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Edito Le verdissement devient un vecteur de croissance
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lire vos impressions sur notre forum internet (pages 2829 du présent magazine), la croissance verte, ça ne vous inspire pas vraiment. A WikiAgri, nous sommes résolument optimistes et nous pensons qu’elle ne vous inspire pas encore, mais que ça va venir. Parce que nous sommes déjà dans cette logique de rémunérer les pratiques environnementales mises au service de la production. Les normes environnementales sanction, souvent absurdes, incomprises, c’est fini. Même si le souvenir est si tenace que vous les évoquez toujours. Maintenant, on passe à un nouveau concept, il s’agit de réussir plusieurs challenges à la fois. Nourrir 9 milliards d’humains en 2050, répondre à une alternative énergétique, être ingénieux dans le non alimentaire… Tout en répondant aux fameuses attentes sociétales par des pratiques culturales durables. On mixe tout cela, on se rend compte que pour parvenir à conjuguer tous ces enjeux, il faut une motivation, la rémunération. Ne cherchez pas plus loin, la croissance verte est née dans l’agriculture, et si vous n’êtes pas encore dedans, vous y viendrez. Vous en serez un acteur majeur, et vous en retirerez les fruits. Ce numéro se veut volontariste et visionnaire. Notre grand témoin, Dominique Dutartre, spécialiste tant de l’alimentaire que du non alimentaire par ses responsabilités en coopérative, est également président du pôle de compétitivité agricole le plus novateur et le plus prometteur en France. Lui, la croissance verte, il est obligé d’y croire, il a déjà les deux pieds dedans. Il vous fait part de ses convictions, et de son analyse du contexte actuel. Tout aussi décidée et engagée, la coopérative Soufflet a fait l’objet d’un reportage sous la forme d’une (large) visite guidée. Nous sommes dans l’industriel, dans une impressionnante machine de guerre qui a fait de l’agriculture durable son credo, et qui sait en tirer profit. Plus modeste mais tout aussi convaincu, le forestier que nous avons rencontré explique comment il exploite le bois, sans risque d’épuiser la ressource. Après nos conseils agronomiques, et nos articles sur le matériel dédié à la croissance verte, vous lirez en fin de journal les conseils de l’un de nos partenaires rédactionnels, CerFrance, pour initier la méthanisation à la ferme. Mais ce n’est pas tout, Agritel, notre autre partenaire rédactionnel spécialisé lui dans les marchés agricoles, commente le bilan 2012 et trace les perspectives 2013. Et puis nous vous proposons une nouvelle rubrique, un portfolio. Six pages (presque) sans texte où l’image est privilégiée. En l’occurrence, le photographe a passé, l’été dernier, 24 heures avec des moissonneurs. Les hommes, les machines, le grain… Tout ce travail qui, au bout du compte, génère la croissance verte. La rédaction AJ
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Sommaire WikiAgri n°5 / decembre 2012
u Directeur de publication Yannick Pages Rédacteur en chef Antoine Jeandey Rédaction Maxime Boutevin Raphaël Lecocq Benjamin Masson redaction@wikiagri.fr Ont participé à ce numéro AGRITEL CERFRANCE Dessinateur Michel Cambon Photographe Jean-Marie Leclère Publicité Tél. 06 89 90 72 75 | pub@wikiagri.fr Consultant Média Bernard Le Blond - Vision bleue Tél. 06 83 92 08 61 Conception graphique et maquette Notre Studio www.notrestudio.fr Conseil éditorial Sylvie Grasser - Hiceo Tél. 06 32 75 11 94 www.hiceo.fr ISSN ISSN 2258-0964 Commission paritaire 0314 T 91288 Dépôt légal A parution Service abonnements 4, impasse du Faubourg 38690 Le Grand Lemps Tél : 04 76 31 06 19 E-mail : contact@wikiagri.fr Abonnement annuel 34,90€ TTC (4 numéros) Prix au numéro : 10€ Site internet www.wikiagri.fr Impression SAS Imprimerie Leonce Deprez Zone industrielle de Ruitz 62620 Ruitz Tirage 48 000 exemplaires (dont 45 500 expédiés) Le magazine WIKIAGRI ® est edité par la société : DATA PRO SOLUTIONS BP 70132 38503 VOIRON CEDEX
Edito P.3
THÉMA l
Le dessous des graphes
P.6 et 7 - Graphiques et infographies
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Cambon lui semble
P.8 - Le dessin de Michel Cambon
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Le Grand témoin
P.9 à 12 - L’interview de Dominique Dutartre, président du pôle de compétitivité IAR (industries et agro-ressources) et de l’ARD (agro-industrie recherche et développement)
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Théma CROISSANCE VeRTE
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Brèves des champs
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Moteur
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PORTFOLIO
P.14 - La croissance verte, la meilleure direction pour l’agriculture P.20 - Reportage, Soufflet, la puissance industrielle au service de l’agriculture durable P.24 - Reportage, le bois énergie P.26 - Oui Mais : Ne pas compromettre l’avenir alimentaire P.28 - Vous et la croissance verte, d’après vos témoignages recueillis sur wikiagri.fr
P.30 à 33 - Les applications sur les champs de la croissance verte (variétés, fertilisation, énergie, protections…)
P.34 - Le vide de gazole s’il vous plaît P.36 - Pot de terre, pot de fer et caoutchouc
P.38 à 43 - Une journée de moisson u
Pédagogie des marchés
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stratégie et benchmark
P.44 à 47 - Par AGRITEL
P.46 à 48 - Par CerFrance Les applications de la méthanisation
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Insolite
P.50 - Mon credo ? Promouvoir la spiruline
Ce numéro comporte deux encarts Abonnement et un encart YARA.
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Comprendre
Le dessous des
Le verdissement bénéfique financièrement L’OCDE a publié un scénario qu’il a appelé « 450 ppm » selon un « modèle ENV-Linkages ». C’est assez compliqué, nous avons essayé de simplifier pour ce graphe. Le principe : en agissant dès à présent sur les émissions des gaz à effet de serre, celles-ci diminuent au lieu d’augmenter. Financièrement, l’impact des gaz à effet de serre a un coût, qui va en s’amplifiant. En commençant dès à présent cette action, on obtient à partir de 2025 (mais cela devient de plus en plus visible au fil du temps) une différence de ce coût, qui va jusqu’à représenter 5,5 % du produit intérieur brut (PIB) en 2050. En d’autres termes, agir sur l’environnement permet des économies loin d’être négligeables à terme (on recule les phénomènes de désertification par exemple), c’est donc bénéfique financièrement.
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graphes L’économie circulaire, l’exemple de la méthanisation Notre grand témoin, Dominique Dutartre, prône une économie circulaire, en opposition à l’économie linéaire. Cette dernière consiste à produire, consommer, et jeter ce qui dépasse. Alors que l’économie circulaire réutilise tout (ou presque tout), en produisant l’énergie qui servira ensuite à la production. La méthanisation est illustrée ici par la fondation Ellen McArthur (reconnue dans le domaine environnemental) comme un parfait exemple d’économie circulaire. En matière de croissance verte, il n’est bien sûr pas le seul. Mais il résume fort bien le rôle que peut jouer l’agriculture dans les attentes sociétales.
Méthanisation
Nombre d’installations de biogaz en France et en Allemagne
La méthanisation a débuté en Allemagne dès 1992 et avait déjà connu un certain essor en 2003. Depuis, les efforts n’ont cessé d’être accentués dans ce sens, beaucoup plus rapidement en Allemagne qu’en France. Qualitativement, les unités de biogaz allemandes sont en très grande majorité des installations à la ferme, d’où leur quantité. En France, en 2011, sur 47 unités comptées, 41 sont à la ferme, et 6 sont territoriales. Les 6800 unités de méthanisation allemandes produisent aujourd’hui l’équivalent de 2 centrales nucléaires en énergie.
Infographies : Notre Studio
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Le dessin
Cambon lui semble
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GRAND TÉMOIN
Dominique Dutartre : « L’enjeu consiste à utiliser la plante entière »
Repères Dominique Dutartre est directeur général adjoint, en charge de la recherche et de l’innovation, du groupe coopératif Vivescia. Il préside également le pôle de compétitivité IAR (industries et agro-ressources) et l’ARD (agro-industrie recherche et développement). Agronome de formation, Dominique Dutartre a accompli l’essentiel de sa carrière dans la coopération agricole, particulièrement dans le groupe Vivescia (anciennement Champagne Céréales).
Comment définiriez-vous la croissance verte ? D.D. C’est un concept générique qui recouvre une foultitude de sujets. Un moyen d’envisager, à partir de bio-ressources renouvelables, l’émergence d’une agriculture durable nouvelle sur tout le territoire. Ensuite, il faut arriver à un équilibre dans l’utilisation de ces bio-ressources, entre les nouvelles destinations de l’agriculture et l’obligation de nourrir 9 milliards d’humains en 2050, ou de nourrir le bétail qui nourrira l’homme. La mise en œuvre de cette croissance verte peut se traduire par une participation au bouquet énergétique, en créant de la valeur avec les coproduits. Pour qu’il y ait croissance, enfin, il faut rester dans un acte de production agricole, qui doit être durable.
Pouvez-vous nous donner un exemple de croissance verte pour l’agriculteur ? D.D.L’agriculture doit s’organiser pour être elle-même durable. Cela passe par la nécessité d’une réduction de la dépendance aux énergies fossiles. Les carburants, mais aussi les engrais azotés, voient leurs coûts croître de manière importante. Alors qu’il existe des alternatives à l’utilisation de ces énergies fossiles. Par exemple, on peut organiser énormément autour de la méthanisation, en termes de restructuration du sol avec des éléments organiques. En Allemagne, la compétitivité des productions s’est accrue autour de l’outil énergie. Les méthaniseurs, il faut les construire, les installer, les faire fonctionner… L’impact économique de la méthanisation est un facteur de croissance verte. Il crée des emplois directs, et indirects.
Benoit Pelletier Diabolus Vivescia
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GRAND TÉMOIN L’épi seul, c’est fini. Désormais, c’est la plante entière qui doit être valorisée, pour différentes destinations.
Procethol 2G Projet Futurol
Où commence cette croissance verte ? D.D. Par la préservation des sols. C’est le bien le plus précieux de l’agriculteur. Cette préservation passe par des initiatives multiples, par exemple par la simplification du travail du sol : en soi, ce n’est pas un acte de croissance, mais cette méthode fait partie de ce qu’on appelle les « aménités positives » dans les salons parisiens, à savoir que cette contribution à la protection de la ressource en eau est
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considérée comme une valorisation du sol. Ensuite, certaines productions pour la biomasse sont à faible consommation énergétique. Comme le miscanthus par exemple. Et puis des vallées ou des prairies naturelles peuvent être valorisées avec de l’agroforesterie. Des peupliers en bordure de champ apportent la dynamique d’une nouvelle croissance. Pour nourrir les hommes, ou les animaux qui nourriront les hommes, de nouvelles croissances sont générées par des engagements vers de nouveaux modes de production.
Dans notre forum (lire pages 2829), un lecteur nous fait part de stagnation des rendements en lien, selon lui, avec les mesures Ecophyto. N’est-ce-pas un frein à la croissance verte ? D.D. Le plafonnement observé dans les rendements céréaliers et en particulier dans le blé vient du type génétique de l’espèce cultivée. Les types génétiques de céréales à paille de blé utilisés aujourd’hui ont été créés il y a 10 ans. Et ils ne sont plus adaptés aux nouvelles conditions pédoclimatiques. En dehors du Nord-Pas-de-Calais, qui bénéficie des entrées maritimes, le climat continental de la France est soumis à un réchauffement. Et nous sommes en décalage en termes de biotechnologies, il nous faut des espèces adaptées. Le plan Ecophyto n’est pas en cause sur la question des rendements. Mais le monde agricole doit intégrer dans le futur les progrès, y compris génétiques, des plantes. Vous voulez parler des OGM ? D.D. Pas nécessairement. Le climat a évolué ces dernières années, en particulier le printemps. Le blé que nous avons aujourd’hui supporte mal les sécheresses de printemps, alors que d’autres plantes, à développement plus long (comme la betterave par exemple), ne connaîtront pas le même problème. C’est l’impact des gaz à effet de serre que nous subissons ainsi. Pour les producteurs de blé, la génétique et le travail du paysan vont de pair pour optimiser les espèces. Les biotechnologies sont source de progrès, sans obligatoirement passer par les OGM, de toute façon décriés par la société.
Pourquoi faut-il des rendements pour s’inscrire dans la croissance verte ? D.D. Toutes les formes d’agriculture peuvent exister. Si les biens alimentaires ne se déplacent pas vers les pays qui en ont besoin, ce sont les affamés qui vont se déplacer pour les trouver. En terme géopolitique, il n’y a pas d’alternative. Les dirigeants de ce monde ont d’ailleurs compris que la production agricole doit être suffisante, ils le répètent régulièrement lors des G20. Parlons de la nouvelle politique agricole commune, et des trames bleue et verte qu’elle veut dessiner. D.D.Je ne suis pas un spécialiste de ces questions techniques, mais il existe dans la Pac 2014-2020 un volet écologique qui vise à développer l’expression de la biodiversité. Mais attention : ce n’est pas en accentuant les zones de friches que l’on rendra les meilleurs services aux écosystèmes. Mais c’est au contraire autour de l’activité agricole qu’il faut construire de nouvelles zones écologiques. Peut-être avec de nouvelles productions, par exemple ligno-cellulosiques, prenant en compte la biomasse. Ou en allant vers les biocarburants.
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« Les méthaniseurs, il faut les construire, les installer, les faire fonctionner… L’impact économique de la méthanisation est un facteur de croissance verte. Il crée des emplois directs, et indirects.» Justement, parlons des biocarburants. Ceux dits de première génération sont aujourd’hui décriés. Qu’en pensez-vous ? D.D. Les biocarburants sont contestés pour leur impact négatif dans la hausse des prix au niveau mondial. Il vient du taux d’introduction du maïs dans l’éthanol aux Etats-Unis. On met sur le gril les biocarburants de première génération
A Pomacle-Bazancourt, dans la Marne (près de Reims), le complexe Futurol sera en capacité industrielle de production en 2016.
Canon - Procethol 2G Projet Futurol
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GRAND TÉMOIN
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Nous sommes en décalage en termes de biotechnologies, il nous faut des espèces adaptées au réchauffement climatique. Le plan Ecophyto n’est pas en cause sur la question des rendements.
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au prétexte qu’ils affament la planète. Mais attention, il faut se garder d’une analyse trop rapide, car il existe tout de même toute une filière autour d’eux. On ne peut pas les arrêter d’un coup. Bruxelles veut limiter les biocarburants de première génération pour que ceux de deuxième génération prennent le relais. Mais d’ici à 2020, la production de ces biocarburants de deuxième génération restera encore modeste. Je suis le dossier de près avec Futurol, pilote national en la matière. Nous serons en phase préindustrielle jusqu’en 2016. Le temps de tout caler… Il ne faut pas croire que l’on pourra substituer tous les carburants de première génération par ceux de deuxième en 2020. Quant à la troisième génération, avec les algues, j’y crois… Mais pas avant 30 ans. Mais on y viendra, au moins dans un cas, l’aéronautique. Pour les avions, le poids des carburants embarqués est un facteur important. L’huile paraît plus adaptée que l’alcool. Les lipides d’algues de 3e génération de biocarburants seront utiles dans l’aéronautique.
JOLYOT - PROCETHOL 2G PROJET Jolyot - Procethol 2G Projet Futurol FUTUROL
Le concept de « croissance verte » semble difficile à percevoir pour nos internautes (lire pages 28-29). Certains émettent des doutes. Comment cela peut-il marcher ? D.D. Il faut s’inspirer de l’histoire, celle de l’évolution des grands systèmes énergétiques. Du charbon nous avons tiré la carbochimie. Du pétrole la pétrochimie, ça a mis 50 ans. Avec la croissance verte, il s’agit d’aller sur des marchés à haute valeur ajoutée. C’est une transition sur une longue période. Une nouvelle dynamique doit nous amener à réfléchir à une économie circulaire, où à l’inverse de notre système linéaire – qui consiste à produire, consommer et jeter ce qui dépasse – tout le monde participe à valoriser pour l’étape suivante grâce à des unités de transformations (Ndlr : voir notre schéma explicatif page 7). Mais cela réclame du temps dans la mise en œuvre, du fait de l’application de la directive européenne Reach (Ndlr : qui consiste à évaluer et autoriser les conceptions chimiques dans le souci d’améliorer la protection de la santé humaine et de l’environnement, tout en maintenant la compétitivité et en
« L’agriculture doit s’organiser pour être elle-même durable. Cela passe par la nécessité d’une réduction de la dépendance aux énergies fossiles.»
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Dominique Dutartre suit et défend avec vigueur le projet Futurol, l’un des fleurons français en matière de biocarburants.
renforçant l’esprit d’innovation de l’industrie chimique européenne). La croissance verte existe, elle est en route, même si tous ses effets ne sont pas encore visibles. Comment cultiver dans un souci de croissance verte en évitant de rentrer dans la concurrence entre l’alimentaire et le non alimentaire ? D.D. En pensant à la dynamique des fibres végétales. Je vous donne un exemple : le chanvre ou le lin sont des isolants écologiques utiles dans le bâtiment, tout en pouvant pousser sur un assolement pour captage sensible, donc sur d’autres terres que pour les autres cultures. Pour conclure, la croissance verte, c’est vraiment la solution pour l’avenir ? D.D. Oui, si elle s’inscrit dans une économie circulaire. Nous sommes dans une phase de métabolisme industriel qui consiste désormais, ou pour les années à venir, à utiliser les plantes entières. Derrière cette mutation, il existe de nombreux enjeux. Et des évolutions. Les productions doivent évoluer, bien sûr en partant des agriculteurs. Les unités de transformation doivent évoluer. La consommation doit évoluer. Et tout le monde doit travailler ensemble. C’est cela la croissance verte.
Propos recueillis par Antoine Jeandey
THÉMA
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La croissance verte, la meilleure direction pour l’agriculture « La croissance de l’homme ne s’effectue pas de bas en haut, mais de l’intérieur vers l’extérieur. » Franz Kafka
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Le passage des normes environnementales sanction à la croissance verte D’une situation extrême débouche l’extrême inverse, puis petit à petit l’ensemble s’équilibre. Sur les 50 dernières années, nous sommes d’abord passés d’une agriculture productiviste jusqu’à l’inconscience, à une société obligeant les agriculteurs à respecter des normes environnementales drastiques et contraignantes. Désormais, « produire » n’est plus un vilain mot, à la condition toutefois que, pour celui qui produise, « environnement » n’en soit pas un non plus. Qu’y at-il de plus naturel que l’agriculteur ne (re)devienne l’un des garants essentiels d’une nature préservée ? Il ne faut toutefois pas se tromper. Il ne s’agit plus aujourd’hui d’être écologiquement compatible aux
égards de la société, mais bien de relever les défis de l’agriculture, alimentaires et non alimentaires, et donc d’être rémunéré pour cela, tout en incluant des pratiques reconnues, en particulier pour agir sur les émissions de gaz à effet de serre. Les gaz à effet de serre, voilà l’ennemi L’ennemi est ainsi montré du doigt, et je vous propose de revenir au schéma de la page 6 du présent magazine si vous n’en êtes pas convaincu : les gaz à effet de serre coûtent de l’argent, beaucoup d’argent, en influençant les climats, en obligeant à modifier considérablement, au fil du temps, les pratiques culturales. Nous
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THEMA
devons investir davantage dans la recherche pour trouver des espèces de blé adaptées au réchauffement sec du printemps, nous dit notre grand témoin, Dominique Dutartre. En revanche, le coup d’œil sur le schéma issu des projections de l’OCDE fait bien percevoir qu’en agissant dès à présent sur le climat par des pratiques écologiques, il est possible d’éviter des dépenses drastiques : il devient de fait plus simple de rémunérer ce que l’on appelle le verdissement, plutôt que de ne rien débourser et de courir plus tard à la faillite. Et qui dit « rémunération » dit « croissance », d’où la croissance verte.
« C’est d’âme qu’il faut changer, non de climat » Sénèque Le contexte européen L’Europe s’est fixé récemment un nouvel objectif, consistant à réduire sa dépendance alimentaire envers les pays tiers. Lors des 30 dernières années, recourir à des importations n’était pas si coûteux, on pouvait se le permettre. Mais avec l’exigence grandissante de qualité des aliments, les prix ont augmenté, l’ardoise est devenue douloureuse : mieux vaut désormais produire sur place, directement aux conditions environnementales et qualitatives requises par la société européenne. C’est de là que vient la croissance verte, un cercle vertueux qui vise à augmenter les productions tout en tenant compte des nécessaires attentes écologiques du monde moderne. En particulier, la Politique agricole commune 2014-2020 Le débat sur le budget européen, reporté pour ce mois de janvier, est loin d’être anodin. Il y a eu des tractations, longues, pour aboutir à un consensus autour du projet du commissaire européen à l’Agriculture Dacian Ciolos. Projet qui consiste justement (d’où aussi le choix de notre sujet pour ce numéro de WikiAgri) à orienter les aides dans un souci de croissance verte, c’està-dire d’une production à la fois accrue et répondant aux attentes citoyennes européennes. Pour tenir compte parallèlement d’une vocation
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La croissance verte ne demande qu’à prendre son envol. A.J
générale baissière des budgets, l’équilibre avait été trouvé entre la Commission européenne et ses Daniel Carlier différents interlocuteurs autour d’une baisse de 12 %. Cette baisse « contenue » permettrait ainsi de conserver les ambitions d’une croissance verte pour l’agriculture européenne. Malheureusement, les pays s’en sont mêlés, et notamment l’Angleterre, d’où de nouvelles négociations pour une nouvelle baisse budgétaire, dont le montant n’est donc pas encore acté. Mais dans tous les cas, la question est posée : aura-t-on un budget suffisamment conséquent pour poursuivre la quête d’une croissance verte ? De nombreux lobbys agricoles œuvrent pour cela, puissent-ils être entendus. L’exemple allemand pour la méthanisation Souvent mentionné en politique, l’exemple allemand vaut également en matière de croissance verte. La méthanisation dans les fermes a littéralement explosé outre-Rhin, au point que ce sont désormais 6 800 unités qui produisent l’équivalent énergétique de deux centrales nucléaires. En France, on en est loin, très loin. Jusqu’à présent aucune incitation suffisante n’a autorisé un tel engouement. Pourtant, la méthanisation obéit au principe de l’économie circulaire, que nous explique notre grand témoin Dominique Dutartre, mais qui est aussi mondialement cité en exergue : je vous recommande la visite du site internet d’Ellen MacArthur, un excellent exemple. Créer soi-même sa croissance verte A défaut de certitudes politiques et donc budgétaires, à défaut d’encouragements définis, comment orienter son entreprise agricole dans une logique de croissance
verte ? Il n’y a pas une réponse à cette question, mais beaucoup. Chacun, en fait, a intérêt à diagnostiquer son potentiel selon son contexte (terres, climat) pour définir ses propres vérités. Il ne faut pas non plus rester seul dans son coin. De puissantes coopératives sont génératrices de croissance verte et peuvent accompagner leurs adhérents. Vous lirez page 20 notre reportage chez Soufflet. Là, nous sommes à la fois dans l’agriculture et dans le domaine industriel, et surtout en plein dans la croissance verte. Mais rien n’empêche aussi d’être plus modeste en s’intéressant à l’agroforesterie par exemple, notre second reportage chez un forestier donne tous les détails de fonctionnement. Si vous êtes, classiquement, céréalier, sans doute avez-vous constaté, comme nous le soulignons dans les « brèves des champs », que les rotations ont pris le pas sur les cultures pérennes, qu’il faut donc toujours penser au lendemain, ne jamais s’arrêter. Et puis, nous l’avons positionné en fin de journal en rubrique « insolite », il est aussi possible de faire de la croissance verte à un petit niveau en étant original et novateur, pourquoi pas en produisant des spirulines, au si fort pouvoir nutritionnel… En conclusion Des pays comme la Chine ou le Brésil tirent en grande partie leur croissance actuelle de leur agriculture. Comment appeler cela sinon la croissance verte ? L’agriculture a l’opportunité stratégique de se réapproprier la couleur verte, tout en étant facteur de croissance. Pour cela il faut avancer, avec des budgets, des choix politiques cohérents et pérennes, restaurer définitivement la confiance autour de l’activité agricole. Il faut avancer… Alors, avançons ! Antoine Jeandey
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publireportage
Gestion des interc La destruction des co Une destruction complète des couverts est nécessaire pour permettre l’implantation des cultures suivantes dans les meilleures conditions. Néanmoins cette destruction doit se faire dans le respect du sol, de l’intégrité duquel dépendent a la fois fertilité et productivité, mais aussi qualité et réserve en eau, biodiversité et dynamique des gaz à effet de serre. Roundup, par son action systémique, est le seul outil permettant de dévitaliser* complètement la matière végétale jusque dans ses racines, tout en réduisant le plus possible la perturbation du sol par les outils mécaniques, cause de nombreux impacts négatifs. Une perturbation réduite limite la minéralisation de la matière organique (MO) en nitrates et CO2 et la ralentit. En comparaison, des itinéraires à forte perturbation du sol favorisent une oxydation forte et rapide de la MO, et donc une production de nitrates importante et rapide, favorisant le lessivage. En même temps ils dégradent le sol, sa fertilité, ses propriétés environnementales, et favorisent les pollutions en même temps qu’ils détruisent sa biodiversité.
Trois aspects sont à prendre en compte pour une gestion optimale des bénéfices des couverts :
Maintenir l’effet “piège à nitrates” après destruction Minimiser les contraintes culturales pour l’agriculteur Préserver l’impact positif des couverts sur la culture et l’environnement
* Les applications peuvent être encadrées localement notamment dans le cas des zones vulnérables. La destruction chimique est alors encadrée et peut faire l’objet de dérogations (exemple gestion de certaines adventices difficiles)
Destruction chimique des couverts : Efficace et minimise les contraintes culturales pour l’agriculteur. L’étape de destruction du couvert végétal va influencer la culture suivante. Pour ne pas être pénalisante pour la culture à implanter derrière, elle doit être efficace et facile : Pour permettre la bonne implantation de la culture et en assurer le rendement, Pour minimiser la flore adventice et les repousses dans la culture, Pour maîtriser la ressource en eau nécessaire à la culture suivante. Raisonner la destruction du couvert végétal en minimisant la perturbation mécanique du sol, permet de : Faciliter la préparation du lit de semence, par une dévitalisation complète du couvert de la feuille à la racine. L’assèchement du couvert avant semis permet ainsi : d’éviter les bourrages, de diminuer les problèmes de mottes et donc de réduire le nombre de passages d’outils. Améliorer la qualité du lit de semence, avec une bonne structure de sol : sans compaction ni rupture de perméabilité pour favoriser l’infiltration et réduire le ruissellement, sans sol soufflé ni compacté, néfaste à l’enracinement de la culture. Contrôler les repousses et les adventices dans la culture. Réduire le coût et le temps de travail.
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publireportage
cultures longues : ouverts, une étape clé Destruction chimique des couverts : Préserver l’impact positif des couverts sur la culture et l’environnement La destruction va influencer l’impact sur l’environnement. Limiter le travail mécanique, en associant application raisonnée de Roundup et travail du sol le plus réduit possible ou, mieux, semis direct, réduit l’impact des pratiques agricoles sur l’environnement. La réduction de la perturbation du sol permise par Roundup maintient les bénéfices apportés par l’implantation du couvert végétal, grâce à : Une action protectrice sur l’eau et le sol, par la formation d’un mulch, Une action positive sur l’effet de serre : par la réduction du volume de terre travaillé qui minimise la quantité de CO2 libérée, Une action positive par la réduction des émanations polluantes de carburant
En conclusion : La destruction des couverts avec Roundup : • améliore et facilite le travail des agriculteurs, • protège la structure du sol, • améliore le développement et le rendement de la culture suivante, • diminue pression adventice & poste herbicide. Elle améliore l’infiltration verticale de l’eau, surtout sur des couverts structurants, et en conditions de non labour et semis direct. Elle est donc un facteur de réduction, voire suppression des transferts d’eau et de polluants hors parcelle par circulation de surface ou subsurface, donc des pollutions diffuses.
ROUNDUP® - AMM: 7400057 - 360 g/l de glyphosate acide (équivalent à 486 g/l de sel d’isopropylamine de glyphosate) - Usages, se référer à l’étiquette – Xn Nocif N Dangereux pour l’Environnement – Dangereux - Respecter les précautions d’emploi. Lire attentivement l’étiquette avant toute utilisation.
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CROISSANCE VERTE > Reportage dans l’aube
Soufflet, la puissance industrielle au service de l’agriculture durable Quand on parle de croissance verte, on pense souvent à une application localisée ou à moyenne échelle. Mais qu’en est-il de son application à l’échelle industrielle ? Le groupe Soufflet, acteur majeur de la filière des productions végétales, alimentaires et non alimentaires, s’est depuis longtemps engagé dans cette voie. du directoire. Dans un contexte mondial réclamant du « vert » et une réflexion sur un avenir durable, un groupe à l’échelle de Soufflet se doit de s’engager. C’est pourquoi celui-ci met en place des actions concrètes.
Le développement durable comme ligne de conduite
L’ancien moulin de Nogent-sur-Seine accueille désormais 1400 m² de laboratoires : le CRIS (Centre de recherche et d’innovation Soufflet).
Se fondant sur cette éthique, Soufflet concilie aujourd’hui progrès économiques avec enjeux sociaux et environnementaux. Aussi, en 2007, suivant l’impulsion du Grenelle, le groupe décide de se doter d’une charte « développement durable ». Photos : Maxime Boutevin
A
vec quatre milliards d’euros de chiffre d’affaires, dont la moitié à l’export et à l’étranger, et près de cinq millions de tonnes de céréales collectées chaque année, le groupe agroindustriel Soufflet est un acteur essentiel de la filière agricole. De la collecte de céréales et d’oléo-protéagineux à la production d’enzymes en passant par la vigne, le négoce, la malterie, la meunerie, la formulation d’ingrédients pour la panification et même le riz et les légumes secs, le groupe est implanté dans huit secteurs d’activités différents. « Nous sommes présents de l’amont à l’aval, de la sélection variétale à la transformation et à la commercialisation des céréales », explique Thierry Berger, directeur marketing et communication externe. Spécialisé dans le blé et
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l’orge, premier malteur mondial et premier meunier européen, le groupe est actif dans 17 pays et compte 42 usines, en France, en Europe, mais aussi en Amérique du Sud. Depuis 1960, l’entreprise AJ a multiplié ses effectifs par cent, passant de 35 employés à près de 4 000 aujourd’hui. Cette croissance impressionnante a toujours été accompagnée d’une éthique sans faille. Englobant plusieurs grands concepts comme le respect de l’homme et des réglementations, le développement en harmonie avec l’environnement, une proximité avec les parties prenantes, une innovation permanente… Aujourd’hui, « notre groupe reste en mouvement, plus décidé que jamais à promouvoir des pratiques durables », déclare Jean-Michel Soufflet, président
S’appuyant sur dix grands concepts, cette charte a pour but d’intensifier la démarche durable du groupe dans l’ensemble de ses activités. « Cet engagement est historique, et même si les effets du Grenelle se sont parfois atténués, nous continuons dans cette voie », précise Thierry Berger. Plans d’actions avec indicateurs, contrôles rigoureux et suivis réguliers sont les maîtres-mots de qui donne lieu chaque année à un rapport « développement durable ». Celui-ci fait un point précis sur les avancées dans chaque domaine de la charte au sein de l’entreprise. Promouvoir une agriculture et une viticulture respectueuses de l’environnement, préserver les ressources en eau et en énergie, réduire l’impact environnemental de ses sites, optimiser sa logistique et choisir des solutions de transport adaptées, minimiser les émissions de gaz à effet de serre… Sont autant de directions choisies.
La fermentation en milieu solide Pour valoriser les coproduits, le groupe Soufflet développe une technologie encore peu exploitée : la fermentation en milieu solide (FMS). Traditionnellement utilisée en Asie, elle consiste à cultiver un microorganisme dans un milieu solide faiblement hydraté, pour créer des biocatalyseurs. Au cœur de la HTR (halle technologique de recherche), un fermenteur d’une tonne valide les résultats à l’échelle préindustrielle.
S’il serait fastidieux d’énumérer la liste exhaustive de toutes les avancées dans chacun de ces domaines, des exemples peuvent être cités. En matière de réduction de sa consommation d’énergie, Soufflet a créé en 2011 une chaudière à biomasse brûlant des poussières issues du nettoyage des céréales. Ce nouvel équipement a permis la réduction de 73 % des consommations annuelles de gaz naturel du site de Nogent-surSeine (Aube). Une réalisation jugée comme une référence par l’Ademe (agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), ce qui pousse aujourd’hui le groupe à développer d’autres chaudières sur ses sites, en Ukraine notamment où les travaux sont déjà en cours. Citons aussi l’engagement en faveur d’un transport fluvial ou ferroviaire, sur lesquels le groupe investit chaque année. Objectif de réduction de 10 % de l’énergie consommée chez Moulins Soufflet, économie de 29 000 m3 d’eau dans l’activité malterie, économies de
Thierry Berger, directeur marketing et communication externe du groupe Soufflet.
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Économe en eau et en énergie, la FMS est le procédé qui utilise le mieux la diversité du vivant, permettant de produire naturellement des complexes enzymatiques ou nutritionnels extrêmement riches pour des applications en milieu industriel.
consommables, nouvelles techniques de broyages, toutes les divisions profitent de cette dynamique, « une juste vision du développement durable doit allier bénéfices écologiques et économiques », précise Thierry Berger.
Malgré les nombreux avantages qu’elle présente, le groupe Soufflet est le seul à développer cette technologie en Europe pour la production de complexes enzymatiques. « Pour des raisons historiques dans un premier temps, et parce que nous sommes les seuls à l’utiliser dans la production d’enzymes, qui sont des ingrédients complètement naturels, et chez nous non-OGM », précise Thierry Berger.
Si le développement durable s’inclut dans les activités internes au groupe, les clients bénéficient eux aussi de l’engagement Soufflet, car la charte ne les laisse pas de côté. Recyclage des déchets de l’agrofourniture ou encore développement de couverts végétaux offrant des bénéfices agronomiques et plus respectueux de la biodiversité font parties intégrantes de la charte.
Valoriser pour durer Autre engagement, le programme de recherche Osiris s’inclut directement dans l’activité « biotechnologies » de Soufflet. Initié en 2008, et bénéficiant d’un budget de 112 millions d’euros sur huit ans, il a pour ambition d’ouvrir de nouvelles perspectives de débouchés pour les agro-ressources. Il a pour but de générer davantage de valeur ajoutée pour les utilisateurs en aval et de mieux valoriser les coproduits industriels, comme par exemple le son de blé. Comment ? En créant de nouveaux produits à partir des céréales et de coproduits grâce a une technologie très peu répandue : la « fermentation en milieu solide » (FMS, lire l’encadré). « Explorer cette technologie s’inscrivait pour nous dans la continuité logique de notre maîtrise des filières céréales, de notre expertise de la fermentation en boulangerie, ou de la germination en malterie », explique Thierry Berger.
La culture des microorganismes s’effectue sur un milieu solide, faiblement hydraté.
L’objectif d’Osiris est de lancer des produits innovants dans quatre domaines : la nutrition et la santé humaine (ingrédients bénéficiant d’allégations nutritionnelles ou d’allégations santé), l’alimentation animale (amélioration de l’assimilation des rations par les animaux et gain de rendement), le bioéthanol (pour améliorer sensiblement les rendements) et la bio-protection des cultures céréalières dans le cadre d’Ecophyto.
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CROISSANCE VERTE > Reportage Le groupe investit dans des silos portuaires pour optimiser le transport fluvial, comme ici à Nogent-sur-Seine (Aube).
Avant le test à l’échelle de la tonne, les biocatalyseurs sont testés dans différents types de petits fermenteurs, sur des couches de substrats plus ou moins épaisses.
La halle technologique de recherche (HTR) occupe 2 000 m² et se compose d’une salle de sporulation et d’une salle de fermentation.
Quatre autres programmes de recherche biotechnologique régionaux (PRBR) complètent Osiris en visant à développer des solutions dans les domaines de la bio-fertilisation des sols, de la production de nouveaux produits céréaliers présentant un bénéfice santé, de la production de bio-émulsifiants, et dans l’amélioration des performances de production d’acide lactique. Le groupe explique : « qu’il recherche des solutions sur des questions
La chaudière biomasse de Nogentsur-Seine brûle les poussières de céréales pour produire 73 % de la consommation énergétique du site.
incontournables pour l’avenir. Ces programmes ont pour vocation de valoriser les ressources agricoles, et particulièrement les coproduits agro-industriels, par le développement d’une agriculture raisonnée ou par l’identification de nouvelles utilisations offrant des bénéfices santé, substituant des ingrédients céréaliers à des produits d’origine chimique, ou encore permettant d’optimiser les consommations de céréales. » Pour mener à bien ses programmes, le groupe Soufflet s’est entouré de partenaires solides tels que l’INRA, des instituts techniques et des universités, ainsi que de nombreux industriels, qui contribuent à orienter les programmes sur les attentes les plus pertinentes et testent les produits grandeur nature. Des pistes extrêmement prometteuses se dégagent dans plusieurs domaines. Osiris progresse dans la formulation AJ de boissons pouvant bénéficier
d’allégations officielles. En alimentation animale, les premiers succès enregistrés ont donné lieu à la création d’une gamme de produits, du nom d’Avimalt, offrant des résultats très intéressants en termes d’amélioration des rendements (à quantités égales de céréales ingérées, les ratios de production laitière ou carnée enregistrent des progressions de plusieurs points). Dans le domaine du bioéthanol, Osiris développe actuellement des biocatalyseurs à partir de coproduits céréaliers : les premiers tests à l’échelle industrielle confirment des gains de 3 % de rendement sur des procédés déjà très optimisés. Le groupe Soufflet projette déjà de construire une usine pour la production de biocatalyseurs à une échelle industrielle, créatrice de nouveaux emplois en France. Toujours dans une logique d’avenir. Maxime Boutevin
Les équipements de recherche 112 millions d’euros d’investissements privés et publics, une équipe de 70 chercheurs, 1 400 m² de laboratoires de recherche et une halle technologique de 2 000 m² à Nogent-sur-Seine (Aube). Inaugurés le 4 octobre 2012, ces équipements spécialement dédiés à la recherche et aux applications d’Osiris et des programmes de recherche biotechnologique régionaux sont divisés en deux pôles : le Centre de recherche et d’innovation Soufflet (CRIS) et la Halle technologique de recherches (HTR). Au total, 3 400 m² sont mis à la disposition des chercheurs et techniciens du programme. Si le CRIS concentre les étapes de recherches fondamentales et applicatives en laboratoire ainsi que le criblage des souches, la HTR teste les produits à l’échelle préindustrielle, sur des pilotes d’une tonne. Elle a donc pour mission de valider sur de gros fermenteurs les résultats obtenus en laboratoire à l’échelle de la fiole ou de quelques kilos. « Ces deux outils constituent un ensemble unique au monde pour la recherche dans le domaine de la FMS », précise Jean-Michel Soufflet.
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CROISSANCE VERTE > Reportage dans l’allier
Sortir du bois Jérémie Girard a démarré avec une tronçonneuse Husqvarna et une 205 Xad. Avec huit salariés et autant de machines, il produit des grumes, des piquets, des plaquettes et des bûches. Non sans embûches.
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battage, débardage, élagage, achat vente, transport, bois de chauffage (30 000 stères), façonnage de piquets en acacia (120 000 unités), bois d’œuvre (5 000 m3), plaquettes forestières (moyennant un investissement de 600 000 €) et peut-être bientôt des granulés : le bois est son domaine. Jérémie Girard n’était pas prédestiné pour la futaie. Il affûte sa première tronçonneuse à l’âge de 22 ans, au milieu des années 90.
« Avec mon BTS agricole en poche, mon idée première était de m’installer en tant qu’agriculteur, explique Jérémie Girard. Mais travailler pour rien pendant le stage de six mois avant d’emprunter lourdement et pour longtemps, ce n’était pas pour moi. Avec une tronçonneuse et un véhicule, je pouvais travailler et être payé sans m’endetter. »
L’entreprise a investi lourdement dans la production et le stockage de plaquettes forestières de qualité, dans un contexte concurrentiel pas forcément loyal.
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Presque deux décennies plus tard, la tronçonneuse (autre que celle d’origine) fait toujours partie des outils de travail de la Sarl Tous Bois Couzonnais. Mais l’entrepreneur n’a pu échapper durablement au recours à l’emprunt, développement de son entreprise oblige.
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La production de piquets d’acacia permet de diversifier l’activité et déjouer en partie la saisonnalité du métier d’exploitant forestier.
Pas de machine à moins de 200 000 € Abatteuse, débusqueur, porteur : le prix des automoteurs indispensables à l’exploitation forestière varie dans une fourchette comprise entre 200 000 et 400 000 €. Actuellement, l’entrepreneur dispose d’une abatteuse pour résineux, d’une abatteuse adaptée aux feuillus, de deux débusqueurs, quatre porteurs, un camion remorque, une grumière et un ensemble pour convoi exceptionnel. Les machines, c’est ce qui permet de repousser les limites topographiques de l’exploitation, de gagner en compétitivité et d’attirer les jeunes, que le métier traditionnel de bûcheron pouvait pourtant dissuader. Ce n’est pas rien, mais le prix à payer non plus. « En l’espace de cinq ans, le prix des porteurs s’est envolé de 25 %, note l’exploitant forestier. La parité euro dollar fait mal dans notre univers. »
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L’an passé, il a investi 600 000 € dans une nouvelle activité de production de plaquettes forestières, destinées à alimenter des chaufferies collectives et industrielles, un secteur porté par la relance du bois énergie. Là, c’est moins le montant de l’investissement qui pose problème que le prix auquel l’entrepreneur écoule ses plaquettes. « Ces marchés sont captés par des multinationales sous la forme de concessions, qui incluent l’investissement et l’approvisionnement, explique Jérémie Girard. Le problème, c’est que ces entreprises ne respectent pas les ratios imposés en matière d’apports de plaquettes forestières. Ils alimentent les chaufferies avec des plaquettes issues de produits de scieries ou de produits connexes, à des prix défiant toute concurrence. Ces pratiques sont illégales et pénalisent le développement des territoires dont est porteuse la filière bois et le bois énergie en particulier. » Dans la foulée, Jérémie Girard avait prévu d’investir dans une unité de production et de conditionnement
Les nouvelles orientations de l’ONF et son fonctionnement en régie ou encore la concurrence des coopératives qui font le métier d’exploitant sans en avoir ni la dénomination ni les contraintes portent atteinte à notre profession. » L’entrepreneur ne sombre pas dans le pessimisme pour autant. Il a le cœur à transmettre sa passion et son savoir-faire aux stagiaires qu’il accueille régulièrement au sein de son entreprise. Il est aussi partie prenant dans une association, les Bûcherons charbonniers de Fublène en Bourbonnais, qui fait la promotion du bois et de ses métiers. Et enfin et surtout, il s’apprête à faire l’acquisition de sa première parcelle. Il compte y planter des acacias. Récolte prévue en 2035. Sortir du bois. Raphaël Lecocq
Jérémie Girard : « Les potentialités du bois en terme de croissance verte posent un nouveau regard sur nos métiers. »
de granulés bois, un combustible pour poêles et chaudières à usage particulier principalement. Le projet est pour le moment ajourné.
Du bois et des échardes La plaquette forestière n’est qu’une écharde parmi d’autres dans le jeu de la concurrence et de la compétition. Un jeu pas drôle qui voit des grumes de 200 ans made in France partir pour l’Asie par les mers, avant de revenir en parquet flottant dans les « Sans Unclou » de France et de Navarre ! La Sarl Tous Bois Couzonnais parvient à tirer son écharde du jeu en diversifiant ses activités. L’entrepreneur cumule des activités de négoce, en tant qu’exploitant forestier, et des prestations de service grâce à son parc de machines. « Mes activités dans la grume, le piquet et le bois de chauffage me permettent d’occuper mon personnel tout au long de l’année et de déjouer en partie ainsi
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En France, on a du bois mais…
les cycles biologiques, climatiques et commerciaux, explique-t-il. Cela me permet d’offrir à mes clients un service complet, en résineux comme en feuillus, le tout sans trop m’éloigner de mes bases. »
En France, on n’a pas de pétrole (quoi que) mais on a du bois. Avec 15 millions d’hectares, les surfaces forestières placent la France en troisième position en Europe, derrière la Suède (24 millions) et la Finlande (20 millions) et devant l’Allemagne (11 millions).
Une suractivité en apparence qui ne doit pas laisser penser que la surexploitation menace la ressource. La forêt française est trop administrée pour laisser la place à de mauvaises pratiques, même si cohabitent dans les massifs des parcelles flirtant avec la surexploitation et des parcelles ignorées par leur propriétaires, dont certains s’ignorent propriétaires ! Nidification d’oiseaux, montée de sève, arrêt des machines pour cause d’intempéries menaçant la structure des sols, mises en place de cloisonnements soustrayant 20 % des surfaces, toujours au motif de la préservation des sols : le forêt est bien gardée. Les exploitants un peu moins. « Ce n’est pas la forêt qui est menacée mais les exploitants forestiers, dénonce Jérémie Girard.
La forêt française est donc 20 % plus étendue que la forêt allemande, mais cette dernière génère quasiment le double d’emplois. Problème ? La forêt française est sous-exploitée. La meilleure preuve, c’est que le stock de bois sur pied s’accroît de 33 millions de m3 par an, décompte fait de la récolte et de la mortalité. Les raisons sont multiples : morcellement, absence de plan de gestion généralisée, vision trop patrimoniale des particuliers comme de certaines communes, insuffisance de dessertes forestières, mécanisation imparfaite, problèmes d’attractivité des métiers. Les travaux menés en 2008 dans le cadre du Grenelle de l’environnement ont conclu à la nécessité d’accroître de 21 millions de m3 par an la récolte actuelle de bois à l’horizon 2020, afin de tenir l’engagement que la France a pris en matière de développement d’énergies renouvelables, à hauteur de plus 20 Mtep (mégatonnes d’équivalent pétrole).
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CROISSANCE VERTE
«compromettre Ne pas OUI MAIS...
«
l’avenir alimentaire
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« Nous n’avons pas de dogme définitif. Ce qui est clair, c’est que la vocation première est de nourrir », dit Jean-Claude Bévillard.
Jean-Claude Bévillard, secrétaire national de France Nature Environnement en charge des questions agricoles, milite pour des exploitations plus proches de leurs potentiels agronomiques, naturels, de leurs débouchés, moins dépendantes de l’extérieur... Le déclic reste à venir. Agriculture et croissance verte... Quel constat dressez-vous ? J.C.B L’enjeu alimentaire devient plus que pressant, tout comme l’enjeu environnemental. Le problème est que tout un ensemble de systèmes agricoles compromettent l’avenir alimentaire dans la mesure où ils épuisent les matières premières sur lesquelles ils s’appuient. Il faut travailler à concilier les deux enjeux à l’échelle mondiale. Depuis une quarantaine d’années, nous nous sommes appuyés sur une augmentation des intrants plutôt que sur l’agronomie. Il est tout à fait possible, en respectant les équilibres naturels, d’avoir une agriculture productive s’appuyant sur les équilibres des sols et de la biodiversité. Pour l’utilisation des pesticides, nous voyons par exemple un ensemble d’agriculteurs conventionnels parvenant à réduire leur consommation d’intrants de moitié tout en gardant des rendements comparables aux moyennes. Si des difficultés subsistent, des voies existent. Mais il est vrai que le contexte a changé ces dernières années. Avec l’augmentation du prix des céréales, de nombreux agriculteurs sont repartis dans la course aux rendements. Si nous ne sommes pas en face de changements majeurs, nous pouvons parler de biodiversité, de pesticides ou de qualité des sols sans
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nous heurter à des refus systématiques. Le déclic pourrait venir de propositions sur le volet vert de la Pac. Si vous aviez carte blanche, à quoi l’agriculture de demain ressemblerait-elle ? J.C.B Nous devons raisonner à l’échelle mondiale. Pour nourrir 9 milliards d’êtres humains, il faudra nécessairement réduire la part des produits animaux dans notre alimentation. Si cette part devait augmenter dans les pays en développement, l’équation serait insoluble. La seule solution est de revenir à une alimentation reposant davantage sur le végétal, en lien avec les capacités des sols. L’élevage doit être re-calibré en fonction des ressources du milieu, ce qui revient à marginaliser l’élevage hors sol. Il dépend chez nous des importations de soja ou d’huile de palme dont les conséquences sont graves en termes de déforestation pour l’Amazonie ou en Asie du Sud-est. Dans le même temps, chez nous, cela soulève la question des effluents dont la Bretagne est un exemple caricatural. Les débouchés non alimentaires tels les « agro-carburants » ou les bioplastiques font débat parmi les ONG écologistes. Quelle est votre position ? J.C.B Nous n’avons pas de dogme définitif. Ce qui est clair, c’est que la
vocation première est de nourrir. Il est certain que nous aurons aussi besoin de l’agriculture pour produire des matériaux et de l’énergie. Sur les biocarburants d’origine agricole, nous pensons que leur meilleure utilisation est directement à la ferme, avec les huiles brutes par exemple. Sur le plan économique, les exploitations pourraient-elles tenir ? J.C.B Jusqu’à présent, nous avons plus raisonné en chiffre d’affaires qu’en valeur ajoutée. Et si l’on réfléchit en valeur ajoutée, la diminution des intrants au sens large est tout à fait jouable et rentable sans aller vers des chiffres d’affaires colossaux. Il n’est pas question de revenir à l’agriculture d’avant-hier, ni d’aboutir à des impasses sociales ou économiques pour les agriculteurs. Pour les exploitations en HVE (Ndlr : haute valeur environnementale), le poids des intrants doit être limité à 30 % du chiffre d’affaires, cela semble raisonnable. Une agriculture à bas niveau d’intrants, plus autonome en énergie avec une relocalisation à proximité des lieux de consommation et une diversification de la production, sera moins dépendante des fluctuations à venir. Propos recueillis par Benjamin Masson
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C’est vous qui le dites
sur wikiagri.fr
Vous vous êtes exprimé sur le forum de WikiAgri dédié à la croissance verte. Comment la définir, la mettre en œuvre, l’améliorer ? Vos témoignages oscillent entre incompréhension, déception, voire rejet, mais montrent aussi que cette croissance verte ne vient pas forcément de là où on l’attend.
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os premiers commentaires dénotent une vision plutôt négative de la croissance verte dans l’agriculture. Tout d’abord, le verdissement vers lequel il faudrait tendre ne tirerait pas son origine au cœur de la société, mais serait le fait de lobbys et d’un phénomène de « mode ». Un phénomène qui n’aurait par ailleurs aucune mise en œuvre concrète. « Le verdissement n’est pas demandé par la société, mais par les lobbys écologistes et décroissants ! », affirme un internaute. Cette première approche s’accompagne même d’un rejet : « Je pense, que pour le moment, on devrait laisser les agriculteurs cultiver leurs parcelles car la planète peut tout juste nourrir ses habitants », ajoute un autre. Un exemple cité parmi d’autres, la culture du colza ou du tournesol utilisés pour faire des biocarburants, et le fait que vous vous apercevez que l’huile de palme – moins chère – est majoritairement
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utilisée. D’autres ne sont franchement pas inspirés par la croissance verte : peu importe l’agriculture, la société désirerait plutôt une maison individuelle, avec jardin « vert » et sans voisin, des routes pratiques, larges, des lignes TGV directes... Les internautes pointent également du doigt le manque de moyens à l’heure où la France et l’Europe peinent à trouver des fonds. Manque de moyens présents aussi chez les exploitants. Des pratiques vertes doivent être rentables, sortir de la valeur ajoutée et de la TVA, ou alors être subventionnées. « Cette croissance, c’est plus de subventions mais les Etats européens ont-ils les moyens ? » La croissance verte serait donc une mauvaise blague ? « Je ne vois donc pas une possibilité de croissance grâce à cette supercherie, surtout si pour parvenir à un résultat on me parle de primes, d’indemnisations, ou de subventions », balance un internaute.
« Décroissance verte » Heureusement, tout le monde ne considère pas la croissance verte comme une supercherie. L’un d’entre vous observe toutefois un « phénomène contraire » depuis ces dix dernières années : « La France est passée de l’autosuffisance en viande de volaille et porcine à une position d’importatrice, certaines centrales de distribution importent du lait pour faire pression sur les prix, en céréales, nous assistons à une stagnation des rendements par hectares... » En cause ? Les mesures éco-environnementales ou le plan Ecophyto qui ajouteraient ainsi une couche à la perte de compétitivité des agriculteurs. Une solution prônée serait d’assister à une véritable volonté politique en faveur de l’agriculture, une mise en place de cadres bien définis et une tolérance accrue. « Orienter les recherches de l’Inra vers plus de productivité. Accepter le progrès sous toutes ses formes, en particulier les variétés OGM. Arrêter
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la suspicion sur les insecticides du sol. Un vrai plan de communication en faveur de l’agriculture… » Voici ce que vous préconisez. Autre point intéressant soulevé par un internaute : « Si la production agricole a augmenté, les bénéfices ou marges n’ont pas suivi, on a en revanche assisté à une autre croissance, celle du capital immobilisé, de l’endettement et de la dépendance aux industries en amont et en aval. La croissance de la production est due à l’augmentation du nombre d’heures travaillées, et à l’arrivée plutôt à une décroissance du revenu par heure travaillée. »
Plus d’autonomie ? Pour tendre vers ce verdissement, le monde agricole se doit d’être plus autonome vis-à-vis des financiers, mais aussi, pense l’un d’entre vous, des industries et des fournisseurs. De ce point de vue, il remet en cause l’agriculture de précision : « L’agriculture de précision c’est encore plus de dépendance de l’agriculture envers l’industrie et la recherche ». Ce manque d’autonomie se ressent
lors de mises en œuvre concrètes. « J’ai déjà pensé à une réalisation de méthanisation de petite échelle, sous forme de caisson mobiles », explique un lecteur, ajoutant que, « la technique se développe plutôt sur des grosses unités, mais se pose le problème des fournitures et de coût du transport. Il paraît plus logique, plus abordable d’avoir des unités plus petites, propriété des agriculteurs et non pas de banquiers ou de financiers ». D’autres parmi vous prônent l’intensification écologique. « Maintenir le niveau de production actuel en remplaçant au maximum les intrants et le travail de l’agriculteur par des processus éco-systémiques. » Cependant, la mise en place de ces alternatives demande beaucoup de
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connaissances, d’expérience et un temps d’observation important. Elles sont aussi peu onéreuses, ce qui permettrait d’augmenter les marges des agriculteurs sans croissance de la production. Cette pratique facilite également l’autonomie du monde agricole vis-à-vis de ses fournisseurs (de matériel et de connaissances) sans pour autant la rendre totalement indépendante de l’industrie et de la recherche. Un seul point noir, le manque d’assurances : « Aux agriculteurs de trouver des solutions, de les financer et de prendre les risques », conclut l’un d’entre vous.
Maxime Boutevin
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CROISSANCE VERTE
Fertilisation
Brèves des champs u
L’azote n’aime pas les surprises Si l’on peut discuter de l’épandage des effluents d’élevage, il faut aussi reconnaître que les engrais minéraux sont de mieux en mieux maitrisés en grandes cultures.
Variétés Le parti de la révolution perpétuelle Le choix variétal, première ligne de défense pour produire plus avec moins ? C’est ce que le bon sens murmure aux oreilles de chacun.
Au prix de l’urée ou de l’ammonitrate, le contraire serait suicidaire. Le degré zéro, c’est évidemment le bilan azoté. Il est désormais renforcé par une batterie d’outils d’aide à la décision que ce soit pour fertiliser au meilleur moment ou pour réguler les apports au sein de la parcelle : Farmstar, N-Sensor... La seule inconnue reste le rendement final, 75 % de l’azote apporté allant constituer les protéines du grain. Un accident, une maladie mal maitrisée, des objectifs non atteints, c’est de l’azote en moins fixé par la plante. La question de la croissance verte passe nécessairement par la fertilisation azotée, afin que l’agriculture produise suffisamment de protéines, mais aussi par la stabilisation des rendements malgré les aléas. Et là, la France est championne du monde. Entre bonnes et mauvaises années, le rendement en céréales varie de l’ordre de 10 % à l’échelle nationale quand ils peuvent s’effondrer de 50 % chez nos concurrents plus « extensifs ». Attention aux satisfécits, il y a toujours des marges de progression, et 46 % du solde émetteur de gaz à effet de serre par l’agriculture proviennent toujours de l’azote minéral (selon le commissariat général au développement durable). Mais la gestion de l’azote en grandes cultures est un bon exemple du chemin que la croissance verte devrait emprunter, réduisant les inconnues pour améliorer l’efficience.
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Et les chiffres semblent aller dans ce sens. Dans le cas du blé tendre, « les améliorations de résistance aux maladies sont matérialisées par une moyenne de gain annuel de 1,3q/ha/an depuis le milieu des années 80 en parcelles non protégées vis-à-vis des maladies », assure Arvalis Institut du Végétal pour la région Nord, Pas-deCalais, Picardie. Une zone on ne peut plus propice aux maladies. Un effet jusque là gommé par la performance des fongicides, mais à l’heure de réduire leur utilisation... D’autant qu’une utilisation judicieuse de la génétique permet d’améliorer les marges : « Une variété résistante au piétin-verse, à la fusariose ou à la verse peu permettre la suppression d’un traitement... Sous réserve que les autres objectifs soient satisfaits. Ce qui représente un gain potentiel de 30 à 60 euros/ha et une réduction du recours à la lutte chimique », résume l’institut technique. Le relatif plafonnement des rendements moyens ces dernières années cache donc de réels changements dans les moyens de les obtenir. Que cela ne fasse pas oublier une vieille recette éprouvée : varier les précocités, les dates de semis, voire les profils de résistance aux maladies afin de surmonter au mieux les impondérables en cours de cycle : échaudage, stress hydrique de printemps, froid hivernal, froid hivernal, germination sur pied...
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Protection des cultures Penser aux outils d’aide à la décision Généralement mis au point par les sociétés productrices de phytosanitaires dans un but d’accompagnement de l’utilisation de leurs produits, les OAD (outils d’aide à la décision) sont parfois soupçonnés de « pousser à la consommation ».
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Erreur dans la majorité des cas, et chiffres à l’appui avec Atlas maladies du blé de la société BASF Agro : si l’OAD conseillait 2 à 3 traitements fongicides selon les régions en 2012 (2,5 en moyenne nationale), ce chiffre n’était que de 1,1 en 2011. Ces deux dernières années étant caricaturales l’une comme l’autre en matière de pression ou d’absence de risque de maladies, les conseils sont réellement adaptés au contexte.
Energie Il y a de la marge ! Acheter de l’énergie pour en produire, qu’elle soit sous forme de calories alimentaires ou thermiques ressemble à une idée de Shadock. Elle est pourtant entrée dans les mœurs, et c’est l’une des voies dans lesquelles l’agriculture se trouve engagée... Les raisons sont autant techniques que politiques. Tous les tracteurs peuvent-ils rouler à l’huile brute ? Toutes les productions potentielles d’électricité ou de chaleur trouveraient-elles un débouché local ? Pour autant, le poids de l’énergie est croissant dans les charges des exploitations agricoles. Les prix des énergies sont volatils et haussiers à terme. Les charges liées au poste énergie directe sont en moyenne de 8 800€, toutes exploitations confondues (données Rica 2010). Arrivant au terme du « plan performance énergétique », lancé par le gouvernement en 2009, le sujet devrait revenir sur la table après un long oubli, exception faite des méthaniseurs... Il ne faut pas oublier les engrais azotés, dont le prix suit fidèlement celui du gaz naturel. Selon le ministère de l’agriculture, en 2007, les engrais pesaient pour 19 % des charges en grandes cultures, soit plus du double du poste carburant. Une tendance au renchérissement de l’énergie évidente qui peut pousser à agir sur deux fronts : d’abord intégrer les protéagineux aux rotations et jouer sur leur effet précédent pour alléger la facture engrais, ensuite faire de la sobriété des machines un critère de choix majeur, avant les petits raffinements de confort ou la course à la puissance...
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Autre intérêt majeur des OAD : le positionnement optimal entre fenêtres de traitements possibles et développement prévu des maladies. Toujours selon BASF, les programmes positionnés avec Atlas ont permis de gagner 6,5 quintaux vis à vis des mêmes programmes sans OAD. Un chiffre, il est vrai, particulièrement marqué en 2012, en raison du printemps humide et de l’étroitesse des fenêtres de traitement. Mais ce n’est qu’un exemple parmi les nombreux outils proposés, et il serait dommage de se priver d’un conseil éclairé par la modélisation comme l’observation terrain, quitte à ne le suivre qu’en partie. Car derrière chaque quintal perdu, il y a souvent de l’azote non valorisé. Nous en revenons aux fondamentaux de la croissance verte sur le terrain : se fixer un objectif et tout faire pour l’atteindre. Rubrique écrite par Benjamin Masson
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CROISSANCE VERTE > BREVES DES CHAMPS
Valorisation Un blé à 3 000 euros la tonne... Dans toutes les campagnes, le même mouvement de main tendue entre producteurs et consommateurs : marchés de producteurs, associations pour le maintien d’un agriculture paysanne (Amap), points de vente mutualisés entre producteurs... Les circuits courts reviennent en force, mais sontils compatibles avec les céréales, qui impliquent une lourde transformation ?
Cultures pérennes Ont-elles un avenir en grandes cultures ? Si les cultures pérennes seront, selon l’Inra, les premières bénéficiaires du changement climatique (au détriment des cultures annuelles dont la période végétative se raccourcira), ce n’est pas demain que la Beauce se couvrira de miscanthus. Ressemblant à un maïs géant, cette graminée vivace originaire d’Asie est depuis longtemps le porte étendard des biocarburants de seconde génération en raison de son importante production de biomasse : 12 tMS/ha en moyenne.
Il suffit d’aller sur un marché à la rencontre de la poignée d’agriculteurs proposant le pain issu de leurs blés pour s’en convaincre. En volumes, c’est plus que marginal. Mais en valeur ajoutée c’est une autre histoire : 1 kg de blé donne 750 g de farine, soit 3 baguettes à près d’1 euro pièce. Du point de vue du producteur, cela porte le blé à 3 000 euros la tonne ! A ce tarif, les volumes n’ont pas besoin de crever le plafond. Accessoirement, c’est aussi le meilleur moyen d’aller « au contact », de retisser le lien avec un consommateur qui ne demande pas mieux. Posez une table sur deux tréteaux au marché du coin, vous verrez. Et là, il n’est plus question de label ou de signe de qualité. Juste de confiance à instaurer entre un producteur qui connait son métier et un consommateur qui veut s’y intéresser. Une telle démarche ne colle peut-être pas avec l’image du notable céréalier sur sa centaine d’hectares genre « gentleman farmer » en tracteur climatisé... Raison de plus pour sauter sur l’occasion, faire sa part de chemin, capter sympathie et valeur ajoutée ! Les circuits courts sont ouverts à tous et, de tous les leviers de la croissance verte, il s’agit sans doute du plus facile à actionner.
D.R
Restent des inconnues. Quelles surfaces consacrer à des cultures non alimentaires de manière aussi « visible » ? Quand la seconde génération verra-t-elle le jour à l’échelle industrielle, si elle voit le jour, et quelle rémunération de la biomasse offrira-t-elle ? Le second frein est quasi culturel : difficile d’immobiliser une belle parcelle durant les 6 ans que réclame la culture et de se priver de cette souplesse pour assurer les rotations. Si une demande devait émerger, il est donc probable que les cultures pérennes de biomasse ne s’implanteraient que sur des parcelles marginales, inadaptées aux céréales, que ce soit par leur potentiel ou par leur morcellement, tout en sachant que le miscanthus réclame tout de même une bonne disponibilité hydrique, un désherbage les premières années et quelques apports d’azote qu’il valorise à merveille. A plus court terme, le panic Erigé, ou switch grass, semble plus viable, adapté à nos conditions pédoclimatiques et présente l’avantage de se semer. Selon l’USDA (qui se penche sur cette culture depuis 20 ans), le coût total de production de 3,8 litres (1 gallon) de biocarburant à partir de panic érigé serait compris entre 0,56 et 0,62 dollars, soit 4 fois moins que l’éthanol de maïs. Viabilité assurée... A terme ! A.J
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A creuser... L’agroforesterie, de la croissance et du vert ? L’agroforesterie « moderne » se conçoit comme une plantation en ligne, à faibles densités, d’essences à croissance rapide ou à fort potentiel économique, le tout avec un espacement de 25 mètres permettant aux pulvérisateurs et moissonneuses de faire leur travail.
D.R
Doux rêve environnementaliste ? A l’issue de quatre années de travail, les chercheurs de huit pays européens réunis au sein du programme SAFE (systèmes agroforestiers pour les fermes européennes), appuyés en France par l’Inra de Montpellier et l’APCA, font ressortir un réel intérêt économique... Et patrimonial : à 1500 euros par mètre cube pour un beau noyer à croissance rapide, multiplié par trente arbres par hectare, cela donne une production liée aux arbres proche du revenu de la culture. Car qui dit faible densité dit croissance rapide et bois de qualité. Reste à limiter la concurrence entre arbres et céréales, notamment pour la lumière. Première règle : orienter les lignes d’arbres sur un axe Nord-Sud afin que chaque rangée de céréale reçoive la même quantité de lumière. Un effet « ombrage » négligeable sur les rendements, à condition de ne pas dépasser les 50 arbres par hectare et d’entretenir le tout. Car un élagage régulier maintenant la ligne d’arbres à 1 mètre de large est indispensable durant la première moitié de la vie du végétal afin de réduire l’ombrage et de permettre le passage des machines. Cadeaux bonus : la lutte contre l’érosion, le ralentissement des crues et la stimulation d’une biodiversité utile. Quitte à investir les bonnes années, pourquoi pas dans des arbres ? Rubrique écrite par Benjamin Masson
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MOTEUR
> croissance verte
u
Le vide de gazole s’il vous plaît
Pas de croissance verte sans tracteurs verts, rouges, bleus etc. Mais pas sans gazole rouge non plus. Jusqu’à quand ? Biocarburants, biogaz, électricité, hydrogène : de quoi fera-t-on le plein des tracteurs ?
New Holland
ZOOM
T
p
irer un trait sur le pétrole et la pétrochimie ? Pas trop vite. Qu’elle serve l’alimentation humaine ou qu’elle alimente les secteurs de la construction, de la chimie, de la pharmacie ou de la cosmétique, la production de biomasse (à l’exception des micro-algues) ne se fera pas sans tracteurs et autres automoteurs de récolte, d’arrachage, de pulvérisation, de manutention etc. Et jusqu’à preuve du contraire, tous ces engins, quelle que soit leur couleur et quelle que soit leur terre d’élection, tournent avec un bon vieux moteur diesel, du nom de l’ingénieur allemand Rudolf Diesel, qui mettait au point, en 1897, le fameux moteur à allumage par compression. Diesel égale
gazole, égale pétrole : l’équation est relativement simple. Mais elle porte aussi deux inconnues sérieuses, relatives aux niveaux de stocks et aux niveaux de prix de cette ressource épuisable et donc non renouvelable. Du pétrole, on peut faire le pari qu’il y en aura toujours, et pas seulement parce que les gisements des pétroles et gaz de schistes vont probablement et durablement repousser les perspectives de pénurie. Il y a aura toujours du pétrole parce que dans le match de compétitivité qui l’oppose aux énergies alternatives protéiformes, celles-ci finiront par prendre le dessus et le pétrole résiduel restera logé dans le sous-sol terrestre et marin. Et avec lui les émissions de
Un tracteur polycarburant médaille d’Or au Sima John Deere est lauréat d’une des trois médailles d’or attribuée par le jury du palmarès de l’innovation du Sima 2013, 75e du nom. Le constructeur est distingué pour la mise au point d’un moteur capable de fonctionner avec différents types de carburant, d’origine minérale ou végétale, seuls ou en mélange, dans un réservoir unique. Des capteurs d’entrée mesurent la viscosité, la densité, la permittivité et la température du carburant tandis que le système de gestion du moteur paramètre la combustion et le retraitement des gaz pour satisfaire dans tous les cas les normes anti-émissions. Ce « tracteur multifuel » autorise en théorie l’incorporation d’huile végétale brute produite sur l’exploitation. En théorie car la législation française et européenne ne connaît et ne reconnaît que le gazole non routier.
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particules fines (monoxyde d’azote, soufre, hydrocarbures imbrûlés), que le Centre international de recherche sur le cancer, l’agence spécialisée de l’Organisation mondiale de la santé, a fait passer, courant 2012, de « cancérogènes probables » à « cancérogènes certains », dans une relative indifférence. A leur décharge, il faut signaler que les normes « Euro » pour les autos, camions et moto et les normes Stage (ou Tier en version américaine) pour les automoteurs agricoles réduisent ces particules fines de façon drastique grâce aux nouvelles technologies de retraitement des gaz (SCR, EGR, filtres…).
Biocarburants alternatifs Le défaut de compétitivité, c’est l’un des inconvénients des biocarburants de première génération, produit à partir de l’amidon (blé, maïs, pomme de terre) pour ce qui est de l’éthanol et donc de l’essence et des oléagineux (colza, tournesol, soja, palme…) pour ce qui est des huiles végétales et au final du gazole. Même si les bilans énergétiques et environnementaux sont jugés meilleurs que ceux des carburants fossiles, les biocarburants de première génération, outre leur coût de revient, posent des problèmes de conflit d’usage avec l’alimentation. Même s’ils sont, aussi, la source de coproduits protéinés servant l’alimentation animale.
« Le tracteur à hydrogène NH2 est développé au sein d’une exploitation énergétiquement indépendante, cumulant la production d’électricité, de biogaz et d’hydrogène.
Du point de vue des émissions de gaz à effet de serre, le bilan de ces biocarburants est fonction du changement ou non d’affectation des sols servant leur production. Les biocarburants de deuxième génération valorisent quant à eux la partie ligno-cellulosique des végétaux, excluant de fait les graines et leur destinée alimentaire. Leur potentiel de développement est important car le gisement est sans limite ou presque : bois et dérivés, cultures dédiées (taillis, miscanthus…) coproduits végétaux (pailles, issues de céréales…). Les freins se situent actuellement du côté des processus chimiques de transformation en carburant, qui ne sont pas encore totalement aboutis. Enfin la troisième génération de biocarburants, issue des micro-algues, est peut-être encore plus prometteuse d’un point de vue quantitatif et écologique, mais technologiquement encore un peu plus éloignée également.
Biogaz et hydrogène Quelle que soit leur génération, les biocarburants recèlent un énorme avantage : celui d’être compatible avec les moteurs diesels équipant tous les automoteurs en parc, toutes générations confondues. Si la transition entre carburants fossiles et renouvelables induit des investissements en amont (recherche, sites pilotes, usines…),
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elle limite les frais en aval. Mais le renouvellement du matériel peut aussi servir le basculement et la transition vers d’autres modes de propulsion et d’animation des outils. On pense au biogaz et à l’électricité via des batteries autonomes sinon alimentées par des piles à combustible. Va l t ra p a r e xe m p l e s ’ e s t p o s i t i o n n é sur le biogaz avec un moteur bicarburation biogazgazole, développé sur des modèles de 110 et 140 ch. Le gaz est injecté lors de la phase d’admission dans la chambre de combustion et cette combustion se produit quand une faible quantité de gazole est injectée dans les cylindres. En mode biogaz, près de 83 % de la puissance est fournie par le biogaz, les 17 % restants par du diesel ou du biodiesel. Les réservoirs de biogaz du 6 cylindres SCR T133 HiTech, situés sur le châssis, peuvent contenir 170 litres de gaz à une pression de 200 bars. Cette quantité correspond à environ 30 litres de diesel, soit 3 à 5 heures de travail.
De son côté, New Holland parie sur l’hydrogène. Après la présentation du prototype au Sima 2009, le constructeur s’apprête à mettre en service son tracteur révolutionnaire fonctionnant à l’hydrogène. Dérivé du T6.140 à moteur thermique, le NH2 développe 120 ch à la traction, se déplace jusqu’à 50 km/h, dispose d’une prise de force et d’un circuit hydraulique débitant 113 l /mn, avec de l’eau pour tout rejet. Le NH2 renferme 384 piles à combustible, deux moteurs électriques de 100 kW et un réservoir de 8,2 kg d’hydrogène à 350 bars. Le constructeur en étudie trois modes de production différents, à commencer par l’électrolyse de l’eau, avec comme source d’énergie l’électricité photovoltaïque produite sur la ferme. Le biogaz, lui aussi produit sur l’exploitation, peut aboutir à la production d’hydrogène par vaporéformage. Enfin le constructeur explore une nouvelle voie, celle de la fermentation anaérobie de la biomasse pouvant aboutir à la production d’hydrogène. Raphaël Lecocq
Valtra propose un 6 cylindres SCR de 140 chevaux à double carburation biogaz-gazole.
Valtra
Le cheval vapeur a libéré 5 millions d’hectares Avant la seconde guerre mondiale, trois millions d’hectares étaient, en France, consacrés à la production d’avoine servant l’alimentation des animaux de trait, principalement des chevaux mais également des ânes et des mulets, sans oublier les bœufs. Ce à quoi il fallait ajouter trois autres millions d’hectares consacrés à la pâture de ce même cheptel, afin de couvrir leurs besoins alimentaires. A titre indicatif, en 2012, les biocarburants couvrent environ un million d’hectares en France. Ce qui signifie que la mécanisation et son alimentation en carburant ont libéré 5 millions d’hectares en France, notamment pour l’alimentaire.
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MOTEUR
> croissance verte
Pot de terre, pot de fer et caoutchouc u
Pour supporter des machines toujours plus productives mais toujours plus lourdes, pneus et chenilles sont contraints à l’élasticité pour préserver les sols. Jusqu’au point de rupture ? Pas de croissance verte durable sans préservation des moyens de production, à commencer par le sol.
Même s’il n’est pas produit sous nos latitudes, le caoutchouc est un sérieux contributeur de la croissance verte. Cette matière première, issue de l’hévéaculture, est un composant essentiel des pneumatiques. Ces derniers jouent un rôle toujours plus crucial dans la performance de l’agriculture.
Quadrature de la roue
Pérard
L
es matières premières issues de la biomasse servent de nombreux usages dans les secteurs de l’énergie, de la chimie, de la construction, de la pharmacie ou encore de la cosmétique. Et le mouvement va s’amplifier, à la faveur des nombreux programmes de recherche, publics et privés, qui animent toutes ces filières. Productrices pour une grande part de ces matières premières, l’agriculture et la sylviculture en sont aussi, pour une part, les premières utilisatrices et bénéficiaires. A commencer par l’indispensable au retour au sol de matières organiques, gages de récoltes futures. On peut aussi citer pêle-mêle les biocarburants participant à l’alimentation des tracteurs, les biolubrifiants amenés à remplacer les huiles minérales, les éliciteurs et biocides pour ce qui touche à la santé du végétal au sens large.
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L’augmentation de la puissance embarquée, et donc du poids des engins, fait supporter des contraintes toujours plus fortes aux pneumatiques. C’est sur leurs épaules, leurs barrettes et leurs flancs que repose la préservation des sols contre les risques de tassement. Une menace très sérieuse, à tel point que l’Union
européenne planche sur une directive. Les manufacturiers tentent de suivre la cadence imposée par les constructeurs, en jouant sur toutes les cotes : largeur, hauteur de roue, hauteur de flanc, tout en respectant les gabarits routiers. « Les 2,15 m de diamètre de roue sont désormais atteints à l’arrière et les 2,30 m se profilent déjà à l’horizon, indique Jean-Bernard Leclercq, conseiller agroéquipement à la Chambre d’agriculture d’Eureet-Loir. Avec des montes de 600 en 34 pouces à l’avant, le tracteur conventionnel dispose encore de marges de puissance. » Cependant, des modes de traction alternatifs se développent : tracteurs à quatre roues égales, tracteurs articulés à roues, tracteurs articulés à chenilles
Des passages de roues damés et condamnés Faut-il tasser imperceptiblement mais sûrement l’intégralité des parcelles au fil des rotations ou bien damer, et condamner, des voies de passage des tracteurs, pulvérisateurs et autres automoteurs de récolte ? Cette seconde option relève du Controlled Traffic Farming, une technique consistant à rouler dans les mêmes traces pour tous les passages dans la rotation, afin de concentrer le tassement sur les mêmes bandes de terre. Elle est développée aux Etats-Unis, en Nouvelle-Zélande ou encore en Australie. C’est aussi ce que tout agriculteur pratique de manière intuitive quand il réalise un premier passage de pulvérisateur à l’automne, ouvrant la voie et l’assise au premier passage en sortie d’hiver. Encore inédite en Europe, la technique va être expérimentée par Horsch, au sein d’une ferme de 3300 ha en République Tchèque. Le constructeur s’oriente sur une largeur de travail de 12 m et une voie de 3 m au niveau des essieux.
La fabrication de bandes de caoutchouc sur mesure, pas par pas, autorise toutes les dimensions possibles sur tous types d’automoteurs.
chenilles démultiplient la surface de contact au sol tout en se conformant au gabarit routier. Elles permettent de contenir la pression au sol entre 0,6 et 1 bar maximum, entre autres avantages : meilleure traction sur sols humides, meilleure stabilité en dévers, moindre résistance au roulement, moindre patinage, moindre consommation de carburant.
Valtra
et enfin tracteurs à chenilles, descendants lointains des tracteurs à chenilles métalliques, précédant l’invention du pneu par Dunlop en 1889.
Chenilles, le retour Depuis, le caoutchouc s’est invité
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sur les trains de chenilles, assouplissant significativement la conduite des engins qui en sont équipés. Des systèmes de suspension et de compensation d’assiette dans les virages peuvent prétendre aux 40 km/h sur route. S’étirant dans le sens longitudinal, quasiment sans contrainte, les
Des équipementiers spécialisés proposent le montage de trains de chenilles sur des tracteurs conventionnels, élargissant ainsi leur champ d’action, moyennant quelques précautions au niveau des arbres et des ponts, la quasi absence de patinage ne faisant plus office de sécurité. Qu’il s’agisse de chenillards ou de tracteurs standards adaptés, les chenilles engendrent dans les deux cas un surcoût, comparativement aux pneumatiques. La croissante verte a aussi un prix. Raphaël Lecocq
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Portfolio Une journée de moisson Le photographe professionnel Jean-Marie Leclère a suivi une équipe pendant ses moissons, le temps d’une journée. C’était l’été dernier dans la Marne. Ambiance et couleurs.
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15h-18h
Des hommes et du matériel. Quand les cieux seront cléments, l’essieu devra supporter la charge, cela mérite une vérification.
Le grain. La beauté du grain. La fierté de l’épi. Même le ronflement des machines ne parvient pas à les faire oublier.
Le temps de la concertation. La fermeture imminente d’un centre de collecte pose la question du stockage.
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Une journée de moisson
Grains, récolte, premiers stockages... Il faut passer par la poussière. Mais une poussière synonyme de vie. Une poussière qui embue les yeux mais que l’on respecte.
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18h-21h
La moissonneuse bat, et rebat. Les lièvres ou les faisans s’écartent précipitamment, il faut laisser travailler les machines et les hommes.
Crépuscule. Sur le front la sueur sèche, à l’horizon le soleil se couche sur la parcelle de 15 hectares.
La nuit tombe, il ne reste que quatre hectares, mais il faut faire vite à cause du risque de rosée. Celui qui reste sous les projecteurs, c’est le blé.
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Une journée de moisson P
21h-23h
Soleil couchant. Le plus heureux des hommes est au volant de son tracteur.
La nuit. Les hommes ne sont plus que des silhouettes, mais les moteurs tournent toujours.
C’est fini. Mais déjà, il faut penser au lendemain. Les conditions climatiques sont favorables, il faut en profiter. Mais sur quelles parcelles en priorité ? L’équipe s’organise par rapport aux risques de sur-maturité ou de germination sur pieds.
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Minuit
Minuit, et pourtant le carrosse ne risque aucune malédiction, il est fidèle au poste.
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Agritel Apprendre
Pédagogie des marchés Bilan 2012 et perspectives de marché 2013 L’année 2012 restera dans les mémoires car marquée par des adversités climatiques généralisées. Revenons sur les temps forts de la campagne avant de se projeter sur les premières perspectives pour 2013.
Sébastien Techer
Conseiller en investissements financiers
Février 2012 – La vague de gel en Europe
Après un début d’hiver doux, les cultures européennes ont été victimes d’une vague de froid intense début février, en l’absence de neige protectrice. Les dégâts on totalisé environ 2 millions de tonnes de blé en France mais ont également touché l’Allemagne et la Pologne. En Ukraine, ce sont près de 40 % du potentiel de production de colza qui ont été affectés et 30 % du blé.
Avril 2012 – Les semis de maïs américains les plus importants depuis la seconde guerre mondiale
Les prix élevés du maïs américain sur la campagne 2011/2012 ont motivé les « farmers » US à emblaver la plus importante surface de cette céréale depuis la seconde guerre mondiale. Sur une base de rendement tendanciel, les Etats-Unis, premier producteur et exportateur mondial de maïs, étaient en mesure de produire 376 millions de tonnes, un record. Les tensions du maïs US, qui maintenaient jusque-là les cours des céréales sur des niveaux élevés, n’avaient donc plus lieu d’être, conduisant à une détente des marchés. En parallèle, la forte augmentation de ses surfaces s’est concrétisée au détriment du soja, qui a dû se battre pour conserver des hectares. Les mauvaises récoltes brésiliennes et argentines ont également entretenu la fermeté du soja.
Juin-juillet-août 2012 – Un été sous haute tension
En Russie, la sécheresse printanière a perduré affectant de manière significative la production de blé d’hiver dans le sud, mais également celle des blés de printemps de la Volga
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jusqu’à la Sibérie. Ainsi, le potentiel de 56 millions de tonnes de blé s’est peu à peu amenuisé, initiant au passage une vive hausse des cours du blé, pour finir aujourd’hui avec des estimations de production oscillant entre 37 et 40 millions de tonnes. Soit un niveau inférieur à celui de 2010, l’année de l’embargo sur les exportations de blé russe. Le principal déclencheur de la flambée des cours fut la plus grave sècheresse aux Etats-Unis depuis 1956. Elle a eu pour conséquence une chute des rendements du maïs, de l’ordre de 30 %. Dans un tel contexte, le potentiel de production du premier producteur mondial de maïs a été revu en baisse de 100 millions de tonnes, soit l’équivalent des échanges mondiaux en maïs. Les marchés ont enregistré, en conséquence, une hausse de 66 % pour le maïs à Chicago et de 49 % pour les cours du blé.
Août-octobre 2012 – Pression sur la récolte et concurrence de la mer Noire
Les cours des matières premières agricoles ont culminé à la fin août lorsque toutes les mauvaises nouvelles ont été connues. Ils se sont ensuite corrigés avec des prises de profit de la part des fonds et avec de nombreuses ventes de maïs dès l’arrivée de la récolte par les « farmers » américains. Les opérateurs russes et ukrainiens se sont également montrés très agressifs sur le marché export de blé en raflant la mise dans presque tous les appels d’offres de l’Egypte, le premier importateur mondial de blé. En Europe, malgré une récolte de maïs au plus bas depuis 5 ans à cause de la canicule estivale sur le sud du continent, les importations de maïs ukrainien et brésiliens ont détendu les cours.
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Agritel Apprendre > EPISODE 5
Perspectives 2013 Novembre 2012 – Le retrait des origines mer Noire et les inquiétudes de l’hémisphère sud Avec la fin des récoltes en hémisphère nord et l’épuisement des disponibilités de blé origine mer Noire, les cours du blé reprenaient le chemin de la hausse à partir de fin octobre dans un contexte où les acheteurs commençaient à revenir sur le marché. En outre, les aléas climatiques dans l’hémisphère sud ont également agité les marchés. En effet, l’Australie a été aussi victime de conditions climatiques sèches qui ont affecté le potentiel de production estimé à environ 20 millions de tonnes contre 29,5 millions de tonnes l’an passé. En Argentine la chute des surfaces et l’excès de pluie devraient réduire de 5,5 millions de tonnes la production de blé par rapport à l’an passé. Ainsi, les tensions sur le commerce mondial du blé devraient être fortes tout au long de la campagne 2012-2013. En outre, en Argentine et au Brésil, les opérateurs tablent actuellement sur des productions record en soja et en maïs. Toutefois, le moindre aléa climatique sur l’un ou l’autre de ces pays pourrait mettre le feu aux poudres, dans un contexte où de nombreux consommateurs comptent sur ces productions pour soulager les tensions sur les bilans mondiaux du maïs et du soja en seconde partie de campagne.
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Alors que les cours 2012 sont sous tension, les semis de la récolte 2013 sont déjà sujets à de nombreuses inquiétudes. Aux Etats-Unis, la sécheresse ne s’est pas résorbée ; et les blés d’hiver peinent à lever dans les trois principaux états producteurs : le Kansas, l’Oklahoma et le Texas. Dans le sud de la Russie, la sécheresse est également de mise et pourrait amener le gouvernement à prendre des mesures supplémentaires pour contrer la hausse des prix intérieurs alors qu’un éventuel embargo est aujourd’hui vivement nié. En Europe de l’Ouest, ce sont les pluies qui retardent les semis d’automne et les levées. L’excès de pluie retarde également les semis de maïs et soja en Argentine. Les mauvaises productions 2012 conduiront à des stocks de report extrêmement faibles, laissant peu de place à un éventuel aléa climatique sur les récoltes 2013. Ainsi, d’un point de vue fondamental, les cours des céréales pourraient maintenir une certaine prime de risque tant que les récoltes 2013 ne sont pas assurées. En revanche, sur le plan économique et financier, la situation est beaucoup plus moribonde, ce qui pourrait inciter les fonds, à un moment ou à un autre, à sortir de leurs positions toujours historiquement élevées.
Réalisé par Agritel / www.agritel.com
Agritel lance une application Smartphone Pour suivre directement les cours des marchés depuis les champs, Agritel lance une application Smartphone. L’augmentation constante de la volatilité des prix des matières premières agricoles depuis 10 ans oblige le monde agricole et agroalimentaire à se former et s’informer sur la commercialisation et les marchés. D’où cette nouveauté, disponible gratuitement sur iPhone et sur Androïd, qui propose une plate-forme complète de l’information relative aux cours et marchés. Renseignements complémentaires sur internet : www.agritel.fr/marches/application-mobile.
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CERFRANCE Stratégie et Benchmark
La méthanisation à la ferme au service de la croissance verte La substitution d’énergies renouvelables aux énergies fossiles non renouvelables est un élément déterminant de cette évolution. La méthanisation de biomasses d’origine agricoles s’inscrit dans ce schéma de substitution.
Développer des économies circulaires Patrice Lelièvre
CerFrance Mayenne-Sarthe
Alors que le diagnostic est maintenant établi et admis de la difficulté à prolonger indéfiniment le développement économique sur les bases du modèle actuel, il est nécessaire de trouver de nouvelles voies de production qui soient moins source, de pression sur les ressources naturelles, de dérèglement climatique et d’érosion de la biodiversité et des sols.
Les ressources naturelles exploitables sur terre sont limitées. Leur utilisation croissante nous rapproche, rapidement pour certaines, de leur pic de production (moment où la production plafonne). Cette situation conduit inévitablement à développer des économies circulaires qui font que tout déchet ou résidu à un niveau de production devienne un intrant potentiel à un autre niveau de production. Le recyclage en est la voie prioritaire mais elle n’est pas unique. Dans certaines situations il s’agit seulement de rallonger le cycle de vie d’un produit en rajoutant une étape dans son processus de transformation. C’est le cas pour les effluents d’élevage. Leur cycle actuel de la fosse ou de la fumière au champ et à la plante peut être rallongé par une étape méthanisation et production d’énergie renouvelable sous forme de biogaz. La situation est identique pour la paille non récoltée, les menues pailles, les résidus de culture...
Des opportunités pour l’agriculture L’agriculture dispose de ressources carbonées encore peu utilisées pour la production d’énergie renouvelables par la méthanisation. Ces ressources sont de plusieurs ordres. La production de cultures énergétiques en cultures principales est une voie qui offre des potentialités importantes mais qui pose la question de la destination des terres et donc de leur acceptabilité (faible en France).
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L’autre voie provient des sous-produits agricoles et des résidus de cultures ou de fabrication, pailles, menu-pailles, effluents d’élevage, issues de céréales, vinasses… ainsi que des cultures intermédiaires à vocation énergétique (CIVE). Le passage de ces sousproduits par la case méthanisation va en modifier la présentation, mais peu leur valeur de retour au sol. Néanmoins, dans la plupart des cas, ces produits de l’exploitation agricole ne suffisent pas à eux seuls à alimenter une unité de méthanisation, pour des questions de volumes disponibles mais aussi pour des raisons techniques d’équilibre de la ration du méthaniseur. La fermentation anérobie de biomasse dans un méthaniseur produit du biogaz qui contient de 50 à 65 % de méthane (CH4). Le processus biologique de la méthanisation est complexe et les produits utilisables ont des pouvoirs méthanogènes plus ou moins importants, de 10 m3 de CH4 par m3 de lisier brut à 250/300 m3 de CH4 par tonne de résidus de séchage de céréales ou de graisses usagées.
S’inscrire dans une démarche territoriale Les conditions de mise en œuvre d’une unité de méthanisation sont nombreuses et se conçoivent dans une dimension territoriale. Que ce soit au niveau de l’approvisionnement en matières entrantes ou pour la valorisation des productions il faut composer avec les acteurs du territoire d’implantation. Pour réunir les quantités de biomasses suffisantes à l’alimentation du digesteur, il faut dans la majorité des cas se regrouper à plusieurs et obtenir des apports extérieurs d’industries agroalimentaires, de déchetteries… Pour la valorisation des productions il faut accéder aux réseaux de distribution de l’électricité ou du gaz et composer avec les acteurs institutionnels. Pour la valorisation de la chaleur, indispensable aujourd’hui à la rentabilité des projets, des débouchés extérieurs sont souvent nécessaires car les exploitations sont généralement peu consommatrices de chaleur. La nature des produits obtenus après digestion, qui dépend de la chaîne de traitement choisie (digestats bruts, séparation de phase, compostage…), déterminera la dimension du plan d’épandage et le recours ou pas à des tiers. Le cadre réglementaire est un volet important qui nécessite l’implication et l’acceptation des services concernés ainsi que des collectivités locales. Enfin la construction d’une unité de méthanisation crée inévitablement des modifications dans l’organisation de la vie locale. Elle est potentiellement source de nuisances par l’augmentation du trafic routier, la construction d’infrastructures imposantes dans le paysage et de bruit. Elle doit être acceptée par la population.
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Des intérêts multiples Pour les agriculteurs eux-mêmes : création d’activité et de revenus, couverture des besoins en chaleur dans un contexte d’augmentation du coût de l’énergie. Le process de méthanisation présente l’avantage de garder voir d’améliorer la valeur fertilisante des produits traités et de réduire les odeurs. Pour les acteurs économiques du territoire : création de filière locale de recyclage et de valorisation de déchets organiques, fourniture d’énergie verte pour des entreprises ou des particuliers sous la forme de chaleur, création d’activité pour la construction et l’installation de l’unité de méthanisation. Pour les collectivités locales : maîtrise des coûts de traitement des déchets, réduction des coûts de transport, réduction des coûts liés à la redevance déchets, gain en autonomie énergétique du territoire. Pour l’environnement : réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES). Pour le voisinage : réduction des odeurs liées au stockage et à l’épandage des effluents d’élevage.
Un travail au long-cours sur plusieurs années Pour monter un projet réaliste, il est d’abord nécessaire de définir ses besoins : chaleur, revenu, épandage... et ses objectifs : création d’une activité nouvelle, production d’énergie, traitement de déchets, gains en fertilisation, désodorisation, rentabilité… Ensuite vient l’analyse des paramètres décisifs, tels que le gisement de produits (alimentation du digesteur), les débouchés pour la valorisation de l’énergie, le cadre collectif ou individuel de l’entreprise, le temps disponible. La mise en œuvre proprement dite, passe par trois phases essentielles, concevoir – construire – exploiter, avec des enjeux spécifiques à chaque étape, qu’il faut anticiper. Un mètre cube de méthane équivaut à un litre de fuel. La production de biogaz renouvelable à partir de sousproduits et résidus agricoles s’inscrit donc complètement dans la démarche de croissance verte nécessaire à la construction d’un mix énergétique à forte composante renouvelable. Mais cet objectif louable doit se concevoir dans un cadre économique rémunérateur pour tous les acteurs. Réalisé par CERFRANCE www.cerfrance.fr
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Insolite
« Mon credo ? Promouvoir la spiruline » Vous connaissez Benjamin Masson. Mais si, regardez quelques pages plus tôt, c’est lui qui écrit, entre autres, les Brèves des Champs pour WikiAgri. Mais il s’agit de l’une de ses rares contributions dans la presse désormais, car le journaliste est devenu agriculteur, dans un domaine original, puisqu’il est producteur de… spiruline. Sur le CV de Benjamin Masson figurent les mots « journaliste » et « aquaculteur ».
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ourquoi (pratiquement) quitter la presse pour s’installer ? Benjamin Masson l’explique par son caractère : « Par exaspération. A force de raconter aux gens ce qui est bon et ce qu’ils doivent faire, j’ai eu envie de mettre les mains dans le cambouis... Alors j’ai tout changé, pour m’engager dans une nouvelle vie, passionnante. » Il la définit comme sa « seconde vie. Il y a 10 ans, je n’aurais jamais pensé devenir agriculteur. Que ferai-je dans 10 ans ? En attendant, je m’engage à fond. » Le choix du domaine d’installation mérite à lui tout seul l’intitulé de notre rubrique, « insolite ». Benjamin Masson cultive des spirulines. Ce sont des micro-algues qui contiennent les nutriments essentiels. Avec elles, pas de problèmes de stocks, c’est du condensé : « 1 m² de culture peut nourrir une personne à l’année », affirme-t-il. Il s’agit en fait d’une piste sérieuse pour régler le problème de la faim dans le monde. « La spiruline est une cyanobactérie, elle pousse par photosynthèse mais ses cellules sont organisées à la manière de celles des bactéries. Elle pousse en allongeant ses spires. A la 7e, elle se coupe en deux et recommence le cycle tous les 3 jours. D’où une croissance exponentielle et son intérêt face au défi alimentaire : c’est le record du monde en protéines. »
c Pour mieux connaitre la ferme de Benjamin Masson et la spiruline : www.spirulineventoux-luberon.fr
C’est son précédent métier de journaliste qui a amené Benjamin Masson sur cette culture : « J’ai découvert la spiruline en écrivant un dossier en 2007 ou 2008 sur les émeutes de la faim. La spiruline m’est apparue comme une piste nouvelle insuffisamment explorée. En France, elle est plutôt consommée pour ses apports en vitamines, minéraux et antioxydants. Il s’agit de l’une des meilleures en fer. La phycocyanine est reconnue par le ministère
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américain de la santé pour ses actions antiinflammatoire et contre le cholestérol. Plusieurs de ses composants retardent les crampes et courbatures chez les sportifs...»
La ferme sous serre. 1000 m² de SAU suffisent à s’installer à en vivre.
Il faut des filtres très fins, de 30 microns, pour récolter la spiruline.
Après la récolte, la spiruline a été pressée, puis transformée en spaghettis pour le séchage.
Au microscope, les spirulines n’ont pas l’air de grand-chose, elles contiennent pourtant les nutriments essentiels.
Aider à vaincre la faim Les conditions de culture ne sont pas de celles où on inviterait la presse : il fait 60° sous serre, malgré le ventilateur, et les récoltes s’enchaînent quotidiennement sur les six mois les plus chauds de l’année. « Dès 6 heures le matin, commencent les opérations de filtration et de récolte. Le liquide repart dans le bassin pour nourrir la génération du lendemain. On obtient ainsi une pâte visqueuse verte, qu’il faut alors presser. D’où une pâte à modeler, que je transforme en spaghettis à l’aide d’une machine à faire des saucisses que j’ai pu dégoter DR et bricoler. Pendant le séchage, je peux m’occuper de conditionnement, de vente, de suivi des commandes par internet, ou des piges journalistiques. Le soir, je récupère les filaments, et je les empaquette. » Les journées sont de fait bien remplies, mais Benjamin Masson ne regrette en rien son choix de vie. Au contraire, il fourbit quelques projets. Il a déjà participé à des collectes de fonds pour développer la spiruline en Afrique, et son rêve désormais serait d’avoir des commandes telles qu’il puisse embaucher un salarié pour s’absenter le temps d’aider à façonner des unités de production sur ce continent. Il est persuadé que la spiruline peut être facteur de croissance verte dans les pays souffrant de la faim : « Il y a des emplois à créer, de la valeur ajoutée, un réel potentiel avec un intérêt écologique évident. » Mais qu’on ne s’y trompe, il ne s’agit pas pour autant d’arrêter les productions traditionnelles : « Je suis le premier à aimer dévorer un bon steak, conclutil. Je ne propose pas d’arrêter ce qui fonctionne, mais d’aller au-delà pour combler le manque qui persiste. » Complémentaire, pas concurrent. Antoine Jeandey
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