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Edito Le véritable apport de l’année internationale des sols
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’année internationale des sols fait avancer la prise de conscience de la problématique « sols ». Pas d’annonces spectaculaires, mais différents messages ressassés ici et là, principalement dans les pays les plus touchés... Mais ce serait un tort de penser que nous, en France, nous sommes à l’abri, que nous avons encore le temps de nous en préoccuper... Notre grand témoin, Didier Christin, le précise : à l’échelle des sols, l’amélioration peut très bien ne se voir qu’après de nombreuses années... En d’autres termes, il vaut mieux commencer au plus tôt à s’en préoccuper. Moins « technique » que certains interviewés dans cette rubrique lors des précédents numéros, il préconise une technique pour avancer, enfin, sur le sujet : obtenir la participation de tous les acteurs. A lire... Nos éclairages sont deux reportages, le premier dans l’Ain, le second dans le pays Basque. Ils concernent des polyculteurs. Le premier, une famille, père et fils, qui expérimente depuis des années des méthodes nouvelles de travail du sol pour éviter son érosion. Le second loue les vertus du groupe, plusieurs agriculteurs réunis avec la même envie de réussir à avancer dans la conservation des sols. Vous retrouverez égaldement nos rubriques habituelles, sur l’agronomie, le machinisme, la gestion d’entreprise... Tenez, saviezvous que la loi Macron offre une opportunité d’investissement en machines à condition de s’en préoccuper avant avril prochain ? Et si c’était le moment de rechercher un engin plus approprié à son contexte de sol ? La rédaction
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Sommaire WikiAgri n°17 / septembre 2015 Directeur de publication Yannick Pages Rédacteur en chef Antoine Jeandey Rédaction Eddy Fougier Christel Jacson-Allemand Raphaël Lecocq Opaline Lysiak Céline Zambujo redaction@wikiagri.fr A participé à ce numéro CERFRANCE Dessinateur Michel Cambon Photographe Jean-Marie Leclère
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Edito P.3
THÉMA l
Cambon lui semble
P.6 - Le dessin de Michel Cambon
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Le Grand témoin
P.7 à 11 - Didier Christin : « La qualité des sols reflète le fonctionnement de notre société »
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Théma
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Reportage dans l’Ain
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Reportage au pays Basque
Conseil éditorial Sylvie Grasser - Hiceo Tél. 06 32 75 11 94 www.hiceo.fr
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Moteur
ISSN ISSN 2258-0964 Dépôt légal A parution
P.28 à 29 - Les engrais foliaires, pour optimiser la nutrition P.30 à 33 - Désherbage d’automne, soyez prêts !
Publicité Tél. 06 89 90 72 75 | pub@wikiagri.fr Responsable commerciale Anne Messines Tél. 06 08 84 48 02 Mail : anne.messines@wikiagri.fr Consultant Média Bernard Le Blond - Vision bleue Tél. 06 83 92 08 61 Conception graphique et maquette Notre Studio www.notrestudio.fr
P.12 à 15 - 2015, année des sols, et alors ?
P.16 à 19 - Petit à petit, les Flamin ont changé leur technique
P.20 à 23 - La conservation des sols aux mains des paysans basques
P.24 à 27 - Le semis en liberté u
Service abonnements 4, impasse du Faubourg 38690 Le Grand Lemps Tél : 04 76 31 06 19 E-mail : contact@wikiagri.fr
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Abonnement annuel 34,90€ TTC (4 numéros) Prix au numéro : 10€
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Site internet www.wikiagri.fr
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Impression SAS Imprimerie Leonce Deprez Zone industrielle de Ruitz 62620 Ruitz Tirage 48 000 exemplaires (dont 45 500 expédiés) Le magazine WIKIAGRI ® est edité par la société : DATA PRO SOLUTIONS 20, rue Joliot Curie 38500 VOIRON CEDEX
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agronomie
stratégie et benchmark
P.34/35 - Machinisme, l’investissement progressif de la loi Macron mérite d’être observé de près.
portfolio
P.36 à 41 - L’ETA Gernez, dans l’Aisne, en plein travail.
reflexions
P.42 - Les enjeux stratégiques autour du blé
Ce numéro comporte un encart YARA
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Le dessin
Cambon lui semble
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GRAND TÉMOIN Didier Christin Photo fournie par Sol et Civilisation
« La qualité des sols reflète le fonctionnement de notre société » Repères Ingénieur agronome à la base, Didier Christin a suivi une formation intitulée « gestion du vivant et pédagogie patrimoniale » avec le professeur Henry Ollagnon qui voit son stage de fin d’année (c’était en 1994) se dérouler au sien de l’association Sol et Civilisation. Après une expérience avec sa propre entreprise, il a défendu une thèse en 2006 qui l’a à nouveau mené vers cette association, tout en devenant parallèlement docteur en sciences politiques et sciences de l’environnement à l’agro. Il est ainsi devenu coordinateur du pôle rechercheintervention de Sol et Civilisation, lire page 10.
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Quelle approche générale, des problématiques quelles qu’elles soient, avez-vous avec Sol et civilisation ? D.C. : Nos sociétés doivent faire face à des problèmes complexes et multiacteurs. On ne peut plus aujourd’hui décider sans la participation de l’ensemble des acteurs d’un système. Et si l’on veut avancer dans une direction, alors il faut l’adhésion de ces acteurs. 2015 est l’année internationale des sols, qu’est-ce que cela vous inspire ? D.C. : On est dans une logique où l’on traite un sujet après l’autre. On a eu l’eau, la biodiversité, l’air (avec le climat), maintenant les sols... Une logique souvent dominée par la puissance publique, avec des directives environnementales comme Natura 2000, qui sont mal
comprises, et donc souvent rejetées. Pareil pour la qualité de l’eau, on pourrait en parler longtemps, avec de très nombreux règlements, tels qu’en définitive on arrive à l’inverse de l’effet escompté : une réaction contre ces règlements, pourtant censés, à l’origine, apporter une meilleure qualité de vie à l’ensemble. Plus particulièrement sur les sols, comment vous, vous abordez le sujet ? D.C. : On doit répondre à plusieurs questions sur la qualité des sols. Qui la définit ? Des experts ? Des scientifiques ? Ensuite, qui participe à cette qualité ? C’est là qu’on entre dans ce que nous appelons un système complexe et multiacteurs. Des agriculteurs bien sûr, mais aussi des forestiers, ceux qui font
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les routes, les villes... Et derrière les agriculteurs, il ne faut pas oublier les consommateurs : quelle est leur demande en matière de qualité des sols ? Finalement, cette qualité des sols reflète le fonctionnement de notre société. Détaillons. D’abord la définition... D.C. : Il semble que l’on parte de la question : s’il n’y avait pas l’homme, quelle serait la qualité des sols ? Et
« On ne peut plus aujourd’hui décider sans la participation de l’ensemble des acteurs d’un système. Et si l’on veut avancer dans une direction, alors il faut l’adhésion de ces acteurs. » que derrière on veuille tendre vers cela. Comment ? En calculant le taux de lombrics par hectare ? Le taux d’artificialisation ? Etc. Différents indicateurs peuvent être choisis.
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Vu lors des Culturales 2015...
Mais ce qui est sûr, c’est que si l’on veut vraiment agir sur la qualité des sols, il va falloir s’impliquer, et donc impliquer tout le monde. Tout est dans la méthode. Si l’on fait ça : des experts définissent et les agriculteurs doivent suivre derrière... On aura les mêmes réticences pour aller vers cette qualité des sols que l’on rencontre actuellement par rapport à l’eau ou au climat. Quelle méthode préconisez-vous ? D.C. : Prenons la logique à considérer : il faut préserver les sols, ce doit être une préoccupation. Mais si l’on agit comme avec la directive nitrates, l’agriculteur prend cela comme une contrainte, parce que l’idée originelle est devenue un casse-tête administratif. Le principe des directives n’est plus adapté aujourd’hui. Nous prônons, nous, la mobilisation de tous les acteurs sur un territoire, pour agir ensemble dans une direction. La qualité des sols, c’est la gestion d’un patrimoine commun. Quelles sont conditions peut-on faire participer tout le monde ? C’est là la question. Faire avancer un territoire dans une direction, ne pas la lui imposer... Je précise, quand je parle de patrimoine commun, il n’est pas question de mettre les terres en commun comme dans un kholkoze,
c’est au sens du sol sur lequel nous vivons, pas de celui qui appartient à l’un ou l’autre. Plus précisément, comment parvenir à améliorer la qualité des sols avec vos préconisations ? définition... D.C. : Il semble que l’on parte de la question : s’il n’y avait pas l’homme, quelle serait la qualité des sols ? Et que derrière on veuille tendre vers cela. Comment ? En calculant le taux de lombrics par hectare ? Le taux d’artificialisation ? Etc. Différents indicateurs peuvent être choisis. Mais ce qui est sûr, c’est que si l’on veut vraiment agir sur la qualité des sols, il va falloir s’impliquer, et donc impliquer tout le monde. Tout est dans la méthode. Si l’on fait ça : des experts définissent et les agriculteurs doivent suivre derrière... On aura les mêmes réticences pour aller vers cette qualité des sols que l’on rencontre actuellement par rapport à l’eau ou au climat. Quelle méthode préconisezvous ? D.C. : Je retiens trois dimensions de la qualité des sols : intrinsèque ; des gens ; de la relation des gens à cette qualité intrinsèque. Cette
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GRAND TÉMOIN
dernière dimension est essentielle : il faut améliorer les relations entre chaque acteur d’un territoire pour y améliorer la qualité des sols. Existe-t-il des cas concrets d’application ? D.C. : Je peux vous citer le programme de recherche Sas-Trat Snowman. Il s’agit d’une étude tripartite, que nous avons menée à Sol et Civilisation en collaboration avec des Belges et des Hollandais. Nous avons ainsi choisi trois lieux, chacun dans son pays, pour analyser la problématique posée. En France, nous avons étudié le territoire du
Avec l’adhésion de chacun, les résultats sont-ils visibles rapidement ? D.C. : « Rapidement » vous dites... A l’échelle des sols, il faut attendre 5, 10, 20 parfois 40 ans avant de constater une amélioration notable, et durable. Alors, il vaut mieux commencer tôt à prendre en compte ce patrimoine commun. Propos recueillis par Antoine Jeandey
Sol et Civilisation « Nous prônons, nous, la mobilisation de tous les acteurs sur un territoire, pour agir ensemble dans une direction. La qualité des sols, c’est la gestion d’un patrimoine commun. » bassin versant de l’Austreberthe (Seine-Maritime), avec le constat d’une érosion des sols, et des ruissellements. (Ndlr : sur la page internet d’Agro Paris Tech dédiée à Sas-Trat Snowman, on peut lire , à propos de cette zone géographique qui subit de plus en plus souvent des inondations : « Les problèmes liés aux ruissellements ont, dans de nombreux cas, un impact direct sur l’agriculture qui se traduit par des dégâts aux récoltes et/ou par des pertes de production conséquentes. Cette situation ambigüe qui rend l’agriculteur à la fois responsable et concerné au premier ordre fait qu’il constitue un partenaire indispensable de la gestion des problèmes de ruissellements. Que ce soit pour l’évolution des pratiques culturales à l’échelle des bassins versants ou pour la réalisation d’aménagements, les agriculteurs doivent alors être associés aux différents projets du territoire. »)
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Sol et Civilisation est une association indépendante créée en 1991 à l’initiative de responsables professionnels agricoles (précisément par Raymond Lacombe, alors président de la Fnsea) et de nombreuses personnalités issues de la société civile pour promouvoir une ruralité vivante source d’équilibres de société. Cette création faisait suite au dimanche des Terres de France (le 29 septembre 1991), une manifestation ayant réuni 300 000 provinciaux à Paris. L’ambition de Sol et Civilisation est de contribuer à l’émergence d’un développement durable fondé sur le rôle de l’homme acteur des territoires et gestionnaire du vivant. Depuis sa création, Sol et Civilisation recherche et explore de nouvelles approches, concrètes et opératoires, permettant aux acteurs de prendre en charge effectivement un certain nombre de problématiques qui, mal gérées, déstabilisent leur activité ou leur territoire. Elle inscrit volontairement son action dans la durée. Trois thématiques constituent aujourd’hui le cœur de ses travaux : territoire et développement (recherche des voies et des moyens permettant à de multiples parties prenantes de développer au sein d’un territoire des stratégies communes de développement durable et d’en mesurer les effets) ; développement économique des territoires ruraux (définir en quoi le milieu rural peut être un espace de ressources pour les acteurs économiques et rechercher les démarches managériales pour s’inscrire dans une dynamique de création de valeur ajoutée locale) ; agriculture, territoire et société (développer des méthodes, outils et procédures appropriés, donnant au monde agricole, en lien avec ses partenaires directs ou indirects, la possibilité de concevoir, mettre en œuvre et évaluer des projets innovants qui répondent aux multiples dimensions du développement durable). Seule ou en partenariat, Sol et Civilisation organise et anime des groupes de travail, des études, des débats, des séminaires ou des colloques. L’association appuie également des expérimentations de terrain et ancre sa réflexion dans la réalité des territoires. Elle est enfin partie prenante de plusieurs réseaux, français comme européens, sensibles à la dynamique rurale.
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2015, année internationale des sols... Et alors ? « Croire à la parole humaine, parlée ou écrite, est aussi indispensable aux humains que de se fier à la fermeté du sol. » Paul Valéry . Année internationale des sols décrétée par l’ONU C’est l’Onu qui a décrété que 2015 serait l’année internationale des sols. Le sous-titre est « des
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sols sains pour une vie saine ». En une phrase, cette année internationale des sols « vise à accroître la sensibilisation et la compréhension de l’importance des sols pour assurer la sécurité alimentaire et permettre à l’écosystème de remplir ses fonctions essentielles » (source : site officiel de la FAO dédié à cet événement). De fait, l’agriculture est au premier plan dans ces intentions. La question que nous posons dans ce magazine : en quoi cette année dédiée changet-elle quelque chose dans la
perception que chacun de nous, agriculteur ou non, a du sol ? Les problématiques, on les connaît : l’artificialisation des terres face à une urbanisation galopante, des tassements en certains endroits, des ruissellements en d’autres, des ravines... Une pluviométrie qui s’est (localement) accélérée du fait du changement climatique et qui occassionne des glissements de terrain... Les hommes sont de plus en plus nombreux, ils doivent se loger. L’homme a besoin de se nourrir, l’agriculteur doit cultiver la terre...
. En quoi consiste l’année internationale ? Principalement en des colloques sensibilisateurs, un peu partout dans le monde… C’est, certes, déjà ça, certaines de ces réunions ont été médiatisées pour peu qu’un personnage « important » y ait participé. Le 5 déembre prochain, ce sera la journée internationale des sols, qui elle revient tous les ans. On peut supposer que ce jour-là, particulièrement, avec le cumul de la journée et de l’année qui arrivera à sa fin, un bilan sera tiré. Il ne sera pas « spectaculaire ». Pas de possibilité de grandes annonces. On sait ainsi depuis mai 2014 que la directive européenne sur les sols, pressentie dès 2006, était finalement enterrée. Mais si l’on prend l’exemple de notre pays, on peut dire qu’en France au moins, la conscience de l’élément « sol » fait son chemin... . Les actions annoncées Pour cette année internationale des sols, la FAO a annoncé des directions en faveur d’une gestion durable des sols : gouvernance inclusive des sols, investissements accrus dans la gestion durable des sols, promotion et sensibilisation, création de systèmes d’informations sur les sols, amélioration de la vulgarisation sur les sols, stopper la dégradation des sols,
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réhabiliter les sols dégradés, analyser et évaluer l’état du sol, augmenter la teneur en matière organique du sol, maintien de la couverture du sol, favoriser la rotation des cultures, traitement des eaux usées, avoir des systèmes appropriés pour l’évacuation des déchets, utilisation rationnelle des éléments nutritifs, travail minimal des sols... Une liste longue, mais à y regarder de près, on constate qu’il s’agit d’actions à mener de front, toutes liées les unes aux autres...
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2015, année du sol et alors ?
. La FAO met l’accent sur les conséquences de la dégradation des sols La problématique « sols » commence à percer dans les inconscients collectifs, mais sans encore emporter un réel mouvement en sa faveur. D’où l’intérêt d’évoquer les conséquences des dégradations. La FAO met ainsi l’accent sur la pénurie d’eau, l’insécurité nutrionnelle et alimentaire, l’accélération des changements climatiques, la pauvreté et l’insécurité sociale, les migrations, et la réduction des services écosystémiques. Autant de fléaux que l’on peut éviter en préservant ses sols... . Comment avancer ? Dans de précédents numéros de WikiAgri, nous nous sommes attardés sur des méthodes tendant à l’agronomie. Nous y revenons ici avec de nouveaux reportages sur le terrain, le premier dans l’Ain, le second au pays Basque, l’un et l’autre avec des exemples de polyculture, où le fait qu’il y ait un cheptel joue son rôle dans la façon de mener son exploitation. Et puis nous avons recherché une nouvelle dimension. Elle nous est apportée par notre grand
témoin, Didier Christin, ingénieur doctorant qui représente l’association Sol et Civilisation. Il a réfléchi à la manière de faire accepter de nouvelles méthodes de travail en agriculture. Car, on le sait, le frein existe dès qu’il s’agit de bouleverser ses habitudes. D’ailleurs, la famille Flamin, de notre reportage dans l’Ain, le dit fort bien : le changement s’opère doucement, petit à petit, avec des expérimentations à petite échelle d’abord. Il faut connaître son terrain, percevoir comment il ressent le changement, et savoir l’opérer. Didier Christin va plus loin, il parle de participation de tous les acteurs. Il est contre les directives, qui n’emportent
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que peu d’adhésion, y compris lorsqu’elles partent d’un objectif de bon sens, tant elles sont accompagnées de contraintes, souvent administratives. L’adhésion de tous, le point fort de son discours... . Crise agricole et envrionnement, un pas en arrière ? Pas si sûr... La crise agricole et en particulier des éleveurs qui fait l’actualité ces dernières semaines impliquet-elle une pause dans l’effort environnemental en général, et donc entre autres par rapport aux sols ? En effet, parmi les revendications syndicales suivies d’effets dans les décisions gouvernementales, on trouve une pause d’un an pour les mises aux normes. D’ailleurs, plusieurs associations environnementalistes sont montées au créneau sur cette décision en particulier, craignant que l’effort environnemental entrepris soit purement et simplement arrêté à terme. Pour ma part, je ne le pense pas. On revient au paragraphe précédent : quand les mesures ne remportent pas l’adhésion, cela signifie qu’elles ne sont pas bonnes. Le caractère obligatoire, sans laisser à chacun l’opportunité de s’approprier le sujet à sa convenance par rapport à son contexte, est tout aussi néfaste que le mal qu’il est censé combattre. La « pause d’un an », ce sera aussi l’occasion pour beaucoup de réfléchir à un aménagement personnalisé, convenant à son exploitation, pour mieux s’y retrouver... A.J.
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2015, année du sol et alors ?
Petit à Petit, les Flamin ont changé leur technique Las de lutter contre leurs terrains caillouteux et irréguliers, Jean-Marc Flamin et son fils Brice ont progressivement abandonné le labour. Après vingt ans d’expériences et de tâtonnements, ce Gaec de polyculture de l’Ain confirme ses choix.
« Nous voulions éviter de remonter les cailloux à la surface et retrouver petit à petit des centimètres de sol. De plus, notre terrain est assez collant et difficile à labourer. J’aime le labour, le travail propre et les champs bien réguliers. Ce n’est pas très bon au niveau agrologique, mais cette pratique millénaire est ancrée en nous ! (Ndlr : une grande partie des lauréats des concours de labour viennent de l’Ain…) Mais je ne pouvais pas obtenir ce résultat dans mes champs. En même temps, j’ai constaté que nos cultures poussaient aussi bien qu’ailleurs ! Le labour ne change rien chez nous, et ça m’a fait cogiter... », explique Jean-Marc Flamin. Les associés du Gaec cessent donc de s’obstiner, et cherchent l’alternative : le semis direct sous couvert. Photos : Christel Jacson-Allemand
«
Je suis certain que ça va marcher mais il faut du temps… ». La phrase de Jean-Marc Flamin plane dans l’air étouffant du mois de juillet. Nous sommes à NurieuxVolognat dans le Haut-Bugey, près du col de Mornay. Jean-Marc Flamin est responsable de la production céréalière de l’important Gaec du Blotonne. Son fils Brice s’est installé sur l’exploitation en 2006 pour l’épauler. Toute la production est consommée par le cheptel (le maïs ensilage nourrit les vaches laitières et une trentaine de taurillons) et le rare surplus est vendu. L’exemple type d’une polyculture-élevage avec autoconsommation.
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Les parcelles cultivées sont réparties sur deux sites, situés entre 220 et 700 mètres d’altitude. Les terres les plus hautes sont argilo-calcaires et caillouteuses, les plus basses sont argilo-limoneuses. Certains champs sont également traversés par des failles, ce qui nécessite une vigilance particulière lors de l’épandage du fumier.
Le deuil du labour parfait Dès la fin des années 1980, le Gaec limite les labours sur les cultures d’altitude, et s’oriente petit à petit vers un travail du sol simplifié.
Pour se lancer, Jean-Marc Flamin a affronté deux embûches : le manque d’informations et la nécessité de s’équiper. « Les semoirs Bertini sont apparus sur le marché au début des années 2000 mais notre exploitation était trop petite pour investir. Sinon, nous serions allés plus vite. Quand vous avez plusieurs associés et que vous n’avez pas les moyens, comment convaincre les autres de se lancer ? », interroge-t-il.
Lever les obstacles et franchir le cap Le frein psychologique est aussi éprouvé par Brice Flamin lors de ses études : « Un seul de mes professeurs était ouvert à ces techniques. Clairement, ce n’est
pas l’esprit dominant, même si les choses changent depuis quelques années. Lors de mon installation, j’attendais de voir nos résultats pour y croire. Les chiffres ont parlé, donc j’ai adhéré au semis direct. En revanche, je reste plus réticent vis-à-vis des couverts, car nous sommes obligés de moissonner très tard dans notre secteur. » En 2006, un voisin fonde une Cuma pour acheter un semoir Sulky Unidrill. L’investissement représente environ 20 000 euros. « Cet outil polyvalent est surtout destiné au sur-semis en herbe. On a profité de l’occasion, mais il n’est pas vraiment adapté au vrai semis direct céréalier. On se débrouille. Il n’enterre pas toujours les cailloux mais si le temps s’y prête, ça marche », constate Jean-Marc Flamin. Par ailleurs, le Gaec a investi dans un disque indépendant d’occasion (11 000 €) qui travaille le sol sur moins de dix centimètres. Le maïs est cultivé en semis simplifié,
principalement pour re-niveler le terrain. « Nous ne pourrons jamais faire du semis direct de maïs car après l’épandage du lisier, nous sommes obligés d’intervenir avec notre Chisel léger. Bien qu’il soit moins agressif qu’une charrue, il tasse tout de même trop la terre », explique le paternel. En revanche, les céréales sont intégralement cultivées en semis direct : « Le but est de ne pas casser les dynamiques naturelles après l’antécédent d’herbe. On passe simplement l’Unidrill si les sangliers n’ont pas trop défoncé le terrain. Les céréales n’ont pas besoin d’un terrain parfaitement plat, et au final, on gagne quand même du temps. Si on travaille sur un chaume, on fait parfois un faux semis », détaille le fils.
Des couverts difficiles à réaliser
Le labour faisait remonter les cailloux des terres argilo-calcaires.
permettrait que les racines travaillent le sol en profondeur. Mais nous sommes trop limités par le temps pour le réaliser. Avant, on récoltait début août, aujourd’hui c’est quinze jours plus tard. C’est
Pour l’instant, le Gaec n’a jamais pu cultiver sous couvert : « Cela
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2015, année du sol et alors ?
Le disque indépendant a été acheté d’occasion.
trop court pour faire un dérobé. Il faudrait passer avec un semoir avant la récolte mais l’occasion ne s’est pas présentée. L’année dernière, on aurait pu moissonner plus tôt mais il a plu sans arrêt. Cette année, nous avons des terrains prêts pour le couvert mais on n’a pas de pluie », peste Brice Flamin. Le Gaec a déjà testé plusieurs espèces : les couverts de raygrass avec le maïs ont été plutôt concluants (ils sont fauchés), l’avoine diploïde/vesce présentait l’intérêt d’être pâturable en cas de problème et la moutarde avait bien travaillé le sol. « Il faut trouver les espèces adaptées au terrain et à nos cultures. Cela prend du temps », philosophe Jean-Marc. Par ailleurs, les Flamin sont confrontés aux ravageurs (principalement les mulots sur les céréales, les sangliers et les limaces) et aux adventices : « Sur nos plus vieilles prairies, le semis direct n’a pas fonctionné à cause des taupins. Cette année, nous avons beaucoup de pâturins, mais la météo peut expliquer cela : on n’a pas désherbé correctement car il fallait semer d’urgence… malgré la pluie. Au final, les cultures ont été en concurrence avec l’herbe tout l’hiver. J’ai fait un passage d’azote, et j’ai laissé comme ça. Le désherbage a évité toutes les dicots, il ne restait plus que les agrostis. Comme on a fauché, les épis ont fait du foin donc finalement, on n’a perdu que la semence. Ce résultat s’explique par la météo, ce n’est pas le semis
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direct qui est en cause. Soit, le désherbage est certainement plus difficile à maîtriser en semis direct qu’avec le labour. Mais si le labour était vraiment efficace pour gérer l’herbe, je ne sais pas pourquoi il est quand-même nécessaire de désherber ! »
Des économies significatives pour des rendements identiques Après dix ans d’expériences, les rendements restent strictement les mêmes : 55 quintaux de blé en moyenne (malgré des ravages réguliers de sangliers), et 120 quintaux de maïs. La seule différence : les poussées sont plus tardives. « Parfois, on s’inquiète un peu au printemps mais finalement, ça pousse toujours d’un coup », souligne Brice. Jean-Marc confirme, mais tempère un peu : « Dans les années 1980, nos rendements de céréales étaient meilleurs. Même si nos terres sont peu profondes, les analyses de terre étaient excellentes. Ensuite, on a stagné et les engrais n’améliorent pas la situation. Nos parcelles sont hétérogènes, les rendements oscillent entre 30 à 60 quintaux de blé… Mais on ne sait pas distinguer ce qui est imputable aux dégâts des sangliers ou à la qualité des terrains. Il faudrait refaire des analyses de sol… » De plus, ces nouvelles techniques ont permis de réaliser des
économies conséquentes. Les investissements ont été limités (en restant dans un système traditionnel, il aurait fallu acheter une autre charrue, une nouvelle rotative…) et la consommation de carburant a diminué de moitié, passant de 50 litres en labourrotative à 25 litres par hectare en semis direct et simplifié. « Bien sûr, elle varie selon les années. Si on n’effectue qu’un seul passage, c’est plus intéressant. On remonte parfois à 35 litres pour les semis de maïs. Je sais qu’en semis direct, certains arrivent à descendre au-dessous de 10 litres en utilisant le couvert végétal. Par ailleurs, même si nous n’arrosons pas, nous constatons que l’eau est mieux retenue dans le sol, ce qui profite au maïs. » En revanche, il faut anticiper certaines dépenses supplémentaires : le Gaec achète 50 litres de plus de round up pour désherber avant les semis. De même, la densité des semences est passée de 300 à 400 pieds par mètre carré. Autre effet positif : la terre a tendance à moins raviner, offrant plus d’oligo-éléments aux plantes. « Le sol a changé de couleur, ce qui m’encourage à continuer. On laisse la végétation se décomposer en surface et les vers de terre se développent. Quand je les vois dans mes champs, je suis content. Il faut prêter attention à ces petites bêtes même si ce n’est pas enseigné dans les écoles… », sourit Jean-Marc. Les Flamin espèrent que les couverts végétaux permettront encore d’enrichir le sol. Pour l’instant, les effluents d’élevage de l’exploitation (30 m3 de lisier par hectare et 30 tonnes de fumier) ne suffisent pas à couvrir totalement les besoins, et le Gaec achète des engrais.
Un autre rapport au métier Tous ces enseignements sont venus de l’expérience, et de compléments d’informations glanés par des recherches sur internet. « Il ne faut pas attendre que l’information vienne d’en haut, c’est souvent l’erreur que l’on fait dans cette profession », glisse Jean-Marc. Pour lui, sa démarche est dictée par le « bon sens paysan » : « Quand A.J. A.J. j’étais môme, les anciens parlaient
Le blé et le maïs produits sur l’exploitation sont consommés par le cheptel.
Le Gaec des Flamin en quelques chiffres… Polyculture élevage (bovins viande, 170 laitières). Quotas laitier : 1,6 millions de litres, non réalisés. 6 associés.
de la vie du sol, puis ça s’est perdu. Les agriculteurs ont ajouté de l’engrais dans des terres qui n’en avaient jamais reçu. Forcément, ils obtenaient de supers rendements et ont été happés par le système. Pour changer nos techniques, il a fallu prendre du recul et disposer du matériel adapté ». Son fils acquiesce : « Aujourd’hui, le semis
direct prend de l’ampleur parce que les constructeurs de matériel commercialisent ces outils. Les Chambres d’agriculture s’engagent aussi à fond. Espérons qu’on ne retombe pas dans les mêmes travers… »
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390 hectares, dont 150 hectares de cultures (100 hectares de maïs). Chiffre d’affaires : 835 000 €.
Christel Jacson-Allemand
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2015, année du sol et alors ?
La conservation des sols aux mains des paysans basques Dans le pays Basque, le groupe sols Amikuze (du nom de la région de Saint-Palais) lance des pratiques culturales innovantes à partir d’une réflexion participative. Reportage. Peu à peu, l’équipe identifie les paysans qui reviennent souvent aux journées terrain, ou aux formations. Ils ne se connaissent pas, leurs fermes sont assez éloignées les unes des autres. Finalement, elle décide de les réunir courant 2013 ; le groupe sol Amikuze est créé, au départ avec une dizaine de membres.
Julien Noguiez et Manue Bonus.
Photos : Opaline Lysiak
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anue Bonus, agronome à Euskal Herriko Laborantza Ganbara (EHLG), la Chambre d’agriculture alternative Basque et Julien Noguiez, conseiller machinisme à la FD Cuma 640 (Cuma « départementale » qui regroupe les départements 64 et 40, des Pyrénées-Atlantiques et des Landes), travaillent ensemble depuis plusieurs années. Coopération cruciale « pour faire le lien entre agronomie et machinisme. L’un ne va pas sans l’autre ; et l’aspect matériel attire un autre public, ce qui élargit les possibilités d’échanges entre paysans », précise Manue Bonus.
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Précisons que cette « chambre alternative » est un cas unique en France : créée par la Confédération paysanne qui ne reconnaissait pas la Chambre d’agriculture officielle des Pyrénées-Atlantiques, elle a finalement été confirmée légalement après plusieurs épisodes judiciaires. Elle existe donc officiellement, et comme son nom l’indique, ses membres recherchent des solutions alternatives pour exercer leur métier, d’où l’intérêt de voir, pour le sujet qui nous préoccupe ici (sans parti pris politico-syndical), ce qu’ils mettent en oeuvre en matière de sols.
Les motivations des agriculteurs sont variées: améliorer le sol, utiliser moins de gasoil, gagner du temps, mettre en place des couverts… Et les faire valoriser par le troupeau : « Ils sont tous éleveurs » précise l’agronome. Localement, si l’élevage et la forte proportion de prairies maintiennent un taux de matière organique plutôt élevé, le labour en sols limoneux associé au relief et à la pluviométrie abondante engendre une forte érosion des sols. « On a des ravines très profondes. Lors de la crue du 4 juillet 2014, un de nos agriculteurs a sauvé la moitié d’une parcelle menée en strip till. La parcelle voisine, menée en labour, a été emportée. »
« Le groupe nous fait évoluer vite » L’agriculteur en question s’appelle Alain Claverie. Avec son atelier de porcs plein air, le temps est précieux. « Nos terres argilolimoneuses demandaient, pour la préparation du sol, un labour, trois passages de herse et un passage de cultipacker. » En 15 ans, il réduit peu à peu la profondeur de travail et parvient à réduire sensiblement les coûts de production du maïs.
Les vaches pâturent le couvert multi-espèces de Félix Noblia.
Associé une couverture quasi permanente des sols l’érosion diminue et le sol s’enrichit. Alain Claverie réduit ses apports d’engrais et d’eau d’irrigation. Lorsque Frédéric Thomas intervient pour une formation au sein du groupe, tout s’accélère: « Il nous expliquait des choses tellement évidentes pour lui qu’on était obligés de le croire et de mettre en pratique ! » L’éleveur lance de nouvelles expérimentations chaque année : semis de maïs en strip-till dans féverole vivante, broyée ou enfouie, implantation de soja en simplifié ou en direct, divers essais sur blé… « Manue Bonus et Julien Noguiez nous aident à approfondir certains thèmes. Et la dynamique du groupe nous motive. Chaque année, on essaye quelque chose de nouveau sur nos fermes puis on échange. On avance bien plus vite ainsi. »
« Les gros rendements nourrissent aussi le sol » Félix Noblia a repris l’exploitation de son oncle en 2008 : 60 hectares de prairies, et 60 de maïs. « La ferme était en monoculture de maïs avec des rendements faibles, et des sols très abîmés. J’estime qu’un sol riche permet de produire de la biomasse aérienne et racinaire. En retour, plus on a de rendement, plus le sol sera nourri. » Le jeune agriculteur allonge peu à peu sa rotation ; la version finale est testée cette année : maïs, tournesol, féverole, colza, blé. La multiplication des cultures dans l’assolement répond à un objectif agronomique et économique : sur le long terme, le capital sol est préservé, « et si le prix du blé est bas, il y a aura toujours les autres cultures pour compenser ». Felix Noblia élève 50 mères blondes d’Aquitaine. « D’ici quelques jours (Ndlr : reportage effectué en juillet), je mettrai le troupeau dans ce couvert, explique-t-il devant une parcelle qu’il a semée avec un mélange de millet, sorgho, sarrasin, tournesol, trèfle et radis. Les vaches vont faire la sélection, et je sèmerai mon blé en direct dans le reste du couvert. » Ce genre d’expériences caractérise son exploitation : semis de blé en direct dans une luzerne, rendement de 73 quintaux/ha pour une moyenne à 45 quintaux dans le secteur. La luzerne a repris, et les vaches y pâturent. Sensible à la réduction des phytosanitaires, il ne souhaite pas non plus les supprimer totalement : « J’utilise tous les outils à ma disposition pour optimiser mon système. Une bonne activité biologique est à l’origine d’une meilleure dégradation des matières actives. »
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2015, année du sol et alors ? cultures d’hiver. Seul le maïs est adapté : il ne manque pas d’eau. » Le maraîcher a donc démarré, avec le groupe Amikuze, des essais de maïs avec différentes modalités de travail du sol: charrue classique, charrue Perrein, décompacteur à dent droite avec ailettes combiné à un cover-crop, et déchaumeur à dents. Les résultats de l’essai seront utiles à tous ceux qui exploitent les Barthes.
Agriculteurs + techniciens, la recette miracle ?
Felix Noblia devant la luzerne semée sous couvert de blé, ce dernier moissonné début juillet.
« Préserver mes sols en monoculture » Chez Benat Marquine, trois facteurs sont à l’origine du changement de pratiques culturales : un rejet du labour, la présidence de la Cuma de son village, et les discussions avec Julien Noguiez dans les bureaux de la FD Cuma. « Retourner cette masse de terre n’était pas logique. On a demandé à notre concessionnaire un outil sans labour. Il nous a prêté un Terraflex Vogel & Noot pendant deux ans, puis nous l’avons acheté. La facilité d’utilisation de l’outil a rendu son adoption aisée par les agriculteurs du secteur. » Sur une trentaine d’hectares, l’agriculteur produit du maïs semence - production à forte valeur ajoutée qu’il souhaite conserver - et du maïs grain destiné à son atelier de gavage de canards. Il veut améliorer ses sols, mais ne peut actionner le levier « rotations » du fait de la
petite taille de son exploitation. Il a donc décidé de faire appel aux couverts, et teste différentes modalités. « La simplification du travail du sol associée à la couverture hivernale devraient sensiblement limiter l’érosion, et remonter le taux de matière organique. »
« Adapter le matériel à des sols inondables » Maraîcher avant tout, Philippe Daugareilh doit optimiser le temps passé sur ses 35 hectares de maïs. La moitié de son exploitation se situe sur les Barthes de Sames, des terres lourdes fortement inondables longeant le cours d’eau. Sa problématique : la baisse de matière organique, indiquée par les lectures comparatives d’analyses de sol d’une année sur l’autre. « J’ai commencé à mettre en place une rotation maïs/orge/colza sur les terres non inondables. Sur les Barthes, impossible de faire des
Le sol des parcelles se restructure peu à peu.
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Les membres du groupe sont à des stades différents dans l’évolution des pratiques: alors que certains sont dans la découverte, d’autres se passionnent sans vraiment franchir le pas, quelques-uns ont fait le grand saut et mis fin à tout travail du sol sur certaines parcelles. « C’est très intéressant, et en même temps difficile à gérer pour un animateur, explique Manue Bonue. L’idée est de faciliter les échanges, d’apporter des réponses techniques et d’aider l’agriculteur à creuser plus loin que le simple constat d’un nouvel outil qui ne marche pas, en lui expliquant que ce n’est peut être pas la faute de l’outil, mais de la sienne... »
Echanger avec les autres groupes Créé dans un contexte de « tout labour », le groupe Amikuze compte aujourd’hui 20 agriculteurs dont 6 très impliqués par leur présence aux réunions. Les pratiques de conservation des sols sont encore marginales, mais se développent. Une véritable dynamique s’est mise en place, et ne saurait rester confinée au secteur de Saint-Palais. Julien Noguiez suit également un groupe sol sur les deux départements des PyrénéesAtlantiques et des Landes. Plusieurs Cuma dans la région investissent en TCS, sans pour autant faire partie du groupe sol Amikuze. En fait, des petits groupes existent autour de celui animé par EHLG et l’objectif est de créer des ponts entre eux. « Pour favoriser les échanges : on veut ainsi organiser des journées où les groupes de différentes zones présentent leurs résultats. Cela fait avancer la réflexion », termine Manue Bonus. Opaline Lysiak
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Le semis en liberté Les lignes de semis et de partage entre les différentes familles de semoirs tendent à s’estomper sous l’effet d’équipements et d’options s’affranchissant de toutes les conditions de travail ou presque, voire de toutes les semences. Même les granulés d’engrais y passent.
Horsch développe un doseur monograine débrayable adapté au semis des céréales et du colza.
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aut-il y voir la volonté de semer sur les platebandes des semoirs de marque ou de concepts concurrents, ou celle de développer la polyvalence du matériel, synonyme d’optimisation des investissements au niveau des exploitations ? Les deux probablement. Toujours est-il que les frontières entre les différents types de semoirs tendent à s’estomper, qu’il s’agisse des organes de mise en terre comme des systèmes de sélection des graines. Dans ce dernier registre, Pöttinger a inauguré avec l’Aerosem série 1002 un semoir doté d’une double distribution, apte à semer de semer
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Horsch
le blé, le colza ou le pois, au même titre que les espèces monograine telles que le maïs ou le tournesol. Les semences empruntent deux circuits de distribution différents avant d’arriver aux éléments semeurs. Le blé passe par la tête de distribution IDS, autorisant des densités de semis comprises entre 1,5 et 340 kg/ha et une vitesse de travail pouvant atteindre 12 km/h, avec au choix trois systèmes de mise en terre (socs traînants sur 3 rangées, socs mono-disques sur 2 rangées ou socs double-disques Dual Disc sur 2 rangées). On voit là que les facteurs limitants, s’agissant de la fourchette de densité, de la vitesse et des organes de mise en terre sont réduits à la portion congrue.
Mais ce n’est pas tout. Dans le cas d’un semis de maïs, les semences empruntent la distribution PCS, qui offre une sélection mécanique graine à graine, avant leur transport par surpression vers les socs Dual Disc, écartant les débris, avant le coup de pouce d’une roulette d’appui. L’entre-rang, l’écartement ou encore le nombre de grains par hectare entre grains sur le rang peuvent être saisis sur le terminal embarqué. Les débits peuvent être modifiés sans avoir à déplacer de chaînes ou pignons, le tout sous le contrôle de capteur optiques avec information correspondantes sur le terminal. Le système PCS peut compter jusqu’à 10 distributions monograine en version 4 m, pour des inter-rangs de 37,5 cm et 75 cm. Dans la configuration monograine, la compartimentation de la trémie réserve 400 litres pour les semences et 850 litres pour l’engrais (sinon la semence d’une culture associée) distribué par la tête IDS. Les Aerosem série 1002 peuvent être combinés à la herse rotative Lion, à l’outil à dents compact Fox ou au déchaumeur à disques Terradisc Multiline. Un appareil emblématique de la quête de polyvalence poussée à son extrême, s’agissant des types de semences, de la vitesse de travail, des organes de préparation et de mise en terre et de la localisation d’engrais. Bref, un semoir sans limite, si ce n’est sa largeur de travail, contenue à ce jour à 3 et 4 mètres.
Double distribution Cette combinaison d’une distribution monograine et d’une distribution volumétrique est en
Kuhn remplace le SpeedLiner par l’Espro Plus rapide, plus précis et moins gourmand en puissance : c’est l’équation mise au point par kuhn pour s’imposer dans le semis simplifié. A l’avant, l’Espro attaque le sol par une rangée de disques concaves de 460 mm de diamètre, ouvrant le sillon et assurant l’incorporation des débris végétaux, y compris en sols lourds. Le contact graine/sol et la régularité de la profondeur de semis sont assurés par des roues de rappui décalées, d’un diamètre de 900 mm pour 215 mm de largeur, ménageant un espace de 85 mm entre deux roues pour faciliter le passage de la terre. Leur profil carré garantit un rappui uniforme sur toute la largeur du pneumatique tandis que les bandes de roulement au profil tranchant et profond émottent le sol pour bien le préparer. A l’arrière, l’Espro est équipé de la barre de semis Crossflex assurant une profondeur de semis
cours d’élaboration chez Horsch, qui expérimente la distribution monograine appliquée au semis de céréales et colza. Elle est motivée par plusieurs enjeux agronomiques. Selon le constructeur, outre la semence, le semis monograine permet d’escompter des économies de fongicides et de régulateurs du fait du développement végétatif non luxuriant, aéré et homogène tout au long du cycle du blé. Générant 15 à 20 talles par pied et un poids de milles grain plus homogène, le blé semé au monograine est moins sensible au stress climatique et génère au final plus de quintaux plus faciles à battre. Le doseur monograine développé par Horsch affiche une précision intermédiaire entre un semoir en ligne et un semoir monograine. En matière de semis, la précision se jauge à
Kuhn
Avec l’Espro, Kuhn entend se faire une place dans les TCS à la faveur d’une double maîtrise de la précision et de la puissance de traction.
constante en toutes conditions. Elle se compose de barres à disques montées sur blocs de polyuréthane fixés sur un tube profilé spécial. Tandis que le disque dévie vers le haut et vers le bas pour s’adapter au sol, les blocs de polyuréthane agissent comme quatre petits ressorts ne pouvant pas glisser à la surface du tube. Le disque retrouve ainsi rapidement et précisément sa position initiale. A l’avant, l’Espro peut recevoir des roues d’appui de 460 mm de diamètre pour consolider le sol et briser les mottes en conditions sèches, avec réglage de pression
l’aune du coefficient de variation, révélateur de la constance de la distance entre deux graines et de l’absence de poquets et de manques. Sur un semoir monograine, le summum de la précision, c’est lorsque le coefficient de variation est compris entre 20 et 30 %. A l’opposé, sur un semoir en ligne conventionnel, le coefficient de variation oscille entre 90 et 120 %. La nouvelle distribution de Horsch est caractérisée par un coefficient de variation compris entre 30 et 50 %. Elle s’opère en deux temps. Dans la trémie centralisée, un premier doseur réalise un premier pré-dosage. La semence pré-dosée est transportée pneumatiquement jusqu’au doseur attitré à chaque élément semeur. Ce système est capable de doser des céréales
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depuis la cabine. Compatible Isobus, le semoir intègre un mode de gestion des demi-tours qui déclenche, sur pression d’un bouton, le relevage successif des éléments de travail à l’approche de la bordure pour permettre le semis jusqu’au bord du champ. Le doseur s’arrête au moment où les outils avant se relèvent. Ceci garantit que les graines contenues dans les flexibles parviennent dans le sol avant le relevage des éléments pour qu’aucune graine ne restent à la surface du sol. Proposé en 3 m et 6 m, l’Espro contient la puissance de traction autour de 30 à 35 ch/m.
jusqu’à une fréquence de 120 Hz ce qui correspond à 120 grains/seconde et donc à une densité maximale de 240 grains/m2 à 12 km/h avec un inter-rang de 15 cm. Le système permet d’abaisser la densité jusqu’à 50 grains/m2. Le nouveau système de dosage est adapté au Pronto DC ou encore au Focus TD équipés des éléments semeurs TurboDisc, dotés d’une languette téflon et d’une roue de plombage garantissant le placement de la graine. Les doseurs individuels peuvent être déconnectés à tout moment au profit de la distribution centralisée. Il n’est pas inutile de rappeler ici que la distribution graine à graine toutes espèces appliquée aux céréales est l’apanage d’Herriau
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Moteur
et de son Turbosem depuis plus de 25 ans, un matériel décliné sous de multiples versions, dont une adaptée aux techniques culturales simplifiées (P24 Evolution 2) mettant en œuvre des disques ouvreurs crénelés de 400 mm de diamètre, au réglage de profondeur indépendant de celle du semis. Quand le simplifié chemine vers la précision, du point de vue de la distribution, la précision chemine vers la simplification, du point du vue du placement des graines…
Double préparation La permutation des outils de travail du sol associés aux semoirs est une autre illustration du croisement des techniques, et peut s’observer aussi bien du côté des classiques semoirs combinés à une herse rotative que des matériels dédiés aux TCS. Chez Great Plains par exemple, le Centurion pour TCS se transforme en Saxon pour semis direct moyennant la substitution des disques crénelés par des disques droits Turbo. Selon le constructeur, il s’agit du premier semoir « deux en un », permettant aux agriculteurs comme aux entrepreneurs d’appréhender la diversité et l’hétérogénéité des parcellaires, ou encore d’assurer une transition en douceur vers le semis direct. Sur le Saxon, la paille et les résidus de récolte sont chassés de la ligne de semis par l’action de la rangée de disques Turbo. Le rouleau rappuie le sol devant chaque élément semeur pour en préserver la fraîcheur. Et en ce qui concerne la rampe de semis, le Saxon reprend les caractéristiques du semoir Centurion, en termes de distribution et de placement de la graine. Les disques Turbo sont ainsi alignés avec une rangée de doubles disques ouvreurs Série 00. La pression d’appui exercée sur la rampe de semis, de 40 à 160 kg par élément, est ajustable hydrauliquement pour assurer un placement des graines à une profondeur régulière quelques soient les conditions de sol. La pression exercée sur les rampes de
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Pöttinger
semis est suffisante pour pouvoir choisir d’utiliser ou non les disques Turbo à l’avant. Si les disques sont en action, la minéralisation des pailles est accélérée, ce qui peut, dans certains cas, consommer l’azote résiduel au détriment des cultures suivantes. Proposé en 3 et 4 mètres, le nouveau semoir de Great Plains est équipé d’une trémie de 3 000 litres. Une version double cuve, pour la fertilisation embarquée ou pour le semis de deux espèces complémentaires, est proposée en option avec une trémie de 4 000 litres.
La herse rotative en alternative Chez Sulky, on revisite le combiné herse rotative Xeos Pro. Associé jusqu’à présent à une herse rotative Cultiline HR, le semoir pneumatique Xeos Pro peut désormais être combiné à un module de travail du sol constitué de deux rangées de disques, dont la disposition en croix explique la dénomination Cultiline XR. Les disques crénelés de 415 mm de diamètre sont adaptés au travail sur mulch à une vitesse pouvant atteindre 12 à 15 km/h. Le flux
de terre est nivelé par une herse peigne située juste derrière les deux rangées de disques. Cette nouvelle combinaison permet ainsi au Xeos Pro de gagner en débit de chantier, sans s’interdire la permutation du module de disques par une herse rotative lorsque que les conditions deviennent humides en fin de saison. Le module Cultiline XR est proposé en 3 m, 3,50 m et 4 m, ce qui correspond aux largeurs de travail du semoir pneumatique Xeos Pro, caractérisé par ses éléments semeurs Cultidisc (monodisque crénelé de 415 mm avec un dégagement de 560 mm entre rangs) pouvant supporter une pression de 80 kg. Le Xeos Pro s’enrichit également avec le Tracker d’un nouveau rouleau, complétant les Packer et Farmflex déjà disponibles. D’un diamètre de 550 mm, le Tracker est composé de rayons crantés en fonte. Sa capacité de réappui sur le sillon garantit la remontée d’humidité par capillarité tout en garantissant la régularité de profondeur de semis. Les zones non tassées entre les lignes de semis font office de drains en cas de fortes pluies, prévenant les phénomènes de battance sur la ligne de semis. Et pendant que Sulky met entre parenthèses la
DVT, le déchaumeur spécial semis direct de Sky Agriculture Difficile, dans notre contexte pédoclimatique, de pratiquer le semis direct sans avoir recours, au cas par cas, à une intervention mécanique, ne seraitce que minimaliste, en particulier pour les implantations de printemps.
L’Aerosem série 1002 Pöttinger est doté d’une double distribution capable de semer du blé comme du maïs.
herse rotative sur son Cultiline XR, Horsch en introduit une sur son Express 3 KR, au même titre qu’Agrisem, promoteur s’il en de techniques de semis diverses et variées (semoirs directs, par recouvrement, à disques et à dents), avec son combiné Actisem Silver P, dérivé du Disc-O-Sem à disques. Raphaël Lecocq
Sky Agriculture
Fort de ce constat, Sky Agriculture propose un nouveau type de déchaumeur, composé de deux rangées de disques indépendants. Là n’est pas son originalité puisque cette conception est présente chez tous les fabricants de déchaumeurs, y compris chez Sky Agriculture avec la gamme DDI. La singularité du DVT réside dans l’absence d’angle d’attaque des disques, angle susceptible de varier dans une fourchette comprise entre 12 et 20° sur les déchaumeurs à disques conventionnels. Avec des disques travaillant dans l’axe d’avancement, le DVT provoque une perturbation minimale de l’horizon superficiel du sol, sur une profondeur comprise entre 2 et 5 cm, profondeur contrôlée hydrauliquement à l’arrière au moyen des deux rouleaux cage à barres carrées arrière, d’un diamètre différent (500 et 400 mm). Le DVT ne se contente pas pour autant de ciseler le sol en bandes de 11,5 cm de largeur correspondant à l’écartement entre deux disques, d’un diamètre de 56 cm et subissant une pression comprise réglage entre 150 kg et 200 kg. S’ils pénètrent
facilement, les disques Vortex turbo et leur profil crénelé ont la faculté d’éjecter la terre et les débris qu’elle supporte. Ce faisant, le DVT réalise un tri densimétrique des éléments éjectés : les éléments les plus grossiers comme les mottes et les pailles, envoyées plus haut, retombent sur la terre fine, faisant le lit des futures semences protégées de la battance et de l’assèchement sous les éléments grossiers. La verticalisation maîtrisée du travail, sans perturber ni les horizons ni l’activité biologique, et sans induire de lissage, rend le DVT compatible avec le semis direct. Sky Agriculture crédite son appareil des fonctions et avantages suivants : mulchage des couverts végétaux, gestion accélérée des résidus de récolte, anticipation de la minéralisation en sortie d’hiver, réchauffement, oxygénation, ressuyage de sols froids au printemps, gain d’une semaine en dates de semis de printemps, perturbation de certains ravageurs (limaces, mulots), gestion de l’enherbement par la production de terres fine en surface sans risquer d’enterrer trop profondément les graines de ray-grass, vulpin, brome, folle-avoine. Le déchaumeur est proposé en 5,20 m, 6,20 m et 8,20 m. La puissance requise est comprise entre 30 ch/m et 40 ch/m et la vitesse de travail entre 15 km/h et 20 km/h.
Sky Agriculture présente avec le DVT un déchaumeur à disques indépendants dépourvu d’angle d’attaque, pensé pour le semis direct. A.J.
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AGRONOMIE
Les engrais foliaires, pour optimiser la nutrition Les engrais foliaires apportent un bénéfice réel à la culture, à condition de savoir apprivoiser leur technicité. Prévenir les carences induites L’utilisation en cas de carence en cours de végétation est plus rare, car demandant une expertise technique poussée : « Dans un sol assez acide, ou au contraire très basique, on peut avoir une partielle insolubilisation du phosphore. De même, dans un sol très aéré et calcaire, le fer et le manganèse, oxydés et insolubilisés, ne sont plus disponibles pour la plante, ajoute l’expert. Un apport foliaire précoce permet d’éviter l’apparition de la carence et des dommages sur la croissance et le métabolisme. » Brexil Nutre Lsa, commercialisé par Valagro, prévient les carences en manganèse, fer et zinc, qui peuvent apparaître à la reprise de végétation, période où la plante a des besoins particulièrement élevés en ces éléments.
Carence en manganèse, potassium et soufre, sur blé.
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a technique a fait ses preuves sur la vigne : apporté par voie foliaire, l’azote améliore grandement la richesse aromatique du vin. Mais en grandes cultures, le débat reste ouvert. Selon Philippe Eveillard, directeur agriculture environnement et statistiques à l’Unifa, les engrais foliaires peuvent s’avérer utiles dans deux types de situations. « En
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général, les agriculteurs font appel à cette technique pour assurer la nutrition sur le long terme, et un bon rendement protéique. En fin de cycle, il se peut que la voie racinaire fonctionne moins bien si le sol est sec. De même, une période froide peut retarder la minéralisation et l’activité racinaire. L’apport d’azote par voie foliaire est alors intéressant. »
Jean François Ducret, directeur général de Valagro, rappelle la réglementation : « Aujourd’hui, les biostimulants sont commercialisés, comme les engrais foliaires, sous les normes engrais CE ou NFU. La réglementation actuelle fait l’amalgame, mais il faut différencier les deux types de produits. » L’entreprise propose une gamme d’engrais foliaires purs et une gamme d’engrais ayant également une action biostimulante, parmi lesquels on peut citer Megafol Protein, qui a fait l’objet d’essais en plein champ par Arvalis. « Le produit, utilisé sur blé, luzerne et soja, vise à favoriser le stockage
des protéines et limiter leur dégradation ou dilution en cas de forts rendements » précise JeanFrançois Ducret. Les spécialités stimulant le stockage des protéines constituent, en association avec le fractionnement des apports d’azote, une aide précieuse pour relever le taux de protéines des blés français.
Stress environnementaux et enracinement Certaines situations sont plus propices à l’utilisation de biostimulants: manque ou excès d’eau, forte chaleur, vent, froid, grêle, application de produits phytosanitaires. « Ces stress environnementaux entraînent une baisse de rendement. Megafol (dans la même gamme que Megafol Protein) induit, sur blé et maïs, une surexpression des gènes impliqués dans la résistance aux stress variés. Associé aux herbicides, il vise à réduire le stress causé par ce dernier », explique le directeur de Valagro. En plus du complexe de substances naturelles actives GEA 931, le produit est composé d’azote, d’oxyde de potassium et de carbone organique. En bio, Compo Expert propose Basfoliar Kelp Bio un produit à base d’une algue, Ecklonia maxima, riche en équivalents auxines. Face à un afflux d’hormones, la plante doit rétablir son équilibre hormonal en produisant des cytokinines ; ces hormones devant être synthétisées dans les racines, la plante va développer ces dernières. En conditions stressantes, l’élongation des racines permet de mieux assimiler l’eau et les nutriments.
disponible, état hydrique, structure, pH), et de la plante (exigences, localisation des symptômes dans la parcelle, parties atteintes, stade). L’historique de fertilisation sera utile pour détecter d’éventuels antagonismes entre éléments. Enfin, la correction du problème sur le long terme nécessite des solutions agronomiques: correction de l’acidité excessive du sol, entretien des réserves minérales, rotation des cultures. Le raisonnement est similaire pour les biostimulants: l’observation des stades est cruciale afin de positionner le produit au moment où la plante pourra physiologiquement le recevoir: pour le soja par exemple, un produit favorisant le stockage des protéines sera appliqué à 3 litres par hectare, de la pleine floraison à l’émergence des premières gousses.
interne des feuilles, et la cuticule, située sur le dessus de la feuille. La pénétration est optimale lorsque les stomates sont ouverts. L’application doit donc être effectuée lorsque l’hygrométrie est maximale, sans humidité excessive à la surface des feuilles; cela entraînerait le lessivage du produit. A terme, les engrais foliaires purs et améliorés peuvent être intégrés dans un programme de protection des cultures, à condition de former leurs utilisateurs. Un challenge que fabricants, coopératives, instituts techniques et établissements d’enseignement doivent relever. Opaline Lysiak
Un succès lié aux modalités d’application Les spécialités foliaires sont formulées dans l’objectif de couvrir le feuillage et d’y faire pénétrer les éléments nutritifs. Deux voies d’absorption foliaires existent: les stomates, localisés sur la face
L’agronomie pour une meilleure précision Une bonne connaissance de son sol et des exigences des cultures est essentielle ; l’engrais foliaire doit être apporté après un diagnostic précis, à la fois du sol (oligoélément présent mais non
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Carence en zinc sur maïs.
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AGRONOMIE
Désherbage d’automne, soyez prêts ! Le désherbage doit répondre à des difficultés de plus en plus grandes liées à plusieurs facteurs : réduction de l’usage des produits phytos, moins des solutions disponibles, augmentation du salissement des parcelles, apparition de résistance aux herbicides… Mais, après des années de disette, les firmes annoncent l’arrivée de nouvelles solutions pour la prochaine campagne. des graminées et ce, d’autant plus que les résultats des désherbages de sortie d’hiver en céréales se dégradent.
Evolutions réglementaires En modifiant leurs pratiques, les céréaliers cherchent à garantir le plus en amont possible le potentiel de rendement, s’offrant par la même occasion la possibilité de combiner plusieurs modes d’action leur permettant de lutter contre les résistances des graminées aux inhibiteurs de l’Als (une enzyme) qui se généralisent. Et ils redécouvrent petit à petit la valeur de la rotation et de l’agronomie.
A.J.
A
vec le nettoyage du catalogue des usages intervenu ces dernières années, le développement des résistances, l’augmentation des matières premières, sans oublier les réglementations environnementales et les restrictions en sols drainés… Conserver sa marge sur les céréales est un combat de tous les instants. Pas étonnant de constater une montée en puissance
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des désherbages d’automne sur céréales comme le prouve une étude conduite par BASF Agro, qui montre notamment que l’investissement annuel en herbicides a progressé de 30 % en dix ans. De son côté, Arvalis-Institut du végétal insiste sur l’urgence de réinvestir dans les passages d’automne, autant pour maintenir les parcelles propres que pour limiter les pertes de rendement liées à la concurrence
Cette année, la donne pourrait être différente, compte tenu de la pluviométrie printanière, plus clémente que celle de l’an passé, suivie d’une sécheresse qui a perduré tout l’été. Mais un automne pluvieux pourrait à nouveau rebattre les cartes et compliquer encore plus la tâche des céréaliers qui devront cette année faire avec les évolutions réglementaires telles que l’évaluation du risque de contamination des eaux de surface.
Innovations en désherbage, le retour Mais après plusieurs années sans réelles innovations, l’année 2015 se révèle prolifique. Bayer annonce
A.J.
la sortie de Pacifica® Xpert sur céréales (blé tendre d’hiver et de printemps, blé dur d’hiver et de printemps, seigle, triticale et épeautre). Cette spécialité complète la gamme de solutions herbicides Mesomaxx (Othello®, Atlantis® Pro et Archipel® Duo) de la firme. Pacifica® Xpert est une association de trois matières actives – mésosulfuronméthyl, iodosulfuron-méthyl sodium et amidosulfuron, reconnues pour leurs performances sur les principales adventices (vulpin, ray-grass, gaillet) – et d’un agent phytoprotecteur intégré, le méfenpyr-diéthyl. Il est recommandé de le positionner en sortie d’hiver, du stade 3 feuilles à 2 nœuds, ce qui en fait une solution pour un désherbage précoce. Chez BASF, la nouveauté vient de Canopia (formulation granulé dispersibles), un anti-gaillet à large spectre dicotylédones autorisé sur toutes céréales à paille d’hiver et de printemps, du stade 3 feuilles à dernière feuille étalée (dose : 0,07 kg/ha). Cet herbicide contient deux matières actives : du tritosulfuron à 714 g/kg et du florasulam à 54 g/kg. Attention toutefois, Canopia sera commercialisé dès la campagne 2015-2016, pour une utilisation en sortie d’hiver 2016. Autre changement intervenu depuis la dernière campagne, Flight est désormais distribué par Philagro. Pour rappel, cette solution est composée de deux substances actives aux modes d’action complémentaires : le picolinafen à 7,5 g/l et la pendiméthaline à 330 g/l. Elle offre une alternative pour lutter contre les résistances des graminées aux inhibiteurs de l’Als. Flight est homologué à la dose de 4 l/ ha sur blés d’hiver, orge d’hiver en pré et post-levée, et sur triticale en post-levée.
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AGRONOMIE
Chez Adama France, deux nouveaux herbicides sont annoncées : Codix (pendiméthaline 400 g/l + diflufénicanil 40 g/l) est efficaces contre les graminées et les dicotylédones à la dose de 2,5 l/ha. Autorisé sur blé tendre d’hiver, blé dur d’hiver, orge d’hiver et triticale, il est utilisable en pré et en post levée jusque fin tallage. De son côté, Compil (500 g/l de diflufenican en formulation SC) est homologué à la dose de 0,25 l en prélevée et à 0,3 l en post-levée. Dow AgroSciences commercialise enfin deux nouveautés : Aka, un antidicotylédones large spectre efficace sur annuelles et vivaces, en formulation concentré émulsionnable. Il s’utilise dès la sortie d’hiver, ou en rattrapage jusqu’au stade dernière feuille visible. Cette solution est composée de Florasulame 2,5 g/l, de Fluroxypyr 100 g/l et de Clopyralid (sous forme de sel de monoéthanolamine) 80 g/l. Enfin, Abak (Pyroxsulame 75 g/kg + Cloquintocet-mexyl 75 g/kg) est un antigraminée large spectre en formulation granulés dispersables (WG), conseillée du stade tallage à début montaison sur blé tendre d’hiver, seigle et triticale.
Pas d’interdiction pour le glyphosate « Non, il n’y aura pas d’interdiction. » L’incertitude régnait avant d’être levée le 10 juin dernier lors de l’annonce du ministre de l’Agriculture, Stéphane Le Foll, validant la poursuite de la commercialisation du glyphosate. La molécule est notamment présente dans le Roundup (Monsanto) et les insecticides malathion et diazinon. Sur le sujet, la plateforme Glyphosate France et les autorités sanitaires, dont l’Anses en France, sont en attente d’études complémentaires à l’avis du Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) dont le rapport, préliminaire et non-définitif, avait entrainé la levée de boucliers du monde agricole. Fin août, l’Institut fédéral pour l’évaluation des risques (BfR) allemand mettait en doute l’étude du CIRC. Rappelons que l’Allemagne a été désignée Etat membre rapporteur et le BfR est donc en charge du rapport de réévaluation du glyphosate qui sera ensuite remis à l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) qui doit transmettre ensuite ses conclusions à la Commission européenne qui devra statuer avant la fin de l’année, l’autorisation du gluphosate expirant fin décembre.
Céline Zambujo
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Stratégie et Benchmark
Machinisme, l’investissement productif de la loi Macron mérite d’être observé de près La loi Macron inclut (entre autres) une mesure exceptionnelle de soutien à l’investissement productif. Elle consiste à déduire du résultat fiscal une somme égale à 40 % de l’investissement, sous certaines conditions, et au plus tard le 14 avril 2016. Un effet d’aubaine, mais avant de s’engager, il est prudent de se poser les bonnes questions.
Par Patrick Lévecque, conseiller d’entreprise à CerFrance Nord Pas de Calais
Quelles exploitations peuvent bénéficier de cette mesure ?
L’exploitation doit être au bénéfice réel, à l’impôt sur le revenu personne physiques (IRPP) ou à l’impôt sur les sociétés (lire l’encadré).
Quels sont les investissements éligibles ?
Les investissements réalisés entre le 15 avril 2015 et le 14 avril 2016, répondant aux critères suivants : Certains biens neufs amortissables selon le mode dégressif, qui relèvent de l’une des catégories suivantes : - matériels et outillages utilisés pour des opérations industrielles de fabrication ou de transformation, à l’exclusion du matériel mobile ou roulant affecté à des opérations de transport (voitures d’exploitation, remorques, plateaux et bennes), - matériels de manutention, - installations destinées à l’épuration des eaux et à l’assainissement de l’atmosphère, - installations productrices de vapeur, de chaleur ou d’énergie, à l’exception des installations de production d’énergie électrique dont la production bénéficie de tarifs réglementés (donc ne concerne pas les installations photovoltaïque ou unités de méthanisation). - matériels et outillages utilisés à des opérations de recherche scientifique.
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Pour le matériel agricole, un doute pouvait subsister pour les tracteurs qui sont à la fois du matériel roulant et du matériel de transport. Toutefois, dans une brochure interne, l’administration le reprend en exemple et lève donc ce doute. Tout le parc matériel classique d’une exploitation agricole (charrue, pulvé, semoir…) semble être éligible en dehors des exclusions citées ci-dessus. Ce matériel peut être acheté, fabriqué par l’entreprise ou financé par un crédit bail ou une location financière avec une option d’achat. Ce matériel doit en principe être livré et facturé entre les eux dates qui bornent cette mesure. Pour certains matériels qui portent un élément de série, désigné par un genre, une marque ou un titre, la date retenue peut être la remise des titres ou des documents représentatifs, c’est-à-dire carte grise. Par précaution, nous conseillons la livraison effective. Les investissements doivent être amortissables en dégressif (donc neufs) mais l’exploitant n’est pas obligé de les comptabiliser comme tels.
Quel est l’impact sur la trésorerie ? En terme de trésorerie deux approches doivent être réalisées :
Quel débours immédiat ?
Lors de la négociation avec le vendeur, comparer le prix d’une acquisition neuve (amortissement dégressif oblige) avec celui d’une occasion récente. Par exemple le matériel d’occasion coûte 70 000 €, et le neuf 100 000 € : dans ce cas il faut débourser 30 000 € de plus dans l’immédiat.
Quels effets sur les prélèvements obligatoires ?
Le fait d’acheter du neuf permet de déduire du résultat 40 % d’amortissements de plus que le prix d’achat. L’achat en neuf permet de pratiquer de l’amortissement dégressif. La déduction fiscale de 40 % est étalée uniformément sur la durée d’amortissement. Par conséquent, l’acheteur bénéficie d’une réduction d’impôts proportionnelle à son taux marginal (tranche maximale de son revenu imposable). Selon le niveau de revenu imposable, et la situation familiale, les prélèvements sont différents. Pour avoir une approche rapide, retenons par exemple une tranche marginale de l’impôt sur le revenu à 30 %.
longue, au plus l’engagement est fort. Si entre-temps l’exploitant souhaite changer de matériel, pour un autre plus performant, ou, que celui acheté occasionne des soucis de fonctionnement, il est contraint de garder le matériel : dans le cas contraire, il devrait rembourser les gains obtenus. L’exemple est réalisé avec un taux marginal d’imposition à 30 %. Selon les années, celui-ci peut augmenter ou diminuer selon la conjoncture. S’il diminue, baisse du résultat, changement de quotient familial, l’avantage fiscal est moindre. L’exemple n’intègre pas les plus-values imposables lors de la revente : selon qu’il soit imposable ou non l’incidence est à prendre en compte dans les calculs. Au-delà de l’analyse chiffrée, il faut également comparer les avantages et inconvénients par une analyse qualitative, ceci en terme de technologie, d’options, de garanties de facilité de revente par la suite. Pour une bonne gestion, il faut s’interroger sur les besoins réels en investissement, l’impact sur les coûts de revient, la trésorerie immédiate et différée. Puis après analyse des facteurs qualitatifs et quantitatifs selon les scénarios, se décider, en connaissance de cause, de l’intérêt ou non de saisir cette opportunité. Réalisé par CerFrance www.cerfrance.fr
En trésorerie, l’achat du neuf avec sur-amortissement engendre un débours sur 7 ans de 58 000 €, l’occasion un débours de 49 000 €. Pour affiner ces calculs, il faut intégrer les cotisations sociales. Sur le neuf, l’économie de cotisations sera de 100 000 € x 23 % (taux de cotisations sur le brut audelà du plafond de la sécurité sociale), soit 23 000 €. Sur l’occasion 70 000 € x 23 %, soit 16 100 €. Le différentiel diminue il serait de 2 100 €. Ce différentiel est cumulé sur 7 ans, il peut varier fortement selon les résultats année par année et le taux marginal d’imposition.
Quels sont les effets à moyen terme ?
Pour bénéficier totalement de l’effet du suramortissement il faut garder le bien sur toute sa durée d’amortissement, au plus la durée d’amortissement est
Pour les sociétés assujetties à l’impôt sur les sociétés Le taux d’imposition de la société est de 15 % jusque 38 120 € de résultat et de 33,33 % au-delà, ceci peut se comparer au taux marginal avant distribution. Toutes les plus-values sont imposables. Si la société décide de distribuer, il faut alors intégrer dans les calculs le différentiel d’impôt à payer par les associés.
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Portfolio 24 heures avec l’ETA Gernez L’entreprise de travaux agricoles (ETA) Gernez en plein travail estival. A La Neuville-Bosmont (Aisne), Ludovic Gernez dirige 13 salariés à temps plein, 9 pour les travaux agricoles et 4 pour l’épandage, l’autre activité de l’entreprise. Plus 4 à 5 saisonniers. Certains agriculteurs confient tous leurs travaux à l’ETA, d’autres seulement une partie... Chaque jour de l’été, les moissons se succèdent, sur plus de 5000 hectares, dans l’Aisne mais aussi dans l’Aube. Le matériel est adapté aux semis et aux récoltes des céréales, du maïs, et des betteraves. Vivez, par l’image, une journée de l’ETA Gernez... Reportage photos de Jean-Marie Leclère
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PORTFOLIO > 24H avec l’ETA GERNEZ
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REFLEXIONS
Les enjeux stratégiques autour du blé Le spécialiste des questions agricoles Sébastien Abis vient de publier un ouvrage très intéressant intitulé Géopolitique du blé. Un produit vital pour la sécurité mondiale (Armand Colin - Iris Editions).
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l y démontre notamment qu’au même titre que le pétrole, le blé joue un rôle stratégique car il constitue une denrée vitale pour près de trois milliards de personnes dans le monde, qui le consomment en particulier sous forme de pain. Or, le nombre de pays qui produisent du blé en quantité suffisante pour pouvoir exporter sont très peu nombreux, moins d’une vingtaine selon l’auteur. Le blé est un produit stratégique pour au moins deux raisons. La première est l’importance que le commerce international du blé a revêtue depuis très longtemps. Celui-ci était, en effet, florissant, et vital, déjà dans l’Antiquité à partir du moment où Athènes et Rome n’étaient pas autosuffisantes en blé et dépendaient donc des importations. Il est également intéressant de noter que l’on tend à retrouver les mêmes grands acteurs dans les échanges internationaux. Le blé qu’importait en priorité Athènes provenait déjà
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d’Ukraine. Mais depuis le XIXe siècle, on peut aussi remarquer que les grands bouleversements du marché du blé sont liés avant tout à l’évolution de la situation en Russie. Alors que le pays représentait plus de la moitié des exportations mondiales de blé avant la Première Guerre mondiale, la révolution bolchévique de 1917 a totalement changé la donne. C’est dans ce contexte, et sur fond de guerre sur le continent européen, que les pays « neufs » (Etats-Unis, Canada, Argentine, Australie) sont devenus les principaux acteurs du marché mondial du blé. De même, la fin de la Guerre froide et le réinvestissement de la Russie et d’autres pays de l’ex-URSS (Ukraine, Kazakhstan) dans l’agriculture leur ont permis de redevenir des acteurs incontournables du marché mondial depuis le début des années 2000. Aujourd’hui, les principaux exportateurs mondiaux de blé sont d’ailleurs par ordre les Etats-Unis, l’Union européenne, le Canada, l’Australie, la Russie, l’Ukraine et le Kazakhstan.
L’influence de l’exportateur Le blé est également un produit stratégique en raison de la capacité d’influence internationale
que peut conférer le fait d’être un exportateur net de blé. Les Etats-Unis, le premier exportateur mondial depuis environ un siècle, l’ont très vite compris en utilisant ce « pouvoir vert » comme « arme alimentaire » tant vis-à-vis de l’Union soviétique que de ses propres alliés. Et la France là-dedans ? Si la France est devenue le 5e producteur mondial de blé et le 3e exportateur mondial, Sébastien Abis rappelle à quel point nous revenons de loin. La Première Guerre mondiale a conduit, en effet, à une chute spectaculaire de la production céréalière. La France devient alors très dépendante des importations de blé. Il a fallu ainsi attendre février 1949 pour qu’il y ait une levée du rationnement du pain dans le pays et seulement le début des années 1970 pour que la France devienne exportatrice nette. Or, le blé représente l’un des derniers attributs de la puissance du pays. L’auteur parle à ce propos du « pétrole doré de la France ». D’après lui, il en découle même une responsabilité particulière, notamment dans les équilibres alimentaires du pourtour méditerranéen. Eddy Fougier
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