Janvier . Février . Mars 2014 . Numéro 650
)Participer( Magazine des sociétés coopératives et participatives
)Ouvertures(
)Enjeux(
Scop et Scic, une piste d’avenir pour l’entrepreneuriat Les Scop relèvent le défi de la RSE
La coopération agricole : Communiquer par la preuve
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Crédit Coopératif – Société coopérative anonyme de Banque Populaire à capital variable – RCS Nanterre 349 974 931 – APE 6419 Z – N° ORIAS 07 005 463 – 12, boulevard Pésaro – CS 10002 – 92024 Nanterre cedex – BythewayCreacom
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© Jean-Robert Dantou
Sommaire p.4 p.6 p.10 p.11
2014, année de mise en œuvre
Média Scop Vie du réseau Zoom : Les Scic, un bilan positif Actualités
© Universal Pictures and Illumination Entertainment
)Dossier(
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Scop et Scic, une piste d’avenir pour l’entrepreneuriat
)Rencontres( p.18 David Hiez « Changer le regard sur les coopératives »
)Enjeux Scop( p.20 Les Scop relèvent le défi de la RSE p.22 L’Apec, des conseils RH pour les PME/ TPE
)Ouvertures( p.24 La coopération agricole : Communiquer par la preuve p.26 Parcours
)Scop en action( p.28 Techniques topo
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rois temps forts auront marqué cette année 2013. Le premier est la préparation du projet de loi sur l’économie sociale et solidaire et la contribution significative de la CG Scop pour y porter la voix des Scop et des Scic. Une première étape a été franchie avec le vote de la loi au Sénat en novembre. La vigilance s’impose néanmoins pour 2014 jusqu’au vote de l’Assemblée nationale prévu pour avril. 2013 aura aussi été l’année de la mobilisation du réseau pour définir un plan de développement de l’ensemble du Mouvement, tant sur l’accompagnement des coopératives existantes que sur la transmission d’entreprises saines aux salariés. Enfin et pour s’inscrire dans ce dernier axe, le Mouvement a réalisé sa première campagne de communication télévisée. Nous pouvons être fiers du travail accompli en 2013 qui pose des bases solides pour amorcer en 2014 la phase de mise en œuvre effective de notre plan de développement et, nous l’espérons également, de récolte des premiers fruits du travail accompli, ainsi qu’en témoigne déjà l’accroissement des sollicitations et des projets de nouvelles coopératives, notamment sur l’axe prioritaire que nous avons défini en matière de reprise et transmission d’entreprises. Au-delà de ces nouveaux projets, je forme le vœu que toutes les coopératives existantes, par-delà les réalités de marché contrastées et un contexte économique encore bien morne, parviennent à se pérenniser et se donner des ambitions pour innover et se développer. Je vous invite en toutes circonstances et pas seulement en cas de difficultés, à solliciter votre union régionale qui est à vos côtés pour vous conseiller et accompagner votre projet coopératif, lequel inclut en tout premier lieu la bonne santé économique de l’entreprise. Il est important de souligner enfin que cela fait plus de quinze ans maintenant qu’année après année, on observe une hausse encore modeste mais bien réelle du nombre de Scop et Scic et de leurs emplois. Je tiens à remercier de leur implication et leur engagement toutes les coopératrices et tous les coopérateurs, les élus et les permanents, qui ont apporté leur contribution à cette dynamique. Là est la meilleure preuve de la force du collectif.
p.33 Lectures Participer. Magazine des Sociétés coopératives et participatives 37, rue Jean Leclaire 75017 Paris - tél. : 01 44 85 47 00, fax : 01 44 85 47 10 • www.les-scop.coop Réalisation : Scopedit, 37, rue Jean-Leclaire 75017 Paris. Gérant : Patrick Lenancker. Rédacteur en chef : Pierre Liret. Secrétariat de rédaction : Corinne Lefaucheux, Carine Dieu-Romastin. Conception, réalisation, appui éditorial : Philem Despiney, Scop In Studio 4, Bruno Chambrillon. Illustration de couverture : Patrick Lestienne. Impression : Chevillon Imprimeurs. Dépôt légal : 1er trimestre 2014. CPPAP 1115 T 87741 . ISSN 1264-949X. Abonnement : 1 à 3 abonnements souscrits : 26 € par abonnement, à partir de 4 abonnements 22 € par abonnement. Contact abonnement : 03 80 48 95 37
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Bonne année à vous tous et à ceux qui vous sont chers,
Patrick Lenancker Président de la Confédération générale des Scop
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)Zoom(
Les Scic, un bilan positif Innovation coopérative du début des années 2000, les Sociétés coopératives d’intérêt collectif sont aujourd’hui plus de 300 entreprises. À fin 2012, il en existait 266 précisément, soit 40 % de plus que fin 2010.
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our savoir dans quel domaine les Scic se sont développées depuis la création du statut et au cours des trois dernières années, il convient de « requalifier » leur domaine d’activité, car les nomenclatures statistiques traditionnelles (Naf, Nace) sont, pour l’essentiel, inadaptées pour traduire l’ensemble de leurs productions et services. En effet, le projet collectif des Scic, qui découle des interactions, de l’engagement et des décisions prises au sein d’un sociétariat varié, sort souvent des cadres sectoriels et de filières traditionnels. En moyenne, le nombre d’associés d’une Scic s’élève à 93 personnes physiques ou morales en 2012, 56 % des Scic ayant entre 10 et 49 associés. Cette gouvernance largement partagée entre des acteurs d’horizons différents est propice à des projets à « finalité citoyenne » et souvent innovants. Concrètement à fin décembre 2012, 63 Scic orientent leurs activités vers l’environnement, sa préservation, mais aussi la gestion des déchets et l’auto partage, ainsi que les énergies renouvelables (28 Scic), dont la part relative s’accroît au cours des dernières années. 58 Scic sont actives dans les services auprès des acteurs de territoire, qu’il s’agisse d’entreprises (informatique, finance, RSE…), de collectivités publiques (conseil en développement économique…) ou de personnes physiques (formation, accompagnement au retour à l’emploi…). C’est également dans ce domaine que se sont créées le plus grand nombre de Scic encore actives à ce jour dans la période 20102012. Les activités liées à l’agriculture et l’alimentation, fréquemment organisées
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Origines de création
2% 9% 29 %
Création ex nihilo
60 %
Transformation d’une association Transformation d’une coopérative Transformation d’une société non coopérative
en circuits courts, concernent 55 Scic fin 2012. 17 projets sont développés dans la distribution alimentaire, 14 Scic produisent ou transforment des produits agricoles et 13 Scic sont dans la restauration. La culture et les loisirs constituent un autre domaine d’activité important, avec 40 Scic actives fin 2012 dont 23 créations de 2010 à 2012. Dans ce secteur, les projets sont très variés : arts et spectacle vivant, production culturelle pour les plus nombreuses, mais aussi activités sportives, valorisation du patrimoine, formation culturelle, tourisme social… Quant aux activités sociales et médico-sociales, elles concernent 24 Scic dont une dizaine dans les services de proximité aux personnes et 6 dans le domaine de la petite enfance. Ce modèle coopératif multi-sociétaire se développe au travers de créations ex-nihilo dans 60 % des cas, à savoir le regroupement d’acteurs différents qui s’engagent à participer, à leur façon, à la création et à la gestion de l’entre-
prise coopérative. Dans 40 % des cas, un collectif est déjà formé dans une association ou une autre entreprise, et la Scic apparaît comme un mode pertinent de poursuivre l’activité grâce à la nouvelle dynamique impulsée par le multi-sociétariat. L’état des lieux au 31 décembre 2012 révèle également que la grande majorité des associés des Scic sont des bénéficiaires, lesquels peuvent être des clients, des usagers voire des fournisseurs qui s’engagent dans la gestion de l’entreprise. Quoi de plus naturel que de nombreuses Scic soient aujourd’hui au plus proche des attentes et besoins des citoyens. Pour leur développement, le champ des possibles est vaste. Catherine Friedrich
Bilan complet à télécharger sur www.les-scic.coop
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)Actualités(
éducation & formation
Réunions d’information pour les candidatures à Paris Dauphine
En perspective de la prochaine promotion qui s’ouvrira en octobre 2014, l’Université Paris Dauphine propose aux candidat(es) deux réunions de présentation du diplôme universitaire Business Management Scop les 4 avril
et 16 mai 2014. Les deux réunions auront lieu dans les locaux de l’Université à Paris de 12 heures à 14 heures, avec un temps pour échanger et répondre aux questions de chacun sur la formation. Les candidats pourront passer le même jour leur entretien individuel de candidature à partir de 14 heures. Les candidats de province confrontés à des contraintes horaires de déplacements pourront être reçus le matin, avant la réunion, à partir de 10 heures. www.business-management.dauphine.fr
Large succès pour le 1er film d’animation des Scop Avec plus de 12 000 vues sur la chaîne Youtube des Scop, le film d’animation « Une Scop, c’est quoi ? » remporte un franc succès auprès des internautes ! Posté en avant-première sur la page Facebook des Scop, le film d’animation a fait l’objet de 151 partages et 131 « j’aime », enregistrant dès le week-end de sa sortie plus de 1 000 vues. Les Scop elles-mêmes et organismes coopératifs ont largement participé à la promotion du film en le publiant sur leur page Facebook ou compte Twitter, comme Enercoop, Ethiquable, Cecop-Cicopa ou en l’intégrant sur leur site internet, comme Lecresna en Auvergne ou bien Netilys à Paris, et en l’utilisant dans leurs formations. Vu à 92 % en France, il a aussi été
visionné en Belgique, Grèce, Italie, Maroc, Espagne… A la demande de plusieurs organismes coopératifs internationaux, le film a été sous-titré en grec, italien et espagnol (version anglaise prochainement disponible). La CG Scop a également conçu une interface pédagogique, à destination des enseignants et étudiants, pour leur donner toutes les clés de la coopération : repères historiques, chiffres clés, quizz interactif, tout y est ! Des
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Campus coopératives : lancement des candidatures
Les candidatures sont ouvertes pour la 2e édition de Campus coopératives, l’école internationale d’été des jeunes coopérateurs qui rouvrira ses portes à Poitiers du 29 juin au 12 juillet. Peuvent s’inscrire les jeunes de de 18 à 35 ans, animés par l’envie d’entreprendre autrement et attirés par l’esprit coopératif, quel que soit leur statut, salarié, étudiant ou demandeur d’emploi. Les dossiers de candidatures sont à envoyer avant le 15 mai et seront soumis à un comité de sélection composé de professionnels du mouvement coopératif. Les candidats sont avertis par courriel de la décision du comité sur leur candidature. Le coût de la formation s’élève à 2 500 euros, comprenant la formation, les supports pédagogiques, l’hébergement, la restauration, l’accès aux installations sportives, les sorties culturelles et festives et le certificat de participation. Grâce aux partenaires, parmi lesquels l’Université de Poitiers, la région Poitou-Charentes, la Caisse des Dépôts, l’Office franco-québécois pour la Jeunesse, la participation financière des candidats se résume aux frais d’inscription de 150 euros. www.campuscooperatives.coop contact@campuscooperatives.coop
Pierre Liret
outils pédagogiques modernes dont les échos plus que positifs incitent le Mouvement des Scop à poursuivre dans cette voie... www.youtube.com/user/lesscops www.les-scop.coop/interface-pedagogique Fanny Dive
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Imaginer l’entreprise de demain : les Scop et Scic sont de plus en plus une piste d’avenir pour créer une entreprise
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)Dossier(
Scop et Scic,
une piste d’avenir pour l’entrepreneuriat
L La création d’entreprise ex-nihilo est le principal levier de développement de l’entrepreneuriat coopératif
À l’heure où le gouvernement fait de la création d’entreprise une piste sérieuse pour la reprise économique et la baisse du chômage, l’entrepreneuriat coopératif a des cartes à jouer. D’abord parce qu’il nécessite au moins deux personnes pour démarrer l’activité, ce qui évite la solitude de la création et crée plus d’emplois. Il favorise également l’immersion du porteur de projet dans un collectif. L’entrepreneuriat coopératif est aussi plus pérenne que la moyenne des entreprises créées, notamment dans un secteur stratégique comme l’industrie. Enfin, il apporte une bonne réponse aux entrepreneurs de filières tournées vers l’innovation et favorisant l’ancrage local des emplois : économie de proximité, bio et environnement, information et communication, activités scientifiques et techniques, culture, insertion et autonomie économique… Une piste d’avenir que le Mouvement des Scop entend accompagner et promouvoir.
a création d’entreprise est une priorité pour le gouvernement en ce qu’elle permet de générer des emplois, de favoriser les innovations, les activités à forte valeur ajoutée, de participer en outre au rayonnement de la France à l’international. Or la création d’entreprise ex-nihilo est l’un des quatre volets d’intervention du réseau des Sociétés coopératives et participatives (avec la transmission d’entreprises en bonne santé, la reprise d’entreprises en difficultés et la transformation d’associations) et un axe important pour leur développement. Certes aujourd’hui, les créations exnihilo sous statut Scop ou Scic (168 en 2012) ne représentent que 0,03 % de la création d’entreprises. Ce qui laisse une large marge
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de progression ! Le ministre en charge de l’ESS, Benoît Hamon, ne s’y est pas trompé, qui, lors du Congrès de décembre 2012 à Marseille, appelait de ses vœux le doublement en cinq ans du nombre de Sociétés coopératives et participatives, reconnaissant le fort potentiel de croissance de l’entrepreneuriat coopératif. L’étude « Entrepreneuriat et Mouvement Scop – État des lieux et prospectives », conduite en octobre 2013 par le service des études de la CG Scop, reconnaît ainsi : « La plus grande pérennité des créations en Scop et Scic, un nombre d’emplois à la création près de deux fois supérieurs (3,3 emplois par création) et une croissance plus importante des nouvelles entreprises renforcent la position des modèles coopératifs au sein de l’entrepreneuriat. »
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)Dossier( Si le nombre de créations sous statut coopératif peut sembler anecdotique, il l’est moins dès lors que l’on s’intéresse au nombre d’emplois créés ou à la pérennité des structures. Sur les 550 000 entreprises nées en 2012, 70 % étaient individuelles, alors que les Scop ou Scic nouvelles employaient, dès leur création, entre 3 et 9 salariés en moyenne... En 5 ans, plus de 700 Scop ou Scic ont ainsi vu le jour, représentant quelque 2 400 emplois. Sur la plus grande pérennité des Scop, Frédéric Bérier, gérant d’Evosens, un bureau d’études en ingénierie optique, apporte une explication : « Nous sommes tous intéressés à ce que l’entreprise dure. Nous ne sommes pas dans la position d’un porteur de projet qui revend son entreprise une fois développée, sans se soucier de ce qu’elle deviendra. » Beaucoup soulignent que le statut coopératif inscrit l’entreprise
La R&D (Recherche & développement) représente 20 à 30 % de l’activité d’Evosens, créée en 2009
dans la durée, du fait de la constitution des réserves impartageables qui appartiennent bien à la Scop, pas à des individus : les salariés changent, mais la structure reste.
Dans tous les secteurs ... ou presque Si le statut coopératif existe dans tous les secteurs d’activités, force est de
constater qu’il s’adapte mieux à certains d’entre eux, particulièrement innovants au regard des besoins de l’économie de demain : 27 % des créations de nouvelles coopératives l’ont été dans des activités scientifiques et techniques, 16 % dans la construction (et notamment dans l’éco-construction), 12 % dans la communication et l’informatique (deux secteurs qui ne cessent de se dévelop-
Caleido Scop : vivre de l’innovation... et de son métier Après avoir quitté une entreprise en difficulté dont ils n’appréciaient pas la reconversion professionnelle, trois ingénieurs en R&D se tournent vers l’UR Scop Paca pour créer leur coopérative sur une niche : le développement de logiciels pour les sociétés de suivi de post-production. Caleido Scop a été reconnue jeune entreprise innovante et est accréditée au crédit impôt recherche. Elle a embauché une nouvelle personne chaque année depuis sa création. Thierry Lauthelier, gérant de Caleido Scop, explique le pourquoi du statut Scop.
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Pourquoi avoir créé votre société sous statut Scop ? Nous étions attirés par le côté démocratique. Nous étions tous ingénieurs, pas des créateurs d’entreprise, nous n’avions aucune vocation à l’être. Le rôle de l’UR Scop a été ici déterminant : nous y avons tout de suite vu un vrai réseau avec de solides compétences et des gens à l’écoute. Nous n’avions pas envie que l’un de nous ait un statut différent des autres, nous voulions être sur un pied d’égalité, ce qui est dans la nature des Scop. Je suis aujourd’hui gérant, mais je passerais volontiers la main. Un autre aspect me semble important : quand on crée une Scop, on crée son outil de travail, pas une entreprise avec une valeur marchande.
La Scop nous survivra, elle est pensée pour les générations futures, on est sa propriété. Le statut Scop est-il un frein au développement ? Théoriquement non, mais pratiquement oui du fait de la méconnaissance du statut par les diverses administrations, les experts-comptables, les avocats, le greffe, etc. Nous avons eu trois Kbis différents, dont l’un au titre de coopérative agricole ! Heureusement que l’UR Scop est intervenue pour leur apprendre la particularité de ce statut. Le statut peut également poser problème au moment du recrutement : nous nous réjouissons du reversement de la participation aux salariés, c’est bien notre
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trouvent un terreau particulièrement favorable dans l’éco-construction. Dans le Pas-de-Calais, les Écoconstructeurs, proposent ainsi depuis cinq ans des maisons à ossature bois, le recours à des isolants écologiques, etc. En Aquitaine, Nature Bois a également fait le choix du tout écologique et d’un approvisionnement de proximité. Et nombreuses sont les entreprises d’éco-construction qui optent pour un statut coopératif.
Commerce et services citoyens Dans le commerce alimentaire, les Scop et Scic sont peu présentes, mais certaines sont aujourd’hui synonymes de success story sans pour autant avoir perdu leurs valeurs ; la plus connue est Ethiquable, spécialisée dans le commerce équitable. Le statut Scop étant par essence centré sur l’humain, il s’accorde par nature bien aux projets qui visent le bien-être ou la préservation de l’environnement. Beaucoup de magasins bio, qui connaissent une croissance exponentielle, ont opté pour le modèle coopératif. Il est également adapté aux projets militants, ceux qui réinterrogent l’économie marchande, remettent en cause le rôle et la rémunération des intermédiaires ou encore la grande distribution. La Plantulà, magasin
vision politique, mais cette rémunération de la part travail est à expliquer lors du recrutement car elle modifie notre politique salariale. Dans le secteur commercial, nos salariés seraient mieux payés chaque mois ; ici, le salaire est différé dans le temps, d’autant que nous avons également conclu un accord d’intéressement. Et du point de vue financier ? Nous n’avons pas eu à lever de capitaux, notre activité ne demandant pas d’investissements lourds ; nous avons bénéficié d’une aide de l’antenne locale d’Initiative France et du conseil général des Bouchesdu-Rhône. Mais aujourd’hui, nos réserves suffisent à couvrir nos besoins d’investissement. Nous apprécions d’ailleurs
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particulièrement les réserves statutaires ; ça fait de notre société une structure saine, c’est de l’argent qu’on ne dilapide pas auprès des actionnaires. Nos clients sont également rassurés par le fait que notre entreprise ait pour finalité son projet et non la valorisation du capital de ses actionnaires. Le statut Scop éveille la curiosité, les encouragements. Il montre bien notre motivation : vivre bien de nos métiers.
du réseau Biocoop installé dans les Pyrénées depuis quelques années, souhaitait « faire avancer les idées d’une consommation mature qui favorise la responsabilité de tous les acteurs : producteurs, consommateurs, salariés, et encourage les circuits courts de distribution. Les salariés de La Plantulà mettent chaque jour leurs convictions en pratique et ont adopté le statut de Scop qu’ils jugent le mieux adapté à leur entreprise humaine et leur fonctionnement collectif. » Si, comme la Plantulà, beaucoup de projets de circuits courts alimentaires possèdent une origine associative, de plus en plus, le choix de la Scop et plus encore de la Scic est privilégié ; ces statuts jouent la carte de l’ancrage territorial et de la proximité, tout en permettant le développement économique. Autre initiative citoyenne dont la traduction économique s’incarne bien en coopérative : l’autopartage. Un collectif, soucieux de trouver une alternative à l’automobile individuelle en repensant la mobilité, monte une association. « Mais à partir du moment où il faut acheter des véhicules, que les contraintes économiques se font plus lourdes, qu’il faut négocier et gérer des emplacements de parking avec la collectivité locale ou prendre un salarié, la transformation en Scic s’impose », constate
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per), 11 % dans le commerce avec cette particularité que les Scop et Scic créées dans ce secteur visent la proximité, le maintien d’une activité « présentielle » sur un territoire donné ou la solidarité (le commerce équitable par exemple). Dans l’industrie, les nouvelles Scop et Scic se développent surtout sur des activités à faible intensité capitalistique ; le modèle coopératif semble néanmoins présenter des potentialités intéressantes dans la gestion de l’eau, de l’énergie, des déchets et plus généralement les activités qui impactent le territoire et supposent une gouvernance multi-parties prenantes. C’est l’objet même du statut Scic, Société coopérative d’intérêt collectif, comme l’illustre l’exemple d’Enercoop, créée en 2005, seul fournisseur d’électricité 100 % renouvelable (les bénéfices sont réinvestis dans des projets d’énergies renouvelables). Pour que ce projet à forte valeur environnementale soit partagé par le plus grand nombre, l’entreprise a choisi le statut Scic ; la structure compte aujourd’hui six collèges : producteurs, consommateurs, salariés, porteurs de projet, partenaires et collectivités locales. Historiquement présentes dans la construction, les Scop et les Scic
Caleido Scop a travaillé sur l’ensemble des logiciels utilisés pour la réalisation de « Moi, moche et méchant 2 », film d’animation du studio Illumination Mac Guff.
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)Dossier( Vivien Dupuet, président de la Scic Autociti Tours, rattachée au réseau France Autopartage. Le statut Scic permet de préserver l’origine citoyenne et engagée, de ne pas se couper des bénévoles tout en impliquant des collectivités. « Elle permet une gouvernance multipartenariale que n’offre pas la Scop. » À Tours, c’est l’agglomération qui a souhaité développer un projet d’autopartage. « Cette activité ne peut à elle seule gagner sa rentabilité – pour preuve, on ne trouve aucune entreprise commerciale classique dans ce secteur –, elle relève bien d’un choix politique de long terme de la collectivité », affirme Vivien Dupuet. Celle-ci aurait pu monter une régie ou accorder une délégation de service public, mais la Scic a été privilégiée. « La Scic est une nouvelle manière de faire du partenariat public/privé, naturellement prédisposée à l’ouverture et une gouvernance collégiale qui vise au consensus. »
Des puces et des hommes Au-delà de ces enjeux citoyens, les créations en Scop et en Scic abondent aussi dans les secteurs en plein essor comme le numérique et la production d’informations, le conseil en communication, l’informatique, l’ingénierie ou encore l’architecture, des métiers qui en appellent à de multiples compétences et privilégient donc le travail d’équipe. L’entrepreneuriat collectif trouve vite à s’épanouir tout naturellement dans l’entrepreneuriat coopératif. « Pour les petites structures, entreprendre est un défi de tous les jours », note Emmanuel Bichon, gérant de Possum Interactive, une agence numérique spécialisée dans les films d’animation et les outils pédagogiques interactifs (dont le premier film d’animation sur les Scop, voir page 11). « Mais la Scop présentait cet avantage que l’entreprise appartenait à ses salariés, sans actionnaire majoritaire dominant, et permettait des réflexions collaboratives et participatives. » Dans la filière culturelle, la coopérative est une alternative à l’association : le statut Scop permet de développer des emplois sans poser la question de la gestion désintéressée, dès lors qu’un des membres est rémunéré. La présence de Scop et Scic à tous les niveaux dans le secteur culturel, de la production audiovisuelle à la compagnie de cirque s’explique sans doute par l’adaptation de ce statut aux projets créatifs associant le travail de plusieurs personnes
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Les deux fondateurs Gilles Cochet et Patrice Haldas entourent Grégory Cuilleron, ambassadeur AGEFIPH et premier gagnant de l’émission Top Chef
attachées à leur autonomie, mais prêtes à partager sur un pied d’égalité. Les entrepreneurs coopératifs soulignent que les statuts Scop et Scic sont la meilleure solution quand la recherche du profit cède le pas à l’humain comme premier objectif de la logique entrepreneuriale. D’où une présence importante des Scop et des Scic dans l’insertion par l’activité économique, la santé et l’action sociale, le logement pour tous, la culture, la petite enfance ou l’habitat solidaire. EAG pâtisserie, dans l’Isère, est une entreprise adaptée. Pour ses fondateurs, le premier objectif était bien de mettre ou remettre au travail des personnes handicapées et de lutter contre le fort taux de chômage de cette population. Accessoirement, EAG fait de la pâtisserie. L’humain encore quand il s’agit de créer des activités de proximité, commerces, crèches, compagnies de théâtre sur des territoires délaissés... ou jugées peu rentables par le secteur commercial. Scop et Scic investissent aussi l’économie de proximité ou « présentielle » : boulangerie bio, crèche rurale, etc. Si ces statuts s’adaptent bien à ce type d’activités, c’est qu’elles supposent l’engagement de plusieurs partenaires locaux, des inter-coopérations. Le modèle coopératif facilite la « coordination de proximité ».
Quid des entreprises innovantes ? Les entreprises innovantes constituent aujourd’hui un des principaux objec-
tifs des politiques publiques d’appui à la création d’entreprises. Dans une économie mondialisée qui favorise le dumping social dans les industries à forte main-d’œuvre, l’objectif est de viser les activités à fort potentiel et à forte valeur ajoutée. Le potentiel concerne le nombre d’emplois créés au fur à mesure que l’entreprise se développe, mais aussi sa croissance économique portée par des produits ou des services nouveaux. On compte 550 créations d’entreprises innovantes chaque année, spécialisées dans les technologies de l’information, de la communication, des sciences de la vie. Leur taux de survie à 5 ans est de 85 %. Parce que la Scic facilite les partenariats stratégiques entre diverses parties prenantes, et la Scop le travail en équipe entrepreneuriale, on ne s’étonnera pas de trouver plusieurs Sociétés coopératives et participatives parmi les entreprises agréées « jeunes entreprises innovantes » (4 entre 2008 et 2012) et 15 Scop ont été primées en 2012 pour leur politique managériale innovante ou le dépôt de brevets : le statut Scop s’adapte donc bien aux projets innovants. « En 2010, nous avons créé Magnetic (développement web, conseil et conception) avec l’idée d’être un laboratoire de R&D », rappelle Franck Bresson, son gérant. « Nous étions clairement dans une logique de collaboration, nous ne voulions pas avoir de patron, même si ce souhait relevait plutôt de l’informel. Nous étions attirés par le prin-
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cipe de la Scop, par la définition collégiale d’une stratégie, le partage des responsabilités, le regard transversal sur nos activités. Nous sommes persuadés que 7 cerveaux sont plus efficaces qu’un seul. Et il nous semble fondamental que chacun soit impliqué dans la réussite de l’entreprise, ce qui change nécessairement les comportements, les façons de faire, qui requièrent l’adhésion de toutes les personnes sur une démarche, un projet. » Magnetic est sous statut « jeune entreprise innovante » qu’il a fallu arracher de haute lutte car ces entrepreneurs ne sont « que des techniciens, pas des doctorants ». « Il n’y a pourtant pas de honte à créer en Scop, elles sont aussi innovantes que les autres », insiste Franck Bresson. Pour Frédéric Bérier, gérant d’Evosens, « l’innovation vient du partage d’idées, de la discussion qui fait progresser cette idée. Le statut Scop permet plus facilement la collaboration : tout le monde intervient dans la création. Il aide aussi la prise de risques, car si ça réussit, chacun en profite. » Franck Bresson relève toutefois : « Une entreprise innovante, c’est souvent du personnel technique qui ne connaît rien à la gestion, qui n’a jamais entendu parler de besoin en fonds de roulement. Mais le management d’entreprise, c’est autre chose. Nous avons pu profiter de l’accompagnement de l’UR Scop pendant un an, ce qui a favorisé notre éclosion. » L’étude conduite par la CG Scop révèle que les caractéristiques du statut Scop semblent davantage convenir à de « petits projets d’innovation » dans les logiciels et le multimédia ou l’électronique qu’à des projets plus ambitieux, centrés sur la biotechnologie par exemple. Les entreprises
innovantes en Scop peuvent se retrouver face à la question de la sortie du statut dès qu’elles souhaitent ou nécessitent de développer un projet d’investissement ambitieux.
De la création au développement On doit ici souligner la difficulté à trouver des capitaux au démarrage lorsqu’on entreprend en Scop ou Scic, ou lors de la phase de développement. Le retour sur investissement est en effet statutairement limité et ceux qui ne cherchent que la rentabilité économique trouveront le « placement » risqué. Frédéric Bérier explique à propos d’un produit particulièrement innovant mis au point par Evosens : « Le projet a intéressé des capital-risqueurs mais ils ont tiqué sur le statut Scop ; nous avons pourtant refusé de changer de statut ». Aujourd’hui, Frédéric Bérier attend « de la loi sur l’ESS qu’elle modifie la disposition qui empêche de changer la valeur des parts, ce qui limite l’entrée d’actionnaires extérieurs. Pour les attirer, il faut qu’ils puissent voir leur apport revalorisé quand ils cèdent leurs parts ». Emmanuel
QU’EST-CE QU’UNE JEUNE ENTREPRISE INNOVANTE ? La loi de finances pour 2004 (loi n° 2003-1311) institue le statut de jeune entreprise innovante (JEI) pour encourager les projets de recherche et de développement des entreprises. Ce statut est accordé à des PME (moins de 250 salariés), de moins de 8 ans au moment de la demande, indépendantes, réalisant un chiffre d’affaires de moins de 50 millions d’euros et dont les dépenses de R&D représentent au moins 15 % des charges. Ces dépenses peuvent être des dotations aux amortissements, les salaires des employés impliqués dans la R&D, etc. (cf. cf. l’article 244 quater B du code général des impôts pour connaître le détail). Ce statut ouvre droit à des exonérations fiscales et sociales, mais il est conseillé de s’assurer auprès des services fiscaux que son entreprise est bien éligible à ce statut.
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Bichon de Possum Interactive constate également que les « business angels à la française sont là pour faire de l’argent ». Lui en appelle à des mesures fiscales spécifiques aux Scop qui créeraient de l’emploi. « Nous sommes conscients de participer à un mouvement d’utilité sociale et nationale, et on le fait valoir auprès de nos clients. Les gens sont sensibles à cet engagement vis-à-vis de l’économie sociale et solidaire. » Sauf peut-être les capital-risqueurs. Les financeurs intéressés par l’intérêt général et collectif se font pourtant de plus en plus nombreux, de même que les structures de finance solidaire ou les solutions qui font appel à l’épargne populaire. Qui d’autres mieux que les Scop ou les Scic pour porter des projets dont le fort axe humain ne peut que susciter la solidarité ? Enercoop vient ainsi de recevoir le prix de la finance solidaire de Finansol pour la manière dont elle a organisé le renforcement de son capital par l’émission de titres participatifs qui en appellent à la militance. D’autres Scop ont bénéficié de l’apport des Garrigues ou de la Nef. Auquel il faut ajouter l’accompagnement financier des UR Scop elles-mêmes qui permet d’accéder à d’autres financements (Oséo, BPI, financements régionaux et nationaux pour les projets à forte R&D, etc.)... et les réserves impartageables qui, à terme, ont permis à des petites Scop de devenir grandes. Le modèle coopératif apporte donc une bonne réponse au défi d’un entrepreneuriat dynamique et pérenne. Reste à poursuivre et amplifier l’action amorcée par le Mouvement Scop pour valoriser l’entrepreneuriat collectif (ou en équipe), mieux intégrer le paysage institutionnel de la création d’entreprises, et démontrer que le projet coopératif s’adapte à tous les métiers. Hélène Spoladore
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David Hiez : « Faire reconnaître la sp é Avec son livre « Coopératives » paru au printemps 2013, David Hiez, responsable de l’Unité de recherche en droit à l’Université du Luxembourg, comble un grand vide en proposant pour la première fois un livre de droit français sur les coopératives, toutes familles confondues. Très loin du guide technique, l’ouvrage recontextualise et met en perspective les règles du droit coopératif au regard des valeurs et des principes qui guident le projet coopératif. Il parvient ainsi à être un livre juridique accessible à tous ceux qui s’intéressent aux coopératives, au-delà du cercle des praticiens.
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e livre est-il la première présentation d’ensemble du droit français des coopératives ? Il y a eu un livre dans les années 70, mais plus restreint. La référence reste encore aujourd’hui une thèse des années 50 sur l’histoire du droit coopératif. Depuis, il n’y a rien eu sauf des ouvrages spécialisés sur les coopératives agricoles ou les Scop. Un enseignant du nom de Michel Jeantin a suivi de près ces questions pendant vingt ans ; mais il a écrit dans les revues juridiques sans faire de livre.
CoopérativesLe : création organisation Premier –ministre François Fillon est venu visiter l’entreprise en décembre – fonctionnement dernier. C’est une vraie reconnais(édition 2013/2014) sanceDroit pourpratique tous les salariés et tous les Editions Delmas, et associés de l’entreprise et pour son Correspondance, PDG 530 pages, 46 € Jacques de Heere.
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Pourquoi les coopératives suscitentelles si peu d’intérêt chez les professionnels du droit et les chercheurs ? La première raison qui justifie la parution d’un livre, c’est le besoin pour un cours. Or il n’y a pas de cours sur le droit coopératif, donc il n’y a pas besoin de livre. La seconde raison qui peut justifier la parution d’un livre, c’est l’envie de se positionner sur un marché. Or, le marché est très étroit. Les banques n’en ont pas besoin, les coopératives agricoles ont Coop de France, les Scop ont la CG Scop. La situation est totalement différente en Italie ou il y a au moins une dizaine de livres sur les coopératives. En Espagne, l’Université de Valence est active et plusieurs juristes travaillent sur la question. Au plan mondial, à part quelques exceptions, il y a peu de productions sur le droit des coopératives. Ce livre vise à
contribuer à changer le regard sur les coopératives et à rendre visible une réalité qui juridiquement ne l’était pas.
La forte fragmentation du droit coopératif en France entre les familles est-elle une force ou une faiblesse ? C’est une grande faiblesse. La fragmentation du droit, c’est la fragmentation du Mouvement. Quand on dit à l’étranger que Coop FR ne réunit que deux personnes, cela étonne. Rien qu’à Bruxelles, les coopératives italiennes ont un bureau de sept personnes. L’un des objectifs du livre est justement de montrer que la coopération est un projet commun par-delà les différentes familles. J’aurais pu découper le livre entre une partie générale et des parties particulières. En réalité, les différences sont mineures entre les différentes familles. Oui et non. Les Scop sont par exemple les seules organisations de l’ESS dans lesquelles les membres associés sont les salariés. Les Scop sont en effet singulières. D’une part parce qu’elles sont fortement militantes sur la place des salariés dans l’entreprise. Mais elles sont aussi les seules à verser des dividendes et les seules à n’avoir aucune limite sur le principe d’exclusivisme : on peut être en Scop avec seulement une toute petite minorité de salariés associés.
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p écificité coopérative » Par-delà la recherche d’unité, les projets coopératifs ne sont-ils pas distincts entre des consommateurs qui se regroupent pour avoir des produits mieux et moins chers, des entreprises qui mutualisent leurs moyens et des salariés qui se groupent pour gagner leur autonomie économique ? C’est vrai. Mais toutes ont d’abord pour finalité de rendre service à leurs membres. Toutes reposent sur un principe de propriété collective. Toutes ont le principe « 1 personne = 1 voix ». Toutes reposent sur des principes communs de répartition des excédents. En France, à l’exception des coopératives agricoles, le droit coopératif s’imbrique dans le droit général des SA et SARL. La coopérative est-elle une société comme les autres ? La coopérative n’est bien sûr pas une société comme les autres. On peut même aller plus loin : la coopérative est-elle une société ? Aujourd’hui, la question semble réglée, mais ce n’est pas une évidence. En 1914, il y a un arrêt célèbre qui qualifie les coopératives d’associations, pas de sociétés. J’ai même longtemps pensé qu’il fallait créer un statut à part pour les coopératives, distinct de celui des associations et des sociétés. C’est intellectuellement satisfaisant, mais force est de reconnaître que dans la plupart des pays aujourd’hui, les coopératives sont rattachées au droit des sociétés, même si la France est le pays qui va le plus loin dans ce domaine. L’objectif serait de parvenir à faire reconnaître la spécificité radicale des coopératives dans le droit des sociétés. Mais cela supposerait que les coopératives ressentent elles-mêmes davantage leur unité. Le droit vient après. La coopérative est-elle un outil technique de solidarité économique ou un projet de transformation sociale ? Une coopérative est ce que l’on en fait. Ce peut être un instrument technique effi-
cace tout comme un instrument au service d’un projet militant. On suspecte souvent les grandes organisations coopératives comme les coopératives de commerçants d’être plus dans l’outil technique que la finalité humaine. Mais si c’était vrai, elles auraient fait un GIE ou une autre forme de groupement. Si elles sont en coopératives, c’est qu’elles partagent aussi des valeurs et un projet commun qui va au-delà de la simple mutualisation technique.
Depuis plus de trente ans se sont développés plusieurs instruments financiers pour les coopératives, mais assez peu utilisés. Y a-t-il encore un frein au financement des coopératives ? On peut se poser la question. Les coopératives qui avaient le plus grand besoin de financement ont préféré la filialisation aux instruments qu’on mettait à leur disposition. Malheureusement, aujourd’hui, on peut faire tout ce qu’on veut avec la filialisation. C’est ce qui explique que bon nombre de coopératives aient dévié de leur projet initial. S’il y avait des garde-fous encadrant le recours à la filialisation, les coopératives auraient peutêtre plus utilisé les instruments financiers à leur disposition. On ne s’est pas rendu compte qu’il fallait encadrer cette filialisation, en délimiter le périmètre pour qu’elle s’inscrive dans un projet coopératif. Le modèle coopératif a-t-il de l’avenir ? J’en suis persuadé. Après plus de deux cents ans de suprématie, l’organisation capitaliste montre ses limites. L’association est un beau modèle, elle peut faire de l’économique, mais ce n’est ni son essence ni son objet. Le modèle coopératif est une vraie synthèse : il a une vocation économique, mais en considérant le capital comme un moyen et non un but.
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David Hiez Agé de 43 ans, David Hiez est responsable de l’Unité de recherche en droit de la Faculté de droit, d’économie et de finance à l’Université du Luxembourg. Après un doctorat présenté en 2000 sur la notion de patrimoine en droit civil, David Hiez a été jusqu’en 2006 maître de conférences en droit privé à l’Université de Lille 2. Depuis sa thèse, ses recherches sont orientées sur la théorie du droit, principalement la théorie du contrat et l’économie sociale.
Propos recueillis par Pierre Liret
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Techniques Topo : « Nous avons scanné les Champs-Elysées en une nuit ! » Tout va pour le mieux pour les géomètres-experts de Techniques Topo : la Scop innove et investit avec la toute dernière génération d’un matériel de géométrie pour révolutionner l’approche de son métier.
echniques Topo a été créée en 1964 par une bande de géomètres militants chevronnés à Paris. « Tellement militants que pour eux, c’était la Scop ou rien ! » A l’époque, le métier de géomètre, très réglementé, est fermé au statut de société commerciale et donc de Scop. Les activités sont donc limitées à la topographie jusqu’en 1986, date à laquelle l’Ordre des experts-géomètres assouplit les conditions d’établissement des entreprises. Techniques Topo peut ainsi accéder à de nouveaux marchés et connaît alors une croissance très rapide, comptant aujourd’hui 11 bureaux, dont le siège parisien qui accueille 40 personnes. « Notre champ d’action est très vaste, explique le dirigeant François Berger, des plans de copropriétés aux projets d’agrandissement de résidences, les relevés topographiques, les projets de voiries, le suivi de chantiers ou encore les relevés architecturaux. Nous avons par exemple récemment scanné l’ensemble des façades du Louvre, côté rue de Rivoli à Paris. »
Un investissement indispensable Dernière acquisition de la Scop : un scanner dynamique embarqué, une nouvelle technologie venue d’Autriche qui permet de recueillir toutes les données d’un lieu. Couplé à une antenne GPS et à une centrale inertielle, il se déplace seul avec une rapidité et une précision inédite. « Techniquement, ce système revient à photocopier en 3D un terrain avec tout ce qu’il comprend, et à le ramener au bureau. Avant, il fallait s’y reprendre à plusieurs fois, avec différents angles, il manquait souvent un élément.
Grâce à cette machine, nous avons pu scanner les Champs-Elysées en une seule nuit ! Les données que nous recueillons, autrement plus précises qu’auparavant, peuvent être exploitées de mille façons par la collectivité. » Ce matériel permet également de réduire les risques humains, puisqu’il intervient en quasi complète autonomie là où il fallait auparavant faire intervenir des équipes. « Nous pouvons ainsi opérer un transfert de nos compétences humaines du terrain aux bureaux, où nos géomètres-experts travaillent davantage à la réalisation des plans issus des données recueillies ». L’investissement est conséquent : 700 000 euros pour le matériel et les formations associés. « Il s’agit de faire vivre notre métier, soit nous restons à la pointe des technologies, soit nous sommes condamnés à disparaître. La semaine de notre acquisition, nous avons appris que la SNCF investissait dans la même machine, je crois que cela montre que nous ne nous sommes pas trompés ! ». Et Techniques Topo de devenir également prestataire pour la SNCF, dont les besoins en la matière sont quasi inépuisables : réfection des voies et de leurs abords, de caténaires, la société se doit de connaître avec précision les espaces qu’elle exploite.
Carine Dieu-Romastin
Priorité à l’emploi des jeunes Cette nouvelle technologie complète plus qu’elle ne remplace les anciennes techniques, toujours indispensables pour de nombreux projets qui ne justifient pas le recours à un matériel de cette ampleur. Ce nouvel investissement a donc été bien accueilli au sein de
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la Scop. « Nous avons bien sûr beaucoup communiqué et expliqué notre nécessité d’investir, mais chez nous la direction a la confiance des salariés ». Le Mouvement des Scop, via les outils financiers Sofiscop et le Crédit Coopératif, a été mobilisé pour permettre cette opération : « Des outils précieux pour les entreprises qui, comme nous, ont des besoins réguliers d’investissements assez lourds. » Pour assurer son développement, Techniques Topo mise sur la formation des nouvelles générations et recrute régulièrement des jeunes ingénieurs, qui participent à la pérennisation et au dynamisme de la Scop. La moyenne d’âge y est de 30 ans. « Les salariés sont ravis de l’esprit coopératif qui tranche radicalement avec l’ambiance de profession libérale des cabinets classiques, dans lesquels les techniciens sont souvent déconsidérés. Nous misons donc sur cet esprit coopératif : une salariée a par exemple souhaité retourner sur ses terres natales à Annecy. Nous lui avons offert la possibilité d’y ouvrir une antenne, pour que ses compétences humaines et professionnelles restent à Techniques Topo ! » Une politique qui semble porter ses fruits : les effectifs et le chiffre d’affaires de Techniques Topo ont doublé en 6 ans.
Techniques Topo Création en 1964 9,3 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2013 109 salariés dont 85 salariés associés
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santé Quel bien plus précieux, plus essentiel Que la santé ? sa santé, la santé de ses proches, la santé de ses salariés, de ses collègues… À la Macif, l’accès à la complémentaire santé se doit d’être vraiment pour tous. engagée pour la défense de l’accès aux soins, la Macif place la santé au cœur de sa vision mutualiste. À la Macif, pas d’actionnaires à rémunérer et en santé, pas de sélection médicale, pas de garantie gadget. particuliers, professionnels, petites et grandes entreprises, parce que vous êtes tous différents, les offres santé Macif s’adaptent aux besoins de chacun. Depuis 50 ans, la Macif, qui a diversifié son offre – assurance, banque, santé –, vous accueille dans le respect des valeurs mutualistes, en préservant l’identité de ses partenaires et en optimisant la protection sociale complémentaire de ses adhérents.
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Les contrats santé proposés par la Macif sont assurés par des mutuelles relevant du Livre II du code de la mutualité et adhérentes à la Mutualité Française ou par des institutions de prévoyance régies par le Livre IX du code de la sécurité sociale MUTUELLE ASSURANCE DES COMMERÇANTS ET INDUSTRIELS DE FRANCE ET DES CADRES ET SALARIÉS DE L’INDUSTRIE ET DU COMMERCE. Société d’assurance mutuelle à cotisations variables. Entreprise régie par le Code des assurances. Siège social : 2 et 4, rue Pied de Fond 79000 Niort. Intermédiaire en opérations de banque pour le compte exclusif de Socram Banque. N°ORIAS 13005670 (www.orias.fr).
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