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KRISHNACREATIONS/FOTOLIA

Dossier Innovation

Dossier spécial innovation

Une pratique de plus en plus connectée Imaginez un monde dans lequel tous les objets de votre quotidien se mettent à communiquer, un monde dans lequel vous pourriez visualiser le dossier santé de votre patient à la voix d’un simple « OK Glass », un monde dans lequel l’impression d’une prothèse ne prendrait que 45 minutes, un monde où l’intelligence artificielle s’immiscerait dans nos corps… Ce monde du futur, c’est déjà le présent ! 2014 a marqué un tournant. Les nouvelles technologies sont en train de tout bouleverser. Difficile d'en mesurer l’ampleur au quotidien mais le fait est qu'elles changent profondément les systèmes de pensées, les modes de communication, les échanges interpersonnels, les méthodes de travail, bref, les modes de vies ! Avec ce dossier « Spécial innovation », plongez dans ce qui existe déjà et ce qui nous attend demain. Le Chirurgien-Dentiste de France n o 1638 du 6 novembre 2014

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Une nouvelle ère dentaire Fini, la science fiction, bienvenue dans le XXIe siècle ! Nanotechnologies, biotechnologies, informatique, Web, intelligence artificielle et robotique sont comme les pièces d’un légo géant qui s’assemblent sous nos yeux à une vitesse vertigineuse.

De la carte Vitale à… Après avoir très vite conquis le commerce, la musique, le cinéma, la presse, l’édition, les nouvelles technologies s’attaquent aux secteurs « sensibles » : la banque, l’enseignement et maintenant la santé. Ce retard à l’allumage, en ce qui concerne la santé, s’explique d’après Emmanuel Vivier par l’écosystème complexe de la santé. « De très nombreux acteurs, un système lourd, des métiers très divers, des professions réglementées, la présence d’organismes d’État (Assurance maladie), des données sensibles, des questions éthiques et juridiques, tout cela a globalement freiné les vagues même si le lancement de la carte Vitale, en 1998, a permis de lancer le mouvement de l’informatisation massive du secteur ». Denise Silber, fonda20

SYDA PRODUCTIONS/FOTOLIA

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ans tous les secteurs, on parle d’innovation dite disruptive ou de rupture. Emmanuel Vivier, expert du numérique, va encore plus loin. Pour lui, « le monde est en train de devenir des 0 et des 1 » faisant référence au système binaire utilisé dans l’informatique. Et la santé n’est pas épargnée par cette gigantesque vague d’innovation qui déferle.

trice des conférences Doctors 2.0 & You et chercheuse associée à l’Institut Montaigne, partage le même constat. « L’arrivée d’Inter net en France, en 1994, n’a touché que très peu de professionnels de santé. Sauf peut-être les plus avancés d’entre eux : les chirurgiensdentistes ».

… à la 3D… Informatisés très tôt, les chirurgiens-dentistes utilisent la 3D depuis longtemps ! « Les chirurgiens-dentistes, poursuit Denise Silber, ont été parmi les précurseurs de l’innovation en santé. Un métier

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qui ne cesse de se réinventer, une concurrence accrue, une offre étrangère très présente, sont probablement les raisons qui les font adhérer aux nouvelles technologies, analyse la spécialiste du digital en e-santé. Une adhésion sans commune mesure avec les médecins généralistes par exemple ». Pas étonnant donc qu’aujourd’hui les plus jeunes et les plus « geek » d’entre eux utilisent la tablette à la maison comme au cabinet, que l’impression 3D fasse une arrivée très remarquée dans la dentisterie et que les objets connectés investissent le marché dentaire. Cette mutation de la profession se fait comme pour beaucoup de métiers par les usagers, les patients en l’occurrence. N’en


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déplaise à certains, l’arrivée d’Internet a levé un voile d’opacité sur nombre de métiers. Les barrières traditionnelles, entre le « sachant » et le profane, sont tombées à mesure qu’Internet se diffusait dans la société. Les patients ont pris connaissance de l’ampleur de l’offre sur le marché, des prix mis en ligne sur le site ameli-direct.fr, sans oublier la mise en évidence des options de traitements en fonction d’un diagnostic…

… au robot… Les technologies qui sortent quotidiennement des labos californiens, du cluster santé spécialisé dans les nanotechnologies de Grenoble, de celui d’Aquitaine tourné vers les TIC (technologies de l’information et de la communication) sans oublier cette myriade de start-up à travers le monde qui investit le digital et les nouvelles techno, bousculent les idées reçues, secouent nos modes de vie, modifient nos méthodes de travail et finalement apportent de profondes mutation sur notre « nature humaine ». Et ce futur est déjà là, bien présent ! Plus proche du visionnaire que du prophète, Laurent Alexandre, 54 ans, fils de chirurgiendentiste, star du web français, fondateur de Doctissimo et chirurgien-urologue1, prédit même qu’aucun humain malade ne voudra être opéré par un chirurgien quand on aura démontré l’efficacité du robot. Boum, la bombe ! La partie est-elle perdue d’avance pour les doc ? Pas sûr, à moins que l’on change de paradigme. Les experts en conviennent. Tous les systèmes de santé sont basés sur les personnes malades, les personnels intervenant pour soigner à un instant T. Mais, pour

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Un métier qui ne cesse de se réinventer, une concurrence accrue, une offre étrangère très présente

Tablette

Un outil bientôt incontournable Jean-Philippe Roset est chirurgien-dentiste à Niederhausbergen, dans le Bas-Rhin (67). Pas tout à fait le look d’un geek mais le quadra est curieux et plutôt technophile. Il y a deux ans, Jean-Philippe décide d’amener l’iPad de la maison au cabinet. Deux ans plus tard, la tablette est devenue un véritable outil de travail… aux côtés des roulettes et autres fraises ! CDF : Qu’est-ce qui vous a poussé à utiliser l’iPad au cabinet ? Jean-Philippe Roset : Après l’avoir beaucoup utilisé à mon domicile, je me suis dit : pourquoi ne pas s’en servir au boulot ? D’autant que, côté patients, ils étaient déjà nombreux à utiliser la tablette. En 2013, il se vendait 10 tablettes par minute en France. Il m’a semblé normal d’utiliser les mêmes outils et de parler le même langage. Vous parlez de « langage », vous l’utilisez pour communiquer ? J.-P. R. : Exactement ! J’aime bien gribouiller et je parle un peu avec mes mains,

j’avais donc souvent un stylo sur moi et je faisais depuis des années des démonstrations à l’aide d’une ardoise Velléda. Et puis un jour, je vois dessiner mes enfants sur l’iPad, regarder des vidéos, prendre des photos et zoomer dans les images. L’outil idéal pour communiquer facilement et de manière très pédagogique était là sous mes yeux ! J’avais à ma disposition un accessoire de travail tout en un. Je profitais également du petit effet « Whaou ! » de la patientèle qui constatait un objet high-tech de plus dans mon cabinet.

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Il faut axer la médecine sur la prévention Denise Silber, « il y a un reset à faire ». Il faut axer la médecine sur la prévention. Les objets connectés, le « big data », le « quantified self » le permettent. Et encore une fois, les chirurgiens-dentistes l’ont probablement compris avant les autres professionnels de santé, sensibilisés depuis longtemps dans la lutte contre la carie. Mais ils ne sont pas les seuls à avoir cerné les enjeux de la prévention tant financièrement qu’en termes de données collectées. Les prévisions pour le marché des objets connectés donnent le tournis : 212 milliards d’objets seront connectés en 2020 selon IDC2, soit un marché de 1 900 milliards de dollars par an, dixit Gartner, une agence de conseil américaine.. L’un de ces principaux enjeux et certainement le plus gros marché en devenir, est celui de la santé, au sens large. Englobant le bien-être et le sport, la esanté se situe aux premières loges et offre un champ des possibles quasi infini. D’autant qu’avec la « silver génération » presque pimpante, dotée d’un épais portefeuille qu’elle ouvre sans sourciller pour se surveiller, se soigner et vivre plus longtemps, le business est presque assuré. Apple et Google avec respectivement 15 et 12 milliards de cash sont au rendez-vous. Partis de l’informatique, du web, ils sont rentrés dans l’intelligence artificielle et chacun leur tour investissent dans la santé. Nous sommes aujourd’hui dans cette phase. D’ailleurs, savez-vous comment Larry Page, le fondateur de Google, sélectionne ses acquisitions de start-up ? Il leur fait passer le « test de la brosse à dents » : utilité validée + usage répété + produit qui change la vie. Comme quoi, dentaire et technologies sont intimement liés… Antoine Chazal 1. Auteur de La mort de la mort et La défaite du cancer chez J.-C. Lattès. 2. International Data Corporation, idc.fr

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Aujourd’hui, vous utilisez cette tablette dans quel but ? J.-P. R. : Passer d’une démonstration de brossage à l’explication d’une pulpectomie en passant par la photo de la bouche du patient ou bien encore la présentation d’un produit d’hygiène, est très agréable et facile. Quand il s’agit d’une carie par exemple, je prends une photo en deux secondes, ensuite je peux expliquer, zoomer, montrer l’avant, l’après traitement. C’est de la communication ni plus ni moins. Alors effectivement, ça prend un peu de temps, je le fais avec les patients qui le souhaitent et qui me posent des questions. Je n’ai rien à cacher, je change juste la relation entre « l’initié » et le « profane ». Et à l’heure d’Internet, il me semble fondamental de prendre en compte ce nouveau paramètre… Nos patients ont aussi le droit de voir ce qu’on leur fait dans la bouche ! L’iPad et les applications me le permettent. Les applications ? J.-P. R. : Oui, je m’appuie très souvent sur des applis qui font des présentations vidéo en 3D avec des bouches modélisées sur lesquelles on peut montrer un traitement sur une dent, un nettoyage canalaire avec obturation et pose d’une couronne. La modélisation avec des animations dynamiques permet au patient de comprendre ce que le praticien va faire mais aussi la précision des actes réalisés. Ces outils permettent de mettre en valeur, d’une certaine manière, la technicité de nos interventions. L’outil peut-il servir en dehors de la relation patient/praticien ? J.-P. R. : La tablette se révèle très pratique pour certaines tâches de management du cabinet. Je m’en sers de bloc-notes, je me suis créé des alertes pour la gestion des stocks de matériel. En deux secondes, je poste un SMS à ma secrétaire, idem pour les échanges avec le laboratoire. Combien de fois on se prend la tête sur des nuances, des modifications de teintes, de formes d’une dent ou de quelques dents sur une

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J. P. Roset, praticien à Niederhausbergen dans le Bas-Rhin (67) et membre du comité directeur de l’UFSBD, chargé des partenariats Grand Public, détaille son intervention au patient à l’aide de sa tablette.

prothèse amovible ou sur une prothèse fixée ! Là encore, une photo, quelques clics, et j’ai la réponse quasi instantanément ! À ceux qui pensent que c’est un gadget, que répondez-vous ? J.-P. R. : Mon rôle n’est pas de convertir les plus rétifs. Je donnerai juste une anecdote. La première fois que j’ai vu une tablette, c’était dans 2001 l’Odyssée de l’espace. Ce film date de 1968. Les acteurs y lisaient le journal dans leur vaisseau. C’était un simple outil pour lire le journal. Aujourd’hui, en 2014, je vais non seulement pouvoir relire cette interview sur mon iPad avec l’appli CDF mais je peux aussi communiquer avec mes patients de manière plus pédagogique qu’autrefois, avec du texte bien sûr, mais aussi de la voix et de l’image, y compris en 3D... En fait, l’important avec l’iPad, ce n’est pas l’objet mais l’usage ! Et les applications nous ouvrent de nombreuses perspectives dans notre exercice professionnel !


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Le Top 5 des applis dentaire Selon Jean-Philippe Roset L’essentiel des applications en dentaire, disponibles sur le marché, sont sur l’App Store.

DENTAL DECIDE par Orca Health, Inc (période d’essai gratuite de 14 jours puis abonnement 20 $/mois ou 200 $/an).

DENTAL AID par DigibunnyTech (14,99 $)

Description : DentalDecide est un outil d’apprentissage qui permet aux spécialistes d’expliquer à leurs patients rapidement et efficacement leur état bucco-dentaire et leur traitement. L’application comprend des animations 3D interactives qui permettent d’explorer et d’expliquer l’anatomie comme jamais auparavant.

Description : Aide dentaire est un guide à destination du patient. Cette appli l’aidera à comprendre les principales procédures de soins dentaires courants. Elle fournit en outre des informations utiles avec beaucoup de chiffres. Conçue pour faciliter la communication entre les patients et les dentistes, l’outil est un excellent vecteur pour surmonter la peur de recevoir des soins dentaires et dédramatiser l’acte du praticien...

L’avis de notre expert : nombreuses modélisations 3D et animations. Facilité de réaliser des captures d’images.

L’avis de notre expert : Facilité d’utilisation, iconographie très didactique. Son point faible : le manque d’animations.

DDS GP YES ! par Kick YOur Apps, Inc. 449,99 € Description : DDS GP est l’appli iPad n° 1 pour les chirurgiensdentistes du monde entier. Conçue exclusivement pour les professionnels dentaires, cette application vise à améliorer la présentation des problèmes dentaires et des traitements pour les patients. DDS GP Yes ! se compose de l’ensemble du contenu de DDS GP. Plus de 80 minutes de formation disponibles en version écrite ou en podcast avec le Dr. Paul Homoly, de renommée internationale. Il enseigne la meilleure façon d’expliquer les conditions et les plans de traitement ainsi que les méthodes pour aider les patients à prendre les bonnes décisions en matière de soins de santé.

L’avis de notre expert : Point faible : exclusivement disponible en anglais.

DENTALPAD par Webdentiste (abonnement associé ou non à Webdentiste) Description : Cette application interactive regroupe de nombreuses fonctionnalités qui permettent d’expliquer facilement et simplement aux patients les plans de traitements pratiqués. Elle permet d’accéder à une bibliothèque d’images, d’importer ses propres documents ou radios. Une palette graphique avec des icônes permettra au praticien d’illustrer très facilement les soins pratiqués à son patient et d’adresser par mail le résultat de son explication ou l’archiver.

L’avis de notre expert : Très complète et en français. Permet de dessiner en deux secondes un croquis. Très pédagogique. Point faible : encore en développement. Manque d’animations.

DENTAL PATIENT EDUCATION LITE par 3D4Medical.com (50 €) Description : Développée avec l’aide de chirurgiens-dentistes américains, cette appli reprend toute l’anatomie de la tête avec index et imagerie 3D de l’anatomie musculo-squelettique, auxquels s’ajoute une large bibliothèque d’animations 3D des pathologies et actes bucco-dentaires.

L’avis de notre expert : Grande richesse des animations. Vision un peu trop chirurgicale de certaines.

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Gutenberg au cabinet

Imprimez vos prothèses en moins d’une heure ! Les imprimantes 3D, tous secteurs confondus, n’en sont pas à leurs balbutiements. Elles continuent de se démocratiser et investissent de plus en plus les laboratoires des prothésistes dentaires. Un progrès technique qui va impacter les pratiques des chirurgiens-dentistes eux-mêmes. e premier brevet d’imprimante 3D a été déposé en 1984 et la première imprimante 3D de série commercialisée date de 1986, rappelle Matthieu Prud’homme, chargé du développement commercial des imprimantes 3D chez Digicad. L’un des premiers secteurs à s’être équipé en imprimantes 3D a été le dentaire : certains prothésistes en utilisent depuis une dizaine d’années, notamment en France. » Ces derniers y recourent pour imprimer des moules de fonderie (destinés aux moulages de bridges et des shapes), des stellites, des guides chirurgicaux ou encore des reproductions tridimensionnelles d’une partie de la mâchoire du patient. « Les appareils qui, jusqu’ici, étaient proposés aux prothésistes dentaires, étaient assez volumineux : ils pouvaient produire, par exemple, 200 à 300 shapes à la fois, et coûtaient près de 100 000 € à l’achat, souligne Matthieu Prud’homme. Toutefois, depuis quelques années, il existe des imprimantes 3D de taille plus réduite, coûtant moins de 5 000 € et capables de produire une douzaine de shapes à la fois. Ces modèles correspondent mieux au volume d’activité de la plupart des prothésistes dentaires français qui, bien souvent, œuvrent au sein de petites structures. »

Couche par couche Les imprimantes 3D visent à offrir aux prothésistes dentaires – voire aux chirurgiens24

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dentistes qui souhaiteraient modeler leurs propres bridges, dents unitaires ou guides chirurgicaux – de nouvelles solutions qui se veulent performantes pour réaliser et

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concevoir des produits sur mesure, réduire le temps de fabrication et accélérer les capacités de production. Leur mode de fonctionnement ? Il s’agit d’une « technologie


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Certaines imprimantes utilisent également de la cire ou de la poudre métallique en lieu et place de la résine tout à fait comparable à une imprimante à jet d’encre si ce n’est qu’au lieu de projeter de l’encre, les têtes d’impression projettent des microgouttelettes de résine photosensible sur une plate-forme, nous expliquait, il y a quelques mois, Olivier Chenu, directeur des ventes au sein de l’entreprise Stratasys. À chaque projection, une lumière ultraviolette est émise et vient durcir la matière. Ces étapes sont répétées, couche par couche, jusqu’à l’obtention de la pièce souhaitée. » Certaines imprimantes utilisent également de la cire ou de la poudre métallique en lieu et place de la résine, qu’elles déposent et solidifient pour obtenir la pièce finale. Cette méthode d’impression 3D diffère donc de la méthode dite d’usinage et de Conception assistée par ordinateur (CAO) dans le cadre de laquelle la pièce souhaitée est taillée dans un bloc de matière (ce qui entraîne un plus grand volume de pertes).

Révolution des pratiques « À terme, les chirurgiens-dentistes n’auront plus à réaliser d’empreintes dentaires traditionnelles ni à fabriquer des modèles en plâtre, prédit Matthieu Prud’homme. Ils n’auront qu’à scanner la bouche de leurs patients en trois dimensions et à envoyer de manière sécurisée le fichier aux prothésistes. Ces derniers s’en serviront pour créer une prothèse sur mesure. » Une petite révolution des pratiques dentaires est en marche.

La brosse à dents Kolibree sera commercialisée dès le mois de novembre sur le site www.kolibree.com.

Avec l’arrivée des brosses à dents et autres objets connectés, les start-up et industriels partent à la conquête du secteur dentaire en mettant à disposition du grand public et des professionnels des objets de plus en plus innovants et communicants…

Objets connectés

Le grand débarquement

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ocorico ! Dans le secteur des objets spécialisés en dentaire, les Français assurent ! Trois Frenchies ont créé le buzz en janvier dernier avec Kolibree, la brosse à dent connectée. À l’occasion du salon de l’innovation technologique en électronique grand public de Las Vegas, Kolibree a fait sensation. Le Wall Street Journal et Wired, le magazine américain de référence dans les nouvelles techno, ont même fait l’éloge de cette innovation Made in France.

Le brossage en 3 D Kolibree, derrière ce joli nom d’oiseau se cache une brosse à dent sonique bourrée

de capteurs (gyroscope-accéléromètremagnétomètre) qui analysent le mouvement du brossage en trois dimensions. « L’outil, comme l’explique son co-fondateur Loïc Cessot, enregistre toutes les informations relatives au brossage et les transmet en bluetooth sur l’interface web d’une application disponible sur tablette ou smartphone ». Objet multi-utilisateurs, Kolibree offre en outre une expérience familiale en permettant aux parents de suivre le brossage des enfants avec une dimension professionnelle puisque les données peuvent être facilement partagées avec un chirurgien-dentiste.

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Très intéressé par le concept et le volet prévention du produit, l’UFSBD a souhaité nouer un partenariat avec la start-up de Neuillysur-Seine afin de lui apporter conseil et accompagnement médical, comme le confie Julien Laupie, vice-président de l’UFSBD. Bêta-testeur avant la commercialisation du produit, Julien Laupie a pu « jouer » avec la brosse à dents et découvrir toutes ses potentialités. « La promotion de l’hygiène bucco-dentaire et la prévention guident l’action de l’UFSBD et, avec cette nouvelle brosse à dents, nous avons enfin un véritable produit qui accompagne, motive et éduque à l’hygiène dentaire, en particulier les enfants. C’est là que réside la valeur ajoutée de cet outil. Sans s’en rendre compte, il accompagne l’utilisateur dans sa pratique de manière ludo-éducative. Ça fonctionne parfaitement chez les enfants et c’est également très bien conçu pour les adultes avec une représentation graphique de la qualité de votre brossage. Pour la première fois, conclut le vice-président de l’UFSBD, avec ce type d’outil nous allons, nous, praticiens, disposer de « datas » à grande échelle, sans commune mesure avec les résultats des tests menés sur panel 26

et commandités par les cabinets d’études. » Et ces statistiques, il n’y a pas que Kolibree qui aspire à les détenir. Avec un marché français de l’hygiène bucco-dentaire qui représentait 1,2 milliard d’euros de chiffre d’affaires en 2012, le mastodonte du secteur, Procteur & Gamble, et sa filiale OralB, leader mondial de la brosse à dents électrique, n’ont pas attendu longtemps pour sortir leur produit. Au cours de l’été, Oral-B réplique en sortant la White Pro 7000. Aux États-Unis, un autre acteur, Beam Technologies, s’est également mis sur les rangs avec la Beam Brush. Preuve s’il en est que le marché de la brosse à dents connectée offre de belles perspectives de business…

75 milliards d’objets connectés à l’horizon 2020 ! La brosse à dents connectée n’est qu’une goutte d’eau au regard de la vague d’objets connectés qui déferlent. Le chiffre de 75 milliards d’objets communicants provient d’un rapport datant de 2013, émis par le très sérieux cabinet d’étude Morgan Stanley. Nous sommes seulement en 2014 et on risque déjà la submersion ! T-shirt, stylo, casque de moto, bijou anti-agres-

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sion, raquette de tennis, réfrigérateur, capteur d’hydratation, porte-clefs, fourchette, moniteur de détection du sommeil de bébé, bague pour éviter de dormir au volant, etc. L’imagination des designers et des développeurs semble sans limites… À tel point que la question éthique émerge vite : jusqu’à quand connecterons-nous des objets avant de… nous connecter nous-mêmes ? Le scénario peut prêter à sourire mais certains, dans leur laboratoire, y réfléchissent très sérieusement. À ce titre, il est un produit qui fait beaucoup de bruit. Vous n’en avez probablement jamais vu (moi non plus d’ailleurs) et pourtant, elles incarnent probablement cette phase de transition. Ce sont les Google Glass. Disponibles à l’achat aux États-Unis et à Londres depuis cette année, elles ont déjà été utilisées par certains praticiens outre Atlantique lors d’interventions. Seul hic, la pauvreté des applications disponibles en dentaire. Il n’en existe qu’une seule pour l’heure : « Avinent glass » et elle est uniquement destinée aux implantologistes. Encore un peu de patience…

A.C.

Kolibree

Avant-première à l’ADF Après avoir été saluée par l’ensemble de la communauté high-tech de Las Vegas en janvier dernier (Consumer Electronics Show), la brosse à dents connectée made in France, Kolibree, sera présentée en avant-première en France sur le stand de l’UFSBD à l’occasion du salon de l’ADF qui se déroulera du 25 au 29 novembre prochain au Palais des Congrès, Porte Maillot à Paris. Les visiteurs pourront rencontrer les fondateurs de cette société, découvrir le produit, le tester et le commander sur place. Rendez-vous au niveau 1, stand UFSBD, 1M20.


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Le développement exponentiel du Web et l’innovation numérique changent la donne et modifient la relation praticien-patient. Le chirurgien-dentiste voit ses techniques de soins bouleversées tandis que son patient a accès à une foule d’informations via Internet. Comment, pour le praticien, gérer cette évolution ?

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L’e-patient est-il un nouveau patient ?

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elon une étude de l’Asip santé (Agence des systèmes d’information partagés de Santé), « qu’il s’agisse de comprendre ou de préparer une consultation, de s’informer sur une maladie, un médicament, un praticien, un examen… pour 7 Français sur 10 la réponse est sur Internet ». Le Web ne représente qu’une partie d’un phénomène qui est aujourd’hui amplifié par les outils numériques mobiles (smartphone, tablette, montre ou lunettes connectées) et leur kyrielle d’applications téléchargeables par tous. La France compte déjà 7 millions de mobinautes santé. De son côté, le gouvernement s’est décidé à

prendre le virage numérique à l’occasion du projet de loi de santé qui sera débattu début 2015. Le site public sur les médicaments (www.medicament.gouv.fr), mis en ligne il y a près d’un an en est le précurseur. La mesure 10 du projet de loi présenté par la ministre de la Santé le 15 octobre dernier annonce la création d’un véritable « service public d’information en santé » qui doit permettre « aux usagers de mieux s’orienter dans le système de santé ». Chacun, affirme le ministère, « disposera d’un “GPS santé” qui prendra la forme d’une plate-forme multimédia, facilement accessible et fiable pour tous (…) Ce “GPS santé” permettra de trouver un professionnel de santé, un laboratoire de biologie médicale à proximité, un spécialiste adapté à son

besoin, mais aussi de se renseigner sur la prévention et les moyens de rester en bonne santé, d’en savoir plus sur une pathologie, de connaître ses droits, de se renseigner sur un traitement, de s’informer face à une menace épidémique, etc. »

Un impact qui est aujourd’hui une réalité Une démarche que l’Assurance maladie a déjà initiée depuis de nombreuses années avec ameli-sante.fr (information sur la santé) et ameli-direct.fr. Avec ce dernier site, l’Assurance maladie propose à l’assuré de « chercher », de « trouver » un professionnel de santé ou un établissement… et surtout de « comparer » leurs tarifs. Les sites

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officiels sont loin d’être les premiers à aller sur ce terrain ! Les sites de notations, des forums ont fleuri depuis longtemps. Les premiers n’ont pas forcément connu le succès, mais la machine est lancée. Au-delà de ces initiatives publiques et privées, l’impact du Web est devenu une réalité pour la plupart des praticiens : selon les régions et le type de population, un professionnel de santé peut avoir une forte proportion de patientèle qui consulte Internet avant de se rendre à son rendez-vous, soit pour se renseigner sur des questions médicales, soit pour comparer ses prix à ceux de ses confrères. Alors, pour le praticien, comment vivre cette évolution ? La question n’est plus aujourd’hui de savoir si cela est une bonne chose ou non. Le phénomène existe et il n’a rien d’un feu de paille. Le site Doctissimo.fr fait partie des 100 sites français les plus visités (8 millions de visiteurs uniques par mois), en dépit de la concurrence effrénée avec les portails généralistes, les moteurs de recherche, les sites de services tels ceux des banques, les sites de courses ou de trocs en ligne…

Patient informé, patient mieux soigné Cette évolution est-elle bénéfique au rapport patient-médecin ? Catherine Cerisey, e-patiente qui s’est fait connaître par le blog qu’elle a créé dès l’annonce de son cancer du sein (http://catherinecerisey.wordpress.com), n’a pas d’hésitation sur le sujet : « La balance bénéfices-risques, pour reprendre une expression chère aux médecins, penche largement en faveur d’Internet ». Pour elle, « un patient informé est un patient mieux soigné, car non seulement il comprend ce dont il souffre et ce qu’il doit faire pour aller mieux, mais il devient acteur principal ». Elle insiste aussi sur le fait qu’il ne faut pas chercher à opposer le savoir du patient à celui du praticien : « Il s’agit de savoirs différents : profane d’un côté, scientifique de l’autre, sans aucun rapport vertical entre eux ». Il s’agit là très certainement d’un des points à comprendre pour gérer la relation aux e30

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patients. Si certains sont insupportables et arrivent au rendez-vous en prétendant tout savoir, beaucoup d’autres demandent au praticien de valider les informations dont ils ont pris connaissance. Ils cherchent un accompagnement, y compris sur le choix des sites ou des applications qu’ils utilisent. L’enquête « Les applications santé et vous » menée par Isidore Santé en 2014 montre que près de 20 % des personnes en ALD (affection longue durée) souhaitent que leur médecin leur conseille une application mobile de santé. En revanche, elle indique que seuls 9 % des professionnels de santé ont téléchargé une application patient pour pouvoir la conseiller.

Un point d’appui pour les explications au patient Même si Internet contribue à diminuer l’asymétrie de l’information entre patients et pro-

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9 % des professionnels de santé ont téléchargé une application patient fessionnels, la demande principale du patient est de pouvoir échanger avec son praticien sur ce qu’il a appris. Certes, cela oblige le praticien à être parfaitement à jour de ses connaissances et lui met une certaine pression en termes de formation continue. Mais cela lui permet aussi de disposer d’une autre voie de dialogue avec ses patients. Revenant sur le partenariat entre la CNSD et la société Land-Dentiste qui propose des sites Internet aux chirurgiens-dentistes, Régis Nègre, responsable de ce partenariat au sein du syndicat, explique parfaitement l’usage qu’un tel outil lui permet : « Avec ma tablette, je montre au patient les fiches pédagogiques du site -


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que nous avons élaborées avec l’éditeur de Land - qui montrent avec des schémas simples, les étapes d’une prothèse par exemple. Cela sert de point d’appui à mes explications. Mon patient peut ensuite retourner sur mon site pour revoir ces fiches et bien comprendre le plan de traitement. » L’étape ultime de cette démarche de dialogue entre patient et praticien a été conceptualisée sous le terme de « décision partagée ». Un concept qui peut encore faire bondir certains, mais que la Haute Autorité de santé (HAS) observe de près. Elle a publié en octobre 2013 un très instructif « État des lieux » au titre explicite de « Patient et professionnels de santé : décider ensemble ». Le document de la HAS revient entre autres sur l’origine et les implications de ce concept de « décision médicale partagée (…) qui se développe depuis les années 1990 aussi bien en France que dans les pays anglosaxons » et dans lequel l’essor des outils numériques n’est pas étranger.

L’atout des professionnels technophiles Une chose est sûre : aujourd’hui, si une appréhension existe envers l’e-santé et l’epatient de la part du professionnel de santé, elle n’est pas liée à une allergie à l’outil numérique, lui-même étant très connecté. L’enquête d’Isidore Santé montre que près de 9 professionnels de santé sondés sur 10 déclarent être mobinautes (50,2 % étant équipés d’un smartphone et d’une tablette, 33,3 % uniquement d’un smartphone et 5,1 % d’une tablette) et plus de 6 sur 10 déclarent utiliser des applications mobiles pour leur pratique. Il ne reste plus aux praticiens qu’à mettre à profit cette technophilie pour se positionner comme le référent de leurs patients en matière de sites et d’applications de santé de qualité ! Mais aussi décrypter avec eux les informations récoltées parfois mal ou partiellement comprises. Ces derniers ne demandent que cela. Dans ces conditions, le colloque singulier a de beaux jours devant lui.

STOKKETE/FOTOLIA

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Sites santé

Une boussole dans la jungle Signée en 2007, la convention de partenariat entre la Haute Autorité de santé (HAS) et la fondation helvétique Health on the net (HON) pour la certification des sites Internet de santé n’a pas été renouvelée en 2013. Explications.

S

i la certification HON a permis en son temps de tirer vers le haut la qualité des sites qui s’y sont soumis, elle montre toutefois ses limites. En effet, elle ne concernait que les sites français qui pouvaient, grâce à ce partenariat, bénéficier gracieusement de la certification HON. « Or, cela est très limité : Internet ne s’arrête pas aux frontières ! », constate le docteur Jean-François Thébaut, membre du collège de la HAS. En outre, certains sites français extrêmement consul-

tés, comme Doctissimo, ne sont pas certifiés HON. Enfin, la HAS a constaté, lors d’enquêtes d’opinion, que si les utilisateurs sont favorables à un principe de certification, ce n’est pas pour autant cette dernière qui, en pratique, guide leur choix de navigation. D’autant que celle-ci garantit la forme et les procédures mais pas les contenus. Autant d’éléments qui ont conduit la HAS à conclure que cette certification, malgré tout coûteuse, ne rend

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pas pleinement service à l’internaute. Une lacune que l’Autorité entend néanmoins corriger.

Les bonnes pistes « Aujourd’hui, on s’oriente plus vers un cahier des charges d’évaluation à destination de l’utilisateur en intégrant la qualité du contenu, que sur une labellisation au sens propre, explique Jean-François Thébaut. D’autant qu’avec l’évolution des Technologies de l’information et de la communication (TIC), l’attention ne porte plus tant sur les sites eux-mêmes que sur les applications santé, mobiles ou non. » Telle est donc la voie vers laquelle sont aujourd’hui orientés les efforts de la HAS, en cherchant notamment à faire le tri entre celles qui relèvent du bien-être,

de l’information ou de la e-santé. « Il existe près de 100 000 applications relatives à la santé, dont pas moins de 2 000 à 3 000 francophones. Il serait impossible de prétendre les évaluer ou les contrôler. En outre, parmi ces applications, certaines, ultra minoritaires, peuvent être considérées comme des dispositifs médicaux (par exemple, celles qui permettent de contrôler la glycémie) et sont donc normées, encadrées et disposent du marquage CE. Mais pour toutes les autres, il est très important de délimiter ce qui relève du champ de la e-santé et intègre des algorithmes décisionnels qui doivent être connus tout comme les données qui servent à les établir, poursuit Jean-François

Thébaut. Nous proposons de réfléchir puis d’élaborer une sorte de guide de bonnes pratiques à destination de l’internaute. Dans le monde, des sites proposent déjà une évaluation des applications mais il manque un vrai cahier des charges établi sur des bases scientifiques, critiques et déontologiques, qui permettrait à l’usager de connaître les bons critères d’évaluation. On ne peut évidemment pas contrôler tout ce qui se trouve sur Internet ! C’est donc à l’utilisateur de trouver un moyen pour évaluer la qualité des sites : notre proposition consiste à le guider et à lui rendre l’information lisible. »

Louise Dobel

Un cadre réglementaire et déontologique strict La profession dentaire ne doit pas être pratiquée comme un commerce et le site web d’un chirurgien-dentiste ne peut en aucun cas être un moyen promotionnel. Le Conseil national de l’Ordre national des chirurgiensdentistes (ONCD) a publié en 2012 une nouvelle version de sa Charte ordinale1 applicable aux sites Internet professionnels des chirurgiens-dentistes. Elle rappelle les règles déontologiques, notamment celles qui interdisent toute démarche publicitaire : proposer aux internautes de s’abonner à une lettre d’information constitue par exemple un acte de démarchage prohibé par le code de la Santé publique. S’il constate qu’un site est contraire aux dispositions du code de la Santé publique, le Conseil de l’Ordre peut décider de poursuivre le praticien titulaire du site devant les juridictions ordinales. Approuvée par le Conseil d’État2 au titre de « règlement » encadrant 32

l’information sur les sites des praticiens, la charte autorise toutefois à intégrer, sur le site web d’un praticien, l’ensemble des informations autorisées sur les autres supports (plaque ou papier à en-tête, etc.), comme l’adresse du cabinet et les qualités d’exercice. On peut également délivrer des informations médicales à finalité scientifique, préventive ou pédagogique ainsi que des conseils pratiques en termes de prévention de la santé bucco-dentaire en général. Enfin, il est désormais possible de mettre en place un dispositif de prise de rendez-vous pour les patients. L’utilisation de SMS est également envisageable dans le cas de rappel des rendez-vous des patients. Mais « la prudence et la justification sont les maîtres-mots dans la communication d’informations médicales, qu’elle soit matérialisée ou dématérialisée. Ainsi, un SMS ne mentionne des données médicales qu’en cas

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d’extrême nécessité, indique Marc Sabek, chirurgien-dentiste et docteur en droit, expert auprès de la cour d’appel d’Orléans. Doit-on s’attendre à un bouleversement de ces règles dans les prochaines années ? « Je ne suis pas devin, sourit Marc Sabek, mais au regard des décisions de justice ainsi que des principes fondamentaux liés à l’activité du soin, je ne pense pas que l’on outrepasse la ligne aujourd’hui infranchissable entre l’information du patient et la promotion. Les règles sur l’information ne devraient pas voler en éclats pour laisser la place à des règles permettant la promotion d’un cabinet dentaire ou d’un chirurgien-dentiste. » Éliane Louvet

1 www.ordre-chirurgiens-dentistes.fr/uploads/ media/Charte_Internet-08_2012.pdf 2 Décision n° 348259.


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SYDA PRODUCTIONS/FOTOLIA

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Boîte à outils

Testez les liaisons virtuelles De quels outils faut-il disposer pour faciliter l’organisation du cabinet tout en maintenant des liens avec les patients en dehors du cabinet ? Dans ce domaine, les fonctionnalités sont nombreuses. Focus sur deux d’entre elles.

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a gestion de l’agenda et de la prise de rendez-vous est souvent un casse-tête à la fois pour le patient qui doit appeler au cabinet au bon moment, pour l’assistante du praticien qui croule sous les appels et pour le professionnel de santé qui doit sans cesse trouver des créneaux. « Nous avons voulu régler ce problème », explique Edouardo Ronzano, président fondateur de Keldoc. Ce logiciel, lancé il y a un peu plus de deux ans, s’intègre directement à la base de données du professionnel de santé pour sélectionner les plages horaires libres et permettre aux patients via Internet ou une application, de prendre directement un rendez-vous. Le logiciel permet également de lutter contre l’absen-

téisme des patients « puisqu’un SMS de rappel leur est envoyé à 13 h 00 la veille du rendez-vous, avec un numéro de téléphone à appeler en cas d’annulation », souligne Edouardo Ronzano avant d’ajouter : « Faciliter l’annulation permet au praticien de ne perdre ni du temps ni de l’argent en proposant le créneau à un autre patient qui sera satisfait d’obtenir un rendez-vous rapidement. »

Un cabinet en ligne Une autre façon pour le professionnel de santé de rester connecté avec son patient consiste à mettre en ligne son propre site Internet. Cela lui permet à la fois de diffu-

ser des informations médicales (comme c’est le cas avec les fiches pédagogiques présentées par les sites Land) mais aussi d’assurer une relation avant et après la consultation. Certains sites peuvent également comporter comme fonctionnalité l’envoi de newsletters qui fournissent des informations à la fois scientifiques et pédagogiques. Quelle que soit l’offre, l’essentiel pour le chirurgien-dentiste est de pouvoir personnaliser les contenus et de pouvoir moduler le site à sa main, à la fois sur la forme et sur le fond. Avec une règle en tête : pas de promotion, que de l’information médicale et scientifique.

Laure Martin

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Google, Apple, Facebook croquent la Dans le milieu, on les appelle les « Big Four » ou GAFA, pour Google, Apple, Facebook, Amazon. Vous utilisez leurs moteurs de recherche, achetez leurs produits, communiquez et, eux, à l’aide de leurs puissants algorithmes et capteurs en tout genre, engrangent… énormément de données. La donnée ou « data », c’est l’or noir du XXIe siècle !

ANDREY ARMYAGOV/FOTOLIA

En France

Des initiatives existent. Umalife.com ou bien encore Betterise.me, lancé au cours de l’été dernier, avec Michel Cymes comme caution éthique, sont deux plateformes santé françaises qui mettent à disposition des utilisateurs un véritable tableau de bord santé personnalisé. Gérer les rendez-vous médicaux, suivre ses vaccinations, archiver ses ordonnances ou ses examens de santé, ces interfaces web accessibles depuis votre smartphone et interopérables avec la quasi totalité des objets connectés sur le marché vont vous permettre, non seulement d’analyser la qualité de votre sommeil, mais aussi de suivre votre activité physique ou bien encore votre alimentation en vous prodiguant conseils personnalisés sur un mode ludique. Ces « coachs » virtuels misent sur le créneau très porteur de la prévention qui préfigure probablement l’avenir de la médecine… À découvrir sur le web : www.umanlife.com www.betterise.me 36

out savoir sur tout le monde, pour demain en savoir plus sur vous et anticiper comportements et état physique, voilà l’ultime étape. Elle a déjà un nom : le web prédictif ! Mais avant de prédire, il faut apprendre à vous connaître. Chacune à leur manière, ces grandes « world company », doucement mais sûrement, acquièrent de l’info. Saviez-vous qu’en plaçant votre index sur la caméra de votre smartphone, ce dernier est capable de donner votre rythme cardiaque ? Votre iPhone 6, en plus de ses caméras et des micros, contient des gyroscopes (qui mesurent les rotations dans l’espace du téléphone), un accéléromètre (qui mesure ses mouvements), un compas, un détecteur de proximité, un détecteur de mouvement, un capteur de lumière, un baromètre. Ne manque plus que le thermomètre que le modèle du concurrent Samsung a déjà intégré sur son Galaxy S4 !

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Apple, l’invention du DMP ergonomique Que l’on se rassure, Apple ne manquera pas d’intégrer cette nouvelle fonctionnalité dans la version 7 de son iPhone ! Quoi qu’il en soit, aux côtés de ces « doudous » devenus indispensables, les montres connectées débarquent en masse. Apple Watch, Samsung Gear, Garmin Forunner, LG Watch, etc., des dizaines de montres connectées sont aujourd’hui sur le marché et captent les datas de leurs utilisateurs. Ces derniers déposent, comparent et partagent volontairement ces infos à leur gré via une pla-

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teforme web. Chez Apple, cette appli santé s’appelle Health. Elle préfigure de ce qu’aurait pu être notre dossier médical personnel, celui-là même qu’en France nous tentons de mettre en place depuis… 2004 !

Google teste la consultation en ligne Chez Google aussi, on mise sur la santé. CALICO, société fondée en 2013, n’est autre que le labo top secret de Google dont l’ambition est, ni plus ni moins, de faire reculer la mort en prolongeant la durée de vie humaine à coup de milliards de dollars ! À côté, on teste aussi des « petites fonctionnalités » qui devraient voir le jour très vite. Mi-octobre, la firme expérimentait aux ÉtatsUnis un service de consultation en ligne. En faisant une requête lambda sur un symptôme, le moteur de recherche vous propose instantanément d’être mis en relation, par visioconférence, avec un professionnel de santé capable de traiter votre douleur ou problème médical.

Facebook et les patients Toujours dans la Silicon Valley, chez Facebook, la santé ne laisse pas insensible non plus. Il faut dire que d’après les projections du syndicat professionnel Syntec Numérique (le 1er syndicat patronal du numérique), le marché de la e-santé pèserait entre 2,2 et 3 milliards d’euros par an, rien qu’en France !


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Anticipation

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nt la santé

Des automates au fauteuil en 2040 ? Au regard des innovations et des évolutions constatées dans l’ensemble des spécialités médicales, Laurent Alexandre*, chirurgien urologue et fondateur de Doctissimo.fr, porte un regard iconoclaste sur le futur de la chirurgie dentaire. Un exercice de prospective qui tourne à la science fiction ? Témoignage… i l’on se projette à court terme, il n’y a, a priori, pas de grands bouleversements à prévoir. À plus long terme en revanche, je vois plusieurs évolutions majeures. Parmi elles, le recul de l’activité prothétique, lié à l’effet de la fluoration : dans 50 ans, presque tout le monde aura eu dans son enfance de l’eau fluorée. Vers 2025-2030 se profile aussi l’utilisation des cellules souches pour refaire de la gencive (traitements des problèmes parodontaux) et des dents. Les techniques de laser existant aujourd’hui, permettant de favoriser la repousse de la dent, restent expérimentales et anecdotiques. On sera aussi beaucoup plus connecté, notamment avec le dossier médicodentaire électronique : la décision de faire un acte plutôt qu’un autre sera prise par un algorithme et un système expert. Mais tout ceci est un phénomène général : ma conviction est que, comme pour la chirurgie généraliste, une partie de l’activité du chirurgien-dentiste sera elle aussi robotisée. S’il est encore aujourd’hui difficile de prévoir quels types de robots seront utilisés dans les cabinets (automates capables de poser une prothèse – si on en pose encore ! – de traiter des caries...), la chi-

«S

Conséquence de ce marché très juteux, des rumeurs au mois d’octobre font état de l’entrée de Facebook sur le secteur de la santé. Selon l’agence de presse Reuters, le plus grand réseau social au monde avec ses 1,32 milliard d’utilisateurs actifs recensés en juin souhaiterait créer des « communautés de patients ». La société de Mark Zuckerberg aurait déjà mis sur pieds une unité de recherche et de développement afin de tester ses « applications santé ». Enfin, Amazon, plus discret mais pas moins efficace, investit depuis plus de 10 ans dans les sites de pharmacie en ligne sur le marché américain… Avec leur capitalisation boursière qui représente 90 % de celle du CAC 40 (taux de change inclus) et la masse de cash dont disposent ces 4 géants, ils ont les moyens de devenir des acteurs incontournables de la santé de demain… A.C.

rurgie dentaire fait néanmoins partie des activités qu’on doit pouvoir robotiser d’ici 2030-2040. Je pense que le rôle du chirurgien-dentiste va fortement évoluer pour la partie diagnostic et traitement. Il sera plus en retrait. Cela ne veut pas dire qu’il ne sera pas aux côtés du système expert. Mais son rôle technique va progressivement disparaître et sa tâche sera radicalement opposée à celle d’aujourd’hui. Il devra réinventer sa place : deviendra-t-il un superviseur de ces automates ? un manager ? un informaticien ? Sera-t-il aux côtés du patient ? On ne peut le savoir. Ce qui est sûr, c’est que l’exercice de la chirurgie dentaire sera complétement modifié à l’horizon 2040. Ces évolutions conduiront bien entendu aussi à s’interroger sur la place de l’assistant dentaire. Et l’impact de l’innovation et le développement de la robotique entraîneront la disparition des petits cabinets dentaires au profit de plus gros centres, capables de faire les investissements nécessaires. » Propos recueillis par L.C. * Laurent Alexandre est également l’auteur de La mort de la mort et La défaite du cancer chez J-C Lattes.

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