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La nouvelle vie de Dar El Kitab
Vue de l’escalier étroit et coudé, aux marches en carreaux de ciment en damier bordées de bois, caractéristique des habitations néoarabo-andalouses.
Respectueuse de l’existant, la restaurationréhabilitation de cette maison signée Cadet et Brion, située au cœur de la cité des Habous, a donné un bel espace d’art aux allures muséales.
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Vue du premier étage. A noter, l’originalité du motif du carrelage. Un raccord au sol laisse deviner une cloison abattue entre le palier et la pièce centrale. Dépouillées de leurs battants, les ouvertures exhibent la majesté des arcs en plein cintre. Détail pittoresque, le cadre en bois de la porte du fond à la découpe orientalisante.
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La maison (un R+2 sur arcades) s’avance sur la place. A droite, la Mahkama –aujourd’hui siège de la Région –, ses hauts murs percés d’étroites ouvertures, ses nombreuses tourelles coiffées de toitures polygonales en tuile verte vernissée. A gauche, la Mosquée Ben Youssef flanquée de son fier minaret. En face, le square, soigneusement entretenu. Bienvenue à l’Espace culturel Dar El Kitab, cité des Habous, rue Impériale – dite rue des Librairies. Le rez-de-chaussée est entièrement occupé par la librairie. Les larges vitrines éclairent d’une lumière indirecte le sol en granito ocre jaune, quadrillé de petits carreaux chocolat et encadré de noir. Les rayonnages accueillent des ouvrages d’art et autres beaux-livres se rapportant au Maroc, en direction, notam ment, des nombreux touristes fréquentant régulièrement le quartier.
Ci-dessus, une des nombreuses petites salles d’exposition. Page de droite, la librairie aux larges baies donnant sur la place. Le bois clair des rayonnages s’accorde au sol en granito ocre jaune, quadrillé de marron et encadré de noir.
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Pour accéder aux étages dédiés aux expositions, on emprunte un escalier coudé et étroit, comme il se doit dans une construction néo-arabo-andalouse au style prononcé bien qu’épuré.
un motif en étoile octogonale d’une simplicité sophistiquée Les carreaux de ciment sont d’origine. Le motif, typique, en damier noir et blanc, alterne avec un second, moins commun, en étoile octogonale, d’une simplicité sophistiquée. L’ensemble semble fraîchement imaginé par un jeune designer branché, porté sur la mode vintage. Les bordures en bois des marches ont été simplement revernies ainsi que les menuiseries des fenêtres. Les battants des portes ont disparu, laissant voir, dans leur élégante nudité, les arcs en plein cintre. La succession des pièces, des halls et des alcôves aux différentes hauteurs de plafonds donnant des sonorités variées ; la lumière du jour, tantôt pleine, tantôt tamisée, selon l’ex
position; la fluidité de circulation, le jeu des proportions souligné par le mobilier rare et discret, donnent un remarquable cachet muséal à l’espace général, somme toute modeste – quelque 600m 2 . Du haut de la terrasse aménagée, la vue est imprenable sur cette étonnante nouvelle médina qu’est la cité des Habous, rêverie arabo-andalouse construite, entre les années 1920 et 1950, par ces architectes et urbanistes surdoués qu’étaient Edmond Brion et Auguste Cadet. Fondée en
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Ci-contre, un coin détente. Le mobilier, sobre et discret, participe à l’esthétique monacale des lieux. Page de gauche, du haut de la terrasse élégamment aménagée, la vue est imprenable sur la cité.
1948, par une famille de notables, proche du makhzen, la librairie-maison d’édition Dar El Kitab (Maison du livre, en arabe) a alimenté en livres scolaires, littéraires ou traitant de sciences sociales, des générations d’étudiants, d’enseignants et d’intellectuels casablancais.
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un quartier préservé, propice à des projets à caractère culturel
Après une longue période de déclin puis d’hibernation, l’établissement, judicieusement réorienté en librairie-galerie d’art, renaît de ses cendres, moyennant un aménagement à moindre frais, tirant le meilleur parti de l’existant. Initié par Sophie Benkirane (voir repor tage p. 14), le chantier a été terminé par Kristi Jones, actuelle directrice des lieux. On se prend à rêver. Et si, par un miraculeux effet de contagion, d’autres projets à caractère culturel venaient à s’installer dans ce quartier – le plus pittoresque, le plus piéton et le mieux préservé de la ville ? Un quartier où se côtoient, de surcroit, quotidiennement et en toute quiétude, les populations les plus diverses socialement et ethniquement. Ce serait bien, non? w