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Émilie Pierson

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Stilbé Schroeder

Stilbé Schroeder

Metz

Les œuvres d’Émilie Pierson mettent en scène des récits tissés de rares réminiscences. Ses acteurs (sa famille, les grands hommes, les géants, elle et nous), ses décors (la mer Noire, la France, la Bulgarie, la rue, le musée), ses temps (hier, aujourd’hui, ailleurs) se mêlent. Que croire? Pour la réalisation de l’ouvrage Milles pensées à toi (2018), l’artiste s’est plongée dans les lettres que sa mère bulgare envoyait à son père français suite à leur rencontre dans la station balnéaire de Slantchev Briag. Sur son ordinateur, elle a transcrit les innombrables mots de cet amour empressé, exprimé dans un français hésitant à la graphie approximative. Elle les a ensuite ciselés afin de ne magnifier, sur les pages blanches offertes au lecteur, que les signes irrationnels de la passion: un prénom qui revient sans cesse en écho, la répétition litanique des sentiments exaltés, les souvenirs partagés qui tentent de combler l’angoisse liée à l’absence. Avec спомени 57-82 (Souvenirs 57-82) (2019) elle poursuit son exploration des archives afin d’apprendre et comprendre ce qui a construit sa mère, ou, plus exactement, ce qui l’a construit elle, à travers les souvenirs de la mère. Elle a cheminé dans les photographies familiales, récupéré des objets, recueilli des paroles. À nouveau, elle a épuré et recadré pour insister sur des détails, comme des indices ou des stigmates. En fixant sur les murs ces flashs à la dimension symbolique écrasante, l’installation nous contraint à l’arrêt; puis elle nous invite à écouter, à accepter ou non de répéter, de revoir, d’avancer. Nos mémoires comme nos légendes sont cousues par la nécessité de croire. Entre le Nouvel An et le Carême, la monstruosité et le bruit des cloches portées par les Kukeri font fuir les mauvais esprits. Les processions, comme les rites collectifs, ne disparaissent pas. Le colosse allongé à qui l’on demande, ou qui nous demande: Entends-tu les cloches sonner? (2019), souligne la permanence cyclique des relations entre désirs et peurs, éléments inaliénables en chacun de nous.

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Im Mittelpunkt der Werke von Émilie Pierson stehen Erzählungen, die auf bruchstückhaften Erinnerungen gründen. In ihnen vermischen sich Protagonisten (ihre Familie, große Männer, Riesen, sie und wir), Orte (das Schwarze Meer, Frankreich, Bulgarien, die Straße, das Museum) und Zeiten (gestern, heute, irgendwann). Doch was ist daran wahr? Für die Publikation Mille pensées à toi (Tausend Gedanken an Dich) (2018) hat sich die Künstlerin intensiv mit den Briefen beschäftigt, die ihre bulgarische Mutter an ihren französischen Vater geschickt hat, nachdem die beiden sich im Seebad Slantschew brjag kennengelernt hatten. Auf ihrem Computer hat Pierson die in stockendem Französisch und holpriger Schrift verfassten Liebesbekenntnisse abgeschrieben. Anschließend hat sie die Wörterflut mit der Schere bearbeitet, um auf größtenteils leeren Seiten die irrationalen Zeichen der Leidenschaft hervorzuheben: einen unablässig wiederholten Vornamen, die Litanei der überschwänglichen Gefühle, die gemeinsamen Erinnerungen, mit denen man versucht, die mit der Abwesenheit einhergehende Angst zu überspielen. Für ihre Arbeit спомени 57-82 (Erinnerungen 57–82) (2019) forschte die Künstlerin ebenfalls in ihrem Familienarchiv, um die Persönlichkeit ihrer Mutter zu rekonstruieren oder, genauer gesagt, um zu verstehen, in welcher Weise ihre eigene Persönlichkeit durch die Erfahrungen ihrer Mutter geprägt wurde. Hierfür hat sie Familienfotos durchforstet, Objekte gesichtet, Worte gesammelt. Anschließend hat sie alles aufbereitet und neu geordnet, um bestimmte Details wie Spuren oder Stigmata zu betonen. Das erdrückend symbolische Ausmaß dieser Erinnerungen lässt uns innehalten; zugleich lädt ihre Installation uns dazu ein, zuzuhören und uns zu entscheiden, ob wir nachsprechen, erneut hinschauen oder weitergehen möchten. Unsere Erinnerungen und Legenden werden von der Notwendigkeit zu glauben bestimmt. Zwischen Neujahr und der Fastenzeit vertreiben die riesigen Kukeri mit lautem Glockengeläut die bösen Geister. Prozessionen und kollektive Rituale verschwinden nicht. Der liegende Koloss, den wir fragen oder der uns fragt: „Hörst Du die Glocken läuten?“ (Entends-tu les cloches sonner?, 2019), spiegelt das ständige Wechselspiel zwischen Wünschen und Ängsten wieder, die Teil unser selbst sind.

спомени 57 - 82 (Souvenirs 57 - 82), 2019, Installation, Courtesy Émilie Pierson Entends-tu les cloches sonner?, 2019, Installation, Courtesy Émilie Pierson

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