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Un bistrot rafraîchissant
Un coup de vernis, un coup de peinture, quelques photos, quelques tapas et voilà-t-il pas qu’un vieux troquet se transforme en spot branché.
Achaque Ramadan – mois de congé imposé aux débits de boissons – les amoureux de vieux troquets casablancais croisent les doigts. C’est, en effet, le moment de l’année que nombre de propriétaires de ces établissements mettent à profit pour entreprendre d’importants travaux de « rénovation ». Travaux pour la plupart dispendieux, débouchant souvent sur un résultat navrant. Du jour au lendemain, des décors, maladroits et clinquants, vident littéralement de leur âme des lieux de mémoire, témoins d’une certaine sociabilité urbaine. On pense, ici, à La Comédie, au Marcel Cerdan ou à La Corrida.
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de 1942 à aujourd’hui Rafraîchir un vieux bistrot, tout en lui préservant son cachet, n’est pourtant pas mission difficile. Le bar Le Titan, modeste établissement du boulevard Hassan-Seghir, en est une très jolie illustration.
Page de gauche, photo de «famille» du Titan, circa années 1950.
Au centre, de profil, le grandpère Betti. Ci-contre et double page suivante, clichés illustrant la mixité générationnelle et sociale, caractérisant la clientèle actuelle.
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Rafraîchir un vieux bistrot à moindre frais, en préservant son cachet, peut s’avérer très payant.
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Repris en 1942 par Françoise et Nonce Betti, un couple de Corses, le bistrot est resté dans la famille jusqu’à aujourd’hui. Pour la petite histoire, sachez que le grand-père Betti confectionnait son propre pastis 51 degrés, à une époque où seul le 16 degrés était autorisé. Son fils, lui, était connu pour transformer sa cave, à l’occasion, en tripot clandestin. Enfin, pour parfaire le tableau, apprenez qu’un certain Barthélémy (dit Mémé) Guérini, célèbre gangster corse opérant dans les années 1950, y avait ses quartiers.
des murs en vert anglais Au décès de Jean-Louis Betti en 2010, Dominique, son épouse, reprend l’affaire, bientôt rejointe par une de ses filles, la jeune Jessica. Ensemble, elles entreprennent de donner un coup de frais au lieu qui, il faut bien l’avouer, avait beaucoup perdu de sa splendeur. Installées dans l’ancienne cave, les toilettes du fond sont rem placées par une cuisine flambant neuf. Un bon coup de vernis ravive aussi bien l’antique comptoir en bois massif que les lambris, tables et chaises d’époque. Les murs, repeints dans un vert anglais, sont animés de photographies d’icônes cinématographiques classiques (Brando, Maryline, James Dean,…) et autres pin-ups. Une carte de tapas variée achève d’attirer une faune hybride, composée de jeunes bobos ( journaleux, pubards, expats) se mêlant, dans un bel esprit de mixité, aux anciens clients de la maison. w
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Photos de gauche, le vert anglais appliqué aux murs fait ressortir les boiseries d’époque (comptoir, lambris, mobilier de bistrot). A droite, le troquet sert, à l’occasion, de décor à des shootings tendance, comme cette photographie publiée dans le mensuel féminin Icônes.
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