Lune froide

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Clément Renaudin

LUNE FROIDE 2013-2014


Si tu me possèdes, tu possèderas tout. Mais ta vie m’appartiendra. Dieu l’a voulu ainsi. Désire, et tes désirs seront accomplis. Mais règle tes souhaits sur ta vie. Elle est là. À chaque vouloir je décroîtrai comme tes jours. Me veux-tu? Prends, Dieu t’exaucera. Soit ! Honoré de Balzac, La peau de Chagrin


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Une lampe était encore allumée dans le salon et un courant d’air balaya la porte de la pièce à coucher laissant passer des rayons lumineux. Il se réveilla immédiatement, il était sensible à la lumière. Après vingt minutes à se tourner, se retourner dans son lit, il se leva et décida se rendormir plus tard. Il se dirigea vers la le miroir. Il alluma. Il découvrit sa tête et analysa les imperfections de son visage. Il était plutôt grand pour son âge, quoiqu’un peu trop sans arrêt en pagaille, donnaient l’impression d’une botte de paille posée sur le sommet de la marque de sa différence. On disait d’ailleurs qu’il était la dernière génération à jouir de cette distinction, bientôt, tout le monde aura les yeux marron. Konstantin habitait 5ZN, sa mère travaillait à la centrale comme secrétaire et son père tenait une épicerie quelque part autour de l’anneau. Ils habitaient la cinquième centrale construite dans la zone N. Il était né dans la zone et ne connaissait du monde que 5ZN et les villes était fort mais contraint, c’était ici que se préparait son futur. En classe, les enfants


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étaient très tôt formés aux sciences appliquées. Ils devaient prendre le relais de leurs aînés et continuer à produire toujours plus d’électricité. À l’école, même s’il n’était pas bien aimé de ses camarades, ses professeurs disaient de lui qu’il serait ingénieur en chef s’il continuait à plus développé que la moyenne était pourtant empreint à la rêverie. De temps à autre, il perdait même conscience de la réalité et se retrouvait dans les univers qu’il imaginait. Mais c’était bel et bien à 5ZN que Konstantin vivrait, ses parents comptaient sur lui, son état comptait sur lui. Konstantin n’était pas à l’aise avec cette idée, il avait peur de la centrale de 5ZN. La ville était installée sur une colline, plaçant le réacteur principal sur un piédestal. L’ombre de la cheminée monumentale cognait les habitations environnantes et chaque jour elle venait lécher la joue de Konstantin qui nourrissait un sentiment d’angoisse profonde. qu’un petit appartement dans une des tours jouxtant l’anneau de sécurité. La hiérarchie de la centrale était imprimée sur les sols de chaque ville. Plus son poste était important, du centre, chaque directeur, chaque leader y


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possédait sa réplique de la villa Capra. Il savait comme tout le monde que ces hommes et ces femmes provenaient de l’Est de l’Ukraine et avaient eu un accès direct aux postes à haute responsabilité par connaissance d’un adminisétait facile pour eux de quitter l’essaim. Deux ou trois années passées aux manettes d’une centrale leur permettait de prendre retraite. On assistait à un véritable ballet de personnages, tous plus adorateurs du veau d’or les uns que les autres.


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Le sol de 5ZN était recouvert d’une poussière noire qui s’immisçait partout. Il était transporté par les vents du sud et retenu par le système de ruelles comme dans un sablier. On disait qu’il provenait du Karadag, un volcan de la péninsule de l’ancienne Crimée, et qu’il 5ZN croyaient à ces prophéties. Les autres s’ennuyaient juste de devoir vider leurs bottes chaque soir en rentrant chez eux. Le cœur de la ville était sombre et silencieux. Les nombreuses venelles guère plus larges que deux hommes mis côte à côte innervaient la zone d’activité nucléaire des milliers de travailleurs qui rejoignaient leur poste. De part et d’autre de ces passages, de hautes bâtisses faites d’acier et de briques protégeaient les systèmes de production. À visée technique, aucun des bâtiments ne présentaient de fenêtres donnant vers l’extérieur. Elles coûtaient cher et étaient d’électricité pour éclairer l’intérieur des constructions. À chaque angle des ruelles de ce dédale, des codes inscrits à la peinture rouge permettaient de se repérer. Konstantin avait cartographié minutieusement la ville et se targuait d’être le seul à connaître chaque recoin, chaque code.


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La cheminée, placée au barycentre de 5ZN était haute comme cent hommes. Les voies de chemin de fer y parvenant constituaient les seuls passages larges de la zone. Lorsqu’un train arrivait à distance, une alarme aiguë retentissait. Il fallait déguerpir du passage rapidement et s’agglutiner le long des murs bordant les voies pour ne pas se faire écraser. À la tombée de la nuit, des tubes néons, disposés à intervalle régulier le long des venelles, éclairaient d’une lumière blafarde les visages des tâcherons qui quittaient la centrale.



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Le quotidien des petites gens était d’une jour et apporter aux administrations la preuve

le calme devant les bureaux de contrôle. Les machine calculant le taux d’erreur. En 2090, 5ZN fut promue ville modèle. Durant cette année, les délégations des autres alvéoles se suivaient pour étudier et répéter plus minutieusement encore, le déroulement de chaque tâche décrite avec précision dans le cahier des charges de la zone N. Fier de son travail accompli, le directeur en charge de 5ZN à l’époque, Filipp Diatlov, déclara un jour de fête à la gloire des ouvriers. Ce fut le premier mai que Diatlov prévit les festivités, à la mémoire de l’ancienne fête du travail. Le gouvernement en place avait largement contribué à cela et comptait tourner Le jour J, la fête fut grandiose même si la moitié de la population devait continuer de faire fonctionner la centrale. Les attractions les plus âgés. Mais ce jour là, quelque chose


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Les modérateurs, qui servaient à ralentir les neutrons et ainsi permettre une réaction nucléaire normale, agissaient étrangement en ce matin de mai. Faits d’un savant alliage composé de béryllium, ils avaient une durée de vie limitée. Les capteurs du réacteur indiquaient que le niveau de puissance en cœur augmentait progressivement. Vers treize heures, l’ingénieur en charge de la centrale ordonna de

Cette manœuvre était classique et n’attira pas particulièrement son attention. L’erreur vint de l’opérateur en charge, il avait enfoncé les barres de commandes trop profondément jusqu’à empoisonner le réacteur au xénon. La réaction en chaîne fut immédiate, le réacteur entra rapidement en rétroaction positive jusqu’à multiplier par cinquante son énergie interne. Le jeune ingénieur responsable savait ce qu’il allait se passer, il se mit dans un coin de la salle de contrôle et resta silencieux jusqu’à se déclara et ce fut dans un grand tumulte que les employés présents sur le site déclenchèrent les alarmes.


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Dans toute la ville, on avait l’habitude des tests d’évacuation. On pensa d’ailleurs à une mise en scène pour la fête du premier mai. Les

dans la direction de la centrale était sans failles. chez lui et engagea la procédure à suivre dans ce cas. Il se blottit dans le placard, à l’entrée de l’appartement pour être le plus loin possible des fenêtres, adopta une position fœtale et attendit le signal.


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Dans la zone, une capsule d’iode était introduite dans la troisième molaire de chaque citoyen. Les règles stipulaient que si la sirène d’alarme montait en gamme dans les aigus, au quatrième palier, il était obligatoire de défaire l’opercule de la dent et d’ingérer l’iode. Jusqu’au troisième palier, les gens dansaient et ne se souciaient guère de la situation. Cela faisait si longtemps qu’ils n’avaient pas eu le droit de fêter la vie et le travail. Ils chantaient joyeusement et imitaient même le passage d’une gamme à une autre de l’alarme. Comme à l’accoutumée, ce cirque devait s’arrêter à la rentrer dans l’ordre. Mais lorsque la sirène tout le monde comprit la gravité de la situation. Konstantin, pris de panique, eut du mal à dégrafer le haut de la dent. Il l’avait appris en théorie, mais maintenant il était temps le plus grand désordre que les rues de 5ZN se allumer la radio centrale installée dans tous les foyers. Mais alors que les gens se précipitaient chez eux, une explosion retentit. En tous lieux, au moins s’échapper de la cheminée principale.


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La ville était bientôt recouverte d’une épaisse couche de cendre radioactive déposée par le nuage de l’explosion. Environ un quart des travailleurs présents sur le site réussirent à s’échapper avant l’explosion mais ceux qui restèrent furent perdus. Konstantin essayait de se calmer et de garder parents rejoignirent leur appartement après une forte exposition aux rayons alpha, bêta et gamma. Tous trois sains et saufs attendaient les instructions de la radio centrale. Ils placèrent des linges humides aux bas des fenêtres et tendirent l’oreille pour la moindre bribe d’information. La peur était présente dans tous les foyers. Quelques minutes plus tard, une voix grave s’éleva dans l’appartement indiquant qu’ils devaient rester enfermés pour le reste de la journée, le temps que l’évacuation de l’alvéole se mette en place. Ils seraient recontactés plus tard. Konstantin sentit une peur grandir en lui. Il allait bientôt quitter 5ZN et fut partagé entre la haine de cet endroit et un attachement invisible. entier était tourné vers d’autres pensées. De nombreuses questions persistaient. Où allaientils les emmener ? Quelle vie les attendait ?


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Ils avaient toujours été mis au courant des démarches d’urgence mais il n’avait jamais été question de l’après. L’angoisse grandissait en même temps que les heures passaient. Ils allaient bientôt savoir.


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La centrale était tel un immense brasier mais personne ne tentait de l’éteindre. Cette situation extrême avait été pensée dans les moindres détails. À chaque recoin de l’alvéole, d’étranges constructions en acier avaient été installées en même temps que les réacteurs nucléaires. De mystérieux hommes vêtus de combinaisons blanches sortirent de ces bâtisses au moment même où la quatrième gamme de l’alarme fut entendue. C’est alors que depuis le sol, un champ électromagnétique s’engagea vers le ciel. Un dôme de protection nucléaire dizaines de kilomètres, on pouvait apercevoir la coupole qui enfermait fumées et rayons radioactifs : la partie ne pouvait détruire le système. Il ne fallut pas longtemps aux instances internationales pour lancer le plan général grands wagons se stationnèrent. On ordonna à la population de quitter les foyers et de se ruer vers le côté de l’alvéole le plus proche. Chacun devait porter une combinaison de protection. Konstantin et ses parents suivirent les instructions à la lettre et partirent aussitôt de chez eux, n’emportant que le strict nécessaire. Un sac par personne seulement était autorisé. Les vêtements devaient rester sur place car


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les tissus emmagasinaient trop fortement les radiations. À l’entrée des wagons, un container gardé par des militaires armés fut installé. Chacun leur tour, les habitants de 5ZN y entraient. Un premier homme demandait les papiers d’identités. Un deuxième scrutait le corps de capable de déterminer l’exposition aux rayond’irradiation, un troisième homme dirigeait les populations vers un wagon ou un autre. Konstantin fut séparé de ses parents. Il monta dans le wagon de ceux qui avaient été le moins exposés. Des plaques métalliques recouvraient les fenêtres du train portant le symbole de la radioactivité. Une lumière terne régnait à l’intérieur de la cabine et une odeur de peur se dégageait de chacun. Ceux qui avaient perdu un proche, sous le choc, n’arrivaient pas à réaliser car ils craignaient encore pour leur vie. Aucune larme ne coula en ce jour funeste. L’ambiance était silencieuse, empreinte de crainte. Personne ne savait encore où on allait les emmener, les militaires ne devaient pas répondre aux questions et insistaient bien sur leur droit à utiliser leurs armes si un débordement subvenait.


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Il était bien évident que les notables de 5ZN avaient été les moins touchés. Des abris aménagés sous chacune des villas étaient reliés

Lorsque la catastrophe arriva, des hélicoptères déboulèrent de 13ZN en moins d’une heure pour récupérer l’ensemble des dirigeants. Tous réagirent de façon indifférente, la semaine suivante, ils étaient réintégrés à une nouvelle ville-centrale, une de plus.


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Au milieu du XXIe siècle, l’ère fossile s’éteignit et la ruée vers les actinides épuisa La production massive d’énergie avait quasiment disparu, seuls persistaient quelques champs éoliens vétustes et une quantité réduite de panneaux photovoltaïques réservés seulement aux plus aisés. L’hydroélectricité ne représentait que 15% de l’énergie mondiale et les autres technologies de production tout un chacun en électricité. et nucléaire laissa la place à un mouvement de panique mondial largement dirigé par les lobbyistes de l’énergie installés à la tête des gouvernements du G20. Des années 2050 à 2060, de plus en plus de blackouts étaient recensés dans les mégalopoles majeures. Les populations occidentales étaient tenues de réduire de plus de 90% leur consommation électrique. On assistait à la constitution d’un nouvel ordre mondial. Le resserrement des grands continents idéologiques autour de cette question s’effectua instantanément, gommant largement la notion de pays. En Europe, on instaura très rapidement une situation d’urgence, nommant les états ou groupe d’états


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en zones. Les zones étaient caractérisées par les lettres d’une échelle correspondant aux carences en énergie. Un pays affublé de la lettre A avait un apport confortable en électricité tandis qu’un autre portant la mention L peinait à alimenter ses hôpitaux, administrations et places publiques. Les tensions géopolitiques étaient patentes et il ne fallut pas très longtemps pour situation de resucée de la guerre froide. Cette guerre était essentiellement technologique. Qui arriverait à remporter la guerre du feu remporterait le pouvoir. Pour cela, le régime avait fait preuve d’une force redoutable dans la bataille du savoir. Il déployait partout dans le monde maints espions ayant pour tâche de collecter des informations sur l’avancement de la concurrence. Ce fut en 2063 que la néo fusion nucléaire fut mise au point par un élève d’Otto Frisch, Alban Friedrich Gauss. Elle était le mode de production d’énergie le plus développé depuis les essais des frères Pavlov sur la fusion du Thorium, encore trop instable pour être un Friedrich était identique à celui utilisé au XXe


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siècle, à la seule différence que la matière par de l’Hélium3. La fusion de l’élément était néanmoins bien plus instable que celle des matériaux utilisés auparavant. La solution du physicien nucléaire portait essentiellement sur le modérateur du réacteur qui contrôlait la réaction chimique. L’énergie dégagée était tois fois plus importante qu’autrefois, Friedrich envisageait réacteurs seulement puissent alimenter plus d’un million de foyers.


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Friedrich et n’attendit pas pour lui mettre la main dessus. L’homme fut enlevé sauvagement le 13 décembre 2063 par les services du village nucléaire de l’état récemment constitué. Le village était une organisation gouvernementale libre d’action qui tirait son nom des lobbys nucléaires civils asiatiques. Il était capable d’opérer sur tous les continents et possédait des agents aux quatre coins du monde. Dans le plus grand secret, ces agents avaient carte blanche et étaient autorisés à toutes actions

L’affaire fut communiquée très rapidement aux dirigeants du bloc européen qui ne pouvaient riposter, faute de preuves concrètes. Le terrain de bataille allait être la course au 3HE et au développement de nouvelles technologies nucléaires. Les ingénieurs civils manquaient de temps pour mettre en marche des réacteurs performants mais le problème majeur se trouvait en amont. L’élément 3HE était rare sur Terre et provenait de la surface du soleil. Il était envoyé par des vents solaires dans le reste du système, agglutiné dans la poussière de météorite. Malheureusement, le champ électromagnétique


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de notre atmosphère repoussait cette poussière que l’on ne trouvait que rarement à la surface des océans, apportée par de petites météorites. savaient qu’il existait une réserve quasiment Le régolithe était cette couche de poussière produite par l’impact d’une météorite sur

qu’après sa transformation, des millions de tonnes d’Helium3 soient produites. Les

programme lunaire chinois clamait à l’époque que « le premier à conquérir la lune serait le et il ne se trompait un programme de colonisation lunaire. Quand l’énergie civile était en péril, les ressources à buts militaire et spatial étaient encore

avec le continent américain. L’objectif était de préparer une station autonome capable de récolter, de traiter la matière et de la renvoyer sur Terre pour la transformer en électricité.



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La lune était divisée en territoires occupés. L’organisation mondiale se répétait inlassablement jusque dans l’espace. Les expatriés lunaires appelaient les stations des fermes. À longueur de journée, ils raclaient des bandes de terrain parallèlement, formant des parcelles rectilignes. Depuis la Terre, on pouvait apercevoir les stries formées par les machines. Ensuite, la poussière subissait une transformation chimique permettant la mise en évidence de l’Hélium3, présent en liquide dans de grands hangars militaires en attendant la construction les premières centrales. La situation mondiale s’était stabilisée mais sous la gorge au reste du monde. Elle se déclarait seule détentrice de la lune sous peine d’affrontement. de l’Est était devenue si puissante au cours du XXIe siècle que rien ne pouvait l’empêcher de états rivaux savaient pertinemment que cette situation ne relevait plus de la diplomatie. Il était urgent de préparer une paix future car sans cela, le monde allait devoir se confronter au pire. Les plus grands conseillers de guerre du bloc de l’Ouest étaient unanimes. Les armées


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des armements mondiaux et autant de soldats que d’habitants. Leurs technologies militaires étaient à la pointe et le monde courrait à sa perte la guerre fut simulée à l’aide des logiciels de calculs les plus puissants et tous s’entendaient à porter le pourcentage de chance de gagner remporta la guerre avant même de l’avoir commencée.



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stipulait que le continent européen et sa coalition devaient produire dix milliards de méga watts La matière première proviendrait directement de la lune jusqu’aux frontières orientales de l’Europe où elle serait transformée en électricité la production serait dévolue à l’Europe. Durant cette période de trouble, l’ancienne Ukraine fut le théâtre des tensions planétaires. le long du Dniepr, elle souffrait de sa position géographique et stratégique. À l’Ouest, la

brutalement que l’Est de l’Ukraine deviendrait la zone N : l’espace de production de l’électricité nucléaire. La décision fut perçue comme une punition par le peuple ruthénien. Il souffrait désormais de son passé rebelle. Le rapprochement avec l’Europe opéré dans les années 2010 par une partie de la population était resté en travers de le pays s’était largement polarisé à partir de Kiev. Historiquement, les opposants au régime durent se déplacer vers l’Est. Depuis cette


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période, le partage du pays était resté peu ou proue cordial. Un parlement indépendant fut instauré à Ienakiieve, ville natale de l’ancien dirigeant Viktor Ianoukovytch depuis lequel l’Ukraine orientale partageait de nouveau l’idéologie soviétique. Lorsque le sort de l’Est de l’Ukraine fut décidé, un cortège d’urbanistes dirigé par Alexei Miloutine fut instauré par le régime : ils dessineraient en un an, et pas un jour de plus, les territoires du nucléaire. La majeure partie des villes fut rasée et reconstruite selon un ordre très précis, allant de l’Est vers l’Ouest, et prenaient une forme particulière. Vue du ciel, la zone ressemblait à un essaim. Chaque centrale était placée au centre d’une ville alvéole hexagonale. Les réseaux et les habitations s’agglutinaient autour de l’anneau de sécurité jusqu’aux périphéries. Dans les plaines ruthéniennes, les villes faisaient toutes trois milles hectares de surface et accueillaient chacune dix mille habitants. Elles étaient branchées les unes aux autres mais restaient indépendantes sur le plan de l’approvisionnement de nourriture, des équipements publiques et administratifs. La taille et la forme de chaque ville nouvelle était similaire et permettait un rendement optimal de l’espace pour la production nucléaire d’électricité.


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Une piste d’atterrissage pour les navettes lunaires se trouvait non loin de l’ancienne Kirovograd. De là, l’Hélium3 était acheminé jusqu’au cœur de chaque ville. La limite de chaque alvéole était tracée par un chemin de fer, innervant de ce fait tout point du territoire. En un angle de l’alvéole était placée une gare. De cette gare, un transbordeur livrait l’Hélium jusqu’à la cheminée. Le système était rationalisé dans les extrêmes, chaque ouvrier, chaque ingénieur possédait un emploi du temps rigoureusement minuté: l’imprévu était exclu. Pour les autorités, l’organisation était infaillible. Tout fut pensé pour que si l’une des cellules venait à disparaître, le circuit général n’en soit pas affecté. En quinze ans, mille et une centrales six mille villes en trente-cinq ans.


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Le voyage dura trois longs jours durant lesquels le sentiment de Konstantin à propos de son attachement à 5ZN s’était apaisé. Il se disait désormais que nul lieu ne pouvait être

entra dans le wagon de Konstantin. La plupart des passagers se plaignaient du traitement qu’ils subissaient, du manque de lumière et de repère spatial à l’intérieur de la pièce. Elle monocorde et appris il y a bien longtemps, cela se sentait. Elle demanda à tous de se recueillir, de rendre hommage à ceux qui avaient péri dans la centrale lors de l’explosion et d’observer un silence. Elle se voulait rassurante sur le futur de tous et commença à raconter une histoire bien étrange. comprit très vite les enjeux politiques externes et internes liés à cette région. Le rapport N indiquait que le maintien de cette zone garantissait la paix mondiale, fournissait nécessaire de prévenir le danger émanant d’elle. À la suite de la mise en place des cent premières centrales de la zone N, de nombreux dirigeants décidèrent de lancer le programme Tchernobyl. Il prévoyait la mise en place de


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qu’en cas d’incident majeur, le relogement des habitants d’une alvéole était obligatoire. Il restait donc une once d’humanité chez les décideurs, même si la motivation première de cet altruisme provenait de la crainte que les peuples s’élèvent contre eux en cas de crise majeure. Des quartiers entiers furent construits à travers l’Union de l’Europe à la suite de la gardées, capables d’accueillir les réfugiés. L’ancienne Union de Tchernobyl rebaptisée villes habilitées à reloger, nourrir, donner du travail à des centaines d’habitants. Parmi elles, Grangetown, en banlieue de Cardiff au Pays en Espagne, Neuss, non loin de Düsseldorf en Allemagne, Breda en Hollande, Opole en Corps, dans le centre de la France. Ces villes n’avaient pas été pas choisies au hasard. La sélection fut faite selon deux critères hectares devait être libre et adjacent à une voie de chemin de fer. Les communes candidates percevaient de nombreuses aides étatiques et


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Un élan de solidarité s’élevait en Union de l’Europe et il était certain que la majeure partie de ces communes était humaniste malgré l’aspect monétaire.


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attendait que les trains arrivent. Une fois le

lumière était si forte à l’extérieur du wagon qu’il avait l’impression de naître de nouveau et de découvrir le monde pour la toute première fois. Une foule se réunit devant les portes du train. Les médecins étaient les premiers présents, accompagnés d’hommes vêtus de noir qui devaient être des pompiers. Les ruthéniens furent accompagnés dans ce qui semblaient être des cars. Les engins glissèrent jusqu’à une grande salle dédiée au sport. Tous se tenaient la main, l’air hagard et marmonnaient quelques mots en anglais pour demander de l’aide : ils étaient totalement désorientés. Ils entrèrent dans le gymnase où des centaines de chacune d’elles il y avait une bouteille d’eau et quelques gâteaux secs. Un homme seul se tenait sur un podium en fond de salle et prit la parole. Il s’exclama vivement dans un langage méconnu de l’audience et une voie off se mit à traduire en ukrainien. La voie expliquait qu’il était


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impossible de retourner à 5ZN pour des raisons évidentes et que l’Union de l’Europe allait veiller sur eux. Elle prévenait qu’il fallait rester le plus évasif possible sur les causes de l’accident dans un futur proche, lorsque les hordes de journalistes viendraient à leur poser des questions. Konstantin retrouva ses parents au début du discours. Pour chaque famille, un logement était proposé. Un hôpital à proximité des logements était ouvert et l’homme promettait que tout le monde serait traité équitablement. La condition sine qua non pour que l’ordre

la sortie, que le taux d’irradiation de tous devait être déterminé précisément. Elle expliqua que selon la gravité des cas, un logement allait être assigné à chacun. Les familles ne seraient pas que les habitants de 5ZN avaient pu avoir entre eux dans le passé seraient étudiées et calquées Un logiciel capable de récolter, analyser et synthétiser un nombre incroyable de données médicales, sociologiques, anthropologiques, ethnologiques, répartit l’ensemble des


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Pour ce faire, des camions aménagés transportaient tantôt un laboratoire d’analyse médicale, tantôt de vraies salles truffées d’ordinateurs et de serveurs qui récoltèrent les informations personnelles de tous. Quant à ceux qui souhaitaient quitter cet endroit, ils le pouvaient. Depuis que les populations nomades avaient été interdites dans l’Union de l’Europe, nul n’avait le droit de partir en errance. Les termes d’un départ étaient stricts. Une personne physique, vivant en Union devait remplir une montagne de formulaires. La procédure avait pour but de prouver qu’une ou plusieurs places étaient disponibles dans le foyer des hôtes, qu’ils étaient capables de subvenir à leurs besoins et que les papiers ne provenaient pas d’un faussaire. Fiches de payes, etc. Tous documents prouvant la bonne foi des accueillants devaient être remis dans le dossier. reprit la route pour rejoindre tantôt un membre de leur famille proche, tantôt un ami de longue date ayant eu vent de l’histoire. Les personnes qui partaient risquaient de développer un cancer et de ne pas être soignées gracieusement, mais peu importait quand la maladie ne se faisait pas ressentir. Ils niaient pouvoir tomber gravement


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à la suite d’une inondation qui avait ravagé les terres basses de la vallée. Durant un hiver pluvieux, une digue se rompit et un torrent d’eau boueuse emporta la majeure partie des robustes persistèrent, ceux qui ne montraient au sens du courant de l’eau, seulement leur pignon. La digue fut reconstruite et l’endroit resta en jachère de longues années. Le manque d’énergie ne permettait plus la construction appelée non la redistribution illimitée de l’électricité vers l’Union de l’Europe, les chantiers reprenaient allègrement, l’économie des pays était bonne, les bourses du monde entier grimpaient en

se décomposait en trois bandes bâties parallèles jouxtant des chemins de fer d’un côté et un bras mort de rivière de l’autre. Entre chacune d’elles, la nature était abondante et de nombreuses parcelles cultivables attendaient d’être labourées. Au beau milieu de cette nature, branchés à deux zones industrielles par une voie centrale, deux bâtiments tout en longueur pouvaient faire penser à deux trains.


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Hauts d’une dizaine de mètres, ils supportaient maints bâtiments épars qui eux pouvaient être comparés à des marchandises. Le socle train contenait différentes activités, commerces, lieux de communion mais surtout présentait la particularité d’être constitué majoritairement de fabriques ou d’agglomérats d’artisans. Au dessus de ce socle, d’étranges cubes d’acier, de briques et de verre contenaient la majeure directement reliés aux fabriques. Au plus proche des voies de chemin de fer qui bordaient la zone, la dernière bande était constituée de trois corps de bâtiments. Le premier était l’hôpital, à l’impressionnant parvis et à l’organisation militaire. La géosa conception. Depuis que les équipements hospitaliers étaient devenus trop compliqués à concevoir pour les architectes, tellement les normes étaient devenues contraignantes, on entrait un certain nombre de données dans un logiciel qui intégrait chaque élément du programme dans une coque de la forme d’un selon l’espace désiré au sol. Conçu pour émouvoir n’importe quel humain, il était aussi de forme simple. Au cœur du


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volume, une seule salle éclairée subtilement contenait une immense stèle vide d’écriteaux. Lorsque la catastrophe de 5ZN arriva, on commença à y inscrire les noms des victimes. Dans sa géométrie la plus simple, ce mémorial était le témoin de l’existence de l’Homme. Il s’élevait et se différenciait de la nature par sa brutalité. Le dernier des bâtiments et le plus imposant, protégeait les familles de 5ZN comptant les plus de deux cents mètres était tel un homme obombrait de nombreux organes nécessaires à la vie des réfugiés.


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Le concours villes refuges, une solidarité de l’Union de l’Europe fut remporté par l’architecte français Eugène Boullée qui décida de mettre l’accent sur le troisième bâtiment, le dernier, construit il y a plus de deux cents ans. Laissé à l’abandon toutes ces années, un grand travail de remise à neuf fut effectué. Le réaménagement

œuvre était un microcosme, une ville plus À l’entendre parler, ce projet renfermait tel un corps humain tous les constituants nécessaires à l’intégrité physique et psychique de ses habitants. Prédestinés à l’errance et à la souffrance, il les accueillerait en son sein, veillerait à leur bonheur. Pour cela, jurait-il, son bâtiment devait avoir la tête bien faite. Les administrations réimplantées dans le bâtiment annexe auraient pour but de régir la vie de la communauté. Des extérieurs travailleraient dans des bureaux tout confort, leur tâche serait celle d’une mairie, d’un service des impositions et d’une préfecture réunis. Pour Eugène Boullée, le squelette de béton était le support des organes : une école générale dispenserait les enseignements de l’Union de l’Europe, des magasins d’approvisionnement et troquets contenteraient les besoins des


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habitants, des ateliers de fabrications fourniraient une activité et un centre des sports maintiendrait le moral et le physique de chacun. Jean Baptiste André Godin connut la gloire d’offrir ce qu’il appelait des équivalents de la richesse aux citoyens prolétaires réunis autour des fondements de la société : le travail, la famille, la communauté. Comme lui, Boullée l’architecte, nul besoin de contrôler les populations qui viendraient vivre sur ses terres. Ils n’imposeraient point, ne contrôleraient point. Il pensait qu’une police naturelle et sociale se mettrait en place. Il déclara le jour de l’inauguration du bâtiment : « Quand certains diront que c’est un ghetto, je leur répondrai que oui, c’en est un si vous pensez à une fonderie mais voici cette grande idée que je me fais de la communauté : nous devons donner le luxe aux futurs arrivants de penser qu’ils restent ici par choix et non contre

observations. Alors qu’il emmenait ses petits enfants au zoo, non loin d’ici, un fait le saisit. Il regardait attentivement les félins en cage, allant et revenant, devenant fous. Il comprit que c’était la détention qui les rendait ainsi, la folie s’emparait de leur esprit. Plus tard, au


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cours de sa visite, il passa devant l’enclos à canard sauvages et autres oies. Aucune volière n’était installée et cela attira son attention. Il demanda donc à un soigneur non loin de là la raison. Il lui expliqua très simplement que les oiseaux étaient libres de leurs mouvements. Ils restaient là car ils y étaient bien. Il n’y avait pas de prédateurs et la nourriture y était plus d’oiseau que l’année précédente. Voici l’enseignement que Eugène Boullée en tira: la différence profonde entre l’oiseau et le félin était qu’à l’un, on donnait le choix et proposait la liberté sans qu’il ne l’accepte, tandis qu’à l’autre, on ôtait le pouvoir d’agir sans contrainte, d’où sa folie. Il explicitait sa théorie sous la forme d’une métaphore et établissait un parallèle entre les animaux et les résidents qui devaient être les oies et non pas les pumas pour empêcher l’escalade. qui disait que : « l’éducation, par exemple, n’est que le résultat de toutes circonstances auxquelles un enfant est exposé. Veiller à l’éducation d’un Homme, c’est veiller à toutes ses actions : c’est le placer dans on veut, par le choix des objets dont on l’entoure et


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Durant plus de deux semaines, l’ensemble des catastrophés dormit dans les gymnases de il manquait un élément majeur pour qu’ils tion des appartements prévoyait la pose d’éléments préfabriqués ajustables selon chaque situation. Un catalogue présentait les plans de modules similaires en taille mais contenant module, guère plus sophistiqué qu’une cabane de jardin, un lit y était installé et à l’aide d’une échelle, on accédait à la couchette. Le catalogue permettait de choisir ce que l’on souhaitait avoir au sein du module. Il tentait d’être le plus exhaustif possible tout en diminuant les coûts de construction globaux. un entrepôt de la taille d’un terrain de football contenait des centaines de milliers de pièces attendant d’être acheminées. Le choix classique se portait souvent sur une chambre supplémentaire pour que les parents aient plus d’intimité, une chambre médicalisée, une cuisine ou une salle de bain. Mais certains choisissaient un poulailler, un fumoir ou une distillerie. Konstantin et ses parents furent placés dans ce que l’on appelait le magasin primordial,


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celui qui accueillait les familles nombreuses un taux de radioactivité hors de la normale et les pronostics n’étaient pas très engageants. Un appartement d’une cinquantaine de mètres carrés au sol donnant sur le parc principal de la des plus banals. Deux chambres en hauteur, une salle d’eau avec WC et une cuisine aménagée. Le reste de la surface au sol était libre. En plus, on leur livra une table avec cinq chaises, quelques meubles et un carton contenant le nécessaire pour vivre les premières semaines de leur nouvelle vie. Lorsque Konstantin entra dans le bâtiment nef centrale baignée de lumière parcourait tout du long le bâtiment en son centre. L’entièreté

l’espace central. À la manière d’une procession autant mystique l’habitant passait par différents états que l’architecte avait matérialisé. On entrait dans l’hôpital pour panser les maux du corps. Ensuite, on traversait retrouvait au magasin primordial, au sein d’une


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communauté allègre. Quant aux deux volumes au cœur du magasin, ils poursuivaient la même idée. Dans l’espace central et quasiment sacré, ils synthétisaient des principes intemporels. Le premier volume représentait la connaissance. Il permettait l’éducation des résidents à l’éthique de l’Union de l’Europe, à sa langue. L’autre volume, quant à lui, abritait divers terrains de sport, il se superposait à un bassin de nage et de plongeon et avait la fonction de maintenir autant le moral que le physique des plus sédentaires.


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Trois ans passèrent et comme la plupart des habitants, Konstantin paraissait heureux. Chaque matin, il se levait et allait à l’hôpital pour sa visite journalière. Il était du matin selon l’emploi du médicament générique comme tout un chacun. Il était supposé ralentir les effets nocifs de la radioactivité, alors que les premiers cancers de la thyroïde arrivèrent chez certains au bout de six mois, ce qui n’entamait pas pour autant le moral général de la communauté. Avant d’aller se recueillir au mémorial, il passait au jardin familial pour labourer ou désherber un peu. Il ne passait guère plus de deux heures au champ. Après une brève collation, il allait s’exercer à la canne de combat, devenu le sport plébiscité. Autrefois, il aimait faire des longueurs dans avait été transformée en bassin de pisciculture. Personne n’aimait nager et on entendait des bruits de couloirs qui véhiculaient l’idée que l’école générale fut conservée intacte ainsi que quelques dojos. Les terrains de multisports servaient quant à eux à sécher le poisson récolté dans les bassins. Une entente avait été trouvée usages et une commission d’étique s’était réunie pour déterminer les évolutions admises.


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Après avoir couru, combattu, Konstantin allait aux cours obligatoires. Au centre du grand amphithéâtre, un hologramme féminin ou masculin donnait chaque jour une leçon. On y apprenait la langue, la conduite civique, les préceptes de l’Union de l’Europe et de temps à autres quelques cours pratiques de couture ou de soudure étaient dispensés. Les ingénieurs de 5ZN furent conviés à travailler non loin de là, dans les centres des Trains : chaque ruthénien était optimisé. Konstantin se rendait ensuite au marché central qui se tenait dans la nef. Chaque jour, il était monté et démonté. Chacun pouvait y vendre ce qu’il souhaitait. On y trouvait essentiellement ce que les habitants avaient produit : des œufs, quelques bêtes, des fruits et légumes et des produits manufacturés provenant des fabriques. Le soir venu, certains se retrouvaient aux lavoirs ou dans les salles communes pour se divertir un peu. On ne parlait jamais du passé qui était devenu tabou. On jouait inconsciemment tantôt aux échecs, tantôt aux dés mais on ne parlait pas du passé. Konstantin, lui, rentrait généralement au foyer familial pour s’occuper de son père devenu gravement malade. La routine gagnait tout le monde, elle permettait de concentrer tous les esprits sur le présent.



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Au cinquième jour du printemps, Konstantin comme tous les matins ingéra le médicament générique, se rendit au mémorial et rejoignit donnaient du baume au cœur après l’hiver passé. Chaque année il avait l’impression d’avoir oublié que les saisons se suivaient et redécouvrait naïvement la beauté de la nature qui se réveillait. Le calme régnait dans la cité et Konstantin ressentit un bonheur s’emparer de lui. L’air était doux au champ, la lumière du soleil caressait sa peau, il faisait presque chaud. Tous matin et il n’avait pas l’âme d’aller pratiquer la canne de combat. Il se rendit directement chez lui avant de suivre les classes. Lorsqu’il franchit le seuil de son appartement il trouva sa mère installée sur la table de l’espace commun, seule, sanglotant, les disparut aussitôt. Il quitta précipitamment l’appartement, courut de toutes ses forces. La coursive, les grands escaliers, les raies de lumières qui viennent inlassablement frapper le haut de sa nuque. Il sortit du magasin primordial, se dirigea comme un enragé vers l’Ouest. Il ne fallut que quelques secondes pour qu’il atteigne le mémorial. Il le traversa


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à toute vitesse et arriva devant l’hôpital. Il s’engouffra dans le hall. Tous les regards se tournèrent vers lui.

Lune froide.





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