Casamemoire le mag, nº2.

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NumĂŠro 2 | Avril 2014

casablanca

Ville-monde



casamĂŠmoire le mag - avril 2014 -

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édito

La bonne voie Ça s’agite ferme sur les réseaux sociaux à propos du patrimoine architectural de Casablanca. Ça s’empoigne même – virtuellement parlant. Au cœur du sujet, Casamémoire, son action, reviennent souvent. Nous avons nos détracteurs et ils sont virulents. Les volontaires de l’association pourraient s’en offusquer, eux qui consacrent leur temps et leur énergie – à titre gracieux, rappelons-le – à une cause qui leur est si chère. Mais non. Nous nous réjouissons très sincèrement que le sujet soit devenu d’actualité et que le débat autour soit animé. Le patrimoine architectural de Casablanca est l’affaire de tous. Que de jeunes passionnés se soient appropriés le sujet nous ravi. Qui d’entre nous aurait pensé, il y a dix-huit ans, à la création de l’association, qu’on arriverait à un tel résultat. Car, il faut le rappeler, nous étions une poignée à hurler dans un immense désert. Les uns – les plus bienveillants –, nous regardaient avec miséricorde, se demandant pourquoi tant d’efforts et d’énergie étaient dépensés pour une cause perdue d’avance. Les autres, nombreux, s’indignaient ouvertement de nous entendre défendre un legs « colonial ». Fort heureusement ces temps sont loin derrière nous. Les années que nous avons consacrées à la sensibilisation des élites comme du grand public ont payé. Désormais, l’affaire est entendue : défendre le patrimoine architectural de Casablanca est une cause noble et partagée par tous. Encore une fois, nous nous en félicitons. Il y a un temps pour tout. Après celui de la sensibilisation est arrivé celui du passage à l’action. Casamémoire s’active de toutes ses forces pour faire avancer le dossier de classement de la Ville Blanche au patrimoine mondial de l’Unesco. Et ce, en étroite collaboration avec les élus régionaux et municipaux, d’une part, les autorités préfectorales et gouvernementales, d’autre part. Nous croyons en ce projet. Nous y arriverons. Avec l’aide de tous.

Rachid Benbrahim Andaloussi architecte, président de casamémoire casamémoire le mag - avril 2014 -

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sommaire

8 Casablanca, ville-monde

Par Jean-Louis Cohen, architecte, historien de l’architecture, enseignant à l’Institute of Fine Arts of New York University

10 Une médina cosmopolite I nvestie dès le xix siècle par une importante e

communauté européenne, l’ancienne médina de Casablanca, à l’architecture fortement métissée, ne saurait être dissociée de la ville nouvelle

18 Les Habous, rêverie arabo

andalouse du xxe siècle !

Construite entre 1918 et 1955, la cité est un exemple

unique de reconstitution de médina dont la réussite fut telle que beaucoup sont persuadés de son antiquité

24 Le rêve américain de Lyautey asablanca, capitale économique du royaume, un C

des plus grands ports d’Afrique, est née de la vision de ce militaire à la fois esthète, pragmatique et visionnaire

28 De Prost à Écochard, le roman

42 Portfolio Casablanca, une nuit

52 Le geste citoyen d’une banque ’ex-siège de la Société Générale, sis boulevard L Mohammed-V, fait l’objet d’une réhabilitation en bonne et due forme. Un exemple à suivre

Depuis sa création, la ville nouvelle a été

56 Casablanca à l’échelle mondiale près l’inscription, en 2012, de Rabat au patrimoine A

mondial, quels sont les arguments que Casablanca peut avancer pour figurer, à son tour, sur la fameuse liste ? Petit tour de la question

34 Une architecture moderne

et métissée

Pour le commun des mortels, Casablanca est la ville art-déco par excellence. Oui, mais, sous ce vocable générique et généralisé, se cache une variété de mouvements représentatifs de l’architecture du xxe siècle

La comédienne ultra-populaire, Amal el Atrache,

est une artiste polyvalente. Ses photographies d’un Casablanca nocturne, d’un classicisme élégant, sont empreintes d’un sentiment de solitude et de mélancolie

d’une aventure urbaine

mondialement célébrée pour son urbanisme pionnier. Une vérité historique qu’il est bon de rappeler. Récit d’une véritable épopée

après la pluie

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Casablanca en quelques dates

Chronologie de l’histoire de cette cité pas si

nouvelle que ça. Un concentré des faits ayant façonné Dar-El-Beïda, la ville blanche

En couverture photographie de Amal el Atrache n Direction de la rédaction Jamal Boushaba n Conseil éditorial Jacqueline Alluchon n Secrétariat de rédaction élodie Durieux n Coordination Sakina Choukri n Conception et direction artistique Sophie Goldryng n Contributions Adam Ayadi, Yohann Bouin, Inès Alaoui Crédits photos Casamémoire (pp. 30 à 31 et 35 à 40), Bernard Delgado (pp. 19 à 22), Luigi Forese (p. 12), Anita Leurent (pp. 11, 13 à 17, 32), Metistudio (pp. 38 et 40), Photos d’archives (pp. de 25 à 27), Société Générale (pp. 52 à 55), Unesco (p. 57) n Photogravure Graphely n Impression Imprimerie Toumi n Casamémoire le mag est une publication de l’association Casamémoire pour la sauvegarde du patrimoine architectural du xxe siècle au Maroc n Contact Casamémoire, 14-18 avenue Hassan Seghir, Casablanca. Tél : +212(0) 526 515 829 /522 543 663 n

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Casablanca, ville-monde jean-louis cohen

Architecte, historien de l’architecture, enseignant à l’Institute of Fine Arts of New York University

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a métropole qu’est devenue Casablanca au xxe siècle n’appartient pas à ses seuls habitants. Une affiche touristique des années 1920 lui donnait le visage d’une porte double, ouvrant aux Marocains des campagnes et des petites villes les ressources de la modernisation et une certaine liberté par rapport aux cadres ancestraux, tandis qu’elle offrait, symétriquement, aux étrangers venus d’au-delà des mers l’espoir d’une vie nouvelle, échappant aux hiérarchies sociales et au conservatisme de leurs terres d’origine. Antique cité ruinée à la Renaissance et délaissée jusqu’au xviiie siècle, port de commerce ambitieux, puis tête de pont de l’économie coloniale pendant la première moitié du xxe siècle et foyer de l’essor national depuis, elle a attiré Marocains, Européens, Africains et Américains. Ainsi, Casablanca possède-t-elle depuis un siècle tous les traits de ces « villes-mondes » dans lesquelles 8 - avril 2014 - casamémoire le mag

l’historien Fernand Braudel a vu dans son grand ouvrage Civilisation matérielle, économie et capitalisme les pôles de la civilisation moderne, notant que « les informations, les marchandises, les capitaux, les crédits, les hommes, les ordres, les lettres marchandes y affluent et en repartent ». Ville-monde, elle l’est par la densité et la ramification de ses réseaux d’échanges avec l’Europe, l’Afrique et les outremers, et par la vitalité que lui apportent ses habitants venus du Maroc et des cinq continents. L’importance des communications matérielles, maritimes, ferroviaires, routières et aériennes, et de celles immatérielles, du télégraphe du xixe siècle à Internet, la confirme dans ce rôle. Ville-monde, Casablanca l’est bien au-delà de son rôle historique et contemporain dans l’essor du capitalisme marocain – et du mouvement ouvrier qui le conteste. Par la rencontre des cultures qui s’y croisent, de la musique au théâtre, et du cinéma à la


Le monde a scruté, dès les années 1920, l’essor spectaculaire de Casablanca, dont les reportages des journalistes, les récits de voyages et les films ont donné l’image d’un champ d’exercice pour la formation des langages de la modernité architecturale.

littérature, elle donne au Maroc son identité moderne, et la transmet au loin. Ces pratiques s’y diffusent et s’y découvrent, dans le même temps que la métropole inspire sans cesse des créations nouvelles. Ville-monde, Casablanca l’est enfin dans ses paysages urbains et son architecture, conçus dans une négociation incessante entre les expériences du Maroc et celles de l’Europe, comme l’a matérialisé initialement, il y a cent ans, le plan d’urbanisme de Henri Prost, qu’elle habite toujours aujourd’hui. Elle a aussi été façonnée par l’idéal américain, qu’il s’agisse de celui de la ville verticale incarnée par New York, ou celui de la ville-paysage diffuse incarnée par Los Angeles. Inversement, le monde a scruté dès les années 1920 l’essor spectaculaire de Casablanca, dont les reportages des journalistes, les récits de voyages et les films ont donné l’image d’un champ d’exercice pour la formation des langages de la modernité architecturale. Ses grands immeubles d’habitation, ses

garages et ses cinémas, dont l’audace reflète encore aujourd’hui les ambitions de ses entrepreneurs aux origines des plus diverses, en ont fait un éloquent récit bâti, rendant compte d’une pulsion continue d’innovation – et de démonstration. Bien que nombre de villas d’exception et quelques grands édifices aient disparu depuis 1980 sous la pression conjuguée de la spéculation immobilière et de la peur que le pouvoir a longtemps éprouvé pour les arènes, les théâtres ou les cinémas, lieux potentiellement dangereux de rassemblement populaire, Casablanca a conservé pour l’essentiel son intégrité et son authenticité. Dans la géographie des métropoles contemporaines, cette villemonde en constant renouvellement offre un aperçu unique du grand projet collectif de la modernité et de la rencontre des cultures, qui la qualifie pour s’inscrire dans la pléiade des sites fondamentaux du patrimoine de l’humanité. casamémoire le mag - avril 2014 -

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médina

Une médina cosmopolite Investie dès le xixe siècle par une importante communauté européenne, l’ancienne médina* de Casablanca, à l’architecture fortement métissée, ne saurait être dissociée de la ville nouvelle.

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ntre les viiie et xive siècles, la cité d’Anfa connaît un passé aussi riche que mouvementé(1). En 1469, elle est complètement rasée par les Portugais, en représailles du danger que faisaient courir à leurs navires marchands les corsaires d’Anfa. Après une éclipse de trois siècles, le chef-lieu, rebaptisé Dar-El-Beïda (Maison blanche) renaît sous l’impulsion du sultan Sidi Mohammed Ben Abdallah (1757-1790), dans le cadre de sa politique de fortification des ports de la côte atlantique. Le sultan relève la muraille d’enceinte, fait construire une mosquée, une médersa, un hammam, des fours et des moulins. Il fait venir de Meknès une centaine de soldats Boukharis et installe un contingent de Berbères Haha venus du Souss.

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En 1830, Moulay Abderrahmane ouvre le port au commerce extérieur. L’avènement de la navigation à vapeur favorise les exportations de blé et de laine, et les importations de produits manufacturés. UNE MÉDINA METISSÉE

En 1907, date du débarquement des militaires français, Casablanca est une cité d’une cinquantaine d’hectares, entourée d’une ceinture de remparts et comptant quelques 20 000 habitants. Elle est divisée en trois quartiers : le Tnaker, au nord-ouest, occupé par les ruraux vivant dans les noualas (huttes en roseaux) ; le Mellah, au sud-ouest, aux constructions modestes, réservé à la population israélite ; enfin la partie la plus structurée de la cité, le


Le bastion de la sqala, construit à la fin du xviiie siècle, est le seul à avoir subsisté. En le traversant, les habitants de la médina ont accès au port. Le passage est moins fréquenté depuis l’aménagement d’un restaurant sur son site.

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Avec ses rues, ses places et l’esthétique de ses constructions, la médina ressemble aux villes côtières, comme Tanger ou Essaouira, ouvertes au commerce extérieur, où se sont installés les étrangers dès le xixe siècle.

long du port et sur la rive sud-est de la muraille où s’ouvre la porte Bab Souk vers l’intérieur du pays. C’est là que se concentre les bâtiments occupés par les étrangers (consulats, agences bancaires, hôtels et pensions), les maisons édifiées par les négociants marocains, ainsi que les équipements publics. prémices d’une gestion urbaine moderne

Rapidement, la ville, administrée par les militaires français et espagnols, se densifie. En 1914, la seule population étrangère est estimée à

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Ci-dessus : construite sur un terrain offert gracieusement au roi d’Espagne par le sultan Hassan Ier, à la fin du xixe siècle, l’église Buenaventura a été récemment réhabilitée en centre culturel. Page de droite : un immeuble résolument européen.

31 000 personnes, répartie comme suit : 15 000 Français, 6 000 Espagnols, 7 000 Italiens; 7 000 Britanniques et 300 Allemands. Les nouvelles mosquées et kissarias, les maisons des riches Marocains, les écoles – dont celles des Franciscains espagnols et de l’Alliance israélite universelle – le cercle et l’Eglise espagnols, le club international d’Anfa, les synagogues, les quinze consulats – dont les plus importants sont ceux d’Espagne, d’Angleterre, d’Allemagne et de France - témoignent du mélange des cultures dans cette médina à la population métissée et

entreprenante. Une médina qui se distingue des cités anciennes, préservées et volontairement séparées des villes nouvelles érigées par les services de l’urbanisme du Protectorat. Avec ses rues, ses places et l’esthétique de ses constructions, elle ressemble aux villes côtières, comme Tanger ou Essaouira, ouvertes au commerce extérieur, où se sont installés les étrangers dès le xixe siècle. Contrairement aux constructions aveugles des médinas de l’intérieur du pays, ici, la plupart des façades présentent des fenêtres, porte-fenêtres et balcons ouvragés, tandis que


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Bâtiment caractéristique du style méditérannéen de la fin du xixe siècle.

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médina


les intérieurs conservent souvent des accents plus conformes à la tradition, avec patio, salons marocains et lambris d’azulejos. On y trouve les éléments mélangés des styles du début du siècle : le néo-mauresque, le néo-classique, l’art-nouveau et l’art-déco qui seront utilisés à plus grande échelle dans la ville nouvelle. La médina se videra peu à peu des grandes familles marocaines et des étrangers qui participent à l’essor de la ville nouvelle. La densité étouffante du Tnaker va provoquer son extension à l’extérieur, à l’ouest, tandis que les habitants du Mellah, en partie démoli en 1930, vont occuper le quartier Lusitania. réhabilitation de l’ancienne médina, un projet d’envergure

Depuis les années 2000, sur la façade longeant le port, quelques aménagements à vocation touristique ont vu le jour, tels les restaurants La Sqala et le Rick’s café. La majorité des habitants,

L’ancienne médina de Casablanca reste, aujourd’hui encore, un lieu particulièrement animé.

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médina

Un comité de pilotage comprenant des représentants des ministères, des offices concernés et de la société civile – dont trois membres de Casamémoire – a été constitué.

environ 50 000, souffrent de l’insalubrité et du manque d’équipements de cette médina qui constitue toujours le point de chute des migrants ruraux : ils y trouvent leurs premiers emplois à travers des réseaux constitués. Alors qu’une opération d’envergure, la Marina, vient border sa face nord-est, l’ancienne médina, berceau de Casablanca, a reçu, en août 2010, la visite historique du roi Mohammed VI qui lance le projet ambitieux de sa réhabilitation. Conduit par le gouverneur de l’Agence urbaine de Casablanca, un comité de pilotage – comprenant, outre diffé-

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rents représentants des ministères et offices concernés, divers représentants de la société civile, dont trois membres de Casamémoire(2) – a été constitué. Un budget, de l’ordre de 615 millions de dirhams, a été dégagé. Le programme d’urgence que le comité a mis en place a consisté, en premier lieu, à réaliser les travaux d’assainissement qui se révélèrent plus que conséquents. Le mur d’enceinte de la médina a été consolidé et prolongé par une galerie à arcades, le long de l’avenue des FAR. Les espaces verts intra-muros et alentour ont été

réhabilités. L’église Buenaventura a été dûment restaurée. Un centre à vocation socio-culturel a été édifié. Depuis peu, l’ancienne médina de Casablanca est inscrite à l’inventaire national des sites et monuments historiques. Adam Ayadi

* La médina historique de Casablanca est qualifiée « d’ancienne » par opposition à la nouvelle médina ou Derb Sultan, érigée à partir des années 1930. 1. Voir chronologie, p. 58. 2. Rachid Benbrahim Andaloussi, président, Abderrahim Kassou, membre du bureau et ancien président, Mohamed Tangi, membre actif.


Page de gauche : l’actuel siège de l’UMT, ex-Résidence générale à Casablanca. Ci-dessus : la mosquée Ould el Hamra a été construite au xixe siècle, face au port. Ses toits à deux pentes récemment recouverts de tuiles vertes font référence aux nefs de la Qaraouiyine à Fès. Ci-contre : la maison Benjelloun aux portes de l’ancienne médina. En arrière-plan, vue de la nouvelle ville.

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nouvelle médina

Vue du patio de la mosquée Mohammed ben Youssef (1936, Auguste Cadet). Inspirée de la Qaraouiyine, le bâtiment est un chef-d’œuvre de justesse dans les proportions, de science et de délicatesse dans l’ornement.

Les Habous, rêverie arabo-andalouse du xxe siècle Construite entre 1918 et 1955, la cité est un exemple unique de reconstitution de médina dont la réussite fut telle que beaucoup sont persuadés de son antiquité.

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ès 1916, Henri Prost(1) et son équipe envisage la création d’une « nouvelle ville indigène » à même d’accueillir les nouveaux immigrants venus de l’intérieur du pays, attirés par l’extraordinaire essor économique de Casablanca, et que l’ancienne médina, trop engorgée, n’était plus en mesure d’absorber. Démarrée en 1918 et terminée en 1956, date de l’inauguration de la Mahkama du Pacha(2), la cité, étalée sur une quinzaine d’hectares le long de la route de Médiouna(3), est construite au fur et à mesure des commandes du maître d’ouvrage, l’institution des Habous(4).

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Réalisée par les architectes Auguste Cadet et Edmond Brion(5), d’après l’esquisse d’un premier plan-masse dû à Albert Laprade(6), cette nouvelle médina, accolée au palais du sultan, sera occupée par une population d’artisans traditionnels, de fonctionnaires du Makhzen(7) et de riches négociants, la plupart d’origine fassie. de l’andalou mâtiné de néo-gothique

Les deux monuments-joyaux de la cité, la Mahkama et la Mosquée Sidi Mohammed Ben Youssef, sont dues au seul crayon de Cadet. Inspirée de

la Qaraouiyine, la mosquée, inaugurée en 1936, est un pur chef-d’œuvre de justesse dans les proportions, de science et de délicatesse dans l’ornement. Elaborée avec autant de savoir, mais dispensée du devoir d’orthodoxie, inhérent à tout édifice à caractère religieux, la Mahkama relève, elle, d’une « rêverie » andalouse mâtinée d’un zeste de néo-gothique. Ne nous arrêtons cependant pas au seul spectaculaire : le tracé des rues, leur cadence, l’alternance des encorbellements, arches, portiques et autres éléments décoratifs, évitant tout sentiment de monotonie, relèvent


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Vues de deux ruelles du quartier des Habous. L’alternance des encorbellements, arches, portiques et autres éléments décoratifs, évitent tout sentiment de monotonie.

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Cour intérieure de la Mahkama. Remarquer la très belle perspective que dessinent, au loin, les quatre tours recouvertes de tuiles vertes vernissées.

de la performance. S’appuyant sur leurs études et relevés des médinas de Rabat, Salé, Fès et Meknès, les deux architectes ont réussi à recréer une cité, certes moderne par l’ordonnancement, la circulation et l’hygiène publique, mais dont nombre de Casablancais sont persuadés, aujourd’hui encore, qu’elle est authentique, tant les vocabulaires architecturaux et urbanistiques utilisés le sont. Il faut dire que la quasi-totalité du chantier a été réalisée par les meilleurs maâllems du pays, au grand dam des entrepreneurs européens exclus de ce vaste marché. Un soin particulier a été apporté aux équipements publics : kissarias, fontaines –

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Les deux architectes ont réussi à recréer une cité, certes moderne par l’ordonnancement, la circulation et l’hygiène publique, mais dont nombre de Casablancais sont persuadés, aujourd’hui encore, qu’elle est authentique, tant les vocabulaires architecturaux et urbanistiques utilisés le sont.

et même toilettes publiques – revêtues de zellij, arcades et portes en pierre travaillée, hammam, etc. Bien que non inscrit à l’inventaire national des sites et monuments historiques, le quartier des habous est resté singulièrement préservé. Une situation due, très certainement, à sa proximité avec le palais royal. Adam Ayadi

1. Voir article p. 28. 2. La Mahkama, ex-Tribunal du Pacha, est aujourd’hui le siège du Conseil régional de Casablanca 3. La route de Médiouna, aujourd’hui boulevard Mohammed-VI, est l’axe principal

reliant le sud du Maroc à Casablanca 4. Les Habous ou Awqaf, institution relevant du droit musulman, chargée de gérer les biens légués par les croyants à la communauté. Un service aujourd’hui relevant du ministère des Affaires religieuses. 5. Auguste Cadet (1881-1956) et Edmond Brion (1885–1973) ont cosignés un nombre impressionnant de bâtiments et d’ensembles, dans le style dit néo-marocain, parmi lesquels, la plupart des agences de Bank Al-Maghrib à travers le royaume 6. Albert Laprade (1883-1978), ce proche d’Henri Prost, est l’auteur du siège de la Résidence à Rabat, mais surtout du parc de la Ligue arabe (ex-Lyautey), principal poumon vert de Casablanca. 7. Makhzen : terme polysémique désignant, ici, l’administration traditionnelle attachée au Palais, par opposition avec l’administration moderne alors aux mains du Protectorat.



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ville nouvelle

Premier Résident général de France au Maroc, le Maréchal Lyautey a contribué fortement à façonner le visage du Maroc actuel.

Le rêve américain de Lyautey Casablanca, capitale économique du royaume, un des plus grand ports d’Afrique, est née de la pensée de ce militaire à la fois esthète, pragmatique et visionnaire.

L

e 27 avril 1912, le général Louis Hubert Gonzalve Lyautey (1854-1935) est nommé Résident général au Maroc. Ayant fait ses armes auprès de Gallieni au Tonkin puis à Madagascar, ce militaire atypique connaît bien le Maghreb, après dix années en poste dans la région d’Oran. Atypique, Lyautey l’est à plus d’un titre. Issu d’un milieu catholique conservateur, il n’en a pas moins été dreyfusard ; fidèle serviteur de la République, il ne cache pas ses penchants monarchistes. à Paris, il fréquente assidument le Musée social, un club de réflexion animé par des hommes par-

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tisans d’économie et de paix sociale, se revendiquant des théories humanistes – bien que paternalistes – de Frédéric Le Play, auteur de La Réforme sociale (Plon, 1864). En 1911, ce sont des membres de ce même Musée social qui sont à l’initiative de la SFU (Société française des urbanistes). Parmi eux : Jean Claude Nicolas Forestier (1) et Henri Prost(2). le projet le plus ambitieux et le plus hardi

Appelé en premier par Lyautey pour une étude sur « Les espaces libres et les jardins à créer », c’est Forestier qui recommande Prost, tout aussitôt

chargé par le Résident de « construire et planifier les villes nouvelles » dans cet Empire chérifien fraîchement occupé – nous ne sommes qu’en 1913. Si beaucoup d’historiens considèrent que Rabat, capitale administrative du royaume, est son œuvre la plus aboutie – en tant que matérialisation de sa pensée urbanistique et architecturale –, tous reconnaissent que Casablanca, capitale économique est le projet de Lyautey le plus ambitieux et le plus hardi. Lui-même a écrit : « Quelle place tient Casablanca dans mes préoccupations et mon affection, il est vraiment superflu de le dire, puisque depuis neuf ans, il ne s’y


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ville nouvelle

Cet esthète humaniste conservant le décor du vieux Maroc avec une fidélité d’antiquaire est aussi ce réalisateur à l’américaine, transformant la façade atlantique en petite Amérique.

Vue du port de Casablanca (circa 1925). Un projet ambitieux, surgi de nul part, que Lyautey voulait.

pose un moellon, il ne s’y ouvre pas une voie dont je ne suive la naissance avec, si j’ose dire, un amour paternel ». Dans leur conception des villes nouvelles qui vont surgir de terre à une vitesse étonnante, Lyautey et son équipe s’opposent fortement à l’importation de ce style orientaliste dit néo-mauresque(3), caractérisant les constructions des quartiers neufs de Tunis, Oran ou Alger. À Casablanca, le Résident recommande aux architectes des édifices publics – principalement

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la place Administrative – la prise en compte du modèle architectural des villes du Makhzen – volumes cubistes, toits-terrasses et façades sobres. Il insiste sur l’intégration systématique d’éléments des arts décoratifs marocains et préconise qu’ils s’inspirent des « grandes ordonnances architecturales de France des xviie et xviiie siècles »(4). En prenant livraison d’un des premiers bâtiments de la Place, à savoir la Poste d’Adrien Laforgue(5), il ordonne qu’on remplace, illico presto, les tuiles rouges

recouvrant l’auvent par les tuiles vertes vernissées qu’arborent, depuis des siècles, tous les bâtiments marocains à caractère religieux ou officiel. UNE VISION À LONG TERME

Dès 1913, Lyautey décide de doter Casablanca du plus grand port d’Afrique et ce, contre l’avis de tous. Pourquoi partir de cette petite rade, bordée d’une houle hostile, plutôt que de Safi, Mogador ou Agadir, ports atlantiques historiques


du pays ? Lyautey voyait loin. Comme l’écrit si bien Daniel Rivet(6), « cet esthète humaniste conservant le décor du vieux Maroc avec une fidélité d’antiquaire » est aussi ce « réalisateur à l’américaine, transformant la façade atlantique en petite Amérique ». En s’entourant des meilleurs (architectes, urbanistes, ingénieurs mais aussi maâllems), en voyant si large et si grand, en se donnant les moyens – matériels mais surtout juridiques – au lancement de cet immense chantier,

Lyautey est, incontestablement, le père fondateur de ce qui deviendra, bien après lui, une des métropoles africaines les plus riches et les plus belles. Lorsqu’en 1925, le désormais maréchal est contraint de quitter son poste de Résident, c’est à bord d’un navire partant du port de Casablanca qu’il décide de faire sa sortie officielle. Sous les vivats d’une immense foule de Marocains reconnaissants. Jamal Boushaba

1. Jean Claude Nicolas Forestier (1861-1930), polytechnicien, chargé des promenades et des plantations de la ville de Paris, est appelé au Maroc par Lyautey en 1913. On lui doit, entre autres, le jardin d’Essais de Rabat. C’est sur ses recommandations qu’ont été introduites et plantées en masse les différentes espèces qui marquent le paysage végétal urbain marocain : bougainvilliers, hibiscus, ficus, etc. 2. Voir page 28. 3. et 4. Voir page 34. 5. Adrien Laforgue (1871-1942). Auteur, entre autres de la Gare Rabat-ville. 6. Daniel Rivet. Le Maroc de Lyautey à Mohammed V, le double visage du Protectorat. Denoël, 1999.

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De Prost à écochard, le roman d’une aventure urbaine Depuis sa création, la ville nouvelle a été mondialement célébrée pour son urbanisme pionnier. Une vérité historique qu’il est bon de rappeler. Récit d’une véritable épopée.

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n an seulement après le débarquement français de 1907, les prémices d’une gestion moderne de la ville apparaissent : l’éclairage public est organisé, les marchés aménagés, un abattoir ouvert, les maisons numérotées, les noms des rues affichés en arabe et en français, un budget municipal est dégagé. Arrivé à Casablanca le 13 mai 1912, Hubert Lyautey porte un intérêt immédiat à la ville blanche et à son atmosphère particulière, qui n’est pas sans rappeler le Far-West. Le Résident a pour Casablanca de grands projets. Bien avant la signature du traité du

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Protectorat, la ville attire une importante population européenne, en quête de bonnes affaires et d’horizons nouveaux. En 1905, sur 20 000 habitants, on recense 570 européens. Ils seront 31 000 en 1914 ! Auxquels vont bientôt se rajouter d’autres milliers de Marocains, attirés par l’essor du nouveau port, dont la construction est entamée dès 1913. Le règne de l’anarchie

Très vite la petite cité est débordée. La spéculation sur les terrains extra-muros s’affole : une parcelle achetée 0,05 franc le mètre en 1908, se revend 317 francs en 1913. Les constructions

poussent anarchiquement. Il est temps de mettre de l’ordre dans tout ça. Dès 1912, l’ingénieur-géomètre Tardif trace un boulevard circonscrivant un territoire d’un kilomètre de profondeur autour de la ville ancienne et définit les contours d’un quartier résidentiel au lieu-dit Mers-Sultan, non loin de la route de Médiouna. Les services publics minimaux s’organisent tant bien que mal, mais en matière d’urbanisme, l’anarchie continue à régner. Faute d’une politique d’hygiène, le typhus et la variole font des ravages. C’est dans ce contexte que débarque, à l’appel de Lyautey, Henri Prost(1) (1871-1959), membre


de la Société française des architectes urbanistes, récemment créée sous les auspices du Musée social (2). Nommé directeur du service d’Architecture et des Plans de la ville – administration encore inconnue en France –, en 1914, Prost s’entoure d’une pléiade d’architectes et d’ingénieurs de talent, qui sont pour la plupart recrutés au sein de la section d’Hygiène urbaine et rurale dudit Musée social. Sous sa houlette, ils vont élaborer les plans directeurs des principales villes du Maroc (Rabat, Fès, Meknès, Marrakech, …). Un laboratoire d’urbanisme

Prost présente son premier plan d’aménagement de Casablanca en 1915. Sur la base du boulevard circulaire de Tardif, l’urbaniste dessine un plan radioconcentrique, basé sur un système hiérarchisé de boulevards reliant les points nodaux de la ville nouvelle. De belles et larges avenues prenant en compte l’avènement de l’automobile, celles-là mêmes qui permettent aujourd’hui encore, un siècle plus tard, une circulation relativement fluide, en tous cas comparativement aux métropoles de même taille de par le monde. S’inspirant des expériences allemandes et américaines en matière de zoning et d’occupation des sols, Prost découpe la ville en parcelles suffisamment généreuses pour accueillir l’implantation de ces immeubles îlots, dotés de cours intérieures et/ ou de passages couverts, qui feront l’admiration de tous et, offriront tant de cachet à la cité. Tout un arsenal juridique, aussi radical qu’innovant – en ces temps d’urbanisme balbutiant – a dû être élaboré pour permettre les percées des nouveaux boulevards, le remembrement des parcelles, ainsi que les servitudes (alignement, gabarits et autres arcades) prévus dans le plan. Pour ce faire, Prost s’est appuyé sur les compétences d’émi-

Henri Prost restera huit ans au Maroc. Il inscrira définitivement Casablanca dans l’histoire des villes modernes. nents juristes, dont Guillaume de Tarde et ce, bien évidemment, avec la pleine bénédiction de Lyautey. Cette réglementation urbaine, alliant à la fois une sévère rigueur à un esprit de conciliation – il en fallait pour affronter les membres du Syndicat des propriétaires européens – sera bientôt

érigée en exemple dans les colloques internationaux, réunissant architectes et urbanistes, qui se multiplient à partir des années trente. On parlera, à propos de Casablanca d’« urbanisme pragmatique ». Dans son projet casablancais, Henri Prost n’oubliera pas de mettre en

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œuvre les recommandations de son ami Jean Claude Nicolas Forestier, en réservant d’importants emplacements à quelques grands parcs et moult squares, mais surtout en dotant abondamment les avenues d’arbres d’alignement – sachant que dans le cas de Casablanca, l’urbaniste n’a pu donner jour au rêve de cité-jardin, si cher à Forestier. Il se rattrapera avec le succès que l’on sait, sur des villes comme Marrakech et Rabat. La réglementation établie par Prost restera en vigueur à Casablanca jusqu’à la fin des années quarante, donnant naissance à cette ville blanche, moderne, élégante et aérée qui stupéfiait ses visiteurs, si l’on en croit la littérature de l’époque. Lors d’une conférence, donnée à Paris en 1926, Lyautey – pourtant prompt

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à s’accaparer les mérites de « son » œuvre marocaine – reconnaîtra que c’était bien « le grand urbaniste M. Prost qui fut réellement l’inspirateur de nos villes nouvelles », et de poursuivre plus loin : « l’urbanisme tel que nous l’apporta le goût des ordonnances harmonieuses, élégantes et vastes, c’est leur conciliation avec les nécessités du xxe siècle, avec les besoins d’une usinerie et d’une circulation qui ne connaissent plus de limites et qu’il faut satisfaire ». Un terrain d’expérimentations architecturales

En matière d’urbanisme à proprement parler, il ne se passe rien de particulièrement révolutionnairement à Casablanca entre 1930 et 1940. Le plan de remaniement que présente Alexandre

Courtois, en 1943, n’est pas avalisé. Il faudra attendre l’arrivée, en 1947, de Michel Écochard pour qu’un nouveau plan d’aménagement soit mis en place. àgé de quarante-et-un ans lorsqu’il débarque à Casablanca, Écochard est déjà une figure connue de l’architecture française. Il a exercé, en tant que directeur du service de l’Urbanisme en Syrie et a réalisé une partie du plan d’aménagement de Beyrouth. Mais c’est au Maroc, en travaillant sur les plans d’aménagement de Rabat, d’Agadir, de Fès, de Port-Lyautey(3) et de Casablanca, qu’il va véritablement pouvoir appliquer ses principes inspirés de Le Corbusier et du groupe CIAM(4) – dont il est le représentant au Maroc. Les temps ont changé. L’objectif n’est plus de créer des


La grande affaire d’Écochard sera de concilier les principes du Mouvement moderne et l’héritage humaniste et culturaliste légué par Lyautey, Forestier, Prost et compagnie. Michel Ecochard expliquant la trame sanitaire. Il mènera une bataille sans merci du logement social face aux intérêts du grand capital. Page de gauche : conçu par l’équipe d’ATBAT-Afrique, l’immeuble Sémiramis (1952, Georges Candilis, Shadrach Woods, Vladimir Bodiansky et Henri Piot) fait partie d’un ensemble de trois immeubles, expérimentant un nouveau concept de logement collectif. villes nouvelles, mais de répondre à la pénurie de logements qui atteint une nouvelle population : le sous-prolétariat marocain que la modernisation de l’économie et l’exode rurale ont fait naître. N’oublions pas que c’est à Casablanca que le mot « bidonville » a été créé et ce, dès la fin des années vingt. C’est d’ailleurs pour traiter cet aspect d’une question devenue politiquement sensible, qu’Eirik Labonne – un des Résidents des plus « libéraux » qu’est connu le Maroc – fait appel à ses services. La grande affaire d’Écochard sera de concilier les principes – on ne peut plus radicaux – du Mouvement moderne avec l’héritage humaniste et culturaliste légué par Lyautey, Forestier, Prost et compagnie. Il s’y attèlera avec suc-

cès. Il commence par engager dans son équipe pas moins de cinq paysagistes diplômés de l’école de Versailles, justifiant ce choix devant l’administration par un manque d’urbanistes de talent. Par ailleurs, il entame son ouvrage par une approche anthropologique sur le mode d’habiter des populations concernées, plus proches des études effectuées par Cadet et Brion pour la réalisation des nouvelles médinas(5) que de celle, utopique et radicale, que préconise Le Corbusier. En dessinant l’actuel Hay Mohammadi selon la trame de 8m sur 8m – qu’on appellera « trame Écochard » - l’urbaniste savait-il qu’il révolutionnerait l’Histoire de l’architecture, chapitre Habitat social ? Nul ne sait. Son idée, simple et frappée de bon sens, est de fournir

à chaque famille déshéritée un deuxpièces plus salle d’eau et patio, construit et disposé de manière à se transformer – au fur et à mesure de l’élévation du niveau de vie des concernés – en bâtiment R + 3. Aujourd’hui encore, des dizaines d’étudiants en architecture suisses, allemands ou français, arpentent les rues de Hay Mohammadi – n’hésitant pas à taper à la porte des habitants habitués – pour étudier cette fameuse trame sanitaire 8 x 8. Au centre-ville, Écochard propose, en 1951, dans un rapport sur l’aménagement de Casablanca, un plan d’extension linéaire, le long de la côte, qui reliera les deux pôles portuaires de Casablanca et de Mohammedia, bordé par la création de l’autoroute CasaRabat. Il réalise la percée de l’avenue

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des FAR, relançant le projet de quartier d’affaires proche du port, où se construisent « en dents de peigne » de nouveaux bâtiments, dont l’hôtel Marhaba d’émile Duhon(6), qui fut pendant longtemps un repère dans le paysage urbain de la ville. Les plans de zoning d’Écochard, approuvés en 1952, resteront en vigueur à Casablanca jusqu’en 1984, date de la publication du nouveau schéma directeur élaboré par le cabinet de Michel Pinseau. Démis de ses fonctions en même temps qu’Eirik Labonne que remplace le Général Guillaume, Écochard exercera une

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grande influence sur la nouvelle génération d’architectes qui entre en scène à l’Indépendance. Il décrira son expérience dans un livre, Casablanca, le roman d’une ville. Beau roman, en vérité. élodie Durieux et jamal boushaba

1. et 2. Voir article précédent. 3. Port-Lyautey, actuelle Kénitra. 4. CIAM : Congrès international d’architecture moderne. Tenu en 1933, à Athènes, il a débouché sur une charte rédigée par Le Corbusier. 5. Voir p. 18. 6. émile Duhon (1911-1983). Associé de Marius Boyer, il reprend son agence en 1948. Il sera l’architecte attitré de Mohammed V.

L’avenue des FAR a été percée dans les années 1950 pour relancer la projet de quartier des Affaires. Cette nouvelle artère a rapidement pris des allures de City avec ses immeubles de grande taille à la pointe du modernisme.



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Ci-contre : détail du spectaculaire balcon aux lignes incurvées de la Villa Sami Suissa (1947-1948, Jean-François Zévaco et Paolo Messina). Cette élégante maison a longtemps dominé le boulevard d’Anfa. Elle a été transformée, depuis quelques années, en un salon-restaurant.

Une architecture moderne et métissée our le commun des mortels, Casablanca est la ville P art-déco par excellence. Oui, mais sous ce vocable générique et généralisé, se cache une variété de mouvements représentatifs de l’architecture du xxe siècle.

L

es premiers bâtiments à être érigés en dehors de l’enceinte de la médina sont tout naturellement de style néo-mauresque. Un style inventé et largement diffusé, des décennies auparavant, en Algérie et en Tunisie. Très apprécié, aujourd’hui, pour son côté pittoresque et romantique, le néo-mauresque a été fortement combattu par Lyautey, Prost et compagnie. On lui reprochait de se contenter de plaquer des éléments du décor islamisant (arcs en plein cintre ou brisés, panneaux de faïence façon azulejos, moucharabieh en ciment et autres tuiles vertes) sur des bâtiments à la volumétrie et à la circulation européenne classiques pour ne pas dire ordinaires. L’Hôtel Excelsior sur la place des Nations-Unies en est un parfait exemple. Pour contrer ce goût du néo-mau-

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resque, l’équipe de Lyautey et leurs affidés se sont attelés à créer un style totalement nouveau et complètement qualifié de néo-marocain. Lyautey en a lui-même fixé les règles : il s’agissait de s’inspirer de l’architecture traditionnelle des villes makhzen pour ce qui est de la sobriété et de la blancheur des façades, ainsi que des principes de circulation des gens et de l’air, la diffusion de la lumière des maisons à patio. A cela, il fallait rajouter l’utilisation systématique des éléments du vocabulaire décoratif traditionnel marocain : zellij, plafond en bois de cèdre, ferronnerie et autres tuiles vertes vernissées. UN STYLE TOTALEMENT NATIONAL

Mais peu attaché à la tradition qu’il était, Lyautey n’en était pas moins féru de modernité. Hygiène, confort, commodités, simplicité et fonctionnalité

étaient des termes récurrents dans son discours. A Casablanca, les plus beaux fleurons de l’architecture néo-marocaine sont les bâtiments-monuments regroupés autour de la place Mohammed-V (ex-place Administrative) : le Tribunal, le Consulat de France, la Wilaya, la Poste et Bank Al-Maghrib. Au même moment, des promoteurs ont construit des immeubles de rapport dans un style néo-classique tout droit importé de la Côte d’Azur et de la Riviera, appelé aussi « pâtisserie Louis XV », en référence aux éléments décoratifs, quelque peu lourd, ornant les façades : têtes de Bacchus et guirlandes sculptées dans le ciment, corniches et autres frises, etc. Snobé par les esthètes, ce type d’architecture plait toujours autant au grand public. Au milieu des années vingt, va déferler


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Les anciens abattoirs (1922, Georges-Ernest Desmaret), conçus dans un style particulièrement élaboré, présentent une belle et puissante fusion entre l’art-déco et le néo-mauresque. Depuis 2008,ils ont été reconvertis en espace culturel et accueillent régulièrement des manifestations culturelles et artistiques.

sur Casablanca la vague de l’art-déco. Des pans entiers de la ville seront estampillés très en vogue partout dans le monde mais qui sera développé à une échelle exceptionnelle à Casablanca. Mieux, à côté d’un art-déco au cachet international, se développera un artdéco particulièrement casablancais, intégrant, avec bonheur, les éléments décoratifs marocains particulièrement le zellij. Le plus bel exemple de cet artdéco là reste l’immeuble Glaoui – du

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nom du Pacha de Marrakech qui en était le propriétaire, à l’entrée du boulevard Mohammed V. Dès la fin des années vingt, on voit surgir à Casablanca des bâtiments aux façades nues et lisses, à la volumétrie cubiste, d’une simplicité et d’un dépouillement élégant. Ce style dit fonctionnaliste, aux accents Bauhaus affirmés, va lui aussi essaimer dans la Ville Blanche. L’exceptionnel immeuble îlot dit Assayag, rue Hassan


Détail de l’immeuble Glaoui, boulevard Mohammed-V, les carreaux polychromes de zellij remplacent ici les carreaux de faïence utilisés dans l’art-déco européen.

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Un art-déco particulièrement casablancais se développe, intégrant, avec bonheur, les éléments décoratifs marocains particulièrement le zellij.

Cet immeuble de seize étages (1952, Jacques Guyon) présente un spectaculaire jeu de balcons filants en ruban. L’appellation « Villas Paquet » fait référence aux nombreuses dépendances et services dont disposent les appartements qui apparentent ces derniers à des maisons individuelles.

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Jean-François Zévaco, Domenico Basciano et Paolo Messina réalise avec l’aérogare de Tit-Mellil (1951) une œuvre remarquable par la liberté et le lyrisme des formes imaginées. Les deux bâtiments de l’ensemble sont reliés par une passerelle couverte, de vingt mètres de portée, semblant flotter au-dessus du sol.

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L’immeuble Assayag (1930-1932, Marius Boyer), avec ses trois tours portiques de 8 étages, s’inscrit dans la refonte des quartiers du port en quartier des affaires. Cet élégant ensemble comporte des équipements à la pointe de la modernité (garage, ascenseurs, vide-ordures, …), encore inexistants en Europe.

Seghir, en est un super échantillon. Bientôt de grands vaisseaux, tout en courbes soulignées de longs balcons filants, ponctueront de leur prou les grands boulevards de la cité. Le style « paquebot » ou « streamline » sera adopté, particulièrement pour les grandes tours comme l’immeuble Liberté, surnommé « dix-sept étages », alors un des plus hauts d’Afrique, marque encore aujourd’hui les esprits pas son élégante silhouette élancée.

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Dans les années cinquante, soixante et soixante-dix, un nouveau style audacieux et provoquant, s’impose à Casablanca : le brutalisme. Débarrassé de tout élément décoratif, ce style glorifie le béton – souvent livré brut de décoffrage – en le soumettant à des formes futuristes. Il serait faux, à la lecture de ce bref récapitulatif des principaux mouvements architecturaux ayant marqué de leur empreinte Casablanca, qu’il s’agisse là de différents styles qui

cohabitent, en toute indifférence, les uns à côté des autres. Très souvent, ils s’interpénètrent en toute liberté : tel bâtiment art-déco a gardé des aspects art-nouveau et/ou néo-marocain ; tel fonctionnaliste a de forts relents artdéco, etc. A tel point qu’on a maintes fois qualifié l’architecture de Casablanca d’« architecture métissée ». Jamal Boushaba



portfolio

Casablanca, une nuit après la pluie La comédienne ultra-populaire, Amal El Atrache, est une artiste polyvalente. Ses photographies d’un Casablanca nocturne, d’un classicisme élégant, sont empreintes d’un sentiment de solitude et de mélancolie.






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T

ous les Marocains ou presque connaissent Amal el Atrache, alias Âouicha, un des trois rôles principaux de Lalla Fatema. Cette sitcom ramadanesque – diffusée en trois saisons (de 1996 à 1998), juste après le ftour, puis rediffusée les années d’après à satiété, avec le même succès – a permis à la comédienne de conquérir le cœur de tous les foyers. Mais peu savent que derrière l’actrice TV populaire se dissimule une artiste polyvalente, curieuse et aventureuse, à l’esprit libre, n’hésitant pas à tourner dans divers courts métrages expérimentaux, ni à se produire sur scène dans une chorégraphie contemporaine de Khalil el Ghrib, encore moins en compagnie des musiciens performers du groupe underground Loonope. Depuis quelques années déjà, une des prin-

cipales passions d’Amal el Atrache est la photographie. Parmi les nombreux et variés sujets captés par son objectif, nous avons sélectionné cette série de clichés exaltant l’architecture de Casablanca, pris en une seule nuit, après une forte averse. Le résultat est étonnant autant par la maîtrise des ombres et lumières, le sens du cadrage, que par la rigueur du graphisme. En un mot, par son classicisme. Le regard que porte Amal el Atrache sur ce Casablanca nocturne est empreint d’une nostalgie certaine. La nostalgie d’une élégance perdue dès le jour venu. Un sentiment de solitude et comme une angoisse sourde. Le sentiment d’une destruction imminente ? Non, plus simplement, le sentiment du temps qui passe. Classique, vous dit-on ! Jamal Boushaba

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xxxxxxxx réhabilitation xxxxxx une ville laboratoire

L’édifice est un des plus beaux exemples du style néomauresque casablancais. Aux volumes et à l’ordonnancement classique, il présente, en façade des éléments décoratifs islamiques (fenêtres en arcs brisés et autres mouqarnas) finement disposés. Page de droite : le hall du public et l’entrée de l’agence vue depuis l’escalier central.

Le geste citoyen d’une banque L’ex-siège de la Société Générale, sis boulevard Mohammed-V, fait l’objet d’une réhabilitation en bonne et due forme. Un exemple à suivre.

E

ntreprise engagée, la Société Générale a pris l’initiative de participer à la sauvegarde du patrimoine architectural de Casablanca, en préservant la façade de son ancien siège situé au centre-ville, sur le boulevard Mohammed-V. « Notre objectif, à travers ce projet, est de préserver l’héritage et le patrimoine urbain de la ville », indique Ahmed El Yacoubi, directeur général adjoint de la Société Générale. Lancés depuis presqu’un

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an, les travaux visent à réhabiliter le bâtiment datant du début du siècle, en mettant en place des solutions innovantes, permettant de conserver sa façade inscrite sur l’inventaire national des sites et des monuments historiques. « C’est une restructuration lourde qui nécessite une grande expertise technique puisqu’il s’agit de stabiliser et de maintenir la façade en intégralité », souligne Xavier Marchyllie, Pdg de Sogea, société en charge des travaux.

La technique dans sa globalité coûte chère. Les investissements alloués à ce projet sont deux à trois fois supérieurs à ceux d’un chantier classique. Ils sont estimés par la Société Générale à plus de cinquante millions de dirhams. En 1923, la Société Générale s’installe au 84, boulevard Mohammed-V, après avoir quittée sa première agence installée dans l’ancienne médina, rue des Consuls, depuis 1913, date de son arrivée au Maroc. Témoin de la


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xxxxxxxx réhabilitation xxxxxx une ville laboratoire

Les travaux visent à réhabiliter le bâtiment datant du début du siècle, en mettant en place des solutions innovantes, permettant de conserver sa façade inscrite sur l’inventaire national des sites et des monuments historiques.

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Ci-dessus : vue du premier étage. Les ferronneries sont l’œuvre d’artisans italiens. Page de droite : lors d’une première rénovationtransformation, les arcades ont perdu leurs arcs dentelés au profit d’une structure porteuse plus sobre et géométrique.


naissance de la ville nouvelle, ce bâtiment est l’œuvre de l’architecte français Edmond Gourdain(1). Haut de quatre étages, avec une superficie de 3 126 m2, le bâtiment est un bel échantillon du style néo-mauresque. Jusqu’en 1979, il abritera le siège de la banque, avant que ce dernier ne soit transféré sur le boulevard Abdelmoumen. à partir des années 1990, plusieurs expertises sur la structure porteuse de l’édifice, menées par divers bureaux d’études, ont diagnostiqué l’état avancé d’oxydation des poutrelles métalliques constituant

l’ossature résistante des planchers, donnant lieu à son évacuation. Le projet en cours de chantier préserve la façade initiale à l’identique, malgré une transformation conséquente à l’intérieur. Le troisième étage abritera une galerie d’art, alors que les quatrième et cinquième seront dédiés à un centre de formation. Un bel exemple à suivre ! Inès Alaoui

1. Edmond Gourdain est arrivé en 1913 au Maroc. Il est également l’auteur de l’hôtel Transatlantique. Jusqu’aux années 1950, il réalisera à Casablanca, une vingtaine de bâtiments.

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xxxxxxxx patrimoine d’ailleurs xxxxxx une ville laboratoire

Casablanca à l’échelle mondiale Après l’inscription, en 2012, de Rabat au patrimoine mondial, quels sont les arguments que Casablanca peut avancer pour figurer, à son tour, sur la fameuse liste ? Petit tour de la question.

P

our être reconnu comme patrimoine mondial, un bien doit témoigner d’une valeur universelle exceptionnelle. Il doit répondre à au moins un des dix critères de sélection énoncés dans la charte de l’Unesco. Le second impératif est l’authenticité et l’intégrité du bien : il ne doit pas avoir été dénaturé. Sa demande d’inscription doit être argumentée. Le bien doit être juridiquement protégé de manière à présenter des garanties de conservation. L’inscription ne donne droit à aucune subvention sauf cas exceptionnel. Pourquoi donc la demander ? Elle donne une reconnaissance internationale à la ville. C’est, indéniablement, un atout pour attirer de nouveaux touristes : une hausse de 20 à 30 % de fréquentation est généralement enregistrée dans les sites inscrits. Le patrimoine architectural du xxe siècle est sous-représenté dans la liste des sites inscrits : sur près de 800 bien culturels, une dizaine seulement relèvent de l’architecture moderne. En 1987, Brasilia est la première ville du xxe siècle à être classée patrimoine mondial par l’Unesco. La capitale du Brésil est une œuvre gigantesque (11 296 ha), construite en un laps de temps record, entre 1956 et 1960. La ville porte la marque de deux personnalités : l’urbaniste Lucia Costa

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et l’architecte Oscar Niemeyer. En 2003, Tel-Aviv rejoint la liste. La ville a été construite à partir de 1919, dans un territoire alors encore sous domination britannique. L’urbaniste Patrick Geddes y a posé les bases de l’urbanisme moderne, permettant à de jeunes architectes, formés en Europe, d’y expérimenter leurs désirs avant-gardistes. une architecture moderne adaptée au climat

En 2005, c’est au tout de la ville du Havre de décrocher le titre. Entièrement détruite durant la seconde guerre mondiale, elle a été reconstruite dans les années 1950 par une équipe d’architectes dirigée par Auguste Perret, pionnier et grand maître en terme de construction en béton armé. En 2012, Rabat est la dernière à obtenir le statut tant convoité. Elle se distingue des deux villes précédentes par le fait qu’elle abrite deux unités imbriquées mais néanmoins distinctes : la médina à l’architecture arabo-andalouse multiséculaire et la ville nouvelle, née au xxe siècle. A l’évidence, c’est Tel-Aviv qui présente le plus de ressemblances avec Casablanca, que se soit par l’histoire ou l’idéologie ayant présidée leur création. Un des critères retenus pour l’inscription de la première est for-

mulé ainsi : « La ville blanche de Tel-Aviv est la synthèse, d’une valeur exceptionnelle, des diverses tendances du Mouvement moderne en matière d’architecture et d’urbanisme au début du xxe siècle. Ces influences ont été adaptées aux conditions culturelles et climatiques du lieu, de même qu’intégrées aux traditions locales(1) ». Des mots qui pourraient s’appliquer tel quel à la ville blanche marocaine. Pourtant, Casablanca possède ses caractéristiques propres qui méritent une place particulière. Comme l’ont si bien souligné Jean-Louis Cohen et Monique Eleb, Casablanca est « un livre à ciel ouvert de l’architecture mondiale de la première moitié du xxe siècle ». Plus qu’ailleurs et à une échelle inégalée, le mouvement art-déco y a développé des formes nouvelles, y associant, de façon originale, l’artisanat local. Brasilia et le Havre illustrent toutes deux l’architecture des années cinquante et ne peuvent, par conséquent, rivaliser avec la diversité et le métissage architecturaux que nous offre le centre-ville de Casablanca. Elles ont cependant comme point commun de participer aux utopies du Mouvement moderne. Deux arguments viennent renforcer la demande d’inscription de Casablanca au patrimoine mondial. Le premier est que, depuis 1994, l’Unesco cherche à réduire les inégalités dans la répartition géographique des sites. Or, le


Maroc appartient à la zone des « états arabes » qui est la moins dotée des cinq zones définies, avec seulement 7,5 % de sites classés. Le second argument est qu’un des principaux critères de sélection est le sentiment d’adhésion de la population locale à la démarche. Si l’on en croit les débats sur les réseaux sociaux, ainsi que l’affluence des Bidaouis aux différentes actions de

sensibilisation proposées par Casamémoire, l’intérêt pour le patrimoine architectural casablancais, loin d’être un phénomène de mode, est une prise de conscience durable.

En haut à gauche, détails de bâtiments du Hâvre. En bas à gauche, vue de Brasilia. En haut et en bas à droite, vues de Tel-Aviv. Ces dernières pourraient tout aussi bien représenter Casablanca.

YohaNn Bouin

1. Jean-Louis Cohen et Monique Eleb. Casablanca, mythes et figures d’une aventure urbaine. éd. Hazan/Belvisi.

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xxxxxxxx chronologie xxxxxx une ville laboratoire

Casablanca en quelques dates Préhistoire

Les découvertes archéologiques de Sidi Abderrahmane attestent d’un peuplement du site depuis la préhistoire. Il semblerait qu’Anfa était occupée par des pêcheurs berbères depuis l’Antiquité, époque à laquelle le site sert d’escale aux navires phéniciens en route pour les îles Purpuraires au large d’Essaouira.

VIII -XI siècle e

e

Anfa est la capitale du royaume berbère Kharéjite des Berghouatas, dans la région de la Tamesna qui deviendra la Chaouia. Le nom d’Anfa apparaît sous des orthographes très diverses dans les portulans et chez les cartographes. Certains y voient le mot arabe Anf qui signifie bec, nez ou encore promontoire, alors que d’autres y voient le mot berbère Anfa qui désigne la cime, la colline ou le sommet.

XIe siècle

Destruction de la ville par les Almoravides.

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XIIe siècle

Le géographe Al Idrissi décrit Anfa comme un port au commerce actif.

1350

Selon la légende, Sidi Allal Al Kairaouani, premier saint de la ville d’Anfa, serait arrivé à Kairouan. La koubba de son tombeau ne sera construite qu’au XIXème siècle.

XVe siècle

Les corsaires d’Anfa, port modeste et petit centre provincial, ne craignent pas de s’aventurer, suivant Léon l’Africain, jusque dans « la rivière de Portugal ». Anfa devient un chef lieu de province important que se disputent les Almohades et les Mérinides, puis les Mérinides et les Ouattasides. A la décadence de cette denrière dynastie, Anfa se contitue en petite république indépendante de corsaires.

1468

Une expédition portugaise commandée par l’Infant Don Fernando, frère du roi

Alphonse V, débarque sous les murs d’Anfa. Cinquante navires et 10 000 hommes d’élite font fuir les habitants. Les Portugais détruisent la ville. Il ne subsistera rien de l’antique Anfa.

Fin du XVIIIe

Anfa s’appelle Dar-El-Beïda ou Casablanca. Là encore, diverses hypothèses sur l’origine de ce nouveau nom.

1770

Après une éclipse de près de trois siècles – qualifiée de « non être » par André Adam – Casablanca renaît de ses cendres. Inquiet des visées des puissances chrétiennes, le sultan alaouite Sidi Mohamed Ben Abdallah dote la ville de nouvelles fortifications et construit une sqala (plate-forme à artillerie, dite aussi bastiyoun). Les nouveaux habitants de la ville sont originaires des Haha, de la région d’Agadir.

1786

Une société espagnole regroupant quatre


commerçants de Cadix obtient le monopole de l’exportation de grains par le port. Sidi Mohamed Ben Abdallah construit la mosquée Jamaâ El Kebir dont les travaux s’achèveront en 1795.

1799

Epidémie de peste.

1806

Moulay Slimane décide la construction d’un mellah pour la communauté israélite.

1830

Le Sultan Moulay Abderrahmane rouvre au commerce européen le port de Dar-El-Beïda fermé par Moulay Slimane suite à la rébellion des autorités de la province. Au milieu du XIXe siècle, une crise d’approvisionnement en laine et en blé en Europe va donner un nouvel essor à la ville. Les bateaux français, anglais et allemands viennent se ravitailler. Ce nouvel essor doit également beaucoup à l’avènement de la navigation à vapeur qui permet des liaisons plus rapides et plus fréquentes entre Casablanca et les principaux ports européens.

1836

Instauration d’une douane permanente. La ville compte 7000 habitants.

1839

Le premier Français à s’installer à Casablanca est Pierre Ferrieu, négociant en laine, originaire de Nîmes, venu commercer avec la tribu des Chaouïas.

1853

L’exportation des laines de la Chaouïa atteint 30 000 quintaux.

1856

Le traité anglo-marocain, en supprimant les monopoles institués par Moulay Abderrahmane « lève les principaux obstacles au développement du commerce extérieur ». On « vit en février jusqu’à 32 navires en rade de Casablanca », écrit André Adam. La communauté européenne ne compte que quinze membres.

1857

L’Angleterre nomme un viceconsul de carrière, huit ans plus tard, elle sera imitée par la France.

1876

Dar-El-Beïda est encore une simple étape sur la route FèsRabat-Marrakech. Quand il s’y arrête, le sultan Moulay Hassan Ier campe en dehors des murs de la ville, au milieu de sa mehalla.

ville, prélude à l’instauration du Protectorat. L’installation d’une voie ferrée transportant les matériaux à partir des Roches Noires pour la construction du port et traversant le cimetière de Sidi Belyout a provoqué la colère des habitants. Le 5 août, la ville est bombardée à partir du Galilée dont les marins débarquent. La « ville sans citadins » selon l’expression André Adam, s’inscrit dans un périmètre de 60 hectares et compte 200 habitants.

1908

Casablanca concentre 20% du trafic des ports marocains. Construction d’un poste TSF à l’ouest de la médina : on peut désormais correspondre directement avec la France.

1910

Le premier syndicat ouvrier marocain est créé par un Français, un certain Lendrat.

1911

1905

On recense 570 Européens, dont plus de la moitié sont espagnols, établis à Casablanca.

La Magana ou Tour de l’Horloge, est érigée dans les remparts de Bab el Kébir par le commandant Dessigny. Symbole de modernité, elle donne son nom à la rue qui se trouve dans son axe, aujourd’hui la rue Ben Abdallah.

1906

1912

L’acte d’Algésiras prévoit la création du port de Casablanca, dont le trafic dépasse déjà celui de Tanger.

1907

Le 30 juillet, des incidents fournissent le prétexte à l’intervention militaire française qui entraînera l’occupation de la

Signature du traité du Protectorat au mois de mars. Lyautey, premier Résident général (de 1912 à 1925) prend la décision, très controversée, de créer le grand port de Casablanca (140 ha, 2 jetées : l’une de 1900 mètres perpendiculaire au rivage, l’autre transversale de

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550 mètres). Il en défend l’idée à Paris devant le gouvernement. Premier plan d’aménagement de Casablanca dresse par Tardif, ingénieur-géomètre qui dessine l’emprise du boulevard circulaire, décision dont les conséquences seront déterminantes pour le futur.

1913

Le 23 mars, un raz-de-marée interrompt les travaux d’aménagement du port. Promulgation d’un Dahir « relatif à l’organisation des commissions municipales dans les ports de l’Empire chérifien » instituant une commission composée de six fonctionnaires, dont huit Français et six Marocains. En décidant d’installer la Résidence à Rabat, Lyautey provoque le mécontentement de la colonie française de la ville la plus importante du Maroc. Casablanca est décrite par un auteur de l’époque, Maurice Zimmermann, comme « un océan de cahutes, une sorte de banlieue indéfinie d’une grande ville encore absente ». La spéculation sur les terrains, bien qu’encore naissante, fait tourner la tête de plus d’un colon. Un terrain acheté 0,05 F le mètre en 1908, se revend à 317 F !

1914

A la « ruée vers le Maroc », amorcée depuis les accords franco-allemands de 1911, s’ajoute celle sur Casablanca. La population étrangère est estimée à 31 000 personnes (15 000 Français, 6 000 Espagnols, 7 000 Italiens et 300 Allemands). De l’intérieur

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affluent, les bourgeois fassis, les paysans et les juifs des villes côtières (notamment d’Essaouira) détrônées par l’essor du port de Casablanca. L’extension rapide et incontrôlée de la ville exige la mise en place urgente d’une réglementation. En février 1914, le secrétaire général du Protectorat nomme Henri Prost, urbaniste, à la direction d’un Service spécial d’architecture et des plans des villes : première administration dans l’histoire de l’urbanisme. Parallèlement aux services officiels, un groupement d’intérêts privés (le Syndicat des intérêts français et la Société pour le développement de Casablanca) fait appel à un autre urbaniste : DonatAlfred Agache, dont les travaux resteront sans suite.

1915

Organisation de l’exposition franco-marocaine à l’emplacement actuel du Marché central. On y expose les premiers plans d’aménagement de la ville réalisés par Henri Prost durant la première guerre mondiale. Lyautey veut faire la publicité de sa politique de grands projets au Maroc auprès des publics marocain et français. Le pavillon de la ville de Rabat, construit par l’architecte Gosset, sera démonté et déplacé dans le parc où il prendra l’appellation de Palais des conférences.

1916

Construction du phare El Hank dont les superstructures sont dessinées par Albert Laprade.

1915-1917

Henri Prost élabore les plans d’aménagement de la ville qu’il veut concentrique par rapport au port et épousant le tracé du boulevard circulaire. Ce travail d’urbanisme et son application constitueront un modèle à l’échelle internationale.

1917-1919

Aménagement du parc Lyautey (aujourd’hui Parc de la Ligue arabe) par Albert Laprade. Les travaux seront exécutés par un contingent de prisonniers allemands.

1921

Le périmètre municipal atteint 2450 ha. Le premier recensement effectué au Maroc établit la population casablancaise à 62 000 Marocains et 35 000 étrangers.

1922

Construction des abattoirs par l’architecte Desmarest. Les médecins du service d’hygiène de la ville recommandent de rassembler dans un même quartier toutes les prostituées juives et musulmanes. Les architectes Cadet et Brion construisent ce nouveau « quartier réservé » dans l’esprit du quartier des Habous tout proche, au sud du Derb Carlotti. « Bousbir » est né. Déformation du prénom Prosper qui désignait à l’origine des terrains appartenant à Prosper Ferrieu où s’étaient installées de nombreuses maisons closes, à l’ouest de l’ancienne médina. Bousbir sera fermé en 1954.


1923

Construction de la gare dite Casa Voyageurs.

1925

1937

Epidémie de Typhus.

1942

On invente à Casablanca, le terme « bidonville » pour désigner un habitat précaire et misérable où s’entasse la population rurale fraîchement arrivée. Les « bidonvilles » sont concentrés principalement aux alentours de la route de Médiouna dans le quartier des Carrières Carlotti.

Bombardement de la ville par les Forces alliées. L’opération « Torch » fait 1000 morts en trois jours. Débarquement des troupes américaines. Casablanca accueille des réfugiés de toutes les origines fuyant l’Europe en guerre. Casablanca, le fameux film de Mickael Curtiz, avec Humphrey Bogart et Ingrod Bergman, entièrement tourné en studio à Hollywood, inscrit en lignes d’or Casablanca dans l’histoire du cinéma. Le projet d’aménagement et d’extension de la ville est confié à Alexandre Courtois. Les travaux ne verront jamais le jour.

1934

1943

La mission du maréchal Lyautey prend fin. Il embarque pour Marseille le 10 octobre à bord du paquebot Anfa, de la compagnie Paquet, sous les ovations d’une immense foule.

Fin des années 1920

Inauguration, le 14 juillet, de la piscine municipale creusée dans les rochers. Elle totalise trois bassins d’une longueur de 350 mètres, alimentés en eau de mer, ce qui en fait l’une des plus longues du monde. Elle sera remblayée en 1986.

1935

Inauguration du cinéma Vox de l’achitecte Marius Boyer, un des plus grands d’Afrique avec 2000 places. Il sera détruit à la fin des années 1970.

1936

Casablanca supplante Marrakech comme première ville du royaume : 257 000 habitants contre 190 000. Le périmètre municipal atteint 9 435 ha.

Du 14 au 23 janvier, Casablanca est le siège de la Conférence d’Anfa à laquelle participent Winston Churchill, Franklin Roosevelt, De Gaulle et Giraud. Les réunions ont lieu dans la villa Dar es Saada, et à l’hôtel d’Anfa. Des décisions militaires cruciales devaient y être prises consécutivement au succès du débarquement allié en Afrique du nord. C’est au cours de cette conférence que fut annoncé par Roosevelt, le principe de la reddition inconditionnelle de l’Allemagne, du Japon et de l’Italie. Joséphine Baker chante au Rialto pour les troupes américaines.

1946

Erik Labonne, Résident général fait venir l’urbaniste Michel

Ecochard comme directeur du Service de l’urbanisme. Imbu des principes de la charte d’Athènes (rédigée par Le Corbusier, à l’issue du Congrès international d’architecture moderne, tenu à Athènes en 1933), Ecochard propose, en 1951, dans le Rapport préliminaire sur l’aménagement et l’extension de Casablanca, un plan d’extension linéaire le long de la côté qui reliera les deux pôles portuaires de Casablanca et de Mohamedia, bordé par la création de l’autoroute casaRabat. De 1946 à 1952, il mènera la bataille du logement social face aux intérêts du grand capital. Ses plans de zoning sont approuvés en 1952 et resteront en vigueur jusqu’à la fin des années 1970. Il est démis de ses fonctions en décembre 1952 par le Général Guillaume. Il exercera une grande influence sur la nouvelle génération d’architectes qui entrent en scène à l’Indépendance.

1948

Destruction de la Tour de l’horloge en prévision de l’ouverture sur l’avenue des F.A.R. Elle sera reconstruite en 1996 à un emplacement différent.

1949

La densité de l’hectare intra-muras est de 1 387. La population israélite y est prédominante : 43 000 contre 25 000 de musulmans.

1950

Construction de l’Immeuble Liberté par l’architecte Léonard

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Morandi. Ses 17 étages en font le plus haut bâtiment de Casablanca avec 78 mètres. Construction de la gare dite de Casa-Port par Courtois (Grand Prix de Rome).

1958

1952

On recense 1 000 000 habitants. La ville compte déjà 1 100 km de chaussées, 650 km d’égouts, 834 km de conduites d’eau et un réseau électrique de 1 151 km.

On recense 682 000 habitants. Novembre : suite au mot d’ordre de grève décidé au lendemain de l’assassinat du leader syndicaliste tunisien Ferhat Hachad, des émeutes ont lieu aux Carrières centrales. La répression est orchestrée par le Chef de région, Boniface. On comptera un millier de morts et l’arrestation de nombreux dirigeants nationalistes.

1953

La « crise marocaine » provoque un reflux de l’investissement immobilier et de la construction qui ne s’atténuera qu’à partir de 1958. Le 24 décembre, une bombe explose au Marché central.

1955

Découverte archéologique à Casablanca de l’Atlanthrope, vieux de 400 000 ans. Le site de Sidi Abderrahamane est aujourd’hui classé. Mars : 48 attentats à la bombe en 15 jours environ (20 morts). Assassinat de Jacques Lemaigre-Dubreuil, industriel anti-colonialiste devant l’immeuble Liberté où il habitait. Il donne son nom à la place. Casablanca se vide peu à peu de sa population étrangère.

1956

Proclamation de l’Indépendance du Maroc.

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Le 11 juin, un violent incendie détruit le Derb Jdid laissant près de 2 500 familles sans abri.

1960

1963

Le périmètre municipal passe à 31 360 ha, s’accroissant ainsi de 21 925 ha en 27 ans.

1965

Les 22, 23 et 24 mars : émeutes de lycéens et d’étudiants. Quatre jours de couvre-feu. L’état d’exception est mis en place jusqu’en 1970.

1971

On recense 1 500 000 habitants. Destruction des arènes de Casablanca construites en 1930. Outre les corridas, elles avaient abrité de nombreux événements sportifs (combat de boxe, courses de stock-car, Holiday on Ice, …) et accueilli une foule de chanteurs de variétés.

1972

Destruction de l’hôtel d’Anfa, situé au sommet de la colline et construit par Marius Boyer en 1938.

1976

30 septembre : la charte communale institue la création de la Communauté urbaine de Casablanca comprenant cinq

communes urbaines : Ain Diab, Ain Chok, Mers-Sultan, Ben M’Sick et Ain Sebaâ.

Fin des années 1970

Destruction du bâtiment des Galeries marocaines (ex-Galeries Lafayette, magasins Paris-Maroc) qui avait été construit en 1914 par l’architecte Hippolyte-Joseph Delaporte et les frères Auguste et Gustave Perret. Le cinéma Vox, mitoyen, subit le même sort.

1981

20 juin : la hausse des produits de première nécessité déclenche une grève générale et des émeutes sévèrement réprimées. On compte officiellement 60 morts, 600 officieusement et plus de 2000 arrestations. Juillet : création de cinq préfectures coiffées par une structure de coordination, la wilaya du Grand Casablanca.

1982

Jeux méditerranéens. On recense 2 200 000 habitants.

1984

Destruction du théâtre municipal, construit en 1922 par Delaporte. Le nouveau schéma directeur pour l’aménagement de Casablanca est confié à l’architecte-urbaniste Michel Pinseau qui diagnostic les dysfonctionnements de la législation intouchée depuis 1950, il reprend cependant le parti linéaire le long du littoral qu’avait élaboré Michel Ecochard en 1951. Création de l’Agence urbaine


chargée de l’application de ce nouveau schéma directeur

1985

Feu Sa Majesté Hassan II reçoit le Pape Jean-Paul II au Stade d’honneur. Publication d’un livre de photo sur l’architecture de la ville Casablanca, de Jean-Michel Zurflüh. C’est le premier ouvrage du genre à attirer l’attention du public sur le patrimoine de la ville.

1986

Pose de la première pierre de la grande mosquée Hassan II à l’emplacement de l’ancienne piscine municipale. Le projet est confié à Michel Pinseau.

mûriers, construite en 1928 par Marius Boyer. Ces destructions choqueront beaucoup de Casablancais alertés par la disparition de leur patrimoine. Création de Casamémoire, association marocaine à but non lucratif de sauvegarde du patrimoine architectural du xxe siècle. Elle regroupe des membres réunis autour de valeurs communes : préservation de la spécificité de Casablanca, valorisation du patrimoine architectural, du tourisme culturel et de la mémoire collective.

1996

Mise en place des plans d’aménagement communaux. Face à la crise des transports en commun, on introduit des sociétés privées d’autobus.

Premières destructions des quartiers situés à l’emplacement de la future avenue Royale. Les habitants sont en partie déplacés vers les nouvelles réalisations de la cité Nassims, au sud de la ville.

1993

1997

1989

Le 30 aout, feu SM le Roi Hassan II inaugure la mosquée. Son minaret culmine à 200 mètres. Elle peut accueillir 25 000 fidèles.

1994

On recense 3 000 000 d’habitants.

1995

Destruction de la villa Benazeraf, sise rue d’Alger, construite en 1928 par l’architecte Marius Boyer. Elle a fait place à l’extension du siège du siège de la B.C.M et un espace d’exposition, la galerie Actua. Destruction de la villa du Grand Vizir Mokri à Anfa, allée des

Création de la Région du Grand Casablanca dont la superficie est de 86 896 ha. Elle comprend désormais 9 préfectures, 29 communes urbaines et 6 communes rurales. L’Institut français de Casablanca, dirigé alors par Alain Bourdon, organise une exposition d’art contemporain « Carte blanche à Bellamine » dans une villa des années 1930 désaffectée, située sur le boulevard Roudani. Celle-ci abritera, une fois restaurée à l’identique, le musée de la Fondation ONA qui ouvrira ses portes en 1999. Il s’agit de la première initiative de réhabilitation d’un bâtiment bâtiment à Casablanca.

1998

Edification des tours TwinCenter par le groupe ONA, sur le boulevard Zerktouni. La plus haute des tours (28 étages) est l’oeuvre de l’architecte Ricardo Boffil, assisté d’Elie Mouyal. Novembre : parution du livre « Casablanca, mythes et figures d’une aventure urbaine », de Monique Eleb et Jean-Louis Cohen, aux éditions Hazan/ Belvisi. C’est le résultat, très documenté d’un travail de longue haleine qui s’attache à démontrer l’importance de « l’expérience Casablanca » dans l’histoire de l’architecture et de l’urbanisme de la première moitié du xxe siècle.

2000

Février : exposition « Casablanca, mémoires d’architectures » à la Villa des Arts, de Monique Eleb et JeanLouis Cohen. Précédemment présentée à Paris, l’exposition a remporté durant trois mois, un succès sans équivalent au Maroc, montrant ainsi l’attachement du public casablancais à son patrimoine. Juillet : première inscription d’un bâtiment casablancais à l’inventaire des Monuments historiques, il s’agit de la façade de l’immeuble Bessonneau dit « Hôtel Lincoln » construit sur le boulevard Mohammed V, par l’architecte Hubert Bride.

2003

Inscription sur l’inventaire national des sites et monuments historiques de l’Aquarium et des anciens Abattoirs, suivront jusqu’en 2006, 46 autres bâtiments. Décès de Jean-François

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Zévaco, architecte français qui a œuvre toute sa vie au Maroc (les ateliers VT, la Villa Sami Suissa, la Villa Rosilio, la Mosquée Assouna, …).

2005

Fermeture de l’aéroport d’Anfa pour être reconverti en nouveau quartier (40 hectares).

2006

Mise en place d’un programme de développement urbain avec notamment l’étude d’un plan de mobilité urbain.

2008

Présentation du nouveau schéma directeur de Casablanca. Première édition des Journées du Patrimoine, organisée en partenariat avec le Ministère de la Culture, la Ville de Casablanca, l’Institut Français de Casablanca et Casamémoire. Pour la première fois, les Casablancais peuvent suivre des visites guidées de l’ancienne médina, du centreville et des Habous, et entrer dans les bâtiments de la place Mohammed V (Poste, Banque, Tribunal, Consulat de France et Wilaya).

2009

23 janvier : décès du premier architecte marocain, Elie Azagury, à l’âge de 90 ans. Cet illustre architecte est l’auteur du plan d’aménagement de Hay Hassani (Derb Jdid) et a participé à la reconstruction d’Agadir. Février : suite aux intempéries hivernales et à cause des procédures judiciaires qui duraient depuis 15 ans, l’angle

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nord-ouest de la façade de l’immeuble Bessoneau, dit « l’hôtel Lincoln », s’effondre. Le bâtiment appartient désormais à la ville après son expropriation par la justice. 11-12 avril : préfiguration des anciens Abattoirs en Centre National des Arts. Organisation des Transculturelles qui ont regroupé plus de 250 artistes et des milliers de spectateurs.

2010

Août : visite royale, début du chantier de réhabilitation de l’ancienne médina. Octobre : lancement du premier cycle de conférences de l’Université Populaire du Patrimoine. Une fois par mois, un intervenant marocain ou étranger vient présenter une problématique liée au patrimoine historique et culturel.

2011

Février et Mars : exposition « Abysses » dans l’ancien Aquarium de Casablanca, organisée dans le cadre de la saison culturelle France-Maroc et précédemment présentée au Muséum national d’histoire naturelle de Paris, HongKong, Luanda, Taêi, Ping Tong, Shangai, …

2012

12 décembre : inauguration et mise en service de la première ligne de tramway qui relie Sidi Moumen à Aïn Diab et aux Facultés.

2013

Décembre : inscription de l’ancienne médina à l’inventaire national des sites et

monuments historiques. Inscription de Casablanca sur la liste indicative du patrimoine mondial de l’Unesco. Avril : 100e anniversaire de la création du port

2014

14 Février : signature d’une convention entre la Wilaya du Grand Casablanca et de l’association Casamémoire qui renforce la coopération étroite établie depuis plusieurs entres les services de ces deux institutions. Cette collaboration se traduira par l’élaboration commune du dossier de demande d’inscription de Casablanca sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco, et sa soumission dans un délai d’une année. Avril : 61 bâtiments ont été inscrits à l’inventaire national des sites et monuments historiques, autant sont en cours d’inscription par Casamémoire.






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