Tanka la conspiratIjce), le miroir' de sa propre incertitude. Les plus helles pages du roman, écrites dans un style haché, violent, rapide, d'une remarquahle efficacité narrative, sont celles où se laisse voir à découvert ce filon imaginatif, dont le déroulement obéit davantage aux lois incongrues du rêve qu'à la pesante dialectique révolutionnaire. Ici encore, on pense à l'auteur du Château. Sébastien ne nous est-il pas présenté comme «un petit Franz Kafka au mince sourire»? Ce petit Kafka, rouage minuscule d'une organisation qui le manœuvre, a, en vérité, hien autre chose en tête que la Révolution. Il est plus proche de Peter Ibhetson et des égarés du romantisme allemand que des stratèges de la prise du pouvoir ou des théoriciens de la société de consommation. C'est un homme qui rêve et que son rêve tue. C'est un homme qui aime et que son amour tue. «Un homme, voilà tout ». Mais aussi, «le premier ennemi visible. Le seul appartement ». Celui qui ne se laissera pas réduire. La littérature, si elle veut dire quelque chose, n'a peut-être rien de plus à nous dire, en ces temps de répression, que cette obstiuation-là. Rien d'autre à désigner qu'un «point du monde », parmi des millions d'autres points, que la mort - ce cortège de répugnants coléoptères qui apparaît à la fin du livre - peut hien «,avaler» : tant qu'il y aura un «imperceptible témoin» pour saluer sa défaite. Même s'il devait dire· finalement qu'il n'a «rien vu ».. La partie ne sera pas jouée et les nécrophiles de tous bords n'auront pas vaincu.

Bernard Pingaud 10

structuraliste à ~a littérature fantastique a b 0 u t i t à une suite de petits résumés, corrects et secs, d'œuvres dont nous attendions, en raison de la personnalité parUculièrement complexe de leurs auteurs (Poe, Hoffman, Gogol. Nerval, etc.) et de l'originalité du genre choisi, une lec-

ture radieusement. agressjvement moderne. les voici au contraire non seulement clas· sées et étiquetées selon un système assez tâtillon et embrouillé. mais encore dépouillées de toutes jes interprétations suggestives qu'on avait pu en donner, et douées comme des papillons morts dans leurs boîtes de verre.

étions ! Nous pour qui la moitié de l'intérêt d'une critique réside dans la personnalité du critique ! Et de nous Tappeler, avec un étonnement honteux, toutes les fois où nous nous sommes laissés refaire, comme des nigauds : par le Poe de Baudelaire, par le Bau-

hommes de lettres. Les réponses, hélas, seront hien déprimantes. On voit partout, dès aujourd'hui, les effets de cette obsession : un conformisme ahurissant de la critique dite d'avant-garde, une obéissance servile au vocabulaire de l'école, une peur horrible d'avoir l'air original. Qui oserait écrire encore des essais avec la liherté, la sensibilité, la pulpeuse nonchalance d'un Marcel Moré, le dernier amateur, dont le recueil posthume La Foudre de Dieu au· ra été le plus beau livre critique de l'année? Pour un .Roland' Barthes, qui étincelle de talent et sait faire naître en quelques phrases qui n'appartiennent qu'à lui le monde tout entier d'un écrivain, avec ses vertèbres et ses lois peut-être, niais aussi avec.B.OJ1 épaisseur et sa saveur, ses circuits souterraÎlis et 1le8 dimensions mystérieuses (cf. l'amusant aperçu sur Jules Verne dans le premier numéro de la revue « Poétique »), que de Vadius et de· Trissotins ! Todorov, certes, n'est ni l'un ni l'autre; je trouve quand même comique qu'il reproche à Northrop Frye de faire un usage trop fréquènt du mot MI. vent : péché capital contre le devoir de n'imprimer que des certitudes indiscutables- ! (Notons à ce propos que Todorov est un des rares critiques français à avoir une connaissance de première main du Formalisme russe et du New Criticism américain).

Ça y est : l'âme romantique et le rêve ont été happés par l'engrenage. Avant toute discussion raisonnée, disons notre déception de simple lecteur, qui se fiche pas mal de la m é t h 0 d e employée, pourvu que le rés u 1ta t soit intéressant. L'application de la méthode

Tzvetan Todorov Introduction à la littérature fanta~tique Le Seuil éd., 192 p.

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Le rôle du crItIque n'a nullement consisté à nous faire pénétrer plus avant dans la compréhension de ces textes, mais à nous en retirer, pour ainsi dire, la jouissance, à nous forcer à couper les relations personnelles que nous avions pu établir avec eux. Vous croiriez que toute critique devrait chercher à nous fournir de nouveaux motifs de nous sen· tir liés aux œuvres que nous aimons ? Erreur ! La grande af· faire aujourd'hui c'est de traiter la littérature comme un tas de cailloux ramassés dans le désert. Quelle race étrange de gens ! Cuvier, à partir de l'unique vertèbre qu'il possédait, recomposait tout un univers disparu. Eux, qui ont à leur disposition les monde!\ riches et complets de tant d'écrivains, ils ne s'intéressent qu'à. la vertèbre. Au reste, Todorov, qui a cet immense mérite, dans la cohorte des suiveurs, d'être clair, facile, intelligible, d'éviter l'hermétisme et le charabia si fort prisés de nos jours et de définir les mots. quand il - les emploie hors de l'usage; joint à ces qualités.l'honDéteté et la modestie.

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« N ow comidérom œuvre littéraire comme une structure qui peut recevoir un nombre indéfini d'interprétatiom; celles-ci dépendent du temps et du lieu de leur énonciation, de la personnalité du critique, de la configuration contemporaine des théories ~thétiques. et ainsi· de suite. Notre tâche, en revanche, ~t la description de cette structure crewe qu'imprègnent les interprétatiom d~ critiques et des lecteurs. » (p. 101) Naïf que nous

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delaire de Sartre, par le Lautréamont de Bachelard, par le Rim· baud d'Yves Bonnefoy... Mais Tevenons à des pensées plus sérieuses. «En poétique, on se contente d'établir la présence de certaim éléments dam r œuvre; mais on peut acquérir un degré élevé de certitude,· cette connaissance se laissant vérifier par UM série de procédures. Le critique, lui, se donne une· tâche plw ambitiewe : nommer le sem de œuvre; mais de cette activité, le résultat ne peut se prétendre ni scientifique ni c objectif'.' (p. 149)

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n faudra un jour étudier pourquoi la frénésie de rivaliser ~vec les hommes de science a saisi les

Le sem étant dédaigneusement abandonné aux critiques, l'e~a­ men de la structure revient donc aù poéticien. Par structure, il faut comprendre tous les éléments littéraires de l'œuvre"-non seulement respect verbal et syntaxique (s'arrêter là serait retom~ her dans les vieilles distinctions entre formes et contenw) , mais surtout l'aspect sémantique, c'està-dire les thèmes. Naturellement, nous attendions l'auteur à l'étude


• qUI

lDoud du vide

structuraliste des thèmes. Puisque le mot de thème est gardé, que recouvre-t-il de nouveau,- qui avait échappé à la critique thématique ? Tout de 8uite nOU8 pre88entons que la réussite ou l'échec du livre va se jouer dans la 8econde partie, consacrée aux thèmes. Et en effet, après les cent premières pages, arides et chipoteuses, employée8 surtout à réfuter l'interprétation des précédents exégètes du fantastique et à préciser le credo méthologique (anathème sur Roger Caillois, indulgence pour JeanPierre Richard, dithyrambe8 pour le groupe 8tructuraliste français), voici tout à coup une matière nettement plus abondante, un peu de chair autour de la vertèbre.

Il y aurait deux séries de thèmes dans la littérature fantastique. D'une part les thèmes du je, qui mettent en question le8 relations de l'homme avec l'univers, ses notion8 de temps et d'espace, et condui8ent au monde des métamorphoses, du dédoublement et de la folie. D'autre part les thèmes du tu, qui mettent en question les relations de l'homme avec son désir et avec son inconscient, et conduisent au monde de la sexualité, de la cruauté et de la mort. Cette di8tinction éveille aussitôt en nous un souvenir que -Todarov, il faut le reconnaître; va un peu plus loin, honnêtement, nOU8 remettre précis en mémoire. Pour le moment, enchantés d'avoir enfin quelque chose de substantiel à déguster, nous risquerions de ne pas prendre garde que cette révélation ultrascientifique des 8tructures n'est pas moins sujette à caution, pas moins arbitraire, pas moins louche que le dépistage des thèmes par les vieux moyens empiriques. Pourquoi ces deux séries du je et du tu ? Pourquoi ces deux-là seulement ? Pourquoi par exemple (p. 146), les préoccupations relatives aux cadavres et au vampirisme seraient-elles liées au thème de l'amour ? Où est la différence entre les thèmes etructuraux d'une œuvre et les thème8 appartenant en propre à l'écrivain, sinon dane la fantaisie de l'exégète? A quoi bon une méthode qui tout en brimant cette fantaisie par les restrictions bureaucratiques qu'elle lui impole, n'offre pae plus de garanties ecientifiques qu'aucun des autres

systèmes imaginés depuis Taine ? Voici un exemple précis de contre-vérité. Puisque les thème8du je, selon Todorov, ressortissent à une perception du monde plutôt qu'à une interaction avec lui, lesvoilà liés plus particulièrement au sens de la vue. Or les contes de Hoffmann révèlent en plein les structures du je. Donc Hoffmann est l'écrivain fanta8tique où tout' se ramène au regard. Pas de chance. Hoffmann composait de la musique en même temps qu'il écrivait des récits, et c'est lui qui a formulé la théorie des correspondances que Baudelaire a citée dans le Salon de 1846 : c L'odeur des soucÏ& bruns et rouges produit surtout un effet magique sur mtI personne. Elle me fait tomber dans une profonde rêverie, et j'entends alors comme dans le lointain les sons graves et profonds du hautboÏ&. » Pas une seule ligne de

Deein exécuté par Poe

Todorov sur Hoffmann ne pourrait faire croire que cet écrivain était capable d'écrire une phrase comme celle-là, pourtant si merveilleusement révélatrice de son génie. A force de ne vouloir tâter que du certain, la méthode fabrique du faux, et e8camote l'important. Ainsi, les thèmes de l'inceste et de l'homosexualité, 8i fréquents ~ans la littérature fanta8tique, sont expédiés ensemble en deux pages. Rien à dire sur le sujet, pas plus que sur le nez de GogoL «NofU n'avOlU pas cherché ci donner une interprétlrtion du dém,

La Quiuaine littéraire, du 16 au 31 _ . 1970

tel qu'il se manifeste dans le Moine, ou de la mort, dans la Morte amoureu8e, comme r aurait fait une critique des thèmes; nous nOllS sommes contenté de sig",aler leur existence. Le résultat est une connaissance à la fois plus limitée et moins dÏ&cutable. :. (p. 149). Merci bien! Quand je lis le Nez de Gogol, je vois bien qu'il s'agit d'un nez, je n'ai pas besoin qu'un autre me c désigne:t ce nez. Chercher la 8tructure et rien que la structure revient souvent à la pure tautologie. Reste l'objection majeure. La distinction des thèmes du je et du tu correspond, ainsi que le rappelle Todorov, à la distinction établie par Freud entre le monde dè la psychose et celui de la névrose. C'était donc cela, la rai· son pour laquelle on avait tout à coup senti passer un souffie vi· vifiant ! La bonne vieille théorie psychanalytique était venue prêter renfort, encore verte malgré son âge, et bourrée de choses à dire, et ravie de communiquer un peu de sa vitalité à sa cadette rabougrie et pâlote. Mais ici, coup de pied de l'âne : après avoir rendu son hommage, Todorov se demande s'il ne vient pas de commettre l'hérésie des hérésies. Le crime de Freud, et de ceux qui essayent d'appliquer la psychanalyse à la critique littéraire, consiste, on le sait, à croire que le texte désigne autre ch08e que le texte, qu'il renvoie à un auteur, qu'il est l'expression de pensées, de sentiments ou de fantasmes. Stupide crédulité ! Le texte n'est que le texte ! Le texte, mot-talisman, mot-tabou de l'école,_ Ils répètent «le te-exte:. avec une ferveur tremblante, comme l'immortel Brid'Oison répétait «la fa-orme :t. On rit, d'accord, mais c'est plutôt consternant. Consternant d'entendre quelqu'un d'intelligent déclarer que pour préserver la 8pécificité de la littérature il faut étudier celle· ci à part de8 hommes qui l'ont écrite : comme si le meilleur moyen, justement, de nier cette _spécificité n'était pas d'examiner les œuvres d'art du même œil que n'importe quel autre produit de l'industrie humaine, comme des moteurs de voiture, par exemple. Dire d'un côté que l'ambiance de la nouvelle critique est de «considérer r œuvre comme

une totalité et unité dynamique:. (p. 100) et Ile refuller absolument,

d'autre part, à tenir compte de l'interaetion entre l'écrivain et son œuvre, n'est-ee pas Ile condam· ner à ne re~arder qu'un tout petit bout de celle-ci ? Cette position est si intenable qu'elle POU8llC le plus honnête à la mauvaÎIle foi. Il le trouve que l'objet de la controverse va être encore Hoffmann. Citation de Freud : «E.T.A. Hoffmann était renfant d'un marÙJge malheureux. Lorsqu'il avait troi, ans, son père .e sépara de sa petite f. miUe et ne revint plus jamais au· près d'elle:., etc. (p. 159 : le «et caetera:. est de Tedorov. Corn. mentaire de Todorov : «Holfmtlnn, qui a été un enfant mol. heureux, décrit les peurs de r enfance; maù pour que celte constatation ait une valeur explicative, il faudrait prouver soit que tous les écrivains malheureux dans leur enfance font de même, soit que toutel les descriptions Je peurs enfantine, viennent d'écrivains dont r enfance a été malheureuse :. Non, non et non! Freud n'a jamais voulu «expliquer:t l'œuvre de Hoffmann par le trauma de 8a troisième année ! Il est vrai que de nombreux disciples de Freud, avec leur zèle un peu pri. maire, ont donné crédit à cette opinion ridicule que la psychanalyse fournirait, à la demande, des clefs pour ouvrir les portes. Mai8 pas tOU8 le8 disciples de Freud : qu'on se rapporte seulement à l'C88ai magistral de Marthe Robert 8ur Van Gogh : elle ne se contente pa8 de «désigner_ le soleil et les cyprès, elle les in·

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Todorov

tègre dans l'ensemble d'une vie et d'une œuvre, avec un égal sentiment de ce qu'est la psychologie et de ce qu'est la peinture. De toute façon, rendre responsable des abus de ses émules Freud lui-même (lui qui savait parler des écrivains avec une compréhension si mesurée et avec une telle méfiance envers sa propre méthode), c'est commettre une falsification volontaire. Freud ne pense pas que parce qu'on a été malheureux à trois ans on écrira à quarante-cinq ans la Princesse Brambilla, ni que tous les enIants placés dans la même situation doivent avoir le même destin. Mais il pense qu'un homme ne peut pas être tout à fait le même si son père l'a abandonné trop jeune, et il suggère que si on veut comprendre à fond et l'homme Hoffmann et l'œuvre (les deux étant liés à vrai dire), il faudrait suivre dans le développement de la biographie de Hoffmann et dans la construction de son œuvre, parallèlement, les répercussions du choc infantile, indiqué ici comme l'élément de départ qui en se mélangeant à tous les autres épisodes de la vie aura donné sa coloration particulière à la personnalité du conteur. La seule réponse à cette suggestion de Freud consisterait à écrire une psychobiographie et une psychocritique de Hoffmann, tâche bien évidemment plus longue et difficile que de dégager au hasard quelques thèmes coupés du contexte vital et tendancieusement regroupés. Mais trêve de cette guerre d'usure entre différentes méthodes. La critique moderne étouffe sous la méthodologie. L'œuvre de l'écrivain ne sert plus que de lointain prétexte à des disputes entre docteurs qui savent à peine de quoi ils parlent. A lire cette Introduction à la littérature fantastique, à voir une machine si minutieusement mise au point moudre du vide pendant deux cents pages, on se dit que pour faire de la bonne critique tempérament vaut mieux qu'instruments, et que nul ne devrait se mêler de littérature avant d'être sûr de posséder, en même temps qu'un ne pour sentir le parfum des soucis, des oreilles pour entendre le son des hautbois.

Dominique Fernandez 12

Les revues Poétique

La création aux éditions du Seuil d'une nouvelle revue, Poétique, illustre le profond changement intervenu en France dans les méthodes, comme dans les intentions, de la critique littéraire. Le soustitre précise ces intentions: revue de théorie et d'analyse littéraires. C'est dire que les animateurs de la revue - Hélène Cixous, Gérard Genette et Tzvetan Todorov - entendent le mot Poétique dans l'acception d'Aristote. Ils veulent considérer les formes et les genres en tant que tels, dans le dessein d'établir une théorie du discours littéraire. Ils rompent avec des habitudes critiques nées du mouvement romantique et qui distribuaient toute la lumière sur l'individu créateur, sur sa psychologie ou sur l'insertion de l'œuvre dans l'histoire. Un tel programme effarouchera certains qui verront se dessiner, derrière de telles notions, celle, plus rébarbative et peut·être inquiétante, de science de la littérature. Mais la lecture du premier numéro (il en paraîtra quatre par an) fera justice de ces alarmes. La revue est étrangère à tout dogmatisme. Elle se montre accueillante et ne s'enferme pas dans un carcan. Il est vrai que la majorité des articles manient les méthodes de la linguistique, de la rhétorique, de la stylistique ou de la sémiologie. Certaines études opèrent par d'autres voies. C'est avec le soutien de la psychanalyse qu'Hélène Cixous analyse la fonction de l'écritur.e chez Henry James. Il était légitime qu'une revue de cette sorte fût ouverte par Roland Barthes. « Par où commencer?» s'interroge-t-il et quel critique, en effet, ne s'est pas posé cette question? Comment choisir le fil - ou la pertinence - qui permettra de dévider les réseaux secrets d'une œuvre ? Il n'est pas certain que Barthes apporte réponse décisive à travers l'exemple qu'il traite - L'Ile mystérieuse, de Jules Verne, mais le décodage qu'il fait de la prose vernienne est fascinant. Au point qu'cn se demande, au risque de déplaire à Poétique, si le talent de celui qui manie la méthode structurale n'est pas plus efficace que la méthode elle·même. Le renouveau critique dont témoigne Poétique a été précédé - ou bien il est accompagné - par des recherches étrangères: Formalisme russe, New Criticism anglo-saxon, Literaturwissenschaft allemande. Dans Poétique, Harald Weinrich examine les structures narratives du mythe. Texte pénétrant dont la conséquence est de corriger les lectures que nous faisons ordinairement des mythes. Le mythe, selon Weinrich, est narration, non argumentation logique. Or, l'occident moderne ne peut pas s'interdire d'infuser, à l'intérieur d'un code narratif, des codes argumentatifs et rationnels. Pour Weinrich, même un homme aussi scrupuleux que Lévi.Strauss n'échappe pas toujours à cette tentation. C'est que la linguistique structurale de la «première génération JI n'offre de méthode que pour une linguistique de la lanBU6, alors que le mythe - s'il est stricte narration, comme le

veut Weinrich parole.

possède le statut de la

La part insolite de ce numéro revient à une autre œuvre étrangère, les extraits d'un ouvrage de Khlebnikov, Livre de. préceptes, présentés par T-odorov. Khlebnikov, chef de file des futuristes russes, était un esprit étrange, à mi·chemin du délire et de la logique. Hanté à la fois par les nombres et par le langage, il a laissé des teJttes surprenan18 où s'entend un écho bizarre de certaines intuitions de Mallarmé ou de Jarry. Ainsi, Khlebnikov fait·il apparaître des séries gouvernant le retour, dans l'histoire, des événements de même nature. Par exemple, les débuts de tous les Etats sont séparés par un nombre d'années constant (365 + 48) n 413 n (Angleterre 827 • A Il e ID a g n e 1.240 • Russie 1.653). On voit ce qui a pu intriguer un homme comme Todorov dans ce poète mathématicien : la présence d'un ordre, d'un code, qui informerait l'histoire comme un code sous·tend le discours.

=

A cel inventaire trop rapide, on voudrait ajouter deux remarques. La première concerne les relations de telles recherches et de l'histoire. Certes, Poétique veut rompre avec la critique romantique, obsédée par l'histoire littéraire. Mais, l'histoire n'est pas pour autant escamotée. Elle est présente, même si son objet est déplacé: « Nous ne voulons ptU, écrit Poétique, i&norer que (cette) littéralité, dam lu éléments comtitutifs de son jeu comporte, ou plutôt constitue elle.même une histoire, qu'aucune théorie ri&oureU&ement conduite ne peut lon&temps mécol'}naître. Cette histoirè de la littérature qui, après plus d'un demi-siècle d'histoire littéraire, nous fait encore si lourdement défaut, nous voudriom aussi favoriser son élaboration ». De ce souci théorique, le premier numéro présente quelques illustrations. Hans-Robert Jauss étudie la littérature médiévale en fonction de la théorie des genres. En réalité, il apporte une contribution à l'histoire des genre.. Il est vrai que les formalistes russes avaient déjà perçu que les genres ont une histoire, mais celle·ci était conçue comme un processus immanent à l'évolution des systèmes littéraires en tant que tels. Au contraire, Jauss tient que l'historicité d'un genre ne s'épuise pas dans une succession de systèmes et qu'il faut tenir compte de la fonction exercée par la littérature dans la société ou dans la vie.

La dernière remarque nous reportera au titre choisi pour la revue. Pour Aristote et pour tous les critiqJl.es classiques, la théorie littéraire analysait formes et genres en vue d'ériger en norme la tradition existante. Le vécu littéraire se trouvait canonisé et tout décodage s'opérait à travers la grille de la norme. Les critiques de Poétique renversent ce parti. Ils mettent l'accent moins sur le discours que sur les possibles du discours. Autrement dit, les œuvres écrites sont regardées comme des modèles réels qui n'excluent pas d'autres combinaisons. Il demeure toujours un autre passible du discours littéraire, derrière le réel des œuvres écrites. L'objet de la théorie littéraire - et l'on voit a leurer ici un thème cher à Roman Jakobson - devient alors, au-delà du réel littéraire, tout le virtuel de la littérature.

G-. L.

Tel Quel (N° 40 - Hiver 1970). L'essentiel de ce numéro est constitué par un inédit de Georges Bataille: Le Berceau de l'humanité consacré aux découvertes archéologiques de la Vézère. Paule Thévenin poursuit sa lecture d'Antonin Artaud tandis que Marcelin Pleynet nous donne des extraits d'un long texte : Incantation dite au bandeau d'or. Outre un entretien avec le romancier Jacques Henric, qui nous donne sa conception de l'avant.garde révolutionnaire, Philippe Sollers dont on ignorait les qualités de sinologue, nous donne la traduction de dix poèmes récents de Mao-Tse·Tung.

La Revue de Paris (Février 1978). - Au sommaire, René Huyghe, Marguerite Yourcenar, Marcel Thiry, Roger Caillois, Gérard Mourgue ainsi que des études sur Jule. de Goncourt (par Florics Dulmet) et sur Hector Berlioz (par B.éatrice Didier et Françoise de la Sablière).

SJ'llepses (N°s 1 et 2). - Une jeune revue créée par les étudian18 grenoblois. Voix très jeunes et maladroites où, au milieu de réminiscences presque obligatoires, des voix fraîches se font entendre, celles notamment de Marc Degryse et de Bernard Gautheron. L'important est surtout que cette revue est imprimée &"Jtuitement par l'imprimerie de la faculté des Lettres et des Sciences de Grenoble. Cet exemple d'une université s'intéressant à la création poétique est suffisamment exceptionnel pour qu'on le souligne...

J.W,

L'Ara Sortant d'un musée où trop de commentaires l'avaient depuis longtemps reclus, Beethoven, deux siècles après lia naissance, cesse d'être un événement et reprend vie à notre lumière. « Beethoven au présent JI pourrait être le titre du dernier numéro de l'ARC, et non par le seul fait qu'elle ait été rédigée par des auteurs contemporains, mais aussi par la volonté de ceux-ci de ne considérer que la permanence d'une œuvre musicale. « Ce n'est ptU moi qui parle de Beethoven, c'est Beethoven qui parle de moi. Il parle de 1I0US Il, écrit André Boucourechliev dans sa préface. A travers une quinzaine d'articles réunissant les signatures de compositeurs tels que Stravinsky, Pousseur, Stockhausen, de musicologues ou de sociologues, se recompose la quête d'un musicien, à la fois précise et ineffable comme le temps qui ne l'a pas mesuré.

La conscience politique de Beethoven, révolutionnaire tel que le décrivent Brigitte et Jean Massin, la relation de son œuvre au monde, interrogation de Roland Barthes, ou encore la lente recherche de son identité (comme celle d'un Perceval) retracée par Alfred Kern, tous ces actes d'une pensée révélée se confondent avec nos exigences les plus profondes et les plus obscures. Si un tel parti pris a pu entraîner quelques auteurs dans des considérations parfois aventureuses (Dominique Jameux ou Stockhausen notamment), la plupart des études s'appuient sur des faits précis. L.D.

celle


Vie secrète

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André Dhôtel Un jour viendra Gallimard éd., 194 p.

Un nouveau livre d'André Dhôtel, c'est l'espoir d'un voyage, de rencontres inattendues, de paysages d'enfance retrouvés, d'une amitié secrète, et toujours, tout au bout, tout à la fin, d'une silhouette de jeune fille qui dit «Oui ~ sans cesser d'être, délicieusement, mystérieuse. Et Dhôtel ne déçoit jamais cet espoir, même s'il se répète, même si ses itinéraires et ses visages ne sont plus, ne veulent plus être, tout à fait une surprise. L'enfant, le jeune homme, puis l'homme d'Un jour viendra fait partie de ces enchanteurs enchantés. Parce qu'il recherche, parce qu'ils pressent, une grâce enfouie au plus profond (et en même temps au delà) des billes de verre, des cartes postales, en somme des images. (Il n'était pas capable de s'intéresser à autre chose qu'à des images), Antoine éprouve le besoin irrésistible de s'emparer de celles-ci. Objets «sans prix:t : pour les habitants de la petite ville, Antoine n'est pas un voleur. mais un kleptomane. On ne le craint pas, mais on se méfie de lui. Comme le petit Gallpard Fontarelle du Pays où fon n'arrive jamais, qui suscitait malgré lui des catastrophes, Antoine est c: marqué :t, mis à l'écart. Car longtemps le merveilleux qui pèse sur sa volonté lui aura semblé une malédiction. Et puis tribulations, voyages fantastiques comme ceux de lulin Grainebis, ne sont pas son fort. Son fantastique est plus intérieur : à qui sait rêver sur une image le voyage paraît inutile. Antoine rêve, et alors son rêve lui apporte une brusque insouciance : les choses sont toujours pleines de promesses. Il suffit de contempler, interminablement, certaine prairie, pour y découvrir un monde, l'image du monde, peut-être le monde. Pour le reste, la vie, le bonheur, après tout un jour viendra... Etre heureux ne veut sans doute rien dire pour André Dhôtel, dans la mesure où le bonheur résulte d'une quelconque c: satisfaction ». Il est en quelque sorte le poète des mains vides, et des cœurs qui débordent. Trop pleins d'un amour qui, ici en particulier, tend à dépasser son but le plus immédiat, même si ce but fut longuement poursuivi. Clarisse, la

petite fille aimée et lointaine, viendrait-elle ? Irait-il là-bas ?.. Antoine, repris par son «insouciance~, semhle s'en désintéresser. Etendu dans sa prairie, il revoit les images saintes de f église de Bloise, et c'est alors qu'il est saisi d'une joyeuse et inébranlable certitude. Confiance dans les images, confiance dans les mots. Tel l'Enfant qui disait n'importe quoi pour signifier qu'il y avait en lui ou autour de lui quelque chose d'inexprimable, André Dhôtel écrit des livres admirablement saugrenus, au double pouvoir d'évocation et d'invocation. Son étrangeté, c'est la simplicité que nous ne savons plus voir. Dhôtel, dans Un jour viendra comme dans tous ses livres, nous fait découvrir une vie tissée de secrets, qui sont les nôtres comme les siens, mais que lui connaît par cœur. Lionel Mime

parmi tous les romans parus en 1969...

CrS.FANTI

COITII LB

quatre psychanalyses un médecin, un prêtre, un officier supérieur américain, une jeune eurasienne

une descente aux enfers de l'inconscient... qu.i remet en cause l'homme normal

FLAMMARIDN

les lauréats des prix de fin d'année ont décerné le

PRIX HERMES à

l'AMATEUR DE CAFE d'Edouard Mattéi ROBERT",~

LAFfONT 13


Pound POIIDAIIC. 8

Lettres d'Ezra Pound fi James Joyce avec les essais de Pound sur Joyce Mercure de France, éd. 350 p.

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Pound est à Londres depuis 1908, Joyce en exil italien depuis 1904. Ils n'ont pratiquement rien publié. Mais Joyce travaille déjà à Dédalus lors· qu'en 1913, Pound lui écrit pour la première fois, à l'ins· tigation de W.B. Yeats, pour lui demander de contribuer à son anthologie des Imagistes, Alors commence une correspondance qui se constitue en histoire de la Bataille de la ~ttre, entre 1912-13 et 1941, bataille dont Pound fut l'ani· .mateur et le théoricien inépuisable.

INFORMATIONS

Jean Dubuffet Les faSCicules XI et XII du Catalogue des travaux de Jean Dubuffet viennent de paraître (distribution Weber). Le faSCicule XI rassemble ce qùl se rapporte à • charrettes. jardins, personnages monolithes, le XII est consacré aux • Travaux d'assem· blages •.

Au oommencement... Les Editions Paul Castella, à Albeuve (Suisse) . publient en allemand. français et anglais les premiers versets du premier chapitre de la Genèse, avec des i1Iustratlons d'Adrian Frutl· ger. 400 exemplaires à 61,50 francs français l'un.

L'Atlantide L'Atlantide, la vérité derrière la légende, tel est le titre d'un ouvrage en forme d'album remarquablement Illustré qu'ont écrit MM. Galanopoulos et Edward Bacon et qu'a traduit .de l'anglais Tanette Prigent pour Albin Michel. Les deux autetJrs, un archéologue et un physicien, qui ont décelé l'existence d'une énorme éruption ·'vol· CanlqUe à l'Age du Bronze. prétendent que ce désastre balaya en 24 heures une civilisation qui existait quelque

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Son but : la libération de l'écri· ture par la libéralisation de l'édition, donc du système social qui l'assume. Pound attaque sans répit l'écriture bourgeoise, conformiste, avare, représentée par Shaw • Bennett - Chesterton, et prône les « révolutionnaires » T.S. Eliot Lewis • Joyce, désignant bientôt comme triade responsable de la coupure de l'écriture e.e. cummings - Lewis • Joyce, meurtriers de la molle prose anglo-saxonne; Joyce jouissant du privilège d'être le premier, le plus monumental, et le successeur de Flaubert qu'il prolonge et dépasse en tout. Introduite par Forrest Read qui fournit leur contexte biographique et insère les essais critiques de Pound sur Joyce, cette correspon. dance met en scène les épisodes d'une relation ambiguë entre deux personnalités dissemblables jusqu'au contraste. La relation vaut

part dans la mer Egée et plus précisément sur l'île volcanique de Santorin. Ce sont les restes de cette civilisation, en particulier l'admirable palais de Cnossos, qui aurai.ent alimenté la légende de l'Atlantide. Une légende dont le premier propagateur s'appelle Platon, dans le Critias, et qui plaçait déjà l'Atlantide (du nom d'Atlas) en Méditerranée.

L. Moyen Age La nouvelle Histoire de la littérature française, dirigée par Claude Pichois aux Editions Arthaud, s'enrichit d'un nouveau volume : L. Moyen Age, tome l, • Des origines à 1300 •. Il est de M. Jean-Charles Payen, professeur à l'université de Caen. Comme les volumes précédemment publiés dans la même collection, il comprend une Anthologie, un Dictionnaire des auteurs et des œuvres, une Bibliographie et une Chronologie.

surtout parce qu'elle renvoie de lettre en lettre au rapport de chacun d'eux à son art, et plus généralement à la conception et l'élaboration de l'écriture, en métamorphose surtout dans l'entre-deux guerres. Le dévouement de Pound à Joyce est moins le fait de l'amitié que d'un procès d'identification du poète à celui dont il reconnaît, avec une immédiateté surprenante, qu'il est le maître unique du texte en prose. L'identification vire assez vite à la frustration, lorsque le maître prend son dû sans jamais recon· naître la valeur créatrice de celui qui lui fraie un chemin, jusqu'à prendre soin de sa santé, de se" enfants, en faisant son affaire littéraire, par un respect suprême pour l'état d'écrivain. Il faut que Joyce écrive dans les conditions de son choix même si ce choix ressemble à un parasitisme organisé. C'est Joyce le précurseur que Pound

Jaok London Les amateurs des romans de Jack London (récemment réédités par Gallimard) liront avec intérêt et profit un Jack London, l'aventurier des mers, d'Irving Stone, aux éditions Stock. Ils y liront ie récit d'une vie assurément plus mouvementée que celle de Pa· pillon et vouée à des Idéaux, disons moins terre à terre. Ce vagabond qui commence à écrire à 19 ans et qui, très jeune, conquiert la gloire, a connu à peu près tout de ce que pouvait offrir la vie d'un XIX' siècle finissant à un aventurier de son espèce et qui, originalité supplémentaire, était devenu socialiste avant d'atteindre sa majorité. Plusieurs fois à la tête de fortunes considérables (gagnées par ses livres), il en fit profiter trop d'amis pour finir dans la peau d'un nanti. A 41 ans, à court d'argent, pessimiste et alcoolique, Il se donne la mort.

Alice L. plus grand inoonnu du XIX- aiècl. Ouel est le plus grand Inconnu du XIX' siècle? M. Alain Rey, qui dirige la rédaction du dictionnaire Robert, a répondu : Littré. Littré, théoricien de la médecine, historien des Idées. philosophe, poète, traducteur, témoin politique et auteur, bien sûr, du fameux dictionnaire. Dans le volume qu'il lui consacre SOUI le titre : Littré, l'humanllte et les mots (Gallimard. les Essais), il montre comment le • Littré. cache une épopée : la • célébration de l'Homme en proie au Temps et aux Mots Immortels •. '

Henri Parisot, qui a passé un bonne partie de son temps à traouire et retraduire Allee au pays des merveilles, en donne une version remaniée et qu'il souhaite • définitive. pour la collection bilingue Aubier·Flammarion.

Trotsky Après avoir publié La Révolution française et nous, de Daniel Guérin, La crise de la social-démocratie suivie de sa critique par lénine, de Rosa Luxemburg. les Editions la Taupe, à Bruxelles (106, rue Augustln-Delporte) font paraTtre un recueil d'articles de

protège beaucoup plus que l'homme. Quant à Joyce il concède à Pound, dont il semble oublier l'entreprise poétique, - une grande intelligence. Leur rencontre au bout de sept ans de correspondance (et sur l'insistance de Pound), est un simulacre : facticité, signe que s'ils se trouvent ce n'est jamais qu'au lieu où tous deux font cause commune contre l'interdit qui veut maintenir la littérature sous le joug de « la bigoterie bestiale » du lceteur, de l'avarice des « pourvoyeurs en littérature » et de la censure dont le chantage est tel que, depuis 1907, Joyce n'a pu encore trouver l'éditeur qui se risquerait à publier Gem de Dublin. Jusqu'à la publication difficile d'Ulysse par la Little Review ( deux fois saisie) les lettres de Pound sont d'abord l'écho d'une lutte incessante pour publier, diffuser Joyce, en mettant à contribution un réseau d'influences hétéroclites,

Léon Trotsky, tous relatifs à la dernière Guerre mondiale : Sur la Deuxième Guerre mondiale. Dans sa préface à ce recueil, Daniel Guérin fait un rapide décompte des prophéties de Trotsky et constate qu'elles se sont presque toutes réalisées. Toujours de Trotsky, Buchet-Chastel réédite le Marx.

Jésus, par un Juil Un livre sur Jésus, écrit par un Juif, est publié par le Seuil. Il s'agit du Jésus, de David Flusser, professeur à l'université hébraïque de Jérusalem et spécialiste de l'époque du Nouveau Testament. M. B.D. Dupuy, a.p. qui préface le volume dans sa traduction de l'allemand, se déclare satisfait des positions de l'auteur et pense que • s'II est certain que l'ouvrage intéressera les juifs, Il ne sera pas moins précieux pour les chrétiens -. La préfacier va plus loin encore: • L'ess&i de D. Flusser, écrit~i1, s'adresse aux libres penseurs comme aux croyants, aux chrétiens comme aux juifs, et Interpelle les uns et les autres également.. Oui eût osé rêver d'Url • oecuménisme - aussi large?

Albert-Marie Sohmidt Les Editions Rencontre Inaugure,..t la • Bibliothèque des Lettres anciennes et modernes. par la réédition d'un ouvrage Introuvable ; La poésie scIen· tiflque en France au XVI' siècle, thèse de doctorat ès-Iettres 'soutenue en 1938 par le regretté Albert-Marie Schmidt. Le même éditeur a recueilli du même auteur ses alertes chronl· ques hebdomadaires : Chroniques de • Réforme ••


et Joyce depuis le Fonds Royal Anglais, jus· qu'aux mécènes de tout plumage. lutter pour Joyce c'est aussi lutter contre les institutions réactionnaires et leur langage. D'où l'intérêt des essais critiques qui portent sur Joyce et, à partir de Joyce, sur l'objectif du texte, sur les droits du langage à dire vrai, même si c'est faire violence, sur l'économie du détail dans le récit en prose, bref tout ce « dossier du réalisme », qu'à propos de Joyce, Pound constitue en doctrine. Depuis le premier essai de Pound sur Gens de Dublin (The Egoist, juillet 1914) jusqu'aux articles dont il accompagne la puhlication de Dedalus et Ulysse, et jusqu'au bilan qu'il donne (1933) à The English Review, avec ses deux ver· sants, l'un portant Joyce au som· met, l'autre le précipitant avec haro gne, en passant par des fléchisse· ments, se déploie une lecture de Joyce, modèle d'une lecture mili· tante qui veut faire loi : « Tous les hommes doivent s'unir pour célébrer Ulysse» (The Dial, juin 1922). Il: Ulysse résume l'Europe d'avant.guerre, la noirceur, la fan. ge, la pagaüle d'une « civüisation }) mue par ses forces déguisées et une presse vendue, la mollesse géné. rale, la condition réservée à l'intel· ligence individuelle dans ce ga· chis! Bloom, pour une grande part, est cette fange. le crois que celui qui ne lit pas Gens de Duhlin, Dedalus et Ulysse pour son plai.~ir, est un imbécile, et pour revenir au public... - celui qui n'a pas lu ces trois livres est impropre à l'enseignement de la littérature dans un lycée... le ne parle pas sim· plement de la littérature anglaise ou américaine, mais de toute la lit· térature, car la littérature n'est pas morcelée par les frontœres politi. ques ». Se montre ICI la démarche didactique de Pound: il s'agit de faire bénéficier autrui (de force) de sa découverte; et d'abord ses collègues écrivains, pour les inciter à bien écrire; puis les enseignants et étudiants de la littérature. La marche est un aller·retour de l'écri· ture·lecture, un acte total. « Sa critique et sa poésie, disait T.S. Eliot, sa théorie et sa pratique cam· posent une seule œuvre ». La direc· tion se fait de plus en plus impé. rieuse : change, make new. Lors· que Pound se retournera contre Joyce, il le fera au nom de « la conscience du présent» dont Joyce serait dépourvu: « Les temps que

Joyce et Pound, à Parill en 1923.

nous vivons me semblent plus inté· ressants que la période qui me pa. raît appartenir à la réminiscence - telle qu'elle me semble domi· ner Anna Livia et le reste des méandres joyciens ». Finnegans Wake serait l'erreur et aussi la faute de Joyce qui démontre une passivité répugnante et un refus de ce que la terminologie fascisante de Pound appelle « le sain » : « ü s'est accroupi dans le buisson de ses pensées, ü s'est murmuré des choses, il a entendu sa voix enre· gistrée sur disque, et ü a pensé à des sons des sons, murmurés dans son gilet... Il est tout à fait incons· cient des idées dominantes et ré· volutionnaires de ces dix dernières années. » La métaphore scatologique, l'âpreté du ton, indiquent bien que le prétexte politique est l'écran d'une aversion latente qui se révé· lait dès l'origine sous le couvert des deux écritures, en-deçà de l'His· toire et du changement: lorsqu'en 1918 Pound évoquait ses déhoires, il signalait en clair son propre re· foulement : « l'espère que tu aime· ras mon Propertius. - l'ai autant de difficulté que toi à me faire publier - bien que je sois beau· coup plus modéré et bien moins indécent - au moins je suis peut. être un peu plus phallique, mais m'intéressent moins les excréments et les fèces humains et les puces paraissent peu, etc. - même ceUes de l'éditeur - le public lecteur semble être horripilé par les très imprévisibles tournures du lan· gage - toute référence à une habi· tude ancutrale ». Les premiers chapitres d'Ulysse lui avaient paru être la catharsis attendue. Mais une catharsis doit s'épuiser d'elle· même : elle met un terme, tout est

La Quinzaine littéraire, du 16 au 31 mars 1970

dit une fois pour toutes, puis doit se figer en ce moment des temps modernes que Pound appelait dès 1912. Pound se défait de Joyce avec le sentiment d'être devenu l'instru· ment d'une gloire et d'une perver· sion au lieu d'être l'agent d'une révolution virile et réaliste. TI se

fait, alors le héraut de l'avènement mussolinien et s'engage dans l'im. mense discours radiodiffusé qui le mènera jusqu'aux Cantos Pisans. Le silence de Joyce est l'accompa. gnement de la partition ironique de Finnegans Wake où se joue une cri· tique des fausses valeurs, fiers à bras muscoliniens. Reste à lire les véritables « correspondances » entre Joyce et Pound: elles ont lieu dans leur écriture par le système de la citation et de la référence culturelle, fin en soi pour Pound, renvoi iro· nique pour Joyce qui ne croit pas à la culture mais au jeu de sa re· présentation, qui ne croit pas à l'argent mais le prend à son signe, et s'amuse de voir Pound (la livre, le livre) prendre son propre nom à la lettre. L'y prenant à son tour, avec cette maitrise du travesti comme caricature du changement, qui fait paraître et dispàraître Pound, son repoundant, porteur de ses lettres, dans le rôle du porte. parole braillard et furieux, frère facteur du rusé scripteur qui est, n'est pas, Joyce. Hélène Cixous

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ARTS

Un sculpteur SOVIetique •

John Berger Art et Révolution 80 illustrations Dossiers des Lettres Nouvelles Denoël éd., 205 p.

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c Aujourd'hui, la vérité est née », dit John Berger. Cette vé· rité, c'est la conquête par des mil· lions d'exploités de leur liherté, de leur personnalité. C'est la con· quête de l'égalité indispensable à la civilisation qui s'élabore à partir des facultés nouvelles que la recherche fait naître dans tous les domaines, tant scientifiques que culturels ou spirituels. Cette véri· té nous concerne tous. Ne pas la reconnaître c'est nier les valeurs dont nous nous réclamons, c'est courir au suicide que d'en entra· ver la marche et c'est combattre pour tout ce qui a une significa. tion humaine que de participer à la lutte qu'elle implique. Pas un continent n'échappe à cette revendication, à cette nécessité. La planète entière est désor· mais ouverte. Nul ne peut ignorer les exactions actuelles de l'impé. rialisme, même si ses méthodes se renouvellent. Il y a toujours une voix qui s'élève pour les stig.

matiser et c'est le plus souvent celle d'un peuple entier qui entre dans la lutte, conscient de l'enjeu de son combat, de sa durée, prêt à toutes les souffrances et décidé à les surmonter. Face à cette détermination, l'impérialisme, en dépit de son pouvoir et de ses ri· chesses, ne signifie plus rien. L'jr. résistible besoin d'exister des peuples opprimés, de nier l'altérité qui leur est imposée depuis des siècles, le condamne de façon iné· luctable, et la décadence de notre société n'est rien d'autre que le signe de cette condamnation. Il n'est d'autre alternative qu'un monde où règne l'égalité. cOu cette exigence est satisfaite, dit Berger, ou il ne nous reste plus qu'à renier nos facultés et à réduire à rien notre existence même ». Le constat est lucide, le cri d'alarme salutaire. La Révolution est œuvre de civilisation et par ce qu'il peut avoir de visionnaire, de prophétique, l'Art a vocation d'y participer. Cela n'est jamais tant apparu qu'aujourd'hui, mais aussi dans le plus grand désarroi. La prise de conscience certaine et récente de cette situation révolu· tionnaire conduit même certains

artistes à renier cette vocation et à se vouloir avant tout révolution· naires. D'autres, plus lucides peut. être, entendent mettre au service de la Révolution les moyens qui sont les leurs, soit qu'ils sapent le monde impérialiste en dénon· çant par leurs œuvres ses tares et ses crimes, soit que par des recherches formelles ils participent à l'élaboration d'un nouveau lan· gage qui sera celui de l'homme de demain. Ces deux attitudes répondent l'une comme l'autre à l'appel de John Berger. Pourtant c'est à une troisième qu'il se réfère pour aborder les rapports de l'Art et de la Révolution, et qui paraît un peu en retrait. La raison en est probablement que lorsque cet es· sai a été écrit, en 1966-67, le fait révolutionnaire n'avait pas dans le monde occidental, la résonance qu'il a aujourd'hui. Il en résulte un décalage qui restreint l'étude de ces rapports à un aspect que l'on pourrait presque dire classi· que : la résistance à l'oppression. Décalage encore accentué par l'exemple proposé, lequel ne relève pas spécifiquement de la lut· te anti.impérialiste.

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Neizvestny est un sculpteur soviétique auquel John Berger s'est attaché, malgré quelques réticences à l'égard de son œuvre sur le plan esthétique. Il a 43 ans et vit à Moscou. Bien qu'officiellement condamné pour ses vues «déca. dentes et antipatriotiques », il continue cependant à travailler, accumulant les projets et les ma· quettes d'œuvres monumentales, réussissant à vendre, particulière. ment dans les milieux scientifi· ques, des sculptures de petit for. mat qui lui permettent de vivre. Privé de commandes officielles, se procurant par ruse les matériaux nécessaires, prêt à renoncer à une vie qu'il sait constamment mena· cée : c Vous parlez à un homme capable de se tuer à tout moment. Vos menaces n'ont pas de sens pour moi », répond.il à Kroucht. chev. Il est une figure de proue de l'opposition au régime. Apparemment, son œuvre n'a rien de révolutionnaire. De l'aveu même de Berger, elle relève d'une esthétique dépassée. Le paradoxe est qu'elle apparaisse telle parce que condamnée par un régime dont la vocation est précisément la Révolution. Mais on connaît les conceptions du stalinisme en ma· tière d'art et il est évident que, face au réalisme socialiste, la sculpture de Neizvestny, qui veut exprimer l'homme dans sa mou· vante totalité, ne peut qu'être clandestine, ce qui ne signifie pas silencieuse. Son existence même est parole et ce que les statues ne peuvent que murmurer faute d'être publiquement érigées, la ténacité, l'opiniâtreté de Neizvestny à poursuivre son œuvre envers et contre tout, le proclament. Il re· joint, par ce comportement, la lutte des peuples exploités dont l'are me la plus sûre est l'endurance, cette forme nouvelle du courage, dit l'auteur, qui n'est plus lié comme autrefois au libre choix du héros, mais à l'idée de liberté qui lui donne son sens. Pour John Berger, l'œuvre de Neizvestny est un «monument intérimaire à l'endurance ». On ne peut mieux indiquer sa portée : elle symbolise un stade premier de l'action révolutionnaire que définissent des conditions malheureusement trop précises pour poser dans toute leur ampl~ur les rapports de l'Art et de la Révolu· tion.

Neizvestny:

II

Homme

bleué,

bronze 1957.

Marcel

Bil~t


Images tantriques L'amateur d'analogies s'en donnera à cœur joie devant la «modernité * de certaines œuvres tantriques exposées actuellement au Point Cardinal (1) : et de parler d'art optique à propos de ces images constituées de petits carrés rouges, verts et jaunes, de Sonia Delaunay devant ces disques de couleur qui se recouvrent partiellement, voire d'Arman devant ce rectangle entièrement rempli de signes identiques (vir9ules, personnages?). C'est en tout cas un non-sens de regarder ces Images comme si elles avaient été conçues pour orner les palais de quelques amateurs « éclairés " assez raffinés pour apprécier Vasarely avec deux siècles d'avance... Il ne s'agit pas Ici d'œuvres achevées destinées à être montrées, comme certaines peintures du Tibet ou du Népal que l'on a pu voir en Occident, mals de schémas et de diagrammes (yantras) destinés à illustrer et à enseigner des points de philosophie et de science : explications astronomiques ou métaphysiques. La réalisation d'un yantra est un acte de méditation, qui se rattache· à la pratique du yoga, et qui donne à son exécutant un pouvoir proportionnel à l'exac~ titude et à l'abstraction de la repré· sentatlon. Dans ces peintures, tout est surdéterminé et les lignes et signes graphiques constituent un langage symbolisant les rapports de l'homme et de l'univers : labyrInthes où s'Inslnuent et ser, pentent

Le C. N.A. C. propose •.. Pour la seconde fois. le centre national d'art contemporain (C.N.A.C.) présente un choix (1) groupant une quarantaine de dessins, peintures et sculptures acquis ces dernières années par l'Etat sur proposition du C.N.A.C. Une des vocations de cet organisme est en effet de constituer un fonds national d'art contemporain destiné à alimenter les musées, maisons de la culture et expositions et à constituer les premiers éléments pour un " musée du XX· siècle" dont la création est envisagée dans les six années à venir. Ce qui frappe dès l'abord est la volonté d'une prospection in· ternationale, à la recherche d'œuvres significatives de notre temps. La présente exposition réunit un tiers d'artistes français, un tiers d'artistes étrangers et un tiers d'artistes étrangers vivant hors de France. C'est ainsi qu'on découvre avec étonnement qu'aucune œu· vre de Mark Tobey (né en 1890; rétrospectives dans les plus

les Impératives hampes de l'alphabet de la langue des dieux. comme le dit Henri Michaux dans le magnifique poème Inédit «Vantra" qui préface le catalogue de cette exposition. Tantra est à la fols une cosmogonie unifiant toutes les connaissances humaines et une méthode scientifique par laquelle l'homme est censé libérer son pouvoir spirituel et accroître sa connaissance (Tantra dérive de la racine sanscrite tan qui signifie expansion). Certains yantras sont des représentations graphiques (dont les lignes sont harmonisées comme les notes d'e musique d'une raga) des « sons mentaux" (mantras), vibrations fondamentales qui interviennent à la fois dans la création et la destruction de toute forme et sont à la base du système tantrique d'explication du monde. Tout mantra est lié à des groupements de .Iettres de l'alphabet sanscrit et à des parties du corps; il lui correspond une couleur et une forme. On verra à l'exposition du Point Cardinal quelques-unes de ces pierres (lingam, pierre-phallus) qui sont des expressions modernes d'une forme traditionnelle « sans âge" et rèprésentant un son primaire intervenu dans la création du monde. J.-L. Verley 1. 3, rue Jacob, 3, rue Cardinale.

grands musées du monde, y compris au Pavillon de Marsan en 1961) ne figurait dans les musées français : une grande toile de 1966 représente ici cet artiste. Quant à Asger Jorn, un des fondateurs du groupe Cobra en 1948, il a fallu attendre 1968 pour le voir figurer dans l'inven· taire officiel. On remarquera une grande pièce de Lee Bontecou, où à la toile tendue sur des armatures se mêlent des éléments polychromes de cuir tandis que le polyester recouvre d'un parchemin les protubérances de l'œuvre; un mur de Louise Nevelson lui fait face. Quelques semaines après sa mort, on est heureux de trouver une peinture de Mark Rothke qui surprendra peut-être les amateurs habitués à des toi· les très colorées et très vibrantes. Qu'y a·t-il donc de changé, de différent, dans la politique des achats de l'Etat? Sans remonter au scandale des impression· nistes, disons que le budget des achats était intégré au traditionnel budget des Beaux-Arts et soumis comme tel à toutes les interventions et sollicitations mondaines ou parlementaires; soumis aussi aux demandes des

La Quinzaine littéraire, du 16 au 31 mars 1970

ambassades, préfectures etc .... par l'intermédiaire du mobilier national. La part de l'art contem· porain dans ce budget était d'ailleurs très réduite et les achats étaient faits d'abord en fonction, non des œuvres, mais des artistes : c'est ainsi que certains émargeaient régulièrement (en 1960, on avait acheté 65 tableaux de Brayer et 40 tableaux de Chapelain-Midy pour un seul Matisse) tandis qu~, sous prétexte de " présence de l'Etat ". les inspecteurs des Beaux-Arts achetaient au rabais des œuvres mineures après chaque exposition de galerie avec exclusion, bien entendu, des artistes étrangers et des galeries d'avant-garde - . On aboutissait ainsi, alors que certaines toiles s'entassaient dans la poussière des réserves, à une ignorance systématique de toute une partie de l'art en train de se faire. A partir de 1960, avec le ministère Malraux et la pré· sence de Gaétan Picon à la direction générale des Arts et lettres, on assiste à un redressement, mais limité à certains ar· tistes et là encore presque exclusivement français. C'est cependant ce qui a permis au C.N.A.C. d'être. Il a été conçu

en fait comme un organisme de prospection, destiné d'abord à réorganiser le dépôt des œuvres de l'Etat en répartissant les collections existantes entre le Mobilier national et le fonds national d'art contemporain dont il a la gestion, à combler les innombrables lacunes des collections actuelles d'art moderne et à rendre compte de l'art vivant ~ous toutes ses expressions plastiques. Le C.N.A.C. n'est pas un musée : pour lui les problèmes de conservation n'existent pas; il se situe, au-delà du musée, dans une prospective d'information, de stimulation, de communication et il lui importe peu d'avoir des collections présentées de manière permanen· te. Ajoutons à cela son existen· ce précaire, le renouvellement périodique de son directeur qui doit être en mesure de dire, avec son équipe : vous m'avez nommé pour six ans maximum, je crois que finalement, c'est cela qui est important pendant ces six ans. Cette solution dans le temps est essentielle pour garder un contact continuel avec la réalité artistique. J.-L. Verley 1. 11, rue Berryer, Paris· S', 6 mars au 30 mars 1970.

dll

1'1


Arts japonais d'aujourd'hui Une exposition intéressante au pre· mier chef par ies questions qu'elle pose. Elle réunit une sélection de soixante-seize œuvres de l'avant-garde japonaise, celle que nous ne connaissons pas, parce que ses représentants ne se sont pas expatriés et demeurent au Japon. Ce n'est point cependant que leur écriture ne nous soit familière. I.a diversité de ces œuvres bi et tridimensionnelles reflète celle qui ca· ractérise aujourd'huI la production • artistique • de l'Occident. D'où l'oc· casion d'une interrogation générale sur l'art dans la société industrielle et 'd'un questionnement plus particulier sur son avatar japonais. Ouel sera le destin de la maîtrise technique affir. mée dans la majorité de ces peintures, sculptures et œuvres graphiques? le patient artisanat dont elles témoignen~ est-il, comme le pensait Mathieu, con· damné à mort par l'Occident? D'autre Part, une tradition du signe et de la contemplation qui nous est étrangère n'aura-t·elle pas le pouvoir de donner au minimal et parfois même à l'Op art un poids et un sens qui, à l'origine, leur faisaient défaut? En revanche, on se demandera si le pop peut avoir au

La main, de YaiJl.amoto, 1934.

Japon un autre destin que le formalisme montré à Cernuschi et où l'on cherche en vain le type d'humour et d'ironie qui ont fondé le pop art et que sut pourtant manier magistralement un Japonais de Paris, Tetsuml Kudo. Bref, l'exposition du Musée Cernuschi incite li s'interroger sur le des· tin des cultures originales dans le grand brassage planétaire d'auJourd'hui. Mais elle livre aussi quelques cer· titudes : la pérennité de la calilgra. phie, la vigueur tranquille de quelques œuvres, telles les merveilleux para· vents de Sato et les grandes construc· tions de Asal et enfin l'art consommé de l'accrochage dO li Vadlm Ellsséef li qui sa science de la civilisation nippone a permis de dépasser le disparate de ces témoignages pour nous en faire percevoir et nous en imposer l'unité. Françoise Choay (f) Musée Cernuschi, JUSqu'oU 12 avril. Du 14 au 19 mars seront pré· sentées des démonstrations de la cérémonie du thé. A partir du 20 mars démonstrations d'arrangements de fleurs.

Une nouvelle forme d'équipement culturel LE COLLÈGE GUILLAUME BUDÉ DE YERRES a 1 CES 1200 éléves : enseignement général b 1 CES ·1200 éléves : enseignement scientifique et spécialisé c 1 CES j 200 éléves : enseignement pratique d 1 Restaurant libre-service. salles de réunion, centre médico-scolaire e 1 Logements de fonction f 1 Salle de sports avec gradins (1000 places) • et salles spécialisées ltl)'. ,'~ ~ 9 / Piscine ~ t .'. h 1 Installations sportives de plein air ~ i 1 Formation professionnelle .. ~l "'li et promotion sociale j 1 Bibliothéque, discothéque k 1 Centre d'action sociale. garderie d'enfants; conseils sociaux. accueil des anciens 1 1 Maison des jeunes m 1 Centre d'action culturelle: théâtre. galerie d'exposition, musée. centre (l'enseignement artistique n 1 Foyer des Jeunes Travailleurs

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SOCIOLOGIE

Hallucination collective

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Edgar Morin La rumeur crOrléans Le Seuil éd. 232 p.

Chacun son goût. Le mien ne me porte pas particulièrement vers la sociologie, les sociologues se sont beaucoup plus multipliés que la sociologie elle-même. Edgar Morin serait à juste tItre fâché si on ne regardait pas la Rumeur comme une enquête sociologique parmi les autres. Mais son livre prend une impor. tance et un intérêt exceptionnels - sans doute à cause du sujet qu'il traite - et qui, d'autre part ne permettait pas un développe. ment trop vaste, et un volume trop massif.

Un phénqmène bizarre Un phénomène bizarre s'est produit l'an passé, à Orléans. Le bruit soudain court que des jeunes filles disparaissent. Victimes d'une «traite des blanches ~ dont on ignore d'ailleurs les bénéficiaires et les destinataires. On dit seulement qu'elles ont été enlevées -pour les livrer à la prostitution, selon toute vraisemblance - et que les enlèvements se sont opérés dans les arrière-boutiques de magasins de nouveautés JÙtramodernes. Leurs éventaires scintillants attiraient la jeunesse, chacun d'eux comportait un ou plusieurs salons d'essayage : les jeunes filles y entraient et n'en . revenaient pas. Disparues. Tous ces magasins, cinq, dans l'espèce, étaient tenus par des Juifs. La ru· meur s'enfle comme la calomnie dans le Barbier de Séville - au point de surexciter la population et de menacer l'ordre public. Elle cessera d'ailleurs aussi vite et bizarrement qu'elle s'est propa· gée. En effet, aucune jeune fille d'Orléans n'a disparu : la seule difficulté de l'enquête dont elle viendra d'ailleurs vite à bout - c'est qu'il ne s'est rien passé. Ceux 'même qui ont le plus contri· bué à la propagation de la rumeur se défendent d'y avoir jamais cru. Ils finissent par soupçonner les commerçants juifs de l'avoir euxmêmes propagée - pour se faire d~ la publicité !

aussi petite et, d'ordinaire aussi calme qu'Orléans, ait pu être frappée d'une telle hallucination. Et, bien sûr, que les commerçants victimes de cette rumeur halluci· natoire aient tous été des Juifs. Le catalogue des persécutions an· tisémites est, certes, volumineux. Mais 'à chacune, on avait trouvé - sinon des justifications - au moins des explications rationnel· les qui - en un certain sens rassuraient : les pogroms tsaristes étaient des crimes, mais ne posaient pas de problèmes : complots policiers ourdis afin de détourner sur les communautés jui. ves les colères des populations excédées par leurs difficultés économique.. et par les abus de gouvernements despotiques. A Orléans, on note, certes, la rancœur - bien connue - du petit commerce déclinant contre les magasins aux succursales multiples ou autres dont ils ne peuvent soutenir la concurrence. Mais si ces commerçants se trouvaient ainsi conditionnés pour croire la rumeur, rien ne permet de penser qu'ils l'aient inventée. Elle ne fut pas l'effet d'un complot préconçu : puisqu'il sera facile de constater que de toutes les jeunes filles «enlevées ~ aucune n'a quitté la ville. Et cette ville ne s'est jamais révélée particulièrement antisémite.

Un risque atrooe « La rumeur ~ est d'autant plus troublalite et éclairante. Toute ville, tout village peut être victime d'une hallucination collective analogue à celle d'Orléans. Toute personne, tout groupe de la ville ou du village sont par là menacés par un risque atroce - auquel les Juifs semblent particulièrement exposés - mais dont ils n'ont pas le monopole. Il y a l'affaire Dreyfus, mais avant elle l'affaire Calas. Il y a «la nuit de cristal ~ dans l'Allemagne de Hitler, mais «les possédés de Loudun ~ dans la Fiance de Richelieu.

A quelle diathèse, à quel virus imputer le mal ? Et où en trouver le remède? Je regrette que le nazisme ait suscité plus d'horreur et de réquisitoires que d'analyses. On a beau me dire : Hitler procèIl est. déconcertant lIll'une ville , de de la misère du pe~ple aIle·

La QuiDzaine littéraire, du 16

/lU

31 JJUIT' 1970

France. On n'a pas l'idée d'un Tartarin d'Orléans...

Edgar Morin

mand, accablé par la crise mondiale, je sais que si en 1913 et même en 1922, j'avais, à Fribourg en Brisgau, prophétisé le racisme nazi, je n'eusse trouvé ni un professeur, ni un étudiant, ni un balayeur de rues pour douter que je sois fou.

La Rumeur crOrléans nous avertit que le pire est toujours possible et que la folie menace à tout moment chacun. On le sait bien, Voltaire l'a beaucoup répété. Encore faudrait-il ne pas constamment l'oublier. Orléans, dont Edgar Morin nous montre la crise de délire, la province qui l'en· vironne, le peuple, qui l'habite sont parmi les plus sensés, les plus doux, les plus raisonnables de

Il n'est pas possible de laisser la recherche et la technique déve· lopper de plus en plus vite les pouvoirs de l'homme, si on ne parvient pas à diaguostiquer, à prédire, à combattre les maladies de l'esprit humain et des sociétés humaines. La sociologie, à cet égard n'est malheureusement pas plus avancée que la médecine au temps de Molière. Les idées absurdes et délirantes courent les rues, comme les microbes. Pourquoi, tantôt sont-elles sans effets graves et tantôt se propagent-elles jusqu'à produire les épidémies les plus effroyables?' La France a condamné l'antisémitisme de l'affaire Dreyfus comme l'Allemagne celui de Hitler; elles ne l'ont ,pas du tout expliqué. Je comprends qu'on ait pu croire Dreyfus un espion allemand, quoique ce fût peu vraisemblable ; mais pas que même dans la meilleure société parisienne, on ait pu croire que l'empereur Guillaume II lui écri· vait des lettres personnelles. Pourtant, la logique devait sans cesse exposer que c'était absurde. Dans aucune civilisation la folie n'a sé· vi plus terriblement que dans la nôtre. Et aucune ne l'a aussi peu redoutée... Il faut Morin de tative et fait de en nous démence.

rendre grâces à Edgar n'avoir fait aucune ten· vaine - pour rassurer, son mieux pour raviver la juste crainte de la

Emmanuel Berl

M. ~

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1.


Durkheim Emile Durkheim Journal Sociologique PUF éd., 725 p. La science sociale et r action PUF éd., 334 p.

1

En-deçà d'une pensée figée dans la rigide cohérence de ses grands produits académiques, on trouvera ici davantage l'expression de son cheminement au fil des confrontations multiples avec son environnement théorique ou politique. D'où une foisonnante diversité de propos; le premier recueil (les contributions de Durkheim à « L'année sociologique» (1) est pour une large part sous le signe d'une régression aux origines (. pour savoir comment une réalité sociale est faite. il faut savoir comment elle s'est faite »): le totémisme et les systèmes de parenté y tiennent une place de choix. les textes du se· cond s'organisent plutôt autour de ce sujet de thèse que Durkheim encore normalien dépose en 1881 : « Les rapports de l'individualisme et du socialisme ». Dans les deux cas pourtant l'essentiel est ailleurs : en un disCOUI'! épistémologique d'une étonnante rigueur, Durkheim tient ici le journal de la genèse d'une science et de la constitution de son objet. Deux phases dans cette genèse, l'une qui le précède, l'autre qu'il inaugure. l>e «cene sCience nee trhier et qui ne compte encore qu'un petit nombre de principel définitivement établis..., Durkheim refait d'abord le parcours préalable (des économistes classique8 à Comte et à Spencer). Contre le «préjugé dualiste ..., contre «fesprit habitué depuis des siècles à concevoir un abîme entre le monde physique et ce qu'on appelle le monde humain ..., Durkheim reprend à 80n compte le geste fondateur, « très légitime induction... : «tous les êtres de la nature relèvent de la scieMe positive, c'est·à-dire que tout s' y passe suivant des lois nécessaires ... ; or «les sociétés sont dans la nature..., mieux, étant «une sorte d'organi!me ..., elles sont nature. Ge8te inverse en apparence de celui de C. Lévi-Strauy et le pIns proche

La sociologie de celui de Marx dans la première préface du Capital. Du même coup la société cesse d'être «œuvre humaine ..., instrument entre nos mains, et donc objet d'un art art politique pour devenir pur objet de i:héorie. '< La science n'apparait que quand l'esprit, faistmt abstraction de toute préoccupation pratique, aborde les chQses à seule fin de se les représenter .... Pourtant ce modèle biologique est par lui·même perturbant, «rêtre social n'étant réductible à aucun autre.... A l'issue de ce premier parcours, l'objet social a conquis «ses deux caractères les plus essentiels... : «sa positivité et sa spécifité .... (2, 1re partie). Ce n'est là encore que la préhistoire «métaphysique... de la sociologie. Avec Comte et Spencer on n'a guère «qu'une méditation philosophique sur la sociabilité humaine en général plutôt qu'une étude spéciale des faits sociaux .... Dénoncer ce < scandale ...du pseudo-sociologue s'abstenant de dout commerce avec le détail des faits sociaux ... et pour qui la sociologie n'a pas encore «cessé trêtre une forme de la littérature purement dialectique ... ; démolir l'édifice creux de ces «histoires universel· les... qui ne voient pas que «le développement humain doit être figuré non sous la forme trune ligne où les sociétés viendraient se disposer les unes derrières les autres, mais comme un arbre aux rameaux multiples et divergents ...; réaliser l'union entre d'une part la multitude incohérente des quasi-sciences, inconscientes de l'unité profonde de leur objet, accumulation8 de données sans méthode ni concepts et de l'autre la sociologie «planant trop haut au-dessus d~s faits ... ; rendre positive cette curieuse divi8ion internationale du travail entre la llOciologie «science essentiellement française... et «les écoles historiques et ethnographiques de l'Allemagne et de l'Angleterre ..., telles sont les tâches que Durkheim se donne en fondant en 1896 « r Année sociologique ..., .laboratoire permanent d'ethnologie .en chambre (mais on sait qu'au dire de Lévi-Strauss, Durkheim reconstruit les sociétés australiennes plu8 fidèlement qu'on ne les avait observées) où se tient une sorte de discours intermédiaire, chargé de soumettre le matériau brut «à une première élaboration indiquant aux lecteurs quels enseigne-

ments s'en dégagent pour le sociologue .... Cependant, ce double dépassement de l'idéologie philosophique est sans doute plus apparent que réel. Si, en effet « les sociétés :jont des organismes, elles se distinguent des organismes purement physiques en ce qu'elles sont es· sentiellement des consciences ... ; la réalité sociale «est d'ordre psychique, et rob jet essentiel de la sociologie est de rechercher comment se forment et se combinent les représentations collectives ... (<< L'ethnologie est d'abord une psychologie ..., dira Lévi-Strauss), et tout spécialement celles qui ont force morale ou force de loi. Pour Durkheim la cohérence d'mie société réside avant tout dans ses institutions et dans ses normes. D'où la myopie d'une ethnologie qui sous la société lé· gale du clan ou de la phratrie, souvent ne voit pas ces «agrégats de fait ... autour desquels s'organi. sent la vie économique ou les ten· sions politiques. Non qu'il «faille étudier une croyance ou une institution en la laissant en l'air, sans la relier au système social dont elle fait partie », comme Durkheim reproche à Frazer de le faire; non pas que «la vie sociale doive s'expliquer par ]a conception que s'en font ceux qui y participent... : la critique marxiste est sur ce plan féconde. Mais en-deça des consciences indivi· duelles ou des rationalisations a posteriori, il y a les systèmes de représentations : «les sociétés ne sont rien si elles ne sont pas des systèmes de représentations ...; endeça des «pratiques ..., il y a le «schème conceptuel... qui les organise, dirait Lévi-Strauss. La lecture de ce Journal sociologique ne peut manquer de suggérer l'im· pres8ion que la nouveauté de la technique 8tructurali8te est peutêtre le masque d'une profonde continuité sous-jacente. Certe8, la belle unité du toté· misme' s'est dissoute; mais l'admirable texte de «l'Année... sur «les formes primitives de classification:. indique que la rupture n'est pas si nette.. En montrant qu'un même modèle préside à la répartition des homme8 en groupes et à la classification des choses, que «la hiérarchie logique n'est qu'un autre aspect de la hiérarchie sociale et funité même de la collectivité étendue à funitiers ..., Durkheim annonce un

Lévi-Strauss (tel celui de la Geste trAsdiwal) chez qui le système serait encore étroitement mêlé à l'histoire. Car pour Durkheim heureuse conséquence d'un évolutionisme par ailleurs périmé les peuples primitifs « ont une histoire », ils ne sont pas seulement dedans. Certes la religion n'est plus considérée comme le phénomène social par excellence dont tous les autres découlent; pourtant Louis Dumont n'est-il pas à cet égard un fidèle disciple? De Durkheim à cette ethnologie structuraliste contemporaine un même découpage de l'objet sociologique privilégié, un même avan· tage donné aux systèmes de représentations sur les structures 8ociales qui s'y expriment. TI est vrai que Lévi·Strau8s proclame hautement le «primat de! infrastructures ... ; mais au geste magnanime par lequel il en délègue l'étude à la cohorte des démographes, historiens... il est, SOU8 un marxisme des mots plus que du projet, étrangement proche de son maitre Durkheim. Sans doute le concept durkheimien de «substrat ... conviendrait-il mieux ici. De même que la structure < réa· git... à l'événement, de même le « substrat» «affecte les phénomènes sociaux », sans pour autant que les «causes sociales, partant d'ordre moral ... Cessent d'être prédominantes. D'un geste très parallèle Durkheim fait de ce substrat l'objet d'une «morphologie sociale >, science annexe et complfmentaire, mais subordonnée et !léparée de la sociologie proprement dite. Dans l'édifice global de la sociologie tel que le construit Dur· kheim (<< une science n'est vraiment constituée que quand elle s'est divisée et subdivisée»), la e physiologie sociale» doit 1'6mporter sur la «morphologie ..., l'étude des fonctions sur l'étude des organisations. Ainsi la religion en tant que telle (institutions, croyances...) n'intéresse pa8 le sociologue : «si elle appartient . à la sociologie, c'est en tant qu'elle exerce une influence régulatrice sur les sociétés ... (2 p. 193). A la limite l'objet n'est plus la société, mais plutôt la cohésion sociale, ce «consensus universel que la vie sociale manifeste nécessairement au plus haut degré» (Comte). Le conflit, asocial, e8t donc extra-sociologique. La confrontation avec le marxisme (2,


Mauss Marcel Mauss Œuvres Présentation de Victor Karady T. 1 : les fonctions sociales du sacré, 633 p. T. II. : Représentations collectives et diversités des civilisations, 739 p. T. III. : Cohésion sociale et divi· sions de la sociologie, 734 p. Minuit éd.

Voici l'un des ouvrages les plus importants publiés ces dernières années : il rend enfin accessible la totalité de l'œuvre de Mauss.

Emile Durkheim

textes 9 et 12) est ici fort éclairante : le capitalisme est un développement normal, il ne peut donc être dysharmonique et s'autodétruire. «L'homme est homme parce qu'il a une vie sociale» : il ne peut donc vouloir détruire la société, vouloir la barbarie. Le socialisme révolutionnaire est donc sans fondement et qui plus est négation de tout «socialisme », puisqu'il met l'accent plus est, négation de tout «sociaque sur ce qui l'unit, sur «l'insolidarité » des classes plus que sur la solidarité des hommes. Mieux vaut tenter de faire que cette société écartelée par «ce triste· conflit de classes» «reprenne coJ],science de son unité organique» ; telle est la tâche pratique assignée à la sociologie : «c'est elle

qui apprendra à findividu qu'il n'est pas un empire dans un empire, mais f organe d'un organisme et lui montrer tout ce qu'il y a de beau à s'acquitter consciencieusement de son rôle d'organe ». La cohésion sociale est objet privilégié parce qu'elle est d'abord valeur suprême. On verra très nettement dans ce deuxième recueil (fort bien éclairé par l'introduction de J .-C. Filloux) comment, au moment même où elle découpe le plus rigoureusement son objet, la théorie durkheimienne bascule en idéologie conservatrice. 1. Tous les articles sont repris. Parmi les comptes rendus d'ouvrages, J. Duvi· gnaud a choisi ceux qui présentent un in· térêt méthodologique. L'absence d'un index thématique. est regrettable.

La Quinzaine littéraire, du 16 au 31 mari 1970

Déjà, la parution en 1950, l'année même de sa mort, de Sociologie et Anthropologie, (précédé d'une introduction par Claude Lévi· Strauss) qui marque une date im. portante dans la connaissance de l'œuvre maussienne, avait offert en un volume six textes majeurs (dont le célèbre Essai sur le Don) de l'un des tout premiers parmi les fondateurs de l'Ethnologie moderne. D'autres études, qui méritaient tout autant une nouvelle publication, restaient enfouies dans des numéros depuis longtemps épuisés de différentes revues scientifiques. Les Œuvres que M. Victor Karady a reçueillies et regroupées dans les trois volumes que publient les édi· tions de Minuit nous les restituent, mais enrobées de tout ce que Mauss a écrit sous les formes les plus di· verses : notes, compte.rendus, participation à des débats, etc. Aucun de ces textes ne laisse indifférent, tous s'avèrent, au contraire, utiles pour la reconstitution de l'œuvr~ dans sa totalité. Le rassemblement de cette production disparate ne manque pas d'être impressionnant. Ceux qui n'ont pu jusqu'ici approcher qu'en partie l'œuvre de Mauss seront frappés par son érudition prodigieuse, d'autant qu'elle a abordé les domaines les plus variés; ethnologie et sociologie, psychologie et linguistique, indologie et études hébraÏques, économie, droit et sciences politiques. Erudition servie par ]a connaissance d'un nombre consi. dérable de langues écrites (il suffit de consulter les titres des ouvrages analysés par Marcel Mauss pour s'en rendre compte). Contrairement à ce qu'on rencontre chez la plupart des érudits, cet immense savoir n'est jamais payé de lourdeur. Beaucoup,. j'en suis sûr, découvri-

ront en Mauss un homme de cu]· ture ouverte. J'ai trouvé dans cet ouvrage ce qui m'attirait lorsque, étudiant, je m'étais mis à rechercher tout ce qui était sorti de sa plume. Cet ac· cord entre la richesse foisonnante des idées et le goût et le sens du concret, ce flair aigu pour déceler le fait pertinent qui impose l'ima· ge et le geste à l'argument. On sait que Mauss n'a jamais de son vivant publié d'étude de la taille d'un livre. Les Mélanges d'histoire des religions (1909, réédité en 1929) sont un recueil d'article écrits en collaboration avec Henri Hubert, et le Manuel d'ethno· graphie (1947, réédité en 1967), a été rédigé. par Denise Paulme d'après les sténotypies des cours qu'il a professé à l'Institut d'Ethnologie. La Prière, qui devait constituer sa thèse d'Etat, n'a jamais été achevée, de même que la Nation. Sociologie et Anthropologie (1950, réédité en 1966), si important pour la diffusion des idées maussiennes est, comme le premier volume cité, un recueil d'études. Les Œuvres apparaissent comme le livre reconstitué dont Mauss aurait éparpillé les différents chapitres. Et pourtant, cet ouvrage, par la force des choses; rassemllle

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HISTOIRE

~MaU8.

tera que sous la forme d'analyses critiques ». Ils font partie inté· grante de l'œuvre maussienne où ils forment souvent le point de dé· part de réflexions servant de base à des essais ultérieurs. La majorité d'entre eux méritent d'être considérés en eux-mêmes. J'avoue que c'est presque autant la lecture de ces analyses critiques que celle des articles originaux qui m'a poussé à acheter sur mon maigre pécule de matelot, les uns après les autres, les différents numéros de l'Année sociologique.

Marcel Mauu

lui aussi des articles célèbres dont certains sont achevés, comme celui qu'il écrivit avec Emile Durkheim sur .« quelques formes primitives de classification », ou avec Henri Hubert sur « la nature et la fonc'tion du sacrifice ». Ces textes (j'ai pris à dessein deux études faites· en collaboration), entourés et appuyés d'autres écrits de tous genres et de formes variées réintègrent un ensemble cohérent. Ces trois volumes restituent le climat réel de l'œuvre maussienne : une recherche passionnée, ouverte sur les domaines les plus divers, abordant toutes les disciplines des sciences humaines, une recherche en perpétuel renouvellement où les écrits de circonstance (notices, interventions à des débats, etc.), jouent un rôle souvent de premier plan. Comme le dit fort justement Victor Karady dans sa présentation: «De fait, si l'on prend en compte ces écrits divers, non seulement les dimensions de l'œuvre s'étendent dé· mesurément, mais la distinction même entre écrits majeurs et mineurs s'émousse pour laisser appaTGÎtre, à la limite, un continuum de thèmes plus ou moins développés dont les unités de structuration semblent être moins les articles GChevés que des constellations de lextes thématiquement divergents. » Parmi ces écrits divers, prenons comme exemple les compte-rendus d'ouvrages: leur importance a été capitale dans le travail de cette équipe que constitue l'école sociologique française, et Victor Karady rappelle justement que « certains grands thèmes de l'Ecole - telle la théorie des mythes - ne subsis-

Deux 1ivres consacrés à la Troisième internationale : l'un, publié par Editori Riuniti - maison qui appartient au Parti communiste italien est la traduction italienne d'une étude due à un jeune universitaire tchèque, Milos Hajek, dont le travail a paru en tchèque à l'automne 1969 sous un titre plus rigoureux, Front unique. Les orientations politiques de l'Internation4de communiste de 1921 à 19~5 (1); l'autre. L'internatio"ale Communiste, dû à Dominique Desanti, est la version enri· chie d'un ouvrage d'abord écrit pour la Bibliothèque de la Culture historique et· publiée par elle l'an dernier en édition-club.

Des études et des articles rassemblés qui eonstituent un des plus grands ouvrages de sociologie.

Paradoxalement, ce savant de cabinet, qui n'a guère voyagé que pour participer à des Congrès ou pour donner des conférences, a été l'un des plus grands promoteurs, de la recherche sur le terrain. C'est lui qui est pour ses élèves à l'ori· gine de la première école anthropologique française qui ait pu rivaliser en ce domaine avec les écoles anglo-saxonnes. Comment entrer dans le détail de cette œuvre considérable en un si court espace ? Sa variété est telle que même si la dominante reste sociologique, .ou ethnologique, les tenants des autres sciences humaines y trouvent leur bien, qu'il s'agisse des psychologues, des lin· guistes ou des philologues, des spé. cialistes de littérature comparée, etc., Si la matière rend parfois le sujet austère, tout y est exprimé « en elair », sans jargon. Cette œu· vre anthropologique, dans le sens plein du terme, a été constamment en avance sur son époque et ce n'est qu'aujourd'hui qu'elle peut être estimée à ses justes dimen· sions : l'œuvre d'un géant. On ne peut qu'admirer le travail accompli par Victor Karady, non seulement dans la collecte, mais dans le regroupement de cette œuvre multiforme, pour l'appareil critique qu'il a fourni et sa solide présentation de l'œuvre. Il faut également féliciter l'éditeur d'avoir consenti, fait malheureusement trop rare en France et qui mérite d'être souligné, à publier les volu· mineux index qui accompagnent l'ensemble. Georges Condominas

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1

Dominique Desanti. L'Internationale Communiste. Coll. Etudes et documents. Payot, éd. 400 p.

Deux ouvrages, certes, différents : les auteurs n'avaient ni les mêmes ambitions ni les mêmes méthodes, moins encore les mêmes techniques. Et pourtant deux ouvrages qui -ont un air de parenté. D'àhord parce qu'ils sont tous les deux marqués par une même démarche intellectuelle : ils n'entendent ni légitimer à tout prix ni dénoncer, mais saisir de l'intérieur la part de l'8tionalité à laquelle obéit dans ses objectifs, ses décisions et ses structures toute institution politique quelle qu'elle soit. Ensuite parce qu'ils sont fondés sur les mêmes sources - le livre tchèque ne fait aucune référence à des sources inconnues à l'Ouest, mais, au contraire, s'appuie pleinement sur des sources qui ont été mises à jour dans les dernières années soit en Europe occidentale soit en Amérique : ce qui revient à dire que l'historien tchèque n'a pas eu accès aux archives du Komintern dont tout laisse pourtant penser qu'elles existent bel et bien, au moins en partie (2). Dominique Desanti, quand elle prit la décision, hasardeuse au premier abord, de se lancer dans cette vaste entreprise : écrire une histoire synthétique de l'Interna-

tionale communiste a eu finalement raison : elle a écrit, et cela devient de plus en plus rare, un livre qui n'existait pas. Cette réussite essentielle est le fruit d'une série de partis judi. cieux. Elle a d'abord écarté le. partj qui guide trop souvent les historiens des institutions supranationales : les réduire à la succession de leurs congrès. Elle a en effet d'entrée de jeu marqué que l'Internationale c.ommunisle n'était pas une fédération plus ou moins lâche de groupes et de courants dont les représentants se rencontraient périodiquement au Kremlin : mais une organisation fortement centralisée et hiérarchi··· sée dont les décisions, prises en dernier re8sort au centre moscovite, commandaient non de manière épisodique mais en perma-·· nence la pratique des s~ction8 natio~ales. Il en résulte que, si les congrès sont des moments forts où peut être repérée la part puhlique des hilans et des perspectivell que l'Internationale souhaitait dresser pour sa propre édification, il. ne sauraient accaparer l'attention et la substance d'une histoire de l'ins-· titution dans ses profondeurs et 88 continuité réelles. L~auteur a ensuite très tôt aper· çu que '*-cune des grandes déci· sions stratégiques prises par l'Internationale avait eu un im· pact privilégié dans un pays parti. culier : au lieu donc de tenter la gageure impossihle de rendre compte et du mouvement com· muniste, vu d'en haut, à l'écheDe internationale et de ses innombrables sections, légales ou clan· destines, vu par en has, Dominique Desanti, à chaque étape, a concen· tré le faisceau de ses analyses sur le secteur-clef de l'époque: l'Alle· magne au début des années 20, la Chine en 1925-1928, la France et l'Espagne au temps du Front populaire. Ce parti a permis qu'en moins de 400 pages l'essentiel soit mis en place, fermement dessiné, et que le lecteur puisse enfin s'orienter dans la hroussaille des affaires, querelles, procès dont le savoir communiste diffus a vague· ment gardé la trace sans bien être au clair de ce dont il retournait.


L'Internationale communiste Enfin, l'Internationale communiste, et c'est le troisième parti de l'auteur, fut, dans son noyau dur, le noyau de ses dirigeants, fonctionnaires, représentants et mandataires - ceux que Dominique Desanti appelle les « kominterniens :. - une société étroite et close d'hommes sans rivage qui tentèrent de donner à la dimension révolutionnaire la priorité sur toutes les autres, par lesquelles l'individu ou le groupe social peut se définir. Ce pari, il ne s'agit pas de savoir s'il a été gagné ou perdu, mais d'abord d'observer ce qu'il a produit : un certain type d'hommes uniformément marqués par un destin tragique. Dominique Desanti a bien senti qu'on ne pouvait en rester au déchiffrement des résolutions et des discours, des tactiques et des stratégies, des calculs et des objectifs, qu'il fallait restituer et dépeindre la rencontre d'une certaine forme de logique et de raisonnement la' théorie bolchévique - avec des tempéraments : elle a trouvé là un terrain où son expérience de journaliste et son ancienne familiarité avec les hommes et les cho· ses du monde communiste d'après la seconde guerre mondiale lui ont donné une savoureuse aisance. Le lecteur ne saurait qu'apprécier le soin avec lequel elle établit des figures dont, en attendant la publication prochaine, par Branco Lazitch, d'un dictionnaire biographique de l'Internationale communiste qui constituera une contribution érudite majeure, le portrait est souvent difficile à tracer en raison des couches successives, ha· giographiques ou démonologiques, qui les recouvrent dans la mé· moire collective. Seul devait être nécessairement absent de cette galerie de portraits, le portrait de celui qui, pourtant leur modèle à tous et leur recours, n'a pas à paraître dans une histoire du Komintern : Staline. Comme le Sacré est hors du champ d'une histoire de l'institution chargée d'administrer le Sacré. Comme la r· Internationale, celle de Marx, la Troisième Internationale eut, relativement à la Stabilité du phénomène communiste maintenant cinquantenaire, une faible longévité : elle disparaît en 1943 après vingt-quatre ans d'existence. D'une certaine manière, la III" et la IVe Interna-

Dominique Desanti

tionales sont, relativement aux phénomènes qu'elles incarnent, beaucoup plus résistantes : en particulier la IV Internationale, malgré bien des avatars et compte tenu d'une tendance insurmontable à la scissiparité interne, laquelle peut d'ailleurs être paradoxalement vue comme la cause majeure de la remarquable en-

tiels et sectoriels qui finissent par ne plus se subordonner au dessein général. Il apparaît maintenant que ce schéma doit être raffiné : deux facteurs, opposés dans leur essence, semblent s'ajouter pour expliquer la disparition de la III· Internationale. L'un est bien le renversement, dans le cadre de l'accession à la maturité, d'un certain nombre de sections nationales, d'une tendance à l'autre, le passage de la phase A à la phase B : de la convergence et de l'homogénéité unitaires à l'hétérogé. néité et la dispersion pluralistes. Ce facteur s'exerce en particulier sur les marges et explique que l'on passe d'une période d'adhésions retentissantes cumulatives à une période de départs fracassants et de scissions. Mais, dans le même temps, un second facteur, fondamentalement différent, contribue lui aussi à la disparition institutionnelle de la Troisième Internationale : c'est l'intériorisation du modèle qu'a constitué le parti communiste bolchévik pour toutes (2) Outre qu'en cheur français a Mosœu' un fonds lations entre la

effet qu'un jeune' cherpu récemment étudier à inédit portant sur les reC.G.T.U. et l'lnternati&L'Internationale oommuniste fut, dans le nOJ'au de nale Syndicale Rouge dans' les année.s ses dirigeants, fonctionnaires, représelltants et manda- 20 et 30, un second indice est formel : en 1969 a été publié à Moscou, par l'Instaires, une société étroite et olose d'hommes sans rivage. titut du Marxisme-léninisme auprès du Comité central du P.C.U.s. un volume de 600 pages : L'Internationale communiste. Un bref aperçu historique. Cette version officielle (en russe) de l'his· toire du Komintern, à la rédaction de laquelle ont participé Jacques. Duclos et Georges Cogniot - leur nom se trouve les sections adhérentes à l'I.C. A durance d'une institution pourtant parmi une quinzaine d'autres collabora· ultra-minoritaire et battue par partir du moment en effet où ce teurs - confirme par exemple, en s'apr bien des vents contraires. On se- modèle est suffisamment intério- puyant explicitement sur des références risé, il n'est plus nécessaire de d'arc~ves, des points importants qui rait donc tenté de chercher le facteur primordial commun à la faile soutenir par une infrastructure furent longtemps débattus à l'Occident. Entre autres, le moment exact où la ble longévité d~s Internationales 1 institutionnelle lourde. Un système stratégie antifasciste du Front Populaire et III dans la conception initiale plus léger de rencontres et de. fut adoptée par les instances dirigeantes qui a également commandé leur confrontations a-périodiques, le de l'Internationale : c'est ·le 14 ju'n structure : l'une et l'autre se veu- plus souvent bilatérales, et parfois 1934 qu'au nom du Parti bolchevik, D. Manouilsky présenta, à la 1" séance lent des organisations où l'homo- mondiales, suffit à maintenir la de la session préparatoire du 7' congrè! généité due à l'autorité du pou- fidélité au modèle. du Komintern, le rapport sur «Les Le moins qu'on puisse dire, c'est tâches primordiales de la classe ouvrière voir central doit l'emporter sur les dans les pays capitalistes développés). ferments particularistes et centri- que ce processus d'intériorisation Recoupement qui vient authentifier de fuges qui travaillent les sections du modèle, la III" Internationale manière indiscutable le témoignage d'Al. nationales. Bref, leur mort et leur le réyssit magistralement, en tout bert Vas88rt (déposé à la Librairie Hoodisparition seraient le produit de cas en ce qui concerne la section ver) selon lequel Manouilski lui avait la contradiction inéluctable entre' française. C'est le mérite du livre déclaré en mai 1934 que c le P.C. fran. çais devait adopter une nouvelle poliles deux phases de tout mouve- attachant de Dominique Desanti tique sous le signe du mouvement anti· ment révolutionnaire : la phase de noue rappeler le prix qui fut fasciste aux environs du milieu de juin (1934) :. et lui avait révélé au début de A où toutes les forces de subver- payé pour cette réussite. Annie Kriegel juin que Staline avait approuvé ce tour. sion semblent converger dans un nant. Cf Daniel Brower. The ReID ]QI;Oo ·dessein unique, la phase B où le (l) Milos Hajek. Storia deU interrunio- bina•.The French communiat party and desseip. primitif se dissocie et se n:ale comunista (1921.1935). Roma, Edi. the Popular Front. Cornell Univ. Pres.. 1968, p. 9 et 50. ramifie en série de desseins par- tion Riuniti : 1969.

La Quinzaine littéraire, du 16 aù 31 marI 1970

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La lune exempt de remarques aventureuses, par exemple sut « l'homme d'ail· leurs ». Je préfèl'e pourtant ce livre au Voici l'espace (6) par W. von Braun qui, dans la même collection, reprend sans changement des exposés dits de grande vulgarisation : ce n'est, certes, pas dans ee genre d'ouvrage que vous réviserez les grands principes de la mécanique.

Il semble qu'II soit tout de même plus facile d'écrire des livres sur la lune que d'y al· 1er : la production littéraire de ces derniers mois le prouverait. Il serait absurde de s'en plaindre; chacun trouvera à satisfaire ses goûts ou sa curiosité, depuis la plus simple vulgarisation jusqu'à l'ouvrage scientifique en passant par le farfelu ou la réflexion politleo-économlque, l'un n'excluant pas l'autre, on s'en doute. Aucune émission télévisée n'a at· tiré autant de monde que, ce 20 juillet 1969, le premier pas de Neil Armstrong sur la Lune. Excellent prétexte pour offrir à la curiosité du grand public des alhums d'images. P. de Latil, dans la Lunè et les planètes (1), en profite pour donner à ses lecteurs que j'imagine jeunes, une information générale sur l'astronomie. La rédaction qui veut être simple n'évite pas certaines déclarations excessives (dire par exemple que Galilée est le créateur de l'astronomie). L'Atlas de la conqùête de la Lune (2), par Patrick Moore, est à la fois mieux documenté, largement illustré de documents bien choisis relatifs, pour une bonne part, au premier débarquement et commentés de façon plus précise. Seul débordement du sujet annoncé par le titre: la présentation des remarquables clichés de Mars pris par Mariner VI ; c'est préparer le lecteur à l'étape suivante, envisagée par l'astronautique américaine, envoyer deux hommes sur Mars en 1980 ! Après ces deux albums qui s'intéressent plus à l'objet visité qu'au voyage, il y a les livres consacrés à celui-ci : sa préparation sur le plan scientifique; obtenir du gouvernement américain qu'il prenne la décision, c'est-à-dire qu'il donne un budget à la NASA; la fabrication des engins, l'entraînement des hommes, la programmation méticuleuse des opérations de montage, de lancement, de récupération. Le gros livre de H. Pichler, Conquête de la Lune (3), envisage tous ces épisodes depuis l'origine du projet Apol. 10 jusqu'au premier débarquement. Faisant pendant au précédent, le' même éditeur donne l'Exploration soviétique de l'espace (4) par W. Shelton à l'objectivité duquel l'astronaute russe Titov 'rend hommage. On regrette ici qu'il n'y ait pas de photographies mais on sait assez 24

F/g.1. La lune telle que l'a vue et dessinée Galilée en 1610.

que l'Etat soviétique est très discret sur ses installations ou ses projets. Les réalisations ont été pourtant assez impressionnantes pour pour autoriser une plus large et plus libre puhlicité. Mais tout se tient et la science n'est pas libre là où des écrivains sont emprisonnés ou pourchassés. Remarque qui nous amènerait à la question « Pourquoi la Lu-

1. P. de Latil: La Lune et le! planète!, 190 p., 200 photographies en noir et en couleur, Hachette. 2. Patrick Mool'e : Atlas de la conquête de la lune, traduit de l'anglais, 48 p. grand format, P"yot, Lausanne. 3. Herbert Pichler : Conquête de la Lune, traduit de l'américain, avec une préface de Wernher von Braun, 320 p., 56 photographies, Buchet· Chastel. 4. William Shelton : L'Exploration !o' viétique de l'e!pace, traduit de l'américain. avec une préface de Guer· man Titov, 348 p., Buchet-Chastel.

ne? » (5). Sous ce titre, J .•E. Charon donne, dans une collection trop souvent suspecte, un exposé intéressant des raisons qui justifient cette coûteuse expédition lunaire. En passant, je sais gré à l'auteur de citer les passages du Sidereus N uncius dans lesquels Galilée rend compte de ses observations de la Lune. Conformément au. genre de la maison, l'ouvrage n'est pas

9. 10.

11.

12.

5. Jean E, Charon : Pourquoi la Lune ? 256 p., collection Planète. 6. W. von Braun : Voici l'e!pace, 256 p., collection Planète. 7. François de Closets: La Lune est à vendre, essai, 216 p., Denoël. 8. Alain Bosquet: Adieu à la Lune,

13. 14.

avec des dessins de Politzer et Pichon, 232 p., Calmann.Lévy. . Armstrong, Aldrin, Collins: Le dialogue Lune-Terre, présenté par AlJ:iert Ducrocq, 232 p., Calmann.Lévy. Jean·Claude Pecker: L'œtronomie expérimentale, collection (l la Science vivante D, 156 p., Presses Universitai· l'es de France. Jean·Claude Pecker: Le. ob!eTtllltoire! !patiaux, collection (l la Scien. ce vivante li, 180 p., PresseS Universi· taires de France. Pierre Bourge et Jean Lacroux: A l'affut de! étoile!, manuel pratique de l'astronome amateur, 302 p., Du· nod. L'A!tronomie, revue mensuelle de la Société Astronomique de France (28, rue St·Dominique, Paris-7e ). 1.·B. Biot: Etudu !ur l'œtronomie indienne et !ur l'œtronomie chinoUe, 400 p., Albert Blanchard,

Sous le titre accrocheur la Lune est à vendre, François de Closets, bien connu des téléspectateurs, trai· te un sujet précisé par le soustitre : « ... mais les bénéfices sont en orbite terrestre ». Avec compétence mais sans prétention, l'auteur .examine tous les problèmes politiques ou économiques posés par un projet tel qu'Apollo. Comment le pays de la libre entreprise devait-il transformer ses habitudes, modifier ses structures pour mener à bien une telle entreprise ? On a dit qUe la NASA était devenue un Etat dans l'Etat. En tout cas, le défi lancé par Kennedy a été tenu ; ce qui est loin de régler tous les problèmes; ceux du devenir de la NASA. le projet Apollo achevé, sont encore en suspens. Faut·illaisser aux seuls citoyens américains la charge d'en décider? Si l'exploration des pla. nètes ne peut se concevoir qu'au nom de l'humanité toute entière; est-il Possible. de laisser au seul contribuable américain l'honneur d'en assurer l'énorme budget ? Il n'est pas besoin d'une longue réflexion pour mesurer combien les structures nationales de nos pays terriens sont anachroniques eu égard aux problèmes que la science envisage. Des journaux comme EconomÎ&t de Londres ont déjà posé la question et nous aurions tous avantage à nous la poser : il n 'y a que périls à attendre d'un nouveau clivage entre pays développés et sur-développés. Il est déjà bien tard pour faire revivre un vrai esprit de coopération entre tous les peuples ; les difficultés du choix de l'emplacement du grand accélérateur de par· ticules européen justifient toutes les craintes; des égoïsmes d'un autre âge, une difficulté insurmontable à concevoir un avenir ne peuvent s'expliquer que par une profonde ignorance des possibilités de la science. Faut-il ranger dans le genre far· felu annoncé au début le recueil Adieu à la Lune (8) où Alain Bosquet a réuni des poèmes inspirés


et les astronomes par la Lune, des citations d'auteurs de tous les temps et de tous les pays, y compris Cyrano de Bregerac et Fontenelle. Farfelu, ou n'oserait pas le dire si les références pour chaque texte cité étaient données; cela n'aurait rien enlevé au caractère amusant du livre illustré de dessins par Politzer et Pichon. Du farfelu authentique, im voici pourtant, et -de l'involontaire, sous la plume du préfacier à Le dialogue Lune-Terre (9) qui reproduit (on fait livre de tout) les propos échangés entre le véhicule et la NASA tout au long de ce voyage historique : « ...c'est un événement plus important même que l'apparition de l'homme .sur la Terre », déclare ce préfacier enthousiaste, soucieux pourtant de renvoyer le lecteur, pour plus ample information à ses propres ouvrages. Après tout cela, il ne reste plus qu'à se demander s'il existe encore une recherche astronomique. Ou, pour poser mieux la question : l'avènement de l'astronautique a-t-il une répercussion sur l'astronomie proprement dite? « L'intersection des deux ensembles « astronomie » et « recherche spatiale» est encore... de peu d'étendue. Mais cette étendue augmente régulièrement. » Cette phrase de J.-C. Pecker, professeur au Collège de France, situe l'intérêt de son livre L'astronomie expérimentale (10):

La lune telle que l'ont photographiée les astronautes d'Apollo VIII en décembre 1968. à juste titre, contre les hypothèses A partir de la Terre, à travers l'ataventureuses exploitées sans vergo- mosphère, nous ne pouvons tout gne par une certaine presse : ce voir : opacité de cette atmosphère satellite creux de Mars, par exem- pour les petites longueurs d'onde (dans l'ultra-violet), turbulence, difple. fusion. Par ailleurs, le champ maL'astronomie était-elle fondée J.-C. Pecker, qui fut pendant sur la seule observation, l'expéri- plusieurs années secrétaire général gnétique terrestre fait un barrage mentation n'y jouait-elle aucun rô- de l'Union Astronomique Interna- aux particules (la figure, p. 74, le? Pecker montre d'abord que la tionale est bien placé pour juger de montre assez dans quelle situation distinction entre observation et ex- la « contamination » que la recher- étrange nous nous trouvons grâce périmentation est parfois subtile. che spatiale a valu à l'astronomie. à l'action conjuguée du champ maCependant,. il faut reconnaître que Des intérêts (ou des égoïsmes) na- gnétique terrestre et du « vent soles satellites artificiels ont introduit tionaux, le secret (en raison d'im- laire », ce courant de particules une mécanique céleste expérimenta- plications militaires) sont venus dont, il y a seulement vingt ans, on le à laquelle les Laplace ne pou- compromettre l'heureux climat de soupçonnait à peine l'importance). vaient penser. Dans ce domaine, coopération internationale qui réSans abandonner les grands obl'apport de l'astronautique est évi- gnait dans la recherche astronomiservatoires terrestres dont les instrudent. L'exploration directe du mon- que (même si ce n'était pas touments resteront indispensables (ne de extra-terrestre, - l'analyse des jours le paradis de l'entente cordiaserait-ce que pour servir de bancs roches lunaires rapportées par les le). Même du point de vue technid'essai à de plus amples projets spadeux équipages ayant débarqué - , que, la recherche spatiale, dans la tiaux forcément plus coûteux), les fournit des renseignements d'un in- fougue qui tient à sa nouveauté, observatoires spatiaux, lunaires ou déniable' intérêt. Cela conduit Pec- n'est pas encore intégrée dans la circum·terrestres ne manqueront ker à reprendre le vieil et séduisant recherche astronomique générale pas d'ajouter à notre connaissance problème de la pluralité des mondes comme la radio-astronomie en quelde l'Univers des informations que habités où· il présente des projets sé- ques vingt ans a su le faire. Mais nous ne pouvons soupçonner. Ce ne rieux de communication extra-ter- cela viendra. sera encore qu'une étape : se dégarestre (le projet Ozma auquel il a Dans un deuxième ouvrage aus- gera-t-on jamais 'de cette « poussièfallu renoncer et qui consistait à si solide et aussi passionnant que re » qui, non seulement remplit le capter, s'il existait, un rayonnement radio-électrique émis par des êtres le précédent, J .-C. .Pecker étudie soit-disant vide interplanétaire mais ayant comme nous connaissance de pourquoi et comment les Observa- obscurcit encore les espaces interl'importance dans la nature du toires spatiaux (11) ajouteront aux stellaires à l'intérieur de notre Garayonnement de 21 cm de longueur puissants moyens dont nous dispo- laxie et établit· comme de frêles d'onde). Il met en garde, aussi et sons déjà pour explorer l'Univers. ponts de matière entre galaxies La Quinzaine littéraire, du 16 au 31

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« voisines » (un pont que la lumière franchit en 100 000 ans...) ? Après avoir examiné les livres sur le débarquement lunaire, livres forcément axés sur l'événement et par conséquent un peu obnubilés par la prouesse technique ou sportive, j'ai trouvé ou retrouvé dans les deux livres de Pecker de' véritables ouvrages scientifiques. Ecrits, non pour les astronomes professionnels (qui suivent les revues savantes spécialisées), mais pour les nombreux amis de la science qui aiment savoir, par un informateur direct, où en est la recherche. Rares sont les spécialistes qui prennent sur leurs occupations le temps d'écrire de tels livres. L'existence d'une culture est pourtant à ce prix. Je voudrais citer encore deux livres récents qui doivent participer à cette heureuse action culturelle. Celui de P. Bourge et J. Lacroux. A l'affût des étoiles (12) est un manuel pratique de l'astronome amateur écrit par des hommes qui animent des groupements populaires. L'usage de ce livre complété par la lecture suivie de l'Astronomie (13), l'excellente revue men· suelle de la Société Astronomique de France, devrait aider beaucoup de jeunes gens à prendre un contact direct avec l'observation : n'oublions pas que le ciel est à tout le monde! L'autre livre est d'un genre tout différent; c'est la réédition des Etudes sur l'astronomie indienne et sur l'astronomie chinoise (14) par J.-B. Biot. Si, sur la Chine, les ouvrages de Needham (en anglais) ont apporté de plus amples renseignements, la réédition du livre classique de Biot sera néanmoins appréciée. Il ne faut pas croire, en effet, que tout est dit dans l'histoire de l'astronomie. Ne lisait-on pas récemment, dans notre excellent confrère The Times Literary Supplement (23-10-69) que l'Anglais Thomas Harriot avait utilisé la lunette plusieurs mois avant Galilée ? Il semble que ces admirateurs de Hamot aillent un peu loin; mais il n'est pas douteux que leur homme ait dessiné, dès 1610, une carte de la Lune où l'on peut facilement repérer cette « Mer de la Tranquilité » où le 20 juillet 1969 Armstrong et Aldrin sont venus mettre un peu du trouble ou de l'émotion qui agitait les millions d'hommes spectateurs de leur exploit. L'astronomie continue.

Gilbert Walusinski 25


ESPRIT

COLLECTIONS

POUR ARREnR UN G~NOCIDE

L'extermination des Indiens

L'aventure des civili.ations

• LE CAPITALISME AUJOURD'HUI

• L'aventure des civilisations - est le titre d'une collection internationale d'histoire qui sera Inaugurée sous peu chez Fayard. Conçue par une équipe d'universitaires venus du monde entier, elle se propose de mettre en relief. Il travers l'histoire de ces drames collectifs que sont toutes les civilisations, le dynamisme de toute société humaine, son génie créateur. sa capacité de renouvellement.

• SYNDICATS ET PARTIS

• R~VISIONS DU

COMMUNISME L'U.R.S.S. et la science Le socialisme de Richta Le tournant de Garaudy La foi de Diilas

• MARS 1970 : 8 F

El\1l' tRIT

e

19, rue Jacob, Paris 6 c.c.P. Paris 1154-51

Elle entend ainsi ajouter à l'intérêt scientifique des ouvrages qui. de l'Egypte ancienne ou de la Chine jusqu'aux sociétés Industrielles néotechniques des pays en pointe, s'articuleront en un vaste tableau d'ensemble, un coefficient pratique susceptible de leur gagner la faveur de tous ceux qui recherchent auourd'hul des exemples d'adaptation et de créativité ou qui s'Interrogent sur les voles de celle-cI. • L'aventure des civilisations - sera divisée en trois grandes s~éries qui comprendront chacune une dizaine de volumes abondamment Illustrés : • Antiquité -, • Moyen Age et Temps modernes -. • l'Epoque contemporaine -. Parmi les premIers titres à paraître : l'Univers du Moyen Age, par FrIedrich Heer, professeur d'histoire

des idées Il l'université de Vienne, qui nous offre Ici une vivante peinture des conditions sociales et Intellectuelles, ainsi que des forces en évolution, prédominantes en cette pérlode; l'Expérience grecque, par Cecil Maurice Bowra, historien et poète, professeur Il l'Université d'Oxford, el dont l'ouvrage a été salué comme unI" œuvre d'art par la presse britannique; l'Epopée des Phéniciens, par Sabatlno Moscatl, étude exhaustive sur une civilisatIon des plus énigmatiques due è un des plus grands spécialistes mondiaux en la matière, professeur de philologIe sémitique Il l'Université de Rome; l'Ere des révolutions (17891848), par Eric J. Hobsbawm, auteur, notamment, d'un ouvrage paru che7. Fayard et intitulé les Primitifs de la révolte dans l'Europe moderne (voir le n" 3 de la Quinzaine). Chez le même éditeur (associé avec Denoël pour la circonstance), dans la collectIon • Le trésor spirituel de "humanité -, René Labat, André Ca· quot, Maurice Sznycer et Maurice Vleyra publient, sous le titre les Reli· glons du Proche-Orient asiatique, un ouvrage où se trouvent rassemblés, traduits et expliqués tout un ensemble de textes religieux de cette région dont certains n'ont été exhumés que depuis quelques années, et qui éclairent le milieu spirituel dans lequel la Bible hébraïque a pris naissance et s'est développée. Ces documents, replacés ainsi dans leurs contextes

historique et doctrinal et dont la plupart n'avalent jamais été traduits en français jusqu'Ici, témoignent en outre d'une pensée originale par rapport au judaïsme et nous permettent de re· trouver, Il travers les rites, les mythes et les légendes des civilisations anciennes de Mésopotamie, de Canaan et des Hittites, nos propres sources lointaines. L'ouvrage, en tout état de cause, Illustre bien le but et les critères de la collection qui sont de réunir les traditions et textes fondamen· taux des grandes religions ou mouvements spirituels du monde en des ouvrages d'une haute l'Igueur scienti· flque et d'une grande tenue littéraire. Rappelons que la collection - Le trésor spirituel de l'humanité - comprendra au total une quinzaine de volumes qui vont de l'hindouisme aux religions traditionnelles de l'Afrique noire, de "Amérique précolombienne et de l'Océanie, en passant par le bouddhisme, l'Islam, les religions de la Chine et du Japon, les religions

La librairie du Drugstore des Champs Elysées a le plaisir de vous inviter à rencontrer ALBERT MEMMI qui signera l'ensemble de ses livres à l'occasion de la parution de son roman cc LE SCORPION », le mercredi 18 mars de 18 à 20 heures.

propres appartenait à la logique W : bientôt l'identité des Athlètes se confondit avec l'énoncé de leurs performances. A partir de cette idée-clé : un Athlète n'est que ce que sont ses victoires, s'est édifié un système onomastique aussi subtil que rigoureux.

par Georges Perec

Dès la fondation de W, il fut décidé que le nom des premier~ vainqueurs serait pieusement conservé dans la mémoire des hommes et qu'ils seraient donnés à tous ceux qui leur succèderaient au palmarès. L'usage s'imposa dès les secondes Olymplades: le vainqueur du 100 m reçut le titre de Jones, celui du 200 le titre de Mac Millan ; ceux du 400, du 800, du marathon, du 110 m haies, du saut en longueur, du saut en hauteur, etc., furent respectivement appelés Gustafson, Müller, Schollaert. Kekkonen, Hauptmann, Andrews, etc. La coutume se généralisa bientôt, non seulement à toutes les compétitions, mais aussi aux seconds et troisièmes qui, d'abord glorifiés par l'adjonction à leurs noms des qualificatifs honorifiques • d'argent .. et • de bronze ", se virent à leur tour décerner pour titre le nom du plus ancien de ceux qui avaient occupé leur place. Il était évident que ces titres, arbor~s comme des médailles, symboles de victoire, n'allaient pas tarder à devenir plus impor· tants que le nom des Athlètes. Pourquoi dire d'un vainqueur : il s'appelle Martin, il est champion olympique du 1.500 m, ou Il s'appelle Lewis, il est second au triple saut dans le match local W-ouest W, alors qu'il suffit, et qu'il est plus glorieux de dire: il est le Schreiber, ou il est Van den Bergh. L'abandon des noms

Les novices n'ont pas de nom. On les appelle simplement Novices. On les reconnaît à ce qu'ils n'ont pas de W sur le dos de leurs survêtements, mais un large triangle d'étoffe blanche. Les Athlètes en exercice n'ont pas de nom, mais, tout au plus, des sobriquets qui, à l'origine, faisaient allusion à des particularités physiques (le Fluet, Bec-de-Lièvre, le Rouquin), morales (le Rusé, le Lourdaud, le Bouillant, le Trouillard), ethniques ou régionales (le Frison, le Sudète, l'Insulaire) ou même s'inspiraient, sinon de l'anthroponymie indienne, du moins de son Imitation scoute (Cœur de Lion, Bison Ravi, Jaguar Véloce, etc.). Mals l'Administration n'a jamais vu d'un bon œil l'existence de ces sobriquets qui, extrêmement populaires chez les Athlètes, risquaient de dévaloriser l'usage des noms-titres. Non seulement elle ne les accepta jamais officiellement (pour eUe un Athlète, en dehors des noms que peuvent lui valoir ses victoires, n'est que l'initiale de son village assorti d'un numéro d'ordre), mais elle 8 même réussi, d'une part à en limiter l'usage à l'intérieur des villages, évitant par là qu'ils se popula'risent auprès du public des stades, d'autre part à interdire leur renouvellement. Les sobriquets sont désormais héréditaires : l'Athlète qui quitte son équipe laisse au novice qui le remplace son nom officiel (son numéro d'ordre dans le vil liage) et son surnom. On a pu l'Ire, quelque temps, de voir un géant baptisé. le Nabot .. ou un obèse répondant au nom de Maigrichon. Mais, dès la 3- génération, les sobriquets avaient perdu tous leurs pouvoirs évocateurs; Ils n'étaient plus que des repères atones, à peine plus humains que les matricules officiels. Désormais, seuls comptaient les noms donnés par les victoires.


anciennes du Proche et du Moyen· Orient, les religions des Celtes, des Germains, des Scandinaves, des Eu· rasiens. Premier titre paru : les Rell· glons d'Afrique noire, documents choi· sis et présentés par Louis Vincent· Thomas, Bertrand Luneau et Jean Doneux.

Le Livre de Poohe Le Livre de Poche ressuscite le roman • populaire • dont les deux maîtres incontestés furent Alexandre Dumas et Michel Zévaco. Repris par Arthème Fayard en 1917 dans sa col· lection du • Livre populaire ., réédités vingt ans plus tard et épuisés depuis plusieurs années, la célèbre série de feuilletons de Michel Zévaco est auJourd'hui relancée par le Livre de Poche qui· publiera en mars : les Par· daitlan, l'Epopée d'amour, la Fausta, les Amours de Chlco, puis, en juin : le Fils de Pardaman, le Trésor de Fausta, la Fin de Pardaman, la Fin de Fausta.

Initiation

à la linguistique Sous la direction de Pierre Guiraud et d'Alain Rey, la collection • Initia-

tlon à la linguistique ., chez Klinck· sleck, se présente comme un instrument de travail synthétique et pédagogique destiné . aux étudiants, aux enseignants ainsi qu'à tous ceux qui s'intéressent aux développements récents de cette science. Elle sera com· posée de deux séries : la série A ou • Lectures • comprendra des ouvrages consacrés à une discipline ou à un problème majeur de la linguistique et présentant chacun un ensemble de textes particulièrement éclairants. commentés et confrontés de façon à mettre en relief les postulats, les méthodes, les résultats et les prolon· gements de telle ou telle recherche en la matière; la série B ou • Problèmes et méthodes • proposera des volumes complémentaires qui, sous forme d'essais systématiques ou de manuels, présenteront sous un jour actuel les doctrines et les' méthodes que l'étudiant doit maîtriser. Premiers titres : la Stylistique, par Pierre Guiraud et Paul Kuentz, la Lexicologie, par Alain Rey, dans la série • Lectures .; Essais de stylistique, par Pierre Guiraud, dans la série • Problèmes et méthodes •.

Carrefour des jeunes Deux nouvelles collections chez Beauchesne : • Carrefour des jeu· nes ., qui veut être le lieu d'une con-

Le mode de classement des athlètes et l'organisation des compétitions font qu'il y a moins de noms que d'athlètes et que, c'est là une particularité remarquable du système de noms W, un athlète peut porter plusieurs noms, ou encore, peut en changer. Des championnats de classement sortent 264 vainqueurs, c'està-dire 264 noms, 66 par village, correspondant aux trois premiers dans chacune des 22 disciplines pratiquées. Les quatre championnats locaux en fournissent 4 fois 66 autres; les deux épreuves de sélection en redonnent 2 fois 66. Les Olympiades et les Spartakiades ont chacunes 66 vainqueurs, soit à nouveau 132 noms. Les Atlantides, enfin, qui consistent en une course tout à fait particulière, ont un nombre indéterminé de vainqueurs (généralement de 50 à 80) qui ont tous droit au même nom, celui de Casanova. Il ya donc, au total, dans tout W, 793 noms. Mais les championnats locaux, les épreuves de sélection, les Olympiades et les Atlantiades étant courues par les 264 vainqueurs des championnats de classement, il s'ensuit que ces 264 athlètes classés se disputent 463 des 529 titres restants, alors que les 1.056 athlètes non classés n'ont à se partager que les S6 titres mis en jeu aux Spartakiades. Sur les 1.320 athlètes en exercice, 330 en tout auront droit à une identité officielle, 66 grâce aux Spartakiades, 264 grâce aux championnats de classement et aux autres compétitions. Les vainqueurs des Spartakiades, étant par définition des non classés, ne pourront avoir d'autre nom que celui qu'ils auront conquis dans ces courses; les autres, au contraire, pourront cumuler jusqu'à 6 titres. Ainsi, un coureur de 400 du village Nord W peut être Westerman (1 er au championnat de classement Nord W). Pfister (2" au championnat local Nord W - Nord-Ouest W), Cummings (2" au championnat local Nord W· W), Grunelius (1",r aux épreuves de sélection Nord WOuest W) ; il peut, en outre, se classer 1",r aux Olympiades et recevoir le titre prestigieux du Gustafson (pour les vainqueurs des Olympiades, comme pour les grandes cantatrices, on fait précéder le nom de "article défini, et l'on dit « le Gustafson »). Il peut, La Quinzaine littéraire, du 16 au 31 mar, 1970

frontation ouverte où les jeunes pour· ront exposer les raisons de leurs engagements en un dialogue contradictoire; • Recherches d'histoire reli· gieuse ., réalisée avec le concours du C.N.R.S. et qui s'appuiera sur de nom· breux documents pour la plupart inédits. Premiers titres à paraître dans la collection • Carrefour des jeunes. : Problèmes des jeunes, par Yves Gentil-Bai chis qui analyse les résultats de la première enquête effectuée par des jeunes sur les jeunes depuis le mols de mai 1968; la Révolution 1, dialogue entre un maoïste et un maurassien; Dieu, débat entre un athée et un croyant; la Politique au lycée, discussion entre un responsable de l'U.N.I. et un délégué des CAL. (cha· cun de ces volumes, et c'est là une constante de la collection, comporte un compte rendu du dialogue, un essai de synthèse présenté par Guy Baret, animateur de la collection et quelques thèmes de réflexion sur le problème traité. Premiers titres à paraître dans la collection • Recherches d'histoire religieuse. : Albert de Mun (1872· 1890), par Charles Molette ou l'exi· gence doctrinale et les préoccupations sociales d'un laïc catholique; Reli· glons sans frontières 1, par Paul TOInet, étude compàrée sur le Judaïsme, l'islamisme, l'orthodoxie, la Réforme, l'anglicanisme, le Vieux Catholicisme, l'Eglise des Mormons; Paix dans la tempête,' document sur la crise actuelle des catholiques.

enfin, être un des 50 ou 80 vainqueurs des Atlantiades, ce qui lui donne le titre de Casanova. Ce sont ces 6 noms qui seront inscrits sur son palmarès. qui constitueront son identité officielle, et que, respectant une hiérarchie traditionnelle, il prononcera ainsi quand il aura à se présenter devant les officiels : Le Gustafson de Grunelius, de pfister, de Cummings, de Westerman-Casanova. Il va de soi, évidemment, que ces dénominations, pour officielles qu'elles soient, sont de durée variable. Le titre de champion olympique est l'un des plus solides, puisqu'il n'y a qu'une Olympiade par an ; le titre de Casanova est mis en jeu tous les mois, à chaque Atlantiade; les titres issus des victoires remportées dans les épreuves de sélection, les championllats locaux et les épreuves de classement doivent être défendus presque chaque semaine. Le titre de champion olympique, le plus stable, et. partant, le plus disputé, représente un sommet dans la carrière d'un athlète. L'usage s'est assez vite établi d'en conserver le privilège à celui qui l'avait une fois conquis. même s'il ne parvenait plus à renouveler son exploit. De même que l'on appelle à vie « Monsieur le Président» celui qui a été, ne fut·ce qu'une semaine, Président du Conseil, de même appelle-t-on à vie « le Kekkonen » celui qui a une fois remporté le 110 haies aux Olympiades. Néanmoins, pour ne pas confondre ce Kekkonen d'honneur avec le Kekkonen en exercice, on transforme légèrement le titre, généralement en redoublant la première syllabe. On dit ainsi le Kekkonen, le Jojones, le Mamacmillan, le Schochollaert, l'Andrandrews, pour signaler les anciens vainqueurs olympiques du 110 m haies, du" 100 m, du 200 m, etc. (A suivre)


THEATRE

Strindberg 1

Strindberg La danse de mort T.N.P. Jacques Kraemer Splendeur et misère de Minette la bonne Lorraine Théâtre de Gennevilliers

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Quand on a vu, d'un soir au lendemain soir, la Danse de mort et Splendeur et misère de Minette, la bonne Lorraine, spectacles présentés tous les deux dans des salles • à vocation populaire -, le Palais de Chaillot et la Salle des Fêtes de Gennevilliers, on est conduit nécessairement à quelques réflexions. D'un côté, un phénomène très considérable de notre culture théâtrale, puisque la pièce de Strindberg c'est écrit partout et ce n'est pas inexact - peut passer pour l'Eve, en quelque sorte, de tout un théâtre contemporain. De l'autre Un spectacle d' • agitprop - quasiment, une pièce conçue, pour s'adresser aux travailleurs des usines et des mines de Lorraine, puisqu'elle a pour sujet la crise du minerai de fer lorrain et la mise en cause des patrons de la sidérurgie française. Le cul entre deux chaises, coincé entre un théâtre de culture et un théâtre d'intervention et mal content des deux, comme étranger à "un et à l'autre, le critique théâtral qui entend rester engagé dans la réalité contemporaine éprouve là devant, plus vivement que jamais, le sentiment d'être, comme dit Sartre, un • bâtard -.

Un olassique du théâtre et un speotaole d'agit-prop. Deux exemples à méditer.

Soit : cette Danse de mort, qui ouvre le siècle (1900), tiendra une place capitale dans l'histoire du théâtre. Freud et Nietzsche sont là et toute une postérité se bouscule à la porte: Kafka, Beckett et Ionesco, et l'enfer sartien, et Pinter et Albee, la psychologie des 28

Maria Casarès

profondeurs, le théâtre de la cruauté et tout le bataclan. Reste que cet étripage conjugal, même porté à la dimension mythique, relève encore du théâtre de chambre, qui ne saurait plus nous combler; sans compter que ce naturalisme paroxystique n'épargne pas le mélo ni la grandiloquence, porte le cachet d'une époque, et que dans l'œuvre même de Strindberg on peut préférer à cette pièce des pièces aussi méchantes mais moins closes sur elles-mêmes, comme les Créanciers ou Mademoiselle Julie. Il est vrai que le mécanisme de la torture paranoïaque fonctionne ici de manière assez exemplaire. Dans le huis-clos de cette forteresse posée sur une île aux confins du monde, la haine et l'exercice de la torture, pour ce capitaine raté et demi-fou, aigri dans l'artillerie de forteresse et pour l'ancienne théâtreuse son épouse, sont devenues la matière même de leur vie, et la vérité de leur communication. Ces deux êtres, ~nfermés dans leur île et leur haine, - tout ayant fui, domestiques et enfants s'acharnent avec une cruauté d'insectes sur le cadavre de leur amour aussi encombrant que le cadavre d'Amédée chez Ionesco; une haine tour à tour feutrée et hystéHque, lutte à mort entre deux êtres dont chacun veut se nourrir de l'autre en le vidant de sa substance, vampires comme Strindberg les aime et les a peut-être vus quand il a côtoyé la folie. Entre cet homme de caste, absolutiste et solitaire, ce raté nietzschéen enfermé dans le mensonge et l'alcool et fasciné par un néant dont pourtant il a peur, entre le

héros de Stroheim, et cette comédienne ratée, inassouvie et enragée, à la fois bourreau et victime, le jeu vertigineux de la haine les unit d'un tel lien que les deux partenaires, usés par leur propre férocité et l'approche de la mort, découvrent à la fin, dans leur complicité d'âmes de proie, une sorte d'étrange tendresse qui referme sur eux le monde. Nous qui n'avons pas l'admiration historique, ce duel quasiclinique, pour exemplaire qu'il soit, nous laisse assez étranger. D'autant que la mise en scène de Claude Régy, intelligente et forte certes, au lieu de jeter l'un contre l'autre avec une espèce de violence animale les deux monstres sacrés dont elle use, Cuny et Casarès, a choisi, sur un rythme ralenti comme la durée des rêves, de les analyser et décomposer séparément jusqu'à ne plus laisser d'eux que des spectres séparés par une distance qui nous sépare d'eux davantage encore. Il est hors de doute que nous attendons aujourd'hui du théâtre autre chose que l'analyse spectrale de nos affrontements individuels, à quelque hauteur métaphysique qu'ils se haussent, et que, dans le tumulte de l'Histoire qui est la nôtre, Genet et Brecht, par exemple, nous comblent davantage que les landes brûlées de Beckett. Encore nous parlent-ils par le truchement d'une culture dont nous restons, même malgré nous, tributaires. Le spectacle du Théâtre populaire de Lorraine parle évidemment un autre langage, moins séduisant pour nous autres, la gent-quj-va-au-théâtre, mais directement intelligible

par ceux-là qui n'y vont pas, et qui découvrent que le théâtre peut leur parler. Minette est une jeune fille que des truands mettent au turbin, et c'est aussi le minerai lorrain, pauvre comme chacun sait, que les patrons de la sidérurgie, le trouvant peu rentable, commencent à délaisser pour les minerais plus riches du Gabon et de Mauritanie, au risque de tuer l'industrie lorraine au profit des complexes industriels que Usinor et WendelSidélor installent à Dunkerque et près de Marseille : si bien que. le Texas français - qu'on célébrait vers 1950, voit ses usines fermer, le chômage s'instal1er; la grève de Mai 68 a été un coup d'arrêt donné aux fraudes et petites manœuvres des maîtres de forge; la pièce vise à poursuivre cette action. Certes, Kraemer, l'auteur-metteur en scène n'est pas Brecht, et Minette n'est pas Arturo Ui ni l'Opéra de Quat'Sous, à quoi elle se réfère expressément; on peut trouver le symbolisme un peu simpliste et insistant, trouver que le jeu c1oV\lnesque des acteurs n'est pas toujours sans maladresse. Mais que valent nos critères en face d'un travail de théâtre qui se veut, et qui est, un moyen d'intervention, intelligent et efficace? Ce qui compte, c'est que l'équipe du T.P.L., dans un langage théâtral simple, direct, et moderne, et à mille lieues de tout patronage ouvriériste, parle à des ouvriers puisque 80 % de leur public lorrain sont des travailleurs - des problèmes qui sont les leurs : mécanisme de l'exploitation, gangstérisme patronal, retards dans la modernisation de la sidérurgie, avantages de la nationalisation des mines, dénonciation de la dynastie Wendel, etc. Voilà l'exemple d'un théâtre non médiocre né du combat même de la classe ouvrière et susceptible d'entretenir ce combat. Voilà l'exemple d'un théâtre qui, analysant des faits sur le mode comique, est de nature à montrer à ceux qu'on exploite que cette exploitation n'est pas fatale, et qu'un monde peut être changé, dont on voudrait nous faire croire qu'il participe de la nature des choses. Gilles Sandier


Livres publiés du 20 février au 5 mars ROMANS .,RANÇAIS

Mercure de France, 184 p., 15 F Un conte philosophique dont le héros est une sorte de • Candide • moderne.

A. Michel, 192 p., 15 F Par le Prix Nobel de Littérature 1968.

Voir les nO' 65 et 86 de la Quinzaine.

Heinz G. Konsallk Manœuvres d'automne Trad. de l'allemand par Max Roth A. Michel, 336 p., 15,90 F Les aventures cocasses et émouvantes d'un officier allemand, depuis l'Allemagne Impériale jusqu'à la chute du troisième Reich.

La vie de mon père

Restif de la Bretonne

La poUle et la musique en Inde Gallimard, 216 p., 18 F Un recueil des essais et études que Daumal consacra à la littérature hindoue, complétés de traductions Inédites de textes sacrés et profanes.

• Mathieu Bénézet Texte établi, avec Biographies introduction, Gallimard, 204 p., 14,75 F chronologie, Un roman à plusieurs bibliographie, notices, niveaux où la vie ROMANS relevés de variantes, quotidienne, l'histoire, ETRANGERS notes et glossaires la recherche d'une par Gilbert Rougler Etlemble Identité et la création 18 reproductions Jeannine Etlemble • José Maria Arguedas littéraire tissent de Garnier, 400 p., 19,90 F L'art d'écrire poétiques entrelacs. Tous sangs mêlés Seghers, 640 p., 36 F • Sand George Henri Bosco Trad. de l'espagnol Un ensemble de textes Œuvres Un rameau dans par J.-F. Reille . de tous les temps et autobiographiques la nuit Gallimard, de tous les pays sur Lisa Morpurgo Tome 1 le métier d'écrivain. Gallimard, 416 p., 496 p., 34 F Madame aller et retour Histoire de ma vie 28,75 F A,utour de personnages Trad. de l'Italien Texte établi, présenté Kléber Haedens dune_démesure Réédition d'un roman par C. de Lignac et et annoté par G. Lubin Une histoire de la paru chez Flammarion ~ostolevsklenne, H. de Marlassy Bibliothèque de littérature française en 1950 1épopée d~ Pérou Grasset, 208 p., 18 F contemporain. La Pléiade Grasset, 418 p.. 35 F Henri Bosco Un premier roman qui Gallimard, 1536 p., 58 F Réédition d'un ouvrage Sylvlus • Karen Blixen a pour cadre un paru sous l'occupation, Contes d'hiver Léon Trotsky Gallimard château des Pyrénées augmentée de deux Trad. de l'anglais Karl Marx 104 p., 9,50 F et pour héros les chapitres sur quelques par Marthe Metzger Buchet-Chastel, Réédition d'un roman membres d'une étrange écrIvains de Gallimard, 320 p., 22 F 283 p., 9,75 F paru en 1949 famille. l'après-guerre et du Un recueil de contes roman actuel. François Boyer La révolte des M. W. Waring écrits en anglais Le petit bougnat • canuts " étape les témoins pendant \'ocupation • Josué Montello 30 dessins de essentielle dans allemande par la Trad. de l'anglais Un maître oublié Serge Boyer l'histoire de la France par C.-M. Huet grande conteuse de Stendhal Denoël, 224 p., 15 F et même dans l'hIstoire A. Michel, 484 p., 30 F danoise. Seghers, 152 p., 19,50 F L'aventure poétique universelle. Une fresque historique Par un beyllste fervent, et joyeuse d'un garçon Frank Conroy sur la dernière guerre. une étude sur un de dix ans en rupture Un cri dans le désert écrivain oublié qui de ban (le film tiré Trad. de l'anglais BIOGRAPHIES peut être considéré du roman sort ces par Suzanne Métillard MEMOIRES comme l'un des jours-cl) . Gallimard, précurseurs du roman 352 p., 25,50 F • Marcel Brion stendhalien : • Victor Chlovskl L'ombre d'un arbre Une poétique évocation .Pablo Neruda Léon Toistoi mort Saint-Réai (1639-1692). du chemin qui conduit Mémorial de l'Ile Noire Tome Il : 1810-1910 A. Michel, 352 p., 24 F Jacques Petit Trad. de l'espagnol de l'enfance à la Trad. du russe par Un roman fantastique Julien Green, maturité. par Claude Couffon Andrée Robet où les thèmes oniriques l'homme qui venait Gallimard, 344 p., 24 F 424 p., 28 F Gallimard, Axel Jensen et ceux de la vie d'ailleurs l'autobiographie Par le • père du Epp quotidienne se mêlent Desclée de Brouwer, poétique du grand formalisme russe -, Trad. du norvégien constamment 350 p., 29 F poète chilien. la deuxième part!e d'une par Carl-Ove Bergman L'univers obseSSionnel grande biographie • Yves Buln et Marc de Gouvenaln de Julien Green. La nuit verticale de Tolstoï. la seule Gallimard, 144 p., 12 F REEDITIONS Grasset, 176 p., 18 F écrite par un .C. Pichols Une parabole puissante Voir les nO' 10 et 51 Soviétique. R. Kopp et simple, dont le de la Quinzaine Chefs-d'œuvre de la héros, • retraité de Les années BaudelaIre F. Mallet.Jorls tradégle grecque Ed. de la Baconnière, l'automation " est une • Jean Giono La maison de papier Prométh6e enchaïnée, L'Iris de Suse sorte de Bouvard des 208 po, 22,80 F Grasset, 276 p., 21 F d'Eschyle, Oedipe Roi, Gallimard, le premier volume temps futurs. Une chronique sur le vif de Sophocle, Alceste, 248 p., 19,25 F d'une nouvelle de cette comédie aux elsmaïl Kadaré d'Euripide Un récit romantique, collection qui se cent actes divers Le général de Traduction d'André dans un langage plein propose d'offrir aux qu'est la vie l'armée morte Bonnard de charme et de saveur, baudelalrlens un lieu de quotidienne d'une Trad. de l'albanais Traduction rencontre. par l'auteur famille. R. Escarpit Préface de d'André Bonnard d' • Ennemonde et Enid Starkie A. Michel, 288 p., Rencontre, autres caractères • Flaubert 16,50 F 296 p., 17,60 F (voir le n° 48 de la Jeunesse et maturlt6 Un roman de guerre Trois tragédies CRITIQUE • Quinzaine). Trad. de l'anglais d'une grande Intensité grecques dans la HISTOIRE François Lejeune par E, Gaspar dramatique et d'un version réputée d'un LITT*RAIRE Plog Mercure de' France, humour savoureux. grand helléniste. Mercure de France, 456 p., 29 F 144 p., 12 F R.-M. Albérès • Valentin Katalev T.-S. Eliot Une étude biographique Un roman d'une Le roman d'aujourd'hui Le puits sacré Les hommes creux et critique, facture très nouvelle 1960-1970 Gallimard, 172 p., 16 F Edition bilingue A. Michel. 280 p., Le monde contemporain Traduction de Jean-François Steiner 19,50 F à travers la vision Pierre Leyrls SOCIOLOGIE Les méttques A travers une centaine très personnelle et Ed. P. Castella, Suisse, P8 YCHOLOGIE Fayard, 192 p., 16 F de • flashes • pleine de verve d'un 15 F Un conte symbolique Instantanés, le film romancier de et érotique, par Frank Caprio Ernst Jünger d'actualité du roman soixante-dIx ans. l'auteur de • Treblinka • 101 tabous sexuels Jeux africains contemporain. (voir le n° 3 de la eYasunarl Kawabata Préface d'Ho Amoroso Préface de Ed. de la Pensée Quinzaine) . Les belles endormies René Daumal M. Jouhandeau Moderne, 116 p., 9,60 F Bharata Gallimard, Jacques Zibi Trad. du Japonais Un médecin répond aux L'origine du théitre 248 p., 15,50 F Le clnqul6me singe par René Sieffert

La Quinzaine littéraire, du 16 au 31 marI 1970

questions posées dans le silancfJ de son cabinet. François Gauquelln Savoir communiquer Préface de F. Rlchaudeau Denoël, 256 p., 28,50 F Comment utiliser efficacement les Instrument de base de la communication. W.-H. Grler P.-M. Cobbs La rage des noirs américains Payot, 212 p., 18,80 F Par deux p~ychiatres noirs, une analyse des mécanismes profonds qui expliquent aujourd'hui la révolte des Noirs aux Etats-Unis. Claude Kohler Les états dépresifs chez l'enfant Dessart, 128 p., 23,25 F Une étude basée sur 17 observations recueillies dans les services hospitaliers lyonnais. G. lanterl-Laura Histoire de la phrénologie P.U.F., 264 p., 30 F L'œuvre anatomique et physiologique de F..J. Gall. G. Lutte, D. Plveteau, J. Carrel et S. Sartl Jeunesse européenne d'aujourd'huI Ed. OuvrIères, 248 p., 18 F Une vaste enquête auprès de 32 000 garçons et filles, appartenant à 7 nations. sur leur idéal et leur modèle dE> vie Michèle Perron-Borelll L'examen psychologique de l'enfant P.U.F., 240 p., 14 F Une réflexion critique sur les techniques et les pratiques usuelles des examens psychologiques. N. Rausch de Traubenberg La pratique du Rorschach P.U.F., 208 p.• 12 F la valeur Interprétative des facteurs quantitatifs et qualitatifs du test de Rorschach et de leur déroulement. Pierre Vachet Remltde à la vie moderne Grasset. 224 P" 18 r Un médecin explique aux hommes d'aujourd'hui comment

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Livres publiés du 20 février &u li mars 1970 ils peuvent se protéger contre les agressions de la vie moderne.

Payot, 256 p., 30,10 F Une introduction aux principales théories et découvertes de la linguistique moderne.

• Louis Wolfson Le schlzo et les langues GU la phonétique chez .Alain Rey le psychotique Littré (esquisses d'un étudiant L'humanlsme et de langues. les mots schizophrénique) Gallimard, 352 p.. Préface de 22,25 F Gilles Deleuze Un commentaire Gallimard, 280 p., du célèbre dictionnaire, 28,50 F par un lexicographe Une froide analyse (Alain Rey dirige clinique la rédaction du Un témoignage dictionnaire Robert). particulièrement original en ce qu'II se présente non comme l'exposé d'un délire, ESSAIS mais comme une froloe --------description clinique. Joseph Basile Le. atouts PHILOSOPHIE de l'Europe Préface de L. Armand Fayard, 224 p., 18 F Daniel Babut Pour un équilibre Plutarque et le des capacités stoiclsme techniques, sociales Publication de et spirituelles "Université de Lyon de l'Europe. P.U.F., 612 p., 60 F

le célèbre biologiste, répondant à ses correspondants, expose ses Idées sur l'homme, le monde et la science.

HISTOIRE Philippe Bourdrel La Cagoule Trente ans de complots 26 documents h.-t. A. Michel, 288 p., 25 F • L'histoire de ce mouvement Inspiré . du fascisme Italien et dont nous trouvons les prolongements dans un passé récent.

Les rapports entfe les Institutions et les structures de la société sous l'Ancien Régime. Daria Olivier Catherine la grande 32 III. hors-texte Rencontre, 408 p., 17,60 F Un portrait approfondi de celle qui fut, pendant trente-quatre ans, tsarine de toutes les Russles. Leo Oppenheim La Mésopotamie Trad. de l'anglais par P. Martory Gallimard, 456 p., 38 F Le portrait d'une civilisation qui s'est épanouie entre le Tigre et l'Euphrate, des débuts du second mllllnéraire au milieu du premier millénaire avant Jésus-Christ.

au développement dialectique et à du matérialisme la théorie marxiste de là révolution et de l'Etat socialistes. Rizkallah Hllan Culture et développement en Syrie et dus le. peys retardés Anthropos, 388 p., 37 F Une étude théorique étayée sur une documentation considérable. Philippe Larère Une nouvelle c..... moyenne Editions Ouvrières, 128 p., 9,50 F L'avènement des technicien••

Madeleine Foisil • Marx La r6volte de. nu-pIeds Engels et les r6volte. Lénine normande. de 1639 Sur lu socl6tés P.U.F., 368 p., 40 F précapltallstu Publications de • Henri Pirenne Ed. Sociales, 416 p., la Faculté M3homet et 26 F des Lettres et Sciences Charlemagne Un recueil de textes humaines 3 cartes choisis, publiés sous de Paris-Sorbonne. P.U.F., 236 p., 20 F l'égide du Centre • Auguste Cornu • Gaston Bachelard L'évolution de l'Europe d'Etude et Guy Fourquln Karl Marx Le droit de rêver septentrionale vers de Recherches seigneurie et f60dallté et Friedrich P.U.F., 256 p., 15 F la féodalité sous Marxistes. au Moyen Age Engels. Leur vie et Un recueil de tp.xtes l'action des invasions P.U.F., 248 p., 12 F leur œuvre • Tome IV: écrits entre 1942 et islamiques. Jean Poncet L'Interaction de 1845-1846 1962 et où Bachelard Le sous-développement la seigneurie et de P.U.F., 320 p., 30 F célèbre les valeurs • Fernand Rude vaincu? Italie • la féodalité et La formation L'Insurrection lyonnaise oniriques à travers Tunisie • Roumanie leurs divergences à du matérialisme de novembre 1831 l'art et la littérature . Ed. Sociales, 18,25 F partir du XIV' siècle. historique. Le mouvement Le sous-développement • François Châtelet ouvrier à Lyon considéré comme A.G. Galanopoulos Robert Escarplt La philosophie des de 1827 à 1832 l'inévitable E. Bacon La révolution du livre professeurs 8 hors-texte contrepartie du L'Atlantide 3 diagrammes Grasset, 280 p., 18 F 796 p., Anthropos, capitalisme (La vérité derrière et 11 tableaux Voir le n° 90 de la 51,50 F monopolistique la légende) P.U.F., 168 p., 15 F Ouinzalne. d'Etat. Trad. de l'anglais par Réédition, revue Jacques Saint-Germain Tanette Prigent et mise à jour, Gilles Deleuze Louis XIV secm René Roy 27 photographies d'une étude sur Spinoza Hachette, 286 p., 30 F Eléments en coul. les mécanismes P.U.F., 128 p., 1 F La vie quotidienne d'économétrie 97 photographies économiques, Une présentation des du Roi Soleil. P.U.F., 352 p., 20 F et documents en noir, techniques et thèses contestataires Une Introduction 16 cartes et plans intellectuels de de Spinoza, par l'auteur • Joël Schmidt à cette science qui in-texte Le christ des l'édition. de «Spinoza et le met en jeu les A. Michel, 220 p., 59 F profondeurs problème de comportements Maurice Lamy Une étude fondée sur Coll. «R. l'expression. (Ed. de particuliers des sujets Tempéraments les recherches A. Balland, 188 p., 15 F Minuit, voir le n° 68). et le résultat et prédispositions géologiques et Une étude historique des décisions aux maladies . archéologiques sur la naissance du • Edmund Husserl individuelles. Hachette, 160 p.. les plus récentes. Expérience et jugement christianisme et 17,40 F Recherches en vue l'épopée de ses François Sellier Paul Minot Un bilan des d'une généalogie de fondateurs. Dynamique des La princesse Palatine découvertes de la logique besoins sociaux et sa sœur la génétique et de Trad. de l'allemand par Editions Ouvrières, Hachette, 192 p., la biologie en D. Souche 256 p., 22 F 16,50 F ce domaine. P.U.F., 500 p.. 30 F. POLITIQUE L'enquête d'un La vie de ECONOMIE économiste, en Les cerveaux cette princesse YI King Europe et aux non humains allemande qui épousa Le livre Etats-Unis, sur Ouvrage collectif Philippe d'Orléans et des mutations Georges Cogniot l'origine, les réalisé par une équipe Traduit du chinois dont les lettres sur Présence de Lénine modalités et l'évolution de journalistes et annoté par la cour de Louis XIV Tome 1: La trame de ces besoins S.G.P.P. éd., 320 p., sont fort célèbres. R. de Becker d'une vie héroïque nouveaux qui font 31 F Planète, 304 p., 25 F Tome Il: Roland Mousnler éclater les vieilles Introduction à Le livre de chevet Les destinées La plume. la faucille sociétés. l'Informatique. de tous les hippies historiques et le marteau et un grand classique du léninisme Institutions et Société • J.-J. Servan-Schreiber de la tradition chinoise. • Jean Rostand Le courrier en France Ed. Sociales, 256 Le manifeste d'un biologiste et 160 p., 7,10F et 5 F Yuen Ren Chao du Moyen Age ciel et terre Gallimard, 236 p., 19 F Denoël, 304 p., 19,50 F Langage et systèmes La contribution à la Révolution . de Lénine Le manifeste radical. Un ouvrage où P.U.F., 408 p., 40 F symboliques

André Siegfried La Sul.... démocratle-témoln Ed. de la Baconnière, 308 p., 22,80 F Une réédition revue et augmentée de «Points de rupture-, par Pierre Béguin. J. Suret-Canale La République de Guinée Ed. Sociales, 432 p., 50F Un tableau des réalités économiques et sociales de la Guinée depuis son accession à l'Indépendance. Michel Tardieu La Bourse Grasset, 304 p., 21 F Le mystère de la Bourse élucidé à l'intention de tous les publics par le commentateur de l'O.R.T.F. Jean Vergeot Le. pl.... dans le monde Préface d'Emile Roche Postface de R. Montjoie France-Empire, 328 p., 25,50 F La politique de planification à travers le monde et les grandes options de base de la France en ce domaine.

DOCUM.NTS Jacques Derogy La 101 du retour Le roman vrai de l' • Exodus • Fayard, 448 p., 28,50 F D'après les témoignages des acteurs de la tragédie et les archives secrètes d'Israël, un document hallucinant sur l'immigration clandestine des Juifs la guerre. au lendemain de Dominique Loisel J'étais le Commandant X Préface du Général Grossln Fayard, 384 p., 25 F La vie et les aventures d'un des as du contre-espionnage français. Georges Ménager Les quatre vérités de Papillon Table Ronde, 240 p., 18 F Le document qui est à l'origine du procès Intenté par


Henri Charrière

à l'auteur.

R.LIGIOH Au commencement (Genèse l, 1·24) Textes hébreu, français, allemand et Trad. française de anglais de René Rognon illustrations originales d'Adrian Frutlger Ed. Paul Castella, Albeuve, Suisse, 61,50 F Daniel Boureau La mission des parents Perspectives conciliaires de Trente à Vatican Il Cerf, 400 p., 52 F Une étude du rôle des parents dans la catéchèse des enfants suivie d'une analyse à travers les siècles de la perspective ouverte à ce sujet par Vatican II. H. Chavannes L'analogie entre Dieu et le monde selon Saint Thomas et Karl Barth Cerf, 336 p., 30 F Comment réconciller catholiques et protestants sur la possibilité de ta théologie naturelle Vves Congar L'Eglise, de Saint Augustin à l'époque moderne Cerf, 488 p., 42 F Une vaste synthèse historique Luitpold A. Dorn Paul VI Portrait familier en 100 anectodes 11 photos hors-texte A. Michel, 192 p., 15 F Un portrait Inattendu, vivant et familier, du successeur de Jean XXIII Charles de Foucauld Lettres .. mes frères de la Trappe Cerf, 352 p., 26 F. Cent-vingt lettres Inédites, présentées par A. Robert et J.·F. Six Jules Glrardl Amour chrétien et violence révolutionnaire Un chrétien à la recherche du dialogue, • conqu6te définitive de l'humanité» Th Schueller La femme et le Saint

Editions Ouvrières, 312 p., 27 F La femme et ses problèmes d'après Saint-François de Sales Masumi Shibata Les maîtres du Zen au Japon, suivi de la traduction française des Sermons sur le Zen de Tetsugen et de Bassul Maison neuve et Larose éd., 248 p., 30 F. Un ouvrage d'ensemble sur les doctrines zénistes de leurs origines, au XII· siècle, à nos jours Samuel Stehman Ce Dieu que j'Ignorais Un Juif rencontre le Christ Fayard, 128 p., 15 F. L'itinéraire spirituel d'un Juif devenu moine bénédictin M. Xhaufflalre Feuerbach et la théologie de la sécularisation Cerf, 400 p., 39 F. Les contradictions de la théologie contemporaine à la lumière de l'antithéologie de Feuerbach

ARTS URBAHISM. MUSIQU. Sarane Alexandrian L'art surréaliste 18 i11. couleurs 170 i11. en noir Hazan, 256 p., 30 F. Jean-François Besson L'Intégration urbaine P.U.F., 312 p., 35 F. Les concepts d'intégration, de politique et d'écologie sociale et leurs applications dans le monde d'aujourd'hui Depuis 45-T. 1 Ouvrage collectif Préface de J. Leymarle, 304 i11. dont 30 en couleurs La Connaissance éd., 302 p., Bruxelles Premier des trois volumes (celui-ci consacré à l'art abstrait), où sera analysé "art des 25 dernières années René Etlemble Yun Yu Coll.

La Quinzaine littéraire, du 16

IIU

31 ma,., 1970

• Trésors Inconnus» 110 reproduction en coul., 50 III. en noir Nagel, 170 p., 194, 80 F Un essai sur les représentations érotiques chinoises Hommage à Henri Matisse 32 pl. en couleurs 120 reproductions en noir et bianc 1 linoléum de Matisse XX' siècle éd., 128 p., Prix de souscription jusqu'au 15 avril : 60 F A l'occasion de la grande rétrospective qui aura lieu en avril au Grand Palais pour le centième anniversaire de la naissance du peintre Veronica Ions Mythologie égyptienne 107 ill. en noir 25 pl. en couleurs O.D.E.G.E., 142 p., 21,30 F. L'Egypte vue à travers ses dieux et ses déesses et leurs figurations dans l'art Eugénie de Keyser Art et mesure de l'espace 16 hors-texte Dessart, 256 p., 19,50 F Un ouvrage de réflexion qui jette un jour nouveau sur les techniques de l'art moderne Brigitte et Jean Massin Recherche de Beethoven Fayard, 384 p., 40 F. A travers l'étude de 32 sonates, la recherche d'un thème unique; celui de la • bien-almée lointaine» Emmanuel Sougez

La photographie,

son univers 460 reproductions dont 30 en couleurs Editions de l'illustration, 220 p., 48 F L'univers de la photographie et ses innombrables applications

.ROTISM. Elisabeth Chandet Cataclysme sexuel Losfeld, 96 p., 9 F. Léonne Guerre Les dix Japonais Losfeld, 136 p., 15 F

Lucifer IIje

La salive de l'éléphant

Losfeld, 320 p., 24 F Philippe de Jonas Eros existe, je l'al rencontré Losfeld, 248 p., 18 F

Jean-Claude Lauret La foire au sexe A. Balland 212 p., 19,50 F Un document et une réflexion sur la première foire mondiale du sexe qui s'est tenue récemment à Copenhague Robert Sermaise Prélude charnel L'Or du temps, 200 p., 31F Réédition d'un roman paru dans les années 45 Silvagni L'Iconolâtre Losfeld, 288 p., 18 F Alain Spiraux Delirium à la une Losfeld, 288 p., 15,40 F François Valorbe L'apparition tangible Losfeld, 218 p., 10,20 F France Vlceroy L'organiste Table Ronde, 256 p., 24 F

BUMOUR SPORTS DIV.RS Chaval L'homme Présenté par : L.-F. Céline, J. Cocteau, M. Duverger 24ct dessins de Chaval A. Michel, 192 p., 29 F Lionel Chouchon Guide de l'homme seul en province illustrations de Kokkos Tchou, 536 p., 35 F Un guide pratique où se trouvent recensées toutes les ressources offertes par les 167 villes les plus fréquentées de France Richard Fitter Les animaux sauvages en vole de disparition dans le monde 43 aquarelles de J. Lelgh·Pemberton 29 dessins, 55 cartes Arthaud, 144 p., 55 F

La lune • Encyclopédies de voyage» 96 reproductions en noir dont 4 h.-t.,

7 III. en couleurs Nagel, 180 p., 35,50 F La sélénologie et son expression à tr<8vers les âges M. et H. Larsen Brousse maléfique 53 photos hors-texte dont 6 en couleurs A. Michel, 212 p., 27 F A la découverte d'une île désolée des Nouvelles-Hébrides dont les auteurs nous décrivent avec passion la sauvage grandeur Freddy Tondeur

La Libye,

royaume des Ables Coll. • Pays et cités d'art » Nombr. photographies Nathan, 160 p., 17,05 F Un document et un témoignage sur cet immense pays qui, en dix ans, est passé du Moyen-Age à une fabuleuse richesse

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Pierre-Jean Vaillard Le hérisson vert Table Ronde, 216p., 17,50F Les chroniques souriantes ou piquantes d'un chansonnier et d'un noctambule

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La terre

et l'évolution humaine A. Michel/L'évolution de l'humanité FrederiC Nietzsche Le crépuscule des Idoles Trad. de l'Allemand par Henri Albert Gonthier/Médlations Henri Poincaré

La valeur de la science

TBa&TRB Pierre Bourgeade Les Immortelles

Flammarion/Science

Jean-Françols Revel Sur Proust Gonthler/M~latlons

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Seuil

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" POÉTIQUE" • REVUE DE THÉORIE ET D'ANALYSE LITTÉRAIRES Publiée avec le concours du Service des publications de Paris - Sorbonne. N° 1 : Roland Barthes, Jean-Pierre Richard, Harald Weinrich, Hélène Cixous, Philippe Lacoue-Labarthe, Christiane Veschambre, Hans Robert Jauss, Tzvetan Todorov, Vélimir Khlebnikov. Revue trimestrielle. Le numéro : 15 F. Abonnement à 4 Paris-6·. C.C.P. 3.04204.

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LES FONDEMENTS DE L' ARITHM~TIQUE

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LES TROYENS par Jean-Pierre Faye Troies, Troyes: ou le siège du narrateur ou du lecteur : entourés de récits qu'ils ne perçoivent pas, mais dont ils ne cessent de subir les effets. Série" Change". Un volume de 368 pages, 27 F.

BORGES

DU SENS

par lui-même par E. Rodrigez Monégal

Essais sémiotiques par A.-J. Greimas

par Philippe Boyer

Les Fictions de Borgès sont à l'origine de tout un courant littéraire et artistique, pour ne pas dire philosophique, qui n'avait pas été jusqu'à présent ressaisi.

Qu'est-ce que le sens? Et comment en parler sans recourir au sens? Existe-t-il une approche naturelle du sens (par exemple dans le geste) ? Comment peuton, sur la trace de Lévi-Strauss, repérer l'organisation de ces modes particuliers de signifier que sont le conte folklorique ou l'œuvre littéraire.

Autour de 3 hommes et de 2 femmes, se déroule le jeu d'une Organisation ambiguë. Jeux d'une singulière circulation érotique. Mais aussi du rapport violent entre servilité et oppression.

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