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Edito Les bons arguments face aux idées reçues sur l’environnement en agriculture
C
e numéro de WikiAgri est exceptionnel. D’abord, parce qu’il n’est pas seulement de WikiAgri, mais conjointement réalisé, et rédigé, par WikiAgri et Agriculture & Environnement. Non, l’un n’a pas racheté l’autre. Oui, l’un et l’autre sont totalement indépendants, et poursuivront ensuite chacun leur voie. Ce numéro est une rencontre. Nous souhaitions, à WikiAgri, un numéro axé sur l’environnement en agriculture. Mais pas à n’importe quelle sauce. Le traitement rigoureux, fondé sur des arguments reposant sur des bases scientifiques solides du journaliste Gil Rivière-Wekstein, rédacteur en chef et créateur de Agriculture & Environnement (A&E pour les intimes), nous semblait le plus proche du ton que nous voulions pour ce numéro. L’accord a été trouvé facilement, d’autant que le leitmotiv de A&E consiste à dénoncer les idées reçues sur l’environnement : notre numéro spécial « environnement » a donc été rédigé en grande partie par Gil Rivière-Wekstein, en prenant point par point plusieurs idées reçues que vous tous, chers lecteurs, avez rencontrées un jour ou l’autre... Si ce n’est au quotidien. A quelques jours de la conférence environnementale internationale Cop21, voici donc notre contribution au débat, signée conjointement WikiAgri et A&E. Antoine Jeandey Rédacteur en chef de WikiAgri
A.J.
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Sommaire WikiAgri n°18 / novembre 2015 Directeur de publication Yannick Pages Rédacteur en chef Antoine Jeandey Rédaction Eddy Fougier Frédéric Hénin Raphaël Lecocq Céline Zambujo redaction@wikiagri.fr
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Edito P.3
THÉMA Cambon lui semble
A participé à ce numéro Gil Rivière-Wekstein (Agriculture & Environnement)
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Dessinateur Michel Cambon
l
Photographe Jean-Marie Leclère
P.12-13 - Exclusif, du cuivre dans les vins bio
Publicité Tél. 06 89 90 72 75 | pub@wikiagri.fr Responsable commerciale Anne Messines Tél. 06 08 84 48 02 Mail : anne.messines@wikiagri.fr
P.6 - Le dessin de Michel Cambon
P.16 à 28 - Les idées reçues sur l’environnement démontées une à une : abeilles, écologistes, bio, biodiversité, maïs, mutagénèse, OGM, monoculture P.30 à 33 - La conférence Cop21 et l’agriculture
Consultant Média Bernard Le Blond - Vision bleue Tél. 06 83 92 08 61 Conception graphique et maquette Notre Studio www.notrestudio.fr
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Conseil éditorial Sylvie Grasser - Hiceo Tél. 06 32 75 11 94 www.hiceo.fr
u
ISSN ISSN 2258-0964 Dépôt légal A parution
Théma
P.7 à 11 - Théma, les idées reçues sur l’environnement
AGRONOMIE
P.34 à 37 - Dossier « biocontrôle »
MOTEUR
P.38 à 41 - Les pulvérisateurs
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reflexions
P.42 - Agriculture, là où le réchauffement climatique est déjà visible
Service abonnements 4, impasse du Faubourg 38690 Le Grand Lemps Tél : 04 76 31 06 19 E-mail : contact@wikiagri.fr Abonnement annuel 34,90€ TTC (4 numéros) Prix au numéro : 10€ Site internet www.wikiagri.fr
Encart Agriculture et Environnement et encart Amazone regionalisé.
Impression SAS Imprimerie Leonce Deprez Zone industrielle de Ruitz 62620 Ruitz Tirage 48 000 exemplaires (dont 45 500 expédiés) Le magazine WIKIAGRI ® est edité par la société : DATA PRO SOLUTIONS 20, rue Joliot Curie 38500 VOIRON CEDEX
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Le dessin
Cambon lui semble
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THÉMA
A.J.
L’argumentaire journalistique qui conteste les idées reçues sur l’environnement Le contexte, Cop21 et la médiatisation des sujets sur l’environnement Cet automne 2015 est marqué par la conférence internationale sur le climat et l’environnement Cop21, qui doit se tenir à Paris du 30 novembre au 11 décembre. Tous les médias parlent donc de climat et plus largement d’environnement. WikiAgri s’intéresse à l’environnement dans l’agriculture dans ce numéro, sous un angle
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pertinent, la remise en cause des préceptes au nom desquels nos élites nous régissent. Un numéro spécial « environnement », réalisé par deux médias en fait, avec l’association avec Agriculture & Environnement. Les idées reçues ont la vie dure... Particulièrement lorsque l’on parle d’environnement, les raisonnements partent de ce qui apparaît comme
des règles absolues, des évidences, alors que celles-ci n’ont pas obligatoirement été démontrées, ou insuffisamment. Les temps n’ont pas changé depuis Le Dictionnaire des Idées Reçues de Gustave Flaubert, cet auteur du XIXe siècle qui tournait à la dérision ces soidisants savoirs absolus dont tout le monde se targue : aujourd’hui encore, il paraît « évident » que
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THÉMA Gil Rivière-Wekstein, le journaliste qui fonde ses opinions sur des arguments vérifiés WikiAgri s’associe donc à A&E pour ce numéro exceptionnel. A&E, c’est avant tout un homme, un journaliste, un auteur d’ouvrages. Spécialiste des questions environnementales, Gil Rivière-Wekstein ne se prive pas de donner des opinions qui, comme chaque opinion émise, connaissent leur lot de contestation. Le fait que l’on soit pour ou contre ses conclusions ne nous paraît pas ici le plus important. L’essentiel réside dans son traitement de l’information : toujours fondé sur une base argumentée, reposant ici sur des études scientifiques, là sur un raisonnement étayé par une large connaissance des sujets, connaissance qu’il partage volontiers. Toutefois, ce partage est habituellement réservé aux abonnés de sa revue. Aujourd’hui, WikiAgri vous permet d’y goûter… Vous tous, vous trouverez un intérêt, une base de réflexion, à la lecture de ses articles, même si, à l’arrivée, vos propres conclusions sont éventuellement différentes. Mais au moins, vous aurez en main les problématiques posées d’une manière inhabituelle à celle que véhiculent nos principaux médias. A vous d’en juger la pertinence. Car Gil Rivière-Wekstein présente la particularité d’être un vrai enquêteur. Depuis plus de 10 ans, il mène un travail de décryptage sur de très nombreux
les écolos sont de vrais défenseurs de l’écologie sans aucune arrièrepensée, que le maïs consomme trop d’eau pour être considéré comme une plante environnementalement respectable, ou encore que l’agriculture actuelle contribue à mettre à mal la biodiversité... ... et pourtant ! Pourtant, nous le démontrons avec force argumentation lors des pages suivantes, ces « évidences » ne sont pas, comment dire, si évidentes... Il suffit de se pencher sur chaque sujet, de réfléchir, d’enquêter... C’est ce que nous faisons dans ce numéro ! Enquête exclusive, les vins bio contiennent plus de cuivre que les pommes conventionnelles de pesticides ! La toute première « idée reçue » que nous développons consiste à dire que tout ce qui vient de l’agriculture conventionnelle est malsain, puisque des études trouvent régulièrement des résidus
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DR
sujets touchant à l’intersection entre agriculture et environnement. Chaque fois, en creusant le sujet et en « sourçant » ses propos, c’est-à-dire en les fondant sur un authentique travail journalistique. Plusieurs thèmes ont ainsi fait l’objet d’ouvrages, l’espace imparti dans A&E devenant trop restreint pour décliner l’ensemble des résultats de ses enquêtes. Que ce soit à travers Abeilles, l’imposture écologique, ou Bio, fausses promesses et vrai marketing, ou encore Faucheurs de sciences, les fanatiques sont dans nos campagnes, la lecture de ses livres vous font sortir du « prêt à penser environnemental ». WikiAgri se joint pleinement à sa démarche et assume avec honneur, respect et plaisir la teneur des articles qui vont suivre dans ce numéro… même s’ils remettent en cause plusieurs idées reçues sur l’environnement et l’agriculture !
de pesticides dedans (exemple récent avec les pommes). Or, A&E a mené une étude que WikiAgri est heureux de dévoiler en excusivité pour vous : cette « vérité » l’est aussi pour le bio ! Ainsi, lorsque l’on cherche du cuivre (élément toxique principal des engrais bio) dans du vin bio, on finit par en trouver, à la simple condition de mener une recherche suffisamment poussée, ce qui n’avait jamais été réalisé jusqu’à présent. En d’autres termes, il ne s’agit pas de décrier les vins bio en question, mais de démontrer que si on veut vraiment chercher des résidus de quelque chose dans des aliments, on finit par les trouver, forcément. Ce n’est donc pas la seule présence de ces résidus qu’il faut décrier, mais leur taux qu’il faut mesurer. Au faut, reprenons Le Dictionnaire des Idées Reçues de Flaubert cité plus haut, voici ce que Flaubert disait du vin : « Vins. Sujet de conversation entre hommes. – Le meilleur est le bordeaux, puisque les médecins l’ordonnent. – Plus il est mauvais, plus il est naturel. » Aujourd’hui, l’idée reçue a dérivé,
A.J.
« plus il est bio, plus il est naturel »... Hé bien, pas forcément ! Une vision de l’environnement finalement très mercantile Je vous invite à lire, et à rapprocher, les articles sur le vin bio (page 12), les écologistes (page 18) et le bio (page 20)... Vous comprendrez alors que les idées reçues dont nous faisons état ici obéissent en définitive à une nouvelle donne souhaitée, qui relève du mercantilisme : ce sont des intérêts financiers (et pas des moindres) qui insistent sur le lobby de l’environnement tel qu’on le connaît aujourd’hui. Les « bons sentiments », réels, de ceux qui suivent cette voie, sont pris en fait pour de la naïveté par ceux qui l’ordonnent. De quoi réfléchir, non ? Pour autant, ne nous trompons pas de cible non plus : nous n’avons ici aucune intention d’aller contre le bio, qui a ses arguments, mais juste de rétablir certaines vérités, notamment quand
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THÉMA
il s’agit de critiquer à tout prix le conventionnel, lequel progresse tout de même régulièrement dans le bon sens.
« Colère et intolérance sont les ennemis d’une bonne compréhension. » Gandhi Cop21, il n’y a qu’à... Suivre l’objectif du 4 pour 1000 Nous ne pouvions pas éditer un numéro spécial environnement dans cette période sans évoquer les principaux chapitres du volet agricole de Cop21 (page 30 et suivantes). Ils sont relativement techniques. En gros, un objectif est fixé, il s’agit d’accroître le taux de matière organique dans le sol de 4/1000 par an (ou 0,4 %). Pour l’instant, il n’est pas dit sur quelles bases on part, qui effectuera les mesures, qui contrôlera, si tous les pays suivront non seulement dans l’intention mais aussi dans les moyens d’y parvenir et de le contrôler... On est dans « il n’y a qu’à », en partant d’une intention louable. Attention tout de même, entre l’intention et la mise en pratique, il a souvent existé les nuances de l’imagination d’admnistratifs trop éloignés du terrain de la faisabilité... Antoine Jeandey
Dans un champ, essai pour une nouvelle variété... Biodiversité !
A.J.
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Idées reçues sur l’environnement
La présence de résidus de pesticides dans un aliment signifie-t-il un risque pour la santé ? Idée reçue : quand une étude montre la présence de pesticides dans des aliments, cela signifierait un risque pour la santé.
C
ertaines associations écologistes communiquent régulièrement sur la présence de « résidus de pesticides » dans les denrées alimentaires issues de l’agriculture conventionnelle, suggérant ainsi que ces produits comporteraient un risque pour la santé du consommateur. Malheureusement, ce discours alarmiste est très souvent repris dans les médias nationaux, en général sans grande analyse critique. Or, les méthodes actuelles de détection d’une simple molécule chimique étant d’une telle sensibilité, il est devenu possible de mettre en évidence la présence de quantités infimes d’un produit. Les résultats dépendent donc d’abord de la précision avec laquelle les analyses sont établies. En exclusivité pour Wikiagri et A&E, nous avons confié à trois laboratoires indépendants 29 échantillons de vin bio afin qu’ils analysent la présence du principal pesticide utilisé en bio, c’est-à-dire le cuivre. Curieusement, aucun des trois laboratoires n’a choisi la limite de quantification (LQ) habituellement utilisée dans la recherche de routine de pesticides de synthèse, (0,001 mg/l). Dans un premier temps, les laboratoires Eurofins et Dubernet ont proposé une LQ de 0,1 mg/l, soit un niveau 100 fois supérieur à la quantification standard pour des pesticides. Seul,
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Haut médoc, languedoc, morgon, et touraine bios, quelques-uns des vins présentant des traces de cuivre. A&E démontre ainsi en exclusivité pour WikiAgri que l’on trouve quasi obligatoirement de tout dans les aliments, quels qu’ils soient, bio ou conventionnels, tout est une question de précision dans la recherche.
le Girpa s’approchait de celle-ci en proposant une LQ de 0,01 mg/l. Or, le choix de la LQ n’est pas anodin, comme en témoignent les résultats. Ainsi, au final, le laboratoire Eurofins ne détecte des résidus quantifiables « que » dans 9 des 29 échantillons, soit 31 %, tandis que le Girpa a mis en évidence la présence de résidus de cuivre sur 100 % des échantillons. Enfin, le laboratoire Dubernet, qui a finalement accepté de descendre jusqu’au seuil de 0,02 mg/l, détecte du cuivre sur 27 des 29 échantillons.
Quand on cherche, on trouve, question de précision Première constatation : le pourcentage de contamination change en fonction de la précision de la LQ. En effet, nos échantillons de vins bio contaminés au cuivre passent de 31 % à 100 % selon le choix de la LQ. Autrement dit, pour trouver, il suffit simplement de chercher... Deuxième constatation : en utilisant une LQ dix fois supérieure à celle utilisée en routine pour les pesticides de synthèse, on retrouve des résidus du principal fongicide employé en bio dans la totalité des échantillons. Les résidus de cuivre sont donc bien plus présents dans les vins bio que ne le sont les pesticides de synthèse dans les denrées issues de l’agriculture conventionnelle. Troisième constatation : il n’y a pas de différence de quantités entre le cuivre détecté dans les vins bio (0,033 à 0,67 mg/l, avec une moyenne de 0,16 mg/l), et ce que l’on peut trouver en termes de produits phytosanitaires de synthèse dans les produits issus de l’agriculture conventionnelle.
60 litres de vin bio ou 48 kilos de pommes par jour pour une personne... « 100% de vin labellisé AB sont contaminé avec du cuivre », pourrait donc alerter Greenpeace. Car, le cuivre n’est pas un produit anodin. C’est la raison pour laquelle les autorités sanitaires ont établi à 9 mg/jour pour un homme de 60 kilos la dose journalière admissible (DJA),
et ont fixé la norme maximum pour l’eau potable à 2 mg/L. En effet, aujourd’hui l’exposition chronique au cuivre est considérée comme une cause probable dans l’apparition de maladies neurodégénératives, comme la maladie d’Alzheimer ou de Parkinson. Il est vrai que les quantités retrouvées dans les échantillons des vins bio analysés sont bien en dessous de ces limites sanitaires, et qu’on pourrait rétorquer que pour atteindre la DJA, il faudrait consommer 60 litres de vin par jour (pour une moyenne de 0,15 mg/L) ! Mais c’est également vrai pour les résidus de pesticides classiques retrouvés dans les denrées alimentaires, et qui font pourtant l’objet des campagnes anxiogènes récentes de Greenpeace. Ainsi, dans son dernier rapport, la multinationale verte s’excite au sujet notamment du boscalid, un fongicide détecté dans 19 échantillons à des
ex Etu cl de us iv e
concentrations m oye n n e s de 0,05 mg/kilo. Greenpeace oublie juste de préciser qu’il faudrait avaler 48 kilos de pommes par jour pour atteindre la DJA…
Bref, pour obtenir une évaluation complète d’un risque, toute détection d’une molécule – qui dépend de la LQ demandée au laboratoire – doit nécessairement être accompagnée par sa quantité détectée et être mise en relation avec les normes sanitaires. Communiquer sur la présence d’un produit chimique ou d’un métal lourd n’est certainement pas adéquat pour mettre en évidence un danger quelconque pour la santé du consommateur. Gil Rivière-Wekstein
L’étude précise qui montre des traces de cuivre dans les vins bio Vins analysés
Vendu par
ANS
Laboratoires d’analyses
Dubernet L'Héritage de Carillan- Pays d'Oc Morgon -Jean Loron
Eurofins
Carrefour
2014
0,06
<0,1
Girpa 0,043
Nicolas
2014
0,66
0,50
0,67
Cuvée les Roches Brunes- Bourgueil
Monoprix
2014
0,05
<0,1
0,071
Domaine Les Cocinelles- Côtes du Rhône
Monoprix
2014
0,07
<0,1
0,073
Clos Château Gaillard- Touraine Mesland- Val de Loire
Monoprix
2014
0,30
0,30
0,33
Terre Davau- Côtes du Rhône
Monoprix
2014
0,08
<0,1
0,088
Demoiselle Bleue- Saumur
Nicolas
2014
0,07
<0,1
0,076
Gérard Bertrand- Autrement- Sud
Carrefour
2014
0,08
<0,1
0,088
Famille Amirault- Grosbois- Saint Nicolas Bourgueil
Monoprix
2013
0,13
0,10
0,15
Château Lacapelle - Cabanac - Cahors
Nicolas
2013
0,05
<0,1
0,045
Château le Monastère - Côtes de Bourg
Monoprix
2013
0,09
<0,1
0,11
Ventoux - Domaine Saint Sébastien
Nicolas
2013
0,16
0,10
0,17
Château les Mangons- Bordeaux
Monoprix
2013
0,10
<0,1
0,11
Esprit du Silene - Languedoc
Monoprix
2013
0,50
0,50
0,52
Château Laurou - Fronton
Monoprix
2013
<0,05
<0,1
0,057
Château Chavrignac - Bordeaux Languedoc - Hecht & Bannier Ribe Vieilles vignes - Côtes du Rhône
Nicolas
2013
0,17
0,20
0,19
Monoprix
2013
0,09
<0,1
0,12 0,25
Nicolas
2012
0,19
<0,1
Moulin d'Auguste- Bordeaux
Monoprix
2012
0,10
<0,1
0,12
Château de la Jaubertie - Bergerac
Monoprix
2012
0,05
<0,1
0,082
Domaine Cazelles Verdier- Minervois
Carrefour
2012
0,14
<0,1
0,15
Bourgogne- Côte chalonnaise-Domaine J&G Musso
Carrefour
2012
0,11
0,10
0,13
Clos de l'Oum
Monoprix
2012
0,08
<0,1
0,089
Marie Gabrielle - Domaines Gazes
Monoprix
2011
0,19
0,20
0,21
Belle Amoureuse
Monoprix
2012
0,10
<0,1
0,11
Mas de Bois l'Auzon
Monoprix
2013
0,11
<0,1
Château La Chapelle Maillard
Carrefour
2012
<0,05
Château de l'Eglise Vieille - Haut Médoc
Monoprix
2013
0,33
0,30
0,36
Cabernet Sauvignon - Pays d'Oc
Monoprix
2014
0,07
<0,1
0,074
0,11 0,033
Résultats des trois laboratoires qui ont recherché du cuivre dans ces vins bio, en milligrammes par litre.
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Idées reçues sur l’environnement
Les abeilles seraient menacées de disparaître à cause des pratiques agricoles Idée reçue : l’agriculture intensive serait la cause principale de la disparition des abeilles.
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epuis les années 1990, de nombreux médias affirment régulièrement que l’abeille serait « en danger de disparition », ce qui entraînerait, selon une phrase attribuée de manière erronée à Albert Einstein, le déclin
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de l’humanité en moins de 4 ans. Bien que de nombreuses raisons soient évoquées pour expliquer cette catastrophe potentielle (nouveaux virus et agents pathogènes, disparition des habitats naturels, dérèglements climatiques), l’agriculture intensive en serait l’une des causes principales. Et pourtant, rien n’est moins certain. En effet, tout d’abord il faut distinguer l’abeille domestique – Apis mellifera, la seule abeille qui permette de récolter du miel – de l’abeille sauvage qui, elle, compte 20 000 espèces différentes dans
le monde. Rien qu’en France il en existe plus de 1 000 espèces aussi distinctes les unes des autres que les oiseaux ou les papillons. Or, les études concernant l’abeille sauvage sont rares et les statistiques peu fiables. Toutefois, selon un consensus scientifique, la diminution des surfaces de milieux refuges semi-naturels, tels que les bordures des champs ou les réserves naturelles, expliquerait leur déclin, observé notamment en Europe et en Amérique du Nord. S’y ajoute la transmission des très nombreuses maladies véhiculées par les abeilles
mellifera dépend exclusivement des apiculteurs, qui font évoluer leur cheptel en fonction de leur besoin de production. Lors d’effondrements de colonies, ils peuvent décider de remplacer ou non les colonies mortes de leur cheptel. Or, la demande mondiale de miel étant structurellement en hausse, les apiculteurs professionnels n’hésitent pas à renouveler – voire à augmenter – leur cheptel. C’est pourquoi, il y a une croissance significative des ruches en Chine, en Argentine et au Canada, qui a largement compensé les pertes rencontrées dans d’autres zones, comme les Etats-Unis ou encore certaines régions d’Europe.
A.J.
domestiques lors de leur contact avec les abeilles sauvages, au gré des transhumances qui ont lieu durant les saisons de la récolte des différents miels. En revanche, on n’observe aucun déclin d’Apis mellifera, dont le logis, la nourriture et la santé sont apportés de manière tout à fait artificielle par les apiculteurs qui les exploitent.
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Les chiffres officiels de la FAO sont incontestables : non seulement A.J. le nombre d’abeilles domestiques n’a pas diminué mais il a au contraire considérablement augmenté depuis plus de 50 ans (environ 50 millions de ruches en 1961 contre plus de 80 millions en 2011) ! Comment s’explique cette évolution ? En fait, la population mondiale d’Apis
En France, bien que le nombre d’apiculteurs professionnels est structurellement en baisse, les derniers chiffres disponibles font état d’un cheptel de 1,5 million de ruches, soit davantage qu’en 1990, tandis qu’aux Etats-Unis, le nombre de ruches est reparti à la hausse depuis 2006, après avoir subi un long et constant déclin pendant plus de 20 ans. La disparition des abeilles domestiques n’est donc pas au programme… G.R.-W.
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Idées reçues sur l’environnement
Les écologistes défendraient l’environnement Idée reçue : ceux que l’on appelle les écologistes sont les premiers défenseurs de l’environnement.
S
ur le terrain, militants naturalistes ou environnementalistes s’engagent avec dévouement pour la protection de la nature. Certains d’entre eux arrivent même à trouver, avec intelligence, des compromis entre la sauvegarde de l’environnement et les activités de l’homme. Toutefois, pour de très nombreuses associations dites écologistes, la protection de l’environnement ne constitue qu’un prétexte et non une fin en soi. Le WWF représente l’un des exemples historiques le plus frappant d’une instrumentalistation des questions environnementales.
Le WWF, ou l’aristocratie face à la population Créé en 1961, le Fonds mondial pour la nature, plus connu sous le sigle WWF et son panda, a toujours été dirigé non pas par des militants écologistes, mais par des personnalité issues de la crème de la crème des élites financières et commerciales internationales, avec une présence importante des familles aristocratiques européennes. On peut citer Neville Isdell, ancien Pdg de Coca Cola ; André Hoffmann, vice-président du groupe pharmaceutique Roche Holdings Ltd ; Anton Rupert, ancien Pdg des cigarettes Rothmans ; le prince Philip, duc d’Edimbourg ; le prince Bernhard des Pays-Bas ou encore le prince Charles. Difficile de croire que leur motivation première serait vraiment la survie
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des pandas et des éléphants ! En réalité, le prince Philip, président d’honneur du WWF après avoir présidé le WWF UK entre 1961 et 1982 et le WWF International de 1981 à 1996, s’est toujours servi de l’écologie pour mieux faire passer son idéologie malthusienne. Pour lui, « la pression exercée par la population humaine – le simple nombre de gens sur cette planète – est la cause la plus importante de la dégradation de l’environnement naturel [...]. Tout ceci a été rendu possible par la révolution industrielle, et le développement explosif de la science a été propagé dans le monde entier par la nouvelle religion économique du développement. » En outre, pendant de nombreuses années, l’argument environnemental a été mis en avant pour exiger des pays émergents une réduction de leur croissance et de leur développement, de la même manière que les premières sociétés anglo-saxonnes de conservation de la nature, créées au début du XXe siècle, avait utilisé la protection de la nature pour renforcer un contrôle colonial des populations indigènes en s’assurant une relative stabilité de la société.
Politique, des écologistes qui parlent... d’autre chose De manière similaire on constate qu’une large partie de l’écologie politique ne s’intéresse qu’à la
marge aux questions relatives à la protection de l’environnement. Ainsi, aujourd’hui, le parti Europe Ecologie-Les Verts s’active surtout sur les préoccupations sociétales, comme le logement, le féminisme, le handicap, l’opposition à la mondialisation, les quartiers populaires, l’immigration, le régionalisme, les droits des « lesbiennes, gays, bi et trans », etc. Ce choix est d’ailleurs en parfaite cohérence avec deux des grands inspirateurs de l’écologie politique, les philosophes Jacques Ellul et Bernard Charbonneau, qui mentionnent rarement l’écologie dans leurs écrits. En revanche, leur argumentation porte principalement sur leur opposition à l’Etat nation souverain, à la société technicienne, au tout « productivisme » (de gauche comme de droite), qu’ils considèrent comme des facteurs d’aliénation de la personne humaine. Il s’agit donc avant tout d’un changement radical, pour sortir de la société industrielle de croissance, afin d’établir une société de décroissance et de sobriété, comme l’explique José Bové : « Aujourd’hui, on sait que si on veut que tous les habitants du monde puissent vivre avec le même niveau de vie qu’on a nous, en France, il faut quatre planètes. Or on n’a qu’une seule planète pour tous les habitants de la planète. Donc, il va falloir qu’on partage. Et si ce n’est pas nous qui d’abord diminuons notre niveau de vie et notre mode de consommation, c’est évidentA.J. qu’il A.J. ne restera rien pour les autres. »
Patrick Moore (à droite), ancien militant de Greenpeace ayant fait son « coming out » en défendant le riz doré, un OGM « humanitaire ».
D.R.
Des motivations économiques Si l’environnement peut donc servir à masquer des motivations idéologiques, il peut également cacher certaines motivations économiques. Dans le cas le plus classique, une association écologiste propose un partenariat à des entreprises, cibles réelles ou potentielles des militants verts. En se soumettant à ce partenariat financier, l’entreprise visée a l’avantage de verdir son image et de négocier une « paix verte ». France Nature Environnement ou la Fondation Nicolas Hulot, par exemple, ont multiplié ce type de partenariats avec des entreprises comme Lafarge, GDF Suez, Veolia, L’Oréal… et le WWF a fait de son « label Panda » un véritable écolobusiness. Dans d’autres cas, les campagnes de certaines associations écologistes servent directement l’intérêt financier et commercial de leurs sponsors. C’est le cas de Générations Futures, – dont la présidente Maria Pelletier dirige une PME spécialisée dans les farines et les aliments bio pour l’élevage, et est par ailleurs administratrice du syndicat national des entreprises bio, le Synabio – qui publie régulièrement des « enquêtes » très médiatisées sur la présence de résidus de pesticides dans les aliments. Comme l’a relevé UFC Que Choisir, lors de la publication de la dernière étude de GF, « son seul but, clairement affiché, est de dissuader les consommateurs de manger des salades conventionnelles » et de promouvoir le bio ; un positionnement qui s’explique non pas par la protection de l’environnement et de la santé publique, mais par la présence des nombreux acteurs de la filière bio (réseau Biocoop, le groupe de produit bio Bjorg, l’organisme Ecocert, etc.) dans la liste des entreprises et des organisations partenaires de Générations Futures. « En résumé, Générations futures assume le rôle d’organisme de promotion d’une filière », décrypte avec raison le mensuel UFC Que Choisir… G.R.-W.
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Idées reçues sur l’environnement
L’agriculture biologique pourrait nourrir la planète Idée reçue : l’agriculture biologique peut nourrir la population mondiale, aujourd’hui constituée de 7 milliards d’habitants et demain de 9 à 11 milliards.
A.J.
L
’agriculture biologique peutelle nourrir la population mondiale, aujourd’hui constituée de 7 milliards d’habitants et demain de 9 à 11 milliards ? C’est ce qu’affirment ses partisans. Selon eux, il ne s’agit pas simplement d’interdire les intrants de synthèse, mais de révolutionner de fond en comble les méthodes de production agricole, les circuits de distribution ainsi que le mode de consommation mondial, notamment en diminuant l’alimentation carnée. C’est donc une bonne nouvelle, qui bat en brèche l’idée véhiculée encore tout récemment par les milieux malthusiens selon laquelle il faudrait limiter la croissance démographique afin d’éviter des famines.
Rendements En fait, la question est d’autant plus complexe qu’il existe une multitude d’agricultures qui dépendent des types de cultures, des régions du monde, des contraintes climatiques,
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des disponibilités de la terre. On ne peut pas produire la même chose dans les déserts d’Algérie que dans les plaines ukrainiennes de terre noire. En bref, le monde agricole ne se résume pas à une confrontation binaire entre l’agriculture biologique et l’agriculture conventionnelle. Ce qui est certain, c’est que pour de très nombreuses cultures, dans les climats tempérés, les rendements constatés en bio sont largement inférieurs par rapport à ceux obtenus dans les fermes conventionnelles. C’est notoire pour le blé, mais également pour bien d’autres cultures. En revanche, les niveaux de rendements étant tellement faibles dans la plupart des pays pauvre, il est possible de les améliorer considérablement, même en se passant d’intrants de synthèse. Dans les pays africains et asiatiques les plus affamés, une transition vers l’agriculture biologique de qualité peut donc augmenter de façon notoire la production.
En cas de conversion totale à l’agriculture biologique, la FAO retient donc trois cas de figures : une baisse significative de rendement dans les pays industrialisés ; des rendements presque semblables dans les zones dites de la « révolution verte » (terres irriguées) ; une augmentation des rendements dans les zones d’agriculture pluviale traditionnelles (avec de faibles intrants extérieurs). L’agence mondiale en conclut qu’« au niveau mondial toutefois, et compte tenu des connaissances et des technologies actuelles, les agriculteurs biologiques ne peuvent produire assez pour nourrir tous les habitants de la planète ».
Urbanisation Ce qui est d’autant plus vrai qu’un facteur externe à l’agriculture s’ajoute à cette problématique. En effet, alors qu’en 1900 un homme sur dix vivait dans les villes, le taux d’urbanisation a franchi la barre de 50 % en 2007. Ce fut le cas en France en 1931. Avec 3,3 milliards de citadins, aujourd’hui plus de la moitié de la population mondiale vit désormais dans des villes. Selon les Nations unies, l’effectif de la population urbaine devrait atteindre 5 milliards en 2030. Soit trois fois le nombre total d’habitants en 1900. Il y aura donc de plus en plus de gens à nourrir dans les grandes villes, ce qui implique nécessairement une intensification de l’agriculture et non pas le contraire, comme le souhaitent les partisans de l’agriculture biologique. G.R.-W.
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Idées reçues sur l’environnement
Il y aurait beaucoup moins de biodiversité dans les plantes cultivées qu’avant Idée reçue : l’agriculture serait standardisée et uniforme, oubliant la biodiversité « naturelle ». en 2001. Cette biodiversité repose sur une dynamique de recherche par les entreprises semencières, créatrices de ces nouvelles variétés et qui aboutit à enrichir ce choix de plus de 600 nouvelles variétés de plante chaque année.
Une explosion prévisible de nouvelles variétés A.J.
C
e discours sur l’érosion des variétés cultivées est notamment entretenu par le réseau Semences Paysannes pour vilipender une agriculture qui serait standardisée et uniforme.
denrées alimentaires particulières, offrant ainsi aux consommateurs une multitude de produits. En effet, on n’utilise pas le même blé pour obtenir des spaghettis qui nécessitent une durée de cuisson de 3 minutes, ou de 10 minutes.
Il est vrai que tout au long du XXe siècle, le nombre de variétés cultivées a fortement baissé. En revanche, la courbe s’est largement inversée à partir des années 1970. En effet, en 1974, seules 45 variétés différentes de blés étaient présentes dans les champs, dont 4 variétés pour 60 % de l’assolement. Or, 30 ans plus tard, non moins de 280 blés différents sont cultivés chaque année, dont 16 variétés qui occupent 50 % des surfaces. Toutes ces variétés sont très différentes les unes des autres en raison du nombre croissant de géniteurs répertoriés comme entrant dans leurs origines. Ils étaient 66 en 1937 et ils sont passés à 225 en 1995. Ces variétés répondent à des cahiers de charges spécifiques afin d’élaborer des
Le maïs, star de la biodiversité
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L’évolution du maïs est encore plus extraordinaire : de moins de 200 variétés cultivées en 1976 (dont une seule pour 42 % des surfaces), on est passé à plus de 1000 variétés aujourd’hui. La variété la plus cultivée occupe moins de 5 % des surfaces et la moitié de l’assolement est cultivé avec 900 variétés différentes. Autrement dit, il y a bien longtemps qu’il n’y a pas eu autant de diversité variétale dans les champs ! En fait, aujourd’hui les agriculteurs français disposent d’un choix variétal (toutes cultures confondues) de 6500 variétés de plantes différentes contre 3500
Les nouvelles variétés de plantes sont créées à partir des plantes existantes, c’est-à-dire à partir des ressources génétiques connues. C’est la raison pour laquelle les entreprises semencières ont été les premières à identifier et, surtout à conserver cette biodiversité végétale, sources quasi inépuisable de nouvelles caractéristiques. Grâce à la diminution massive du coût des outils modernes utilisés en amélioration des plantes, une véritable explosion de nouvelles variétés est prévisible. Y compris avec la renaissance de variétés anciennes, mais mieux adaptées aux conditions climatiques ou agronomiques actuelles. Et bien entendu, les légumes ne sont pas oubliés par les entreprises créatrices de ces nouvelles variétés, comme en témoigne la diversité des rayons de tomates de tout genres et de toutes formes dans les nos magasins. Cela peut aller de la Striped German à chair ferme et charnue, à la Rose de berne, sucrée, juteuse et à la chair tendre en passant par la Cornue des Andes à la forme allongée… G.R.-W.
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Idées reçues sur l’environnement
La culture du maïs consommerait beaucoup (trop) d’eau Idée reçue : la culture du maïs ne respecte pas l’environnement car elle consomme beaucoup d’eau. Gains de productivité sur l’irrigation
A.J.
D
ans les médias français et chez les mouvements écologistes, il est coutume d’associer systématiquement le maïs à l’irrigation et par conséquence à un usage massif d’eau. Cette présentation est doublement erronée. D’une part, le maïs demeure l’une des plantes la plus économe en eau. Cette qualité résulte du fait de son métabolisme particulier (plante en C4), capable de fixer le gaz carbonique d’une manière optimum, mais aussi par son caractère hybride et l’ancienneté de l’amélioration variétale dont il fait l’objet. Ainsi, aujourd’hui le maïs nécessite seulement 454 litres d’eau pour produire 1 kilo de matière sèche en maïs grain et, mieux encore, de 238 litres pour du maïs fourrage. Cette belle performance est à comparer avec les 590 litres d’eau indispensable pour le blé, les 900 litres d’eau pour le soja, et 1600 litres d’eau pour le riz. Remplacer
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les surfaces cultivées en riz – la deuxième céréale alimentaire la plus produite dans le monde – par du maïs permet donc de diminuer considérablement la pression sur la consommation d’eau. D’autre part, la culture du maïs, en France comme dans le reste du monde, est largement pratiquée sans le recours à l’irrigation. En France seulement 1 hectare sur 5 de maïs fait appel à l’irrigation ce qui représente la moitié des surfaces totales irriguées, le restant étant consacrée notamment à la vigne, aux cultures fruitières et légumière, au blé, au tournesol, aux pommes de terre et aux betteraves industrielles. Qui plus est, c’est précisément parce que le maïs est la plante qui valorise le mieux l’eau apportée, et notamment dans les régions désavantagées par leur climat ou la faible réserve en eau de leur sol, que l’irrigation apporte des nets bénéfices pour l’environnement.
En effet, dans les cas nécessaires, l’irrigation améliore considérablement cette « productivité » de l’eau si spécifique au maïs. Ainsi, des mesures récentes sur l’apport de l’eau par l’irrigation du maïs grain ont été réalisées par Arvalis. Elles chiffrent cette productivité à 45 quintaux supplémentaires en moyenne par tranche de 100 mm d’irrigation apportée, par rapport à un témoin non irrigué. Cette productivité progresse régulièrement depuis plusieurs années sous l’effet conjugué du progrès génétique du maïs et de l’amélioration des itinéraires techniques. Elle est maximale dans le cas d’apports « moyens » autour de 200 mm, ce qui est précisément le cas général en France, pays tempéré, où l’irrigation du maïs représente à peine la moitié des besoins totaux de la plante. En outre, à l’efficience naturelle de la plante, les irrigants ont ajouté depuis 30 ans 30 % de gain de productivité sur l’irrigation par l’amélioration des matériels d’aspersion, la précision du pilotage, l’encadrement des apports, les stratégies d’esquive et la sélection variétale. Enfin précisons que l’irrigation améliore « en cascade » l’efficience (calculée à la tonne produite) de tous les intrants apportés et en particulier l’azote qu’il provienne des engrais ou de la fourniture naturelle des sols (minéralisation). Dans la mesure où le respect de l’environnement, au sens de l’agroécologie, consiste d’abord à maximiser l’efficience des intrants apportés, le maïs répond parfaitement au recommandation de la FAO, qui valoriser au maximum la moindre goutte d’eau : « more crop per drop » ! G.R.-W.
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Idées reçues sur l’environnement
La mutagenèse, ce serait comme les OGM Idée reçue : les cultures issues de la technique de la mutagénèse seraient des « OGM cachés ».
« Toutes les semences de riz de camargue sont issues de cette technique ».
Photo fournie par le Syndicat des riziculteurs de France et filière, SRFF
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epuis l’interdiction des cultures de maïs transgénique en France, les Faucheurs Volontaires veulent interdire certaines variétés de colza et de tournesol au motif qu’elles ont été obtenues grâce à la technique de la mutagenèse et donc qu’il s’agirait d’« OGM cachés ». Il est incontestable qu’il s’agit d’organismes « dont le matériel génétique a été modifié d’une manière qui ne s’effectue pas naturellement » ; on peut donc admettre que d’un point de vue linguistique, il s’agit de plantes génétiquement modifiées. Mais alors, il faudrait inclure dans cette catégorie toutes les plantes issues des techniques de sélections comme le transfert de gènes par hybridation interspécifique, l’hybridation somatique, la multiplication végétative in vitro,
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la fusion de protoplastes. Bref, l’essentiel des méthodes modernes utilisées depuis plus de 50 ans par l’ensemble des sélectionneurs, et qui concerne l’immense majorité des plantes cultivées dans le monde. On devrait alors considérer le blé Renan, le principal blé utilisé en agriculture biologique, comme un OGM. Son génome résulte en effet d’un montage génétique complexe qui ne comprend pas un simple gène ajouté – comme c’est le cas en général pour un maïs GM –, mais deux fragments chromosomiques entiers provenant d’une graminée sauvage incapable de se croiser naturellement avec du blé tendre. Dans ce cas, il y a eu modification du génome, transgression de la barrière des espèces et introduction non naturelle d’ADN à l’aide d’un vecteur externe…
Une technique utilisée en conventionnel, et en bio En revanche, la mutagenèse induite s’inspire d’un processus totalement naturel qui a lieu à tout instant. En effet, dans la nature, tous les organismes vivants sont soumis à des rayons ultraviolets ou à de la radioactivité, provoquant un nombre important de mutations aléatoires. Dans certains cas, l’organisme va corriger ces mutations, tandis que dans d’autres cas, cela va donner à la plante de nouvelles propriétés intéressantes. Observée et décrite pour la première fois dans les années 1930, la mutagénèse est une technique utilisée à des fins commerciales depuis les années 1950 par les entreprises semencières qui reproduisent artificiellement ce phénomène en laboratoire pour ensuite repérer les mutations bénéfiques, notamment la résistance à un prédateur ou à un herbicide ou encore une amélioration nutritionnelle. Selon les chiffres de par l’Agence internationale pour l’énergie atomique et de l’Organisation des Nations-unies pour l’alimentation et l’agriculture, plus de 3000 variétés issues de cette technique sont officiellement enregistrées dans leur base de données. C’est notamment le cas des tournesols oléiques, utilisés aussi bien dans l’agriculture conventionnelle qu’en bio. « Toutes les semences de riz de Camargue, bio ou pas, sont issues de cette technique », admet volontiers Guy Kastler, porte parole du Réseau Semences Paysannes. Cette technologie fait donc partie de la boîte à outils indispensable aux industries semencières pour répondre aux défis actuels et futurs de l’agriculture, qu’elle soit conventionnelle, raisonnée, intégrée ou bio. G.R.-W.
Les OGM ne profiteraient-ils qu’à Monsanto ? Idée reçue : accorder la possibilité de cultiver des OGM ne profiterait qu’à Monsanto.
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ncontestablement, les plantes génétiquement modifiées cultivées dans le monde participent très largement à la bonne tenue financière de Monsanto, à la grande satisfaction de leurs actionnaires. La société américaine dispose en effet des brevets sur plus 80 % des « évènements » utilisés dans les variétés commercialisés aujourd’hui. Il s’agit principalement de deux évènements : des tolérances à un herbicide spécifique (en l’occurrence le glyphosate) et des résistances à divers insecte, aériens ou souterrains. Toutefois, Pioneer, Dow et Syngenta ont également mis sur le marché des variétés, contenant des évènements issus de leur propre recherche. En outre, des sociétés semencières françaises, comme Limagrain ou Florimond Desprès, utilisent les biotechnologies au sens large du terme afin d’accélérer la création variétale ou pour accéder à une plus grande diversité de gènes et donc de caractères. En permettant d’économiser plusieurs années de développement, les biotechnologies végétales sont donc devenues un outil incontournable pour tous les grands semenciers du monde qui veulent rester dans la compétition internationale. Ces techniques apportent également des bénéfices incontestables aux 18 millions d’agriculteurs, dont 90 % étaient, en 2014, des agriculteurs à faibles ressources. Ils ont cultivées des plantes génétiquement améliorées sur plus de 181 millions d’hectares à travers le monde et dans 28 pays aussi variés que l’Inde, l’Espagne, les Etats-Unis, le Brésil, ou l’Afrique du Sud. Ils ont fait ce choix librement, estimant bénéficier
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En Espagne, champ de maïs BT.
Fundación Antama, photographe Miguel Martorell
des avantages économiques que ce type de variétés apporte.
OGM environnementaux En effet, selon une étude parue en 2015 (PG Economics Ltd. Brookes and Barfoot), les revenus supplémentaires pour les agriculteurs se sont élevés à 20,5 milliards de dollars en 2013. Sur la période de 18 ans de cultures OGM dans le monde, ce montant s’élève à 133,4 milliards de dollars. Ce qui donne un gain économique par agriculteur et en moyenne de 122 dollars par hectare (soit 110 euros). Il sera proportionnellement plus important pour les agriculteurs des pays du Sud. Ainsi, pour un dollar investi dans des semences biotechnologiques, les agriculteurs du Nord ont un retour sur investissement de 3,88 dollars et les agriculteurs du Sud de 4,22 dollars. Cela s’explique par les meilleurs gains de rendement au Sud et par un surcoût de la semence légèrement moindre.
Enfin, les OGM bénéficient aussi indirectement aux citoyens. D’une part, l’utilisation du caractère « Bt », qui confère une résistance à certains insectes ravageurs, participe à la réduction de la quantité de pesticides utilisée. Selon une études parue en 2013, cette quantité serait de 550 millions de kg de matière actives pour la période 1996-2013, ce qui correspond à celle utilisée sur deux ans sur l’ensemble des terres de l’Union européenne. D’autre part, l’usage de plantes résistantes à un herbicide facilite le travail du sol et donc réduit les émissions de gaz à effet de serre équivalent à celles de 12,4 millions de voitures par an, et de faire des économies de CO2 très conséquentes. Les deux principales familles d’OGM disponibles aujourd’hui – tolérance à un herbicide et résistance à un insecte – apportent donc également des avantages considérables pour l’environnement. G.R.-W.
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Idées reçues sur l’environnement
La monoculture du maïs ne respecterait pas l’environnement Idée reçue : la monoculture en général, et en particulier du maïs, va à l’encontre de l’environnement. En outre, le maïs est très efficace dans l’utilisation de l’eau et par ricochet des intrants, en raison de son efficience naturelle à transformer l’eau en matière sèche. Il est également la culture qui nécessite le moins d’utilisation de pesticides. C’est enfin la culture qui recycle le plus et valorise le mieux les engrais d’origine organique. Ainsi, la forte présence de maïs dans un assolement – et donc a fortiori dans une monoculture – est la garantie d’une utilisation modérée et efficace de facteurs de production. Le maïs est d’ailleurs une des cultures les plus rentables en agriculture biologique.
A.J.
A
ttaquée au nom de la préservation de la biodiversité, la monoculture en soit n’est ni mauvaise ni bonne pour l’environnement. Tout d’abord, il importe de préciser le concept de biodiversité, laquelle est en général définie comme la micro-faune et flore du sol, elle-même dépendante de la quantité d’humus. Cette définition est toutefois trop réductionniste. En réalité la biodiversité ne doit jamais se juger seulement à l’échelle de la parcelle, mais à celle, globale, de l’écosystème. C’està-dire notamment par la qualité des alternances dans l’espace des cultures et la mosaïque paysagère. Or, des parcelles de maïs, – la plante à laquelle on associe au concept de monoculture – dans les vallées du sud-ouest ou des régions bocagères de l’ouest, améliorent considérablement la qualité des paysages et permet une diversité des productions des petites exploitations.
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Ce qui est d’autant plus vrai qu’il se trouve que les qualités naturelles du maïs, (notamment sa faible sensibilité aux maladies), permet de le cultiver plusieurs années de suite dans la même parcelle sans porter atteinte à l’environnement et tout en garantissant un très bon rendement. La carte de la monoculture de maïs en France coïncide en effet avec la carte où l’écart de rendement avec le blé est supérieur à 30 quintaux à l’hectare. Par l’importance et la qualité des résidus de culture que le maïs laisse sur le sol, sa monoculture est aussi l’un des systèmes le plus efficace en matière de stockage de carbone. Le maïs grain représente ainsi un gisement de plus de 100 millions de tonnes à l’échelle européenne de ces résidus. C’est une des raisons pour lesquelles les maïsiculteurs ont tenté de faire reconnaître cette contribution décisive par la pratique du « mulching ».
Le maïs contribue à l’autonomie des exploitations Bref, c’est donc tout naturellement que les petites exploitations (céréalières du sud et de l’est et d’élevage de l’ouest), ne bénéficiant pas de l’atout de la taille suffisante, ont choisi le maïs – quelquefois de façon exclusive – pour garantir la rentabilité de l’exploitation. Cette spécificité unique chez les végétaux explique sa (forte) présence dans des terroirs où elle est la seule culture possible (sols hydromorphes ou inondés en hiver). Par la multiplicité de ses utilisations, son rôle décisif dans les filières locales de transformation, le maïs contribue fortement à l’autonomie des exploitations et des territoires dans lesquels il est implanté souvent depuis près de quatre siècles. Dans ces cas précis, la monoculture du maïs contribue très activement à la biodiversité des régions et apporte donc des bénéfices incontestables à l’environnement. G.R.-W.
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cop 21
4 pour 1000, la formule miracle pour lutter contre le réchauffement climatique
Accroître la quantité de carbone, contenu dans les sols sous forme de matière organique, de 0,4 % par an contribuerait à limiter le réchauffement du climat de la planète. La quantité de carbone émis chaque année dans l’atmosphère sous forme de gaz pourrait en effet être intégralement stockée dans les sols. Plus fertiles, ces derniers seraient alors plus productifs. représentants des pays participants ont présenté les programmes agricoles et les résolutions prises par leur gouvernement pour réduire les émissions de gaz à effet de serre d’origine agricole. La cohérence de leurs programmes s’inscrit dans la volonté de diminuer l’empreinte carbone des pratiques agricoles des agriculteurs tout en augmentant leur productivité (utilisation de moins d’intrants).
Le sol, la solution au climat
Ici lors du dernier salon de plein air des Culturales, l’importance de la matière organique dans le sol figurée par un panneau humoristique.
L
A.J.
a sécurité alimentaire et la lutte contre les dérèglements climatiques sont donc complémentaires.
doivent, en aucun cas, conduire les pays à renoncer à accroître leur production agricole et à sacrifier leur souveraineté alimentaire.
Imaginer que l’on puisse trouver des solutions pour limiter le réchauffement climatique de la planète de 2°C par rapport à l’ère préindustrielle (environ 1850) sans associer l’agriculture est impensable. Mais ces solutions ne
Lors de la conférence organisée par l’Ocde le 16 septembre dernier intitulée « L’agriculture et les sols agricoles face aux défis du changement climatique et de la sécurité alimentaire : politiques publiques et pratiques », les
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Mais à l’avenir, il sera nécessaire, selon ces experts gouvernementaux, de repenser la recherche agronomique et génétique pour créer de nouvelles variétés de plantes à la fois plus résistantes, plus productives, avec une empreinte carbone plus faible tout en étant moins exigeantes en intrants. « Le sol doit être intégré dans l’accord sur le climat. C’est crucial pour l’adaptation agricole au changement climatique », a ainsi déclaré Stéphane Le Foll, ministre de l’Agriculture, venu clore le colloque de l’Ocde. A ce jour, le programme de recherche international « 4 pour 1000 » est la meilleure réponse
scientifique au défi climatique de la planète. Il a été bien accueilli par l’Union européenne (déjà engagée dans cette voie grâce à la Pac) et par un certain nombre de pays dont les Etats-Unis. Le ministre de l’Agriculture espère qu’il fera même partie des solutions dans la stratégie de lutte contre le réchauffement climatique qui sera adoptée lors de la prochaine conférence sur le climat en décembre prochain.
sont complémentaires », défend le ministre de l’Agriculture. Adopter ce projet de stockage du carbone atmosphérique donnera aux négociations sur le climat la dimension supranationale qui leur manque. En effet, il fédérera tous les pays de la planète autour d’un projet commun sans remettre en question leurs stratégies de croissance et de développement auxquelles ils tiennent.
Mais pour la mettre en œuvre à l’échelle de la planète, il faudra former les paysans et les conseillers en développement pour adopter de nouvelles pratiques agricoles pour enrichir le sol en matière organique. Et il reviendra aux gouvernements et aux entreprises du secteur privé de soutenir financièrement des projets de réhabilitation ou de préservation des sols.
Présenté à Montpellier en mars dernier lors de la troisième « conférence scientifique mondiale sur l’agriculture climato-intelligente », ce programme vise à améliorer les stocks de carbone organique contenus dans les sols sous forme de matière organique, de 4 pour 1 000 par an (soit 0,4 %), et d’atteindre les objectifs de la Cop 21 pour le climat sans compromettre le développement économique des pays.
Au final, l’initiative 4/1000 ne présenterait que des avantages.
Frédéric Hénin
En effet, augmenter de 4/1000 par an la concentration de carbone dans les sols de la planète suffirait, selon l’Inra (institut national de recherche agronomique), à compenser les émissions de gaz à effet de serre de la planète. Mais cela ne signifie pas qu’il faille renoncer, pour autant, à en réduire la production en adoptant, dans chacun des 196 pays de la planète, des programmes appropriés. En revanche, si le réchauffement de la planète se poursuit, une diminution de 4/1000 de cette teneur doublera les émissions atmosphériques. Les sols gelés libéreraient alors une grande partie du carbone retenu sous forme organique.
Une approche complémentaire Par ailleurs, des sols plus riches en matière organique sont plus fertiles, plus humides dans les zones déficitaires en pluies, et plus productifs. En stockant une tonne de matière organique par hectare et par an (en développent l’agroforesterie ou la permaculture par exemple), jusqu’à 40 millions de tonnes de grains pourraient être produites en plus chaque année en Afrique, en Asie et en Amérique du sud, selon l’Institut national de recherche agronomique. « La sécurité alimentaire et la lutte contre les dérèglements climatiques
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Le nombre de vers de terre et autres microorganismes, c’est ce qu’il faut améliorer pour viser le 4 pour 1000.
A.J.
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cop 21
La planète s’apprête à vivre une révolution agricole Voici quel sera le triple objectif de l’agriculture après 2020 : produire plus, émettre moins de gaz à effet de serre, et surtout stocker du carbone.
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ous les pays de la planète détiennent une partie de la solution pour atténuer les effets néfastes du changement climatique. A condition de donner, aux plus vulnérables, les moyens techniques et économiques pour élaborer des programmes de développement adaptés aux enjeux à relever. Tels sont les défis du prochain accord international sur le climat en cours de négociation dans le cadre de la Cop 21 et sur son volet agricole en particulier. A Paris, un accord sur le climat sera (en principe) conclu le 11 décembre prochain, au terme de la conférence des parties de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (Ccnucc), si les pays les plus riches de la planète entrainent les émergents vers une nouvelle voie de progrès, d’innovations et de croissance faiblement émettrice de gaz à effet de serre. Les programmes des 196 pays invités à la Cop 21 devront en effet contribuer à réduire de 40 % les rejets de gaz à effet de serre à l’horizon 2030 par rapport à leur niveau de 1990 ; l’objectif recherché visant à limiter la hausse de la température de la planète à 2°C par rapport à l’ère préindustrielle.
L’agriculture au coeur du processus L’agriculture est bien sûr au coeur de ce processus de négociations. Compte tenu de la complexité des questions soulevées, il se poursuivra bien après la Cop 21. En effet, aucun pays ne s’engagera dans un accord sur le climat qui remettrait en cause, par exemple,
A.J.
sa sécurité alimentaire. De même qu’il est impensable d’imaginer que la contribution de leur agriculture à un tel accord aboutisse à une liste d’engagements et de pratiques agricoles à bannir. En revanche, les programmes agricoles des 196 pays contributifs feront émerger des systèmes de cultures et d’élevages plus productifs, faiblement émetteurs de gaz à effet de serre et qui favoriseront la séquestration du carbone. « Sécurité alimentaire, adaptation et atténuation sont les trois piliers du concept d’agriculture climatointelligente (Csa, ou climate smart
agriculture) » autour duquel reposent ces programmes de développement. Défendu tout au long du processus de négociations internationales sur le climat, ce concept a le mérite de dépasser « le débat politisé entre agro-écologie et agriculture industrielle », précise la revue Etude Climat (dans son numéro 48, de février 2015). L’adaptation des pratiques agricoles vise à apporter des solutions locales à des problèmes locaux générés par le changement climatique (semis direct, agroforesterie). Et selon ses adeptes, c’est l’addition de ces programmes qui permettra à l’agriculture d’atteindre les objectifs de la Cop 21. A.J
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Un marché du carbone pour financer l’accord Le prochain accord sur le climat est d’abord un accord financier. Des centaines de milliards de dollars sont nécessaires pour accompagner la transition des pays vers une économie de croissance, et en particulier une agriculture, peu émettrices de gaz à effet de serre. Un marché mondial du carbone et l’instauration de quotas d’émission de gaz et de taxes procureraient les ressources nécessaires pour financer cet accord. Ce serait en effet le prix de la tonne de carbone en équivalent CO2 sur les marchés des matières premières (les hydrocarbures par exemple) qui déterminerait le potentiel de réduction des émissions. A 40 € la tonne par exemple, ce potentiel pour l’agriculture française est de 12 % selon une étude conjointe de l’Adema et de l’Inra. A 90 € la tonne, il passe à 20 %.
Deux visions, à travers deux principes : d’adaptation, ou d’atténuation Mais là où il est appliqué, ce principe d’adaptation pourrait conduire à des interactions néfastes et à délocaliser la production de gaz à effet de serre vers les régions périphériques, dénoncent ses détracteurs (autrement dit à déplacer le problème). L’atténuation des pratiques agricoles a la préférence des pays développés, et de l’Union européenne en particulier. Il repose sur une approche globale de la contribution de l’agriculture pour réduire sa production de gaz à effet de serre. L’initiative 4/1000, qui vise à la fois à augmenter le taux de carbone contenu dans la matière organique des sols (couvert végétal permanant, production de biomasse) de 4 pour 1 000 par an et à renforcer la fertilité des sols, s’inscrit dans cette logique (lire l’article précédent). En revanche, le principe d’atténuation n’exclut ni le recours aux Ogm, ni la production de biocarburants. Et il ne remet pas non plus en cause l’organisation mondiale des marchés agricoles. Frédéric Hénin
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BIOCONTRôLE
Une histoire longue, un avènement récent Pression sociale, environnementale, protection des citoyens et des agriculteurs… la donne change, l’ère du « tout chimique » est révolue. Le biocontrôle fait partie des solutions alternatives qui ont la cote. 2013 suivi d’un nouvel appel à projet Ecophyto l’année suivante. En avril 2014, le premier forum biocontrôle avait lieu à la Cité des sciences et de l’industrie. Plus récemment, la loi d’Avenir lui a donné une définition (« Les produits de biocontrôle sont des agents et produits utilisant des mécanismes naturels dans le cadre de la lutte intégrée contre les ennemis des cultures. Ils comprennent en particulier : les macro-organismes et les produits phytopharmaceutiques comprenant des micro-organismes, des médiateurs chimiques comme les phéromones et les kairomones et des substances naturelles d’origine végétale, animale ou minérale. »), parant le biocontrôle de mesures et lançant des expérimentations ainsi que des certificats d’énergie de produits phytosanitaires.
BASF
Contrôle du démarrage des cultures des nématodes, chez BASF.
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e biocontrôle n’est pas un concept venu de nulle part. Il trouve ses racines auprès de l’un des plus grands entomologistes de la fin du XIXe siècle, Charles V. Riley, américain et fondateur de la lutte biologique qui découvrit tout l’intérêt de la coccinelle Rodalia cardinalis, importée d’Australie en 1888, pour lutter contre la cochenille d’agrumes. Après la seconde guerre mondiale et l’avènement de la lutte chimique, on peut dire qu’un mouchoir a été mis sur le dossier. Mais le changement sociétal et la montée de la prise en compte environnementale l’ont remis sur le devant de la scène. En parallèle, la chimie vivait ses heures de gloire comme le mettent
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en lumière quelques chiffres : 423 molécules inscrites en 2013 pour 1000 en 1980 ; 70 matières actives en développement en 2000, et seulement 28 en 2012. Le principe de substitution est en marche…
Dans l’air du temps... En France, le virage a définitivement été pris avec Antoine Herth, député du Bas-Rhin, et la remise de son rapport le 19 avril 2011 sur le biocontrôle. Un accord-cadre « biocontrôle » voyait le jour, signé par 23 partenaires et donnait naissance au Certiphyto, puis aux Nodu vert biocontrôle. Un appel à proposition pour le développement du biocontrôle en grandes cultures était ensuite lancé en décembre
... malgré une technicité qui rebute Les outils de biocontrôle sont inspirés des mécanismes de défense naturelle. Face à l’apparition de résistances aux molécules phytopharmaceutiques, ils proposent une autre voie, considérée plus propre pour l’environnement, plus sûre pour la santé de l’applicateur et du consommateur, et élargissant la gamme des techniques de lutte disponibles, dans un contexte de raréfaction des solutions chimiques. Mais ils sont aussi bien plus techniques, avec des efficacités variables, un surcoût parfois négligeable, et des conditions plus exigeantes de conservation et d’application, d’où des réticences rencontrées au sein des filières… Dossier « biocontrôle » rédigé par Céline Zambujo
Un marché en plein essor Le biocontrôle ne représente aujourd’hui que 3,5 % du marché de la protection des plantes, mais avec un taux de croissance allant de 15 à 20 % par an. La niche d’hier (150 millions de dollar en 1985) devrait se situer entre 6 et 8 milliards de dollar à l’horizon 2020 au niveau mondial.
A
Déploiement en grandes cultures En France, le marché du biocontrôle est évalué autour de 100 millions d’euros, soit 5 % du marché de la protection des cultures. L’ambition d’IBMA France (International biocontrol manufacturers association) est d’atteindre 15 % d’ici 2020. « Le biocontrôle est arrivé en grandes cultures dans les années 1980 et approximativement dans les années 1960-70 en maraîchage. Comparativement aux cultures spécialisées, son déploiement est certes moins important, mais pas inexistant non plus : on estime
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Croissance du biocontrôle par zones géographique entre 2012 et 2017 (prévisions pour 2017) En millions de dollars
u niveau mondial, deux tiers des ventes des produits de biocontrôle se font dans les pays du Nord, dont 44 % aux Etats-Unis et 20 % en Europe, sur un marché évalué à 1,63 milliard de dollar en 2013. Un écart qui s’explique en partie par un nombre de produits de biocontrôle homologués aux Etats-Unis plus important : on dénombre 151 solutions pour lutter contre les insectes contre 42 en Europe ; 55 solutions pour lutter contre les maladies contre 21 en Europe ; 9 produits homologués contre les adventices et 5 contre les nématodes contre 1 et 1 en Europe.
Amérique du Nord Europe Asie Amérique Latine Afrique + Océanie Total
Source : FAO, USDA, EPA, etc.
autour de 300 000 hectares les surfaces traitées en biocontrôle pour les anti-limaces, et entre 120 000 et 150 000 hectares celles traitées contre la pyrale. Ce n’est pas rien », souligne Denis Longevialle, secrétaire général d’IBMA France qui pose trois défis à relever pour ce secteur. « Le premier, c’est le déploiement du biocontrôle en plein champ, avec un enrichissement du catalogue en grandes cultures. Le deuxième, la poursuite de la recherche avec des outils de lutte contre les stress biotiques liés aux adventices, aux insectes ravageurs et aux maladies. » Enfin, le troisième axe est la couverture des usages orphelins, sujet plus prégnant pour les cultures spécialisées. Des solutions sont déjà commercialisées. Mais il reste encore beaucoup à faire pour accentuer l’utilisation de ces solutions en grandes cultures. Preuve que les choses avancent, l’homologation en février dernier de
Beloukha®, de la société Jade, premier produit de biocontrôle ciblant les adventices. Pour soutenir cette croissance, la filière agricole et les pouvoirs publics devront revoir la réglementation pour valoriser les atouts environnementaux des produits de biocontrôle, travailler à former tous les acteurs de la chaîne de valeur agricole, et, enfin, communiquer sur le biocontrôle et valoriser son utilisation. « Aujourd’hui, nous avons des solutions de biocontrôle compétitives qui se positionnent non en alternative pure, mais plutôt en intégration dans des programmes assemblant des outils agronomiques, génétiques, d’agroéquipement… Sans oublier les solutions phytosanitaires conventionnelles qui ne sont pas forcément exclues du jeu. Au contraire, le fait de mixer ces différents leviers préserve les matières actives, en abaissant les doses par hectare. Les solutions de biocontrôle sont un levier majeur du plan Ecophyto », conclut Denis Longevialle. C.Z.
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BIOCONTRôLE
Les grandes cultures, le nouveau marché cible Moins d’une dizaine de produits de biocontrôle sont autorisés en grandes cultures, mais ce chiffre devrait rapidement s’étoffer au vu de l’importance économique du marché des grandes cultures.
Plusieurs produits de biocontrôle existent déjà pour les pommes de terre.
DR
C
omparativement aux cultures spécialisées, les grandes cultures sont encore les parents pauvres du biocontrôle. Mais les choses évoluent. Ainsi, dans la catégorie des macro-organismes, le plus connu est sans aucun doute le trichogramme, utilisé pour lutter contre la pyrale du maïs. Pour les micro-organismes, plusieurs solutions sont d’ores et déjà disponibles. Cerall® (Belchim Crop Protection) est un fongicide naturel pour la protection des semences de céréales contre les pathogènes spécifiques des semences de blés (tendre et dur), seigle, triticale tels que septoriose, carie, ou fusariose. Contans® WG (Bayer) est un fongicide homologué à la dose de 4 kg/ha qui cible les sclérotes de Sclerotinia sclerotiorum. Enfin, il faut également citer Acapela® Soft ControlTM, à base de Bacillus pumilis, produit de biocontrôle
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lancé début 2015 par DuPont pour lutter contre le sclérotinia du colza (avec une extension sur alternaria), à la dose de 2 l/ha. En association avec la picoxystrobine, il réduit de 40 % l’IFT (indice de fréquence des traitements). DuPont a également fait homologuer Ballad® à base de B. pumilis, désormais inscrit sur la liste des produits entrant dans le calcul du Nodu Vert Biocontrôle.
Trois substances naturelles Dans la catégorie des substances naturelles, trois solutions sont aujourd’hui disponibles. Vacciplant® (Goëmar), un stimulateur de défense naturelle des plantes à base de laminarine, est homologué sur blé et orge à la dose de 1 l/ha. Vacciplant Grandes cultures est proposé seul ou en pack prêt à l’emploi, associant ce produit de biocontrôle (action de « stimulation
des défenses naturelles », SDN) avec un fongicide 2 voies (triazole + chlorothalonil). L’anti-limace Sluxx (Certis) composé d’un complexe ferrique avec une efficacité identique à un metaldéhyde. Enfin, récemment, Jade a vu homologuer Beloukha®, le premier désherbant non sélectif issu d’huile de colza qui agit par dessication, efficace en combinaison avec un broyage ou un défanage chimique. Développé depuis 2007, Beloukha® vient de recevoir ses premières autorisations de mise sur le marché français pour les usages désherbage, épamprage de la vigne et défanage de la pomme de terre. Plusieurs nouveaux usages (arboriculture, maraîchage, intercultures...) arriveront pour la campagne 2015/2016 et en attendant un développement en cultures industrielles. Sur pomme de terre toujours, les producteurs ont également à disposition un antigerminatif naturel, BioxM, composé naturel à base d’huile de menthe renfermant plus de 55 % de L-Carvonne. Il est homologué en nébulisation à chaud à la dose de 90 ml/tonne, puis 30 ml de 1 à 10 applications. Ces nouveautés ne doivent pas faire oublier que les producteurs de pomme de terre ont également à leur disposition le Novodor® FC (De Sangosse) pour lutter contre le doryphore. La société travaille également sur les trichogrammes de maïs, avec Trichosafe® et BioLogic® et développe un outil d’aide à la décision prévoyant les pics de vols de pyrales (lire ci-après). Enfin, BASF annonçait début octobre investir dans son site de production de solutions de biocontrôle pour l’agriculture et l’horticulture, au Royaume-Uni. C.Z.
François Benne : « Répondre à de fortes attentes » Paroles d’un expert du biocontrôle, François Benne, chef marché « Grandes cultures » chez De Sangosse. de non traitement (ZNT) de 5 m, et pas de délai de re entrée (DRE). Il viendra renforcer la panoplie de solutions de biocontrôle en grandes cultures sur deux grands marchés fongicides pour lesquels il y a de fortes attentes.
François Benne
Où se situe De Sangosse dans ce marché du biocontrôle Grandes cultures en émergence ? F.B. : Nous sommes surtout présents sur maïs, avec des trichogrammes pour lutter contre la pyrale. Notre spécificité est que nous accompagnons par le conseil en travaillant deux axes : d’une part, le développement des pièges lumineux et à phéromone pour connaître la pression réelle sur la parcelle ; d’autre part, en parallèle, la création d’un modèle de prévision des vols. Il tourne depuis 5 ans en Alsace et est aujourd’hui bien calé sur cette région, même avec des années bien distinctes les unes des autres en termes de pression pyrale. Pour le reste de la moitié nord de la France où sévit une seule génération de pyrale, nous sommes encore en validation et devrions avoir besoin d’une année
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supplémentaire. Nous sommes moins avancés dans le sud, avec ses deux générations. La prédiction des vols de pyrales est quelque chose de très complexe, nous devons sécuriser la pertinence du modèle pour le faire monter en puissance. Il ne s’agit pas d’aller trop vite. Avez-vous d’autres projets ? F.B. : Notre projet Polyversum vient d’être homologué. Il s’agit d’un bio fongicide contenant un champignon oomycète, pythium oligandrum, qui agit contre sclérotinia sur colza et fusarium sur blé (tendre et dur). Nous avons encore du développement technique à faire avant de le proposer aux producteurs. Il ne sera pas commercialisé avant la campagne 2016-2017. Ce produit de biocontrôle est utilisable à 100 g/ha, et présente un délai avant récolte (DAR) de 3 jours, une zone
Qu’en est-il des anti-limaces, où vous êtes leader du marché ? F.B. : Pour réussir la lutte antilimaces, le choix d’un appât performant est indispensable. Tous les appâts ne se valent pas. C’est pourquoi nous avons travaillé sur l’attractivité et l’appétence de notre solution ainsi que sur ses aptitudes mécaniques et balistiques, car ces produits s’appliquent généralement par épandeur centrifuge sur quad. Le système mécanique peut entrainer de la casse, avec des granulés trop petits qui ne sont ensuite pas consommés par les limaces et qui présentent un risque potentiel pour l’utilisateur et le milieu. Notre gamme Metarex Ino, lancée en 2013, s’appuie sur un appât Colzactif® avec des ingrédients issus du colza, pour jouer sur l’attractivité et l’appétence. Grâce à cette technologie, nous avons pu baisser de 5 à 4 % le taux de matière active, soit 20 % en moins, tout en optimisant le niveau d’efficacité : nous avons en effet une rapidité d’action plus grande, un atout plébiscité par les agriculteurs. Ceci étant, le choix de l’appât n’est qu’une partie de la solution pour lutter contre les limaces. D’où la démarche Ciblage®, un programme en quatre étapes allant de l’anticipation du risque limaces jusqu’à l’optimisation de l’épandage des granulés. Nous proposons des outils concrets et faciles à mettre à œuvre pour chaque étape, visibles sur notre site dédié, ciblage-antilimaces.fr. C.Z.
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Moteur
Pulvérisation, plus de débit, moins de pression En matière de pulvérisation, la course au débit de chantier est un passage obligé pour optimiser la qualité et l’efficacité des applications et gagner en sérénité. Quelles pistes emprunter ? Le bas volume sous conditions Il en va de même pour les volumes de bouillie, dont la réduction a l’avantage de flatter l’autonomie du pulvérisateur, quelle que soit sa capacité de cuve, tout en produisant une accélération de la vitesse d’exécution de chantier, à débit de buse égal. La réduction du volume par hectare a donc un double intérêt d’un point de vue de la productivité de chantier.
Hardi
Automoteur doté d’un sélecteur automatique de buses, déjouant les phénomènes d’accélération et de décélération, et propice à la mise en œuvre de la modulation de dose intraparcellaire.
D
avantage de surfaces pour cause d’agrandissement, moins de plages horaires pour cause de vent ou d’hygrométrie inadaptée et toujours un seul appareil : telle est l’équation qui s’impose aux chantiers de pulvérisation avec toujours plus d’acuité. Constructeurs et prescripteurs n’y sont pas insensibles et tentent d’inventorier les moyens techniques et pratiques à disposition avec un seul et unique objectif : optimiser l’efficience des traitements, autrement dit traiter mieux pour éventuellement traiter moins et préserver le
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potentiel de production de l’année mais également des campagnes suivantes, si l’on raisonne en terme de durabilité des systèmes. Automatismes de mise en œuvre, capacité de cuve, largeur de rampe, vitesse de travail, volume par hectare… Les leviers d’action ne manquent pas et, pour la plupart d’entre eux, il est possible de les faire varier dans un rapport de un à deux : 7000 l de capacité de cuve plutôt que 3500 l, 48 m de largeur de rampes au lieu de 24 m l, 20 km/h de vitesse d’exécution au lieu de 10 km/h…
Ce volume a déjà été fortement revu à la baisse au cours des décennies passées. Selon Arvalis Institut du végétal, il était compris entre 180 et 200 l/ha en 1995 (enquête Itcf). En 2012, une enquête réalisée auprès de 100 céréaliers faisait ressortir un volume moyen de 110 l/ha. Si un gros travail d’optimisation a donc déjà été réalisé à ce niveau, des marges de progression restent possibles, consistant à passer sous la barre des 100 l/ha, ce qui définit les applications bas volume. Le cap est davantage technique que symbolique. Il passe par une augmentation de la vitesse de travail et une réduction du débit de la bouillie à la rampe. Selon Arvalis, augmenter la vitesse d’avancement est un bon levier pour traiter à bas volume mais moyennant une bonne voire très bonne stabilité de rampe. Celle-ci a un impact direct sur l’homogénéité de répartition sous la rampe. Par ailleurs, souligne l’institut, mieux vaut s’assurer que la régulation du pulvérisateur est suffisamment réactive dans les phases
Leeb GS
d’accélération et de décélération en début et en fin de parcelle. C’est là où la sélection automatique de buses prend tout son sens. Partant du principe que les buses tolèrent des plages de variation de vitesse, de pression et de dose limitées (sous peine d’affecter le spectre de pulvérisation, en terme de nombre et de taille de gouttelettes), les sélecteurs automatiques à deux ou quatre buses (selon les versions et les constructeurs) affranchissent de cette contrainte physique, dans les phases d’accélération et de décélération. La sélection automatique permet en prime de mettre en œuvre la modulation de doses intraparcellaires, applicable aujourd’hui en matière d’azote liquide, en attendant d’éventuelles déclinaisons avec les traitements phytosanitaires. Quant à la réduction de débit des buses, Arvalis note qu’elle s’accompagne nécessairement d’un passage à de plus petits calibres. Mais plus le calibre est petit, plus le risque de dérive est élevé et plus le risque de bouchage est important,
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La stabilité de rampe permet de repousser les limites en termes de débit de chantier et de lutte contre la dérive en garantissant le parfait suivi de la végétation.
d’autant plus qu’en bas volume, la bouillie est plus concentrée qu’à volume élevé. C’est pourquoi Arvalis recommandé de ne pas descendre en dessous du calibre 015 (couleur verte Iso). Il convient aussi de bien surveiller la filtration et de la renforcer au niveau des tronçons, si ce n’est pas déjà le cas sur le pulvérisateur. Choisir des buses de 80° constitue une autre piste pour prévenir le bouchage, comparativement à des buses de 110°, plus évasées, moyennant un ajustement de la hauteur des rampes.
La stabilité de rampe, enjeu numéro 1 Volume, vitesse, accélération, décélération, modulation, stabilité, bouchage, dérive : la quête de débit de chantier, sans pénaliser la qualité d’exécution (fenêtres météorologiques, modulation…), peut ici ou là faire apparaître des antagonismes. Sauf à disposer de rampes à la stabilité à toute épreuve. Avec des rampes très
stables, pour ne pas dire soudées à la végétation, il est possible d’accélérer la cadence de travail pour gagner en débit de chantier et traiter davantage de surface. On peut aussi ne pas pousser le matériel dans ces derniers retranchements et bénéficier alors, à vitesse égale, d’une qualité de répartition un peu plus optimisée, du fait de la meilleure tenue des rampes dans les plans verticaux et horizontaux. Et en profiter pour concentrer ses interventions aux heures les plus propices à l’efficience de la bouillie. Dernière possibilité : profiter de ce surcroît de stabilité pour réduire la distance entre les jets et leur cible. Dans la configuration actuelle des pulvérisateurs, avec une répartition des buses tous les 50 cm, la hauteur séparant les jets de la cible (sol ou végétation) doit être au minimum de 53 cm avec des buses délivrant un angle de pulvérisation de 110° pour assurer le triple recouvrement, une condition nécessaire pour garantir une couverture optimale.
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Moteur
En présence d’une buse à 80°, la distance minimale atteint 80 cm, toujours en présence de buses distantes de 50 cm sur la rampe. Il s’agit là de distances minimales théoriques ne tenant pas compte de l’instabilité de la rampe. Cette instabilité oblige à prendre une
marge de sécurité, consistant à relever la hauteur de rampe, pour assurer la couverture de la cible sinon pour éviter un télescopage avec la végétation ou avec le sol. Mais non sans augmenter le risque de dérive. La solution passe par l’adoption d’écartements de buses de 25 cm sur la rampe et non plus de 50 cm.
Cette configuration permet de recourir à des buses de 80° assurant le triple recouvrement et avec un double effet anti-dérive lié à la réduction de la distance entre la rampe et la cible et à la taille des gouttelettes générées. C’est le raisonnement adopté par Horsch avec sa gamme de pulvérisateurs Leeb GS, caractérisée par des
AmaSpot ou le tir à vue à 20 km/h A l’Agritechnica 2015, Amazone présente avec l’AmaSpot un système de reconnaissance et de traitement de plante cibles (médaille d’argent). Ce système repose sur des capteurs infrarouges détectant la chlorophylle et capables ainsi de différencier plantes vertes et sol non recouvert. Avec un capteur disposé tous les mètres et une résolution en quatre secteurs au sein de chaque capteur, AmaSpot balaie des bandes de 25 cm de large. Lorsque le système sensoriel détecte une plante, la buse (à injection d’air) pulvérise et se coupe avec une précision au centimètre près, jusqu’à des vitesses pouvant atteindre 20 km/h, pour des applications de jour comme de nuit. L’économie de produits phytosanitaires et la productivité de chantier (moindres volumes de bouillie utilisés) constituent les deux plus gros avantages de la technique. Amazone cite également la possibilité d’utiliser des concentrations plus fortes de matières actives pour prévenir les phénomènes de résistance tout, en réduisant au final les coûts d’application du fait des jets ciblés. L’AmaSpot peut être déconnecté pour assurer des application en plein. D’autres constructeurs développent des systèmes de pulvérisation ultra-localisée. AvidorHighTech propose depuis 10 ans le WeedSeeker, des têtes de détection optique et électronique montées sur rampes et déclenchant l’application en tache d’herbicide, en étant opérationnel à une vitesse de 15 km/h. Le système connaît des applications dans le vignoble mais peine encore à s’imposer en grande cultures du fait du coût unitaire de chaque tête (600 euros) analysant une bande de terre d’environ 40 cm. Au sima 2011, Tecnoma avait décroché une médaille d’argent pour l’ILS (Intelligent localized spray). Développé en partenariat avec l’Unité propre génie des agroéquipements et procédés
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d’AgroSup Dijon, le dispositif reposait sur une caméra scrutant les adventices depuis le front du tracteur. Un logiciel de traitement d’images commandait l’ouverture séquentielle des tronçons de rampes du pulvérisateur. A ce jour, Tecnoma n’a pas donné de suite à cette technologie, handicapée par le coût des composants requis pour assurer un débit de chantier compatible avec la pratique. Le britannique Garford, distribué en France par Novaxi, est un autre expert en la matière. Aux côtés des bineuses à guidage par caméra
rampes totalement indépendantes du châssis, assorties d’un logiciel de correction de la hauteur, du dévers et de la géométrie variable s’appuyant sur capteurs ultrasons, au nombre de quatre dans la version BoomControl Pro, complété depuis par le BoomSight, un scanner laser capable d’identifier les obstacles, fossés, variation de hauteur de culture et autres passages de traitement jusqu’à 20 mètres à droite et à gauche de la rampe et jusqu’à 15 mètres à l’avant du tracteur. Raphaël Lecocq
Le système AmaSpot d’Amazone autorise des applications ultra-localisées, à 20 km/h, de jour comme de nuit.
AmaSpot
pour grandes cultures et des bineuses inter-rangs et inter-plants InRow pour cultures légumières, Garford développe avec Sport Spray un système de pulvérisation ultra-localisée. Les trois caméras embarquées sur une rampe de 6 m et 36 buses sont capables de détecter par exemple des repousses de pommes de terre dans les cultures d’oignons ou de carottes et déclencher un tir à vue sur les seules adventices, le tout à la vitesse de 5 km/h. Un tir à vue herbicide qui peut aussi servir, à l’inverse, un tir à vue protecteur (fongicide, insecticide) ciblé sur les végétaux cultivés et épargnant la terre nue.
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REFLEXIONS
Agriculture, là où le réchauffement climatique est déjà visible L’agriculture est souvent montrée du doigt comme étant l’un des gros émetteurs de gaz à effet de serre. Mais ce secteur, de fait très dépendant du climat, est d’abord la première victime du changement climatique.
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n observe ainsi d’ores et déjà son impact depuis les années 1980-1990 sur certaines productions agricoles à l’échelle mondiale, comme le blé et le maïs. Il expliquerait en grande partie la stagnation des rendements de blé en France depuis les années 1990. Des études indiquent également qu’en cas d’augmentation des températures, les vaches produisent moins de lait, et les porcs s’engraissent moins. Ces différentes tendances devraient se poursuivre et même s’aggraver dans les décennies à venir. Mais au-delà de ces tendances générales, trois grands symboles de cet effet du changement climatique sur l’agriculture sont désormais bien connus.
Sècheresses Le premier est la sécheresse et les vagues de chaleur que peuvent connaître différentes régions ou pays, phénomènes sans aucun doute aggravés par les effets du réchauffement climatique. Ainsi,
en 2015, la sécheresse a sévi en Californie, mais aussi en Amérique centrale, en Afrique australe, en Inde, avec une vague de chaleur sans précédent au printemps, ou encore en Ethiopie, avec la pire sécheresse en 30 ans. Ces sécheresses ont bien évidement un impact très négatif sur les productions agricoles locales et la sécurité alimentaire des populations. En Amérique centrale, par exemple, cela se traduit par une baisse significative de la production de maïs entraînant une hausse de son prix. Ces pays ont par conséquent dû augmenter leurs importations de denrées alimentaires.
Viticulture Le deuxième grand symptôme du changement climatique concerne la viticulture. On connaît déjà quelques effets du réchauffement du climat avec des raisins qui arrivent à maturité plus tôt, et donc des vendanges plus précoces, ou des vins dont la teneur en alcool
est plus élevée. Cette situation devrait s’aggraver à l’avenir. Les spécialistes estiment ainsi qu’il sera de plus en plus difficile de produire du vin en Afrique du Nord ou dans un pays comme l’Argentine. En revanche, la qualité du vin produit en Suède ou en Angleterre devrait s’améliorer avec l’accroissement des températures. En outre, la vigne pourrait pâtir d’autres effets du changement climatique, tels que la multiplication des phénomènes climatiques extrêmes (orages de grêle) et la prolifération des parasites.
L’agriculture du... Groenland se développe ! Enfin, le dernier symbole est le développement de l’agriculture au Groenland, territoire sur lequel l’impact du changement climatique est plus visible et plus rapide qu’ailleurs, compte tenu de la fonte de la banquise de l’océan Arctique et des glaciers locaux. Dans le sud du territoire, le climat a commencé à se dérégler dans les années 1990. La température a ainsi augmenté de 1,3 degré en 30 ans, ce qui a rallongé la période de culture d’environ deux semaines. C’est une aubaine pour l’agriculture locale. On peut ainsi y observer la production de légumes, de pommes de terre, de fruits ou de fleurs ou le développement de l’élevage, principalement de moutons. Mais paradoxalement, les agriculteurs groenlandais commencent déjà à se plaindre… de sécheresses en été, ce qui est un comble pour un pays dont les 2,5 millions de km3 de glaces contiennent 10 % des réserves d’eau douce de la planète.
La sécheresse empêche le développement normal des cultures, comme par exemple ici le maïs.
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A.J.
Eddy Fougier
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