TRACES magazine #119

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Vol. 10 no 11 - 23 septembre 2016 | MENSUEL GRATUIT | 20 000 EXEMPLAIRES CERTIFIÉS | IMPRESSION INTERGLOBE TC TRANSCONTINENTAL

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TRACES est un mensuel gratuit distribué dans les Laurentides, dans Lanaudière, à Laval et à Montréal.

DIRECTION DE LA PUBLICATION Annie Depont 514 833-8718 annie.depont@tracesmagazine.com

RÉVISION LINGUISTIQUE Violette Dumont

ASSISTANTE Nathalie Daragon

www.tracesmagazine.com

DIRECTRICE DES VENTES Martine Roustan 514 591-1397 martine.roustan@tracesmagazine.com

IMPRESSION Interglobe

ADMINISTRATION 6, avenue Filion, Saint-Sauveur (Québec) J0R 1R0

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2016-08-15 16:05

GRAPHISME Claire Delpla, CommunicDesign.ca communic@communicdesign.ca

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RÉSEAUX SOCIAUX Josée Brisson

TIRAGE 20 000 exemplaires

Prochaine tombée : 5 octobre

DÉPÔT LÉGAL Bibliothèque nationale du Québec Bibliothèque nationale du Canada ISSN 1922-3463 Toute reproduction des annonces et articles de TRACES est interdite, sauf contrat spécifique.


TECHNO

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Dominic Guay Les vacances et la rentrée scolaire ont été dures pour le porte-monnaie ? Vous cherchez à faire des économies ? Jadis, nos grandsparents grattaient les fonds de tiroirs et nos parents découpaient des coupons-rabais. Aujourd’hui ? Il y a le cellulaire ! Flipp

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Patrice G. Llavador

Entre-soi « … sinon le désir de certitude et d’entre-soi commun à tous les Soviets » Daoud Boughezala*

« Entre-soi ». Ce mot composé, mis dans son contexte par M. Boughezala, a été un véritable révélateur de comportements qui ne m’ont pas rendu la vie facile. Comportements des gens qui vous assènent des contre-vérités, comme si c’étaient des conclusions de raisonnements et de lectures approfondies, des déductions personnelles mûrement réfléchies et raisonnées. Un jour, fatigué de ces assertions qui courent de bouche en bouche comme des évidences incontestables, on se met au travail, on va à la très grande bibliothèque, et on repart mois après mois, chargé de livres sur tous ces sujets difficiles. « L’entre-soi » qui vous régurgite des pans d’histoire ou d’informations non digérées, car l’on ne régurgite que ce justement on n’arrive pas à digérer. Premier exemple, quantitatif, le virus Ebola. Certes, ce virus est très dangereux et difficilement contrôlable. Et, pendant une paire d’années, on nous a littéralement assommés avec des qualificatifs énormes, disant que la propagation de cette maladie allait décimer les trois quarts de la terre. Au 17 mars 2016, ce virus identifié en 1976 avait fait 11 000 morts. Chiffre terrible, chaque mort étant pour tous les proches concernés une tragédie. À la même date, en un trimestre seulement, la malaria, joli nom du paludisme, aura tué 300 000 personnes, dont 90 % d’enfants. Chaque année, en Afrique seulement, la malaria tue 1 million de personnes, dont 900 000 enfants. Ebola : 11 000 morts en 40 ans, malaria : 40 000 000. Les cancers de toutes sortes régressent, la malaria progresse. Bravo les compagnies pharmaceutiques, qui ont mis avec l’Organisation mondiale de la Santé tous leurs efforts pour trouver une parade avec l’Ebola. C’est bien, mais ce serait aussi bien qu’on prenne conscience que la malaria est le problème des deux derniers siècles sur ce continent, devant le sida, qui lui aussi infecte 2 000 jeunes de moins de 24 ans par jour en Afrique sub4

saharienne, pour 78 millions de personnes infectées à ce jour et près de 25 millions décédées. Le virus Ebola a donc acquis une notoriété mensongère. C’est un des « entre-soi » les plus imbéciles, pour autant qu’un classement soit pertinent. Parler maintenant des autres « entresoi » pourra paraître moins pragmatique, car ils font référence à des évènements plus anciens ou moins quantifiables. L’Inquisition. Connaissez-vous beaucoup de personnes ayant une idée exacte du nombre de condamnations dues à l’Inquisition, et des conditions de l’établissement de cette pratique judiciaire ? Connaissez-vous beaucoup de personnes qui, lors d’une discussion autour d’un repas, vous disent qu’ils ont lu tel ou tel ouvrage sur l’Inquisition, et qu’ils sont capables de vous donner des dates et des chiffres précis ? Non. Avez-vous, vous-même, lu sur cet épisode funeste ? Et si cela était, avez-vous fait ce saut qualitatif qui vous met en position de juger des pratiques de l’époque, pas celles d’aujourd’hui ? Les chiffres, les voilà : en 140 ans, l’Inquisition a exécuté entre 3 000 et 5 000 personnes, ce qui fait 0,07 par jour. En 2015, d’après Amnistie Internationale, il a été mis à mort « légalement » dans le monde 1 634 individus, principalement des homosexuels, des apostats de l’Islam, des criminels. Soit 64 par jour, à peu près 1 000 fois plus que pendant l’Inquisition. Certes, l’Inquisition a peut-être tué des homosexuels, mais surtout des hérétiques torturés avec application, probablement beaucoup d’innocents ou de mécréants, adjectif aujourd’hui très utilisé dans bien des circonstances mortifères. Il est évident que je n’approuve pas l’Inquisition avec mes yeux d’Occidental du XXIe siècle, mais je m’efforcerai toujours de me replacer dans les mentalités de l‘époque pour remettre ces évènements dans le contexte social

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et politique de l’époque. Et surtout, d’apprécier la valeur d’une vie humaine en ces temps très durs. Les croisades. À chaque coin de rue, pour justifier les actions terroristes de certaines catégories de malades mentaux, on nous renvoie dans les gencives l’histoire des croisades. « L‘entre-soi » nous martèle avec vigueur la scélératesse des chevaliers moyenâgeux partis en découdre avec ce que nous, dans le monde chrétien, nommions les infidèles. Comme pour expliquer ou justifier le retour de flamme de ces justiciers, qui eux sont restés accrochés aux anciennes pratiques. Rappelons-nous quand nous étions petits, les croisades étaient vues de manière positive. Les croisades avaient été lancées par saint Bernard pour aller reprendre le tombeau du Christ, tombé aux mains des musulmans. Quoi ? Cette démarche à l’époque était-elle obscure ? Si la dépouille de Mahomet était dérobée et installée à Paris au Père-Lachaise, je vous laisse imaginer le branle-bas de combat. Il y aurait des pages et des pages à écrire pour expliquer tout ceci et le justifier. Mais « l’entre-soi » ne nous laisse aucune place. Comme il ne nous laisse aucun espace pour parler des colonisations. J’allais écrire que la colonisation, c’est moche. Mais où peut-on faire remonter le premier colon ? Il y a 3 millions d’années, notre ancêtre Lucy remontait d’Afrique pour aller « coloniser » la planète entière. Toute l’histoire de l’humanité repose sur les mouvements sanguinaires des peuples armés, les plus puissants assujettissant les plus faibles. Un jour, l’Europe méditerranéenne en a eu assez que les bateaux turcs, les « barbares » écument cette mer fermée. Et que les razzias — ce mot qui n’a pas d’équivalent dans aucune langue vient de rezzou, mot arabe désignant une certaine manière d’aller chercher chez les autres ce qu’on ne produit pas soi-même, ou qu’on ne peut ou veut produire — ces raz-

zias, donc, qui voyaient les Turcs d’Alger pirater tout ce qui faisait commerce en Méditerranée. À quoi s’ajoutent une bonne dizaine de milliers d’esclaves, les hommes châtrés et les femmes vendues. Et c’est dans ce contexte que la France a envoyé son armée mettre de l’ordre, et puis tiens, l’Afrique du Nord, ça n’est pas si mal, elle s’est installée et a créé cette Algérie de toute pièce, qui aujourd’hui nous vomit. Mais « l’entre-soi » ne fait pas la part du feu, et nous a mis en demeure de nous excuser. Il y a beaucoup à dire et à écrire sur ce phénomène de la colonisation, et je souhaiterais que mes nombreux amis algériens sortent de ce confortable « entre-soi » et en débattent. D’autres « entre-soi » sont à dénoncer, la discussion a été lancée dans ces colonnes : les athées qui reprochent aux religions leurs tueries au nom de la foi, alors que les Staline et autres Hitler ont été responsables de morts atroces, ces deux ayant clairement exposé leur athéisme. Le fait que les nations occidentales refusent de dire qu’elles sont nées du christianisme en est un autre exemple. La place manque pour énumérer ces séances de battage de cul en rond, où le dénominateur commun est la soumission à une idéologie gauchisante, moribonde, nauséabonde, où les vérités sont masquées pour tenter de sortir d’une civilisation dont nous sommes tous les enfants. En tous les cas, je remercie M. Daoud Boughezala pour cette fulgurante image de « l’entre-soi », où tout le monde sans aucune profondeur se tape sur les cuisses et se congratule dans le confort d’idées toutes faites et prédigérées. Ce qui donne sa place au qualificatif « soviet », car « l’entre-soi » ne tolère aucune contradiction. Mais méfions-nous des idées mal digérées, on ne sait pas trop ce qui peut en sortir. * Rédacteur en chef de Causeur causeur.fr


EXPO

Michel gautier : Il était une foi Rétrospective au Centre d’art Diane-Dufresne à Repentigny

Annie Depont

« Michel… une rétrospective, n’est-ce pas un peu tôt ? » Je ne sais pas s’il a aimé la plaisanterie, toujours est-il qu’il est capable d’en prendre, comme on dit au Québec, et qu’à aucun moment, il n’a perdu son humour et sa causticité. Il y a longtemps que nous nous connaissons. Cependant, l’art pluridisciplinaire de Michel Gautier, outre son habileté technique, n’est pas à prendre à la légère, mais pousse à la réflexion ainsi qu’à la recherche de nombreux symboles et références que l’artiste ne se donnera pas la peine de dévoiler, préférant laisser aux spectateurs le plaisir de la découverte des différentes profondeurs de son œuvre, selon les codes et connaissances de chacun. La disposition muséale étant évidemment différente de celle de son atelier, je me demande si je serai capable de retrouver, dans un abîme de miroirs, les hexagrammes cachés des Vikings… Par contre, j’ai hâte d’aller découvrir l’odeur du ciste, qu’évidemment je ne connais pas, qui faisait partie de la composition des onguents utilisés dans les techniques de momification. Une référence visuelle à cette pratique du temps des pharaons se retrouve dans les innombrables bandelettes dont l’artiste a habillé les branches d’arbre ainsi momifiées et donc conservées. La forêt de totems qui a fait l’objet de nombreuses expositions et performances sera, pour cette fois, non pas posée au sol, mais suspendue. L’artiste me raconte le rapport professionnel tout à fait privilégié et empreint d’admiration qu’il entretient avec la commissaire, Manon Régimbald, directrice de la Maison du village

de Val-David. Il me dit aussi combien il apprécie l’homme de parole qui dirige le Centre d’art Diane-Dufresne, François Renaud, et, enfin, qu’il ne saurait se passer de l’apport olfactif du sculpteur d’arômes Michael Moisseeff. Un événement par Michel Gautier sera toujours une expérience multisensorielle. Le théâtre de représentation de Gautier nous donne à voir, à sentir la nature. Cependant, elle nous regarde à son tour. À l’heure de la sixième extinction des espèces, ces espaces miroitants propices à la réflexion nous questionnent sur notre propre rapport à l’univers. - Manon Régimbald L’être humain est une partie d’un tout, ni plus ni moins importante qu’une rivière, une forêt ou une chaîne de montagnes. Je parle de l’illusion de la séparation entre nous et le reste de la création. Je dénonce l’inconscience de l’homo centrisme avec son matérialisme aveugle, érigé en norme. Nous dépendons de la qualité de notre environnement et son état reflète notre état... Nous devons penser différemment. - Michel Gautier La rétrospective Michel Gautier, Il était une foi se tient actuellement jusqu’au 30 octobre dans la grande salle du Centre d’art Diane-Dufresne, à côté de l’exposition de photos Œil pour œil de Sophie Thibault et Diane Dufresne. Le professeur Norman Cornett animera une de ses fameuses Rencontres dialogiques les samedi 1er et dimanche 2 octobre à 14 h au sujet de l’exposition de Michel Gautier.

© Michel Gautier

IL ÉTAIT UNE FOI MICHEL GAUTIER

Manon Regimbald, commissaire 14 SEPTEMBRE AU 30 OCTOBRE 2016

CENTRE D’ART DIANE-DUFRESNE 11, allée de la Création, Repentigny | 450 470-3010

Heures d’ouverture Mer. au vend. : 13 h à 17 h | Sam. et dim. : 10 h à 17 h

ville.repentigny.qc.ca/cadd

Entrée libre

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LANGAGE Robert Riel

Les avancées technologiques et les progrès dans les sciences de la gestion ont grandement permis, au cours des dernières années, de modifier les techniques d’administration. Par exemple, la grande majorité des contribuables canadiens utilisent maintenant Internet pour transmettre leurs déclarations de revenus et pour échanger des renseignements avec les gouvernements sur ce sujet.

La bureaucratie Initialement, la bureaucratie comme principe de gestion assumait l’autorité suprême et sans contradiction des chefs de la hiérarchie, croyait à la nature infaillible de la routine administrative et, surtout, comptait sur des réactions prévisibles du système. Mais il y a eu beaucoup de dérives, et maintenant la bureaucratie (« cratie » vient du grec kratos, qui signifie pouvoir, soit le pouvoir du bureau) est considérée de façon très péjorative. Formulaires à remplir en plusieurs exemplaires et à transmettre à un certain département nébuleux situé dans une hiérarchie kafkaïenne, ubuesque ou dantesque pour être analysés par des individus qui utilisent un vocabulaire nietzschéen ou lacanien. Ces formulaires sont examinés (lentement), scrutés (avec une flexibilité relative) et étudiés (sous plusieurs angles) avec des règlements prosélytes, et ce, par plusieurs personnes (la copie blanche à un individu, la rose à un autre, puis la bleue et sans oublier la jaune) ayant des intérêts différents pour canaliser l’information fournie. Dans la plupart des cas, les exami-

nateurs, utilisant un jargon bureaucratique, exigent des renseignements supplémentaires, demandent des corrections, requièrent une confirmation ou des preuves, étudient le contenu pour isoler toute contradiction ou trouver une faille, redirigent la demande vers un autre bureau, etc. Votre dossier prendra du retard. Des lourdeurs administratives, difficilement gérables et digérables et créant encore plus de paperasserie, seront notées. Vous tenterez de joindre un agent au téléphone pour obtenir plus d’explications, en faisant le 1 ou le 2 et le 5 ou le 7, etc. Eugene McCarthy aurait dit « la seule chose qui nous sauve de la bureaucratie, c’est l’inefficacité. Une bureaucratie efficace est l’une des pires menaces à la liberté ». La simplification des processus et la bureaucratisation ne font pas un bon mélange (ou ménage). Peut-être faudrait-il traiter la bureaucratie comme une nouvelle forme d’art ? Effectivement, il faut être un artiste de grands talents pour concevoir des dédales bureaucratiques et superfétatoires.

semaine. Je les lis dans La vie est d’hommage*, de Jack Kerouac (19221969). Oui. C’est l’écrivain d’origine canadienne-française né à Lowell, en Nouvelle-Angleterre, cofondateur de la Beat Generation et auteur d’un roman célèbre : On the road. « Un gars de l’Ouest, de la race solaire, tel était Dean », lit-on dans ce livre, qu’il considère son chef-d’œuvre. Mais c’est là une traduction. Dans La vie est d’hommage, on découvre les textes qu’il écrivait en français, sa langue maternelle. Ils n’avaient jamais été publiés. Y figure entre autres son roman Sur le chemin, bien différent de On the road. L’écriture y est phonétique et changeante. « A s t heur », « a s’t’heure » ou « astheure » se côtoient, tout aussi bien que « trottoir » et « sidewalk ».

tophe Cloutier, professeur de littérature anglaise en Pennsylvanie, qui nous fait connaître ces textes. En accord avec John Sampas, héritier du patrimoine littéraire de Kerouac, il nous livre des récits plus ou moins longs de l’écrivain. Le plus beau reste sans doute La nuit est ma femme, écrit sous le pseudonyme de Michel Bretagne (Kerouac est un nom breton). L’œuvre s’ouvre sur des passages doublement émouvants, vu leur style. « J’ai pas aimé ma vie. C’est la faute a personne, c’ainque moi. Je voué ainque de la tristesse tout partout. » Plus loin : « Je suis Canadien Français, m’nu au-monde a New England. Quand j’fâcher j’sacre souvent en Français. Quand j’reve j’reve souvent en Français. Quand j’brauille, j’brauille toujours en Français. »

reconnaît un pouvoir unique. « La langue canadienne-française est la plus puissante au monde », note-til. Ailleurs, il ajoute en anglais : « Les auteurs américains qui n’écrivent et ne parlent qu’une seule langue sont chanceux. » En général, il cherchera toutefois à cacher sa relation « endommagée » avec le français en évoquant le plaisir de connaître deux langues. C’est ainsi que ces nouveaux textes se lisent lentement. Nous ne sommes pas habitués. Mais tout Kerouac est ici. « L’air frèche », gagner sa « croutte », les « bums », « l’highway », « le roadtrip »… « Imagine tué drivez toute ce chemin la de Denver a New York », Marie-Aude.

La nuit est ma femme

« Je suis tu capable d’écrire ? »

Si un débat a été soulevé autour de ces textes inédits, c’est Jean-Chris-

Kerouac est déchiré. Son français s’enfonce. Malgré lui. Pourtant, il lui

conservées, répertoriées, cataloguées, archivées et classées. L’emploi du papier, qui devait s’amenuiser avec l’introduction de l’ordinateur, demande de plus en plus d’arbres à abattre. L’utilisation de 15 000 milliards de feuilles pour les imprimantes (soit 475 000 à la seconde) est requise annuellement par les systèmes informatisés de par le monde. L’usage du papier et du carton a progressé de 18 % en 10 ans.

Mais une pratique vieille comme le monde persiste et perdure : la bureaucratie et, par extension, la paperasserie.

« Combien faut-il abattre d’arbres pour fabriquer le papier de la campagne électorale du parti écologique ? » a blagué Patrick Sébastien.

Dans tout organisme gouvernemental (tant fédéral que provincial), municipal ou scolaire, et la plupart des firmes privées, le papier est roi. Même plus, le papier règne comme un empereur, un dictateur ou même un tyran.

La problématique s’amplifie lorsqu’ on examine le processus impliquant la bureaucratie. L’invasion de la bureaucratie dans tous les domaines affecte systématiquement chaque individu dans nos sociétés modernes. « Ce dont le monde a vraiment besoin, c’est de plus d’amour et de moins de paperasse », nous a dit Pearl Bailey. Tout un chacun a déjà eu une expérience sûrement abracadabrante avec la bureaucratie.

Bien que les logiciels soient perfectionnés et permettent d’engranger des masses de documents, plusieurs copies sous forme papier sont toujours exigées. Ensuite, celles-ci sont

Lettre à Marie-Aude La langue de Kerouac Serge Provencher

Tu écris sur Facebook, chère Marie-Aude, après un autre exploit : « Triathlon Valleyfield : done. Now, it’s time to chiiiiilllllll. » Comme les jeunes de 26 ans. Comme tes amis. Comme Cœur de Pirate. Qui passent par l’anglais pour s’exprimer. Or, je ne te l’ai jamais dit, mais je suis inquiet. Qui défendra le français, si ce n’est les jeunes femmes brillantes, éduquées et sensibles comme toi, ma grande amie ? On se comprend : ta maîtrise de l’anglais et de l’espagnol, c’est une richesse. Mais je crois que l’heure est encore et toujours à la promotion d’un français en danger au Québec. « Bâtir une fence »…

« Bâtir une fence alentours d’une Navy hospital. A bunch de gas d’Lowell travailla dejas » (page 87)… Voilà des phrases qui me rappellent comment le français est fragile cette 6

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* Kerouac, Jack. La vie est d’hommage, Montréal, Boréal, Textes établis et présentés par Jean-Christophe Cloutier, 2016, 347 p.


ENTRETIEN Louis-Philippe Hébert de La grenouillère

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Annie Depont

Louis-Philippe Hébert, sous une tonnelle à Montréal, en cette fin d’été. Il pleut à verse. Le bruit de la rue Saint-Denis nous dérange, mais le récit prend assez vite le dessus. Une vie si remplie qu’il faudrait une biographie complète pour en comprendre les circonvolutions et aléas, qu’ils soient numériques ou naturels. Une suite de longues périodes de métiers aussi variés que programmeur-informaticien, consultant pour maisons d’édition en difficulté, romancier, poète, éditeur et j’en passe; des réussites professionnelles notoires et quelques déceptions, évidemment, n’ont pas terni le sourire, la gentillesse et le goût de la perfection de cet homme qui avoue avoir eu la chance (le flair ?) de se trouver au bon endroit, au bon moment, avec les bons outils. Mais aussi la lucidité de quitter la table lorsque celle-ci devenait trop encombrée de convives cupides. À la cinquantaine, il se demanda s’il voulait devenir comme eux. Rester signifiait devenir cynique. « Je

voulais continuer à vouloir créer, je ne souhaitais pas devenir un patron sans âme. » « J’ai déjà rencontré un important patron de presse on vous aime, on va investir en vous ! Un an plus tard, il vendait ma boîte à un grand groupe. » Ce jeune septuagénaire aime encore voyager sac à dos, rencontrer des gens, se sentir libre et se nourrir à la source d’un monde sans frontière. En tant qu’éditeur, le patron des Éditions de La Grenouillère lit absolument tout ce qu’on lui envoie, et ce, jusqu’au bout, car on n’est jamais à l’abri, pense-t-il, d’une bonne – ou d’une mauvaise – surprise à la fin de l’ouvrage. « J’ai toujours eu une fascination pour ce que les gens écrivent, dit-il, et je comprends ce que les auteurs vivent. Leur impatience, leur nervosité, l’inquiétude. Je pense que cela les rassure que je sois aussi un écrivain ayant connu comme eux, voire connaissant encore, les mêmes affres. » Louis-Philippe Hébert, c’est deux livres par an, un en poésie, un en prose, et une maison d’édition qui

croit en ses auteurs et qui est fidèle à ceux qui le lui sont. Le catalogue des Éditions de La Grenouillère compte aujourd’hui quelque 40 titres d’auteurs québécois et étrangers. En 2015, Louis-Philippe Hébert s’est vu remettre le Prix du Gouverneur général pour Marie Réparatrice. Il est membre de l’Ordre des francophones d’Amérique où il a été reçu en 1985 par le poète Gérald Godin, alors ministre de la Culture, et René Lévesque, alors premier ministre, pour souligner « l’exceptionnelle qualité de sa participation à la vie française en Amérique ».

Louis-Philippe Hébert

Marie Réparatrice roman poème

La citation de la maison :

« N’en déplaise aux fâcheux, aux mauvais coucheurs et aux mal lunés, on finira bien par s’apercevoir un jour ou l’autre que tout ce qui grouille, grenouille, scribouille change le monde. » — Charles de Gaulle

« Un vrai petit miracle ! » — Jean Royer

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L’accueil de PAIRS

Photo : Charles-Olivier Bourque pour QUARTIER LIBRE, le journal indépendant des étudiants de l’UdeM

RÉFUGIÉS

Myriam St-Georges

avec la collaboration de Marie-Philippe Asselin, de Valérie Fortier et d’Ahlem Ammar La question de l’accueil des réfugiés syriens a soulevé à la fois empathie et inquiétudes, et fait couler beaucoup d’encre dans les médias du monde entier au cours des derniers mois, voire des dernières années. Le Canada n’a pas fait exception à cet égard, mais il s’est aussi démarqué par son ouverture et son accueil chaleureux d’un nombre remarquable de Syriens, tant par parrainage privé que public. Mais qu’arrivera-t-il à ces familles bouleversées lorsqu’elles poseront enfin les pieds sur leur nouvelle terre d’accueil ? Comment le Canada pourra-t-il accueillir autant de réfugiés en si peu de temps sans brusquer quiconque et réussir à fournir des services convenables ? Ces questions en ont inquiété plus d’un, et ce, avant même l’arrivée de ces familles au pays. Interpellés par cette cause et désireux de « faire leur part », des étudiants de l’Université de Montréal (UdeM) se sont unis pour contribuer à l’accueil de leurs nouveaux concitoyens. Des étudiants en enseignement du français langue seconde, auxquels se sont immédiatement joint des étudiants en psychoéducation et en psychologie, ont fondé un regroupement étudiant, le Projet d’accueil et d’intégration des réfugiés syriens de l’Université de Montréal (PAIRSUdeM), devenu par la suite un or8

ganisme à but non lucratif enregistré auprès du Registraire des entreprises du Québec. Avec seulement leur bonne volonté, leur foi en leur initiative et le soutien de quelques professeurs et autres membres du personnel de l’UdeM, ils se sont lancés et ont bâti un projet bénévole d’envergure en quelques semaines seulement au cours de la session d’automne 2015. Rapidement, ils se sont fait connaître, 1° au sein de leur université par leur implication dans l’Action humanitaire et communautaire de l’UdeM (AHC) et leurs collectes de fonds; 2° au sein des communautés culturelles et religieuses et des organismes venant en aide aux immigrants et réfugiés suite à leurs appels de collaboration; 3° au sein de la population migrante des réfugiés syriens arrivés à Montréal grâce à des séances d’accueil et d’inscription aux cours et aux activités gratuites.. La couverture médiatique de plusieurs événements orchestrés par PAIRS-UdeM a également contribué à faire connaître le regroupement étudiant du reste de la communauté universitaire et même de la population en général. Cette initiative, qui n’était qu’une idée lancée lors d’une conversation entre une étudiante et une professeure lors d’un après-midi en novembre 2015, s’est concrétisée le 28 février 2016 lors de la première activité sociale et artistique. Se sont enchaînées des séances de cours de francisation et d’activités les samedis des mois de mars à juillet 2016, interrompus temporairement pour la période estivale.

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Les retombées de PAIRS-UdeM sont vastes. Les plus évidentes concernent évidemment les bénéficiaires des cours de francisation et des activités sociales et culturelles à visée intégrative : lors de leur arrivée, les réfugiés doivent généralement attendre plusieurs mois sur des listes d’attente avant d’obtenir une place dans les cours de francisation subventionnés par le gouvernement du Québec et de bénéficier des services d’organismes communautaires. Pendant ce temps, plusieurs éprouvent de grandes difficultés à s’installer et à reconstruire leur vie ici : à son arrivée au Canada, environ la moitié de notre clientèle ne parlait ni anglais ni français ! Aussi, plusieurs de ces nouveaux arrivants ne connaissent pas l’alphabet latin et certains sont même analphabètes dans leur propre langue, l’arabe. Jusqu’à leur admission dans un cours de français, ils n’arrivent donc pas à effectuer les activités les plus simples de la vie courante, comme utiliser le réseau de transport collectif (métro, autobus), aller à la banque, effectuer leurs courses ou simplement lire les noms des rues ! PAIRS-UdeM leur a donc tendu la main dès les premiers jours et semaines de leur arrivée afin de les aider à devenir autonomes le plus tôt possible, mais aussi de leur offrir un accueil chaleureux. Par ailleurs, ce projet fut énormément enrichissant pour les étudiants de l’UdeM qui y ont participé, et ce, à plusieurs égards : il leur a donné l’occasion de mettre en pratique et de peaufiner leurs compétences dans leurs champs disciplinaires d’études sans les contraintes et la pression qui s’imposent lors des stages de leurs programmes de formation universitaire; d’entrer en contact direct avec une partie de la population qui est souvent méconnue du citoyen ordinaire; de découvrir (ou redécouvrir) le plaisir d’aider son prochain à travers le bénévolat; de devenir des ambassadeurs de leur université et des leaders positifs; d’apprendre à mettre sur pieds, à gérer et à autofinancer une organisation d’envergure; de découvrir plusieurs services et ressources qu’offre l’UdeM à ses étudiants pour leurs projets les plus variés; d’apprendre à collaborer avec d’autres (futurs) professionnels avec lesquels ils seront forcé-

ment appelés à travailler dans leur future carrière; etc. D’autre part, PAIRS-UdeM a sans doute donné un exemple d’ouverture vers l’Autre et d’entraide : des étudiants bénévoles sans grands moyens ni obligation quelconque envers les réfugiés syriens ont décidé par euxmêmes de sacrifier leurs soirées et leurs fins de semaine afin de venir en aide à des personnes dans le besoin, alors que celles-ci faisaient l’objet de tant de méfiance, autant dans les médias conventionnels que dans les médias sociaux. Voilà la preuve que les étudiants ne pensent pas qu’à faire la fête et se plaindre qu’ils n’ont pas d’argent ! Selon la doyenne de la FSE (faculté des sciences de l’éducation), Louise Poirier, l’Université a tout à gagner à multiplier ce type d’initiative. Le PAIRSUdeM correspond parfaitement à la mission de la faculté, « qui se veut ouverte sur le monde », dit-elle. « En plus de former des enseignants et des chercheurs de grande qualité, on tient à être partenaire dans les enjeux sociaux et à mieux répondre aux défis de l’école », affirme pour sa part Ahlem Ammar. À son avis, en accueillant des milliers de réfugiés, le Canada a fait un premier pas pour changer leur sort, mais ce qui reste à accomplir est énorme. « Toute la société doit participer à leur intégration. La responsabilité de l’université est considérable, car elle peut être le meilleur agent de changement et c’est sur cette base qu’on a jugé nécessaire d’intervenir. »* Bref, PAIRS-UdeM est un exemple frappant de l’importance de l’implication des universités et des étudiants dans la société et la communauté, mais aussi de l’importance d’encourager et de soutenir ce genre d’initiative, tant pour la formation des professionnels de demain et la recherche d’approches alternatives, mais aussi pour la construction et le renforcement d’une société unie et solidaire où il fait bon v. * Nancy, D. (2016, 18 mars). L’UdeM ouvre ses portes aux réfugiés syriens. Forum. Repéré à http://fse.umontreal.ca/ nouvelles/nouvelle/article/ludem-ouvreses-portes-aux-refugies-syriens/


Annie Depont

Une heure en compagnie de Me Goldwater n’est pas un moment anodin. Elle nous reçoit dans son bureau, au 23e étage d’une tour ultra moderne au centre de Montréal. Nous sommes accueillies, ma fille et moi, par un énorme gorille… tout droit sorti des studios Universal. Pas tout à fait ce à quoi on s’attend en entrant dans le cabinet d’une grande avocate. Mais après tout, elle est spécialisée en droit de la famille, alors nous pensons qu’il s’agit là d’une décoration destinée aux enfants. D’ailleurs, une petite fille en robe fleurie danse pieds nus dans l’entrée, ne se préoccupant absolument pas de notre présence ni de celle du gorille. Plus tard, nous découvrirons que cet imposant personnage fait partie de la grande collection de la maîtresse des lieux. Des peluches, il y en a partout ! Comme l’enfant qui sautille devant nous librement, Anne-France Goldwater ne se préoccupe apparemment pas du tout d’être conforme à la norme et assume ses choix, qu’ils soient superficiels ou profonds. Se montrer authentique en toute occasion, n’est-ce pas là sa force ?

"Plus grande que nature" une biographie d'Anne-France Goldwater par Martine Turenne, sortira chez Libre Expression le 26 octobre.

Maître Anne-France goldwater

Dès le début de l’entretien, je m’aperçois que les sujets sur lesquels nous allons échanger sont bien trop abondants pour tenir en une heure et une page. Et elle s’exprime tellement bien que je n’irai pas ouvrir les guillemets et lui mettre des mots dans la bouche. On part avec le projet de loi concernant l’interdiction des chiens de type pit-bull pour aboutir à la notion de ségrégation dans tous ses aspects : l’antiféminisme, le racisme, l’interdiction de porter le voile, l’accueil houleux des immigrants, les déplorables discussions autour de la Charte des valeurs québécoises, tout cela participe — nous sommes bien d’accord — d’une épidémie de désordre social qu’il faut combattre par l’éducation. Tout un chacun a droit à son opinion et à son expression, mais il y a lieu, je pense, de réapprendre (ne l’a-t-on jamais su, depuis la Grèce antique ?) à débattre sans violence. Véhémence, oui, violence, non. La véhémence n’est pas ce qui manque à la fougueuse AnneFrance Goldwater, c’est son métier de convaincre. Elle est belle à voir aller et son discours empreint d’une grande humanité remet toujours les sujets – thèmes et gens — à leur bonne place. Un ami m’a dit, alors que je préparais cette rencontre, « tu verras l’émission L’Arbitre, c’est désolant ! » Je me suis forcée, car je ne regarde jamais la télé, et j’ai découvert la face cachée et fort utile de cette émission animée par Me Goldwater. Il s’agit d’une émission d’éducation populaire. Il faut arrêter de tout prendre au premier degré – c’est ce que la télé en général nous incite à faire —, on nous embrouille le cerveau, on nous empêche de réfléchir en nous interrompant sans cesse avec des pubs répétitives et débilitantes. Cela dit, on peut se mettre à la portée des gens sans se mettre à leur niveau, c’est ce qui se passe dans cette émission. Peut-on quand même donner crédit à cette femme brillante qui entrait à McGill à 16 ans et au barreau à 21 ? Dont les interventions ont plus d’une fois nourri la jurisprudence du droit familial au Canada ? Oui, elle est controversée, mais quel personnage public ne l’est pas ? Et ne voit-on pas surgir, avec les médias sociaux, toute une faune d’incultes surexcités s’attaquant lâchement à la personne, plutôt qu’à ses idées ? Moi-même j’en fais les frais, alors imaginez ce qu’elle reçoit à son niveau ! L’implication visible est toujours attaquée par les frustrés, les jaloux et par ceux qui ne savent pas quoi faire de leur vie.

dans vos démarches d’implantation avec un support administratif avec un réseau d’experts franco-canadiens

Seuls les faibles et les tyrans se détournent de leurs opposants, les insultent et, parfois même, leur veulent du mal.

— Salman Rushdie 23 septembre 2016

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Tricoté serré Francine Vandelac

1973… Quelle année fabuleuse pour moi! Le ministère de l’Industrie et du Commerce du Québec met sur pied « Montréal-Mode » pour promouvoir les designers québécois au Canada et aux États-Unis et j’y participe. On invite les journalistes et chroniqueurs de mode de toutes les publications canadiennes et américaines à assister aux défilés grandioses des créations des designers d’ici. Dans le décor majestueux du salon Ovale du Ritz Carlton, les mannequins célèbres de l’époque présentent un aperçu des collections lors d’un souper le vendredi soir, et le samedi est réservé à la présentation des créations de chaque designer. C’est mon tour, le dernier de la matinée… je jette un œil furtif, cachée en arrière scène, fébrile, le cœur battant la chamade… Le dernier modèle revient, les mannequins ressortent toutes à la file l’une de l’autre… et les bravos fusent de toutes parts, standing ovation, j’ai des frissons… Wow! Je dois sortir de ma cachette et me rendre disponible pour les journalistes. En me rendant à l’arrière de la salle, je croise le président de

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Holt Renfrew qui me félicite et me demande si mes créations sont offertes à son magasin. « J’ai présenté ma collection l’année dernière à une de vos acheteuses, dont j’ai oublié le nom, qui a levé le nez sur le fait que ces vêtements n’étaient pas européens. », ai-je répondu. Il me remercie et je sors de la salle pour me retrouver sur le palier du foyer où je suis envahie par les flashes des photographes, des caméras de télé, des micros de radio; ils veulent tous interviewer la jeune québécoise qui baragouine à peine l’anglais avec ce charming accent et qui crée des tricots mode en laine du pays. Ouais! Ce fut mon heure de gloire… on en a tous une quelque part dans une vie. Le lundi matin, dès 9 h, je reçois un appel à mon bureau du président de Holt Renfrew me disant qu’il m’envoie un acheteur dans l’heure qui suit, qu’il a un budget de X $ et me prie de le guider dans ses achats. Hum! Petit velours. Quelque temps plus tard, mes créations seront à la une de la vitrine du coin de ce magasin réputé. Suite à ce grand succès, le directeur fort sympathique de la Délégation

23 septembre 2016

Photo: Time Magazine, montage : Marie-Josée Roy

(suite 4)

générale du Québec à New-York, avec un français très cassé, me couronne « La Reine du tricot du Québec » et m’invite à présenter mes collections aux acheteurs des grands magasins américains. Ils organiseront les rendez-vous, je n’aurai qu’à me présenter avec mes collections et un carnet de commandes. J’emmène avec moi Yo, mon amie de longue date, pour me donner un coup de main. Une semaine entière dans la Big Apple à recevoir ces acheteurs, à luncher sur la terrasse du Rockefeller Center et à sortir tous les soirs, invitées par un ami new-yorkais de Yo, qui connaît le tout people et nous entraîne dans les restos les plus in

de l’époque et chez des gens célèbres dont Andy Warhol. J’ai 27 ans et je suis la première designer québécoise à faire les vitrines de Bonwit Teller sur la Fifth Avenue à New-York. Et voilà! Maintenant que la fusée est lancée, quelle sera la suite de l’histoire ? Je vous invite donc à venir voir une courte rétrospective lors des Journées de la culture à Piedmont, à la salle polyvalente de la gare le samedi 1er octobre. Je serai là pour des rencontres-causeries à 11 h, 14 h et 15 h 30. J’ai hâte de vous recevoir et de vous raconter…


CLAUDE JASMIN

AVANT LE JASMIN POLÉMISTE, IL Y A EU LE JEUNE AMOUREUX

« Ultime rencontre »

Lisez l’autobiographie de ses amours de jeunesse :

Exclusif à TRACES

ANGÉLA, ma petite Italie

Il était tard, un dimanche, j’ai eu un besoin d’aller marcher un peu avant la nuit totale. La rue Morin était déserte. Tout Sainte-Adèle semblait endormi. Il y a toujours cette sacrée côte Morin, alors, rendu au coin de l’avenue du Chantecler, je me suis orienté vers l’ouest. Dans la rue qui conduit à l’hôtel, j’observais, à l’aide de la lumière lunaire, les reflets de l’astre nocturne sur le lac Rond. Voyant une sorte de silhouette s’agiter, je m’avance sur un des quais près de la petite plage municipale et, je ne rêvais pas, j’aperçois un gros bonhomme tout enveloppé dans une sorte de combinaison sous-marine. Du plastique ou une toile luisante ? que sais-je ? le gros inconnu vert bouteille brillait dans la nuit. Me voyant approcher, je l’entends qui me grogne : « Je veux être seul. Continuez votre chemin, s’il vous plaît ! » Je rejoins aussitôt la rue et je marche plus loin. Me sachant devenu invisible aux yeux de cet olibrius, je me cache derrière des bosquets. Incroyable, un autre « enveloppé », silhouette toute semblable à l’autre, sort de l’eau. Ce dernier traîne derrière lui, sur ses épaules, un énorme sac de toile brune. La faible lumière d’un réverbère ne m’aide guère à bien voir. Les deux gaillards — des plongeurs ? des employés de la municipalité ? voire des escrocs ? — ouvrent le long sac. En sort un genre de long lézard géant, qu’est-ce ? Une bibitte jamais vue. Un alligator ? un serpent exo-

tique ? La bête semble enchaînée. Retenue par des liens que je vois mal. Le trio entre dans l’eau de la berge et tire cet animal vers le large. J’entends des borborygmes, un langage bizarre, des sons de gorge, comme syncopé, des mots inconnus et même quelques cris sourds. L’un tombe, se redresse, retombe, entraînant son compagnon dans sa chute. Fusent alors des rires étranges, syncopés aussi. Est-ce un dragon, une marionnette géante ? La bête m’est d’un genre inconnu. Ramassant le grand sac vide, les deux compères marchent vers une camionnette stationnée pas loin. Y montent et filent en vitesse. Je vais sur la rive. Silence. Rien à voir. Je me sens très seul. Soudain, qui se dresse, la longue tête de ce dragon (?) loin au large, puis, dans un éclair, sa large gueule qui s’ouvre et une lave d’un orangé vif forme un long jet dans la nuit. J’ai entendu un drôle de sifflement suivi d’un gémissement inquiétant. Je n’avais pas vu cet homme qui s’approchait. Il est vêtu d’une sorte de salopette blanche, comme une camisole de travailleur de la voie publique. Sur la poitrine, trois chiffres en bleu, 567. Il lève sa casquette et me grogne : « N’en parlez pas. Soyez très discret. Vous n’avez rien vu, d’accord ? » Je dis : « Cette bête mise à l’eau… une expérience d’ordre gouvernemental ? Ou un test ? Pour l’eau ? » L’inconnu ne dit rien et s’en va, à pied, vers la rue Morin.

J’étais maintenant seul. Je rentre donc chez moi. Je me fais du café. Je jongle. Quid de ce serpent gigantesque ? Je m’endormirai pourtant facilement, rapidement. Je le craignais, je fis un rêve épeurant. Je nageais tranquille comme chaque après-midi, et, soudain, une sorte de pieuvre surgissait et tentait de me noyer avec ses tentacules et des ventouses gluantes partout… Oui, un cauchemar. Sans petit-déjeuner, au matin, vite aller au rivage. Vain espoir d’apercevoir la bête ! Songer alors à une énorme pièce de viande et une solide ligne à pêche. Courir l’acheter chez Théorêt ? — Non. Quoi faire ? Aller vite chez Jodoin ou Lagacé, mes bons voisins, et livrer mon secret ? Aller vite à la police sur la 117 et y raconter toute cette curieuse affaire, ce clandestin débarquement d’un véritable monstre marin inconnu… Hum ! Hésitations ! Contacter une radio, voire une station de télé, une grande agence de presse et faire une conférence officielle ? La peur du ridicule — voilà un timbré, voici un malade mental — crainte donc de ne pas être cru et de voir surgir une ambulance, s’agiter une camisole de force ! Brrr ! Il est midi. Je reste là, dans ma chaise longue à observer l’eau du lac, toute calme, avec ses petites vaguelettes qui brillent au soleil… c’est beau la fin d’un été, non ? Je ne fais rien. Je jongle sans cesse. Je n’ai pas faim. Je me sens un zombie. Un paralysé impuissant.

(en 1946)

ÉLYSE, une fille à sa maman

(en 1948)

ANITA, une fille numérotée

(en 1951)

Je me traîne tout lentement au grand débarcadère de la Ville. Délivrance. Soudain, une, deux voitures, un camion, une demi-douzaine de bons hommes qui envahissent le quai et ses alentours. Un charivari. Des enfants quittent le sable et s’amènent en riant et en riant. Des manœuvres s’organisent. Un des camions recule et entre un peu dans l’eau. De l’autre camion, on sort deux barques. Plouf, plouf ! à l’eau ! Des outils divers luisent au soleil, je vois un treuil solide, de longs filets sont déroulés, des appareils de support se font ajuster… Je vais à celui qui semble commander tout ce monde. « Qu’est-ce que c’est tout ce brouhaha, monsieur ? » Il me conduit en silence vers le flanc d’un camion et je lis en belles lettres lumineuses : CIRQUE DU SOLEIL. QUÉBEC. Le type, fier et rieur : « Le Japon nous redemande, mais on doit aller en Italie et puis en Russie d’abord. Ensuite, ce sera la Californie. » Je dis : « Et cette bête dans le lac ? » Il rit : « Venez voir çà, notre système électronique va nous la ramener en cinq minutes ! » Ouf !

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Joëlle Moerenhout

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23 septembre 2016

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Claude Savard La permanence de l’éphémère Annie Depont

« Deux passions animent Claude Savard : l’amour de la nature et de la photographie qu’il sait fusionner à merveille »*. Il ne travaille pas ses photos a posteriori grâce à des logiciels, mais il imprime à son objectif des mouvements de balayage contrôlés, résultat de recherches personnelles minutieuses et d’une grande expérience professionnelle. La caméra est son pinceau.

CLAUDE SAVARD en compagnie de Marielle Jasmin

NATURE ET PERSONNAGES Du 2 septembre au 9 octobre du mardi au dimanche

EXPO PHOTO

Claude Savard : Allégorie 2011

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Ces mouvements divers ont-ils été inspirés par ses premières œuvres – magnifiques – de reflets de paysages dans l’eau ? La permanence de l’éphémère nous est offerte dans ces grands formats, présentés à l’envers pour que la cime des arbres reprenne son droit et par cette captation du frémissement de la nature que nous observons parfois en longeant une rivière, selon l’heure du jour et de sa lumière. Des séries variées allant du figuratif jusqu’à l’abstraction, en passant par l’impressionnisme, témoignent du travail intense de Claude Savard, de la maîtrise de son médium et de sa connaissance de l’art visuel en général.

Dans le rétroviseur

De 15 à 19 ans, Claude Savard s’initie au métier de photographe au Studio Côté à SainteAgathe-des-Monts dans les Laurentides. Puis, du stade d’apprenti, il passe très rapidement à celui de professionnel. Dès 1958, il devient assistant-monteur, puis monteur au Service du film de Radio-Canada. En 1963, il remporte le trophée du montage lors du Congrès du spectacle de Radio-Canada. Pigiste à l’ONF dès l’année suivante, il fonde en 1969 sa propre compagnie, Claude Savard Cinéaste inc., et produit, entre autres, un documentaire intitulé Yves Thériault Écrivain qui fut présenté en 1974 au Festival du court métrage de Grenoble en France. Pleins phares sur l’actualité

Il ne faudra pas manquer l’exposition regroupant les différentes techniques et collections de l’artiste, (voir affiche ci-dessous) * Yves-Gabriel Brunet, poète et écrivain

Du nouveau dans la région...

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23 septembre 2016


LECTURE J’ai lu Christian Huron, libraire

D’abord, revenons sur Purity. J’ai aimé ce roman du début à la fin, il est empreint d’une sensibilité et d’une intelligence qui suscitent l’admiration. Jonathan Franzen est un grand auteur. Je veux aussi vous parler de Riquet à la houppe, le dernier roman d’Amélie Nothomb. Elle y soulève les mêmes questions que Charles Perrault dans son conte. La beauté ou la laideur permettent-elles l’amour, par exemple ? Où notre intelligence peut-elle nous mener ? Mais A. N. ajoute sa propre pierre à l’édifice. Trémière, la belle princesse, est-elle aussi stupide que son entourage peut le prétendre ? « Cette Belle, c’est moi se dit-elle en lisant le conte de Perrault — ce n’est pas tant qu’elle est sotte, c’est qu’elle n’a pas d’esprit ». La laideur de Déodat (le nom qu’elle donne à Riquet à la houppe, elle raconte d’ailleurs pourquoi) ne l’empêche pas de

vivre ses passions. Son intelligence ne le mène pas là où on pourrait le croire. Dans le conte d’Amélie Nothomb, point de malédiction ni de charme, chaque personnage existe par lui-même et s’assume totalement. Ajoutez à cela l’humour, et le plaisir prend sa place. A.N. disait en entrevue que dans le conte La Belle et la Bête, la Belle a rencontré la Bête, qui a été spoliée lorsqu’après le premier baiser, le monstre s’est transformé en prince. Chaque femme a droit à son monstre si elle le choisit. Trémière, elle, garde le sien. Déodat reste le même. Voilà un préambule qui, je l’espère, vous donnera le goût de lire ce roman. NOTHOMB, Amélie Riquet à la houppe Éditions Albin Michel, 2016, 198 p.

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LISE TREMBLAY THAYCHI EN SÉANCE DE SIGNATURE

le 15 octobre de 14 h à 16 h

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SORTIR

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Salle André-Mathieu | 1 877 677-2040 | 475, boulevard de l’Avenir, Laval ➊ Blonde Redhead accompagné du ACME – 9 octobre ➋ Stéphane Rousseau – 13 et 14 octobre ➌ Charles Bradley & His Extraordinaires – 22 octobre ➍ Événement de réouverture avec Louis-Jean Cormier, Ariane Moffatt et Marie-Pierre Arthur – 26 octobre

Théâtre Marcellin-Champagnat | 1 877 677-2040 | 1275, av. du Collège, Laval ➎ François Bellefeuille - 7 et 8 octobre 14

23 septembre 2016


VIVRE AUTREMENT Nancy R. Lange

Trouver la bonne personne pour donner forme un projet de vie commun : voilà ce qui est arrivé à Mario Gagnon en 2010, lorsqu’il rencontra Nadia Laflamme. Le couple m’accueille dans le décor sylvestre de leur rêve devenu réalité : une grande terre au haut d’une montagne à Sainte-Marguerite-duLac-Masson, où ils ont installé Les cailles du lac Masson, leur élevage de cailles, canards, dindons sauvages et poulets de grain. On se croirait dans un album de Martine à la ferme. Tandis que la petite Lhasa, âgée de 4 ans, regarde un livre illustré sous le parasol du patio, sage comme une image sous son chapeau rose, Roger le coq passe faire son tour de chant. Des canards dodus dorment paisiblement à l’ombre. À côté, poulets et poules se promènent librement, caquettent, picorent insectes, gravier et verdure et grattent la terre pour y prendre un bain de sable. Derrière un treillis, les dindons marchent de long en large, l’un d’eux gonflant son superbe plumage cuivré. « Le bon sort des animaux est une priorité chez nous. On les élève à l’ancienne » explique Nadia. Ici, ils vivent quotidiennement dehors et ne rentrent que le soir. Même les cailles disposent d’une grande volière où elles peuvent au moins faire de petits envols, « une façon de les élever que nous sommes seuls à pratiquer au Canada » spécifie Mario. C’est en 2009 que celui-ci, petit-fils d’un Beauceron agriculteur-éleveur, décide, suite à un épuisement professionnel, de vendre son studio de son et de faire un retour à la terre à Val-Limoges. Il donne le coup d’envoi avec des poules Chantecler achetées d’un éleveur mandaté par le gouvernement pour relancer la race, et commence à produire des œufs en attendant de réaliser son rêve d’élever des cailles. Ce rêve viendra littéralement frapper à sa porte, sous la forme d’un jeune homme qui lui offre en cadeau une trentaine de cailles dont il veut se débarrasser. Aujourd’hui, cailles et Chantecler font partie de l’élevage. « La Chantecler est une race créée par croisement par un moine d’Oka pour notre climat. On dit qu’elle peut supporter des froids allant jusqu’à -40 degrés », explique Mario. Je suis ébahie. Les œufs

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de celles-ci ne peuvent toutefois être vendus en magasin, en raison d’un règlement de l’UPA que je déplore, moi qui voudrais bien pouvoir me les procurer ailleurs que sur la ferme. D’autres règlements rendent la vie dure aux petits éleveurs, comme ceux concernant l’abattage et les marchés publics. Il y a à peine 40 ans, chaque village québécois comptait quatre ou cinq fermes où l’on faisait l’abattage sur place, une pratique interdite aujourd’hui. Avoir recours à un abattoir privé reconnu par le MAPAQ est obligatoire pour la vente dans les marchés publics. Une dépense d’environ 15 $ par canard ! Impossible donc de survivre sans créer des produits transformés, tels des terrines, cassoulets, pâtés. Ceux produits par Mario et Nadia, sans nitrites, additifs, farine ou autres agents de remplissage sont dé-li-cieux ! Mais pour les écouler, ils doivent défrayer un permis de 265 $ par marché public où ils ne vendent que 14 jours dans l’année, alors qu’un permis annuel pour vendre des produits en consignation (dans une boutique, où le commerçant ne paie le consignateur que si la marchandise est vendue) coûte 225 $ par endroit. Pour Mario et Nadia, consigner ainsi leurs produits dans 10 boutiques et faire 10 marchés publics équivaudrait à 4900 $ en permis ! L’Union paysanne essaie de donner une voix aux petits producteurs pris à la gorge. Mario et Nadia en sont les représentants dans les Laurentides. « Sans relève et vendues à prix exorbitant, même les fermes pratiquant l’agriculture industrielle se meurent au Québec », dit Mario. « Que mangerons-nous et combien paierons-nous quand il nous faudra tout importer ? » Tout est à refaire : développer une fierté de la production locale, rétablir l’étiquetage Fait au Québec et sensibiliser le public à l’importance des marchés fermiers qui font vivre les petits agriculteurs et les petits éleveurs d’ici. En attendant, on peut commander les produits Les cailles du lac Masson sur le site www.cailles.ca, ou se les procurer au Breadshop de Morin-Heights et aux marchés publics de Sainte-Adèle et de MorinHeights, ainsi que dans d’autres événements à découvrir sur le site.

Mario et Nadia seront présents aux Saintes Saveurs de Saint-Sauveur les 8, 9 et 10 octobre, au Parc Georges-Filion lors du festival country de la fin de semaine de l’Action de grâce.

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© infographie TRACES

INFO : 514 833-8718 info@passagedartistes.com

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TRACES magazine


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