Participer n°659

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Juin . Juillet . Août 2016 . Numéro 659

)Participer( Magazine des sociétés coopératives et participatives

Accompagnement, échanges, entraide :

)Scop en action(

)Enjeux(

les vertus de l’inter-coopération

Au service de l’emploi : de l’audace, encore de l’audace !

Grande école du numérique : Scop et Scic investissent une « filière d’avenir »

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Sommaire p.4 p.6 p.8 p.11 p.12

Média Scop Vie du réseau Actions Jeunes Communication BTP

)Dossier(

p.14

Accompagnement, échanges, entraide : les vertus de l’inter-coopération

)Ouvertures( p.20 Mon ESS à l’école p.21 Actualités Formation

)International( p.22 Cette start-up coopérative qui intéresse les financiers

)Enjeux Scop( p.24 Au service de l’emploi : de l’audace, encore de l’audace !

)Rencontres( p.26 Denis Muzet : « une entreprise qui donne du sens au travail » p.28 Pratique : PME : une nouvelle aide à l’embauche

)Scop en action( p.30 Grande école du numérique : Scop et Scic investissent une « filière d’avenir » p.33 Parcours p.34 Lectures Participer. Magazine des Sociétés coopératives et participatives 37, rue Jean Leclaire 75017 Paris - tél. : 01 44 85 47 00, fax : 01 44 85 47 10 • www.les-scop.coop Réalisation : Scopedit, 37, rue Jean-Leclaire 75017 Paris. Gérant : Patrick Lenancker. Rédacteur en chef : Pierre Liret. Secrétariat de rédaction : Corinne Lefaucheux, Carine Dieu-Romastin. Conception, réalisation, appui éditorial : Philem Despiney, Scop In Studio 4, Bruno Chambrillon. Impression : Chevillon Imprimeurs. Dépôt légal : 3e trimestre 2016. CPPAP 1115 T 87741 . ISSN 1264-949X. Abonnement : 1 à 3 abonnements souscrits : 26 € par abonnement, à partir de 4 abonnements 22 € par abonnement. Contact abonnement : 03 80 48 95 37

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Un réseau et un Mouvement En cette période de Congrès régionaux, on ne peut que se féliciter de la richesse des rencontres, échanges et débats qui façonnent l’avenir des Scop et des Scic, leurs enjeux de développement et leur impact économique et social pour les territoires. C’est le témoignage par excellence du dynamisme de notre réseau et de l’atout-clé que constitue l’appartenance à un Mouvement. Nos débats se concentrent d’abord sur l’avenir et les pistes de progrès. Mais il faut aussi savoir prendre du recul sur la réalité à un instant T et regarder objectivement tout ce qui marche déjà et explique pourquoi depuis plus de vingt ans, les Scop et les Scic connaissent un développement progressif et ininterrompu. Sur chaque territoire, les Scop et les Scic disposent de représentants élu(e)s qui se rencontrent régulièrement pour échanger sur les moyens d’assurer leur développement coopératif, épaulés par des équipes de permanents qui accompagnent leur développement et facilitent leurs échanges. C’est ce dont témoigne ce nouveau numéro de Participer avec un dossier consacré à illustrer l’atout d’appartenir à un réseau qui brise l’isolement par la mutualisation des informations et des pratiques. Résultat : notre Mouvement réunit dans tous les secteurs d’activités et dans toutes les régions de magnifiques PME qui osent l’emploi, le développement et l’innovation en bravant les difficultés pourtant bel et bien présentes dans le contexte anxiogène qui entoure encore l’économie française. Ce numéro de Participer en témoigne également. Reste que, par-delà le développement économique de nos entreprises, il faut savoir non seulement faire vivre nos valeurs coopératives, mais aussi les requestionner au gré des évolutions de la société. Tel est le message clair auquel nous invitent les conclusions de l’étude sur les Mots du Mouvement conduite par Médiascopie en perspective du Congrès confédéral. Comme le montre cette étude, notre projet coopératif porte des valeurs en phase avec les attentes de la société et la France d’aujourd’hui qui refuse moins la mondialisation que ses excès. A l’heure où internet révolutionne les échanges humains par sa capacité à démocratiser l’accès immédiat à l’information, il nous appartient d’exprimer notre projet coopératif en étant audible de nos concitoyens. Faisons valoir les atouts de notre modèle d’un entrepreneuriat collectif et coopératif en montrant ce que cela change dans la vie au quotidien tant par la qualité de vie au travail que par notre contribution à la dynamique des territoires. Rendez-vous donc à notre Congrès de Strasbourg qui sera une formidable occasion de mettre en avant nos valeurs et nos pratiques coopératives.

Patrick Lenancker Président de la Confédération générale des Scop

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)Vie du réseau(

Congrès de Strasbourg : trois étapes avant l’été !

Cap sur le congrès

n Quatre thèmes pour valoriser votre savoir-faire Le Village coopératif innove avec quatre thèmes pour valoriser les réalisations des coopératives, du Mouvement et de ses partenaires : - Education, formation, emploi - Consommez coopératif - Green & écologie - Communication Contact : service communication de la CG Scop scop2016@scop.coop

Le Village coopératif innove en 2016 pour permettre aux Scop et Scic de valoriser leurs savoir-faire au Congrès de Strasbourg

Trois échéances sont proposées aux Scop et aux Scic avant l’été pour participer au Congrès de Strasbourg des 20 et 21 octobre et faire valoir leur savoir-faire. Premier rendez-vous : apporter sa contribution à la réflexion sur l’avenir du Mouvement. Alors que les Congrès régionaux battent leur plein jusque fin juin, les coopérateurs(trices) peuvent proposer leur contribution aux pistes qui dessineront l’avenir du Mouvement via la plate-forme contributive Succeed together (voir page 18). Une synthèse de ces travaux collectifs sera proposée aux débats de la Direction nationale et de Convention nationale des 7 et 8 juillet prochains, qui réunira à Paris les administrateurs régionaux, ceux des fédérations de métiers ainsi que les structures associées de la CG Scop : outils financiers, Union Sociale... Objectif : aboutir à un projet d’orientations qui sera présenté au Congrès national de Strasbourg.

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Favoriser les rencontres au Village coopératif La seconde échéance concerne le Village coopératif qui permettra aux congressistes à Strasbourg de se rencontrer et d’échanger les uns avec les autres par-delà les débats en plénière et en ateliers. Organisé avec l’Union régionale « hôtesse » de l’événement, le Village coopératif innove à double titre en 2016. Première innovation : la mise en place d’espaces thématiques pour mieux orienter les congressistes et favoriser leurs rencontres sur la base des centres d’intérêt qu’ils partagent. Quatre thèmes sont aujourd’hui proposés aux coopératives : emploi/éducation/formation, « consommez coopératif », green & écologie et communication. L’objectif est de valoriser les savoir-faire du Mouvement,

des coopératives et des partenaires sur ces différents thèmes (voir encadré cidessus). Autre innovation : la création d’un temps dédié le vendredi 21 octobre en matinée pour accueillir les congressistes au Village coopératif, avec de nombreuses animations. Le format de ce temps sera « à la carte », chaque participant construira son propre programme, communiqué en amont du Congrès. Plusieurs îlots du Village permettront aux Scop et Scic exposants de présenter leurs produits, avec dégustation et animations conviviales. Le tout orchestré par le national, mais aussi par les Scop de l’Est, bien déterminées à se faire connaître de leurs invités et à rendre ce Village vivant et propice à l’échange. Maître-mot de ce Congrès : l’inter-coopération ! Enfin, troisième échéance, les préparatifs de votre participation : inscriptions, réservation d’hôtels, visites culturelles et touristiques organisées le samedi qui suit le Congrès… Rendez-vous sur le site dédié pour organiser votre venue !

www.scop2016.coop #scop2016

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Le congrès des Scop et Scic du Grand Est le 30 avril dernier

© photo Vincent Zobler

L’inter-coopération, c’est d’abord la capacité de se rassembler et débattre ensemble du développement coopératif


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)Dossier(

Accompagnement, échanges, entraide :

les vertus de l’inter-coopération

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Présent au plus près des Scop et des Scic en proximité, le réseau des Scop apporte son expertise de l’accompagnement des projets d’entreprises coopératives, mais joue aussi un rôle déterminant d’animation des liens entre coopératives sur les territoires et dans plusieurs métiers.

a maxime est bien connue : si les coopératives sont des entreprises à part entière, elles sont aussi entièrement à part. Chacune doit faire vivre son projet coopératif et collectif, combiner responsabilité et solidarité, faire vivre l’engagement des associés, salariés et non salariés. Mais le besoin de collectif et de solidarité s’exprime aussi par le besoin d’échanger entre coopératives, de s’épauler et de travailler ensemble. L’inter-coopération a pris dans les dernières années une importance grandissante dans un contexte de stagnation économique, de la nécessité d’un interlocuteur unique pour les donneurs d’ordre et de technicité croissante dans les métiers. Cette évolution est patente aussi bien à l’échelon de la CG Scop, que des unions régionales Scop, des fédérations de métiers que des coopératives locales.

Solidarité territoriale L’inter-coopération est depuis quelques années devenue une des missions premières des UR. « Sur la base d’un questionnaire diffusé en juin 2015, nous avons lancé des actions pour améliorer l’intercoopération, précise Sophie Hemardinquer, chargée de l’animation réseau de l’UR Midi-Pyrénées. Dès septembre, nous avons inauguré des rencontres du jeudi, qui prennent la forme de visites de Scop, de mini-formations thématiques ou d’ateliers professionnels. » Tout l’écosystème coopératif (associés, élus, permanents) s’est mis en route pour favoriser les échanges au service du développement coopératif. Une démarche analogue se retrouve en Rhône-Alpes-Auvergne, avec l’instauration de comités territoriaux. « Nous avons voulu booster la mise en réseau sur les territoires, se félicite Cyril Zorman,

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)Dossier(

Accueil des nouvelles coopératives à l’Union régionale de Midi-Pyrénées

gérant de Probesys et élu de l’UR. Il fallait qu’on remette les gens au cœur du système et qu’ils échangent entre eux. Les comités territoriaux rassemblent des Scop dans la proximité, sur la base d’une charte de fonctionnement écrite au sein de l’UR. L’an dernier, 22 réunions de comités territoriaux ont eu lieu. » Des échanges de toute nature peuvent s’y dérouler, sur la base de bassins de vie. Ainsi, quand la propre entreprise de Cyril Zorman a eu besoin d’acquérir de nouveaux locaux, elle s’est entourée des conseils des Scop de son propre environnement géographique. L’inter-coopération est une préoccupation de longue date dans les instances et elle se pratique depuis des années

entre coopératives. La Scop Alma en a adopté presque toutes les modalités. « L’inter-coopération peut prendre plusieurs formes, détaille Sylvain Cathebras, responsable communication. Cela peut être du soutien ponctuel, comme l’hébergement dans nos locaux, de l’assistance technique (et là, on est plus proche du mécénat de compétences), de l’appui financier ou de l’aide stratégique. » Si Alma est d’abord interpellée par des coopératives du secteur des nouvelles technologies (hébergement pour Widip, synergies commerciales avec Probesys, soutien financier d’Artix), la Scop grenobloise n’a pas hésité à sortir de son cœur de métier. « Il y a deux ans, nous

avons été sollicités par une société de restauration et de livraison, le Bon sens des mets, raconte Sylvain Cathebras. Nous les avons accueillis sur nos terrains et nous les avons aidés à se transformer en Scop. On le fait dans une logique de solidarité locale. On sème une graine et on espère que ça débouchera sur un succès économique. » L’inter-coopération territoriale est aussi festive. A Rosporden dans le Finistère, les coopératives locales se sont fortement mobilisées pour créer « Woodscop », le premier Festival combinant débats coopératifs et musique rock tout au long du weekend des 14 et 15 mai. Soutenu par l’UR Scop représentée pendant les deux jours, y compris par son président Serge Boureau, le festival Woodscop a été impulsé par la CAE Chrysalide et bon nombre de ses entrepreneurs-salariés, la brasserie coopérative Tri Martolod, la menuiserie LGF et la Scop de communication Appaloosa. D’autres Scop ont apporté leur aide financière ou technique comme Media Graphic pour l’impression de l’affiche.

Le levier d’inter-coopération Informatique et nouvelles technologies lancent de nouvelles opportunités et de nouveaux défis à l’inter-coopération. S’il existe déjà de nombreuses plateformes liées au mouvement (voir encadré), certaines entreprises coopératives veulent aussi se saisir de ces outils pour relancer les échanges économiques. C’est même le cœur de métier de la Scic France Barter, un réseau d’échanges commerciaux entre entreprises, qui limite les échanges moné-

A Rosporden dans le Finistère, les coopératives locales se sont fortement mobilisées pour créer « Woodscop », le premier festival combinant débats coopératifs et musique rock

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)Dossier(

Groupes métiers L’inter-coopération joue non seulement sur les territoires, mais aussi en premier lieu par filière et par métier. Olivier Diard, délégué général de la Fédération

des Scop du BTP, témoigne des nombreux exemples d’inter-coopération parmi les 600 coopératives adhérentes de la branche BTP. Cela fait déjà notamment une vingtaine d’années que la Fédération des Scop du BTP a instauré des groupes professionnels, qui rassemblent une vingtaine de dirigeants de Scop (ou de managers) métier par métier : électriciens, menuisiers, opérateurs de travaux publics, plombiers, lignards, etc. Ils se réunissent tous les trimestres pour évoquer entre eux des sujets d’actualité ou des objectifs partagés. « Avec ces réunions, évoque Olivier Diard, les dirigeants se connaissent mieux et partagent leurs pratiques, par exemple pour s’approprier le nouveau Code des marchés publics, pour parler RSE ou label qualité (5 Scop ont ainsi participé à une expérience-pilote l’an dernier sur la norme AFAQ 26 000, avant que les premières Scop du BTP ne soient labellisées cette année. » L’inter-coopération passe aussi par la solidarité économique sous forme de réponses communes aux appels d’offre des grandes collectivités locales, participations croisées ou du prêt de main d’œuvre, qui évite la sous-traitance. La mutualisation des outils est aussi le fer de lance d’une autre Fédération, celle des Scop de la communication, qui a fait de l’inter-coopération une stratégie de développement économique et de mise

Plateforme Scic La plateforme collaborative des Scic a été créée en coopération avec Social Planet, une coopérative loi 47 de quatre consultants. « Nous avons rassemblé sur un même site des

fonctionnalités éparpillées sur le web : blog, agenda, forum, wiki, visio-conférence, etc., précise Nathalie Parent, co-fondatrice de Social Planet. Grâce à une cartographie, les Scic peuvent s’identifier sur un territoire et créer des relations de travail. Une fois qu’on a fait cette mise à disposition d’outils, nous laissons les groupes s’organiser entre eux en toute confidentialité. » La plateforme des Scic est ainsi une déclinaison de la plateforme Social Planet, dédiée aux innovations sociales. « Une fois que ces échanges ont démarré dans des intranets, notre rôle d’animateur de

La Scop Alma pratique l’inter-coopération de longue date. Elle a notamment aidé la société de restauration et de livraison, le Bon Sens des mets, à devenir une Scop dans une logique de solidarité locale

taires au profit d’échanges de services et de produits. « L’adoption du statut coopératif nous a permis d’impliquer les entreprises adhérentes, qui doivent devenir sociétaires, explique Samuel Cohen, le co-fondateur. Nous avons l’ambition de favoriser l’intercoopération par les outils digitaux. Il n’y a pas encore beaucoup de coopératives parmi nos 460 membres, comme Tri Rhône-Alpes, Alternatives Économiques ou Innovascop, mais nous y travaillons ! » Par exemple, Tri

Rhône-Alpes a proposé du matériel informatique qu’elle reconditionne en échange de conseil juridique auprès d’autres membres. Cela crée des ressources complémentaires pour les entreprises.

Le numérique au service de l’inter-coopération Très tôt, le réseau des Scop a cherché à renforcer sa capacité d’animation des échanges entre les Sociétés coopératives et participatives avec les nouvelles technologies. État des lieux de l’action engagée via la naissance de plusieurs plateformes et la veille sur les réseaux sociaux.

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© photo Vincent Zobler

)Dossier(

Ces ateliers du récent Congrès régional en Rhône-Alpes/ Auvergne illustrent la capacité du réseau à encourager les rencontres et les débats entre coopératives

en visibilité. Après une première version, la plateforme collaborative Made in Scop a pris une nouvelle dimension cette année, pour aller de manière plus offensive à la conquête de nouveaux marchés. « Les gros clients veulent avoir désormais affaire à un seul interlocuteur, souligne

Nathalie Jammes, déléguée générale de la Fédé de la com. Une agence de communication coopérative peut bien sûr jouer ce rôle, pour intégrer plusieurs métiers. Il s’agit d’une démarche de co-traitance, dans laquelle la Fédé joue un rôle d’animatrice en cas de besoin ; mais les clients

réseau est d’inciter à de vraies rencontres et à d’autres façons de travailler ensemble », insiste Nathalie Parent. Plateforme CAE La plateforme collaborative des CAE est une réplique de celle des Scic ; elle est née en avril dernier. « Elle est ouverte aux CAE et aux délégués des UR, explique Nicolas Scalbert, en charge des CAE à la CG Scop. Dès son ouverture, elle comptait déjà plus d’une centaine d’inscrits. Sa mission première est d’outiller les coopératives sur les dispositifs légaux, qui n’ont pas

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peuvent aussi s’adresser directement à une Scop, dans l’animation, l’imprimerie ou les outils digitaux. » Il faut dire que les 235 coopératives du secteur ont, elles aussi, l’habitude de travailler ensemble depuis des années. Il n’est pas rare par exemple que, lorsqu’une imprimerie soit

elles-mêmes : distribution des résultats, information des salariés, etc. « Ces échanges créent un sentiment d’appartenance au mouvement coopératif et aux réseaux des CAE », se réjouit Nicolas Scalbert.

encore une jurisprudence très stable. » Le premier groupe de travail créé est donc celui sur les règlementations, avec des fiches sur les statuts-types, les contrats-types et avec aussi des interrogations qui arrivent des CAE

Plateforme Succeed Together Les plateformes sont aussi un levier d’échanges et de partage pour des événements ponctuels, ainsi que l’illustre la plateforme lancée en perspective du prochain Congrès de Strasbourg des 20 et 21 octobre. Outre une bibliothèque de

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)Dossier( en surcharge de travail, elle appelle un collègue pour prendre le relais, grâce à la bonne connaissance qu’ont les uns et les autres du parc de machines. « Grâce à cette solidarité transversale, les clients des Scop savent que leur commande ira jusqu’au bout, poursuit Nathalie Jammes. C’est un défi que nous réaffirmons avec la nouvelle plateforme Made in Scop. »

Entraide mutuelle Elles ont beau être plus jeunes que les Scop du BTP ou de la com, les Scic sont aussi tombées rapidement dans le bain de l’inter-coopération. D’abord, parce que deux confédérations, la CG Scop et la FN Cuma, ont mis leurs moyens en commun pour consolider le développement des Sociétés coopératives d’intérêt collectif. Mais aussi parce que l’entraide mutuelle s’est retrouvée dès les premières expériences de Scic, un statut initialement difficile à apprivoiser. « La première ressource pour les Scic, ce sont les Scic elles-mêmes, confirme Jean Huet, animateur de l’inter-réseaux Scic. Pour aller plus loin, une plateforme collaborative a été créée en octobre 2014. L’inter-réseaux propose plusieurs thématiques (comment animer le multi-sociétariat, à quels outils financiers peut-on accéder), avec des outils à la disposition des 270 membres inscrits (fiches, wiki, forum), sachant que les Scic peuvent proposer leurs propres groupes de travail. » Cer-

documents sur les chantiers en cours, les Scop et Scic peuvent y donner leur avis sur les grandes orientations dans le cadre des Congrès régionaux.

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taines avaient d’ailleurs préalablement créé leur propre réseau de confiance, dans lequel les pionnières aidaient techniquement les nouvelles entrantes, comme dans les réseaux Citiz, Enercoop ou du bois énergie. Dans ces nouvelles installations, les UR ont joué un rôle non négligeable. Mieux travailler ensemble, c’est aussi faire des affaires ensemble. Pour dynamiser les résultats de ses entrepreneurs salariés, la CAE Mine de talents, à Alès, a créé des filières par métiers en son sein, Talents d’habitats, Talents Informatique ou Talents communication. « Cela renforce les compétences des uns et des autres ; on les fait travailler ensemble plutôt qu’en concurrence, indique Sylvie Catenant, co-gérante de Mine de talents. Chaque filière a son propre catalogue pour se présenter. En deux ans, la filière Formation a vu son chiffre d’affaires global passer de 50 000 à 250 000 euros ! » A l’échelon régional, les CAE viennent aussi de prendre la décision de constituer des regroupements. L’association des CAE Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon va rassembler 15 CAE pour être plus fortes ensemble et répondre à des appels à projets communs. Le mot de la fin revient à Jean-Marie Kerherno, ancien PDG de STPEE, Scop de travaux publics d’électricité en Îlede-France et qui a une longue expé-

Réseaux sociaux Les Scop sont désormais largement présentes sur les réseaux sociaux, indispensables pour se faire connaître et nouer des liens. Via Facebook (près de 5 000 abonnés), le Mouvement Scop touche principalement les jeunes : 60 % sont dans la tranche d’âge 25/34 ans, mais aussi une majorité de femmes : plus de 55 % des abonnés. Via Twitter, la CG Scop relaie une actualité plus juridique et professionnelle ; le compte compte plus

« Si quelque chose fonctionne dans une Scop, il faut en faire profiter les autres. » Jean-Marie Kerherno, ancien PDG de STPEE

rience d’inter-coopération dont il vante les mérites : « on s’enrichit dans l’intercoopération. Ca grandit l’aventure coopérative. Si quelque chose fonctionne dans une Scop, il faut en faire profiter les autres. ça aura des retombées positives pour nous ou pour l’environnement économique. Autre atout : cela oblige les gérants à être observés par des yeux extérieurs et à recevoir du soutien de ses pairs quand on a des moments de découragement. Pendant 20 ans, j’ai vécu ces temps d’échanges avec d’autres Scop comme une respiration pour prendre du recul. » Avant même d’être constituée d’échanges techniques ou financiers, l’inter-coopération est un état d’esprit. Eric Larpin

de 7 800 abonnés. Le Mouvement est aussi présent sur Linkedin et sur la chaîne Youtube Les Scop. EL

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)Enjeux Scop(

Au service de l’emploi : de l’audace,

La Scop VTD investit toujours et encore dans cette conjoncture atone et va créer 25 nouveaux emplois en 2016 !

Dans une conjoncture difficile qui rend les entreprises moroses et frileuses sur leurs investissements, les Sociétés coopératives et participatives montrent qu’il est possible de se développer et de créer des emplois, y compris dans des secteurs traditionnels. En langage d’économiste, on appellerait cela une relance contra-cyclique. En langage courant, on peut appeler cela plus simplement de l’audace ! Il en faut sûrement aux nombreuses coopératives, qui, depuis plusieurs mois, prennent la décision partagée de lancer des investissements et de créer de l’emploi, dans un contexte toujours atone. Qui pour des objectifs de maintien de l’activité, qui pour la conquête de nouveaux clients, qui pour anticiper des marchés, les Scop ne cessent pas d’investir en ce premier semestre.

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Pour certains, l’investissement est consubstantiel de la stratégie, qui leur a permis, via les atouts coopératifs, de se consolider, croître et créer des emplois. « Nous investissons tous les ans l’équivalent de 5 % de notre chiffre d’affaires, détaille Joseph Magalhaes, PDG de Veyret Techniques Découpe (VTD), à Romanssur-Isère (Drôme), et cela à la fois pour de la croissance externe (rachats de sociétés) et pour des achats de nouvelles machines. Peu importe la conjoncture économique, avec une visibilité d’une dizaine de jours seulement, nous devons continuer à avan-

cer. Par exemple, en 2014, nous avons consacré le CICE au rachat d’une société de mécanique. »

Investir, une seconde nature VTD est née en 1993, d’une reprise d’entreprise en difficulté du secteur de la chaussure par une partie des salariés. Dès l’origine, le dirigeant Joseph Magalhaes souhaite diversifier ses activités, avec un portefeuille de clients assez large, de la fabrication d’outils de découpe pour le cuir ou le carton à la découpe elle-même livrée pour des indus-

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encore de l’audace ! triels du luxe. « Comme nous travaillons en urgence, sur des commandes très précises, poursuit le PDG, nous sommes habitués à réagir vite pour les investissements et les embauches. » De 35 salariés initialement, la Scop compte désormais 120 personnes, avec la création prévue de 25 nouveaux postes à compter de 2016. Bon an mal an, la coopérative a connu une croissance régulière de 5 à 7 % par année, avec dès 1997 le rachat d’une société de composants d’outillage à Ecquevilly en région parisienne, puis deux autres rachats en 2014 et l’inauguration d’un deuxième bâtiment en 2009. « Les rachats sont des accélérateurs de croissance, analyse José Magalhaes. Il est certain qu’au moment d’investir, nos fonds propres (1 million d’euros) et nos réserves (1 million également) rassurent les banquiers. De notre capacité d’investissement dépend notre croissance. Demain, nous allons investir dans les nouvelles technologies et notamment l’impression 3D. » Le numérique, porteur d’avenir Pour beaucoup d’entreprises, le numérique est le bon levier de croissance. Spécialisée dans l’hébergement informatique, principalement pour le secteur médico-social, Widip fait partie de ces « start-up » ancrées dans ce secteur d’avenir. Née en 2005, l’entreprise située à Vaulx-en-Velin (Rhône) se transforme en Scop en 2012 dans le cadre d’une transmission d’entreprise de son fondateur à ses salariés. La coopérative investit et crée des nouveaux emplois au fur et à mesure qu’elle conquiert de nouveaux marchés. « Nous sommes aujourd’hui une douzaine de salariés contre 5 en 2012, explique Didier Corcelette, directeur associé. Comme nous n’embauchons qu’en CDI, nous restons prudents dans l’attente de la pérennisation des marchés. » Widip a pu se lancer grâce à l’appui de la Scop grenobloise Alma qui l’a hébergé dans ses locaux à son démarrage et a facilité la constitution d’une première

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clientèle. « La société avait une certaine valeur quand nous avons démarré en Scop, précise Didier Corcelette. Nous avons travaillé avec l’UR Scop Rhône-Alpes pour trouver la bonne solution de valorisation. Ces fonds propres solides nous ont permis de faire des investissements pour notre première plateforme à Grenoble et pour aménager notre deuxième antenne à Lyon, avant d’envisager l’ouverture d’un nouveau site en Île-de-France. » Une croissance qui profite à l’emploi, avec deux nouveaux salariés qui devraient rejoindre l’équipe cette année.

Créer la confiance des partenaires financiers Créer de l’emploi et grandir, c’est aussi possible dans des métiers beaucoup plus traditionnels. Située à Carhaix (Finistère), la scierie Aprobois engage cette année un très gros investissement. « On ne reste jamais longtemps sans investir, assure Karine Mahé, directrice générale. Mais cette fois-ci l’investissement est de taille, puisqu’il s’agit d’un projet de 7 millions d’euros, quand le chiffre d’affaires de notre entreprise adaptée était de 6,8 millions d’euros l’an dernier ! » À partir de son métier de base (scierie et transformation du bois), l’entreprise va construire dès juin prochain vingt kilomètres plus loin un second site à Rostrenen pour utiliser les résidus du bois, sous forme de pellets, des granulés de bois pour le chauffage. Grâce à la matière première produite à Carhaix, Aprobois bénéficie d’un avantage sur ses concurrents, obligés d’importer des produits connexes. D’ici 2020, c’est un marché qui devrait doubler, les particuliers ayant désormais tendance à remplacer leur chaudière au fuel par des chaudières à pellets. A la clé, il y a aura à Rostrenen une quinzaine d’emplois nouveaux, majoritairement pour des personnes en situation de handicap. « Nous n’aurons pas de problème de recrutement, confirme Karine Mahé, car plusieurs entreprises du territoire ont fermé récemment.

Karine Mahé, PDG d’Aprobois va créer un second site d’exploitation

Pour ce second site, nous avons reçu des subventions de l’État et du Conseil régional. Mais la majeure partie du financement vient de nos partenaires bancaires, qui nous font confiance depuis longtemps. Nous mettons régulièrement en réserve la moitié de nos résultats. » Dans un secteur de la scierie, qui est très capitalistique, la stratégie d’investissement d’Aprobois est continue, mais la création d’une nouvelle unité de production lui fait passer un cap. Tournées vers l’investissement, les Scop et Scic illustrent les tendances constatées dans la 62e enquête de conjoncture des PME de Bpifrance, parue en début d’année, qui indique que « l’investissement est stabilisé en 2015 pour la première fois depuis 2011 et que les anticipations pour 2016 sont plutôt positives », notamment pour les PME innovantes ou exportatrices, en particulier dans les services aux entreprises, l’industrie et le commerce. En matière d’investissements et de création d’emplois, les coopératives donnent l’exemple ! Eric Larpin

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