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DU
GRAND PARIS #4 LE MAGAZINE D’INFORMATION TRIMESTRIEL DU GRAND PARIS
À LA UNE
UNE NOUVELLE ARCHITECTURE DU TERRITOIRE URBA LE LOGEMENT DANS LE GRAND PARIS
SOCIÉTÉ SIX MILLIONS DE GRANDPARIS IENS ET MOI ET MOI ET$MOI
5,90 € Septembre 2014
CULTURE LA GALERIE, ISEEN UN CENTRE D’ART NO AU RAYONNEMENT INTERNATIONAL
EDF 552 081 317 RCS PARIS, 75008 Paris – Photo : Rob Payne
EDF CONÇOIT LE FUTUR RÉSEAU DE RECHARGE AUTOMOBILE Nous déployons des réseaux de bornes de recharge et nous concevons des batteries plus performantes pour circuler autrement. D’ici 2015, 5 000 bornes de recharge électrique seront installées partout en France. En partenariat avec les constructeurs automobiles, nous faisons entrer le véhicule électrique dans la ville. collectivites.edf.com L’énergie est notre avenir, économisons-la !
VERS LES MÉTROPOLES FRANÇAISES On pourra lire au sommaire de ce numéro la tribune tenue par Bertrand Lemoine, ancien directeur général de l’Atelier international du Grand Paris, au sujet de la reconfiguration du territoire français. À ces problématiques cartographico-identitaires s’ajoute le pamphlet d’Yves Schwarzbach, qui appelle à formuler un solide projet de vie pour la nouvelle métropole francilienne. Côté urbanisme, c’est un retour sur le problème du logement au sein du Grand Paris qui est opéré en parallèle d’un entretien avec Emmanuel Launiau, directeur général d’OGIC. Côté Petite Couronne, Didier Paillard, maire de Saint-Denis, nous présente les perspectives d’avenir de sa commune, tandis que La Galerie, le Centre d’art contemporain de Noisy-le-Sec, nous fait visiter ses locaux et sa programmation, prouvant que « petitesse » ne rime pas forcément avec « étroitesse » (d’esprit, d’ouverture, de rayonnement…). Côté territoires, ce sont le Val-de-Marne, Paris-Saclay et Euralille 2 qui se dévoilent.
Euralille 2 inaugure d’ailleurs une nouvelle rubrique, « Les métropoles françaises », repoussant toujours les limites de nos analyses.
Marc Sautereau, directeur de la publication Le quartier du Bois habité à Lille, par l'agence François Leclercq, détail du Vérose (lot E2), par Dominique Perrault Architecture © Takuji Shimmura
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SOMMAIRE
ACTUS LE GRAND PARIS EN CHIFFRES À LA UNE
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UNE NOUVELLE ARCHITECTURE DU TERRITOIRE
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Bertrand Lemoine prend position face à la réorganisation du territoire national.
URBA
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LE LOGEMENT DANS LE GRAND PARIS Virginie Picon-Lefèbvre revient sur l'histoire du logement dans le Grand Paris et sur ses perspectives de développement.
SOCIÉTÉ
SIX MILLIONS DE GRANDPARISIENS ET MOI ET MOI ET MOI
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Yves Schwarzbach récidive et appelle la Ville-monde grandparisienne à formuler un projet de vie.
PAROLE D’ÉLU
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DIDIER PAILLARD, maire de Saint-Denis
PROMO IMMO EMMANUEL LAUNIAU, OGIC
VIE DES ENTREPRISES
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ENTRETIEN AVEC JACQUES BAGGE, John Lang LaSalle France
CULTURE
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LA GALERIE, UN CENTRE D’ART NOISÉEN AU RAYONNEMENT INTERNATIONAL
LES TERRITOIRES CONSTITUTIFS DU GRAND PARIS LE VAL-DE-MARNE, PARIS-SACLAY
LES MÉTROPOLES FRANÇAISES EURALILLE 2
Directeur de publication, éditeur : Marc Sautereau m.sautereau@bookstorming.com
Publicité : Vincent Delegue v.delegue@bookstorming.com
Conception graphique : Chloé Gibert-Sander
Rédacteurs : Armelle Barret, Danielle Béna, Delphine Désveaux, Alexandra Fau, Emmanuelle Graffin, Andreina Guenni, Bertrand Lemoine, Virginie Picon-Lefèbvre, Catherine Sabbah, Yves Schwarzbach.
Mise en page : Adelyne Lefort a.lefort@bookstorming.com Laura Gandon Coordinatrice éditoriale et secrétaire de rédaction : Solveig Placier s.placier@bookstorming.com
Rédaction : Centralités du Grand Paris 49, boulevard de la Villette, 75010 Paris Tél : 00 33 (0)1 42 25 15 58 www.centralites.com
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Abonnement : Bulletin d’abonnement en page 104 Diffusion : MLP en kiosques Trimestriel. Le numéro : 5, 90 € Dépôt légal : à parution le 15 septembre 2014 CPPAP : 0615 T 92356
Centralités du Grand Paris est édité par Bookstorming
N°4 – septembre 2014 Le magazine décline toute responsabilité pour tous les manuscrits et photos qui lui sont envoyés. Les articles et photos publiés n’engagent que leurs auteurs. Tous droits de reproduction réservés. Prochaine sortie : décembre 2014
www.centralites.com En couverture le projet M07, rue Chevaleret, Paris, par l'agence Brenac & Gonzalez, 2006 © Stefan Tuchila
ACTUS Andreina Guenni
EXPOSITION BERNARD ZEHRFUSS (1911-1996) FORME PUBLIQUE 2014
Sous-titrée « Poétique de la structure », l’exposition est l’occasion de redécouvrir le travail de l’architecte Bernard Zehrfuss, l’une des figures majeures de l’architecture des Trente Glorieuses, père du CNIT de La Défense (1958). Son travail, dans la lignée des rationalistes, est marqué par la modernité et remarquable par les solutions techniques novatrices adoptées.
La deuxième biennale de création de mobilier urbain de La Défense organisée par Defacto investit le quartier d’affaires. Cet événement met en avant les projets de mobilier urbain et installations de jeunes créateurs sélectionnés par un jury de professionnels. Cette année, quatre thématiques sont proposées : « tapis d’éveil », « parcours musclé », « seuil partagé » et « préparation à l’action ». L’occasion aussi, pour le public, de tester ces innovations grandeur nature pendant un an.
Jusqu'au 13 octobre Tous les jours sauf le mardi de 11 h à 19 h, le jeudi jusqu’à 21 h Cité de l’architecture & du patrimoine Palais de Chaillot 7, avenue Albert-de-Mun, Paris 16e (M° Trocadéro)
Entrée libre. À partir du 12 juin et jusqu’au 30 juin 2015. Site de La Défense (92) www.ladefense.f
Centre national des industries et des techniques, Paris-La Défense, 1952-1958, vue de la voûte en cours de chantier, cliché Jean Biaugeaud, AA, CAPA, Centre d’archives d’architecture du XXe siècle © AA/CAPA/Archives d’architecture du XXe siècle/Jean Biaugeaud
ATELIER NUMÉRIQUE : « QUOI DE NEUF SUR NOS TABLETTES ? » Organisé par l'Ordre des architectes d'Île-de-France, l'atelier et la conférence « Quoi de neuf sur nos tablettes : architecture numérique et mobilité ? » aura lieu le mercredi 1er octobre 2014 à la Maison de l'architecture en Île-de-France. Entretiens et présentations avec des spécialistes des outils numériques seront présentés pour les architectes intéressés. Mercredi 1er octobre 2014 Maison de l'architecture en Île-de-France 148, rue du Faubourg Saint-Martin - 75010 Paris EXPOSITION FRANK GEHRY Dans le cadre de l'inauguration de la Fondation Louis-Vuitton pour la création, conçu par l'architecte Frank Gehry, le Centre Pompidou présente, pour la première fois en Europe, une rétrospective de l'œuvre de ce maître, l'une des plus grandes figures de l'architecture contemporaine. Du 8 octobre 2014 au 5 janvier 2015 Centre Pompidou Galerie Sud Place Georges-Pompidou - 75004 Paris (Mo Rambuteau) © 2014 Martin Crook pour Tiffany & Co.
35E RENCONTRE DES AGENCES D'URBANISME La prochaine édition de la rencontre annuelle des agences d'urbanisme a choisi pour thème : « À la recherche du bien commun territorial – pour des politiques innovantes ». Les enjeux écologiques, économiques et numériques autour de la notion de bien commun seront les pôles à développer à travers ateliers, tables rondes, débats et visites. Les 17 et 18 novembre 2014 Le 104, 5, rue Curial - 75019 Paris www.fnau.org © FNAU
7 FONDATION LOUIS VUITTON L'ouverture au public de la Fondation Louis Vuitton est prévue le lundi 27 octobre 2014. À l'initiative de Bernard Arnault, le PDG de LVMH, le bâtiment a été conçu par l'architecte américain Frank Gehry, un véritable nuage de verre intégré au jardin d'acclimatation à Paris, au nord du bois de Boulogne. Des galeries d'exposition dédiées aux collections permanentes et temporaires, ainsi qu'un auditorium modulable pour l'accueil des manifestations pluridisciplinaires constituent les espaces de ce lieu pour la création contemporaine. 8, avenue du Mahatma Gandhi - 75116 Paris © Fondation Louis Vuitton / Iwan Baan
LA RECYCLERIE DE LA GARE ORNANO PAR L’OFFICE PARISIEN D’ARCHITECTURE L’ancienne gare Ornano de la petite ceinture, dans le 18e arrondissement parisien, a rouvert ses portes cet été. L’Office parisien d’architecture a mené la réhabilitation de la station de la fin du xixe siècle au côté du paysagiste Philippe Peiger. L’espace change de vocation et va désormais être occupé par La REcyclerie. Bar, restaurant, animations, le lieu a pour thématique le développement durable et la récup’. Un nouvel espace de convivialité pour ce quartier. Plus d’informations sur www.sinnyooko.com et www.officeparisiendarchitecture.com 83, boulevard Ornano - 75018 Paris © Office parisien d’architecture
« PATRIMOINE CULTUREL, PATRIMOINE NATUREL » 20 et 21 septembre 2014
La 31e édition des Journées européennes du patrimoine sera l'occasion d’ouvrir l'horizon de celui-ci grâce à une thématique évoquant les liens unissant toutes ses formes à l'environnement qui les recueille. C’est également reconnaître une définition plus large de l’objet patrimonial en l’ouvrant à celle du site ou du paysage. Affiche réalisée par l'agence de graphisme ©Intégral Ruedi Baur
LE GRAND PARIS EN CHIFFRES
6,7 MILLIONS :
C'EST LE NOMBRE D'HABITANTS AU SEIN DE LA MÉTROPOLE PARISIENNE
1 400 :
C'EST LE NOMBRE DE COMMUNES AU SEIN DE LA RÉGION ÎLE-DE-FRANCE
123 :
C'EST LE NOMBRE DE COMMUNES AU SEIN DU GRAND PARIS
340 :
L’ÎLE-DE-FRANCE REPRÉSENTE
30 %
DE LA RICHESSE NATIONALE
C'EST LE NOMBRE DE MEMBRES QUE COMPTERA LE FUTUR CONSEIL DU GRAND PARIS
90 :
C'EST LE NOMBRE DE CONSEILLERS MÉTROPOLITAINS QU'AURA LA VILLE DE PARIS
123 :
C'EST LE NOMBRE DE CONSEILLERS MÉTROPOLITAINS POUR LES 124 AUTRES COMMUNES DU GRAND PARIS. UN SUPPLÉANT EST PRÉVU PAR TRANCHE DE 25 000 HABITANTS POUR CHAQUE COMMUNE
70 000 LOGEMENTS PAR AN : C'EST L'OBJECTIF DE CONSTRUCTION FIXÉ AU SEIN DU GRAND PARIS POUR 2017 PAR LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE FIN 2013
34 % :
DU PARC SOCIAL DE L’ÎLE-DE-FRANCE SE TROUVE SUR PARIS ET LA MOITIÉ AU CŒUR DE L’AGGLOMÉRATION
5 337 000 :
C'EST LE NOMBRE DE LOGEMENTS GRANDPARISIENS AU RECENSEMENT DE L’INSEE DE 2006. ON DÉNOMBRAIT ALORS 1 322 600 LOGEMENTS À PARIS, 1 945 000 EN PETITE COURONNE ET 2 070 000 EN GRANDE COURONNE
15,7 % :
C'EST LE TAUX DE CHUTE DES PERMIS DE CONSTRUIRE ENTRE DÉCEMBRE 2012 ET NOVEMBRE 2013 AU NIVEAU NATIONAL
47 MILLIONS DE TOURISTES PAR AN : CE NOMBRE PERMET AU GRAND PARIS D'ÊTRE LA PREMIÈRE DESTINATION TOURISTIQUE MONDIALE, DEVANT LE GRAND LONDRES
61 :
50 :
C'EST LE NOMBRE DE MESURES DE SIMPLIFICATION QUE LE MINISTÈRE DU LOGEMENT DOIT ANNONCER AFIN DE RÉALISER DES ÉCONOMIES SUR LE COÛT DE LA CONSTRUCTION
C'EST LE NOMBRE DE POINTS DE L'ÎLE-DEFRANCE AU CLASSEMENT GÉNÉRAL DES RÉGIONS MÉTROPOLITAINES. LA RÉGION POSSÈDE LE MEILLEUR INDICE DE BONHEUR RÉGIONAL
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À LA UNE
UNE NOUVELLE ARCHITECTURE DU TERRITOIRE © D.R.
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Comment réorganiser le territoire national incluant les villes intermédiaires, les territoires résidentiels et touristiques et les espaces de faible densité ? Il ne faut pas non plus oublier la métropole parisienne qui requiert un traitement particulier. Pour réussir, les moyens sont nombreux et variés. Une tâche loin d'être facile. Bertrand Lemoine , ancien directeur général de l'Atelier international du Grand Paris
© IAU ÎDF
À l’heure où les projets de redéfinition du découpage territorial sont sur la table, différentes hypothèses sont possibles, avec le souci commun de simplifier le mille-feuille administratif, et avec différents leviers d’action possible : la réduction du nombre de régions, la suppression des départements, le regroupement des communes.
L’état des lieux est bien connu : 36 681 communes, 11 022 syndicats de communes, 2 223 communautés de communes, 213 communautés d’agglomération (de plus de 50 000 habitants), 101 départements, 26 régions, avec, au total, quelque 525 697 élus. Remarquons aussi qu’environ 10 % du corps électoral était candidat aux dernières élections municipales. À cette fragmentation des échelons administratifs se superposent des compétences certes précises, mais aisément dépassables en mettant en œuvre la clause de compétence générale qui permet à chaque échelon territorial de se mêler d’à peu près tout.
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CERTAINES RÉFORMES, COMME LA SUPPRESSION DES DÉPARTEMENTS, NÉCESSITERAIENT DE MODIFIER LA CONSTITUTION, SOIT PAR LE PARLEMENT RÉUNI EN CONGRÈS SOIT PAR VOIE DE REFERENDUM, CE QUI SEMBLE POUR LE MOINS IMPROBABLE.
Pourquoi réformer ? Mais faut-il réformer l’organisation actuelle ou au contraire la laisser en l’état, comme le plaident certains experts et une grande partie de la classe politique, fortement intéressée au maintien du statu quo ? Les arguments des tenants du maintien méritent d’être pris en considération. Ils sont de trois ordres : l’identité française est en partie fondée sur ce découpage hérité de la Révolution française (les communes, elles-mêmes héritières des paroisses, et les départements), et y toucher serait la mettre en danger à un moment inopportun ; les économies qui seraient réalisées par la suppression des départements seraient illusoires, ou à tout le moins faibles, car elles toucheraient uniquement aux dépenses afférentes aux conseillers généraux ; les échelles actuelles de la commune, du département et de la région correspondent à une organisation satisfaisante du lien démocratique, notamment en zone rurale. Enfin, certaines réformes comme la suppression des départements nécessiteraient de modifier la Constitution, soit par le Parlement réuni en congrès soit par voie de referendum, ce qui semble pour le moins improbable.
© D. R.
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Source INSEE 2010 © D.R.
Tout en prenant en compte ces arguments, plusieurs bonnes raisons plaident cependant en faveur d’une réforme profonde de ce système, en partie issu des politiques successives de décentralisation menées depuis les années 1960 (les régions et les intercommunalités). Elles sont de quatre ordres. Tout d’abord, le paysage démographique s’est considérablement modifié au xxe siècle. La population rurale s’est effondrée au profit d’une montée en force de la population urbaine. Le fait métropolitain s’est affirmé, et on peut aujourd’hui distinguer une quinzaine de métropoles sur le territoire national, dont le Grand Paris, qui, sans être toutes nécessairement des très grandes villes, jouent un rôle d’attracteur au niveau de leur région tout en étant des facteurs de création de valeur. Ce fait même plaide en faveur de la création d’un statut particulier pour ces métropoles, plus resserré, en lien étroit avec celui des régions qui les entourent. Par ailleurs, la mise en relation de ces pôles urbains par un réseau d’autoroutes et de TGV, en voie d’achèvement, reformate le territoire autour d’une armature de villes où le tissu interstitiel des campagnes, des bourgs et des petites villes s’organise selon d’autres modes que ceux qui prévalent en zone urbaine. Rappelons que les départements ont été institués pour créer des territoires administratifs à moins d’une journée de cheval autour d’une préfecture avec ses équipements régaliens (centre administratif, palais de justice, caserne…) mais aussi hôpital, lycée... Pourvus d’appellations géographiques, ils avaient également pour fonction de doter le territoire national
LES DÉPARTEMENTS ONT ÉTÉ INSTITUÉS POUR CRÉER DES TERRITOIRES ADMINISTRATIFS À MOINS D’UNE JOURNÉE DE CHEVAL AUTOUR D’UNE PRÉFECTURE AVEC SES ÉQUIPEMENTS RÉGALIENS. d’une armature de services et d’assurer une représentation de l’État au niveau local. Ensuite, l’efficacité économique du découpage actuel laisse tout de même à désirer. Le resserrement du dispositif et la redistribution des compétences actuelles entre l’État, les régions, les intercommunalités et la Sécurité sociale laissent augurer d’une économie substantielle sur la masse salariale, à condition évidemment que l’opportunité soit bien saisie de réduire l’effectif des agents départementaux, soit 360 000 personnes, et pas seulement de les répartir entre les divers employeurs. Enfin, la mise en cause du maillage des départements, pour identitaire qu’il soit, peut être le levier d’une action plus radicale sur les dépenses publiques, en donnant le signal d’une remise à plat des compétences de l’action publique et créant les conditions d’une identité nationale redéfinie.
© 2011 Zeilloc.fr
La grande place de Lille © D.R.
Régions, métropoles et départements La création instituée par la loi MAPTAM au 1er janvier 2016 de nouvelles métropoles constituant des intercommunalités de plus de 400 000 habitants situées au centre d’une aire urbaine de plus de 650 000 habitants, ou constituant des capitales régionales, porte à 14 le nombre de métropoles en France : le Grand Paris, AixMarseille, Lyon, Bordeaux, Lille, Strasbourg, Toulouse, Nantes, Rennes, Rouen, Grenoble, Montpellier, Toulon et Nice, déjà existante. Cela doit constituer le nouveau point de départ de l’organisation du territoire national. Avec 12 millions d’habitants, la région Île-de-France représente en effet 18 % des habitants en France et plus de 30 % du PIB. Les treize autres métropoles, qui fonctionnent en réseau autour de Paris sans pour autant être entièrement dépendantes de la capitale dans l’économiemonde, rassemblent 11,1 millions d’habitants, soit 17 % de la population nationale, et pèsent pour environ 30 % du PIB. C’est dire le poids qu’elles représentent, mais aussi la dynamique de croissance économique qu’elles portent, indispensable à la prospérité du pays. L’aire urbaine de chacune de ces métropoles pourrait être un bon ancrage pour définir leur territoire. Dans le cas du Grand Paris, elle déborde au nord et au sud au-delà du périmètre de la région Île-de-France. Il faut donc agrandir
LES TREIZE MÉTROPOLES QUI FONCTIONNENT EN RÉSEAU AUTOUR DE PARIS, SANS POUR AUTANT ÊTRE ENTIÈREMENT DÉPENDANTES DE LA CAPITALE DANS L’ÉCONOMIE-MONDE, RASSEMBLENT 11,1 MILLIONS D’HABITANTS, SOIT 17 % DE LA POPULATION NATIONALE, ET PÈSENT POUR ENVIRON 30 % DU PIB.
cette région. Les autres métropoles ont toutes une aire urbaine plus petite que la région dans laquelle elles sont situées. Les métropoles ainsi définies seraient le siège de 9 régions redéfinies autour d’elles, sachant que Nantes et Rennes, Lyon et Grenoble, Aix-Marseille, Toulon et Nice, Toulouse et Montpellier se partageraient la même région. Deux autres régions pourraient être créées autour de Tours et de Dijon, sachant que les découpages régionaux pourraient ne pas forcément suivre les actuelles limites départementales et devraient plutôt s’appuyer sur la réalité des bassins de vie et des « terroirs » culturels voire linguistiques.
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UNE FRANCE DE 11 RÉGIONS COMPRENANT 14 MÉTROPOLES ET 35 DÉPARTEMENTS DOTÉS CHACUN D’UNE PRÉFECTURE SERAIT MIEUX À MÊME D’AFFRONTER LES DÉFIS DU DÉVELOPPEMENT, TOUT EN ASSURANT LA SOLIDARITÉ DES TERRITOIRES ET LE MAINTIEN DE LA COHÉRENCE NATIONALE.
Message de refus des maires du projet Aix-Marseille métropole © D.R.
Vue de Paris, du bois de Boulogne et de La Défense © D.R.
Grands ensembles dans le Grand Paris © David Manniaux
Dès lors, comment organiser au mieux le tissu des villes intermédiaires, les territoires résidentiels et touristiques et les espaces de faible densité ? L’intérêt du découpage départemental reste entier dans ces territoires, car il met précisément en relation étroite le réseau des villes-chefslieux et les espaces ruraux. Une bonne solution de compromis pourrait donc être la suivante : faire coïncider les 14 métropoles avec les départements dans lesquelles elles sont inscrites et donc supprimer les départements concernés, quitte à réajuster leurs limites. Au sein des régions réduites en nombre, remembrer les départements pour n’en conserver que 2, 3 ou 4 par nouvelle région. Cela laisserait ainsi un maillage d’environ 35 grands départements dont la Corse, dont une grande partie coïnciderait avec les régions actuelles. Les compétences de ces départements ainsi agrandis seraient également à redéfinir, ainsi que leur représentation élue.
Région : Bretagne Métropoles : Nantes et Rennes Préfectures : Brest, Vannes, Saint-Brieuc
RÉGIONS, MÉTROPOLES, DÉPARTEMENTS
Région : Normandie Métropole : Rouen Préfectures : Caen, Le Havre Région : Nord Métropole : Lille Préfectures : Arras, Amiens Région : Alsace-Lorraine Métropole : Strasbourg Préfectures : Metz, Nancy, Reims, Mulhouse Région : Bourgogne-Franche-Comté Métropoles : Préfectures : Dijon, Besançon, Chalon-sur-Saône Région : Rhône-Alpes - Auvergne Métropoles : Lyon, Grenoble Préfectures : Annecy, Valence, Clermont-Ferrand Région : PACA Métropoles : Aix-Marseille, Nice, Toulon Préfectures : Avignon, Gap, Bastia Région : Midi-Pyrénées Métropoles : Toulouse, Montpellier Préfectures : Nîmes, Perpignan, Cahors, Tarbes Région : Aquitaine Métropoles : Bordeaux Préfectures : Pau, Agen, Poitiers, Limoges Région : Val de Loire Métropoles : Préfectures : Le Mans, Tours, Orléans Région : Île-de-France Métropoles : Grand Paris Préfectures : Pontoise, Évry, Melun, Chartres
Par ailleurs, on ne peut pas considérer l’organisation future de la France sans considérer aussi celle de la métropole parisienne. L’Île-de-France élargie au nord et au sud au périmètre de l’aire urbaine devrait faire l’objet d’un traitement particulier. Au cœur de la région serait située la métropole elle-même, agrandie au périmètre de l’unité urbaine, sauf les villes nouvelles, ce qui représenterait déjà 9 millions d’habitants. Les quatre départements de grande couronne existants, amputés de leur partie métropolitaine, seraient confortés et sensiblement agrandis, à l’exception sans doute de la Seine-et-Marne. La métropole proprement dite pourrait être constituée de ainsi fédérer 4 villes de 2,2 millions d’habitants, dont Paris au centre et les anciens départements de petite couronne agrandis promus au rang de villes. Ces 4 villes seraient elles-mêmes constituées de vingt huit « arrondissements » démographiquement équilibrés, s’appuyant sur les intercommunalités ou les territoires des contrats de développement territorial existants. Les actuelles communes éventuellement remembrées continueraient à former l’ossature des quartiers du Grand Paris. Une autre option serait d’aller plus loin encore en fusionnant les départements de petite couronne avec leurs départements mitoyens : les Hautsde-Seine avec les Yvelines, la Seine-Saint-Denis avec le Val d’Oise, le Val-de-Marne avec l’Essonne. En résumé, une France de 11 régions comprenant 14 métropoles et 35 départements dotés chacun d’une préfecture serait mieux à même d’affronter les défis du développement, tout en assurant la solidarité des territoires et le maintien de la cohérence nationale. Les 49 entités territoriales ainsi définies s’inscriraient en effet dans la continuité du découpage départemental, tout en le réduisant de près des deux tiers et en faisant émerger la notion nouvelle de métropole. Le cas de la région parisienne serait spécifique avec 4 grandes villes au sein de la métropole. Il faudrait également penser cette réorganisation en lien avec le regroupement des communes en intercommunalités, déjà assez largement amorcé puisque les 2 145 établissements publics de coopération intercommunale existants concernent actuellement 99,8 % des 36 681 communes. Nul besoin donc de réforme constitutionnelle pour aboutir à une architecture territoriale plus en phase avec les aspirations des Français à une simplification du millefeuilles administratif, à une réduction des dépenses publiques et à une meilleure efficacité de l’organisation des collectivités territoriales tout en restant dans une proximité démocratique.
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ENTRETIEN AVEC MARC WIEL, URBANISTE, INGÉNIEUR DIPLÔMÉ DE L’ÉCOLE CENTRALE
Propos recueillis par Armelle Barret
© D.R.
Comment définir la notion de « métropole », peu utilisée jusqu’alors en France ? Marc Wiel : Beaucoup mettent des choses différentes derrière ce terme. L’association Paris Métropole l’utilise pour dire qu’il est légitime que ceux qui habitent l’unité urbaine parisienne aient le même sentiment d’appartenance, les mêmes droits, et soient solidaires entre eux comme pour toute ville qui se respecte. Sans être en opposition avec cette interprétation, je préfère partir d’un angle d’attaque plus économique. Il y a métropole quand une agglomération est assez grande et assez diverse pour provoquer en interne un surcroît d’interdépendances favorables à sa créativité. Le plus souvent, cela engendre un vaste rayonnement externe et un appel à la croissance urbaine dans l’aire métropolitaine qu’elle commande (les utilisateurs de ses services dits « métropolitains »). L’Allemagne ou les Pays-Bas ont un fonctionnement métropolitain appuyé sur plusieurs agglomérations spécialisées, mais très proches. Il ne faut pas confondre métropole et mégalopole, laquelle est une très grande agglomération dont les parties bien que proches interfèrent peu entre elles, et en particulier n’ont pas un marché de l’emploi unifiable sans coût collectif excessif. La métropole a besoin d’une taille minimale, pas maximale. Le handicap mégalopolitain (surcoût logement, trajets trop longs), faute d’être réduit efficacement, peut faire perdre l’avantage métropolitain (rayonnement, attractivité). La simplification du « mille-feuille » administratif, dont la refonte des régions, n’est-elle pas une opportunité pour la métropole du Grand Paris d’élargir ses pouvoirs ? Je suis dubitatif. Même si la Région s’étendait géographiquement à son aire métropolitaine (le bassin parisien), la métropole du Grand Paris ne serait qu’un de ses partenaires principaux en matière économique, et elles devraient coopérer. En revanche, la fonction transport/mobilité pourrait être repartagée avec la métropole. Mais le problème, c’est
que nous ne sommes pas partis pour une grande Région parisienne. Elle sera refusée par la province. Le périmètre de l’actuelle Île-de-France est celui que l’État (sous Giscard d’Estaing avant la création des Régions au sens actuel du terme) avait dessiné pour organiser sa propre action administrative. L’opposition de la province à Paris reste vivace. Le rôle des grandes Régions ne sera pas celui des petites. Mais le sujet n’est pas abordé. La rivalité Région/métropole de Paris a donc, me semble-t-il, de beaux jours devant elle. Le Grand Paris risque-t-il d’affaiblir le rôle des entités territoriales de plus petite échelle ? Certainement. Mais des compromis sont possibles. Le plus important selon moi est que le projet urbain reste de la responsabilité du local. Il contribue à « faire la ville », or il me paraît fondamental de laisser aux banlieues la possibilité de s’appartenir pour mieux s’intégrer à l’ensemble. Mais le local, est-ce la commune ou les nouveaux territoires ? C’est variable selon les enjeux ou les projets. Le pire serait qu’une technocratie façon ville nouvelle (à leurs débuts) impose sa vision du fonctionnement urbain. La métropole qui nous manque n’est pas celle d’un nouvel Haussmann mais d’une machine à rendre possibles les péréquations financières entre les territoires et à définir les priorités dans l’utilisation de l’argent public. Pas vraiment dans nos traditions institutionnelles…
IL Y A MÉTROPOLE QUAND UNE AGGLOMÉRATION EST ASSEZ GRANDE ET ASSEZ DIVERSE POUR PROVOQUER EN INTERNE UN SURCROÎT D’INTERDÉPENDANCES FAVORABLES À SA CRÉATIVITÉ.
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Face à la croissance continue de la densité métropolitaine, les logements d'hier sont aujourd’hui étudiés pour leurs capacités de mutation et d'évolution. Des procédures de réhabilitation-démolition et des recherches pour renouveler les logements collectifs ont été mises en place à coté de nouveaux projets en construction poussant à la redéfinition du rôle de la maîtrise d’oeuvre et des collectivités locales. Virginie Picon-Lefèbvre
© Sergio Grazia - Brenack Gonzalez
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URBA
LE LOGEMENT DANS LE GRAND- PARIS
Vue panoramique de Paris © D.R.
PENDANT LA PREMIÈRE MOITIÉ DU xxe SIÈCLE, LA CONSTRUCTION DE MAISONS INDIVIDUELLES DANS DES LOTISSEMENTS VA CONNAÎTRE UN BOOM DANS DES CONDITIONS SOUVENT TRÈS DÉFECTUEUSES.
Habitations Bon Marché à Paris © J. Bruchet
Le logement dans le Grand Paris est-il toujours en crise ? On pourrait le penser, car depuis le xixe, dans la région parisienne, on distingue deux phases de prospérité (18201880 et 1950-1970) que séparent et suivent des crises plus ou moins graves.
Deux familles typologiques Durant la période 1820-1880, période clé de la révolution industrielle, l’investissement dans le bâtiment va être multiplié par trois. Le grand nombre de logements construits pendant cette période va transformer la capitale, il est soutenu par la croissance démographique et économique, l’émigration vers les villes et une forte rentabilité des investissements. Plusieurs formes d’immeubles coexistent. On distingue l’immeuble de rapport bourgeois de l’immeuble destiné aux couches populaires. Le premier, qui comporte des appartements, voit sa production marquée par le rôle clé de l’architecte, par l’ampleur du chantier et l’importance des capitaux engagés1. L’autre famille typologique d’immeubles parisiens est beaucoup plus ancienne et relève d’une tradition empirique transmise par le savoir-faire des petits entrepreneurs. L’immeuble destiné aux couches populaires fait se côtoyer l’atelier et le logement. Il dérive de la maison artisanale de faubourg. Dans les quartiers périphériques, les maisons de faubourg alignées le plus souvent le long des axes de circulation constituent l’essentiel du bâti. À partir des années 1880, derrière les façades en pierre des immeubles de type haussmannien, on va trouver de petits logements destinés aux employés et aux petits-bourgeois du fait d’un élargissement du cadre d’intervention des lotisseurs et des promoteurs auparavant cantonnés dans les quartiers riches. 1 Voir Christian Topalov, Le Logement en France, histoire d’une marchandise impossible, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1987.
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Immeubles haussmanniens parisiens © D.R.
Boulevard Magenta, Paris © D.R.
Grands ensembles à l'ouest de Paris © J. Bruchet
Cité Jardin, Île-de-France © H. Joinet
La crise du système du rentier Passé une brève reprise au début du xxe siècle, le marché du logement est confronté à une nouvelle crise, à cause du blocage des loyers en 1914. Annoncé en 1926, le retour à la liberté sera constamment repoussé jusqu’en 1948. Le blocage des loyers va habituer des tranches entières de la population à payer un loyer très faible et le retour dans un système libéral n’en sera que plus difficile. Les classes supérieures profitent davantage du système, car il permet une compression des salaires ouvriers, mais la contrepartie est la ruine des propriétaires rentiers. Jusqu’en 1926, les charges absorbent l’intégralité des loyers perçus, la rentabilité des immeubles plafonne à 2 %. Pendant cette première moitié du xxe siècle, la construction de maisons individuelles dans des lotissements va connaître un boom dans des conditions souvent très défectueuses (lotissements non raccordés aux égouts, voirie sans bitume). Pour la seule région parisienne, les lotissements ont logé plus de 60 % de l’excédent de population qui s’est installé à Paris entre les deux guerres. Les lotissements défectueux seront progressivement raccordés aux réseaux et équipés, ils sont aujourd’hui l’objet d’études sur leurs capacités de mutation et notamment de densification par la remise en cause des PLU.
La technocratie à l’œuvre (1950-1970) Durant la période qui suit la Deuxième Guerre mondiale, les tensions sur le marché du logement sont maximales. Il s’agit alors de construire vite dans une urgence accrue par l’arrivée des ouvriers étrangers et des rapatriés d’Algérie. On assiste alors à un mouvement de concentration des entreprises de bâtiment, qui va leur permettre d’investir plus facilement dans de nouveaux outils pour améliorer la productivité et favoriser le développement de la préfabrication lourde, et en parallèle à la naissance de grands groupes de promotion privés et publics. Cette période est marquée par la montée en puissance de l’État français dans le domaine de l’urbanisme. À Paris, cette prise de conscience a conduit à l’adoption du plan Prost en 1939 pour structurer l’agglomération parisienne par la construction des autoroutes2.
2 Sur le plan Prost, lire par exemple L'Œuvre de Henri Prost, Paris, Académie d'architecture, 1960 ; Jean-Claude Delorme, « Les Plans d'aménagement et d'extension des villes françaises », in Les Cahiers de la recherche architecturale, n° 8, avril 1981, pp. 11-29.
À LIRE
FGP (u) urbanistes et TER paysagistes Nouveaux paysages construits du Grand Paris Archibooks + Sautereau éditeur, Paris, 2014, 384 p. ISBN : 978-2-35733-316-1 18,90 €
L’avènement des opérateurs privés Depuis les années 1980, le logement a connu plusieurs phases d’évolution. D’une part, l’État a mis en œuvre ou incité des procédures de réhabilitation-démolition des ensembles sociaux et a soutenu des recherches pour renouveler les formes du logement collectif, notamment dans les villes nouvelles. D’autre part, l’urbanisme a été décentralisé, donnant un rôle nouveau aux communes en matière de construction. Depuis quelques années, ce sont les promoteurs privés qui ont pris la relève des maîtres d’ouvrage publics, intervenant de plus en plus en amont dans le processus de conception et de construction, poussant à la redéfinition du rôle de la maîtrise d’œuvre et des collectivités locales. Le logement a aussi fait l’objet de différentes politiques publiques : incitation à la rénovation des centres urbains anciens, développement des villes nouvelles, soutien de la construction individuelle, mise en œuvre d’opérations de taille limitée sous la forme de Zone d’aménagement concerté (ZAC) et de lotissements pavillonnaires, réglementations sur l’accessibilité, les économies d’énergie. Aujourd’hui, la crise du logement est quantitative, près de 100 000 demandes de logements sociaux sur les listes d’attente à Paris, et qualitative : les logements construits dans la deuxième partie du xxe siècle ne répondent pas aux normes énergétiques, sans parler des immeubles construits avant 1945. Le gouvernement demande aux communes de s’engager dans des contrats de développement territorial pour construire 70 000 logements nouveaux par an. Plusieurs pistes pour comprendre ce qui se joue dans le Grand Paris du logement : celles des mobilités résidentielles, de l’innovation typologique et enfin de la mixité, non seulement à l’échelle du quartier, mais aussi à celle de l’immeuble.
ZAC Clichy-Batignolles, perspective phase 1 secteur ouest vu du parc © Vectuel - Studiosezz - PBA
ZAC Clichy-Batignolles, perspective générale © Vectuel - Studiosezz - PBA
.. RAPHAEL CATONNET, , DIRECTEUR GÉNÉRAL ADJOINT À L’EPADESA
Propos recueillis par Virginie Picon-Lefèbvre
Qu’est-ce qui a changé à La Défense en ce qui concerne le logement ? Raphaël Catonnet : On a beaucoup construit de logements à La Défense dans les années 1970-80 et la question qui se pose maintenant est celle de leur rénovation. Aujourd’hui, on doit ajuster notre offre à la demande qui a beaucoup évolué. On passe d’une offre quantitative à une demande plus différenciée. Il ne s’agit plus seulement de loger des familles, mais de répondre à des besoins différents. Se profile actuellement une population active plus nomade qui veut rester temporairement à La Défense. Nous devons mettre en place des services pour ces logements particuliers. Par ailleurs, les modes d’habiter ont évolué, il faut répondre à la demande de colocation, de partage, en ce qui concerne les étudiants par exemple. On ne peut non plus construire des logements à La Défense sans prendre en compte les nuisances liées au site, comme la présence du boulevard circulaire. Comment sont programmés les logements à La Défense ? L’objectif est que le quartier reste le premier quartier d’affaires. Avoir une diversité de logements, étudiants, classiques, résidences services, permet d’assurer une bonne animation du site en dehors des heures de bureau et de répondre à des besoins différenciés. Nous avons prévu de construire 100 000 m2 de logements, objectif fixé en 2008 dans le cadre du plan de renouveau. Nous collaborons par exemple avec la ville de Puteaux sur le quartier des Bergères où 800 logements sont prévus. Nous avons aussi en cours l’opération de la Rose de Cherbourg, confiée à l’agence Jean Nouvel, qui va faire la couture entre le quartier Boieldieu, la ville de Puteaux et la dalle de La Défense. Pour ce faire, nous avons déclassé un échangeur qui va devenir une promenade plantée. On trouvera dans cette opération la tour Ekla, une tour de bureaux, dont les promoteurs sont Hines et AG Real Estate ; et Gecina, un investisseur espagnol, va réaliser la résidence étudiante.
Quelles sont les exigences de l’Epadesa vis-à-vis des opérateurs ? Nous voulons imposer de la mixité sur nos opérations. Sur la Rose de Cherbourg, nous voulions une tour mixte, logements et bureaux, que nous n’avons pas pu obtenir, et nous avons opté finalement pour deux bâtiments distincts à l’issue du concours : la tour et une résidence pour les étudiants. La mixité dans une tour est-elle possible ? Nous allons la produire dans les tours Hermitage, dont l’architecte est Norman Foster, qui superpose différents programmes, dont du logement haut de gamme, absent à La Défense. C’est une nécessité pour le site, par rapport à la compétition des différents quartiers d’affaires dans le monde. Les tours Hermitage vont constituer un nouveau landmark pour le Grand Paris. Nous sommes maintenant sur un calendrier pour la livraison d’une première tour en 2018. Enfin, une autre piste est de transformer des immeubles de bureaux obsolètes en logements. On envisage aussi de monter des opérations en programme mixte avec différents usages dans les anciens laboratoires Servier.
ON NE PEUT NON PLUS CONSTRUIRE DES LOGEMENTS À LA DÉFENSE SANS PRENDRE EN COMPTE LES NUISANCES LIÉES AU SITE, COMME LA PRÉSENCE DU BOULEVARD CIRCULAIRE.
LES MISSIONS DE L'EPADESA L'Epadesa est chargé de procéder à toute opération de nature à favoriser l'aménagement, le renouvellement urbain, le développement économique et social et le développement durable des espaces compris à l'intérieur du périmètre mentionné à l'article premier du décret de création. Source : www.epadesa.fr
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Auteurs Collectif
Information
Français Format : 17 x 24 208 pages Broché Prix de vente : ISBN : 978-2-3
À LIRE
Parution Septembre 20
Habiter le Grand Paris Archibooks + Sautereau éditeur, L’Atelier International du Grand Paris (AIGP) m AIGP, Paris, 2013, 208 p. de développement, de valorisa de recherche, aux enjeux du Grand Paris et constitue un lie ISBN : 978-2-35733-273-7 création et de diffusion. Les objectifs de l’AIGP sont nombreux : trouve 22,90 €
de réaménagement urbain, repenser l’habit travers l’évolution des réseaux, ... et tout cec de célèbres agences d’architecture et d’urba
Richement illustré, l’ouvrage propose à t l’agence Magnum, Olivia Arthur, Mark Powe de présenter leur vision du Grand Paris. De architectes comme les agences Mimram et P Lion & Associés collaborent également à cet le développement urbain du Grand Paris.
Le catalogue fait suite à la manifestation la international du Grand Paris » – une manifes « Habiter le Grand Paris » articulée en trois films courts réalisés par chacune des 15 équipe de l’AIGP ; une exposition de photographies Mark Power et Patrick Zachmann, de Magnu tables rondes pour mettre en débat les pos 15 équipes.
archibooks
Les éditions se consacrent à la c architecture, art contemporain et design.
Archibooks publie monographies, catalogues d’ex entretiens d’artistes au rythme d’une soixantaine distribués dans un millier de points de vente. 49, bd de la Villette, 75010 Paris t/ + 33 (0) 1 4225 1558 / www.archibooks.com
Le projet des tours Hermitage par l'agence Foster & Partners © Hermitage-Foster & Partners
Plutôt que de démolir les grands ensembles, Frédéric Druot, Anne Lacaton et Jean-Philippe Vassal proposent de les transformer en améliorant les conditions d'usage.
DANS UN CONTEXTE DE CONCURRENCE ACCRUE ENTRE LES MÉTROPOLES FRANÇAISES ET INTERNATIONALES, L’ATTRACTIVITÉ GLOBALE DE PARIS REPRÉSENTE UN ENJEU MAJEUR DE COHÉSION SOCIALE ET DE CROISSANCE ÉCONOMIQUE. LA VISION DE LA FONDATION PARIS-DAUPHINE Sur le modèle des grandes fondations universitaires anglo-saxonnes, la Fondation est un moyen de capitaliser pour assurer à long terme le financement et le développement de Dauphine, via un investissement de son capital dans l’immobilier étudiant. Source : www.fondation.dauphine.fr
À LIRE
territoires d'excepFrédéric Druot, Anne Lacaton & Jean-Philippe Vassal, Plus, les grands ensembles tion, Barcelona, Editorial Gistavo Bili, SL 2007, p. 111 © D.R.
Vu de l'intérieur, habiter un immeuble en Île-de-France Archibooks + Sautereau éditeur, Ordre des architectes en Île-de-France Paris, 2011, 176 p. ISBN : 978-2-35733-129-7 22,90 €
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CLAIRE JULLIARD SOCIOLOGUE, CO-DIRECTRICE DE LA CHAIRE VILLE ET IMMOBILIER DE L'UNIVERSITÉ PARIS-DAUPHINE ET CHERCHEUSE À LA FONDATION DAUPHINE
Propos recueillis par Virginie Picon-Lefèbvre
En quoi le logement renvoie-t-il à la question des mobilités résidentielles ? Claire Julliard : L’approche par les mobilités résidentielles souligne l’insuffisance du nombre de logements disponibles dans le Grand Paris. Paris est la première plaque redistributrice de France, or la région voit son déficit migratoire croître, ce qui signifie qu’elle retient moins de gens qu’elle n’en voit partir. L’accroissement du nombre d’habitants est lié à la démographie et le Grand Paris perd des familles. Les flux migratoires sont déficitaires, quelle que soit l’échelle à laquelle on étudie le phénomène. Toutes les catégories socioprofessionnelles sont concernées, mis à part les cadres. En quoi ce déficit constitue-t-il un problème pour le GP ? Dans un contexte de concurrence accrue entre les métropoles françaises et internationales, l’attractivité globale de Paris représente un enjeu majeur de cohésion sociale et de croissance économique. Ses multiples formes d’attractivité (culturelle, économique, scientifique, résidentielle, touristique, etc.) participent à maintenir sa position privilégiée parmi les métropoles mondiales et son rôle de moteur de l’économie française. Mais quand Paris intra-muros attire des populations actives françaises et internationales hautement qualifiées, son immobilier se renchérit fortement et contraint une partie croissance de la population à se reporter vers les territoires périphériques ou à quitter la région. L’attractivité parisienne a donc pour corollaire la sélectivité croissante des marchés du logement dans un contexte de forte pénurie foncière. Le « tri social » opéré par les marchés du logement est préjudiciable à l’équilibre socio-démographique de Paris intra-muros. Il contribue aussi à l’accroissement de la ségrégation urbaine à l’échelle métropolitaine. Au final, les disparités sociales entre le centre et la périphérie, d’une part, et entre les espaces aisés de l’ouest et les espaces populaires de l’est, d’autre part, se sont fortement accentuées ces vingt dernières années.
Comment améliorer cette situation ? Pour renforcer son rayonnement international, la métropole parisienne tout entière doit préserver sa diversité en offrant de meilleures conditions de logement à toutes les catégories sociales. L’enjeu est de réunir les conditions d’une plus grande fluidité des marchés du logement, donc des mobilités résidentielles des ménages tout au long de leur cycle de vie. Pour le Grand Paris, il s’agirait d’encourager la production d’une offre de logements adaptée aux moyens et aux aspirations de tous et de coupler cette offre à une qualité de vie urbaine complète (équipements et commerces de proximité, accès aux transports, écoles, loisirs culturels, etc.) afin de renforcer les centralités à l’échelle locale. Il faut prendre appui sur la périphérie parisienne, sur les opportunités foncières et immobilières qu’elle offre et, bientôt, sur le gain d’accessibilité qu’elle retirera de la construction du Grand Paris Express.
POUR RENFORCER SON RAYONNEMENT INTERNATIONAL, LA MÉTROPOLE PARISIENNE TOUT ENTIÈRE DOIT PRÉSERVER SA DIVERSITÉ EN OFFRANT DE MEILLEURES CONDITIONS DE LOGEMENT À TOUTES LES CATÉGORIES SOCIALES.
XAVIER GONZALEZ, ARCHITECTE, ATELIER D’ARCHITECTURE BRENAC & GONZALEZ
Propos recueillis par Virginie Picon-Lefèbvre
Qu’est-ce qui a changé dans le domaine de la construction de logements dans le Grand Paris depuis trente ans ? Xavier Gonzalez : Nous faisons des opérations de logements depuis le début des années 1980. Depuis, je constate la fin d’une forme de recherche et d’utopie qui pouvait caractériser ces années-là. Aujourd’hui, le secteur privé a pris la place du public qui délègue les opérations sous différentes formes : en conception-construction, VEFA (vente en état de futur achèvement), ce qui n’existait pas auparavant. Les normes actuelles utilisées pour les logements privés freinent l’évolution de la forme des logements. Pour des raisons d’économie mais aussi de solvabilité des futurs acheteurs ou locataires, nous faisons aujourd’hui des bâtiments de plus en plus compacts, car on ne peut faire évoluer le ratio surface habitable/surface construite. Mais la vraie révolution, c’est principalement le contexte politique et économique qui a permis aux promoteurs privés de faire la ville. Aujourd’hui, ils sont en charge d’opérations de plusieurs dizaines d’hectares qui étaient gérés auparavant par les SEM. Ils ont d’ailleurs pris conscience de ces nouvelles responsabilités, et ont tous intégré des cellules de recherches et de réflexion sur la ville et l’habitat. Ce qui manque, c’est une capacité d’anticipation des évolutions culturelles et des futurs modes d’habiter, mais aussi des changements climatiques ou du vieillissement de la population. Je pense que les SEM devraient compenser leur manque de moyens en se rapprochant davantage des universités, afin de créer des partenariats avec les écoles d’architecture et le milieu de la recherche.
Quelles questions pose la construction des logements ? Il faut souligner l’importance de la charge foncière : le prix des terrains se répercute immédiatement sur le prix de la construction ; c’est un curseur sur lequel s’appuient certaines villes pour agir afin de faciliter l’accession sociale. Mais la concurrence et le manque de terrains disponibles font également monter les enchères. La maîtrise du foncier et l’importance des terrains de l’État sont les enjeux de demain.
POUR DES RAISONS D’ÉCONOMIE MAIS AUSSI DE SOLVABILITÉ DES FUTURS ACHETEURS OU LOCATAIRES, NOUS FAISONS AUJOURD’HUI DES BÂTIMENTS DE PLUS EN PLUS COMPACTS.
Section du concept Boucicaut, Paris © Bremac & Gonzalez
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MISSIONS DE L'ATELIER Parallèlement aux réalisations et concours, l’Atelier d'Architecture Brenac & Gonzalez s’attache à développer une recherche permanente qui porte plus particulièrement sur la mise au point de typologies de logements et sur la protection de l’environnement. Source : www.brenac-gonzalez.fr
Dans ce contexte, quelles sont les pistes d’innovation ou simplement d’amélioration ? On sent de la part des promoteurs et donc de leurs clients un désir d’architecture, car ils peuvent en faire la promotion, vendre une image. Il faut s’appuyer là-dessus pour proposer des innovations typologiques, afin d’enrichir la vie quotidienne des habitants. On essaye de faire un pas de côté pour remplir les conditions posées par l’économie tout en apportant de nouvelles pratiques. Par exemple, à Paris, dans l’opération Boucicaut, nous avons desservi sept logements par palier dans deux blocs de logements reliés par des passerelles non fermées. On gagne un espace en plus : un jardin suspendu, des passerelles qui vont être plantées et qui offrent un espace collectif agréable. Dans cette opération, nous avons également réussi à superposer différents programmes, un hôpital de jour, des bureaux, des logements… la mixité est aussi une piste. Par ailleurs, il faudrait s’interroger sur la nature des pièces et l’importance du premier jour partout. Dans un contexte contraint, le long de la rue du Chevaleret, nous avons conçu des appartements dans la profondeur avec des pièces en second jour que les habitants se sont appropriées de différentes manières : rangement, extension d’une chambre, alcôve, coin TV ou informatique. Peut-être serait-il possible de pondérer les surfaces en fonction de leur distance à la façade, ce qui permettrait d’offrir de plus grands logements sans en augmenter le prix. Il faudrait lever le tabou de la pièce sans lumière pour retrouver des cagibis ou des alcôves dans les logements.
© Bremac & Gonzalez
L’augmentation de la densité représente un autre challenge, mais il faut être attentif aux équilibres locaux. En effet, le travail à domicile ou les lieux de télétravail se développent. Je crois qu’il faut se méfier de la pensée unique au sujet de la densité. On a cependant expérimenté la grande densité à Batignolles et construit un COS de 5 % à Issy-les-Moulineaux pour BNP, Real Estate, mais nous avons également assuré, par la disposition des masses bâties, des dégagements visuels, des prospects complexes et un ensoleillement de deux heures par jour, même en hiver. La richesse des solutions peut ainsi émerger de la particularité des situations ; cette approche « situationniste » est porteuse de qualité, de renouveau typologique, elle peut également devenir un véritable vecteur d’innovation et de richesse architecturale.
Le projet Chevaleret, Paris © B. Fougeiro
IDENTITÉ NOM : PARIS PRÉNOM : GRAND DATE DE NAISSANCE : OFFICIELLEMENT, 7 JUILLET 2010 POUR LA SOCIÉTÉ ÉPONYME. TOUT AUSSI OFFICIELLEMENT, 27 JANVIER 2014 POUR LA MÉTROPOLE. OFFICIEUSEMENT : 4800 AV. J.-C. SELON LE CARBONE 14 ET LES PIROGUES DE BERCY. TAILLE : 6 695 236 HABITANTS, 762,4 KM2, 124 COMMUNES NATIONALITÉ : FRANÇAISE, VOIRE UNIVERSELLE
Le besoin de faire grandir Paris, le jeu des identités locales face au modèle national, le projet de vie métropolitaine à formuler et à appliquer : voilà les problématiques et enjeux du Grand Paris. Qu'attendons-nous ? Yves Schwarzbach, ITeM urban intelligence Vue sur Paris et la Seine © D.R.
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SOCIÉTÉ
SIX MILLIONS
DE GRANDPARISIENS ET MOI, ET MOI… ET MOI
Plan de Paris vers 1550
Qu’est-ce qui fait une « Ville-monde » ? « Les informations, les marchandises, les capitaux, les crédits, les hommes, les ordres » affluent à et repartent de la superville, écrivait Braudel. D’où le concept de ville-portail, animatrice d’un universel réseau que parcourent des flux de personnes, d’argent et d’information. Oui, selon les démographes, le xxie siècle sera urbain et dense. Plus de quatre cents cités de plus d’un million d’habitants. Une quarantaine dépassant dix millions. Le taux d'urbanisation mondial est de 30 % en 1950. Il dépasse 45 % en 1995. Et flirterait avec 60 % en 2025. La métropolisation, qui compose les sublimes constellations urbaines qu’on voit la nuit en avion, n’est pas prête de cesser. En France, les aires urbaines ont augmenté de 20 % entre 1999 et 2010. Étalement urbain ou pas, Paris doit grandir pour étendre son influence. N’en déplaise aux insulaires, Los Angeles est plus vaste que la Corse. Mais notre agglomération capitale atteint-elle la masse critique sur une planète où le maire de Shanghai gère plus de citoyens que le Premier ministre néerlandais ? « Le jardin de mon oncle est plus
LA MÉTROPOLISATION, QUI COMPOSE LES SUBLIMES CONSTELLATIONS URBAINES QU’ON VOIT LA NUIT EN AVION, N’EST PAS PRÊTE DE CESSER.
grand que le mouchoir de ma tante », traduisaient nos aînés. Plus petit que Greater London, Kuala Lumpur ou Alger, Grandparis sera plus gros que Paris. En 1860, la capitale était passée de douze à vingt arrondissements en absorbant des communes à qui l’Empire ne demandait pas leur avis. Qui s’en plaint aujourd’hui ? La Flèche d’Or et l’hôtel Mama Shelter voisinent l’église du village de Charonne, Montmartre, c’est Paris pour tout le monde. Pourtant l’espace, la taille et la densité ne font pas tout. Il faudrait parler de taille pertinente, d’intensité et de polycentrisme. D’une gouvernance démocratique qui intègre des échelles stratégiques qui dépassent les périmètres territoriaux, des échelles de décision qui articulent différents niveaux d’intérêt général, et des échelles humaines, celles de l’action quotidienne, ce que n’envisage pas vraiment une métropole qui avalera les départements de première couronne.
37 Comme si la diversité lui faisait peur. Les multinationales gèrent une multitude de droits nationaux et de langues ou de cultures locales en plus de la segmentation des marchés. Si elles profitent du millefeuille, pourquoi la République ne le pourrait-elle pas ? Car la pâtisserie est moins institutionnelle que conceptuelle. Spécialité nationale, faite « d’au moins six abaisses de pâte feuilletée séparées par de la crème pâtissière », il paraît que le millefeuille date de Louis XIV. Longtemps favori des Français, il est détrôné par l’éclair au chocolat en 2012. Que s’est-il donc passé en cette année-là ? Toujours est-il que les empilements n’ont plus la cote. Moins de ministres, moins de collectivités, moins de frais. Croit-on sérieusement qu’on est plus malin en étant moins nombreux, alors qu’il suffit de savoir travailler ensemble ? Faire simple se traduit donc par penser sommaire. Peu importent au fond la fin des départements et la fusion des régions en entités semblables aux provinces de l’Ancien Régime. Ce qui compte, c’est la vitalité locale. En 2012, la moitié des maires franciliens pensait que Grandparis méritait sa propre gouvernance, mais ils
n’étaient que 41 % à le souhaiter en grande couronne. Rats des villes contre rats des champs ? Mis en évidence lors du vote de la loi « Affirmation des métropoles », l’enjeu est la cohésion de l’Île-de-France. Au-delà des clochers et des prés carrés : la quasi-totalité de ses élus redoutait une région à deux vitesses. Grandparis et le désert francilien ? Le problème n’est ni de droite ni de gauche. La rupture entre métropole et franges reporterait en grande couronne le traumatisme de la banlieue. Si la gentrification guette feu la ceinture rouge, l’éloignement reste pour beaucoup la seule alternative soutenable, même si elle est écologiquement incorrecte. Conséquence d’une réforme dont la moitié des maires estimait qu'elle freinerait la décentralisation, l’enjeu est démocratique. En 2012, un maire sur deux s’interrogeait sur sa candidature cette année. On a vu la suite en mars. Que fera la Région Île-deFrance ? Son Schéma directeur contraint les communes et les Établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à réviser leurs Plans locaux d’urbanisme (PLU). Une réalité qui conditionne les objectifs annuels de construire 70 000 logements, dont 30 % sociaux, et de
Plan de Paris vers 1931
Paris vue du Sacré Coeur © D.R.
créer 28 000 emplois. Or l’alternance de 2012 n’a rien résolu. Le SDRIF dépend toujours du milliard d’euros que l’État doit débloquer pour le Grand Paris Express. Paierat-il pour sa capitale, qui finance d’ailleurs la France ? « Si le SDRIF devait être appliqué sans la réalisation du Grand Paris Express, il deviendrait toxique, asphyxiant pour l’Île-de-France », pense l’ancienne ministre Valérie Pécresse, qui ajoute : « Ne refaisons pas les erreurs du passé de construire en espérant que les transports arriveront ! » Peut-on lui donner tort ? Quant aux SeineAmont, Plaine de France et autres OIN, pions de l’État posés sur l’échiquier local, seront-elles de futures féodalités ou les parties prenantes d’une démarche collaborative au service des territoires ? Métropole ou pas, les institutions et l’argent public ne sont pas la démocratie. Selon la Constitution, le peuple souverain, la Nation, se donnent la République comme régime. L’État, dont on nous parle comme allant de soi, est-il constitutionnel ? J’ai relu l’article 72 de la Constitution de 1958, modifié en 2003. Les collectivités territoriales « de plein exercice » s’administrent librement. Sont-elles moins des organes de la République que les ministères ? Alors que le Président de la République garantit la continuité d’un État qui n’est défini nulle part…
On voit bien que la démocratie locale et l’identité sont au cœur du problème. La réussite de Grandparis réside dans la capacité de ses gouvernants à mobiliser les Grandparisiens autour d’un projet de vie. Mais comment exercer une citoyenneté libre, égale et fraternelle quand les institutions parlent aux institutions ? Parler de démocratie dans la métropole, c’est questionner sa place dans la République. Grandparis imitera-t-il Washington DC ? Taillé dans le vif de la Virginie et du Maryland, le District de Columbia est administré par l’État fédéral. Ses habitants n’élisent pas de sénateur et ne votent aux présidentielles que depuis 1961. « Taxation without representation », proclament les plaques d’immatriculation locales. Humour mais frustration. Dites-moi… Combien de temps les Parisiens ont-ils attendu avant d’élire leur maire ? Le débat n’est d’ailleurs pas clos. Pendant la campagne, la candidate Hidalgo qualifiait de « tacticienne, rétrograde, centralisatrice » la proposition de sa rivale d'élire le maire de Paris au suffrage universel direct. Elle aurait peut-être pu dire « populiste » mais pas « centralisatrice ». Un Paris fort signifierait-il une France faible et une Île-de-France fragile ? L’histoire nationale étant ce qu’elle est, l’identité grandparisienne aura du mal à émerger. Elle ne se manifesterait que difficilement si on s’avisait d’organiser un référendum. Ce que, entre parenthèses, on fit pour
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LA RÉUSSITE DE GRANDPARIS RÉSIDE DANS LA CAPACITÉ DE SES GOUVERNANTS À MOBILISER LES GRANDPARISIENS AUTOUR D’UN PROJET DE VIE.
Les toits de Paris © D.R.
Croissance de la population parisienne © D.R.
Échangeur périphérique Porte de Bagnolet, Paris © D.R.
Boulevard périphérique, Paris © D.R.
L’IDENTITÉ DE GRANDPARIS DEVRA AFFRONTER UN APPAREIL FONDÉ SUR LA DESTRUCTION DES IDENTITÉS LOCALES AU NOM DE VALEURS UNIVERSELLES ET QUI ENTRETIENT DEPUIS TOUJOURS DES RAPPORTS AMBIGUS AVEC SA CAPITALE.
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Tramway et transilien, Paris © D.R.
Basilique Saint-Denis, Saint-Denis © D.R.
Boulevard périphérique, Paris © D.R.
l’Europe, pour contredire ensuite le suffrage universel. Autoritaire par tradition, l’État français tolère mal la différence. L’identité de Grandparis devra affronter un appareil fondé sur la destruction des identités locales au nom de valeurs universelles et qui entretient depuis toujours des rapports ambigus avec sa capitale. Heureusement, les identités ont la vie dure, pas seulement en Bretagne en bonnets rouges ou en Nord-Euskal Herria. Même si elles sont souvent dénoncées comme communautaristes. Certains bons esprits se demandaient comment on pouvait être persan. Pour ma part, je suis parisien. Immigré. J’ai vécu à Paris plus longtemps que dans ma ville natale, qui survit dans mon numéro de sécurité sociale mais où je ne vote pas. Mes enfants sont parisiens. Nés à Paris, ils ont habité South Pigalle, la Bastille et le Marais. Petits, ils montraient la tour Eiffel et Versailles à leurs cousins de province. Étudiants, ils font la fête dans les friches du Neuf-Trois. Ils sont chez eux à Grandparis mais marginaux : 31 % des habitants de la capitale y sont nés selon le CNRS. Conclusion : 69 % des Parisiens viennent d’ailleurs. Grandparis restera-t-il terre d’accueil ? Et puis, Parisien, suis-je francilien ? Que dirait la marguerite, défunt logo régional, si je l’effeuillais ?
Axe-Majeur, Cergy-Pontoise Š D.R.
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Vue panoramique de Montreuil © D.R.
Un peu ou pas du tout ? Serais-je un jour grandparisien ? Mes arrière-petits-enfants se diront-ils de Grandparis comme un Nantais de Bretagne, quand un Chinois de Singapour ou une Indienne de la Californie leur demanderont d’où ils viennent ? « Le Grand Paris obtient enfin sa carte d'identité », titrait Metronews quand l'Atelier parisien d'urbanisme publiait le premier atlas de la métropole. On connaît la magie des cartes : le trait qui divise, la couleur qui connote. Pour ses habitants, qu'est-ce que Grandparis ? Dotée d’institutions « en état futur d’achèvement », la métropole est inachevée car inachevable. Grandparis ira peut-être jusqu’à la mer s’il ajoute à son nom les deux lettres qui, selon Victor Hugo, en feraient le paradis, mais il faudra du temps pour lui donner corps, cœur et âme. Soi-disant pérennes, les institutions n’existent pas en dehors de ceux qui les incarnent. Sans la légitimité déléguée par les citoyens, elles n’ont ni fonction sociale ni force politique. Pas plus que les territoires n’ont de réalité sans les peuples qui les habitent. Qui sont les Grandparisiens ? Comment vivent-ils ? Que veulent-ils ? Leur a-t-on demandé ? Ce sont d’abord des personnes en chair et en os, qui vivent, bougent et travaillent tous les jours. Ni touristes, ni avatars de réseaux sociaux. Et pas seulement des Parisiens. Les deux tiers des habitants de la métropole sont banlieusards. Vivant au-delà du périph’, c’est-à-dire loin, au moins dans la tête. Les habitants de Vigneux-sur-Seine avec qui je travaille ont du mal à réaliser que leur ville n’est pas plus éloignée de Paris, en temps de trajet, que ne le sont les portes de Vincennes et Maillot. Ensuite, hommes et femmes, jeunes ou vieux, riches ou pauvres ? Quand l’Île-de-France vote le SDRIF, Jean-Paul Huchon déclare : « J’aimerais bâtir une région que les gens n’auraient pas envie de quitter au moment de la retraite. » Un enjeu majeur : la métropole est jeune mais, à Paris intramuros, dont les murs n’existent plus depuis des siècles, on compte plus de jeunes au nord qu'au sud. Ils sont
plus nombreux Rive droite que Rive gauche. À Nanterre, Sarcelles ou Noisy-le-Grand, appelées à jouer un rôle clé dans la dynamique polycentrique, la part des moins de dix-huit ans dépasse 30 % mais les seniors représentent plus de 20 % de la population de Neuilly ou Sceaux. Villes de vieux, villes de jeunes. Et villes de riches et villes de pauvres. « Par son PIB, le Grand Paris serait à lui seul la 18e nation du monde, devant les Pays-Bas ou la Suisse », explique Pierre Veltz, PDG de Paris Saclay. À qui sert la richesse si la région n’occupe que le huitième rang pour la qualité de vie pour 95 % des interrogés ? Selon l’APEC, Rhône-Alpes, PACA et l’Aquitaine l’emportent en effet pour la qualité de vie. D’autant plus que les disparités de revenus pénalisent les territoires, comme dans les communes de Seine-SaintDenis qui concentrent une majorité de bas revenus. Ces gens qui, à la fin du mois, touchent leur RSA à la Poste. La République n’est heureusement pas censitaire. À Paris même, le quart des ménages des 18e, 19e et 20e arrondissements gagne moins de mille euros par mois. On se demande comment ils se logent. Mais plus on s'éloigne de Paris, plus les revenus deviennent homogènes : la mixité sociale n’est pas gagnée. Bref, pour réussir Grandparis en 2016, « il va falloir cravacher », comme dit Jean-Paul Huchon, et pas seulement dans le domaine institutionnel ou pour accélérer des projets en mal de financement. Sans travail, la double boucle ne serait qu’une façon de tourner en rond. Et le peuple de Grandparis, celui dont parlait Michelet et qui n’était rien au matin du 14 juillet 1789, reste à fédérer. Place de la Nation ou au Mont-Valérien ; à la Courneuve et à Courcouronnes ; à Issy et à Ivry. Bref, faire de la politique.
Vue sud-ouest de la Seine depuis la Tour Eiffel, Paris Š D.R.
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GRAND PARIS : DATES ET CHIFFRES Taux d'urbanisation mondial en 1950 : 30 % en 1995 : 45 % en 2025 : 60 % 31 % des habitants de Paris y sont nés.
Le Grand Paris mérite-t-il une gouvernance spécifique ? Oui pour : 51 % des maires franciliens 41 % des maires de la grande couronne 90 % des maires de villes de plus de 10 000 habitants
Faire entrer Grandparis dans le débat citoyen, c’est admettre que l’identité est la fusion d’une Histoire nationale et d’histoires locales. Ensemble de cultures, de mythes et de symboles, elle témoigne du lien entre un peuple et son pays. Quand elle n’est pas usurpée, elle exprime la reconnaissance d'un individu par lui-même ou par les autres. Sœur de l’égalité, c’est un privilège. Un vrai. Rien à voir avec ceux que 1789 avait abolis. « Cives romanus sum », lançait Paul de Thrace pour obtenir un jugement équitable. Imagine-t-on un jeune de banlieue – celui qui, un peu éméché, me disait un soir tard, dans un RER désert du côté d’Argenteuil : « Vous savez, monsieur, je suis un Arabe gentil » – s’écrier : « Je suis citoyen grandparisien » face à la BAC… L’État-nation n’y est pas prêt. Allons-nous vers une identité grandparisienne réduite au marketing territorial ? J’étais un samedi dans un grand magasin. Au rayon hommes, des dizaines de boxers. Seule différence : la marque, affichée en gros sur la ceinture. Depuis quand le fait d’afficher une marque sur son caleçon, sur son papier à en-tête ou sur internet, fait-il l’identité ? Grandparis, ce sont les gens qui y vivent et y travaillent. Ceux que le Parisien, autrefois libéré, interroge en micro-trottoir. Comment les élèves du lycée de la rue Vitruve et les habitants de la Cité des 4000, qui en seront, voient-ils Grandparis ? Et les licenciés de PSA Aulnay et ceux de l’Université de Saint-Quentin-en-Yvelines, qui n’en seront pas ? Quand les Grandparisiens vivront-ils leur cité comme Monsieur Jourdain faisait de la prose, sans distinction d’origine ni de condition ?
Si chacun doit devenir acteur de sa métropole, les gouvernants doivent incarner Grandparis, exprimer une vision et réapprendre à fédérer. Charles Martel protégeant le Dauphin, on voit. Gambettta et son ballon, on comprend. Rol-Tanguy à l’Hôtel de Ville, ça marche. Depuis, c’est « circulez, on administre ». Grandparis a besoin que l’on porte ses couleurs. Quelle Liberté guidera son peuple ? La démocratie est affaire d’incarnation, mais nous n’avons pas élu le maire de Grandparis le 30 mars. Alors que la métropole n’existe que sur le papier, on suppute, on spécule, on discute. Tel président n’est pas élu municipal, telle conseillère n’est pas maire. Mais quelle tête de liste en aurait fait son cheval de bataille ? Grande absente de la campagne, la métropole sera pro. C’est triste. « Les Français en ont assez du politique », me glissait Bertrand Lemoine, naguère directeur général de l’Atelier international du Grand Paris. Peut-être. Ils l’ont d’ailleurs dit en s’abstenant, mais voter avec ses pieds, c’est encore voter. Que choisir quand on ne connaît pas plus ceux qui décident qu’on ne met de visage sur son fournisseur d'Internet ? À quoi servent des édiles qui ne changent pas la vie ? Quant à ceux qui ont voté, ils ont élu des conseillers municipaux. Qui ont ensuite désigné des maires. Pensaient-ils choisir des conseillers communautaires ? Et savaient-ils que ce mécanisme dissimule le piège de l’élection de conseillers extrémistes ? Au-delà du coup de canif au contrat démocratique, les citoyens identifient mal les compétences des métropoles et celles des agglomérations et communes. Ni qui gère leurs impôts locaux. C’est grave.
FAIRE ENTRER GRANDPARIS DANS LE DÉBAT CITOYEN, C’EST ADMETTRE QUE L’IDENTITÉ EST LA FUSION D’UNE HISTOIRE NATIONALE ET D’HISTOIRES LOCALES.
Nous voici donc Grandparisiens à l’insu de notre plein gré. À défaut d’identité, de citoyenneté et de ferveur, Grandparis reste un conglomérat de projets d'aménagement. Ils aboutiront un jour, si la Bombe F, celle des finances publiques, cesse d’irradier. Si les projets urbains aboutissent à temps : du jamais-vu dans un pays champion d’Europe pour la lenteur des procédures d’urbanisme. « Avec des si on mettrait Paris en bouteille »... D’ailleurs, l’urbanisme fait-il l’urbanité ? L’aménagement savant est autoritaire et conservateur dans ses formes et ses principes. Et si les rues ou les murs civilisaient la ville, on le saurait. Comme celui d’institutions qui survivraient à leur civilisation, comme les amours de la chanson de Gainsbourg, le fantasme de la centralité-civilité n’en finit pas de mourir. Alors que sa machine à aménager uniformise, Grandparis peut-il réussir le polycentrisme ? Que disaient les gens des Francs-Moisins ou de Pleyel, quand je travaillais sur la Charte d’environnement de SaintDenis : « On voudrait que ce soit comme à Paris. » Vingt ans après, la première couronne s’homogénéise à coups de ZAC, de TCSP et de VLS. Disparu le Carrefour de la Vache Noire, restent les camps de Montreuil, où survivent des citoyens européens. Au profit de quoi ? Peut-être d’un plus gagner pour certains ; voire d’un mieux échanger.
Et, on l’espère, d’un mieux vivre entre tous. Si les petits cochons de la mondialisation ne mangent pas nos emplois. Soyons justes. Le rattrapage de l’aménagement est nécessaire. Il est bon que Villeneuve-la-Garenne place le développement commercial au cœur de son projet urbain, que Saint-Ouen crée le parc qui manque au 18e arrondissement, que Ris-Orangis accueille une Arène, que Pantin s’éveille et qu’Ivry-Confluence pense cluster. Encore fautil le faire. Pour y parvenir, combien de temps faudra-t-il attendre ? Les codes de l’urbanisme, de l’environnement et de la construction ont du bon. Au moins, on ne construit pas n’importe où et n’importe quoi. Mais le choc de simplification n’a pas encore atteint l’immobilier. Les professionnels savent qui signera leurs permis de construire, si l’État ne change pas d’avis. Mais sur la base de quels PLU ? Combien d’appels d’offres, de marchés à procédure adaptée, de diagnostics et d’études, de registres de commissaires-enquêteurs, de délibérations et de contentieux pour modifier, réviser, harmoniser, contrôler la légalité, contester, notifier et stabiliser l’enchevêtrement de ces documents ? Sans compter l’évaluation environnementale. Le décret du 2 mai 2012 identifie quarante-trois types de documents ayant une incidence sur l’environnement. Pas un de moins. L’État dispose et les professionnels attendent les décrets.
NOUS AVONS UN BESOIN URGENT DE FAIRE GRANDIR PARIS, POUR VIVRE PLEINEMENT NOTRE AVENIR DE CITOYENS DU MONDE, ET BIEN AU-DELÀ DES ANCIENNES LIMITES DU DÉPARTEMENT DE LA SEINE.
Projet de Jean Renaudie à Ivry-sur-Seine © Discover Paris!
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Projet de rénovation des Halles de Paris © Seura Architectes Stade Paris-Saint-Germain, Paris © D.R.
On mettra dix ans, vingt qui sait, trois générations peutêtre. Quand l’État français maîtrisera-t-il la machine infernale de sa prolixité ? « France, mère des arts, des armes et des lois », poétisait Joachim du Bellay. Le pauvre : sa douce France pleure son petit village chanté par Nadir Kouidri alias Ridan mais raye des communes de la carte. Et multiplie les institutions quand d’autres contractualisent. Produit des textes quand ailleurs on les applique. Hambourg fonctionne sans institutions propres mais sa métropole regroupe deux Länder dont une Cité-État et je ne sais combien de communes. Ne parlons pas de la politique de la Ville, déconnectée de l’urbanisme et qui n’a plus de ministre. Et que dire des propos de François Lamy, ex-maire grandparisien et ex-ministre de la Ville : « Demain, le triumvirat de la politique de la ville sera donc constitué par le préfet, le président de l’EPCI et le maire. » Excusez du peu ! À quand un Premier Consul de Grandparis ? Nous avons un besoin urgent de faire grandir Paris, pour vivre pleinement notre avenir de citoyens du monde, et bien au-delà des anciennes limites du département de la Seine. Avons-nous vraiment besoin de l’État pour y parvenir ? Un ami économiste un peu alternatif me suggérait que, entre l’OMC, l’Union européenne, les régions et les citoyens, ce sont peut-être les États-nations qui devraient disparaître. Peut-être faut-il changer de logiciel ou de références : l’administration n’est pas une science exacte. Changer de point de vue collectif. Voir autrement le peuple, l’espace et la vie. Changer de modèle économique, politique et territorial. Avec plus de modestie et de simplicité, prendre en compte, enfin, les identités locales comme fondements de notre démocratie. À quand Grandparis de la diversité ? Grandparis bottomup ? Grandparis autogéré ? Place Charles-de-Gaulle, Paris © D.R.
ENTRETIEN AVEC BERNARD LANDAU
ADJOINT À LA DIRECTION DE L'URBANISME DE LA VILLE DE PARIS
Propos recueillis par Armelle Barret
L'identité du Grand Paris existe-t-elle déjà ? Et si non, comment la créer, avec quels éléments ? Bernard Landau : Je ne pense pas que l’on puisse parler d’une identité, mais de la convergence d’initiatives de natures très diverses autour de la construction de ce projet ; les médias pourraient désormais jouer un rôle de catalyseur plus important, une émission régulière grand public sur une chaîne, un supplément au Parisien 75 92 93 94… ? Quelle place tient Paris dans la construction de cette identité, ville qui, historiquement, a toujours préservé des frontières ? Si l’on se projette à trente ans, ce qui est l’échelle de temps nécessaire aux ambitions d’un tel projet, dont personne ne nie l’urgence et la nécessité, dans la mesure où gouvernance politique, équité fiscale, chantiers de transports et de logements seront effectivement engagés, Paris trouvera une place nouvelle, probablement celle du cœur historique d’une métropole du xxie siècle.
IL FAUT AVOIR LE COURAGE DE SE TOURNER VERS L’AVENIR ET PROPOSER DES RÉFORMES TERRITORIALES AUDACIEUSES, ADAPTÉES AUX ENJEUX ENVIRONNEMENTAUX, QUI N’ONT PLUS DE RÉPONSES LOCALES, ET QUI PERMETTENT DE COMBATTRE LES GRANDS DÉSÉQUILIBRES ENTRE LES TERRITOIRES RICHES ET PAUVRES.
Pensez-vous que la population s'identifiera au Grand Paris alors qu’existent la région et le département ? Pour le citoyen « normal », il est très complexe, dans le système « métropolisé francilien » d’aujourd’hui, de comprendre concrètement à quoi servent leur ville, leur département, la région… Des intercommunalités ont commencé depuis quinze ans en région parisienne avec beaucoup de ténacité et souvent de succès à travailler collectivement à une autre échelle. Le projet du Grand Paris est encore très jeune, à peine 7 ans, mais c’est un projet de notre temps. Les écoliers du 93 ou du 92 et 94 croient souvent que leurs départements existent depuis la Révolution française ! Je crois qu’il faut avoir le courage de se tourner vers l’avenir et proposer des réformes territoriales audacieuses, adaptées aux enjeux environnementaux, une gestion à grande échelle de questions qui n’ont plus de réponses locales, et qui permettent efficacement de combattre les grands déséquilibres entre les territoires riches et pauvres ; plus de solidarité, de péréquation, de transparence et de démocratie ; c’est aussi cela l’enjeu du Grand Paris. Il est d’ailleurs regrettable que ce sujet ait été absent des récentes élections municipales. Pensons avec lucidité et anticipation à la société de demain. La loi qui a été votée va dans ce sens. La Région devra grandir, à une échelle qui englobe le grand Bassin parisien, cohérent avec les structurations territoriales des autres grands pays européens ; les départements, comme entités, ne se justifieront plus, le local et le global pourraient dès lors trouver un nouvel équilibre entre la commune (y compris pour les arrondissements parisiens à terme), des territoires de 200 à 300 000 habitants et une métropole du Grand Paris à l’échelle des autres métropoles mondiales. Les Parisiens se sont finalement bien « identifiés » au cadre fixé en 1860, c’était il y a 150 ans ! Je ne suis pas certain que les Franciliens se soient « identifiés » à celui fixé dans les années 1960. Nos enfants s’identifieront au Grand Paris si nous avons le courage de le faire, car il s’agit bien d’améliorer leurs vies.
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PAROLE D’ÉLU Parce que le Grand Paris est gouverné par plusieurs entités, l’un de ses élus nous donne sa vision des relations entre chaque territoire ainsi que ses perspectives d’avenir.
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DIDIER PAILLARD
Vue de Saint-Denis © D. R.
MAIRE DE SAINT-DENIS
Ville d’avenir, Saint-Denis l’est par son offre de logements, de transport et de travail. Didier Paillard revient sur les atouts du territoire dionysien dans le grand remaniement métropolitain. Propos recueillis par Emmanuelle Graffin
De quelle manière la ville de Saint-Denis s’inscrit-elle dans la Métropole du Grand Paris ? Didier Paillard : Au cœur de la région la plus riche et la plus inégalitaire de France, notre ambition est de contribuer à rééquilibrer la métropole en affirmant la centralité de Saint-Denis. Le polycentrisme permet la cohésion et la réduction des inégalités sociales et territoriales. Saint-Denis s’affirme comme populaire, solidaire et dynamique dans une métropole excluante. Elle revendique et permet la place des ménages modestes, des couches moyennes, bref du monde du travail, au cœur de la métropole. Après trente années de déclin démographique et économique lié aux dégâts de la désindustrialisation, notre territoire connaît depuis vingt ans un développement exceptionnel. Ce renversement historique est le fruit d’un projet de transformation au service des habitants. La réussite de ce projet urbain n’était pas écrite. Elle n’est pas le fruit du hasard. Nous avons dû y croire et la construire depuis les années 1980, quand l’État et les investisseurs regardaient les élus, acteurs et entrepreneurs passionnés par le renouveau de leur territoire, comme de doux rêveurs égarés dans des friches industrielles d’outre-périphérique. Saint-Denis compte aujourd’hui un nombre d’emplois et d’habitants sans précédent. Elle est devenue la première ville du département par la taille et surtout par les perspectives qu’elle ouvre à ses habitants et ses salariés. La venue du Stade de France a accéléré la réalisation de notre projet urbain et permis d’arracher les exigences anciennes de nouvelles gares et de couverture de l’autoroute A1. Pour aller plus loin, nous avons bâti la communauté d’agglomération Plaine Commune pour que notre coopérative de villes gagne en jouant le collectif et la solidarité plutôt que la concurrence.
© D.R.
Quels sont les grands projets d’urbanisme ? D’architecture ? En matière de transports ? Pour affirmer la centralité de Saint-Denis et offrir aux habitants et aux salariés tous les services de la métropole, nous accordons la priorité au renouveau de notre centreville, sur le plan des services publics, du patrimoine, de la culture, du commerce, de la résorption de l’habitat insalubre privé (PNRQAD), du partage et de la tranquillité de l’espace public. Entre 2012 et fin 2014, le dynamisme du territoire s’est accompagné de trois nouveaux tramways et d’une deuxième ligne de métro. Pour les années à venir, le projet est de relier l’ensemble des quartiers avec le prolongement du tramway T8 au sud, entre le centre de Saint-Denis et Paris, de réparer les fractures urbaines, par la gare-pont du Grand Paris à Pleyel au-dessus du faisceau ferré ou la suppression de bretelles autoroutières.
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Que proposez-vous pour lutter contre l’étalement urbain ? Saint-Denis est une ville bâtisseuse. Sur les quinze dernières années, nous sommes selon l’IAURIF la commune d’Île-de-France qui a le plus construit de logements et de logements sociaux. Le Contrat de développement territorial que nous venons de signer avec l’État au travers de Plaine Commune engage la production de 1 200 logements par an dont 40 % de logements sociaux. Le besoin de logements au cœur de la métropole et à proximité des transports en commun lourds et rapides est criant. Saint-Denis est trois fois moins dense que Paris. La qualité de ville, la proximité des services, les commerces en bas de chez soi ou la bouche de métro au coin de la rue nécessitent une ville intense et dense. La ville bâtisseuse permet d’être parfaitement compatible avec le développement des espaces verts. Ainsi, ces trois dernières années, nous en avons créé cinq hectares. La lutte contre l’étalement urbain passe aussi par le chantier en cours de la mobilisation de l’ex-1% logement des entreprises du territoire pour permettre aux salariés d’accéder à un logement proche de leur travail. Quelle politique menez-vous pour favoriser la mixité sociale ? La ville populaire, c’est le contraire d’un ghetto de riches et d’un ghetto de pauvres. C’est la ville équilibrée, métissée, rassemblée. Les Dionysiens sont forts d’une diversité sociale et culturelle sans équivalent en Île-de-France. Sur le plan urbain, la résorption de l’habitat insalubre privé en centre-ville s’accompagne de la construction de 30 % de logements sociaux là où il n’y en avait pas et de conventions avec des bailleurs pour les relogements. De
Logements neufs Plaine Square © D.R.
façon complémentaire, la rénovation urbaine comprend la construction de logements en accession et en accession sociale à la propriété dans les quartiers auparavant uniquement HLM. La diversité de l’offre de logements s’applique ainsi à tous les quartiers. Au-delà, l’enjeu majeur est celui de la mobilité sociale, en clair celui de l’amélioration de la situation socio-économique des habitants, du recul du chômage de masse et de l’amélioration des services publics (éducation, sécurité, justice, santé…). La mixité à laquelle chacun aspire, c’est celle de la réparation de l’ascenseur social. Quelle politique de logement menez-vous pour lutter contre la flambée du marché immobilier ? Une action publique locale déterminée est nécessaire pour réguler le marché et sa tendance à ségréger et reléguer. Les familles modestes et les classes moyennes ne peuvent plus se loger à Paris et dans presque toutes les communes de la première couronne. À la base, il y a l’enjeu de la maîtrise du foncier, avec de nombreuses zones d’aménagement concerté, des opérations d’aménagement contrôlé et la création début 2014 d’une société associant la SEM Plaine Commune Développement et l’EPFIF pour assurer un portage plus long du foncier. Ensuite, l’élément majeur est celui de la lutte contre la crise du logement et la pénurie au travers de la livraison de près de 1 000 logements par an dont 40 % de logements sociaux. Quelle place l’écologie a-t-elle dans votre politique et vos actions ? La cohérence entre la question sociale et la question environnementale est la grande évidence politique de notre siècle. Remettre la banlieue et ses habitants au centre, garantir la place des foyers modestes et des classes moyennes au cœur de la métropole… ces exigences sont tout autant sociales qu’écologiques avec la réduction de l’étalement urbain et des déplacements domicile-travail, dévoreurs de temps, d’espace et de pouvoir d’achat. Tous nos projets contribuent à réaliser une écologie sociale, une écologie populaire aux deux sens du terme, que ce soit le développement des transports collectifs et des circulations douces, la résorption de l’habitat insalubre privé ou le développement d’un chauffage urbain à plus de 50 % d’énergie renouvelable aux tarifs baissés de plus de 10 %.
74, rue Suger en fin de réhabilitation © Yann Mambert
LES IMPLANTATIONS MAJEURES CONCERNENT LA DEUXIÈME TRANCHE DU SIÈGE DE SFR, L’ACHÈVEMENT DE CELLE DU SIÈGE DE LA SNCF OU CELLE RÉCEMMENT DÉCIDÉE DU CRÉDIT AGRICOLE.
L'immeuble de la société SFR à Saint-Denis par Jean-Paul Viguier et associés © D. R.
55 Pourquoi favoriser l’implantation de grandes entreprises sur votre territoire ? Les entreprises contribuent aux ressources de la collectivité et permettent une redistribution sous forme de services publics locaux. Avec la suppression de la taxe professionnelle, les villes bâtisseuses comme la nôtre ont perdu des ressources tout en conservant les charges liées à ce dynamisme avec le besoin de construire les équipements publics (écoles, crèches, parcs, gymnases…) et les services publics locaux. Notre développement local est mal accompagné par l’État qui ne réforme pas une fiscalité locale injuste et une péréquation trop faible entre communes riches et communes populaires. L’implantation d’entreprises est un levier pour combattre le chômage, au travers par exemple de la Charte entreprise-territoire et des clauses d’insertion. Pour les entreprises qui s’installent avec leurs salariés, l’enjeu est d’anticiper les besoins de renouvellement et de développer les filières de formation permettant aux habitants et notamment aux jeunes d’accéder plus massivement aux emplois qui se libèrent et se créent sur le territoire. Ces entreprises créent aussi des emplois indirects au sein d’un tissu important de PME, voire de TPE. Quelles entreprises vont à l’avenir s’implanter dans la ville ? Les implantations majeures concernent la deuxième tranche du siège de SFR, l’achèvement de celle du siège de la SNCF ou celle récemment décidée du Crédit Agricole. Au-delà, Saint-Denis est une terre d’entrepreneurs avec des sociétés locales qui grandissent et créent des centaines d’emplois telles que Venteprivée.com ou LynkByNet. Ces entreprises de l’e-commerce et de l’infogérance participent de la nouvelle économie numérique et s’appuient sur le développement des data centers sur le territoire. Cette industrie numérique est aussi celle de la téléphonie mobile et de l’image avec les studios audiovisuels et la Cité du cinéma, par exemple. Quels sont les points forts de la ville pour une entreprise ? Essentiellement, la géographie, les transports, la ressource humaine et le projet de territoire. Notre situation est stratégique entre La Défense et Roissy. Notre desserte est puissante (trois gares RER, deux lignes de métro, trois de tramway, deux autoroutes, le canal, la Seine…) et va s’intensifier avec trois lignes du futur Grand Paris Express, une gare TGV… et s’apaiser avec la réparation des fractures ferroviaires et autoroutières. Sur le plan humain, Saint-Denis est la grande ville la plus jeune de France avec la plus forte proportion d’enfants de moins de 14 ans. Nous sommes au cœur du deuxième pôle universitaire de la région (Paris 8, Paris 13, CNAM…) et cette ressource humaine va grandir avec le campus Condorcet qui à l’horizon de 2017 sera le premier pôle de recherche européen en sciences humaines et sociales. La jeunesse des habitants est un gage d’’énergie. Une créativité qui s’exprime notamment au travers des cultures urbaines et d’une innovation sociale qui va de l’économie sociale et solidaire au développement de la nature en ville.
SAINT-DENIS (93) Situation Superficie : 12,36 km2
Quatre communes limitrophes : Pierrefittesur-Seine au nord, Paris au sud, La Courneuve à l’est et L’Île-Saint-Denis à l’ouest Démographie 108 907 habitants en 2011 6 944 habitants au km2
Urbanisme et espaces verts 75 hectares d'espaces verts dont 33 ha pour les parcs et jardins 40 espaces verts équipés de 147 jeux dans les cités 23 aires de jeux hors des cités 103 jardins pédagogiques dans les écoles et les centres de loisirs 7 500 arbres d'alignement 200 000 plantes produites chaque année par les serres municipales Enseignement et scolarité 30 écoles maternelles 30 écoles primaires et élémentaires 10 collèges 6 lycées Sports 17 terrains de sport de proximité dans les quartiers Vie associative Plus de 2000 associations sportives, culturelles, sociales, patriotiques, commerçantes… Vie culturelle Théâtres, centres culturels, conservatoires de musique, médiathèques, cinémas, musées… : - 60 AdaDa - 6b - Académie Fratellini - Cinéma l'Écran - Conservatoire de musique et de danse - École municipale d'arts plastiques Gustave Courbet - Fabrique de la ville - Ligne 13 - Ludothèques - Médiathèques - Musée d'art et d'histoire - Synesthésie - Théâtre de la Belle Étoile - Théâtre Gérard Philipe
PROMO IMMO Actrice essentielle de la requalification du Grand Paris, la promotion immobilière passe ici à la question sur des thématiques variées : tissu urbain, acte architectural, développement des entreprises et de la vie économique de la métropole, mais aussi de sa vie sociale.
Façade de l'hôpital Richaud à Versailles © Société Infime architecture
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EMMANUEL LAUNIAU
DIRECTEUR GENERAL D OGIC
« Les acquéreurs sont prêts pour l’immeuble 2.0 : moderne par sa technique et par ses usages. » Après vingt ans dans le groupe Bouygues, Emmanuel Launiau a pris, en novembre 2013, la direction générale d’Ogic, une entreprise d’une centaine de personnes, créée en 1966 et, depuis 2008, filiale de la holding du groupe Norbert Dentressangle. Propos recueillis par Catherine Sabbah
Le logement est l’un des secteurs qui semble avoir le moins évolué au cours des dernières décennies, alors que les modes de vie ont radicalement changé. La responsabilité en incombe-t-elle aux promoteurs ? Emmanuel Launiau : Sans doute, pour une part. La plupart sont tirés par le marché. Ils conçoivent un « produit », le vendent puis s’en désintéressent. J’aime beaucoup mon métier, c’est pourquoi je souhaite le faire évoluer comme celui d’un artisan, voire d’un orfèvre, qui surveille toutes les étapes de la fabrication. J’ai travaillé plus d’une vingtaine d’années au sein du groupe Bouygues. À la tête d’Ogic, je découvre une entreprise à taille humaine,
depuis laquelle je me sens davantage proche des gens, c’est-à-dire de nos clients, et du terrain. Depuis ce poste d’observation, je sens qu’il est possible de faire bouger les choses, dans la manière de fabriquer des logements, de les vendre et de les gérer. Non pas comme des « produits », justement, mais comme une partie d’un tout, la ville. Nous vendons des lieux de vie, pas seulement des mensualités ou des coûts de charges.
OGIC Fondé en 1966, OGIC est un promoteur immobilier présent dans toute l'Île-de-France, en régions Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte d'Azur. Fidèle à son ambition d'effectuer des réalisations de qualité, OGIC privilégie les plus belles adresses proposant une architecture toujours adaptée au quartier dans lequel elle doit s'insérer. Source : www.ogic.fr
Ancienne manufacture de tabac de Rumilly © Samuel Tornero
Opération Access Design de Guignes © Nexity
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CHIFFRES-CLÉS
La rue intérieure publique de l'Université catholique de Lyon © D.R.
+ de 10 000 logements 400 000 m2 de bureaux 300 000 m2 de locaux d'activités 10 opérations d'aménagement Pouvez-vous préciser ce que vous pourriez changer ? Nous venons par exemple de gagner un concours dans le quartier des Batignolles. La Ville de Paris nous impose une confrontation avec d’autres d’équipes de promoteurs-architectes, afin de co-construire un quartier. C’est rare et très intéressant. Pour une fois, nous nous intéressons à ce que fabriquent les voisins depuis un autre angle que le seul point de vue de la concurrence. Nous allons construire un immeuble de 50 mètres de haut conçu par les agences d’architectes Fresh et Itar, dans lequel cohabiteront des propriétaires et des locataires. Je voudrais en faire un prototype de l’immeuble 2.0 en proposant à la communauté de ces futurs occupants des services mutualisés. On peut imaginer beaucoup de choses, de la buanderie où l’on installe des lave-linge ou des sèche-linge, au studio qui sert à accueillir des amis ou de la famille de passage, à une salle commune où organiser des réunions ou de petites fêtes, une conciergerie où quelqu’un peut récupérer les courses qui sont livrées, les colis de plus en plus nombreux avec le e-commerce. Et pourquoi pas une terrasse avec cuisine d’été ouverte à ceux qui, dans les étages inférieurs, ne disposent pas d’espaces extérieurs. Il faut financer ces surfaces partagées et c’est sur ce point que butent généralement ces idées généreuses. Mais il me semble que nous ne sommes plus dans le domaine de l’utopie. Il devient possible d’organiser ce fonctionnement collaboratif parce que les gens y sont prêts et qu’ils y voient un avantage d’usage avant un coût financier. Pour cette raison aussi, je crois plus aux programmes de taille moyenne, de moins de 100 logements. Au-delà, je ne vois pas comment ce type de gestion serait possible. Je suis persuadé qu’en tant que maître d’ouvrage, et aux côtés des architectes, nous avons un rôle à jouer pour concevoir des logements innovants et les montages financiers qui rendront possible leur construction.
Les anciennes prisons Saint-Paul et Saint-Joseph à Lyon © Azylum
Les textes réglementaires qui seront prochainement discutés au Parlement vous paraissent-ils aller dans le bon sens ? Difficile de le dire tant ils sont nombreux et mouvants. Nous avons besoin d’un plan quinquennal pour le logement et d’une fiscalité stable et pérenne. Pour l’instant, les textes nouveaux ont plutôt tendance à compliquer les choses par des systèmes qui ne sont pas simples à comprendre, même pour des professionnels. Pourquoi les prix des logements ne baissent-ils pas ? Parce que la diminution des taux d’intérêt a pour l’instant joué comme un re-solvabilisateur des acquéreurs, et parce qu’il n’y a pas de stock. Depuis 2008, les banques ne financent que les opérations déjà pré-vendues à 40 ou 50 %. Le temps de les construire suffit généralement à commercialiser le reste. Il y a sur le marché, en ce moment, moins de 6 000 appartements livrés et toujours en vente. Les promoteurs ne sont pas à l’arrêt malgré les difficultés, mais c’est davantage grâce à cette autorégulation du marché qu’aux nouvelles lois. Il faut aujourd’hui plus d’offre, donc des terrains moins chers. Tout le monde est d’accord là-dessus, mais il ne se passe rien. Je regrette que la loi Alur (pour l’accès au logement et à un urbanisme renouvelé, ndlr), le nouveau texte présenté par Cécile Duflot, bientôt en discussion, n’aborde pas suffisamment la question foncière. La mobilisation des terrains de l’État n’a pour l’instant pas donné grand-chose de concret.
La Reine blanche, ilôt situé près du Jardin des plantes à Paris, restauré en 2002 © Samuel Tornero
Immeuble d'habitation rue Gondinet dans le 13e arrondissement parisien © Samuel Tornero
L’industrie est néanmoins en crise puisque les ventes ont chuté de 30 % l’an dernier. Comment Ogic a-t-il passé le cap ? Notre début d’année 2013 a été pour l’instant meilleur que 2012. Nous recrutons car nous avons lancé d’ambitieux programmes, à Lyon, Marseille, Annecy ou Paris. Ce sont souvent des opérations de moyenne-haute de gamme comportant des bâtiments à restaurer, comme l’hôpital Richaud à Versailles ou les anciennes prisons Saint-Paul et Saint-Joseph à Lyon. Nous disposons de fonds propres qui nous permettent d’acquérir des terrains et nous nous développons à Choisy-le-Roy, Orly, Franconville, des villes où la TVA est encore à 7 % ou des secteurs dans lesquels les aménageurs parviennent à maîtriser les prix de vente. Ils créent ainsi une concurrence qui porte sur autre chose que la capacité à aligner quelques millions de plus pour acheter des charges foncières. Nous avons le choix entre la poursuite de notre croissance sur nos cœurs de marché, le développement de nouvelles activités, l’asset management peut-être, et encore la croissance externe dans des villes ou sur des segments de marché où nous ne sommes pas présents. Rien ne presse !
Ogic est spécialiste des réhabilitations et des transformations. Pensez-vous tirer parti des textes qui devraient faciliter la transformation de bureaux en logements ? C’est une question qui se pose à Paris et peu ailleurs, et pas forcément une voie d’avenir. Nous l’avons déjà fait, notamment sur des bâtiments protégés ou classés. L’expérience montre que cela coûte très cher, souvent beaucoup plus qu’une démolition/reconstruction. Les investisseurs ne sont pas encore prêts à vendre à la casse ce qu’ils espèrent encore louer.
Le Prado Rivage à Marseille © D.R.
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L’immobilier est une source de création de valeur Cushman & Wakefield est l’interlocuteur privilégié des entreprises françaises et internationales. 16 000 professionnels à votre écoute. Des solutions adaptées à vos objectifs stratégiques, opérationnels et financiers, en France et à travers le monde.
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Ludovic Delaisse Directeur du département Bureaux et du Pôle Développement 01 53 76 92 73 ludovic.delaisse@eur.cushwake.com
© JLL
VIE DES ENTREPRISES Constitué de plusieurs pôles économiques forts dont La Défense, le Grand Paris constitue l'El Dorado des grandes entreprises françaises et internationales. Comment viventelles au quotidien dans la métropole parisienne ?
JONES LANG LASALLEFRANCE Jacques Bagge, directeur du département Agence chez JLL nous explique les atouts d’une implantation en plein Quartier central des affaires parisien, face à la délocalisation de nombreuses entreprises en métropole. Pour JLL, cette implantation est un efficace vecteur d’image et de différenciation.
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ENTRETIEN AVEC JACQUES BAGGE, DIRECTEUR DU DÉPARTEMENT AGENCE CHEZ JLL
Propos recueillis par Emmanuelle Graffin
Pouvez-vous présenter JLL (Jones Lang LaSalle) en quelques mots ? Jacques Bagge : JLL France, conseil en immobilier d'entreprise, accompagne les entreprises et les investisseurs dans toutes leurs problématiques immobilières. L'activité de JLL couvre l’ensemble du territoire français. Les 450 collaborateurs sont spécialisés sur les marchés de bureaux, locaux d’activités, commerces, plates-formes logistiques, et hôtels. En France, JLL est implanté en Île-de-France (Quartier de La Défense, Saint-Denis, Le Plessis-Robinson), à Lyon et Marseille. À l’heure des délocalisations en petite couronne de certains sièges sociaux de grandes entreprises, quel est le parti de JLL ? Il se trouve que les bureaux de nos clients, qu’il s’agisse d’investisseurs, de promoteurs ou de grandes entreprises du secteur privé, sont majoritairement concentrés dans le Quartier central des affaires (QCA), en plein cœur de Paris. Il nous a donc semblé indispensable de nous implanter à proximité de nos clients. Si nous avions choisi une implantation en dehors du QCA, les relations de travail auraient été bien plus compliquées puisque nous aurions été éloignés géographiquement de nos partenaires commerciaux. Néanmoins, il est à souligner que la banlieue offre des avantages certains, comme la qualité des immeubles neufs qui répondent le plus souvent aux normes actuelles de confort et de développement durable. L’avantage aussi réside dans les loyers moins élevés que ceux pratiqués au cœur de Paris, dans des immeubles haussmanniens du quartier central des affaires, plus chers.
SI NOUS AVIONS CHOISI UNE IMPLANTATION EN DEHORS DU QUARTIER CENTRAL DES AFFAIRES, LES RELATIONS DE TRAVAIL AURAIENT ÉTÉ BIEN PLUS COMPLIQUÉES PUISQUE NOUS AURIONS ÉTÉ ÉLOIGNÉS GÉOGRAPHIQUEMENT DE NOS PARTENAIRES COMMERCIAUX.
© D.R.
Quels sont justement les atouts d’une implantation dans un immeuble haussmannien ? Le principal avantage de l’immeuble haussmannien, c’est sa situation au cœur de la capitale ! La localisation est un efficace vecteur d’image et de différenciation. Elle peut avoir un effet d’attractivité sur les candidats, bien sûr, mais également sur les clients et partenaires. Cependant, par rapport aux modes de travail actuels, l’immeuble haussmannien apporte moins de flexibilité. Les murs porteurs cloisonnent les espaces et empêchent de créer des open spaces, un mode de travail flexible et moderne.
Vue de la Défense © D. R.
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La Défense © JLL
À PROPOS DE JLL
Vue d'une salle de réunion © JLL
JLL, leader mondial du conseil en immobilier d’entreprise, emploie plus de 40 000 collaborateurs actifs dans plus de 75 pays. Fort de 200 ans d'expérience, la société accompagne les entreprises, les propriétaires et les investisseurs aux niveaux national, européen et mondial, avec la même qualité de service et d'engagement. Source : www.joneslanglasalle.fr
Quelles nouvelles façons de travailler proposez-vous à vos salariés ? Le travail nomade est-il selon vous une voie à développer ? Au sein d’une société de conseil, le travail se fait en équipe, entre collègues et avec les clients. Cela nous oblige à travailler en mode nomade puisque l’on bouge beaucoup. L’orchestration du travail nomade permet de gagner en efficacité, en tirant profit des évolutions, tant technologiques que sociétales, qui affectent la façon de travailler dans les bureaux. Le nomadisme favorise notamment la réactivité, et il affecte la nature même du travail fourni, qui enregistre un gain à la fois quantitatif et qualitatif. En outre, il invite à une rationalisation des surfaces, qui peut être source d’économies non négligeables.
Vue de la cafétéria © JLL
CODE D’ÉTHIQUE J LL s’engage à maintenir une culture d’entreprise qui adopte et promeut de rigoureux principes d’éthique professionnelle, à chaque niveau d’activité. Source : www.joneslanglasalle.fr
L’espace de travail est ainsi mis à contribution. Les bureaux en eux-mêmes – mais également leur localisation – devenant des outils au service d’un environnement reconfiguré, qui offrira aux collaborateurs l’opportunité de travailler « autrement », dans un espace-temps aux frontières repoussées.
67 En quoi vos bâtiments prônent-ils une démarche d’excellence en termes d’environnement de travail ? Il y a deux manières d’entendre votre question : pour ce qui est de l’environnement au sens de développement durable, il participe de l’image vertueuse de la société citoyenne, et il permet notamment par la réduction de la consommation énergétique de réduire le coût de fonctionnement d’un immeuble. JLL a beaucoup travaillé sur ce sujet. Un premier constat s’est imposé. Lorsque l’on parle d’environnement de travail, il faut également considérer l’impact positif du bien-être des salariés au travail sur leur efficacité, leur productivité, le temps qu’ils passent à travailler, et là, l’impact sur les résultats est direct. C’est pourquoi nous avons aménagé nos bureaux dans ce sens. Par exemple, nous y avons introduit un mobilier ergonomique et confortable, des espaces de réunion informels, des lounges avec des meubles bas, des télévisions, un baby-foot, des boissons chaudes ou froides
à disposition des salariés, etc. Ces possibilités offertes d’échanger autrement favorisent la productivité. Un bon environnement de travail constitue indéniablement une formidable opportunité pour les entreprises, à la fois en matière de productivité et d’attractivité des nouveaux talents. En termes de vitrine numérique ? Notre immeuble n’est pas en soi une véritable vitrine numérique. En revanche, notre activité sur la toile est très importante. Nous avons créé un site de courtage en ligne, JLL.fr, un site « Corporate » avec nos études, des informations, nos offres de service. De plus, nous conseillons les investisseurs qui souhaitent commercialiser un immeuble sur les outils numériques et les sites web qui leur seront utiles. Nous sommes également très présents sur les réseaux sociaux. Cette présence sur le web est une source importante de nouveaux clients pour JLL. Enfin, en termes de développement durable, quelles sont les réponses de JLL ? Un immeuble ancien comme celui de notre siège social n’a pas été conçu selon les critères éligibles à une labellisation développement durable. Cependant, nous essayons le plus possible d’intégrer dans notre quotidien des gestes qui protègent l’environnement. Nous avons mis en place un système de traitement différencié des déchets même si cela n’est pas forcément aisé dans un bâtiment ancien. Nous avons également installé des éclairages automatiques à détection de présence. Nous avons demandé à nos salariés de faire des économies de papier en réduisant le nombre de photocopies afin de les sensibiliser aux problématiques environnementales. Nous avons mis en place une politique de remplacement des voitures de fonction par des véhicules hybrides… Ce sont de petites actions, mais qui vont dans le sens d’une avancée tournée vers l’avenir.
QUAND ON PARLE D'ENVIRONNEMENT DE TRAVAIL, IL FAUT CONSIDÉRER L'IMPACT POSITIF DU BIENÊTRE DES SALARIÉS AU TRAVAIL SUR LEUR EFFICACITÉ, LEUR PRODUCTIVITÉ, LE TEMPS QU'ILS PASSENT À TRAVAILLER, ET LÀ, L'IMPACT SUR LES RÉSULTATS EST DIRECT.
Le Grand Paris, territoire polymorphe, profite d’une vaste politique culturelle. Centralités analyse les aspects marquants et les temps forts de l’animation de la métropole.
CULTURE
LA GALERIE, UN CENTRE D ART NOISEEN AU RAYONNEMENT INTERNATIONAL Avec le projet de musée à ciel ouvert, Defacto apporte cette identité culturelle forte qui manquait au quartier de La Défense. Le parcours reflète une recherche de cohérence et de visibilité pour les 67 œuvres de la collection jusqu’ici éparpillées sur la grande dalle bien connue des habitués.
Le précédent numéro de Centralités recensait les lieux culturels du Grand Paris et esquissait la vitalité de la scène artistique, de cet autre côté du périphérique. La Galerie de Noisy-le-Sec n’y déroge pas. Le centre d’art, qui a réussi à concilier scène locale et internationale par l’excellence de sa programmation, fête en septembre 2014 ses 15 ans. Alexandra Fau
« Bonjour tristesse, désir, ennui, appétit, plaisir » (21 septembre – 16 novembre 2013) Vue de l'exposition à La Galerie, Centre d'art contemporain de Noisy-le-Sec © Cédrick Eymenier, 2013
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La Galerie Š Ville de Noisy-le-Sec
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À L’IMAGE DE CE VESTIGE ARCHITECTURAL RESCAPÉ DES BOMBARDEMENTS DE LA SECONDE GUERRE MONDIALE, L’ART CONTEMPORAIN, DANS UN TERRITOIRE MARQUÉ PAR LE POIDS ÉCONOMIQUE ET SOCIAL, PEUT SEMBLER DÉPLACÉ.
L’ancien pavillon notarial de la fin du xixe siècle qui abrite La Galerie semble un peu perdu dans un environnement dominé par des tours d’immeubles à plusieurs étages. À l’image de ce vestige architectural rescapé des bombardements de la Seconde Guerre mondiale, l’art contemporain, dans un territoire marqué par le poids économique et social, peut sembler déplacé.
Née en 1999 d’une volonté municipale au même titre que le centre d’art du Crédac (Ivry), les Églises à Chelles ou la galerie Édouard Manet de Gennevilliers, La Galerie vient compléter les nombreux dispositifs d’éducation (théâtre, conservatoire, médiathèque, compagnie de théâtre de rue) mis en place par la ville de Noisy-le-Sec. La première directrice, Hélène Chouteau, oriente d’emblée la programmation en invitant des artistes engagés (Jean-Luc Moulène, Florence Lazar…). Mais la municipalité n’adhère pas à ses choix trop « élitistes » et décide de « rendre la Galerie aux Noiséens » en recrutant une nouvelle directrice.
© Ville de Noisy-le-Sec
Vue de l’exposition « Le Deuxième Sexe – une note visuelle » Une proposition de Tobi Maier, curateur en résidence La Galerie, Centre d’art contemporain de Noisy-le-Sec/Paris © Cédrick Eymenier, 2013
Dès son arrivée en 2004, Marianne Lanavère – actuellement directrice au Centre international d’art et du paysage de l’île de Vassivière depuis 2012 – avoue son malaise à l’idée de faire des expositions dont le thème porte sur des enjeux de société, craignant le cliché. Ses expositions (« Fabriques du sublime », 2005) offrent matière à rêver. « Sortir les gens de leur quotidien » plutôt que de leur renvoyer une réalité qu’ils ne connaissent que trop bien.
La dimension sociale n’est pas pour autant occultée. Elle est pensée à partir des œuvres par les médiateurs et lors d’actions menées autour de l’exposition. Pour Marianne Lanavère, il convient de « donner autant de crédit au public qu’à l’artiste sans forcément mélanger les deux, et ne pas faire de l’artiste un acteur social ».
DÉVELOPPEMENT DES CENTRES D'ART Depuis sa création en 1992, l'association d.c.a contribue à mettre en réseau et à fédérer les centres d'art en France avec leurs différences de statuts et de programmations. S'élevant aujourd'hui à 50 structures, les centres d'art membres de d.c.a présentent une grande diversité au niveau de leur histoire, taille, contexte géographique et sociologique. Source : www.dca-art.com
« Adieu tristesse, désir, ennui, appétit, plaisir » (22 février – 19 avril 2014) Vue de l’exposition à La Galerie, Centre d’art contemporain de Noisy-le-Sec © Cédrick Eymenier, 2014
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Avec l’arrivée d’Émilie Renard à la direction en 2012, l’ambition se déplace légèrement. Durant la saison « La forme des affects », les ateliers pédagogiques intègrent l’exposition comme pour rendre plus explicite cette relation intime entretenue entre l’artiste et son œuvre. À partir des œuvres exposées poignantes comme ces cagettes remplies de morceaux de poupées de Benjamin Swaim (« Je suis vivant », 2014) et une énumération de sentiments concrets et accessibles (« Adieu tristesse, désir, ennui, appétit, plaisir », 22 février-19 avril 2014), des artistes intervenant dans le cadre de workshops confient à leur tour leur rapport au travail. L’équipe professionnelle de La Galerie vient à son tour témoigner de sa relation aux œuvres en rédigeant les textes du catalogue de l’exposition « de façon à varier les discours sur l’art ».
Les différentes directrices de La Galerie ont répondu aux priorités de la ville dans son soutien à l’art contemporain en développant une importante médiation pour les publics scolaires, les centres de loisirs, les publics adultes, à travers des conférences, des ateliers d’écriture… Toutefois, la d.c.a. (association française de développement des centres d’art) est un rempart contre tout risque éventuel d’instrumentalisation de l’art par Noisyle-Sec. Néanmoins, l’artiste en résidence pour neuf mois est implicitement appelé à créer des liens avec d’autres acteurs du territoire. Cette recherche de synergie avec la ville n’est pas perverse tant que cela coïncide avec la démarche de l’artiste. Ainsi Nicolas Momein, choisi cette année pour la résidence, construit-il ses œuvres en relation à d’autres selon des procédés toujours renouvelés. De sa visite d’une entreprise de marqueterie de Bagnolet (« Les fils de J. George ») au secret bien gardé, il fait une vidéo (Sédimentographie chez Les fils de J. George, 2014) et exhume une planche de bois censée protéger la machine des projections de limaille de fer.
« Adieu tristesse, désir, ennui, appétit, plaisir » (22 février – 19 avril 2014) Vue de l’exposition à La Galerie, Centre d’art contemporain de Noisy-le-Sec © Cédrick Eymenier, 2014
LES DIFFÉRENTES DIRECTRICES DE LA GALERIE ONT RÉPONDU AUX PRIORITÉS DE LA VILLE DANS SON SOUTIEN À L’ART CONTEMPORAIN EN DÉVELOPPANT UNE IMPORTANTE MÉDIATION POUR LES PUBLICS SCOLAIRES, LES CENTRES DE LOISIRS, LES PUBLICS ADULTES, À TRAVERS DES CONFÉRENCES ET DES ATELIERS D’ÉCRITURE. Vue de l'exposition « The Funnel » de Bertrand Lamarche (6 décembre 2008 - 7 février 2009) à La Galerie, Centre d'art contemporain de Noisy-le-Sec © Cédrick Eymenier, 2008
Vues de l’exposition « Le Deuxième Sexe – une note visuelle » Une proposition de Tobi Maier, curateur en résidence La Galerie, Centre d’art contemporain de Noisy-le-Sec/Paris © Cédrick Eymenier, 2013
Vue de l'exposition personnelle de Bettina Samson (5 décembre 2009 - 13 février 2010) à La Galerie, Centre d'art contemporain de Noisy-le-Sec © Cédrick Eymenier, 2008
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Bien plus qu’un Frac (Fonds régional d’art contemporain), le centre d’art a pour vocation d’expérimenter et de produire des œuvres, de « permettre à l’artiste d’accéder à quelque chose qu’il ne trouverait pas ailleurs ». Cet argument exprimé par son ancienne directrice Marianne Lanavère achève de convaincre les derniers artistes réticents de la singularité et du potentiel offerts par ces espaces, plus ouverts et libres dans leur programmation que bien d’autres centres d’art parisiens.
LES MUNICIPALITÉS TENTÉES AUJOURD’HUI DE RÉDUIRE LEURS AMBITIONS CULTURELLES DEVRAIENT UN PEU PLUS S’INSPIRER DE LA LIBERTÉ AVEC LAQUELLE LES CENTRES D’ART REPENSENT LE TERRITOIRE DU GRAND PARIS ET SON PATRIMOINE.
Les municipalités tentées aujourd’hui de réduire leurs ambitions culturelles devraient un peu plus s’inspirer de la liberté avec laquelle les centres d’art repensent le territoire du Grand Paris et son patrimoine. Alors que les stratégies électoralistes tendent à resserrer le champ de vision, ces lieux opèrent des connexions qui vont bien au-delà des frontières administratives. Avec pragmatisme, les directeurs sont partis de l’existant pour tisser des liens. Marianne Lanavère a profité du trajet de RER E reliant plusieurs centres d’art dont les Églises à Chelles pour créer des œuvres sur le trajet. De même, le Parcours Est créé en 2011 dans un esprit d’intercommunalité rapproche La Galerie, Khiasma (Les Lilas), la Maison populaire (Montreuil), la Ferme du Buisson (Noisiel). La Galerie a également réussi grâce au réseau TRAM et à la première saison d’Hospitalités à créer des synergies avec d’autres centres d’art plus éloignés, mais dont elle partage les choix artistiques (Crédac, CAC Brétigny-sur-Orge…).
Vue de l'exposition « La Rétine » d’Evariste Richer (15 septembre - 10 novembre 2007) à La Galerie, Centre d'art contemporain de Noisy-le-Sec © Cédrick Eymenier, 2007
Pour Émilie Renard, « le centre d’art ne doit pas être hors sol ». Il doit rayonner sur le territoire et au-delà, grâce aux connexions développées avec des centres parisiens (Le Plateau, Fondation Kadist, Béton salon, la Maison rouge…). Mais c’est surtout la résidence de commissaire d’exposition étranger venue se greffer à un précédent dispositif de résidence d’artiste qui a contribué à la dimension internationale de La Galerie de Noisy-le-Sec. Pour son instigatrice Marianne Lanavère, « ces professionnels partagent alors leur propre vision de l’art, leurs référents et les artistes de leur pays. Et ils repartent de France en ayant une meilleure vision de la scène française qu’ils peuvent colporter à leur retour chez eux ».
C’est donc finalement sur le terrain local que les initiatives semblent les plus complexes ; comment créer des connexions avec Les Lilas, tout proches ? Comment inviter la municipalité à se pencher sur un quartier mal aimé et oublié, la cité de Merlan, un ensemble d’architectures innovantes imaginé par des architectes étrangers en 1945 ? Pour les Journées du patrimoine en 2008, la cinquantaine de pavillons aujourd’hui dans un état de délabrement avancé a donné lieu à de véritables installations. Une maison en métal s’est vue métamorphosée en fontaine par Katinka Bock. Et Detanico & Lain ont détourné une maison abandonnée en phare. Mais sortir du centre d’art ne s’improvise pas, comme l’a prouvé la récente œuvre hors-les-murs Cul-de-sac de Nicolas Momein (un camion rempli de 8 m3 de laine de roche laissant juste la place pour un corps), très vite vandalisée. À proximité de La Galerie, mais ne profitant pas de sa protection, l’œuvre ne peut sans doute pas grandchose, si elle ne répond pas directement à des manques identifiés.
SORTIR DU CENTRE D’ART NE S’IMPROVISE PAS, COMME L’A PROUVÉ LA RÉCENTE OEUVRE HORS-LES-MURS CUL-DE-SAC DE NICOLAS MOMEIN, TRÈS VITE VANDALISÉE.
INFORMATIONS PRATIQUES La Galerie, Centre d'art contemporain 1, rue Jean-Jaurès 93130 Noisy-le-Sec +33 (0)1 49 42 67 17 lagalerie@noisylesec.fr RER E Noisy-le-Sec
Vues de l'exposition « I woke up. There was a note in my pocket explaining what had happened. Je me suis réveillé. Il y avait dans ma poche une note expliquant ce qu’il s’était passé. » de Jason Dodge (29 mai – 24 juillet 2010) à La Galerie, Centre d'art contemporain de Noisy-le-Sec © Cédrick Eymenier, 2010
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Vues de l'exposition "Noyau dur et double foyer" de Laura Lamiel (30 novembre 2013 8 février 2014 à La Galerie, Centre d'art contemporain de Noisy-le-Sec © Cédrick Eymenier 2013
POUR LES JOURNÉES DU PATRIMOINE EN 2008, LA CINQUANTAINE DE PAVILLONS AUJOURD’HUI DANS UN ÉTAT DE DÉLABREMENT AVANCÉ A DONNÉ LIEU À DE VÉRITABLES INSTALLATIONS. UNE MAISON EN MÉTAL S’EST VUE MÉTAMORPHOSÉE EN FONTAINE PAR KATINKA BOCK.
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Fontaine gratuite après la pluie, 2008 Acier, zinc Production : La Galerie, Centre d’art contemporain de Noisy-le-Sec dans le cadre de la biennale Art Grandeur Nature © Cédrick Eymenier, 2008
LES TERRITOIRES CONSTITUTIFS DU GRAND PARIS Dans le contexte de reconfiguration de Paris et de sa banlieue, chaque territoire composant cette zone constitue une force vive. Chaque numéro de Centralités en analysera un ou plusieurs..
LE VAL-DE-MARNE L ENVOL D UN TERRITOIRE
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PARIS-SACLAY, CREER UNE VILLE-CAMPUS
VAL-DE-MARNE
LES ATOUTS DU VAL-DE-MARNE LA QUALITÉ ENVIRONNEMENTALE La Marne, une des rivières du Val-de-Marne Le département dispose d’un joyau, la Marne. C’est la plus longue rivière de France (525 km), mais aussi du Val-deMarne (24 km) dont elle irrigue 13 communes. Elle prend sa source sur le plateau de Langres, en Haute-Marne, et se jette dans la Seine à Charenton-le-Pont/Alfortville/Ivrysur-Seine dans le Val-de-Marne.
Le lac de Créteil © Michel Escuriol : Vivre Ensemble, ville de Créteil
Le lac de Créteil Le lac de Créteil est un plan d’eau artificiel creusé dans les anciennes carrières de gypse et de graviers, d’une surface de 42 hectares et d’une profondeur moyenne de 4 m. Il se situe au cœur de Créteil. Il propose toute une série d’infrastructures permettant aux habitants du Val-de-Marne de profiter de loisirs dignes d’une station balnéaire. Un village du Val-de-Marne : Périgny-sur-Yerres Il n’y a pas plus petit dans le Val-de-Marne (2335 habitants), et nous sommes ici à 25 km de Paris seulement, mais néanmoins aux portes de la Brie, un des greniers de l’Île-de-France. La Roseraie du Val-de-Marne à l’Haÿ-les-Roses La rose est reine dans le Val-de-Marne, au point que des communes y ont associé son nom, Mandres-les-Roses, l’Haÿ-les-Roses. Il faut rechercher cette origine dans la culture de cette fleur qui fut pendant longtemps pratiquée par les agriculteurs du Val-de-Marne, la concurrence étrangère est venue bouleverser cette tradition. Un des 20 parcs départementaux : la Plage Bleue Imaginez un jardin extraordinaire de 40 hectares, avec un plan d’eau où oies d’Égypte, cormorans, hérons cendrés, sarcelles, s’ébattent en pleine liberté, se reproduisent ou font une halte, au moment du long trajet de leur migration, sur les îles spécialement conçues pour eux.
Golf de Marolles-en-Brie © Golf BLUE GREEN Marolles
Le port de Nogent-sur-Marne © Pour le compte du CDT94
LA QUALITÉ DE L’OFFRE DE LOISIRS Les golfs du Val-de-Marne Ici, dans le Val-de-Marne, ce sport n’est plus réservé à la seule catégorie de gens aisés, des parcours de golf, il y en a pour tous. Les ports de plaisance Le port de plaisance de Joinville-le-Pont, sur la Marne, est la dernière halte aménagée avant Paris. Il a une capacité d’accueil de 55 anneaux permanents et de 15 anneaux pour l’escale. Bases d’avirons et de canoës-kayaks La pratique de l’aviron ou du canoë-kayak est indissociable de nos bords de marne : son apparition date des années 1850 et les clubs sont pour la plupart centenaires ; d’ailleurs, les Fédérations Françaises de ces deux disciplines ont choisi respectivement Nogent-sur-Marne et Joinville-le-Pont pour y installer leur siège. Centres équestre Le sport hippique est une grande tradition val-de-marnaise : dès 1906 s’installe à Champigny-sur-Marne l’hippodrome du Tremblay ; les trotteurs s’y entraîneront jusqu’à sa disparition dans les années 1960.
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RACONTER ENSEMBLE UNE VISION DU MONDE COMME UN LIVRE D IMAGES ENTRETIEN AVEC ALEXIA FABRE CONSERVATEUR EN CHEF DES ŒUVRES DU MAC/VAL
Propos recueillis par Danielle Béna Vous êtes conservateur en chef du MAC/VAL, vous avez maintenant 7 ans de recul. Depuis son ouverture, quelle empreinte avez-vous donnée à ce musée ? Alexia Fabre : Le musée a effectivement ouvert ses portes en novembre 2005, mais j’ai été recrutée en tant que conservateur des œuvres en 1998, c’est donc à partir de cette date que l’on peut considérer l’existence du musée. En fait, pour être agréé « Musée de France », trois éléments sont nécessaires, il faut une collection, agréée par le ministère de la culture, devenant de ce fait inaliénable et imprescriptible, un conservateur et un projet artistique et culturel. Mon empreinte vient de la formalisation de ce projet, que j’ai dû rédiger en prenant appui sur les orientations définies depuis de nombreuses années par les élus départementaux. Toute la difficulté a été de créer un nouveau musée, à la fois de proximité pour la population, mais subissant néanmoins la concurrence des musées parisiens. Pour se donner une légitimité, il fallait donc trouver des sujets qui n’existaient pas ailleurs. J’ai donc proposé de le consacrer uniquement à l’art contemporain en France. D’une part parce que les artistes français, il y a dix ans, regrettaient de ne pas être mieux représentés dans leur pays, d’autre part il me semblait que sur un territoire de grande mixité de population d’origine culturelle, il était important de fabriquer quelque chose de commun : l’art en France, avec des artistes français, mais aussi avec des artistes étrangers qui vivent en France. Le deuxième pilier de ce projet consistait à accompagner le visiteur, bien souvent non spécialiste, afin de ne pas le laisser seul face à cet art souvent difficile à appréhender. Je pense qu’à l’heure actuelle, ceci est notre plus grande force. Vous dites privilégier également les artistes étrangers qui vivent en France, y a-t-il sur le Val-de-Marne une communauté importante d’artistes étrangers ? C’est une des caractéristiques de notre territoire, il existe à l’heure actuelle une importante communauté d’artistes autour d’Antonio Ségui, Pierre Buraglio ou Jacques Monory. Les communes d’Arcueil et de Cachan accueillent de nombreux artistes d’Amérique latine et d’Europe de l’Est, sans doute sous l’influence de Julio Gonzàles, sculpteur et peintre Catalan associé aux mouvements cubiste et surréaliste, grand ami de Pablo Picasso, qui s’installa à Arcueil en 1937 après avoir fui la guerre d’Espagne. En épousant sa fille le peintre français d’origine allemande Hans Hartung, l’un des plus grands représentants de l’art abstrait, viendra certainement renforcer cette communauté.
Un musée de ce genre est une nouveauté en banlieue parisienne, c’était un risque à deux pas de Paris, connaissez-vous les motivations profondes qui, au départ, ont engendré ce projet? Oui, c’est toujours une nouveauté, car nous sommes le seul musée d’art contemporain implanté en banlieue parisienne. Les motivations sont claires : soutenir les artistes et offrir à la population cette rencontre avec l’art de notre temps.
MAC/VAL, les jardins © MAC/VAL
Donjon du château de Vincennes © Pour le compte du CDT94
LA QUALITÉ DE L’OFFRE CULTURELLE Un château royal dans le Val-de-Marne : le château de Vincennes Érigé du xive au xviie siècle, il est un des plus vastes château-fort royal français subsistant, une des plus hautes forteresses d’Europe. Une nouvelle fabrique de la danse : la Briqueterie Depuis 30 ans, tous les deux ans au mois de mars, le Val-de-Marne accueille la Biennale de Danse, soit une cinquantaine de représentations dans vingt villes du département.
LA QUALITÉ ET LA DIVERSITÉ DE L’HABITAT Tout un quartier classé Haute qualité environnementale à Choisy-le-Roi Fini les cités des années 60 ! De nos jours, dans les villes se construisent des bâtiments à Haute qualité environnementale (HQE) et des Bâtiments à basse consommation (BBC). Les maisons en pierre meulière, caractéristiques de l’Îlede-France Il existe de nombreux gisements de meulière autour de Paris, aussi fut-il aisé d’utiliser cette pierre dans la construction des maisons de la proche banlieue parisienne ; ce fut même une tendance de la fin du xviiie siècle jusqu’aux années 1930.
Le MAC/VAL : Musée d’Art Contemporain du Val-de-Marne Situé en centre ville de Vitry-sur-Seine, le MAC/VAL accueille, sur une surface de 13 000 m², 2 000 œuvres d’art. Un cinéma de 150 places, un centre de documentation, une librairie, un restaurant ainsi que des atelierslogements destinés à recevoir des artistes internationaux. Œuvre des architectes Jacques Ribault et Denise Duhart, il a été inauguré en 2005. Son ambition : dessiner le paysage de la création artistique en France depuis les années 1950. « Gare au Théâtre, un théâtre » ? Oui mais… C’est comme on veut ! Car la Compagnie se définit comme une fabrique d’objets artistiques en tout genre : théâtre, musique, danse, spectacle jeune public, littérature ont trouvé leur place dans cette ancienne halle de déchargement, construite en 1860 dans la gare de fret de Vitrysur-Seine, qui accueille la troupe depuis 1996.
Autre réalisation architecturale originale : les Choux à Créteil Ils ont poussé au milieu des champs ou presque, c’était en 1969 à Créteil, les Choux, dit encore Épis de maïs ou Dahlias.
Pavillon de banlieue en pierre de meulière © EPA ORSA / Myr Muratet
Les Choux à Créteil © Pour le compte du CDT94
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UN NOUVEAU SIEGE POUR UNE BANQUE NOUVELLE LCL) ENTRETIEN AVEC CHRISTIAN BOUVET SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE LCL
Propos recueillis par Danielle Béna Votre banque a pris la décision de quitter la célèbre adresse du boulevard des Italiens pour regrouper l’ensemble de ses salariés à Villejuif. Quels sont les arguments que vous avez mis en avant pour « vendre » à vos salariés cette nouvelle adresse ? Christian Bouvet : Les déménagements, en règle générale, sont une source de fortes inquiétudes pour le personnel, aussi nous avons souhaité faire adhérer le plus possible nos salariés à cette idée en travaillant sur les avantages qu’ils pourraient en retirer. Le premier élément du choix a été la proximité du lieu travail-domicile, le site de Villejuif disposant d’une
station de métro au pied des immeubles de LCL. Ensuite, nous avons été très attentifs à la qualité des installations, jusqu’aux détails près ; par exemple, les motards bénéficient, dans le parking, d’un vestiaire privé, tout le mobilier a été renouvelé, nous avons travaillé sur des espaces de convivialité où le personnel peut se retrouver, cafétéria à tous les étages, mais aussi salons. Nous avons beaucoup communiqué en faisant une exposition au boulevard des Italiens pour expliquer notre démarche. Nous avons « anticipé » l’arrivée du réseau Grand Paris en mettant à la disposition des salariés une navette entre la station Olympiades (ligne 14) et le LCL, nous avons de même trois restaurants d’entreprise, etc.
UN HERITAGE A TRANSFORMER : LA MISSION D UNE OPERATION D INTERET NATIONAL ENTRETIEN AVEC JACQUES TOUCHEFEU DIRECTEUR DE L’EPA ORSA
Propos recueillis par Danielle Béna Jacques Touchefeu, vous êtes directeur général de l’Établissement public d’aménagement Orly Rungis-Seine Amont depuis 2007, en charge de piloter l’opération d’intérêt national sur ce secteur ; pourquoi l’État s’est-il intéressé plus particulièrement à ce territoire ? Fallait-il impulser une énergie nouvelle, et dans quel but ? Jacques Touchefeu : L’État s’est depuis très longtemps intéressé à ce territoire, il l’avait déjà identifié dans la préparation du projet de SDRIF de 1994 comme un enjeu stratégique de la partie centrale de l’agglomération. Jusqu’à la création de l’opération d’intérêt national (OIN), l’État l’a traité comme une priorité de son action avec la Région dans les contrats de Plan. Mais chaque commune travaillait les projets à son échelle. Or s’il était territoire stratégique au niveau régional, dans la partie centrale de l’agglomération, c’est probablement parce qu’il pouvait générer des projets encore plus structurants qu’à une simple échelle communale. A un moment donné, l’État a donc décidé de constituer un système de gouvernance dans lequel il a proposé à la Région,
au Département, et bien sûr aux Villes, de fédérer l’ensemble de leurs énergies pour conduire ces réalisations. Cela a permis au bout de deux ans, puisque le projet stratégique date de 2009, de sortir des opérations d’intérêt métropolitain. Mais pas seulement ! Je voudrais vous parler du cas du secteur de Villeneuve-Saint-Georges, ville de 40 000 habitants à 10 minutes de Paris par le RER, riche d’un patrimoine architectural de grand intérêt, mais qui subit de fortes contraintes entre les avions, les trains, la route N6, les inondations, entrainant de graves difficultés urbaines et sociales. Un projet de requalification du centre-ville a été possible grâce à la convergence des quatre niveaux de puissance publique : l’Etat, la Région, du Département et la Commune. En fait, nous avons des grands projets d’intérêt métropolitain, comme les Ardoines et le pôle d’Orly, et des projets plus modestes de requalification, à l’exemple de celui de Villeneuve-Saint-Georges, où il faut concentrer la solidarité de tous les niveaux de puissance publique.
HORIZON 2020 : LES GRANDS PROJETS ENTRETIEN AVEC LAURENT GARNIER PRÉSIDENT DE LA SOCIÉTÉ D’AMÉNAGEMENT SADEV 94 ET DE L’ÉTABLISSEMENT PUBLIC L’EPA ORSA
Propos recueillis par Danielle Béna
Laurent Garnier, vous êtes président des deux structures publiques qui ont en charge le développement des projets les plus importants du département, mais vous êtes aussi vice-président du Conseil général en charge de l’aménagement, expliquez-nous comment ces grands projets sont nés ? Laurent Garnier : Le Schéma Départemental d’Aménagement du Territoire, élaboré par le Conseil général en concertation avec les villes concernées et la population, a mis en évidence les atouts de notre département. Les projets sont nés à partir de ces constats. Historiquement, le Val-de-Marne a été un territoire au service du fonctionnement métropolitain, et en particulier de la capitale ; on en voit la trace dans les réseaux de transports et autoroutiers qui convergent tous vers Paris, mais aussi dans l’existence d’équipements : on pense à l’aéroport d’Orly, au MIN de Rungis, aux établissements hospitaliers (très nombreux sur le Val-de-Marne), aux usines de traitement des eaux, etc. C’est à partir de l’existence de ces équipements, considérés hier comme des servitudes, qu’il est possible aujourd’hui de travailler sur les questions d’avenir. Grâce à leur présence, on a la possibilité de pouvoir développer de grands projets d’aménagements portés par les deux structures publiques que sont SADEV 94 et l’EPA ORSA. En outre, le Schéma Départemental d’Aménagement du Territoire a mis en exergue l’existence de filières, en premier lieu la Santé ; on a la chance non seulement d’être le deuxième département clinique et de recherche après Paris, mais encore nos centres hospitaliers ont une renommée mondiale. L’agro alimentaire, grâce à la présence du MIN de Rungis et de l’Ecole Vétérinaire d’Alfort, renforce nos compétences aussi bien en termes de distribution que dans le domaine de
la traçabilité et de la sécurité alimentaire dont on connaît, aujourd’hui, l’importance des enjeux. On pourrait évoquer tout ce qui concerne un grand secteur d’avenir lié au développement durable et plus particulièrement, sur notre territoire, les éco-industries appliquées au bâtiment, mais aussi la filière image, etc. Pour valoriser et structurer l’ensemble des ces filières, il faut des projets phares, c’est la raison pour laquelle nous avons travaillé sur leur organisation. Peut-on dire que le projet du département, ORBIVAL, a été le déclencheur dans la prise de décision de développement du réseau Grand Paris Express ? Oui, il est possible de le dire : sur cette question comme sur beaucoup d’autres le Département a été précurseur. L’objectif d’ORBIVAL était de désenclaver des territoires, renforcer leur attractivité pour accueillir des nouvelles entreprises et donc créer de l’emploi. C’est ce qui a été repris par les artisans du Grand Paris. Sur cette idée de réseau pour la banlieue, notre force a été de fédérer autour de ce projet le monde politique, économique, universitaire, de la recherche et les habitants. À travers ORBIVAL nous avons toujours eu à l’esprit d’améliorer la vie de nos populations car ces grandes mutations de territoire n’ont de sens que si elles permettent cette amélioration. Pour conclure, je dirais que la manière dont on conçoit la ville est la manière dont on conçoit la société.
NOTRE DÉPARTEMENT VIT, AUJOURD’HUI, UNE GRANDE MUTATION QUI VA BOULEVERSER INEXORABLEMENT NOTRE PAYSAGE URBAIN ET ÉCONOMIQUE
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LA QUALITÉ ET LA DIVERSITÉ DE L’HABITAT Quatre autoroutes (A 4, A 6, A 86, A 104), trois lignes de métro (1, 7 et 8 prolongée), cinq lignes de RER (A, B, C, D et E), trois bus en site propre dont le Trans Val-de-Marne : le département bénéficie d’une accessibilité remarquable, renforcée, dans un proche avenir, par la ligne de tramway T7 qui reliera Villejuif à l’aéroport Paris-Orly fin 2013, et par le projet de métro automatique du « Grand Paris », dont les premières rames circuleront dès 2020. Pour les marchandises, l’exemple de la plate-forme multimodale du port de Bonneuil-sur-Marne Sur 186 hectares, à 8 km de Paris, le Port de Bonneuil-surMarne offre en location des terrains industriels viabilisés, des terre-pleins, des locaux d’activités, des entrepôts et des bureaux d’accompagnement. Le port de Bonneuilsur-Marne, c’est 1,2 million de tonnes de trafic fluvial et 275 000 tonnes de trafic ferré en 2008, 150 entreprises. Pour les passagers et les marchandises, un aéroport international : Paris-Orly Situé à 16 km au sud de Paris, à cheval sur les départements du Val-de-Marne et de l’Essonne, c’est la deuxième plate-forme aéroportuaire de France et le onzième aéroport européen. S’il a été inauguré en 1961, son histoire remonte au début du xxe siècle, dès 1909, lorsque les champs sur lesquels il a été construit servaient de terrain de secours à Port-Aviation, situé à Viry-Chatillon, premier aéroport organisé au monde. En 1918, l’armée réquisitionne 11 hectares pour y installer des hangars, c’est le début du camp d’aviation Orly-Villeneuve.
Port de Bonneuil : l’entreprise Lafarge © Ports de Paris / Magdeleine Bonnamour
UN TERRITOIRE ATTRACTIF : POURQUOI LES ENTREPRISES CHOISISSENT-ELLES DE S’Y IMPLANTER ? Et si le département du Val-de-Marne était le territoire le plus attractif d’Ile-de-France ? Difficile à croire! Pourtant, si on considère une étude menée par l’IPSOS en 2010 pour le compte de l’Agence départementale de développement du territoire, pour 30% des personnes interrogées (chefs d’entreprises, professionnels de l’immobilier, décideurs publics, etc.), le Val-de-Marne est le territoire le mieux placé pour une entreprise qui cherche à s’implanter en région parisienne. Mieux encore, il intéresserait plus de 55% des établissements en cas de projet de déménagement ou d’implantation de filiales. Pourquoi ? Pour sa qualité de vie, sa proximité de Paris, pour sa vie culturelle dense, ses disponibilités foncières, son coût au mètre carré très compétitif, les valeurs locatives étant en moyenne les plus basses de la petite couronne. Ce n’est pas pour rien si 70 000 entreprises l’ont choisi, parmi elles de grands sièges sociaux : la FNAC à Ivry-sur-Seine, Orange à Arcueil, la Société Générale à Fontenay-sous-Bois, Leclerc à Ivrysur-Seine, etc., et de nombreuses entreprises étrangères, espagnoles (plus de 21 en deux ans), américaines dont Kendle, portugaises avec Buildin et Martifer ou encore japonaises comme Ricoh. Et pour 47% d’entre elles, la présence de l’aéroport international d’Orly n’y serait pas pour rien.
UNE PLAINE, PLEINE DE RESPONSABILITES ENTRETIEN AVEC LAURENT CATHALA MAIRE DE CRÉTEIL, PRÉSIDENT DE LA COMMUNAUTÉ D’AGGLOMÉRATION DE « PLAINE CENTRALE »
Propos recueillis par Danielle Béna
Laurent Cathala, vous êtes président de la Communauté d’agglomération de « Plaine centrale », son territoire se situe entre les rives de la Marne et de la Seine, comme un trait d’union qui partagerait la partie Est du département au-delà de la Marne et la partie Ouest en-deçà de la Seine. De plus, l’une des trois communes qui compose l’agglomération, Créteil, dont vous êtes le député-maire, est le cheflieu du département ; dans ces conditions, n’avez-vous pas le sentiment de devoir jouer le rôle de « phare » qui montrerait le chemin ? Laurent Cathala : La ville de Créteil était considérée dans le SDRIF de 1994 comme un « pôle restructurateur de banlieue ». Ce rôle de « phare » était donc inscrit dans la stratégie de l’Etat et dans la planification de la Région Île-de-France depuis longtemps. Le SDRIF parle aujourd’hui d’un « pôle d’intérêt régional ». De fait, Créteil et la Communauté d’agglomération Plaine centrale constituent un pôle majeur, au cœur du département, territoire attractif pour l’ensemble des Val-de-Marnais, mais aussi pour un bassin plus large comprenant notamment le Nord de l’Essonne et l’Ouest de la Seine-et-Marne. Créteil a connu depuis les années 70 un développement urbain très important, avec pendant près de 30 ans un taux de croissance supérieur à la moyenne nationale. Ce développement l’apparente aux « villes nouvelles » bien qu’elle n’ait pas bénéficié du statut et des avantages y afférents. Ville préfecture, elle ne constitue pas uniquement un pôle administratif comptant environ 50% d’emplois publics. C’est également un pôle urbain disposant d’activités économiques dynamiques, bien desservi par son réseau routier et son maillage en transports en commun et doté des grandes infrastructures d’une métropole d’envergure régionale (centres hospitaliers, grands équipements culturels et sportifs…), Créteil présente ainsi un caractère relativement autonome vis-à-vis de la capitale, c’est une ville à part entière qui a su éviter les écueils de la « banlieue-dortoir ». La municipalité que je dirige depuis 35 ans s’est en effet attachée à créer les conditions d’un bien vivre ensemble. En 1977, notre commune était fragmentée : l’immense chantier du « nouveau Créteil », un grand ensemble, des cités d’urgence des années 60 et un centre ancien. Notre défi a été de réparer ces fractures, de faire du droit à la ville pour tous une réalité, d’offrir à chacun le meilleur cadre de vie possible et de décider en concertation avec l’ensemble des habitants du devenir de notre commune.
Cette démarche repose, bien sûr, sur des principes forts de solidarité. Il s’agit de permettre à chacun, quelque soit sa condition sociale, d’avoir accès au logement, à l’éducation, aux services publics, à la culture, au sport, aux loisirs, à un environnement de qualité et ce dans tous les quartiers de notre ville qui doivent répondre à des objectifs de mixité sociale. En relevant ce défi urbain, nous n’avions pas alors pour ambition première de « montrer le chemin » aux autres territoires, mais c’est un fait que la conception des villes aujourd’hui tente de reprendre largement ces principes et je ne peux que m’en réjouir. Plaine centrale est quant à elle une agglomération caractéristique de la diversité du Val-de-Marne. Comme vous l’indiquez dans votre question, Plaine centrale se trouve géographiquement à la confluence de la Seine et de la Marne, les deux rivières emblématiques du département caractérisant les typologies bien différentes de l’Ouest et de l’Est du département. Notre Communauté d’agglomération intègre ainsi toutes les dimensions du Val-de-Marne. Alfortville est une ville dense, proche de Paris, en Seine Amont, ce territoire a porté l’histoire industrielle du Val-de-Marne. Créteil a conservé dans son cœur historique son appartenance aux boucles de la Marne et, dans son développement plus récent, représente un pôle structurant dans le paysage val-de-marnais. Limeil-Brévannes se trouve en lisière du plateau Briard, en bord du massif boisé. C’est en ce sens que l’on pourrait dire que Plaine centrale est un « trait d’union » entre les territoires qui composent le Département. Mais un pôle structurant central peut-il simplement être qualifié de « trait d’union » ? Notre Communauté d’agglomération ne pourrait-elle pas au-delà se qualifier de véritable « cœur battant » du Val-de-Marne ?
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Voici 50 ans que Créteil se construit, ne pensez-vous pas que l’arrivée des nouveaux transports en commun (la gare Pompadour du RER D, les deux stations du Grand Paris à Vert-de-Maisons et Créteil-Échat) s’accompagnera de nouveaux développements urbains ? Si tel est le cas, lesquels ? L’arrivée de nouveaux transports en commun est en effet toujours structurante et gage de développement urbain. Ces grandes infrastructures que sont la nouvelle gare de RER D Créteil-Pompadour et les gares du Grand Paris Express seront certainement porteuses d’enjeux forts de renouvellement de tissu urbain pour les sites qui vont les accueillir. A proximité de Vert-de-Maisons, le projet d’aménagement du site Pernod anticipe le Grand Paris et montre la voie de ce renouvellement. La société Pernod est en effet une entreprise de dimension internationale et son implantation est majeure sur Créteil comme pour l’ÎIe-de-France. Avec son centre de recherche, Pernod Ricard concoure à la richesse du Val-deMarne, territoire traditionnel d’accueil des entreprises de la filière agro-alimentaire. La société Pernod souhaite aujourd’hui restructurer son site pour en réaffirmer et consolider l’implantation, son environnement doit également connaître une évolution. Le projet permet ainsi de faire émerger un nouveau quartier mixant habitat et activités économiques, à proximité d’une gare du futur Grand Paris Express. Il participera donc à la mutation de tout un secteur de la ville, au cœur du département, en répondant aux besoins de l’entreprise mais aussi aux attentes de nos concitoyens en recherche de logements, dans le respect de densification urbaine autour des pôles de transports en commun.
C’est avec ce même souci de dynamique urbaine que le projet prévoit une résidence étudiante située à proximité du centre multidisciplinaire de l’université Paris-Est-Créteil. Sur Créteil-Échat, le projet Grand Paris permet d’envisager une nouvelle étape d’aménagement du quartier. Les fonctions tertiaires en Île-de-France ont jusqu’alors été essentiellement polarisées, dans une logique est/ouest avec l’axe du RER A, et en complémentarité avec le pôle de La Défense pour les secteurs de Fontenay-sous-Bois et de Marne-la-Vallée. Les stratégies tertiaires se sont aussi ponctuellement développées le long du périphérique parisien. Le réseau du Grand Paris Express va induire une géographie nouvelle de localisation des activités économiques en ÌIe-deFrance et pourrait favoriser les projets de modernisation et de développement des activités du quartier de l’Échat. Les fonciers disponibles ou mutables autour de la future gare de l’Échat, estimés à 500 000 m² équivalent SHON, mais également des évolutions et du renouvellement du bâti d’activités dans le temps, permettent d’envisager une production urbaine importante. Pour revenir sur les filières, CréteilÉchat est d’ailleurs situé à la croisée, d’une part, de l’arc de la santé Villejuif / Seine-Amont / Créteil-CHU Henri Mondor et, d’autre part, de la ligne 8 du métro dont le nom de plusieurs stations sont plus qu’évocateurs de la filière santé et de l’innovation (Maisons-Alfort-École Vétérinaire, CréteilÉchat – CHU Henri Mondor et Créteil-Université). Les politiques de développement à mettre en œuvre à l’occasion du Grand Paris doivent également soutenir les projets issus de l’UPEC et des centres de formation et de recherche du quartier l’Échat. Ce quartier urbain, mixte, comptant plusieurs sites de l’Université Paris Est Créteil, bien connecté à la ville, doit aussi accroître son offre résidentielle au regard des besoins en logements que j’évoquais tout à l’heure. En conclusion, je dirais que les renouvellements urbains engendrés par ces grands projets de transports et par le Grand Paris devront être maîtrisés. Il faut en effet tendre vers un développement équilibré entre activités, emplois et logements, donc durable sans ne jamais perdre de vue les exigences de mixité sociale sur notre territoire.
À LIRE
Danielle Béna, L'Envol d'un territoire, le Val-de-Marne Archibooks + Sautereau éditeur, Paris, 2014, 160 p. ISBN 978-2-35733-299-7 21,90 € Les Temps Durables à Limeil-Brévannes © Atelier Roland Castro Sophie Denissof et Associés
Y ACLA S S I PAR
À Saclay, créer une ville campus là où il n’y a ni ville, ni campus… Le 9 juillet dernier, le Premier ministre Manuel Valls a confirmé le soutien du gouvernement à l’aménagement du Grand Paris. Trois lignes de métro dont la « 18 » qui mènera à Saclay devraient gagner trois ans sur leur calendrier prévu de réalisation. Un plan de relance du logement est également annoncé : près de 6 000 appartements familiaux ou réservés à des étudiants sont programmés d’ici à 2018 dans la future cité scientifique. Mort-née dans les années 1960, portée à nouveau sur les fonts baptismaux au milieu des années 2000, elle semble cette fois prête à grandir sous des auspices favorables, sinon financés… Catherine Sabbah Il faut beaucoup d’imagination pour concevoir une ville ici. Les palissades des premiers chantiers vantent un projet urbain et affichent des paysages construits. Des chantiers sont bien en cours, mais pour l’instant le plateau de Saclay est encore une vaste étendue battue par les vents, à parcourir exclusivement en voiture. En été, par beau temps, l’horizon bleu apporte à ces lieux quasi déserts comme une promesse de villégiature. En hiver, lorsque les étudiants et les chercheurs occupent les lieux, le ciel bas ne donne pas envie de s’attarder. Il faut pourtant parfois attendre le bus… longtemps. À une vingtaine de kilomètres de Paris, vers l’ouest, entre, au sud, la vallée de Chevreuse et la vallée de l’Yvette très urbanisées, Saint-Quentin-en-Yvelines à l’ouest et Versailles au nord se trouve la future Silicon Valley française. Ce que d’aucuns – et pas forcément ceux qui y vivent ou y travaillent – rêveraient en tout cas de voir advenir. Une opération d’intérêt national (OIN) est en place depuis 2006, d’abord via une mission de préfiguration, pour développer une ville de 15 000 « vrais » habitants, attirer des entreprises qui fonctionneront en synergie avec les universités déjà présentes et les écoles dont l’arrivée est imminente. Si sa mise en œuvre a été subitement accélérée, cette vision n’a rien de nouveau. Elle renoue avec l’idée déjà quarantenaire de développer une « cité scientifique », dans le prolongement de la ville nouvelle de Saint-Quentin. Cassée dans son élan vers l’est, sous la pression d’agriculteurs peu nombreux mais puissants, l’urbanisation s’est arrêtée, laissant toute la place aux champs et à quelques institutions publiques soucieuses de s’installer loin de Paris mais pas trop, au large et sans voisins, sur le modèle des campus américains. C’est le cas de l’École polytechnique depuis 1976, du Centre d’études atomiques, CEA, du CNRS… satisfaits de se retrouver dans un entre-soi élitiste et peu encombré. Le corps des Mines et celui des Ponts refusèrent à l’époque de quitter Paris, faisant en partie capoter le projet qui ne s’est jamais tout à fait arrêté. Au début des années 2000, 15 % des effectifs de la recherche française privée et publique étaient déjà regroupés sur ce grand territoire.
Le plan campus de refinancement de l’université ainsi que le lancement du Grand Paris ont déclenché la suite. Comment laisser à l’écart de la métropole ce cluster scientifique déjà en partie constitué, même si peu visible parce que trop dilué ? Comment, dans la construction de la fameuse « ville-monde », ne pas englober le meilleur et le futur de l’innovation et de la compétitivité française ? A contrario, comment le justifier sur ce plateau désert, desservi par les corbeaux et… le RER B qui s’arrête dans la vallée à Orsay et fait des chercheurs et des étudiants des quasi-randonneurs… Quelle idée, alors que l’on ne parle que de reconstruire la ville sur la ville depuis quinze ans, de se lancer dans cette aventure que les élus locaux, membres de quatre intercommunalités aux couleurs politiques opposées, ont commencé par combattre avant de la soutenir mollement ? Quid enfin des quelques agriculteurs, peu nombreux mais toujours là et bien là, propriétaires, donc électeurs ? La volonté politique a eu raison (peut-être à tort, pensent certains) de toutes ces réticences. Dès 2004, le rapport sur les pôles de compétitivité du préfet Christian Blanc identifie Saclay au même titre que Le Bourget et les alentours de Roissy comme un pôle stratégique. Nommé secrétaire d’État à la région capitale, il « vend » l’idée au Président de la République Nicolas Sarkozy qui l’intègre comme une donnée intangible dans son schéma du Grand Paris, avec gare et métro.
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Public traversant le LabCity © OMA
Entrée de la station de métro © OMA
Bénéficiaire d’un financement exceptionnel issu des « investissements d’avenir » et du Plan Campus, le territoire suit désormais deux logiques : à la réorganisation d’un pôle de recherche et d’enseignement hier encore dispersé – voire concurrent de lui-même – s’ajoute l’aménagement des conditions de vie de tous ceux qui vivent sur place mais n’y habitent pas faute d’infrastructures ad hoc. Une dotation de deux milliards (dont une partie en capital et une partie en intérêt) devrait permettre de rénover et construire les bâtiments universitaires, de favoriser l’implantation de nouvelles écoles comme Centrale (dont le bâtiment sera conçu par Rem Koolhaas et l’agence OMA), Supélec, l’École normale supérieure de Cachan à l’architecture signée Renzo Piano… et de créer les conditions d’attractivité professionnelle du territoire. Le financement de l’aménagement urbain repose sur le modèle classique français de portage de terrains par un établissement public. L’EPPS, l’Établissement public de Paris-Saclay, a
été créé en 2010 par la loi sur le Grand Paris et a confié son plan global aux architectes et urbanistes Xaveer De Geyter (XDGA) et Floris Alkemade (FAA), sous la houlette du mandataire du groupement, le paysagiste Michel Desvigne. Deux zones d’aménagement concerté accueilleront les structures nécessaires à l’aménagement d’une ville dans un paysage aujourd’hui dominé par une nature sauvage, agricole et apprivoisée à l’approche des quelques bourgs qui ponctuent le territoire. Mixité des fonctions et développement durable dans le respect du grand paysage sont les principes généraux qui prévalent au choix des équipes : des dizaines de milliers de mètres carrés de bureaux, logements, locaux d’activité sont en cours d’attribution, certains déjà en chantier. Alors que le foncier manque en Île-de-France et que les promoteurs peinent à trouver des terrains abordables pour construire, l’EPPS en regorge. Ce qui ne dit pas grand-chose sur les données de marché, lors de la livraison de ces immeubles en 2018. Quelque 6 000 logements sont en tout cas programmés. Le quartier du Moulon, pour l’instant des champs, s’étend sur 330 hectares partagés entre les communes de Gif-sur-Yvette, Orsay et Saint-Aubin. Sa conception d’ensemble a été confiée au groupement MSTKA rassemblant l’agence Saison-Menu (architecte-urbaniste-mandataire), Taktyk (paysagiste) et Artelia (bureau d’études techniques). L’autre quartier s’étendra autour de l’École polytechnique à cheval sur Saclay et Palaiseau et sur 232 hectares. Il comprend déjà de nombreux bâtiments universitaires, accueille le grand chantier du moment, le centre de recherche et développement d’EDF dessiné par Francis Soler.
Coupe montrant l'intégration du bloc central © OMA
ENTRETIEN AVEC PIERRE VELTZ DIRECTEUR GENERAL DE L ETABLISSEMENT PUBLIC PARIS-SACLAY Propos recueillis par Catherine Sabbah
Quel est à ce jour l’avancée la plus concrète du projet de Saclay ? Pierre Veltz : Ce projet n’est pas le plus spectaculaire, mais il va sans doute changer beaucoup de choses dans le fonctionnement de la vie étudiante et celle des entreprises. Saclay avait été pensé à l’origine comme une cité scientifique. Il reste de cette époque pionnière, sur l’autoroute A 10, un pauvre panneau quasi invisible et dont on se demande bien ce qu’il indique. Mais il a peut-être un nouvel avenir. Demeurent aussi, bien sûr, des établissements de recherches et d’enseignement implantés depuis le début des années 60, dans une même logique : pas trop loin de Paris – on est à dix minutes du Pont de Sèvres sans embouteillage –, avec de la place et peu de voisins. Cela ne se voit pas parce que les installations sont diluées, mais il y a là un énorme potentiel d’innovation et de recherche ; 15 % des effectifs du CNRS sont regroupés ici, pas très loin du CEA, de l’École polytechnique, de l’université… le tout mal desservi et sans aucune synergie. On devrait parler au passé, car le rapprochement de ces entités sous le nom d’université Paris-Saclay est de nature à tout changer. Il a été initié par le plan Campus et la mise à disposition d’un milliard d’euros par l’État qui a permis de financer entre autres choses l’arrivée d’une dizaine d’écoles aussi prestigieuses que Centrale, qui était isolée à ChâtenayMalabry, Supélec qui la rejoint, l’École normale supérieure de Cachan, Télécom, l’Agro… Toutes ne vont pas fusionner, mais se rassembler sous la même bannière et arborer le même nom pour leurs doctorats, en tout cas. Même l’École polytechnique a accepté d’apposer son logo sous cette appellation commune, ce qui constitue une forme de petite révolution. Et le premier des résultats est d’avoir fait monter cette communauté scientifique dans les 20 premiers rangs au classement mondial de Shanghai.
Doit-on voir là une métaphore du développement urbain du projet ? Harmonieux et à la poursuite d’objectifs communs ? Cela n’a pas été simple pour l’université. Cela ne l’est pas plus pour le territoire. Mais la dynamique est lancée pour créer de réelles passerelles entre le monde académique, des start-ups et des entreprises installées. L’acte de naissance de l’EPPS lui confie une mission très large qui englobe la gestion de l’espace et des bâtiments dans lesquels évolue cette communauté, l’aménagement du territoire et le développement économique. Les rapports semblent s’inverser même si ce n’est pas encore flagrant : au contraire du secret, de la discrétion et de l’isolement qui prévalaient dans les choix d’implantation des entreprises, certaines, parfois les mêmes qu’avant, recherchent la densité géographique, la communication scientifique et sont même prêtes à partager leurs laboratoires, dans les limites de la confidentialité et de leurs stratégies concurrentielles s’entend. Le modèle allemand qui consiste à mélanger chercheurs du public et chercheurs du privé est une voie formidable. Le troisième volet concerne l’accueil des petites et moyennes entreprises. Pour elles, le territoire n’est pas encore assez attractif, parce que les locaux à disposition ne sont pas adaptés, que la desserte en transports en commun est encore inexistante. Il faut bien avouer que les conditions de travail ne sont pour l’instant pas confortables : pas un bistrot à l’horizon, très peu d’habitants…
Le Proto 204, lieu de rencontre des communautés du campus © EPPS 2014
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Vue du jardin intérieur des futurs bâtiments de l'ENS Cachan © RPBW 2013
Ce qui devrait également évoluer. Dans quel sens et à quel horizon ? Deux grandes zones d’aménagement concerté ont été créées, qui laissent vierges 2 300 hectares de terres agricoles. L’urbanisation se fait sur les franges où l’on densifie en créant des quartiers. Y arriveront d’abord les étudiants, ensuite de « vrais » habitants. La mixité se décline en un tiers de locaux universitaires, un tiers de logements locatifs ou en accession, résidences universitaires ou plus classiques, et un tiers d’entreprises. Difficile de parler de ville dans un environnement peu dense où la nature est si présente. Le mot est encore un peu tabou, il est aujourd’hui plus politiquement correct d’employer les termes de « campus » ou de « campus urbain ». L’opération d’intérêt national permet de faire délivrer les permis par le préfet, mais nous tentons d’être le plus possible en accord avec les PLU des communes concernées, Gif-sur-Yvette, Orsay et Palaiseau.
Frange verte entre ville et plateau agricole © Michel Desvigne Paysagiste EPPS 2013
Vue aérienne du sud du plateau © Philippe Guignard 2010
ENTRETIEN AVEC CLEMENT BLANCHET FONDATEUR DE CLEMENT BLANCHET ARCHITECTURE Propos recueillis par Catherine Sabbah
Système modulaire du LabCity traversé par la diagonale du public © OMA
Avec l’agence hollandaise OMA, dont vous étiez l’associé avant de créer votre propre agence, vous avez répondu au concours de l’École centrale de Saclay et l’avez gagné. Quel était le programme de cet « objet » à la fois architectural et urbain ? Clément Blanchet : Le programme a évolué. À l’origine, il posait une question plutôt qu’il ne déterminait dans quels types de volumes il faudrait y répondre. L’idée était de positionner deux bâtiments, dont l’un construit en partenariat public-privé, et d’organiser autour une zone d’aménagement concerté susceptible d’accueillir plus de 1 000 logements pour des étudiants ainsi que des logements dits « familiaux » d’ici à 2018. La masse représentée par les 40 000 m2 de l’école et la diagonale qu’elle crée sont censées polariser le site par un phénomène d’attraction. L’École Centrale porte un nom particulier, elle est aussi, via les étudiants qu’elle forme et l’enseignement qu’elle diffuse, un acteur important de l’économie française. À ce titre, elle porte une responsabilité, et, d’une certaine manière, nous en endossons une partie en lui inventant une nouvelle représentation. La conception de l’école n’a jamais été envisagée comme un acte insulaire, mais comme une matrice susceptible de générer de la ville autour d’elle. Évidemment, il s’agit d’une pensée un peu théorique, mais nous avons dessiné la grille afin que tout puisse rentrer à l’intérieur, les transports en commun en site propre, le paysage, la nature domestiquée et la nature sauvage, les bâtiments existants…
Êtes-vous parti d’un projet d’architecture qui génère de l’urbanisme ou d’un projet urbain dans lequel viennent s’insérer des bâtiments ? Les institutions imposeront le rythme de développement. L’école est une matrice, mais pas le seul et unique moteur. Les dirigeants de l’Établissement public Paris-Saclay (EPPS) n’aimeraient sans doute pas entendre dire que l’architecture crée l’urbanisme au prétexte que Centrale sera la première arrivée sur le site. D’autres écoles sont déjà là, d’ailleurs. Au début, nous n’avions défini que des principes d’utilisation de l’espace. Ce n’est pas avec l’esquisse d’un bâtiment que Rem Koolhaas a emporté l’adhésion des membres du jury mais avec une idée fondée sur l’un des principes de l’École centrale, la sérendipité, qui consiste à parfois trouver ce que l’on ne cherche pas. Le bâtiment ne se lit pas comme un programme de mètres carrés attribués à telle ou telle fonctionnalité, mais plutôt comme un morceau de ville. La représentation que nous en avons faite est une construction abstraite faite de pixels qui peuvent se resserrer ou s’écarter. La forte densification de ces unités en fait un bâtiment, leur dilatation en fait une ville. En poussant un peu plus loin la théorie, on comprend que les espaces extérieurs et intérieurs sont pensés de la même façon qu’il s’agisse du bâtiment ou du quartier. Les deux projets, urbain et architectural, grandissent ensemble par la définition des espaces publics. Il faut préciser qu’entre-temps, Centrale et Supélec sont devenues une seule unité fonctionnelle. Nous avons proposé des gabarits pour orienter la volumétrie, mais rien n’est encore arrêté. Nous savons que nous ne monterons pas très haut, car les élus ne le souhaitent pas. Il est probable que les logements seront dessinés avec des limites peu marquées entre l’intérieur et l’extérieur, afin que leurs occupants puissent profiter pleinement de la nature, l’un des atouts principaux du site.
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LA CONCEPTION DE L’ÉCOLE N’A JAMAIS ÉTÉ ENVISAGÉE COMME UN ACTE INSULAIRE, MAIS COMME UNE MATRICE SUSCEPTIBLE DE GÉNÉRER DE LA VILLE AUTOUR D’ELLE. L'ECP comme un générateur d'urbanité © OMA
Le hall expérimental du LabCity et l'intégration du bloc central © OMA
C’est même le seul pour l’instant, ainsi que l’espace. Comment transformer ce plateau vide en ville ? Est-ce le but du projet ? L’espace sera occupé, mais il restera énormément de terrains non construits : 2 300 hectares de terre agricole sont sanctuarisés, c’est inscrit dans la loi du Grand Paris, et seules les franges seront urbanisées, ce qui constitue néanmoins aux yeux de certains une forme de colonisation. Nous allons dans un sens qui n’était pas forcément voulu au départ : les écoles et les centres de recherches qui sont venus s’implanter ici dans les années 60 et 70 l’ont fait pour avoir de la place et pas de voisins. Cette fois, nous resserrons les mailles autour d’espaces publics hiérarchisés notamment par les infrastructures de transport. Sur la lisière, nous aurons des maisons en bandes autour d’une ferme qui existe. La transition entre les quartiers de logement et les lieux plus publics d’études se fera via des commerces et via l’espace public. L’idée est de proposer une typologie de logements adaptée à toutes les étapes de la vie : aux étudiants célibataires ou en colocation, ceux qui habitent en couple, ceux qui sont à cheval entre les études et la famille et qui ne sortent jamais vraiment de ce schéma, les chercheurs qui travaillent dans les universités mais ne sont plus étudiants, ceux qui ne sont là que de temps en temps parce qu’ils enseignent ou travaillent dans plusieurs endroits du monde… et finalement les familles.
Bâtie sur tous ces principes, à quoi ressemblera finalement cette école ? Il fallait y faire tenir des salles de classe, des salles de réunion et des laboratoires. Et, au milieu de ces espaces nécessaires à une école, un passage public ouvert à tous jusqu’à 22 h. C’est autour de cette diagonale que se définissent les espaces « capables » des restaurants, des locaux associatifs, et toutes les évolutions que nous n’avons pas encore envisagées. La trame structurelle doit rendre possible une mutabilité qui sera souhaitée, ou non, personne ne peut le savoir à l’avance. En tout cas, le bâtiment privilégiera la transparence, autant que faire se peut, y compris dans les laboratoires qui sont traditionnellement fermés et protégés pour des raisons de nécessité scientifique expérimentale comme de confidentialité. Il y aura évidemment des salles blanches, mais la plupart seront vitrées et on pourra y voir comme y être vu. Voilà encore une manière de se désynchroniser avec l’histoire protégée et secrète de tous les établissements installés sur ce site. Au contraire, le projet de l’EPPS est de faire de Saclay un territoire fertile et non plus fermé, accessible et non plus lointain, habité et non plus vide.
L URBANISME TRIOMPHANT D EURALILLE 2
Euralille 2 dans le contexte urbain du centre-ville © Agence François Leclercq
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LES MÉTROPOLES FRANÇAISES Centralités du Grand Paris élargit son horizon et invite à la comparaison avec les autres métropoles françaises.
Le Bois habité, projet d’urbanisme mené par l’agence François Leclercq avec l’agence TER, illustre une reconfiguration générale du territoire lillois, à la suite d’Euralille 1 initié au milieu des années 1980. Euralille 2 prend le relais et change de paradigmes : il se love au cœur des connexions infrastructurelles et les sublime, il se fait cadre de vie et havre de paix, il se veut plus économe et plus facile à vendre. Retour historique et courte visite du projet-phare de l’architecte François Leclercq. Delphine Désveaux
EURALILLE 1 : LE BOUT D'UN TUNNEL Au milieu des années 1980, Pierre Mauroy engage la reconversion de sa ville pour mettre un terme à vingt années sinistres. Il faut rappeler ici combien la ville et la région avaient souffert de l’effondrement des industries traditionnelles, avec tout le cortège de difficultés économiques et sociales qu’elles supposent. Sans compter l’absence de perspectives. Profitant de la construction du tunnel sous la Manche, Pierre Mauroy fait des pieds et des mains pour que la ligne TGV passe dans Lille, événement qui devait changer sa place dans la géographie des réseaux européens et bouleverser son avenir. En 1988, une cellule chapeautée par Jean-Paul Baïetto définit un territoire d'anciens casernements, fortifications et terrains vagues. À charge pour OMA, l’agence de l’architecte hollandais Rem Koolhaas, de le transformer en « turbine tertiaire ». Mauroy-Koolhaas-Baïetto : la conjonction de ces trois figures – le politique, le visionnaire, le bras armé – ajoutée à l’enthousiasme de ces années d’avant la crise immobilière exalte les ambitions. L’heure est à l’euphorie, au développement héroïque, à l’enthousiasme débridé. Portée par ce trio, Lille, la « belle endormie », allait se réveiller aux accords d’une fanfare très folie des grandeurs. L’analyse de Rem Koolhaas était simple : la ville nouvelle s’impose à la ville ancienne « comme si elle tombait du ciel ». Ainsi parachutée, elle n’a pas à faire cas de l’existant. Koolhaas imagine un quartier démesuré, artificiel, une superstructure délirante qui magnifie la rencontre de l’infrastructure et de l’architecture... Soutenu et encouragé par ses maîtres d’ouvrage, il voit grand et haut. Très grand et très haut. Là-dessus, la crise. Les tours sont vides. Euralille Délire est incompris, des Lillois comme d’une partie de la critique architecturale. Le sort s’en mêle. Au mauvais bilan financier vient s’ajouter le décès de Jean-Paul Baïetto en 1998. Lui succède Jean-Louis Subileau. Appelé par Pierre Mauroy pour résoudre cette équation difficile, le nouveau directeur de la SAEM, puis, dès 1999, les maîtres d’œuvre d’Euralille 2 sauront comprendre l’intelligence stratégique et la force vitale d’Euralille 1. Convaincus de la supériorité de ce modèle vis-à-vis du standard urbain français, ils prolongent ce point névralgique de l’attractivité métropolitaine pour diffuser alentour son extraordinaire potentiel d’énergie.
L’ANALYSE DE REM KOOLHAAS ÉTAIT SIMPLE : LA VILLE NOUVELLE S’IMPOSE À LA VILLE ANCIENNE « COMME SI ELLE TOMBAIT DU CIEL ».
EURALILLE 2 : CHANGEMENT DE PARADIGMES Augurée par l’installation au forceps du siège de la Région, la ZAC Euralille 2 naît sur les 20 hectares du Champ de Foire. Son ambition ? Compenser la radicalité d’Euralille 1 en requalifiant la frange sud de Lille par des solutions propres à développer une vie et une forme nouvelle d’habitat dans la proximité immédiate des infrastructures. La consultation est remportée en 2000 par François Leclercq (agence Dusapin-Leclercq) associé à l’agence de paysagistes TER, représentée par Olivier Philippe. Modèles complémentaires Entre Euralille 1 et Euralille 2 s’opère une véritable inversion des systèmes de valeur. Après une crise immobilière et une crise financière, l’heure est au pragmatisme. La morosité ambiante incite à réfléchir sur une ville plus sobre, moins coûteuse. Le changement de paradigme est à la fois urbain, social, économique, financier, sociétal. Si bien qu’à première vue, tout oppose les deux Euralille : – Euralille 1 modifie les connexions infrastructurelles et les domine ? Euralille 2 les intègre et, venant très audacieusement se lover au cœur des réseaux, parvient à les sublimer. Une première. – Euralille 1 est un cœur d’activités hyper-connecté, frénétique, triomphant ? Euralille 2 est un cadre de vie, un havre de paix. – S’enquérant du ciel et déconnectée du sol, Euralille 1 répond à des envolées lyriques ? Euralille 2 fait montre d’un pragmatisme plus terre à terre : plus économe, plus habitable, plus facile à vendre. Mais que l’on ne s’y trompe pas : si les apparences jouent en faveur d’une logique d’opposition, la vérité oblige à dire que cette vision est partielle, si ce n’est partiale, et qu’en réalité Euralille 2 s’inscrit sur le mode de la complémentarité, dans une volonté forte de prolonger Euralille 1. Répondant chacun à une logique propre, ils n’en sont pas moins indissociables et forment les parties d’un même tout selon le bon vieux principe des vases communicants.
99 Équations paradoxales Le Bois habité pose, parmi d’autres, une question paradoxale et essentielle : comment instaurer une vie calme au cœur du mouvement ? La réponse de François Leclercq, Michel Guthmann, responsable du projet, et Olivier Philippe passe par un changement de regard : considérer l’infrastructure, inamovible et visible, non comme un monstre nuisible et ingrat, mais comme une bande servante et nécessaire qu’il faut sublimer. La question relative aux infrastructures est significative de la relation que François Leclercq entretient avec le territoire : à ces paysages façonnés par les transports, ces réseaux que l’on aime tant détester, il choisit sciemment de conférer une valeur qualifiante parce qu’il re-connaît leur raison d’être fondamentale. C’est pourquoi, dès les prémisses, François Leclercq et Michel Guthmann s’intéressent au boulevard Hoover qui prolonge géographiquement Euralille 1. L’équipe commence donc par se coltiner les réseaux, et par un effet d’exagération tautologique – réaliser un boulevard très boulevard, dense, haut, actif, et un intérieur d’îlot habitable très intérieur d’îlot habitable – trouve une solution en couronnant l’emprise foncière d’un bâti dense qui protège en son cœur un univers apaisé. Ce parti pris d’insularité ne se comprend qu’en contraste avec l’ambition sur-active de Koolhaas pour Euralille 1. Grâce à ce phénomène de compensation parfaitement volontaire, un rééquilibrage s’opère. Euralille retombe sur ses deux pattes. L’autre paradoxe réside dans la position à la fois « proche et lointaine » du site. Proche des services qu’offrent la ville-centre et Euralille 1 ; lointain parce que mis à l’écart par les tenailles des infrastructures. François Leclercq, Michel Guthmann et Olivier Philippe trouvent les atouts : proche, le territoire bénéficie également des prérogatives propres aux territoires périphériques : l’espace. Et résolvent habilement l’équation par un oxymore, « périphérie intérieure ». Ainsi naît l’idée d’une intériorité boisée sur ce vague terrain vague. Un bois densément habité, protégé par des « remparts » façon xxie siècle : des équipements publics sur le Champ de Foire et des programmes mixtes le long des infrastructures. Un Bois habité donc, préservé, mais non reclus.
Le site du Bois habité en 2005 © Vue d'en haut
Le Bois habité Concrètement, l’enjeu consiste à bâtir une interface entre les infrastructures et ce Bois habité pour le protéger des nuisances. Le boulevard Hoover, au sud de la ZAC, et le périphérique au nord, quoique de manière différenciée, sont bordés d’immeubles inspirés du style flamand – alignés, étroits. Un calibrage soigné des échelles, des épannelages et un choix très ambitieux de mixité programmatique verticale contribuent à la porosité de ce front bâti. Tout en hauteur, ils invoquent des visions sur le lointain, sur la grande plaine et sur les beffrois : le « plaisir du ciel » cher à François Leclercq. Ce dispositif résout en partie l’exigence de densité tout en ceinturant le Bois habité à la manière d’un béguinage. Au centre de la ZAC s’incarne l’idée du Bois habité. François Leclercq, soucieux de privilégier les individualités, impose peu de prescriptions formelles pour les logements : variations typologiques du bâti ; hauteur maximale de 13 m, exceptionnellement 15,50 m ; règles de superposition et de retrait pour gérer les prospects ; prolongement extérieur très généreux. Olivier Philippe généralise la présence du végétal sur plusieurs strates, quelle que soit la nature de l’espace extérieur : public, cours jardinées ou jardins privatifs. Nommer un projet pour faciliter son appropriation, convoquer l’économie, reconnaître une géographie construite, accepter les contingences, changer le regard sur l’existant, se creuser la tête, loin des formules toutes faites qui ont fait long feu, mettre en place des principes en adéquation avec la force des lieux… tels sont les grands principes du Bois habité.
ENTRETIEN AVEC JEAN-LOUIS SUBILEAU GRAND PRIX DE L URBANISME EN 2001 DIRECTEUR GENERAL DE LA SAEM EURALILLE DE 1998 A 2010, MAITRE D OUVRAGE DU BOIS HABITE Propos recueillis par Delphine Désveaux
Quel regard portez-vous sur Euralille 2 ? Jean-Louis Subileau : Je vois cet aménagement comme une mise en relation d’Euralille 1 avec la ville centre. Euralille 2 a servi d’interface entre le radicalisme d’une vision globale et le conformisme local dans une ville qui attendait une reconversion salutaire. Il faut rappeler qu’Euralille 1 nait à la fin des années 1980 pour l’arrivée du TGV en 1994. Le projet audacieux conçu par OMA apparaît très vite comme un surgissement isolé, en rupture totale et volontaire avec son contexte pour signifier l’entrée de Lille dans le monde des métropoles européennes en réseau. D’abord incomprise par les habitants et les critiques architecturaux, la réalisation faisait l’objet d’un rejet quasi unanime. Cela tenait à deux choses : d’une part, la nouveauté du concept urbain et de son écriture ; d’autre part, seuls étaient construits la nouvelle gare Lille-Europe, le centre commercial, les deux tours et le Grand Palais, le reste n’était encore que friches, si bien que tous ceux qui croyaient l’opération achevée ne pouvaient en percevoir la logique : Euralille leur paraissait une histoire insensée. En jouant la carte de la grande métropole du futur dans une ville pauvre, Koolhaas avait choqué. Pour avoir pris en compte cette réalité, pour avoir rompu l’isolement d’Euralille en reliant les grandes pièces urbaines qui le compose, pour avoir cherché à apaiser les conflits spatiaux en réintroduisant l’échelle locale et domestique, Euralille 2 est indissociable d’Euralille 1.
En 1995, la crise immobilière survient. En 1998, JeanPaul Baïetto disparait. Euralille 1 est à l’arrêt ; les bureaux sont vides et ne se vendent pas… Pierre Mauroy vous appelle à la tête de la SAEM pour poursuivre la réalisation. Vous hésitez avant d’accepter, mais serez plus tard qualifié de « sauveur » d’Euralille 1 ? Quelle stratégie aviez-vous en tête ? Sans être koolhaassien, j’étais sensible au geste réalisé, à son radicalisme esthétique, à cet événement urbain catalyseur d’énergie. Le lieu était né, mais il ne vivait pas encore. Il y avait une anticipation trop brutale d'un demisiècle. Je me souviens alors avoir dit à Pierre Mauroy : « vous avez fait le monument, il faut maintenant faire la ville autour ». La pointe du diamant avait été créée. Restait à la sertir. L’enjeu était de redémarrer l’opération sans la dénaturer. Se posaient deux problèmes majeurs : réintégrer Euralille dans la ville et l’adapter au marché d’une grande métropole régionale, qui n’a rien à voir avec celui de Hong Kong, New York ou Tokyo, rêvé par OMA à l’origine (sept tours étaient prévues à cheval sur la ligne TGV !). C’est à cela que je me suis attelé avec la SAEM. J’ajoute que j’avais intégré Isabelle Menu à notre équipe ; elle a joué auprès de moi le rôle d’architecte-conseil assurant le suivi des différents projets, leur mise en cohérence à l’échelle du projet urbain. Elle m’a aidé, dans le dialogue serré et permanent avec les groupements promoteurs-architectes, à ne pas amoindrir le projet initial, ce qui est toujours l’une de mes grandes préoccupations d’aménageur.
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CE NOM CHOISI, EURALILLE 2, ÉTAIT AU DÉPART PRESQUE UNE PLAISANTERIE DE MA PART, UNE REVANCHE, QUI SUGGÉRAIT SYMBOLIQUEMENT QU’EURALILLE CONTINUAIT, TOUT EN SOULIGNANT NOTRE VOLONTÉ D’INTÉGRER LES TRANSFORMATIONS CONDUITES SUR CETTE BANDE.
Vue sur le territoire du Bois habité © D. R.
Quelles ont été vos priorités ? Nous avons démarré par les logements. Les Lillois, las des prouesses, aspiraient à un retour au calme, à retrouver une architecture couleur locale. Je suis fier d’avoir su résister à cette dernière demande de normalisation car je tenais à garder la contemporanéité de l’écriture architecturale. Rompre l’isolement d’Euralille, c’était avant tout aménager les grands îlots vides de ses franges est et sud : SaintMaurice avec Xaveer de Geyter, Jean-Philippe Lebecq et la paysagiste Fabienne Fendrich paysagiste dont les écritures, différentes, servent de pivot entre Euralille et les quartiers riverains traditionnels ; puis le quartier du Romarin sur lequel m’a aidé François Grether. A chaque fois, l’idée essentielle était de relier. Peu à peu, ces deux ensembles urbains ont contribué à l’acceptation progressive d’Euralille 1. Ensuite est venu le quartier de Chaude Rivière qui m’apparaissait éminemment stratégique parce qu’à l’interface entre Lille Grand Palais et Euralille. Mon idée était de donner de l’épaisseur à Euralille 1 en urbanisant ce vaste triangle coincé entre une voie rapide et des voies ferrées et occupé par les restes d’un échangeur. À ce moment-là, à la fin des années 1990, s’est posée la question de l’implantation du nouveau siège de Région pour lequel Michel Delebarre, son président, cherchait un site. Avec Pierre Mauroy nous avons proposé Chaude Rivière, dont Floris Alkemade deviendrait peu après l’urbaniste et, où se trouve aujourd’hui le casino de JP Viguier). Mais la Région, à l’époque, ne voulait pas entendre parler d’Euralille, très décrié, notamment par les Verts. Le choix se porta donc sur le terrain de la Foire de Lille, au sud du Grand Palais, coupé d’Euralille 1 par deux bretelles d’autoroute, des autoponts et longeant le très large faisceau de voies ferrées... C’était un site très peu accessible pour le piéton et d’une inhospitalité absolue.
Comment est né Euralille 2 ? La perspective de la réalisation du nouveau siège de la Région en fut le déclic. La SAEM a élaboré avec Isabelle Menu des études de faisabilité pour que le futur édifice enjambe l’une des voies rapides, ce qui contribuerait à la gommer et à « urbaniser » le boulevard Hoover. Ce nom choisi, Euralille 2, était au départ presque une plaisanterie de ma part, une revanche, qui suggérait symboliquement qu’Euralille continuait, tout en soulignant notre volonté d’intégrer les transformations conduites sur cette bande de trois kilomètres qui s’étendait du nord au sud. L’hôtel de Région étant casé, nous voulions en profiter pour développer cette frange est de Lille. Il fallait définir un parti d’aménagement sur les terrains de la Foire, soit 20 hectares, qui jouxtaient les 80 hectares d’Euralille 1.
Éclats de vert par MCBAD Colomer Dumont © MCBAD
Le Vert bois, élévation est par de Alzua +, Jérôme de Alzua + Vanessa Barrois architectes © de Alzua +
La SAEM lance une consultation en 1999. De quel ordre ? La SAEM et Isabelle Menu avaient réalisé une étude de faisabilité et un programme pour Euralille 2. Sur cette base, l’étude de définition est lancée fin 99. Nous avions constitué un très beau jury avec Pierre Mauroy, Michel Delebarre, Alain Cacheux, Jean Nouvel, Christian Devillers, François Chaslin… Le projet de l’équipe François Leclercq / Agence TER l’a emporté face à ceux de Josep Luis Mateo, Buffi, Pranlas-Descours. Avec un semis de tours le long du périphérique, Mateo avait fait un projet merveilleux, très esthétique, davantage dans la filiation d’OMA, mais je pensais que je ne pourrais pas le vendre. Choisir le projet de Leclercq/TER était déjà un risque énorme mais raisonné qui consistait à construire des logements sur les terrains de la Foire de Lille. Or, dans l’imaginaire des Lillois, il était tout simplement impensable d’habiter là. Et le projet parlait d’un havre de paix, de vivre dans les arbres…
Centre commercial Euralille
Lille-Grand Palais
Euralille 2 dans son environnement urbain © Agence François Leclercq
Quelles étaient les ambitions du programme ? Euralille 1 avait été pour Pierre Mauroy, selon ses dires, le dossier le plus difficile de ses mandats ! Euralille 2 devait compenser, rattraper, contribuer à retrouver un équilibre économique et financier. L’ambition de la ZAC était de développer un quartier mixte en attribuant une place très importante à la nature et aux espaces publics. Concernant les logements, l’idée était de redonner le goût de la ville à ceux qui l’avaient quittée. Au final, le projet Leclercq-TER s’est avéré très riche et très souple. Mais serions-nous parvenus à le faire sans la SAEM ? J’en doute. Il a fallu donner quelques noms d’oiseaux, passer des coups de fil bien ciblés, taper du poing sur la table, je pense particulièrement à la mise en œuvre de la mixité fonctionnelle verticale sur le boulevard Hoover, qui était une vraie complication et qui a parfois rallongé de 4 ans les programmes, je pense à ceux de Dominique Perrault et de X’tu, tant les investisseurs craignent l’innovation.
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Économie fragile, économie de moyens
RENDRE LES CHOSES POSSIBLES François Leclercq « Face à la complexité économique, le travail de l’architecte-urbaniste ne saurait se réduire à des règles ou des dessins architecturaux. C’est pourquoi il ne faut pas chercher à tout maîtriser, ne pas surinvestir le tissu urbain, limiter les prescriptions abusives, éviter d’uniformiser, se contenter de nommer, dérouler une histoire, laisser des blancs : place à l’altérité, à l’inattendu, au possible, à la liberté de chacun. Foin des normes, des prescriptions, de la rigidité, de l’impossibilité, de la contre-productivité, des troupeaux de moutons. Place à la souplesse, à l’adaptabilité, à la permissivité, revaloriser la notion d’intérêt général, encourager les initiatives… La métropolisation économique ne saurait fonctionner sur le mécanisme d’une grande entreprise s’implantant sur le territoire en vampirisant totalement les dynamiques de moindre échelle existantes. Les villes ne sont économiquement viables que si elles sont attractives. L’une des clés en est une nouvelle forme de mixité qui laisse la place à tous les types d’économie et à des usages différenciés. Valoriser cette richesse, c’est révéler l’extraordinaire potentiel de la banalité, imaginer la ville comme une aventure vécue au quotidien. Les villes meurent aujourd’hui de ces impossibilités de faire et de laisser s’exprimer la petite échelle, d’inventer au jour le jour des expériences singulières. Si la crise économique se maintient, comment imaginer d’autres formes de croissance ? Bien que l’idée soit économiquement complexe, comment faire en sorte qu’une ville dont la croissance plafonne existe de manière dynamique ? Est-il naïf de penser que le low-tech et le low-cost pourraient en partie résoudre certains problèmes des métropoles ? La ville d’aujourd’hui repose encore et toujours sur le même mythe fondateur de la croissance triomphante des années 1960. Et si les Trente Glorieuses n’avaient été qu’un accident et la crise l’état normal de notre société ? La ville, si elle se veut solidaire, doit laisser une place à l’ensemble des improvisations et des spontanéités porteuses d’un flux créatif intarissable. La ville doit rester ouverte. La richesse de la ville de demain réside peutêtre dans ce qu’elle ne prévoit pas, dans l’enlacement continu des logiques du capitalisme et de l’urbain dans ses formes les plus informelles ou microscopiques. Ce constat doit nous amener à reconsidérer les richesses de l’informel et les enjeux de croissance des petites échelles d’investissement.
Ce plaidoyer pour une ville plus souple cherche à en finir avec la métropole essoreuse qui éjecte les emplois et les plus démunis loin du centre tout en aspirant les richesses au centre. Quand ils ne disparaissent pas, les emplois et les activités à faible valeur ajoutée émigrent des centres urbains alors qu’ils n’ont jamais été autant attendus, en particulier la demande prodigieuse de services à la personne. Favoriser la résurgence d’une économie de proximité serait une mini-révolution. Dans la course à l’attractivité globale et à la captation des gros poissons de l’économie mondiale, une partie de l’avenir des villes se joue peut-être dans leur capacité à abriter et réaliser ces micro-destins : local pour un réparateur auto, un centre d’accueil associatif, un plombier, un kiosque à journaux, un bouquiniste, un cabinet d’infirmières, un traiteur, un écrivain public, activités ambulantes… Ces nouvelles échelles économiques sont importantes et doivent être prises en compte car elles soulignent les réalités d’un autre mode de croissance, plus fragile et discret, en parallèle du low-tech et du low-cost. Il est temps de reconsidérer l’importance réelle de l’économie informelle et de ses multiples visages, de tout ce potentiel qui échappe aux réseaux traditionnels de l’’économie officielle et de son piédestal. L’informel, le spontané du « petit » investissement sont autant de facteurs de créativité et d’inventions indispensables à la vitalité des villes. Il existe une place pour une cohabitation entre les logiques d’un capitalisme mondialisé et une économie de proximité portée par des structures plus fragiles. Il y a là un enjeu économique et social d’intérêt collectif et une marge de manœuvre nouvelle au-delà des discours fatalistes sur la mondialisation. »
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Centre Europe Azur et Côté Grand Palais (Lot E1) Maîtrise d’œuvre : JC Burdèse – Urba Linéa – Caban Promoteur : Palm Promotion Programme : 33 logements libres, bureaux, services et commerces Surface : 12 931 m² dont 2 344 habitables
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Le Vérose (Lot E2) Maîtrise d’œuvre : Dominique Perrault Architecture Promoteur : Icade Capri – Loger Habitat. Vilogia bailleur social Programme : 110 logements (90 libres, 20 PLUS), bureaux, commerces et activités Surface : 11 118 m² dont 8 878 m² habitables
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Le Polychrome (Lot E3) Maîtrise d’œuvre : X-TU, Anouk Legendre + Nicolas Desmazières Promoteur : Bouwfounds Marignan Programme : 107 logements (77 libres, 10 PLS, 20 PLUS), bureaux, commerces et activités + 178 places de parking Surface : 9 320 m² SHON dont 7 300 habitables Irisium (Lot E4) Maîtrise d’œuvre : Jacques Ferrier Architecture, Atelier Jour, Iosis Nord, Alto Ingénieries, Flandres analyses, SOCOTEC, SL2EC, Sodep Ingénierie Promoteur : Bouygues Immobilier Programme : bureaux, activités et services (crèche) Surface : 10 000 m² SHON Certifications environnementales : NF Bâtiments tertiaires, Démarche HQE
Hôtel B&B (Lot 4C) Maîtrise d’œuvre : de Alzua+, Jérôme de Alzua + Vanessa Barrois architectes Promoteur : Eiffage immobilier – P. Boulanger Programme : 127 chambres d’hôtel Surface : 2 300 m²
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Cap’affaires-Appart’City Lille Grand Palais (Lot 1C) Maîtrise d’œuvre : Tania Concko – Quatr’A Promoteur : Icade Capri – Loger Habitat Programme : 133 logements en résidence services Surface : 4 000 m²
À LIRE
François Leclercq, dans Retour au Bois habité, Euralille 2 Archibooks + Sautereau éditeur, Paris, 2014, ISBN 978-2-35733-293-5 18 €
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Le Mélézium (Lot 1A) Maîtrise d’œuvre : Blaq Promoteur : Icade Capri – Loger Habitat Programme : 57 logements libres Surface : 4 502 m²
Villas Palissandre (Lot 1B) Maîtrise d’œuvre : Tania Concko – Quatr’A (plots A et B) – Blaq (plot C) Promoteur : Icade Promotion logements. Lille Métropole Habitat bailleur social Programme : 23 logements PLUS Surface : Plots A et B 1 056 m², 453 m² plot C Le Sophora (Lot 2A) Maîtrise d’œuvre : Philippe Dubus architecte Promoteur : Palm Promotion – Dubois promoteur Programme : 48 logements libres Surface : 3 840 m² SHON Le Castanea (2B) Maîtrise d’œuvre : Chiani/Chappey architectes Promoteur : Palm Promotion – Dubois promoteur Programme : 22 logements libres Surface : 1 950 m² Éclats de Vert (Lot 3A et B) Maîtrise d’œuvre : Colomer-Dumont/MCBAD Promoteur : Vinci Immobilier – Bouwfounds Marignan Programme : 24 logements libres Surface : 2 200 m² Éclats de Vert (Lot 3B) Maîtrise d’œuvre : Escudié-Fermaut Architecture Promoteur : Vinci Immobilier – Bouwfounds Marignan. SIA Bailleur social. Programme : 28 logements (15 libres, 13 PLS) Surface : 2 200 m² Le Vert Bois (Lot 4A et B) Maîtrise d’œuvre : de Alzua +, Jérôme de Alzua + Vanessa Barrois architectes Promoteur : Eiffage Immobilier – P. Boulanger. GHI bailleur social Programme : 49 logements (38 libres, 11 PLS) Surface : 3 602 m² Eden Square (Lot 5A et B) Maîtrise d’œuvre : Hondelatte-Laporte architectes Promoteur : Bouygues Immobilier Programme : 59 logements libres Surface : 4 391 m² SHON Certifications environnementales : Démarche HQE Lauréat du prix « Pyramides d’argent » Vert Ébène (Lot 6A et B) Maîtrise d’œuvre : Bello-Caucheteux architectes Promoteur : Partenord Habitat bailleur social. Programme : 44 logements (21 PLS, 22 PLUS) Surface : 3 602 m²
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Vue panoramique de Paris © D.R.
le contexte urbain
du centre-ville
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Le logement dans le Grand Paris est-il toujours en crise ? On pourrait le penser, car depuis le xixe, dans la région parisienne,
on distingue deux phases de prospérité (1820Pendant la Première 1880 et 1950-1970) que séparent moitié et suivent des crises plus du xxe siècle, la construction ou moins graves. de maisons individuelles dans des lotissements va connaître Deux familles typologiques un boom dans des conditions François Leclercq Durant la période 1820-1880, par l’agence e sme menépériode clé degénérale la révolu- du territoir souvent très défectueuses. d’urbanil’investissement tion industrielle, projet 2 dans le bâtiment va reconfiguration 1980. Euralille Le Bois habité, être multiplié parune trois. Le grand nombre desdeannées TER, illustre ons logements avec l’agence construits pendant initié au milieu cœur des connexi d’Euralille 1 cette période la capise love au es :vailtransformer tale, il est soutenu par la croissance lillois, à la suite paradigm et havre de paix, démographique de et changel’émigration cadre de vieet économique, et il se lesfait villes et une forte ren- historique prend le relais tabilité des sublime,vers et les investissements. à vendre. Retour Leclercq. infrastructurelles et plus facile Plusieurs François formes ed’immeubles plus économ On cte distingue de l’archite il se veut l’immeuble harecoexistent. de projet-p rapport bourgeois du de l’immeuble destiné courte auxvisite couches populaires. Le premier, Désveaux
© J. Bruchet
qui comporte des appartements, voit sa production marquée par le rôle clé de l’architecte, par l’ampleur du chantier et l’importance des capitaux engagés1. L’autre famille typologique d’immeubles parisiens est beaucoup plus ancienne et relève d’une tradition empirique transmise par le savoir-faire des petits entrepreneurs. L’immeuble destiné aux couches populaires fait se côtoyer l’atelier et le logement. Il dérive de la maison artisanale de faubourg. Dans les quartiers périphériques, les maisons de faubourg alignées le plus souvent le long des axes de circulation constituent l’essentiel du bâti. À partir des années 1880, derrière les façades en pierre des immeubles de type haussmannien, on va trouver de petits logements destinés aux employés et aux petits-bourgeois du fait d’un élargissement du cadre d’intervention des lotisseurs et des promoteurs auparavant cantonnés dans les quartiers riches.
Grands ensembles à l'ouest de
Paris © J. Bruchet
1 Voir Christian Topalov, Le dise impossible, Presses de la Logement en France, histoire d’une marchanFondation nationale des sciences 1987. politiques, Cité Jardin, Île-de-France © H.
Joinet
La crise du système du rentier Passé une brève reprise au début du xxe siècle, le marché du logement est confronté à une nouvelle crise, à cause du blocage des loyers en 1914. Annoncé en 1926, le retour à la liberté sera constamment repoussé jusqu’en 1948. Le blocage des loyers va habituer des tranches entières de la population à payer un loyer très faible et le retour dans un système libéral n’en sera que plus difficile. Les classes supérieures profitent davantage du système, car il permet une compression des salaires ouvriers, mais la contrepartie est la ruine des propriétaires rentiers. Jusqu’en 1926, les charges absorbent l’intégralité des loyers perçus, la rentabilité des immeubles plafonne à 2 %. Pendant cette première moitié du xxe siècle, la construction de maisons individuelles dans des lotissements va connaître un boom dans des conditions souvent très défectueuses (lotissements non raccordés aux égouts, voirie sans bitume). Pour la seule région parisienne, les lotissements ont logé plus de 60 % de l’excédent de population qui s’est installé à Paris entre les deux guerres. Les lotissements défectueux seront progressivement raccordés aux réseaux et équipés, ils sont aujourd’hui l’objet d’études sur leurs capacités de mutation et notamment de densification par la remise en cause des PLU.
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