Économie Que faire de la dette Covid ? Après le choc de la crise économique déclenchée en 2020 par la pandémie de coronavirus, l’explosion de la dette publique sera au cœur des débats de politique économique. Les auteurs déconstruisent les idées reçues les plus tenaces sur ce sujet : la dette publique est un fardeau pour les générations futures ; la France vit au-dessus de ses moyens, etc. Ce faisant, ils produisent un petit manuel sur le budget de l’État, les modalités de son financement, les limites et les erreurs d’interprétation du ratio dette/PIB, la distinction entre bonne et mauvaise dette, la façon dont la dette publique enrichit les riches ou peut être utilisée comme un instrument de domination. Ils explicitent aussi les moyens qui permettraient aux États d’affronter la récession en évitant le retour contre-productif des cures d’austérité : restructuration et monétisation de la dette, sortie de la dépendance aux marchés financiers et nouveau rôle de la Banque centrale, réforme fiscale redistributive et écologique, politique budgétaire au cœur de la transition écologique. Ces propositions, soumises au débat citoyen, entendent faire de la dette publique un instrument au service du bien commun. Éric Berr, Léo Charles, Arthur Jatteau, Jonathan Marie et Alban Pellegris, La dette publique ; précis d’économie citoyenne, Les Économistes Atterrés, Seuil, 19 euros.
Virus Pandémie, panoptisme et urgences démocratiques La pandémie de Covid-19 offre un cas d’usage frappant des dispositifs de surveillance contemporaine et assoit leur légitimité en accélérant leur banalisation. Des officines de toutes tailles, hier positionnées sur le secteur de la sécurité, ont pivoté vers un nouvel impératif, celui de la traque des corps malades – un levier encore plus puissant que la lutte contre le terrorisme. L’américain Palantir, fondé après le 11 septembre grâce au fonds d’investissement de la Cia, a délaissé les agences de renseignement pour démarcher les autorités sanitaires britanniques, françaises ou allemandes (avec des fortunes diverses) ; l’israélien Nso, qui vend toute l’année des logiciels espions à des régimes autoritaires pour surveiller opposants et journalistes, a voulu calculer le score de contagiosité des habitants de l’État hébreu ; en France, le petit Datakalab déploie, dans les rues de Nice ou dans le métro parisien, ses caméras capables non plus de détecter des comportements suspects mais de vérifier le port du masque et le respect de la distanciation. Toutes ont développé des applications de traçage, de « suivi des contacts », misant sur le numérique pour endiguer la course du virus. Chaque phase de la crise s’est accompagnée de ses réponses technologicopolitiques et de ses sous-traitants, en accélérant et en révélant des tendances préexistantes, comme la militarisation de l’espace public ou la mise sous tutelle du domicile. Olivier Tesquet, État d’urgence technologique. Comment l’économie de la surveillance a tiré parti de la pandémie, Premier parallèle, 2021, 160 pages, 16 euros. OPTIONS N° 665 / mars 2021
Déboulonnage Socles d’histoire Les statues des « grands hommes » sont aujourd’hui au cœur de l’actualité, tant en France qu’aux États-Unis ou en Angleterre, par le débat qu’elles soulèvent. La vandalisation de plusieurs dizaines d’entre elles interroge, parfois électrise, nombre de Français. C’est bien la mémoire des peuples qui est en cause, et la perception qu’ils se font de leur pays. Pour mieux comprendre la réalité française, où la question de l’esclavage n’est pas celle de la colonisation, Jacqueline Lalouette, qui travaille depuis vingt ans sur le peuple des statues en France, fait le tour de la question dans cet essai court mais incisif. L’objet n’est pas de polémiquer sur des concepts creux, mais bien de donner une réponse historique. Sans juger des motivations et intérêts des différents acteurs, l’autrice donne les clés de compréhension de ce débat passionnant et passionné, en lui-même révélateur des oppositions mémorielles qui traversent la France. Jacqueline Lalouette, Les Statues de la discorde, Passés composés, 2021, 238 pages, 17 euros.
Commerce Redistributions ? Gain de pouvoir d’achat pour tous, perte de salaire pour certains : le commerce mondial redistribue les cartes sociales. Tout en profitant globalement à l’économie, il pénalise les citoyens français pour qui la baisse des prix à la consommation ne compense pas les effets négatifs sur la feuille de paie. Se profilent ainsi, d’un côté, les gagnants de la mondialisation, plutôt jeunes, éduqués, bien rémunérés et citadins, de l’autre, ceux dont les compétences professionnelles sont difficilement reconvertibles et qui vivent loin des grands bassins d’emploi diversifiés. Lionel Fontagné décrypte ces mécanismes, qui ne mettent pas tant en cause la mondialisation que l’incapacité des politiques publiques à en faire bénéficier les laissés-pour-compte. Lionel Fontagné, La feuille de paie et le caddie, Presses De Sciences Po, 2021, 144 pages, 9 euros. 49