Décembre 2015 . Janvier . Février 2016 . Numéro 657
)Participer( Magazine des sociétés coopératives et participatives
)Enjeux(
Nouveau kit enseignant : les Scop et les Scic expliquées aux jeunes
)Rencontres(
COP 21 : les coopératives s’engagent pour la transition écologique
Martine Pinville : « Offrir à l’ESS les moyens de son développement »
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Sommaire p.4 Média Scop p.6 Retour sur l’Agora des Scic p.8 Vie du réseau p.12 Btp p.13 Communication p.14 Formation
)Dossier(
Tous solidaires
Entre enjeux locaux et urgence planétaire, les coopératives s’engagent pour la transition écologique
p.16
)International( p.22 Venezuela : l’autogestion à grande échelle
)Enjeux Scop( p.24 Sensibiliser les jeunes à la diversité des modèles d’entreprise : un kit enseignant pour expliquer les Scop et Scic
)Rencontres( p.26 M artine Pinville « Donner à l’ESS les moyens de son développement » p.28 Pratique
)Scop en action( p.30 Aerem décolle ! p.33 Parcours p.34 Lectures Participer. Magazine des Sociétés coopératives et participatives 37, rue Jean Leclaire 75017 Paris - tél. : 01 44 85 47 00, fax : 01 44 85 47 10 • www.les-scop.coop Réalisation : Scopedit, 37, rue Jean-Leclaire 75017 Paris. Gérant : Patrick Lenancker. Rédacteur en chef : Pierre Liret. Secrétariat de rédaction : Corinne Lefaucheux, Carine Dieu-Romastin. Conception, réalisation, appui éditorial : Philem Despiney, Scop In Studio 4, Bruno Chambrillon. Impression : Chevillon Imprimeurs. Dépôt légal : 4e trimestre 2015. CPPAP 1115 T 87741 . ISSN 1264-949X. Abonnement : 1 à 3 abonnements souscrits : 26 € par abonnement, à partir de 4 abonnements 22 € par abonnement. Contact abonnement : 03 80 48 95 37
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ous avions prévu pour ce numéro un éditorial mettant en lumière ce qu’illustre ce nouveau numéro de Participer : l’ouverture des coopératives à leur environnement, en particulier à travers l’engagement des Scop et Scic sur la transition écologique et énergétique et par la dynamique enclenchée pour faire mieux connaître le modèle coopératif auprès des jeunes et dans l’enseignement. L’actualité en a décidé autrement et nous rappelle que le combat pour la démocratie et contre toute forme de dictature, pour l’émancipation et contre l’obscurantisme, pour le respect de l’autre et non la loi du plus fort, est un défi de tous les instants et à tous niveaux, au cœur même de nos sociétés occidentales. Nous savions tous après le 7 janvier qu’il fallait redouter de nouveaux attentats. Et malheureusement, la barbarie a frappé plus durement encore que nous ne pouvions l’imaginer. L’ouverture à tous, le refus de toute exclusion raciale, religieuse ou quel qu’en soit le critère, le projet d’émancipation et de coopération sont gravés au cœur même des principes de l’Alliance coopérative internationale. Le projet de « contribuer à une société plus juste, plus humaine » est écrit en toutes lettres en préambule des statuts de notre Mouvement. Mais en cet instant, c’est bien au-delà du cercle coopératif que nous nous sentons aujourd’hui solidaires de tous ceux qui souffrent. Au nom de toutes les Sociétés coopératives et participatives, en votre nom, nous souhaitons témoigner notre soutien et notre compassion la plus totale avec celles et ceux qui ont perdu des êtres chers et sont meurtris par ces attentats qui ont frappé y compris au sein de notre Mouvement. A toutes celles et ceux qui, nombreux, l’ont déjà exprimé ou le pensent, nous apporterons notre contribution pour résister, lutter contre la barbarie et faire gagner les valeurs qui nous unissent.
Le Bureau de la Direction nationale et la rédaction de Participer
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La transition énergétique n’est pas une contrainte mais une nouvelle voie pour l’économie de demain.
)Dossier(
Entre enjeux locaux et urgence planétaire,
les coopératives s’engagent pour la transition écologique
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A l’heure de la COP 21, les Sociétés coopératives et participatives font la preuve de leurs bonnes pratiques dans des secteurs aussi divers que les énergies renouvelables, l’économie circulaire et la mobilité douce. es coopératives ont une attente particulière pour une croissance durable, moins consommatrice en énergie et en ressources naturelles. Par leur ancrage local, par leur gouvernance collective, par leurs projets innovants, elles sont de plus en plus nombreuses à se situer dans ce champ économique nouveau, dont certains experts estiment qu’il est porteur de dizaines de milliers de créations d’emplois. Dans certains secteurs, les coopératives, Scop et Scic, sont même majoritaires, qu’on pense à l’auto-partage ou au bois-énergie en particulier. Mais, que la transition écologique soit dans leur cœur de métier ou que des besoins nouveaux les poussent à changer leur méthode de travail et de production, les coopératives n’ont pas attendu la loi sur la transition énergétique, ni la COP 21, pour répondre présentes aux enjeux du réchauffement climatique et du développement durable.
Gestion des déchets « La croissance verte est un bon vecteur économique et social, créatrice d’emplois et de
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richesses. C’est la voie tracée pour les trente prochaines années. » Si Etienne Wiroth est si convaincu, c’est parce que Tri-Vallées, la Scop d’Albertville, dont il est le PDG, développe depuis plus de vingt ans des activités qui sont au centre de la transition écologique : gestion des déchets, nettoyage d’espaces verts, mobilité douce. « Nos premières activités étaient tournées vers le recyclage et le tri, explique Etienne Wiroth, d’abord pour le textile et le verre, puis au fil des années pour les DEEE et le matériel de ski. Nous avons anticipé sur l’économie circulaire, qui consiste à intégrer le cycle de vie des produits et à éviter d’enfouir ou de brûler les déchets. » Autant d’activités qui ne peuvent se dérouler qu’en étroite coopération avec les entreprises et les collectivités locales. « Tri-Vallées est adhérente aux Territoires à énergie positive, créés par l’Ademe, poursuit Etienne Wiroth. De fait, nous essayons de travailler avec d’autres entreprises et des parties prenantes pour créer de l’énergie locale. Par exemple, nous avons construit Horizon, une future unité de méthanisa-
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)Dossier( tion, pour recycler des bio-déchets, issus de partenaires locaux. Les coopératives ont l’habitude de travailler en collectif et c’est un avantage sur ces thèmes, y compris pour répondre à des marchés publics. » Créatrice d’emplois, la transition énergétique l’est indubitablement. Tri-Vallées compte aujourd’hui 110 salariés. Et même 170 pour le groupe AART, qui englobe Tri-Vallées et des filiales, comme la Scop Alpes Paysage, dédiée à l’environnement ou la Scic Spad, pour l’aide à domicile. TriVallées fait aussi partie des entreprises d’insertion, dont Etienne Wiroth estime qu’un tiers d’entre elles sont présentes sur les métiers de la transition écologique, et parmi elles de nombreuses Scop.
Bois-énergie C’est aussi sous l’angle de l’économie circulaire et des énergies renouvelables qu’Ere 43, bureau d’études à Yssingeaux, se mobilise depuis longtemps sur la transition écologique. A l’origine de la Scic, née en 2007, il y a un collectif d’habitants de la Haute-Loire, engagés sur les thématiques de l’énergie et du changement climatique. « Face à ces enjeux, nous avons eu envie d’agir à l’échelle du territoire, indique Jacques Villevieille, gérant de la Scic. Nous nous sommes concentrés principalement sur la filière du bois-énergie. Nous repérons les collectivités qui ont des besoins de chaleur et nous leur proposons d’installer une chaufferie Modul’R, qui peut fournir trois
L’équipe de Tri-Vallées en mission de nettoyage
bâtiments en énergie. Nous nous occupons également de la ressource bois. Tout cela crée un circuit court local, au service de la transition énergétique. » Ere 43, avec 4 salariés, a déjà installé 17 chaufferies dans le département, pour des particuliers, mais aussi un hôtel ou un centre de remise en forme,
qui peuvent devenir sociétaires de la Scic. Ce modèle de mutualisation de fourniture d’énergie commence à essaimer, avec d’autres Scic analogues dans le Lot ou la Haute-Vienne. Le secteur des énergies renouvelables forme l’une des portes d’entrée à la tran-
Transition écologique : points de repère COP 21 : la COP est une conférence sur le climat des Etats membres de l’ONU ; elle est organisée tous les ans. La vingt-et-unième COP, qui a lieu à Paris et au Bourget, doit marquer une étape importante avec un nouvel accord international pour lutter contre le réchauffement climatique et exiger des engagements plus contraignants de la part des Etats et des parties prenantes, que ceux annoncés lors des précédentes conférences.
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Protocole de Kyoto : en 1997, les pays industrialisés s’engagent à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre (GES) de 5 %. Fixé pour 2012, l’objectif est atteint, malgré le refus des grands pays industrialisés de ratifier le Protocole de Kyoto. Mais la montée en puissance des pays émergents a fait repartir depuis les émissions de GES à la hausse. Conférence de Copenhague : en 2009, l’ensemble des pays de la planète choisit un autre objectif, qui est de limiter à 2 % le réchauffement climatique en 2100 par rapport aux mesures de l’ère pré-in-
dustrielle. Le sommet de Copenhague échoue à fixer des objectifs contraignants. Transition énergétique : elle agit sur un double levier, réduire la consommation d’énergie et faire appel aux énergies renouvelables. Sous le premier levier, il y a les objectifs de réduire le recours aux énergies fossiles, fortement émettrices de GES, d’éviter les gaspillages et d’améliorer l’efficacité énergétique. Sous le second levier, il y a les différentes formes d’énergies renouvelables, souvent issues au départ d’initiatives citoyennes.
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sition écologique pour des citoyens soucieux de lutter contre le réchauffement climatique, en trouvant de nouvelles formes de partenariats économiques. Encore plus au Sud que les Savoyards de Tri-Vallées et les Auvergnats d’Ere 43, dans le Queyras, c’est aussi un groupe de citoyens qui a entrepris de booster la dynamique de transition énergétique du Parc naturel régional (PNR).
Electricité solaire « En juin dernier, nous nous sommes lancés dans la création d’une Scic et dans un appel à souscription de parts sociales, raconte Luc Herry, trésorier de la Scic Energuil. Nous allons financer l’équipement de 10 bâtiments en panneaux photovoltaïques, un site par commune du PNR, dont deux écoles et une ferme pédagogique. La souscription a été un succès avec plus de 150 particuliers qui ont permis de collecter 50 000 euros, complétés par une subvention du Conseil régional Paca et un prêt bancaire. La production d’électricité solaire alimentera des foyers locaux, avec pour objectif d’aider le PNR à atteindre l’autonomie pour la moitié de sa consommation énergétique d’ici 2030. » A l’initiative de citoyens engagés sur la transition énergétique, la production d’énergie verte va démarrer en fin d’année. Parmi eux, Luc Herry faisait partie des militants, lui qui a travaillé pour la coopérative hôtelière la Maison de Gaudissard, au cœur du Queyras !
Loi sur la transition énergétique pour la croissance verte : votée en France en juillet 2015, cette loi fixe un certain nombre d’objectifs, notamment la division par un « facteur 4 » des émissions de GES en 2050, la réduction de la consommation finale d’énergie de 50 % et le recours plus important aux énergies renouvelables. Economie circulaire : l’économie circulaire vise à ce que le plus grand nombre de productions humaines puissent faire l’objet d’un recyclage permanent de leurs composants et à minimiser les
Le secteur du bâtiment est l’un des principaux domaines responsables d’hyperconsommation énergétique et d’émission de gaz à effet de serre. Pour s’attaquer à ces problèmes, des Scop se mobilisent également. En 2003, trois associés ont fondé la Scop Izuba Energies à Sète. Ils développent, pour des bureaux d’études, un logiciel qui permet de réaliser heure par heure la simulation thermique des bâtiments et de trouver les meilleures solutions techniques pour remédier aux dépenses d’énergie. Bien naturellement, Izuba a appliqué, cette année, à son tout nouveau siège les principes qu’elle préconise par ailleurs, avec une ossature bois, la pose de panneaux photovoltaïques, l’électricité d’Enercoop, la création d’un parc à vélos, etc. « Au départ, comme souvent, le bâtiment est un peu plus cher que le classique, précise Renaud Mikolasek, gérant d’Izuba, mais on économisera sur le chauffage et l’électricité dès les années suivantes. Le bâtiment va produire plus d’énergie qu’il n’en consomme, y compris le transport des 13 salariés. »
Une nécessité économique C’est aussi des bâtiments collectifs, dont se préoccupe la Scop Adfine, cabinet d’études à Millau, mais pas seulement… François Amieux, gérant de la Scop, créée en 2012, a sa propre définition de la transition écologique : « parvenir à vivre dans un monde où on fait attention à l’environ-
nement, arriver à faire mieux avec moins ». Sa Scop met en avant les principes de l’économie circulaire. « Nous aidons les entreprises et collectivités locales, poursuit François Amieux, à optimiser leurs flux entrants (électricité, chauffage, etc.) et sortants (déchets, produits manufacturés, etc.). Avec quels outils ? Le bilan carbone, l’analyse du cycle de vie des produits, le diagnostic énergétique, la certification Iso 14001. Nos clients ont des besoins économiques qui se doublent d’une prise de conscience. » Comme pour beaucoup de coopératives engagées dans la transition, Adfine a le vent en poupe, ayant doublé le nombre de ses salariés cette année, passant de 4 à 8. Ce n’est pas uniquement grâce à la transition énergétique que la Scop Acome affiche plus de 1 500 salariés, quoique… Le géant du câble en cuivre a adopté depuis plus de dix ans une démarche de développement durable. « Elle s’applique aussi bien à notre site industriel de Mortain, qu’à nos produits et à nos fournisseurs, indique Xavier Servajan, directeur Qualité et Développement durable d’Acome. Dans notre usine, nous recherchons des économies d’énergie ; par exemple, un tiers des bâtiments sont chauffés par une chaudière à bois. Du côté des pièces, notre bureau d’études intégré travaille sur le cycle de vie des produits depuis 2009. Enfin, nous sensibilisons nos fournisseurs au développement durable
déchets non réutilisables. Elle prend la forme du recyclage, du réemploi, de l’éco-conception ou de l’analyse du cycle de vie du produit. L’économie circulaire met aussi en avant les coopérations entre acteurs sur les territoires.
nuer leurs flux entrants et sortants ou pour créer des cercles vertueux, dans lesquels les déchets des uns peuvent devenir des ressources pour d’autres parties prenantes.
Ecologie industrielle : c’est la manière dont peuvent se mettre en place les coopérations économiques territoriales au service de la transition écologique. A partir de la prise en compte des impacts des entreprises industrielles sur leur environnement, elle procède d’une analyse pour dimi-
Lire : L’énergie autrement, Alternatives économiques poche, 2012 Pour une transition énergétique citoyenne, Le Labo de l’ESS, 2015
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)Dossier(
La Scop Izuba propose des solutions logicielles pour économiser l’énergie
pour qu’ils puissent continuer à travailler avec nous. Nos salariés ne sont pas en reste qui peuvent aborder les sujets du tri, du recyclage ou du co-voiturage dans les îlots d’usine. Pour une grande entreprise, la transition énergétique n’est donc pas une contrainte, mais une nécessité économique et environnementale. »
Sensibilisation et éducation A côté des bâtiments et de l’industrie, un autre levier d’action pour la transition écologique porte sur les transports. Réduire l’impact carbone de la voiture est depuis 15 ans l’objectif des coopératives d’autopartage. Le Réseau Citiz rassemble 15 entités locales, dont 10 Scic et
une coopérative de consommation. « La Scic est un modèle évident pour l’autopartage, assure Jean-Baptiste Schmider, cogérant de Citiz. Nous voulons l’étendre à des villes moyennes, avec le soutien des UR Scop. On peut mettre en avant notre impact positif : nos 20 000 abonnés ont évité cette année le rejet de 10 000 tonnes de CO2. » La preuve par l’exemple, la sensibilisation et l’éducation demeurent indispensables à la diffusion des bons comportements. Y compris quand ce sont des actions qui semblent petites. Jean-Marc Léculier, gérant de la Scic Les Aintrépides, à Béligneux (Ain) qui a mis en place le projet, raconte : « cette année, les jeunes du Conseil municipal des enfants ont eu l’idée de lutter contre le gaspillage alimentaire dans leurs cantines. Résultat : ils prennent moins d’aliments dans leurs assiettes, les parts qui restent peuvent être récupérées par les personnels, les déchets alimentaires finaux sont donnés à des animaux. Il n’y a plus aucun déchet poubelle ! » La transition écologique commence à l’école. Eric Larpin
Coopératives et écologie : l’implication du Mouvement
Le Mouvement des Scop a mis en place une Commission RSE présidée par JeanClaude La Haye, membre du Bureau de la Direction nationale et ancien dirigeant de Synphonat (Auvergne)
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Faisant suite aux résolutions du Congrès de Marseille en 2012, la CG Scop a mis en place une Commission RSE dont l’un des axes de travail a été de cerner la place des Scop et Scic dans la transition écologique. Une analyse conduite par la CG Scop en 2015 estime à 200 le nombre de Scop et de Scic fortement impliquées dans la transition énergétique : conseil en environnement et développement durable, énergies renouvelables, alimentation bio, circuits courts, bois-énergie et auto-partage hors BTP. Cela représente 7,2 % des Sociétés coopératives et participatives, employant plus de 1 200 salariés et générant 151 millions d’euros de chiffre d’affaires. Dans le secteur du BTP, de nombreuses Scop sont enga-
gées de longue date dans l’écoconstruction et l’efficience énergétique. Elles peuvent depuis juin 2015 bénéficier d’un label RSE spécifique mis en place par leur Fédération en collaboration avec l’Afnor. Le secteur des déchets et du recyclage regroupe 33 sociétés coopératives et 2 300 salariés, pour un chiffre d’affaires de 114 millions d’euros. Plus globalement, l’étude RSE menée en 2014 auprès des adhérents de la CG Scop montre que 41 % des coopératives disent développer des éco-produits, 36 % disent être engagées dans une démarche de management environnemental, la moitié a entamé un processus de recyclage des déchets et une sur trois est engagée dans une démarche d’amélioration de l’efficacité énergétique ou de réduction des GES.
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Trois questions à Jérémie Loevenbruck, co-fondateur de Palanca, boîte à outils du développement durable Bon nombre d’experts en développement durable qui créent une entreprise choisissent de s’organiser en Scop et Scic. Preuve d’une recherche de cohérence entre l’objet social de l’entreprise et son statut juridique. Rencontre avec l’un de ces experts en développement durable qui nous donne son point de vue sur ce que peut apporter ou pas le modèle coopératif aux enjeux du développement durable.
Quelle est la philosophie de la Scop Palanca sur la transition écologique ? « Nous sommes une société de conseil qui accompagne les entreprises dans leurs démarches RSE, de développement durable et de transition écologique. Implantés à Toulouse depuis 2012, nous travaillons principalement avec des structures de l’économie sociale et solidaire, et beaucoup de coopératives locales. Nous essayons de leur faire prendre conscience des impacts économiques, sociaux et environnementaux de leurs projets et de les modifier. Et bien sûr, nous revendiquons pour nous-mêmes les principes de la transition écologique. Les sept salariés (10 en fin d’année) utilisent des vélos plutôt que des voitures ; nous mettons aussi en place des conciergeries locales qui permettent de travailler avec les habitants sur des enjeux, comme la mobilité, la rénovation des bâtiments et l’agriculture péri-urbaine. On a besoin de travailler dans les quartiers, au plus près du terrain. » On trouve de nombreuses coopératives engagées dans la voie de la transition écologique. Est-ce que c’est aussi votre constat de terrain ? « Nous travaillons en local. Nous sommes ouverts sur le territoire. Nous faisons travailler les entreprises ensemble. Nous travaillons concrètement sur le développement durable local. Forcément, nous croisons souvent les coopératives ! Ce sont des entreprises en recherche de sens, qui ont, en plus, l’habitude des discussions internes. Leur outil de travail va rester dans un éco-système local (elles sont non-délocalisables), donc elles pensent qu’il faut faire attention à l’impact qu’elles ont sur leur environnement dans la durée. Pour certaines, la transition écologique est une de leurs raisons d’être (mobilité, agriculture urbaine), d’autres y voient des opportunités de développement commercial. Mais c’est très bien aussi, car cela correspond aux attentes de la société. » Quels sont les facteurs qui expliquent le rapprochement entre les Scop et les objectifs de transition énergétique ? « Avec le réchauffement climatique, le grand public est de plus en plus au courant des enjeux « green ». Il y a aussi une question de générations, puisqu’on voit beaucoup de jeunes coopérateurs et de jeunes sociétés aller vers ces domaines. Par leur dimension collective, les Scop obligent les salariés à s’impliquer sur ces sujets-là. Par leur implication dans le local, elles sont très souvent déjà mobilisées sur le développement durable, en dehors du BTP qui reste à la traîne. En outre, beaucoup de Scic ont défriché de nouveaux secteurs liés à la transition énergétique ; elles sont nées presque en même temps que le statut. Les collectivités locales, nombreuses aussi à se préoccuper de transition, y ont trouvé une forme pour s’associer. Pour réduire notre impact sur l’environnement, il faut que les gens coopèrent entre eux. C’est pourquoi Palanca s’engage dans un travail de mise en confiance, proche des entreprises et des territoires, qui prennent l’habitude d’échanger entre elles. »
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Jérémie Loevenbruck
« Par leur implication dans le local, les coopératives sont très souvent déjà mobilisées sur le développement durable »
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)Enjeux Scop( Sensibiliser les jeunes à la diversité des modèles
un kit enseignant pour expliquer les Que celui ou celle qui a entendu parler des coopératives pendant son parcours scolaire ou universitaire lève le doigt ? Jusqu’à présent, on avait presque plus de chances de les côtoyer à l’école maternelle et primaire, avec les coopératives scolaires que dans une grande école ! Les choses évoluent lentement. Depuis 2013, il existe un accord-cadre entre le ministère de l’Education nationale et celui de l’Economie sociale et solidaire pour insuffler une sensibilisation à l’ESS dans les enseignements. Du côté des coopératives, les résultats sont encore ténus, si l’on excepte la traditionnelle Semaine de la coopération à l’école. C’est pourquoi la CG Scop a développé des partenariats et créé des outils pédagogiques pour rendre les Sociétés coopératives et participatives plus visibles au collège et au lycée.
Pour Jacques Cottereau, élu en charge de la formation au sein de la Confédération, « il y a effectivement besoin de faire connaître aux jeunes la diversité des modèles économiques entrepreneuriaux. Dès qu’ils entrent en contact avec le monde coopératif, ils sont intéressés, parce que cela répond aux aspirations des nouvelles générations d’avoir des métiers qui aient du sens. Il y a une pluralité des modes d’entreprendre ; il faut que chacun d’entre eux ait sa place à l’école. » Mais encore faut-il des outils pour aider les enseignants à s’approprier des statuts d’entreprises qu’eux-mêmes n’ont sans doute pas croisés dans leurs propres formations ? Pour cette raison, la CG Scop vient d’élaborer un kit pédagogique, qui regroupe à la fois des modules d’animation pour les élèves et des ressources pédagogiques pour les professeurs. « Nous avons souhaité des supports détaillés, mais aussi ludiques,
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poursuit Jacques Cottereau. La vie en coopérative n’est pas triste ! Le kit contient donc un film d’animation réalisé par la Scop Possum Interactive, des documents historiques et économiques, des éléments de définition simples et des témoignages vidéo de coopérateurs. »
à l’œuvre dans les Scop et ils se demandent pourquoi toutes les entreprises ne sont pas comme ça ! » L’initiative de cet enseignant a pris place il y a un an dans le cadre de Parcours Avenir, une initiative de l’Education nationale, qui consiste en une sensibilisation au monde professionnel tout au long du secondaire. Cette année, il a voulu aller plus loin, en proposant des améliorations au kit pédagogique : « j’avais déjà construit un questionnaire pour mes élèves. Il a été inclus dans l’ensemble des outils de l’interface pédagogique. J’ai aussi pensé qu’ils seraient sensibles à des témoignages vidéo, ce qui a également été ajouté. Enfin, je pense qu’il faut inciter les enseignants à inviter des salariés dans les classes. C’est mon projet pour l’an prochain, avec la Scop La Fabrique du Sud/La Belle Aude, usine de glace reprise par ses salariés. » Cette année, cette sensibilisation a concerné deux classes de trente élèves, pendant deux heures. Et Lionel Ricaud a réussi à convaincre en plus deux de ses collègues d’utiliser le tout nouveau kit pédagogique, conçu dans une logique d’open source, où l’on peut piocher et rajouter des éléments. « Il faut que les élèves comprennent que l’entreprise peut inclure la démocratie, conclut le professeur, que les salariés peuvent être acteurs de leurs décisions ou qu’une entreprise peut partager ses bénéfices. Leur présenter tout cela de façon
Elaboré avec la participation des enseignants Le corps enseignant n’a pas été en reste dans la construction du kit pédagogique. Professeur d’histoire-géographie et d’instruction civique au collège Cité de Narbonne (Aude), Lionel Ricaud a utilisé l’an dernier une première version du kit pour intéresser ses élèves de troisième aux coopératives. « Au premier contact, ils pensent plus aux coopératives agricoles, nombreuses dans la région, qu’aux coopératives de salariés, raconte Lionel Ricaud. C’est nouveau pour eux. Et puis, au fil du cours, ils apprennent les valeurs d’égalité et de solidarité
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d’entreprise :
Scop et Scic
concrète aidera à ce qu’ils gardent dans un coin de leur tête ce type d’entreprise. » Pourquoi ne pas inciter les élèves les plus motivés à se lancer eux-mêmes dans l’aventure coopérative ? C’est une des ouvertures préconisées dans le kit pédagogique, et c’est aussi une réalité tangible depuis quelques années au travers des mini-Scop, la version coopérative des mini-entreprises, portées par le réseau Entreprendre pour apprendre. Montées dans le cadre scolaire, elles mobilisent aussi fortement les enseignants. A Marcqen-Baroeul (Nord), il y a un an, au sein du collège Jeannine Manuel, vingt élèves se sont ainsi attelés à la création d’une mini-Scop, sous la conduite de Maxime Dupire, professeur d’arts plastiques, passé auparavant par le monde de l’entreprise. « Pendant un an, nous nous sommes concentrés sur la création d’une mini-Scop, un statut choisi par les élèves, parce qu’il correspondait
à leur projet, fabriquer des « butter sticks » pour les petits-déjeuners. Chacun des élèves a versé 15 euros, pour constituer le capital, ce qui les engageait. Cela leur a appris l’autonomie dans un cadre collectif. » L’initiative de la mini-Scop a obtenu le premier Prix national d’Entreprendre pour apprendre. Intéresser les jeunes à la coopération peut prendre de multiples chemins. Y compris au-delà des frontières. La CG Scop vient de s’engager depuis la rentrée dans un programme d’ouverture à d’autres formes d’entreprendre, avec plusieurs partenaires européens, dans le cadre d’Erasmus Plus pour l’enseignement scolaire. Eric Larpin
Découvrez l’interface pédagogique des Scop : www.les-scop.coop/interface-pedagogique
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n Vous souhaitez transmettre votre culture coopérative aux jeunes ? Portes ouvertes, apprentissage, stage… Il existe de nombreuses manières de s’adresser aux jeunes : > accompagnez-les dans une Coopérative jeunesse de services (CJS) l’été, > intervenez en classes avec 100 000 entrepreneurs, > parrainez une mini-Scop avec Entreprendre pour apprendre (EPA) > accueillez des enseignants en stage découverte avec la Fondation Croissance Responsable. Contact : l es-scop@scop.coop 01 44 85 47 00
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)Rencontres(
Martine Pinville :
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ous avez été nommée secrétaire d’État chargée du Commerce, de l’Artisanat, de la Consommation et de l’Économie sociale et solidaire. Quelles sont les priorités de votre mandat concernant l’économie sociale et solidaire ? Un an après l’adoption de la loi, 90 % des textes d’application ont été pris. La priorité désormais est de faire connaître et de mettre en pratique toutes les avancées permises par ce texte. Mon objectif est d’offrir à l’ensemble des entreprises de l’économie sociale et solidaire, un environnement qui soit pleinement favorable à leur développement, à leur changement d’échelle. L’ESS est une façon d’entreprendre à part entière, une économie qui a su faire preuve de sa résistance dans un contexte des plus difficiles, il est important aujourd’hui qu’elle puisse également révé-
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ler tout son potentiel en termes d’emplois. En effet, les entreprises de l’ESS constituent un important vivier d’emplois notamment en raison de leur modèle non lucratif qui les conduit à utiliser leurs ressources pour embaucher plutôt que pour rémunérer les actionnaires. Depuis 2000, elles ont ainsi créé 460 000 emplois nouveaux, soit une hausse de 24 % de ses effectifs, ce qui représente en tendance une augmentation plus de cinq fois supérieure à celle de l’économie privée classique.
Plus particulièrement concernant les Sociétés coopératives et participatives (Scop et Scic), quelle place peuvent-elles prendre dans l’économie nationale, de votre point de vue ? Créer ou reprendre une activité sous une forme coopérative relève d’un engagement collectif, fondement du modèle coopératif, participe de l’esprit d’entreprendre et ainsi, favorise l’emploi. En 2014, les Scop et Scic réunissaient 51 000 salariés.
Notre stratégie, notamment mise en œuvre avec la convention Agir pour l’emploi signée en 2014 avec la Caisse des Dépôts, vise à investir 120 millions d’euros notamment pour renforcer le soutien aux structures représentatives du mouvement coopératif et ainsi accroître leur capacité d’accompagnement. L’objectif est également d’adapter les outils de financement aux Sociétés coopératives et participatives pour répondre aux exigences des financeurs et des bénéficiaires (garanties, prêts, quasi-fonds propres, fonds propres). La loi de 2014 a permis également de rendre plus dynamique, la reprise d’entreprises en Scop grâce à la mise en œuvre de la Scop d’amorçage. Enfin, la loi promeut le développement de l’entrepreneuriat salarié, donnant là encore à la famille coopérative une place significative aux coopératives d’activités et d’emploi (CAE). Nous ne comptons guère aujourd’hui que quelques 5 000 salariés en CAE, le fait que le statut d’entrepreneur salarié soit désormais reconnu et protégé par le Code du travail doit permettre une évolution significative, encore trop modeste à mon sens.
Quelle politique entendez-vous porter pour les Scop et les Scic ? Quelles actions envisagez-vous pour les développer ? Si la loi met à disposition des acteurs toute une série d’outils, il est important que les acteurs, de leur côté, les mobilisent, se les approprient. Le 5 octobre dernier j’installais le Conseil supérieur de la coopération. Cette instance est véritablement aux mains des acteurs, elle doit leur permettre de partager leurs réflexions, leur engagement. S’agissant du développement de leur modèle, les coopératives peuvent aujourd’hui mettre en place des fonds de mutualisation pour financer la forma-
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« Offrir à l’ESS un environnement favorable à son changement d’échelle » tion, la transition numérique ou tout autre enjeu collectif. Le principe de ce type de fonds a été consacré par la loi et il est indispensable que les membres du Conseil supérieur de la coopération encouragent les coopératives à s’en saisir, voire qu’eux-mêmes soient force de proposition. Parmi les outils dont les entreprises de l’ESS bénéficient pour garantir leur développement, il existe le fond Impact Coopératif, créé par Esfin Gestion avec le soutien de la Banque publique d’investissement, du Crédit Coopératif, et de la CG Scop. Ce fonds vient tout juste d’être mis en place. Il dispose d’une capacité d’intervention de 74 millions d’euros pour encourager le changement d’échelle des entreprises de l’ESS et notamment des coopératives. Par ailleurs, les collectivités locales ont elles aussi un rôle à jouer dans le développement des sociétés commerciales : elles peuvent désormais investir jusqu’à 50 % du capital social des Scic pour nouer des partenariats public-privé sur un modèle coopératif associant aussi les usagers.
Avec l’essor du numérique se développe une économie dite collaborative, mais reposant sur une base lucrative traditionnelle. Comment l’ESS pourrait-elle y jouer un plus grand rôle ? L’ESS a fait la preuve de sa performance, de sa résistance malgré un contexte de crise, elle occupe aujourd’hui une place tout à fait légitime parmi l’ensemble des différents modèles économiques. Elle doit être appréhendée de façon très complémentaire à l’essor de l’économie collaborative, ou même de la silver économie, accompagnant ainsi ces évolutions de société. Ces démarches innovantes pourront notamment compter sur le fonds d’innova-
tion sociale que nous avons mis en place avec les régions et la BPI. Les appels à projets seront bientôt publiés. Enfin, les pôles territoriaux de coopération économique soutiennent et structurent les démarches locales en faveur de ces projets d’innovation sociale, en réunissant des entreprises de l’ESS, des entreprises traditionnelles, des collectivités et notamment des acteurs de l’enseignement ou de la recherche, créant ainsi de véritables dynamiques de territoire.
Plus globalement, comment sensibiliser les jeunes générations à l’entrepreneuriat coopératif ? La sensibilisation des jeunes générations à l’entrepreneuriat coopératif et aux enjeux de l’économie sociale et solidaire fait partie des principales missions confiées par la loi, au Conseil supérieur de l’ESS. Cette instance est chargée de promouvoir l’ESS auprès des jeunes, mais aussi de les aider à entreprendre. C’est la raison pour laquelle j’ai tenu à ce qu’une dizaine de jeunes gens issus des différentes « familles » de l’ESS, intègrent cette instance, s’impliquent et alimentent la réflexion du conseil. A l’occasion des différents déplacements effectués au cours du Mois de l’ESS, je suis allée à la rencontre de lycéens, notamment pour évoquer avec eux tous les potentiels de cette économie. En effet, 600 000 départs à la retraite dans le secteur de l’ESS sont prévus d’ici 2020, il y a donc ici un véritable potentiel de recrutement. Je compte également sur la mobilisation des organisations représentatives de toutes les familles de l’ESS : elles doivent être le relais de la promotion de l’ESS auprès des jeunes.
n Biographie Depuis le 17 juin 2015 secrétaire d’Etat chargée du Commerce, de l’Artisanat, de la Consommation et de l’Économie sociale et solidaire, auprès du ministre de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique De juin 2012 à avril 2014 secrétaire nationale du Parti socialiste en charge des questions de santé Depuis 2007 députée socialiste de la 4e circonscription de la Charente Depuis 2001 présidente du pays d’Entre Touvre et Charente 1995 - 2012 adjointe au maire de Balzac 1989 - 1995 conseillère municipale de Balzac (Charente)
Propos recueillis par Pierre Liret
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Le modèle Scop a démontré sa pertinence dans l’industrie
)Scop en action(
Aerem décolle ! Aerem fête ses 30 ans. La Scop, située à quelques encâblures de Toulouse, est spécialisée dans l’ingénierie mécanique et la réalisation d’équipements industriels clé en main, dans l’aéronautique, l’aérospatiale, les transports ou encore l’industrie pharmaceutique. Alors que le secteur secondaire marque le pas en France, Aerem illustre qu’il est encore possible de développer une PME industrielle. Depuis 30 ans, l’industrie française a perdu 2 millions d’emplois. Entre 2014 et 2015, ce sont encore 9 000 emplois qui ont disparu dans le secteur secondaire. A l’inverse, les Scop de l’industrie, qui représentent 17 % des effectifs en Scop - 14 % en entreprises - continuent à créer de l’emploi et de la valeur ajoutée, et leur chiffre d’affaires a connu une croissance de 18 % en quatre ans.
Usinage de précision Créée en 1985 par 7 salariés d’Alcatel Espace, Aerem adopte le statut Scop dès l’origine, sous l’impulsion de l’un des fondateurs, sensible aux valeurs coopératives. « Il voulait donner une dimension sociale et entrepreneuriale à Aerem… et partager les risques », explique Joël Bry, le PDG actuel. L’entreprise s’oriente vers l’usinage de précision et la réalisation d’équipements sol et vol pour les grosses entreprises aéronautiques, et intègre un bureau d’études en génie mécanique et industriel. « Nous souhaitions développer notre capacité de création de produits clé en main pour nos clients : outillages et bancs d’essais nécessaires pour la fabrication, l’assemblage, le montage, les tests de pièces et sous-ensembles constitutifs d’un avion ou d’un satellite. » Diversification et coopération Dès 2010, la Scop met en place un comité de réflexion stratégique pour identifier ses forces et ses faiblesses. Il révèle une très forte dépendance à Airbus : 65 % de l’activité. A cette époque, le secteur aéronautique est le plus por-
teur à l’échelle régionale et nationale, mais l’absence récente de nouveaux programmes aéronautiques pousse la Scop à se diversifier vers tous les secteurs qui ont besoin de machines et d’outillages spécifiques : filiales d’Airbus, Astrium, Siemens, General Electric, secteur de la défense, etc. Une stratégie payante puisque le chiffre d’affaires de la Scop double en quatre ans. Dans le même temps, l’idée de créer un consortium avec ses deux concurrents principaux, Esteve et Sud Projet, fait son chemin : « Nos clients attendent de leurs fournisseurs qu’ils soient en capacité de proposer de gros volumes pour restreindre les marges. » Nodea Industries, spécialisé dans l’aéronautique et l’espace, voit le jour en 2012, et permet de multiplier par dix l’ordre de grandeur d’achat. Le développement passe aussi par la formation et le recrutement, de manière à augmenter les capacités et les compétences. Un nouveau plan de développement est élaboré en 2015 avec pour perspective de doubler le chiffre d’affaires à l’horizon 2019 et d’embaucher 15 nouveaux collaborateurs « très qualifiés ». L’objectif : renforcer l’intégration de métiers autour de l’usinage. Un déménagement dans le Gers est prévu en 2017 pour accompagner ce développement.
Développer le sociétariat Le plan stratégique de 2010 intégrait le développement du sociétariat. Il y a 10 ans, la Scop ne comptait que 9 associés salariés, ils sont 24 aujourd’hui. « Je suis convaincu du modèle, c’est un atout
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Joël Bry
pour le management, un contre-pouvoir qui permet d’éviter les erreurs. » Le statut Scop permet également d’être plus résilient aux coups durs… et de fait, la concurrence est dans une situation bien moins confortable. « Le sociétariat est fort parce que l’entreprise est forte ; elle crée du résultat », tempère Joël Bry. Mais les salariés sont également engagés car la Scop a fait le choix de leur implication : « Je fonctionne beaucoup en m’appuyant sur le comité de réflexion stratégique, qui englobe tout le monde, du fraiseur à l’ingénieur, et sur des groupes de travail qui proposent des scénarios. Ce mode de fonctionnement est très fédérateur… et m’allège au quotidien. » Donner la parole à l’ensemble des coopérateurs permet de faire remonter les informations du terrain et les attentes des clients. « Il n’y a pas d’incompatibilité entre Scop et industrie, même si le statut peut s’avérer compliqué dans un secteur ou la culture d’entreprise est très hiérarchisée. Dans les têtes, il y a toujours des cols blancs et des cols bleus… », regrette Joël Bry. Le succès d’Aerem démontre pourtant qu’un autre mode de fonctionnement peut être une clé du succès. Hélène Spoladore
Aerem en chiffres 35 salariés dont 28 associés 4,3 millions d’euros de chiffre d’affaires www.aerem.fr
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www.credit-cooperatif.coop
Crédit Coopératif – Société coopérative anonyme de Banque Populaire à capital variable – RCS Nanterre 349 974 931 01213 – APE 6419 Z – N° ORIAS 07 005 463 – 12, boulevard Pesaro – CS 10002 – 92024 Nanterre cedex – Illustration : Artus – L A S UI T E & CO