Recherche végétale, l'heure de relever la tête

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Edito Recherche, et si l’on cessait de faire l’autruche ?

E

t si, au lieu d’avoir peur des résultats de la recherche au point de ne plus vouloir l’entreprendre, on regardait les problématiques en face ? C’est dans cette optique que WikiAgri consacre ce numéro à la recherche, principalement dans le domaine végétal, mais pas seulement. Nous avons d’abord réalisé un sondage. Celui-ci nous donne des proportions nettes, vous, les agriculteurs, êtes en quête de recherche, comme de nouveautés. Et parmi cette recherche, vous vous positionnez en faveur de la production de cultures OGM. Les résistances qui persistent insistant sur le côté « on ne connaît pas », WikiAgri est allé en Espagne rencontrer un producteur de maïs OGM. Vous verrez, il le dit clairement, les OGM lui ont permis d’obtenir une quatrième culture en deux ans, soit des rendements en hausse de plus de 25 %, le tout en utilisant moins de pesticides… Ça laisse rêveur, non ? Mais quelle que soit l’importance des OGM, limiter la recherche à leur seul usage serait dommage. WikiAgri a aussi recensé pour vous toute une série de trouvailles en tout genre, des drones, des robots, des prototypes, des enzymes, des modes culturaux novateurs… Qui existent déjà, sont dans les tuyaux, ou ne verront peut-être jamais le jour à l’échelle commerciale mais ont été imaginés tout de même. Comme le souligne notre Grand Témoin, Pascual Perez, chercheur patenté chez Limagrain, « Si l’on arrête toutes les recherches, on devient dépendant des progrès de ceux qui les poursuivent. » Alors cessons de faire l’autruche, relevons la tête… D’autant que les moyens et les idées ne nous manquent pas ! La rédaction

A. Sen

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Sommaire WikiAgri n°8 / juillet 2013

Directeur de publication Yannick Pages Rédacteur en chef Antoine Jeandey Rédaction Maxime Boutevin Raphaël Lecocq Mathieu de Taillac redaction@wikiagri.fr Ont participé à ce numéro AGRITEL CERFRANCE Dessinateur Michel Cambon Photographe Jean-Marie Leclère Publicité Tél. 06 89 90 72 75 | pub@wikiagri.fr

u

Edito P.3

THÉMA l

Le dessous des graphes

P.6 et 7 - Graphiques et infographies

l

Sondage WikiAgri

l

Cambon lui semble

P.8 - Commentaires et interprétation du sondage sur la recherche

P.10 - Le dessin de Michel Cambon

l

Le Grand témoin

Consultant Média Bernard Le Blond - Vision bleue Tél. 06 83 92 08 61

P.11 à 13 - L’interview de Pascual Perez, directeur de la recherche pour la découverte de nouveaux caractères chez Limagrain

Conception graphique et maquette Notre Studio www.notrestudio.fr

l

Théma Recherche

u

Pédagogie des marchés

Conseil éditorial Sylvie Grasser - Hiceo Tél. 06 32 75 11 94 www.hiceo.fr ISSN ISSN 2258-0964 Commission paritaire 0314 T 91288 Dépôt légal A parution Service abonnements 4, impasse du Faubourg 38690 Le Grand Lemps Tél : 04 76 31 06 19 E-mail : contact@wikiagri.fr Abonnement annuel 34,90€ TTC (4 numéros) Prix au numéro : 10€ Site internet www.wikiagri.fr

P.14 - Le génie scientifique doit être encadré, et non rejeté P.16 à 29 - Innovations et futurisme, les produits de la recherche classés en trois catégories « ça existe », « ça va venir », et « anticipation » P.30 à 33 - Reportage en Espagne, « heureux comme un producteur au royaume des OGM »

P.34 - Par Agritel – vendre et acheter à terme pour gérer sa marge u

stratégie et benchmark

P.36 - Par CerFrance Crise laitière, vers un printemps arable ? u

Paroles d’entrepreneur

Impression SAS Imprimerie Leonce Deprez Zone industrielle de Ruitz 62620 Ruitz

P.38 à 40 - Entretien avec Christophe Zugaj, responsable de la communication chez De Sangosse

Tirage 48 000 exemplaires (dont 45 500 expédiés)

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Communauté WikiAgri

P.42 - Le rendez-vous des agri-décideurs sur les Culturales 2013

Le magazine WIKIAGRI ® est edité par la société : DATA PRO SOLUTIONS BP 70132 38503 VOIRON CEDEX

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COMPRENDRE

100

Le dessous des graphes

80

40 30

37%

30

10 0 Ensemble des sondés

0 Ensemble des sondés

1. Confiance majoritaire en la recherche, le problème n’est pas « publique ou privée » Les deux premières questions de notre sondage concernent la confiance dans la recherche, en proposant de différencier recherche publique ou privée. Or les résultats sont comparables dans les deux cas, vous avez plutôt confiance dans l’une et l’autre (bien sûr avec des nuances), mais sans excès, et vos commentaires ont été nombreux pour moduler votre réponse, dans le style « je suis pour mais à condition que… ». Vous êtes 59 % (recherche publique) et 56 % (recherche privée) à faire confiance totalement, ou pas pour tout, à la recherche. A noter que les céréaliers et polyculteurs font pencher la balance en faveur de la recherche privée, alors que les para-agricoles qui ont répondu sont plus circonspects en la matière. Et si l’on regarde sur un segment encore plus précis, vous êtes 65 % de céréaliers ou polyculteurs sur plus de 150 hectares à apprécier « totalement » ou « pas pour tout » la recherche privée.

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Pas pour tout

Si l’on regarde dans le détail, on note que vous rejetez d’autant plus le principe de précaution si vous êtes céréalier plutôt qu’éleveur.

Pas du tout

Sans plus

100

100

90

90

80

80

70

70

60

60

36,8%

35,4%

30 20

26,7% 24,4%

30

10 10,4% 6,5%

8,1%

4,3%

16,3% 6,7%

Céréaliers + polyculteurs

Para-agricoles

Confiance dans la recherche privée Pas pour tout

Sans plus

Pas du tout

17,9%

6,3%

0

Ensemble des sondés

0 Ensemble des sondés

39,2%

20

16,3%

10

40,7%

100 90 80 70 61,4%

60 48,4%

50

42,3%

40 30

26,5% 23,6%

27,9%

27,9%

31,1%

20 10,6%

10 0 Ensemble des sondés

Céréaliers + polyculteurs

Eleveurs ou autres agriculteurs

Le principe de précaution Est une règle absolue N’est qu’un élément de langage Ne doit plus figurer dans les discours

54,4%

52,5%

40

39,5% 37,4%

40

65,7%

50

49,8%

50

Totale

6

Para-agricoles

Confiance dans la recherche publique Totale

En plein air

Notre question sur le principe de précaution proposait trois réponses : le positionner comme une règle absolue ; l’estimer comme un élément de langage politicien pour renoncer à choisir ; ou le rejeter franchement. Et là, surprise, comptetenu du fait qu’aujourd’hui de très nombreuses décisions stratégico-politiques sont prises au nom du principe de précaution : vous n’êtes que 23,6 % à vouloir le conserver comme une règle absolue ! Vous êtes plus nombreux à vouloir le rejeter franchement (27,9 %) et tout de même 48,4 % à vouloir entendre d’autres arguments en cas de renoncement à un projet.

0,8%

Céréaliers + polyculteurs

Eleveurs ou autres agriculteurs

3. Le principe de précaution ne doit plus être la règle absolue

6%

3,3%

Céréaliers + polyculteurs

Pour la recherche en laboratoires

23%

20 10

28%

20

39,1%

22,4%

39%

40

27,2%

27%

26,9%

50% 50%

50

44,3%

42,7%

Nous vous proposions le choix entre recherche en laboratoire, en plein air, à l’étranger, ou refus de la recherche. Les deux dernières cases n’ont pratiquement pas été cochées. Et vous préférez, en tout, à 60 % la recherche en plein air (contre 39 % en laboratoires), un chiffre qui va en augmentant si l’on regarde uniquement les céréaliers et polyculteurs (71 %). A noter que l’on redescend à un 50/50 dans le cas où vous êtes agriculteurs sans être concerné par les céréales (éleveur ou autres).

60%

60

60 50

71%

70

WikiAgri a réalisé un sondage auprès de ses lecteurs sur la recherche, dont voici les résultats et interprétations. Ce sondage a été réalisé en ligne sur wikiagri.fr du 1er au 20 juin 2013 et sur papier à remplir sur le salon des Culturales, avec un total de 381 réponses. Vous avez été une majorité de céréaliers à répondre (dont plus 100 de la moitié avec plus de 150 hectares), mais aussi des polyculteurs, éleveurs, 90 « autres agriculteurs » et des para-agricoles 80 (on entend par ce terme tout ceux qui vivent de l’agriculture sans être agriculteurs : 70 fournisseurs, salariés, services…). Vous avez été relativement nombreux à ajouter des commentaires écrits. Nous les reprenons dans la page suivante (page 8).

2. Vous êtes pour la recherche en plein air

90

Céréaliers + polyculteurs

Eleveurs ou autres agriculteurs

L’arrêt des molécules dérange les céréaliers

Globalement, vous n’êtes pas dérangés par l’arrêt des molécules et des produits dérivés tels le Cruiser ou le Fipronil... Sauf si vous êtes céréalier, c’est-à-dire l’utilisateur ! Et dans tous les cas, vous réclamez davantage d’informations que celles dont vous disposez. Vous êtes nombreux (et même majoritaires si vous êtes céréaliers) à estimer que de telles interdictions tuent l’esprit d’innovation.

L’arrêt des molécules en raison du principe de précaution Est une évidence Est logique en l’état actuel des connaissances, mais il faudrait développer celles-ci Tue l’esprit industriel et montre le manque de courage des politiques

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Infographies : Notre Studio

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Le dessous des graphes > Recherche végétale

Le sondage qui dit oui aux cultures d’OGM Après les graphes (pages précédentes), voici les interprétations ainsi que vos commentaires les plus pertinents sur le sondage de WikiAgri sur la recherche.

100 90 80 70

64,7%

60

56,7%

52,2%

50

52,5%

42,5 %

40

34,2%

32,8%

30

25,6%

20 10,4%

10

13,2%

9,6%

5,2%

0

Ensemble des sondés

Céréaliers Eleveurs ou Para-agricoles + polyculteurs autres agriculteurs

Cultiver des OGM Est impensable Est souhaitable, à condition de discuter des modalités Est indispensable

L

e moins que l’on puisse écrire est que vous êtes favorables à l’innovation en agriculture (ça on s’en doutait), y compris en ce qui concerne la recherche, et jusqu’à vouloir cultiver des OGM. Les réponses à notre sondage sont claires, les majorités dessinées sont nettes. Pour autant, un tel questionnaire ne permet pas facilement la nuance, et vous avez été nombreux à laisser des commentaires pour faire part de vos sentiments, au-delà de la case cochée.

« Un désastre au profit de l’obscurantisme » Prenons la question sur les OGM, celle qui a attiré le plus de commentaires. L’un des « pour la mise en cultures », céréalier sur plus de 150 hectares, a tenu à préciser, comme s’il fallait baliser le terrain,

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« avec un cahier des charges bien défini ». Un autre, même profil, ayant coché la même case, l’a fait davantage par réalisme : « Le reste du monde est indifférent à l’avenir et a franchi le pas OGM sans se poser de question... Il est sûrement trop tard pour faire marche arrière. » Même profil aussi pour celui qui estime que les OGM sont l’avenir du bio : « Si les plantes résistent aux maladies et insectes, c’est une manière de faire du bio… » Il ajoute toutefois : « Mais je n’y crois pas », montrant qu’entre théorie et pratique, il y a encore un pas à franchir. Autre réponse, toujours de la part d’un céréalier sur plus de 150 hectares : « Les OGM peuvent apporter des solutions innovantes et intéressantes, il vaut mieux encadrer leur usage que les diaboliser aussi stupidement. Les actions entreprises jusqu’ici n’ont réussi qu’à tuer cette recherche en France et même en Europe, et les firmes européennes sont aujourd’hui contraintes à la délocalisation : cette perte de cerveaux et de savoirfaire est un désastre au profit de l’obscurantisme. » Avec un autre profil, celui d’un paraagricole (de quelqu’un vivant de l’agriculture sans être agriculteur luimême), et une réponse équivalente, on trouve ce commentaire : « Il est dommage que l’on ait arrêté les travaux de recherche sur ce sujet, cela ne nous permet pas d’avoir un avis critique sur le sujet : on nous demande un avis sur quelque chose que l’on ne connait pas. » Un autre para-agricole semble lui répondre en écho avec des connaissances supérieures : « L’amélioration génétique des plantes est indispensable pour développer une agriculture durable. Dans ce cadre, il faut utiliser la transgénèse aujourd’hui, et la biologie de synthèse demain. » Pragmatique,

un éleveur précise : « S’il est scientifiquement prouvé qu’un OGM ne nuit pas à la santé humaine ou animale, ni à l’environnement, pourquoi ne pas le cultiver ? » Autre avis chez un céréalier sur une surface inférieure à 150 hectares : « Le principe des OGM n’est qu’une méthode de sélection. C’est ce que l’on met dans cette sélection qui peut être gênant, surtout dans des mains mercantiles comme la recherche privée. » A l’inverse, un autre céréalier sur moins de 150 hectares explique pourquoi lui est contre les OGM, sans être satisfait de la situation actuelle : « Contre, à cause de la société française ! Mais pourtant, il en rentre tous les jours ! Alors soit on continue la course en avant, et on autorise, soit on interdit l’introduction de tous les OGM en France au titre du protectionnisme. Mais faut être assez c... pour autoriser d’ailleurs ce que nous n’avons pas le droit de faire ! »

L’information sur les résultats de la recherche manque Changeons de sujet. Sur la recherche en général, cette intervention en résume beaucoup d’autres de la même teneur : « Il y a un grave problème en France au niveau non pas de la recherche proprement dite, mais bien de la connaissance des résultats de cette recherche. » En d’autres termes, vous ne parvenez pas à profiter des progrès gagnés par la recherche car l’information manque. Cette réflexion, formulée d’une manière ou d’une autre, vous êtes vraiment nombreux à en avoir fait part, il s’agit donc d’un problème récurrent et réel. A.J.

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Le dessin

GRAND TÉMOIN

Cambon lui semble

DR

Pascual Perez : « La recherche est nécessaire pour assurer notre indépendance future » Repères Pascual Perez est aujourd’hui directeur de la recherche pour la découverte de nouveaux caractères chez Limagrain. Il a une formation universitaire en biologie moléculaire et possède 27 ans d’expérience dans les domaines du génie génétique et de la génomique végétale. Il est entré chez Limagrain en 1985. Il fut directeur de Biogemma de 2007 à 2011.

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Quelles définitions et quelles différences donneriez-vous aux termes « recherche végétale », « hybrides et hybridation », « biotechnologies », « OGM»… Où se situent les frontières entre chaque domaine ? P.P. La recherche végétale est un domaine très vaste. On part de la physiologie végétale, on inclut ensuite l’inventaire de la biodiversité dans l’espèce, on effectue enfin des travaux sur des espèces modèles, etc. Un hybride, c’est la possibilité et l’intérêt de croiser ensemble deux plantes A et B qui, combinées, génèrent un potentiel plus intéressant. On ne fait pas de croisements au hasard, mais pour viser in fine l’intérêt pour l’agriculteur. Les biotechnologies regroupent la majorité des capacités technologiques des sciences du vivant. On y inclut les techniques de

culture in vitro, le séquençage des génomes rendu très effectif grâce à la robotique et la bioinformatique, la capacité de recombiner l’ADN in vitro encore appelé le génie génétique. Une capacité que l’homme maîtrise, grâce aux travaux entrepris à Stanford, depuis plusieurs décennies, et dont on voit de très nombreux bénéfices en médecine. Les OGM, on en parle beaucoup, mais sait-on vraiment ce qu’ils sont ? Ils ont vocation à rendre de grands services aux agriculteurs. Savez-vous que le maïs, pour citer un exemple, n’existe pas à l’état naturel et qu’il a été créé par la sélection de variants de son ancêtre la téosinthe par des civilisations antiques au Mexique ? Depuis qu’il s’est sédentarisé l’homme domestique et sélectionne les espèces.

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GRAND TÉMOIN Pascual Perez, ici dans une chambre de culture cellulaire du laboratoire de recherche de Limagrain.

D.R.

Légalement, où en est-on aujourd’hui en France ? Quel type de recherche est autorisé ? Souhaité ? Toléré ? Interdit ou rejeté ? Vu de l’extérieur, on a l’impression d’une nébuleuse qui manque de clarté, qu’en pensezvous ? P.P. Pour les laboratoires en milieu confiné, on peut utiliser quasiment toutes les technologies, à condition de respecter des contraintes très strictes élaborées par des comités d’experts et qui sont règlementaires. Pour citer un exemple, pour certaines recherches sur des OGM en serre, la récupération des effluents est la règle. Pour vérifier l’application de ces contraintes, il existe des commissions ou autres autorités de contrôle.

« Le maïs une plante sélectionnée par l’homme qui n’existait pas de manière endémique. » En conditions de plein champ, c’est possible, mais beaucoup plus compliqué techniquement et limité à du matériel déjà bien expérimenté en serre. Le HCB (haut conseil des biotechnologies) est composé de deux comités, scientifique d’une part, et économique, éthique et social d’autre part. De 1987 à la fin des années 1990, des essais de

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recherche en plein champ ont été réellement possibles. Il existait alors un véritable échange entre experts. Nous avons pu, par exemple, faire pousser les premières betteraves transgéniques au monde en 1990 sur notre territoire. Aujourd’hui, il faut aller sur d’autres continents pour faire ce type d’expérimentations. Quels sont les objectifs de la recherche en France aujourd’hui ? Et quels devraient-ils être selon vous ? P.P. Nous devons faire face aux changements climatiques donc mieux adapter les plantes aux stress biotiques (Ndlr : parasitisme…) et abiotiques (Ndlr : structure du sol, climats…). Nous constatons aussi un regain d’intérêt pour la productivité. La recherche en France porte en particulier ces efforts sur les marqueurs moléculaires et la sélection génomique (Ndlr : méthodes consistant à suivre les gènes impliqués dans l’expression de caractères d’intérêt agronomique ou technologique). La transgénèse (Ndlr : qui consiste à introduire un nouveau gène dans le patrimoine génétique d’un organisme) offre des possibilités complémentaires qui permettent de comprendre le fonctionnement des gènes mais aussi de créer de nouvelles variétés. Les diverses approches me semblent nécessaires. Qui fait de la recherche (public - privé) ? Existe-t-il des échanges entre les acteurs de la recherche végétale en France ?

P.P. Pour le secteur public, l’Inra ou le CNRS sont les organismes de recherche leaders qui font de la recherche essentiellement amont sur la compréhension des mécanismes fondamentaux. Le Cirad et l’IRD rayonnent à l’international pour aider au développement des pays du sud. Au niveau privé, Limagrain, Euralis, RAGT, Syngenta présentent une panoplie de technologies de recherche pour améliorer et créer de nouvelles variétés. Concernant des efforts en commun, ils sont nombreux depuis la création de Génoplante fin des années 90. Récemment le Grand Emprunt a permis de lancer et financer plusieurs projets d’investissements d’avenir de grande envergure tel Breedwheat pour le blé, qui a déjà conduit à la découverte d’informations génétiques clefs pour développer de nouvelles variétés de blé. (Ndlr : le site breedwheat. fr précise que le projet a un budget de 34 millions d’euros sur 9 ans, et qu’il « combine de nouvelles technologies de génotypage et de phénotypage à haut débit pour identifier les facteurs génétiques impliqués dans les caractères d’intérêt agronomique tels que le rendement, la qualité et la tolérance aux stress biotiques et abiotiques »). Le maïs, le tournesol, le colza, le pois et la betterave font l’objet de projets équivalents. Ces initiatives et grands projets sont animés et suivis par un groupement d’intérêt scientifique « biotechnologies vertes » qui regroupe plus de 30 membres incluant tous les grands instituts publics de recherche, la majorité des obtenteurs semenciers, des sociétés de biotechnologie et des pôles de compétitivité. Comment situeriez-vous la recherche française dans le monde ? P.P. La recherche française est compétitive dans le monde sur certaines espèces modèles, et une espèce d’intérêt comme le blé. On peut aussi se satisfaire d’un regain d’intérêt pour les enjeux de rendements et de productivité. Parallèlement, la Chine fait des efforts colossaux, notamment dans le séquençage et le génie génétique des espèces d’intérêts. Par ailleurs, nous possédons d’excellentes technologies, des savoir-faire et des talents et avons sans aucun doute des découvertes et innovation dans les cartons ; par exemple dans le domaine de la résistance aux pathogènes ou aux stress abiotiques.

Limagrain, passe régulièrement des accords à l’étranger pour poursuivre des recherches qui ne peuvent s’opérer en France. Comment expliquer cela ? P.P. Le groupe a une implantation mondiale, et passe des partenariats pour cela. Par exemple, nous sommes concurrents de l’Allemand KWS en Europe ou en Chine, mais partenaires aux Etats-Unis, parce que les partenariats sont notre force et cela fonctionne car ensemble nous formons le 3e groupe semencier maïs sur le sol américain. Pour être représenté ainsi partout dans

Avez-vous travaillé sur l’éventualité de l’introduction d’OGM en France ? Par exemple, sur les « périmètres de sécurité » qu’il faudrait établir entre une culture OGM et une culture bio pour limiter les risques de dissémination ? P.P. Non, pour nous ce n’est pas un sujet d’actualité. Comment doit s’orienter la recherche désormais ? Selon vos vœux ? Existe-t-il un frein politique, stratégique (en France comme en Europe d’ailleurs) ? P.P. La recherche est nécessaire pour assurer notre indépendance future. C’est inquiétant de voir partir nos talents, pour travailler ailleurs sur toute la palette qu’offrent les biotechnologies alors qu’ils peuvent tant nous apporter.

« Les OGM ont une réelle influence en faveur tant de l’environnement que de la compétitivité. » DR

le monde, ce n’est pas simple. Il faut connaître les gens sur place, s’installer au bon endroit, disposer de la variabilité génétique adaptée et l’améliorer, collaborer avec les efforts de recherche locaux… Qu’y a-t-il d’intéressant dans les OGM ? Finalement, on arrive à s’en passer, non ? P.P. Je ne sais pas si on peut s’en passer mais aujourd’hui je constate qu’on en importe, soja et maïs, depuis de nombreuses années du continent américain pour la nutrition animale. Les OGM ont une réelle influence en faveur tant de l’environnement que de la compétitivité. Il s’agit de comprendre les gènes, les reprogrammer, les combiner pour parvenir à l’objectif. Et celui-ci est fixé avant tout par rapport à un besoin pour l’agriculteur : un insecte à combattre, une dépendance plus faible aux intrants eau, engrais, une garantie de rendement en condition de stress… Justement, comprenez-vous les réticences, cette tendance à opposer déontologie et recherche ? Vous-même, quelle est votre déontologie ? P.P. En France, nous avons des universités, de grands instituts, des chercheurs dont des prix Nobel. Nous avons l’opportunité de penser et promouvoir des optimisations, de découvrir des méthodes de sélection nouvelles, nous pouvons inventer de nouvelles variétés. C’est une chance car, derrière, nous et les citoyens du monde pouvons parvenir à de meilleures conditions de vie et penser à un développement durable vu les enjeux qui nous font face. Ça ne s’oppose pas du tout.

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Pouvez-vous citer deux ou trois exemples précis de « trouvailles » récentes ? Et expliquer comment la recherche a pu aboutir dans ces directions, en partant de quels constats… P.P. J’ai peur de vous donner une réponse très technique… On a par exemple découvert, lors d’essais de modification génétique de la couleur des fleurs dans les années 1990, des nouveaux mécanismes naturels qui influent sur la régulation des gènes aussi bien chez les vers que

« Si l’on arrête toutes les recherches, on devient dépendant des progrès de ceux qui les poursuivent. » chez l’homme, et qui ont d’ailleurs conduit certains scientifiques au prix Nobel. Cette découverte, faite grâce au génie génétique végétal, a ouvert la voie aussi bien sur de nouvelles méthodes de traitement des cancers que sur la lutte contre des parasites. Les domaines où une telle transversalité existe sont multiples, de l’épigénétique jusqu’au séquençage des tumeurs pour la médecine. Les marqueurs génétiques et la sélection génomique sont très prometteurs aussi bien pour l’amélioration génétique chez les bovins notamment que sur nos plantes d’intérêt. Raisonnement par l’absurde pour conclure, on arrête toute recherche, plus rien ne bouge dans les semences, espèces végétales, etc. Dans quel état passe l’agriculture française dans 10 ans, 20 ans, 50 ans ? P.P. Si l’on arrête toutes les recherches, on devient dépendants des progrès de ceux qui les poursuivent. Cela commence déjà à être le cas dans certains domaines en particulier pour certaines applications des biotechnologies végétales. Propos recueillis par Antoine Jeandey

Limagrain, quatrième semencier mondial Derrière Monsanto, Pioneer et Syngenta, et devant l’Allemand KWS, Limagrain est la quatrième enseigne mondiale en termes de chiffres d’affaires semences. Bien que concurrents en d’autres lieux, Limagrain et KWS sont associés aux Etats-Unis pour former la société AgReliant, qui est troisième en semences de maïs sur le sol américain. Limagrain fonctionne avec une gouvernance bicéphale. Le « board » d’agriculteurs est dirigé par Jean-Yves Foucault (il a succédé à Pierre Pagesse, président jusqu’en 2012), celui de directeur général est assumé par Daniel Chéron. Le groupe est international avec une centaine de stations de sélection et de centres de recherches implantés dans le monde. Biogemma est quant à elle une société de biotechnologies créée en 1997. Elle dépend de Limagrain, mais aussi d’Euralis, Sofiprotéol et Unigrains, RAGT ayant rejoint cet ensemble en 2002. L’idée consiste à regrouper les efforts en matière de recherche et de biotechnologies pour rester compétitif face à des grands groupes tels Monsanto. Pour autant, chacun reste indépendant ensuite avec ses propres volontés et stratégies commerciales.

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THÉMA

Sur le dernier salon des Culturales, présentation des dernières nouveautés.

Jean-Marie Leclère

Le génie scientifique doit être encadré, et non rejeté « La recherche comporte et comportera toujours une part importante d’activité créatrice » Pierre Joliot

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La recherche existe, mais son niveau apparent baisse Nous parlons évidemment ici de recherche en agriculture, et principalement dans ce numéro de recherche végétale. Nous avons une forte richesse en France, grâce à des institutions publiques mais aussi des opérateurs privés réellement compétents, et qui savent le cas échéant travailler ensemble. Pour autant, notre sondage auprès des agriculteurs démontre au niveau des commentaires apportés que les résultats de cette recherche ne sont pas suffisamment transmis. Qu’ils ne profitent pas suffisamment à la profession. Une question de crédits ? Pas forcément. Mais

d’état d’esprit très certainement. Nos chercheurs ne sont pas encouragés. La société actuelle s u r fe s u r le s p e u r s , é r ig e le « principe de précaution » non pas comme un limitateur de vitesse qui éviterait les accidents, mais comme un frein à main synonyme d’immobilisme. Nous, à WikiAgri, nous ne sommes pas « pro » ou « anti », nous observons, relatons les réalités du terrain, ses attentes, ses besoins. Et quand nos sondés nous disent, « ce principe de précaution, il y en a assez », tout en modulant les propos à travers les commentaires en réclamant tout de même des garde-fous, nous en prenons acte.

« Rien ne vaut la recherche lorsque l’on veut trouver quelque chose » JRR Tolkien (Bilbo Le Hobbit)

Pourtant, l’ingéniosité existe Vous lirez dans les pages qui suivent tout un échantillonnage de d’ingénieuses trouvailles en tout genre (qui en l’occurrence dépassent le cadre de la recherche végétale), que nous avons sélectionnées en trois catégories : « ça existe », « ça va venir », et « anticipation ». Les idées, ce n’est pas ce qui manque, l’esprit d’initiatives non plus. Ce qui fait défaut, c’est le déclic, l’appréhension des progrès scientifiques comme de réelles avancées possibles et non, comme c’est trop systématiquement le cas aujourd’hui, comme un risque de remise en cause de ce que nous pensons acquis. La recherche, ressource salvatrice face à un contexte évolutif La recherche, le progrès en général, sont pourtant aujourd’hui nos seules ressources dans un monde évolutif. La fameuse échéance de 2050, avec 9 milliards de bouches humaines à nourrir avec à prendre en compte conjointement moins de terres agricoles d’une part et une qualité alimentaire humaine incluant la viande, donc du bétail et sa nourriture d’autre part, ne peut être résolue avec nos solutions actuelles. Refuser le progrès, c’est clairement faire preuve d’un égoïsme forcené vis-à-vis des générations futures. Parallèlement, qu’il faille faire attention, éviter des débordements, c’est (et heureusement) tout à fait normal. Il ne s’agit pas de passer d’un extrême (l’immobilisme) à l’autre (jouer au docteur Mabuse), mais d’observer, appréhender, discuter, tester à petite échelle, réviser, recommencer dans d’autres conditions toujours sous forme de tests… Pour parvenir, on n’y coupera pas, à augmenter les rendements. Sans cette augmentation de rendements, l’objectif d’avoir une société sans cesse grandissante en réduisant sa part de pauvreté et de malnutrition est inatteignable.

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Les OGM, distorsion de concurrence Aujourd’hui, la situation est telle que l’on a arrêté la recherche en plein air en France, alors que de l’autre côté des Pyrénées, non seulement on est passé au stade de la production, mais déjà sur plus de 75 000 hectares. WikiAgri est allé enquêter en Espagne, a rendu visite à un producteur (lire ce reportage très intéressant pages 30 à 33). Il est passé de trois récoltes, dont une mineure, en deux ans, à quatre récoltes pleines dans la même période. Simplement en combattant la pyrale plus efficacement grâce au maïs ayant intégré un gêne anti-pyrale. Ce qui signifie qu’entre un céréalier français et un céréalier espagnol, il existe aujourd’hui une distorsion de concurrence de plus de 25 % de production. Parallèlement, le fait que les entreprises françaises ne puissent rien cultiver en France les rend vulnérables face à la concurrence, principalement américaine. Citons les noms : Monsanto a pris une avance considérable dans la recherche sur les OGM dans le monde, et donc dans le domaine des semences, en raison de l’acceptation de la société américaine et du refus parallèle de nos sociétés française et européenne – à l’exception de l’Espagne donc. Conclusion : ceux qui disent vouloir combattre la semence unique Monsanto la favorise en refusant tous les OGM sur notre sol. N’est-il pas temps d’envisager des cultures, de savoir où les positionner géographiquement, et comment s’assurer d’une juste cohabitation avec les autres cultures ? En d’autres termes, d’accepter aujourd’hui des OGM français cultivés selon nos critères, plutôt que d’être obligés demain d’utiliser des OGM d’importations dont, d’ailleurs, notre élevage se nourrit déjà en grande partie ?

Actualité sur les OGM C’est un hasard par rapport à la date de sortie de ce numéro, mais il se trouve qu’il existe parallèlement une actualité certaine sur les OGM, donc citons la. A l’heure où ces lignes sont écrites, le conseil d’Etat n’a pas encore rendu sa décision, mais il a été interpellé dans un rapport lui demandant d’annuler l’interdiction de produire du maïs BT 810 (celui produit en Espagne justement). La décision qui doit être prise, quelle qu’elle soit, aura le mérite de relancer le débat. L’Espagne, parlons-en Dans le reportage que nous faisons paraître sur les cultures d’OGM en Espagne, vous lirez aussi que la société espagnole a finalement accepté facilement que le progrès scientifique prenne le pas sur les réticences dites « écologiques ». Y compris, d’ailleurs, chez les « verts » locaux, relativement résignés face aux enjeux. Politiquement, un présidentiable se prononce en faveur des OGM Dans une interview publiée dans Les Echos, datée du 25 juin 2013, François Fillon s’est positionné en faveur des biotechnologies. Voici une citation de cette interview, après une question justement posée sur les biotechnologies : « La France a à la fois un passé, une expérience, une excellence, mais pour des raisons largement liées au principe de précaution, nous avons pris beaucoup de retard. Ce secteur d’excellence pour la France conditionnera vraiment le fait d’avancer ou pas dans le débat sur les OGM. Nous avons pris des positions très fermées via le Grenelle dans une sorte de « deal » de Nicolas Sarkozy avec les écologistes : le nucléaire contre les OGM. Mais qui peut dire aujourd’hui qua dans 50 ans, le nucléaire sera plus important que les OGM ? »… Nous ne faisons pas de politique à WikiAgri, nous relevons juste que le discours évolue vis-à-vis des OGM, y compris chez un éventuel futur candidat au potentiel de présidentiable. Antoine Jeandey

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RECHERCHE

Innovation L et futurisme Pl@ntNet est un projet mis en place par la fondation Agropolis en 2007. Elle a pour membres fondateurs le Cirad, l’INRA, l’IRD et Montpellier SupAgro. A travers ce projet, Agropolis tente de rendre la science de la botanique accessible au grand public via des logiciels, des applications et un partage d’informations numériques entre scientifiques, botanistes et particuliers. Le projet a débuté le 1er octobre 2009 et se terminera ce 30 septembre 2013. Depuis sa création, Pl@ntNet a mis à disposition du grand public plusieurs outils sur son site internet. Entre autres, des logiciels de reconnaissance des plantes, des logiciels de gestion et de partage d’informations botaniques, mais aussi une application, PlantNet mobile, présentée au Sia 2012. Il s’agit d’une application de collecte, d’annotation et de recherche d’images pour l’identification de plus de 800 espèces de plantes sauvages de la flore française métropolitaine. C’est un système d’identification automatique de plantes à partir de photos par comparaison avec des images d’une base de données botaniques. Il suffit de prendre en photo une plante et l’application se charge de l’identifier. Dans le cas de l’apparition d’une nouvelle espèce sur une exploitation maraîchère ou céréalière, l’agriculteur peut la reconnaître sans faire appel à des experts botanistes et sans perdre un instant. Actuellement diffusée sur iPhone, cette application est en cours de développement pour Android.

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Imaginé par l’entreprise japonaise TopCon spécialisée en technologie optique, CropSpec est un système de suivi des cultures en temps réel développé en coopération avec Yara International. Il permet de contrôler la couverture végétale d’une parcelle grâce à deux capteurs placés sur la cabine du tracteur. Ceux-ci utilisent des diodes à laser pulsé pour mesurer la réflectance des feuilles des plantes et déterminer leur teneur en chlorophylle. CropSpec mesure les niveaux d’azote grâce

au logiciel VRC, lui aussi créé par TopCon. CropSpec associe trois fonctionnalités. Il lit et enregistre les données de la couverture végétale à chaque passage et numérise le champ pour ensuite créer une cartographie des niveaux d’azote. Une donnée utile pour élaborer un traitement à taux variable immédiat et qui peut être sauvegardée pour une utilisation ultérieure. L’agriculteur peut effectuer le suivi de ses cultures dans le temps et créer des programmes de traitement spéciaux basés sur l’évolution de sa parcelle.

Associé à une console spéciale, le système peut aussi commander l’appareil d’épandage. Dans ce cas, l’utilisateur définit des points de mesures haut et bas et effectue en temps réel le traitement sur le terrain. La cartographie et les fonctions de journalisation permettent de récolter un maximum de données pour l’élaboration de documents : des cartes de suivi d’intrant déjà appliquée, les zones nécessitants un traitement particulier ou l’analyse des besoins à venir...

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: L’application PlantNet permet en quelques clics de reconnaître une grande variété de plantes. Tout le monde peut y contribuer.

Comment reconnaître une plante par l’image

L’optique pour traiter les cultures

Une source lumineuse, deux sources de profit

Grâce à des micro-lentilles invisibles emprisonnées dans des carreaux de verre, les serres seront peut-être capables de produire de l’énergie photovoltaïque sans pénaliser la photosynthèse des plantes cultivées sous abri. Photovoltaïque et photosynthèse ne font pas bon ménage. Et pour cause, l’opacité des panneaux photovoltaïques laisse peu de chance à des végétaux de pouvoir s’y développer dessous. Sous l’égide de l’Inra et en association avec plusieurs entreprises du pôle de compétitivité Capenergies (Bouches-du-Rhône), un projet de recherche s’attèle à mettre au point des carreaux de verre incluant des lentilles de quelques microns de diamètre tout en garantissant la transparence du verre. On oublie le panneau opaque et on passe à la vitre photovoltaïque baptisée Wysips (What you see is photovoltaic surface). Un prototype de 500 m2 devrait être opérationnel d’ici à fin 2013 sur le site de l’Inra à Sophia-Antipolis (Alpes-Maritimes). La vitre Wysips permet ainsi d’envisager la production d’énergie tout en maintenant la vocation agricole des espaces consommés. La production d’énergies alternatives telles que le photovoltaïque ou encore les micro-algues à la base des biocarburants de troisième génération sont en effet de plus en plus pointés du doigt pour la consommation d’espace qu’ils occasionnent. Cette innovation est d’autant plus bienvenue que la production sous serre est amenée à se développer. Dans un autre domaine, la vitre photovoltaïque Wysips pourrait faire office d’écran pour smartphone, assurant le rechargement de leur batterie.

Rubrique réalisée par Maxime Boutevin, Antoine Jeandey et Raphaël Lecocq

Le système a été créé afin de répondre à plusieurs problématiques : la réduction des coûts des intrants en appliquant la bonne dose au bon endroit, la création de cartes de prescription et la prescription et l’application en une seule passe. CropSpec n’est pas commercialisé en France actuellement. Mais d’autres marques proposent des technologies similaires intégrant la mesure optique, comme Claas avec le Crop Sensor Isaria ou Trimble avec le Greenseeker.

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Oz le robot

Très esthétique, Oz est cependant équipé d’outils et de fonctions très pratiques.

Oz est un robot de maraîchage capable de réaliser un désherbage mécanique de manière autonome. A l’origine de ce projet, l’entreprise Naïo Technologies. Une petite structure innovante créée en novembre 2011 par quatre anciens étudiants de l’Imerir (institut méditerranéen d’étude et de recherche en informatique et robotique, situé à Perpignan, dans les PyrénéesOrientales). Naïo se définit comme « une entreprise effectuant des travaux de recherche au profit de solutions robotiques appliquées à l’agriculture durable ». Dans cette optique elle a créé Oz. Un robot capable d’évoluer entre des rangées, constitué d’une plate-forme mobile électrique équipée d’un outil de binage et de capteurs électroniques. Oz mesure 40 centimètres de large et peut désherber des allées allant de 50 cm à 1,20 m. Il utilise des outils de binage adaptés au travail demandé et à la nature du sol, soc, multi-socs, herse étrille, bineuse à doigt… Avec une puissance de 440 W, il est capable de travailler la terre en surface, de porter une charge de 40 kg ou encore de tracter une remorque de 100 kg avec une autonomie de quatre heures de travail maximum. Il utilise des informations de proxy-mètres électroniques pour se déplacer. Cela lui permet de se repérer dans des allées « feuillues » d’au moins 10 cm de haut, et de s’arrêter en cas d’obstacles. Pour le guidage, une télécommande permet de choisir des programmes de fonctionnement (parcourir une seule allée, parcourir toute la parcelle, suivre une personne...), d’arrêter le robot à distance, ou bien d’en prendre le contrôle manuellement.

Serviable et écologique Selon Naïo Technologies : « Avec un désherbage manuel de qualité, Oz réduit la consommation de désherbant et l’exposition des exploitants à ces produits, tout en diminuant les risques d’apparition de troubles musculo-squelettiques. » Et Oz ne manque pas de ressources ! Il est également équipé de capteurs de données (température, pression, humidité,

Faim d’insectes, fin des céréales ?

L’élevage d’insectes pourrait se substituer aux céréales dans l’alimentation du bétail, voire dans l’alimentation humaine. Problème cultural et culturel.

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hygrométrie) et effectue des relevés d’informations géolocalisées régulièrement. Des données qui aideront les agriculteurs à suivre l’évolution de leurs cultures pour anticiper l’apparition de maladies et traiter au bon moment avec la bonne dose. Autres avantages, ce robot ne casse pas la structure naturelle du sol et évite le phénomène de compaction provoqué par les tracteurs ou le piétinement. Il roule lentement et peut donc passer plus près des cultures sans risque de les abîmer. Naïo conclut en déclarant que « Oz est rechargeable grâce aux énergies vertes, entièrement recyclable, convient à tous les types d’exploitations qui souhaitent réduire leur utilisation d’intrants chimiques et a été imaginé, fabriqué et assemblé en France ». Côté prix, le robot coûte 19 500 €. Destiné dans un premier temps aux cultures maraîchères, Oz est un exemple de robotique au service de l’agriculteur. Avec une bonne dose de développement (et d’investissement), il pourrait devenir un outil indispensable pour l’agriculture de demain.

Pour travailler dans des rangées de plus de cinquante centimètres, Oz peut être programmé pour faire plusieurs passages.

L’alimentation animale constitue le premier débouché des céréales. Problème : le rendement. Il faut 2 kg de protéines végétales pour produire 1 kg de volaille, 2,7 kg pour 1 kg de lait, 5 kg pour 1 kg de porc et 10 kg pour 1 kg de bœuf ou de mouton. L’élévation du niveau de vie dans les pays émergents engendre une augmentation de la consommation de produits animaux (viande, lait, œufs) et, par voie de conséquence, de produits végétaux. La France est passée par là au cours du XXe siècle. Pourquoi la Chine devrait-elle renoncer à la viande ? C’est là qu’entrent en scène des insectes, tels que les ténébrions, des vers de farine, pour apporter le complément protéique à la ration des base des ruminants.

Chaîne alimentaire C’est en tout cas ce à quoi s’emploie la start-up française Ynsect, fondée en 2011. Avec le soutien de l’Agence nationale de la recherche et de plusieurs partenaires (AgroParisTech, Inra, Irstea…), l’entreprise va se lancer dans la construction d’un bio- raffinerie pilote destinée à valider la concept de production de protéines à partir de vers de farine et de larves de mouches soldat. Une source de protéines dont le bilan carbone est bien inférieur à celui des élevages bovins ou porcins et qui, avec les farines de poissons, ré-autorisées par l’Union européenne mais refusées par la France, en ont mange d’autre. La société toulousaine Micronutris ne désespère pas quant à elle faire sauter de la chaîne alimentaire le maillon animal d’élevage, en proposant des vers ténébrions pour l’apéro ou encore des grillons au chocolat. Un petit choc culturel.

Rubrique réalisée par Maxime Boutevin, Antoine Jeandey et Raphaël Lecocq

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L’Etrion400 a été imaginé par une équipe de techniciens du service de développement Claas de Vélizy-Villacoublay (Yvelines).

Le tracteur Deuterium, imaginé par un designer indien est équipé d’un processeur intégré, d’un GPRS (General Packet Radio DR Service) pour un échange de données plus rapide et d’un moteur à hydrogène. Pour se déplacer dans les champs et réaliser des travaux à tout moment, il dispose d’un éclairage à 360 °, de capteurs qui gèrent ses mouvements, de cellules photovoltaïques, d’une caméra à vision nocturne et de capsules éjectables de taille réduite qui partent explorer et analyser le terrain. Mais il n’est pas le seul tracteur de cette trempe. D’autres ont déjà été présentés au public. C’est le cas de l’Etrion 400 de Claas et de l’Ants de Valtra, tous deux présentés

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à Agritechnica 2011. L’Etrion 400 (E pour électrique, T pour tracks, R pour rad soit « pneumatiques » en allemand, ION pour la terminaison des noms de produits Claas et 400 pour sa puissance), est équipé du système de chenilles Terra-Trac qui peut s’escamoter sur route. Selon Class, « l’Etrion se veut une source d’inspiration. Il met en scène un certain nombre d’idées intéressantes et très évoluées sur le plan conceptuel, mais il ne s’impose pas comme référence pour le design et l’équipement des véhicules de demain ». Ants est un tracteur avec châssis articulé d’une puissance de 200 kW fonctionnant principalement sur la base de commandes vocales. Les informations importantes liées aux travaux se superposent sur les surfaces vitrées de la cabine sous la forme d’un affichage HUD. L’électricité est produite différemment par des batteries, des piles à combustible ou par l’intermédiaire d’un moteur à combustion à base de biogaz ou de biodiesel. Les roues sont intelligentes avec une possibilité d’ajuster leur largeur à la surface de contact pour éviter de tasser le sol. Ants est aussi capable d’analyser la structure et la composition du sol et d’optimiser sa surface de contact en conséquence. Il n’existe aucune information concernant l’année de commercialisation de tous ces concepts. Pas encore produits ces tracteurs font rêver.

Pluviomètre, la nouvelle fonction des téléphones portables Il ne s’agit pas de la énième application pour Smartphone délivrant des prévisions météorologiques. Les réseaux de téléphonie sont aptes à mesurer les précipitations avec précision. Un nouvel outil au service de la gestion de l’eau. Cette découverte est à mettre à l’actif de chercheurs appartenant à l’Université de Wageningen et à l’Institut royal de météorologie des Pays-Bas. En 2011, ils ont analysé sur deux séquences de douze jours les signaux émis toutes les quinze minutes par 2400 antennes relais aux Pays-Bas. Sachant que la pluie crée une distorsion du signal, ils ont établi des cartes de pluviométrie en se fondant sur des mesures de signal entre deux antennes. Résultat : les cartes établies à partir de la distorsion du signal des antennes de téléphones mobiles correspondent aux cartes réalisées à partir des radars pluviométriques et des pluviomètres. Les chercheurs estiment que la mesure rapide et précise de la pluviométrie par les réseaux de téléphone portables, qui

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couvrent 90 % de la population mondiale, est de nature à optimiser la gestion de la ressource en eau, notamment en agriculture. Pour une raison simple : sur tous les continents sans exception, les relevés de pluviométrie font cruellement défaut, les chutes de pluies étant confrontées à la chute du nombre de pluviomètres en service.

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Les tracteurs et les machines actuels sont déjà équipés des dernières technologies existantes, contrôle de tâche, positionnement par GPS, automatismes, modulation de doses… Mais certains voient encore plus loin.

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Les tracteurs du futur

Le Deuterium n’est qu’un concept et risque de ne pas voir le jour avant longtemps, en cause, les technologies qui l’équipent sont aujourd’hui inabordables pour la production en série.

Les OGM utilisés dans un parcours agronomique

Nous sommes bien sûr dans l’anticipation, puisqu’il n’est aujourd’hui pas possible de cultiver des OGM en France. Mais si jamais, un jour… L’une de leur utilisation pourrait être de les cultiver dans un système rotatif : être deux années en conventionnel, avec des pesticides, et la troisième année avec des OGM, afin de surprendre les nuisibles au moment où ils vont commencer à devenir résistants aux pesticides et à obliger à augmenter les doses. Après cette année « pour nettoyer », on revient à la culture classique, en en profitant au passage pour baisser les doses de pesticides utilisés. Ou comment conjuguer OGM avec parcours agronomique environnemental… Rubrique réalisée par Maxime Boutevin, Antoine Jeandey et Raphaël Lecocq

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Le pneu qui respecte les sols

Cette technologie brevetée permet à Michelin de proposer des pneumatiques agricoles capables de fonctionner avec les taux de déflection les plus importants du marché. Les épaules sont renforcées pour assurer l’endurance du pneu malgré la forte déflexion. Le mélange spécifique à hystérèse réduite (le caoutchouc avec lequel les pneus sont conçus) limite les échauffements et le profil adopte un sommet plat pour réduire la compaction. Selon Michelin, grâce à UltraFlex, il est possible de jouer sur les vitesses et les charges en optimisant les pressions. A charge égale, elle autorise une pression moindre du pneumatique. Réciproquement, à pression égale, elle augmente la capacité de charge du pneumatique.

Le XeoBib a été le premier pneu fonctionnant à pression constante inférieure ou égale à 1 bar, quelle que soit la vitesse, dans les champs ou sur la route.

Toujours selon l’entreprise, que l’on augmente la charge ou la vitesse (jusqu’à 60 km/h sur route), la pression des pneumatiques utilisée est toujours inférieure à celle utilisée avec des pneus de technologie classique. Les sols sont préservés du fait de leur moindre compaction et conservent leur potentiel agronomique. De plus, la limitation des pressions, en maximisant l’aire de contact et en réduisant la pression au sol, réduit l’orniérage et augmente la traction sur sol sec ou humide. Initialement proposée pour des tracteurs de 80 à 220 ch sur le pneu XeoBib, la technologie UltraFlex s’est considérablement développée. Elle équipe depuis 2012 les engins agricoles de 80 à plus de 220 ch, mais aussi les pulvérisateurs et les engins de récolte.

Biomasse, une culture de miscanthus.

Exemple dans l’énergie. Fin 2013 ouvrira au Havre (Seine-Maritime) eco-Motion-France, la première usine française de production de biodiesel à partir de graisses animales, à l’initiative du groupe Intermarché et de Saria. Production prévue : 75 000 tonnes par an. Economie de gaz à effet de serre : 83 % comparativement aux carburants fossiles. Exemple dans les matériaux. Global Bioénergies, basée au Génopole d’Evry (Essonne) démarre une production pilote d’isobutène, de propylène ou encore de butadiène à partir de ressources végétales en lieu et place du pétrole pour produire du caoutchouc synthétique, du nylon ou encore du latex. Exemple dans la chimie verte. Fin 2012, l’amidonnier français Roquette (3 milliards d’euros de chiffre d’affaires) et le chimiste néerlandais DSM (9 milliards) cofondaient Rerverdia et inauguraient en Italie la première unité industrielle de fabrication d’acide succinique biosourcé, toujours alternatif au pétrole et entrant dans la composition d’une multitude de produits tels que films agricoles, habitacles de voitures, vêtements en élasthanne, emballages, chaussures, vernis, etc.

A.J.

Rubrique réalisée par Maxime Boutevin, Antoine Jeandey et Raphaël Lecocq

Le robot abeille pour suppléer le pollinisateur

Aux Etats-Unis, les ingénieurs de Harvard Microrobotics Lab ont mis au point un robot en forme d’abeille ayant pour fonction de polliniser les plantes, en lieu et place de l’original. DR Le robot existe, il vole comme un jouet téléguidé. En revanche, ce qui tient de l’anticipation, c’est son développement industriel : tant que les abeilles seront là, on préférera les préférera toujours à cette invention de l’ingénierie humaine. Mais, techniquement, la solution existe…

Economie bio-sourcée Exemple dans la pharmacie. Des biologistes de l’Université de San Diego en Californie sont parvenus à extraire d’une micro-algue (Chlamydomonas reinhardtii) des protéines complexes utilisées dans le traitement de certains cancers. Laboratoires de recherche et groupes industriels sont nombreux à explorer les ressorts du carbone « vert » dans ces quatre secteurs vitaux que sont l’énergie, la chimie, les matériaux et la pharmacie. Il faut dire que la ressource est renouvelable et donc inépuisable, ultra diversifiée et pas automatiquement en concurrence avec les usages alimentaires : algues et microalgues, bois, coproduits végétaux et animaux, déchets organiques agricoles, agroalimentaires et ménagers, déchets verts...Non contente de satisfaire de nombreux besoins de la vie quotidienne, la biomasse peut aussi jouer un rôle dans la dépollution des sols ainsi que dans le piégeage des particules fines présentes dans l’atmosphère et dangereuses pour la santé.

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Energie, matériaux, pharmacie, chimie verte : la biomasse ne manque pas de ressources, dans tous les sens du terme. Adieu pétrole, gaz, charbon ?

de soutien des politiques publiques et enfin à l’évolution du prix du pétrole et autres ressources concurrentes, compétitivité oblige. Les producteurs de biomasse alimentaire et non alimentaire ont de l’avenir…

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Michelin a mobilisé ses équipes de recherche et de développement pour concevoir la technologie UltraFlex. Ces pneus, présentés pour la première fois en 2005, se caractérisent par un profil de carcasse augmentant la zone de flexion des flancs.

On n’a pas de pétrole mais on a de la biomasse

La transition de la pétrochimie vers l’économie biosourcée sera liée au rythme des avancées scientifiques, à l’industrialisation des différents process, aux mesures

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L’autonomie totale, tracteur compris S’affranchir des contraintes de carburants, être autonome en énergie et participer à une agriculture durable. C’est ce que tente d’apporter New-Holland à l’agriculteur grâce à son projet de tracteur à hydrogène NH2 et à la ferme énergétiquement indépendante. Selon le constructeur, les agriculteurs disposent de quantités considérables de ressources permettant de produire de l’énergie. L’entreprise propose une solution pour rendre une exploitation autonome en énergie : la production d’électricité à partir de méthane et d’hydrogène. Pour cela, l’hydrogène est extrait d’un réservoir d’eau par électrolyse et stocké dans des citernes hautes pressions. Cet hydrogène sera ensuite converti en électricité grâce à des piles à combustibles. Autre possibilité, la méthanisation. Ce procédé permettrait à l’agriculteur, s’il est équipé d’un électrolyseur ou d’un méthaniseur, de produire l’énergie nécessaire au fonctionnement de son exploitation, mais aussi de ses machines. C’est ici qu’intervient le NH2.

Hélas, « le projet ne sera pas effectif avant dix ans, car les piles à combustibles ne sont pas encore abordables. Elles sont faites avec des métaux rares et précieux, les coûts sont excessifs et l’autonomie reste faible », explique Nicolas Morel, directeur du marketing NewHolland. L’électrolyseur et le stockage de l’hydrogène sont aussi des limites car ils demandent un gros investissement de la part de l’agriculteur. L’entreprise a donc choisi de mettre en place des projets intermédiaires. Elle prévoit de lancer d’ici la fin de l’année 2013 une série de tracteurs type T5 et T6 100 % méthane sur la base d’un moteur thermique. Et d’ici quatre ou cinq ans, un tracteur hybride fonctionnant au méthane et à l’hydrogène. Car il est plus facile de produire du méthane pour l’agriculteur et avec une autonomie plus intéressante.

La taille d’un tracteur permet une intégration du système à hydrogène plus simple qu’en automobile, avec le carburant produit directement chez l’utilisateur.

Le GDS est adapté au relevage arrière comme au relevage avant.

GDS

Cette version, la plus automatisée du système, est représentée par le GDS 3 Master Plus. Le système est totalement indifférent au type de tracteur et d’outil en présence. Il repose sur deux triangles mâle et femelle qui vont s’enchâsser l’un dans l’autre lors de la manœuvre d’attelage. Le triangle mâle est attelé sur le relevage trois points du tracteur et reçoit côté tracteur la liaison avec la prise de force et avec l’hydraulique. Le triangle femelle, soudé à l’outil, se substitue au système d’attelage d’origine. Il dispose de modules aptes à réaliser la connexion avec la prise de force et l’hydraulique.

Un projet encore inabordable

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Révolues les manœuvres d’attelage et de dételage des outils, fastidieuses et non dénuées de risques ? Peutêtre. Gangl Docking System, une toute jeune société autrichienne, a mis au point avec le GDS 3 un système qui affranchit totalement le chauffeur d’intervention dans cet espace très hostile que constitue la zone d’attelage. GDS comme Gangl Docking System, 3 comme les trois liaisons automatiques assurées par le système : liaison mécanique tracteur-outil, prise de force et hydraulique.

« Les recherches combinées en automobile et dans le machinisme agricole donneront lieu à une démocratisation du moteur à hydrogène, en rendant la construction de piles à combustibles moins chère et rendant cette technique abordable pour les agriculteurs. Le tout est de réussir à se passer des carburants fossiles », conclut Nicolas Morel.

Toujours testé sur la ferme autonome de la Bellota en Italie (Piémont), la première version du NH2, présentée au Sima 2009 avait une autonomie de 1 heure 30 pour une puissance de 110 ch. En 2011, il fut rejoint par une seconde version, d’une autonomie de 3 à 4 heures pour une puissance de 140 ch.

Les deux modèles, conçus sur la base d’un tracteur standard (la série T6000), sont équipés d’un réservoir d’hydrogène et de piles à combustibles transformant le gaz en électricité. L’hydrogène alimente deux moteurs (l’un pour la traction et l’autre pour la prise de force et les auxiliaires). Ce système permet au tracteur de n’avoir aucun réservoir à carburant diesel, pas de moteur à combustion interne, pas de tuyau d’échappement et pas de boîte de vitesses. La transmission est à variation continue via le moteur électrique. Le tracteur ne produit donc aucune émission et aucun bruit. Seule une faible quantité d’eau, sous forme de vapeur, est produite par les piles à combustible.

Attelage et dételage 100 % automatique

Lors de la manœuvre d’attelage, le triangle mâle vient s’enchâsser dans le triangle femelle. Les connexions se verrouillent après par une légère impulsion du relevage et la simple pression d’un bouton de verrouillage. Outre les avantages ergonomiques, le GDS 3 peut, selon les exploitations, amener à reconsidérer le nombre de tracteurs en parc. Le GDS Master Plus est vendu un peu plus de 4000 euros. Il est décliné en trois autres versions plus simples, correspondant à des situations où l’hydraulique et/ou la prise de force ne sont pas requis par l’outil. L’attelage trois points a été inventé en 1928 par Harry Ferguson.

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Rubrique réalisée par Maxime Boutevin, Antoine Jeandey et Raphaël Lecocq

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Les avantages de cette technologie sont importants pour les producteurs de céréales. Ils peuvent désormais inclurent les coproduits à leur prix de vente et ainsi dégager plus de valeur ajoutée. Les coproduits industriels, auparavant pas ou très peu utilisés et en quelque sorte gâchés, sont valorisés.

La production d’enzymes en laboratoires se fait de manière microscopique, puis à l’échelle de quelques kilos dans des fermenteurs.

A ce jour, Osiris a progressé dans la formulation de boissons bénéficiant d’allégations officielles et dans la lutte contre la fusariose. En alimentation animale, les recherches ont donné lieu à la création d’Avimalt, offrant des résultats intéressants en termes d’amélioration des rendements (à quantités égales de céréales ingérées, les ratios de production laitière ou carnée enregistrent des progressions de plusieurs points). Dans le domaine du bioéthanol, Osiris développe actuellement des biocatalyseurs dont les premiers tests confirment des gains de 3% de rendement. Des avancées majeures auxquelles d’autres viendront s’ajouter car le programme est lancé jusqu’en 2016 (lire aussi notre reportage publié dans WikiAgri Magazine n°5, page 20).

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Le groupe Soufflet, spécialisé dans la production végétale et sa première transformation, s’est largement engagé dans les biotechnologies. Son programme de recherche Osiris, qu’il a mis en place en 2008, ouvre de nouveaux débouchés aux ressources céréalières grâce à la fermentation en milieu solide. Cette technologie consiste à cultiver un micro-organisme dans un milieu solide faiblement hydraté composé de céréales ou de coproduits pour créer un biocatalyseur. Il s’agit de développer naturellement des complexes enzymatiques et nutritionnels riches, qui sont ensuite appliqués en milieu industriel.

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Les enzymes qui participent au gain de rendements

Gazogène, le retour ?

Le projet de recherche ValorPAC (rien à voir avec la Pac…) conduit par l’Institut des matériaux de Nantes, avec le soutien de l’Ademe, vise à mettre au point un gazogène, toujours à partir de la ressource en bois. Mais il ne s’agit plus de produire du monoxyde de carbone mais de l’hydrogène, lequel générera de l’électricité en étant combiné à de l’oxygène, selon le principe inverse de l’électrolyse de l’eau. Un premier démonstrateur, capable de produire 70 m3 d’hydrogène à partir de 100 kg de bois, est sur le point d’être mis en service. Il laissera la place, en 2015, à un premier prototype associant le gazogène à une pile à combustible. Les développements commerciaux sont attendus d’ici à moins de dix ans. Ce gazogène du XXIe ne devrait pas directementA.Jêtre embarqué à bord de véhicules, qu’ils soient routiers ou agricoles. La pile à combustible, en revanche, pourrait alimenter les moteurs de véhicules électriques sinon hybrides, un usage domestique n’étant pas à exclure en plus des développements à l’échelle industrielle. Le rendement énergétique, l’accès à la ressource en bois et le coût de revient de la technologie constituent quelquesuns des « bornes » de la technologie. Le stockage de l’électricité, impossible aujourd’hui, est un des défis énergétiques du futur face au développement des énergies renouvelables intermittentes (éolien, solaire).

Pour arroser mieux, arrosons caché Le goutte-à-goutte enterré a de nombreuses vertus technico-économiques, aux accents durables. En 2010, 74 000 exploitations ont irrigué 1,6 millions d’hectares. Le maïs grain et le maïs semence concentrent 41 % des surfaces irriguées, devant le blé tendre (8 %), le maïs fourrage et autres cultures fourragères (7 %), les légumes frais, fraises et melons (7 %), les vergers et petits fruits (6 %), le blé dur (5 %) etc. Les techniques par aspersion représentent 80 % des pratiques. La microirrigation reste encore limitée (5 %) mais en progression.

Le goutte-à-goutte enterré a aussi pour effet de courtcircuiter l’eau susceptible de faire germer les graines d’adventices avant d’assurer leur développement, éliminant ainsi tout risque de concurrence, sans passage d’herbicide ou d’outil mécanique. L’absence de gaines et de goutteurs en surface n’est pas le dernier de ses avantages : pas d’entrave au passage des machines, des outils et des hommes, pas de démontage, pas de réparations intempestives du réseau. Après avoir investi les vignobles et vergers, la technique, portée par des entreprises spécialisée comme John Deere Waters ou Netafim, se développe en grandes cultures, moyennant un investissement de 3000 à 5000 €/ha, pour une longévité de 10 à 15 ans. Rubrique réalisée par Maxime Boutevin, Antoine Jeandey et Raphaël Lecocq

Après les cultures spécialisées, Netafim déploie son goutte-à-goutte enterré en grandes cultures.

Le goutte-à-goutte enterré appartient à cette dernière catégorie. Il ressemble comme deux gouttes d’eau au goutte-à-goutte de surface (ou micro-irrigation) à ceci près que les gaines sont enfouies à une trentaine de centimètres dans le sol. Les racines et radicelles biberonnent ainsi les goutteurs dispersés le long des gaines, réduisant définitivement à néant les pertes par évaporation et par percolation. Résultat : l’enterré se révèle de 10 à 20 % plus sobre que l’aérien, déjà considéré comme économe.

DR

Dans le domaine des automoteurs agricoles, plusieurs pistes alternatives au gazole et au moteur diesel sont explorées par les constructeurs. On peut citer New Holland et le développement de son tracteur à hydrogène NH2 (lire pages précédentes). De son côté, Valtra expérimente une autre source renouvelable de biomasse que sont les effluents d’élevage, après méthanisation. Cette année, le constructeur a entamé la production en petite série du N101 de 110 ch en version Duel Fuel (gazole-biogaz) tout en développant le concept sur un T133 HiTech de 140 ch. Au Sima 2013, John Deere a récolté une médaille d’or pour son tracteur Multifuel. Celui-ci peut fonctionner avec différents types de carburants d’origine minérale ou végétale, seuls ou en mélange, dans un réservoir unique. Des capteurs apprécient les caractéristiques du carburant en présence, en en mesurant la viscosité, la densité, la permittivité et la température. D’autres capteurs assurent que les normes anti-émissions en vigueur sont respectées, le tout sous le contrôle d’un boîtier électronique dédié. Cependant, dans l’état actuel de la réglementation, ce type de tracteur ne pourrait pas être commercialisé en Europe pour des questions liées à des perceptions de taxes sur les carburants.

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RECHERCHE > INNOVATION ET FUTURISME

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Le tour de plaine en un tour de drone Les petits aéronefs téléguidés en font un peu plus que le tour de plaine. Mais ils devraient restés cantonnés à des missions d’information et non d’exécution de tâches. Détecter les problèmes parasitaires, géolocaliser des infestations de mauvaises herbes, cartographier la vigueur végétative des cultures, évaluer le stress hydrique, apprécier de degré de maturité des récoltes, repérer et préserver la faune sauvage trouvant refuge au sein des parcelles, étudier les profils de projets d’irrigation : telles sont quelques-unes des applications agricoles des drones et qui ne devraient pas manquer de s’étoffer dans les années à venir.

Henri Borreill, Pdg d’Exametrics, aux commandes de son drone.

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Un domaine dans lequel la France possède un petit tour d’avance. « En mai 2012, la France a autorisé l’exploitation commerciale des drones, contrairement aux autres pays membres de l’Union européenne ainsi qu’aux Etats-Unis, confie Henri Borreill, Pdg d’Exametrics. Il faut simplement déclarer son drone auprès de la Direction générale de l’aviation civile ». Basée à Rivesaltes (Pyrénées-Orientales), Examtrics est une des star-up qui commencent à essaimer sur le territoire national. « En un vol de 8 minutes, il est possible de prendre autant de mesures qu’un opérateur au sol en une journée, poursuit Henri Borreill. Pour les taches d’inspection, le drone retransmet le flux vidéo en temps réel, permettant une prise de décision rapide ».

L’imagerie aérienne : tel est le credo des drones. Avantages : une solution légère, réactive, précise, sécurisante et « environnementalement correcte » puisque mobilisant peu d’énergie et ne générant aucune nuisance sonore. Inconvénient : la nécessité de maîtriser l’interprétation des données collectées avant de les transcrire en décisions agronomiques pertinentes et judicieuses. Le drone et ses applications agricoles se positionnent donc comme un nouvel outil d’aide à la décision. Les coûts en jeu (quelques milliers à quelques dizaines de milliers d’euros) et l’expertise technique requise ne devraient pas faire du drone le nouveau « quad volant » de l’exploitation et encore moins le matériel exécutant les tâches, à l’image des drones militaires. Assurément, les drones et leurs capteurs embarqués devraient faire l’objet d’un service offert par les entreprises spécialisées, directement sinon en soustraitance par le biais de coopératives par exemple. Hors agriculture, la surveillance des forêts ou l’inspection des infrastructures (réseaux d’électricité, chemins de fer…) semblent porteurs d’activité.

Quand les farmers sont formés par des jeux vidéos

Ça existe déjà… Aux Etats-Unis, ça va bien finir par venir chez nous. Le site internet farmdefenders.org propose ainsi des jeux vidéos en ligne permettant de reproduire de manière très réaliste la gestion d’une exploitation… Mais ce qui différencie ce concept des autres jeux de ce type que nous connaissons déjà chez nous, c’est l’utilisation : pour la formation des futurs agriculteurs ! Ou plus exactement, pour la formation des consultants que le gouvernement américain met à disposition des agriculteurs du pays concerné, en l’occurrence en Afrique. Ce jeu met les joueurs en concurrence. Et si vous tombez sur un concurrent « imbattable », c’est peut-être parce qu’il s’agit… d’un véritable farmer !

Exametrics

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Rubrique réalisée par Maxime Boutevin, Antoine Jeandey et Raphaël Lecocq

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RECHERCHE VÉGÉTALE > Reportage en Espagne

Heureux comme un producteur au royaume des OGM

Entre semences de maïs classiques et semences OGM, pas de différence visuelle.

A. Sen

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ans la main gauche de José Luis, du maïs traditionnel. Dans sa main droite, du maïs OGM. Deux poignées de graines rouges : le profane ne voit pas la différence. L’exploitant agricole non plus. Il vient d’ouvrir deux sacs, et il assure qu’il est impossible de les distinguer à l’œil nu. Pour lui, l’essentiel est ailleurs. Son maïs Bt lui permet de réaliser une récolte de plus par cycle de production : au lieu de trois cultures en deux ans, José Luis Romeo passe quatre fois la moissonneuse sur ses parcelles. Alors qu’en Europe les OGM suscitent la controverse depuis leur apparition, alors que la France a toujours interdit de les exploiter en vertu du « principe de précaution », cet agriculteur espagnol de 48 ans observe avant tout… leur rendement.

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88 % des maïs OGM européens Romeo ignore la date exacte à laquelle il a commencé à semer des OGM. « Il y a 10 ou 12 ans », estimet-il. Pour lui, le maïs Bt est un produit comme un autre sur le catalogue des semenciers. « Ils m’ont proposé ce maïs de la même manière qu’ils me vendent leurs autres semences ». Avec une différence, tout de même, et de taille : le maïs OGM qui a convaincu Romeo résiste à la pyrale du maïs, l’insecte qui complique le travail des producteurs dans la vallée de l’Èbre.

Nous sommes à Monzón. La commune est plus proche de Tarbes (Monzón se trouve à 200 kilomètres, plein sud) que de Madrid ou de Barcelone. C’est là que se trouve l’exploitation de José Luis Romeo : 250 hectares au cœur de l’Aragon, une région du nord-est de l’Espagne. L’Aragon produit, avec la Catalogne voisine, 65 % des OGM du pays. 42 000 hectares de maïs Bt en Aragon, 33 500 en Catalogne en 2012, selon les chiffres officiels du gouvernement espagnol. Et l’Espagne, précisément, est à l’origine de 88 % de la production d’OGM de toute l’Union européenne. Les réticences d’une dizaine de pays européens et l’engouement des agriculteurs locaux ont abouti à ce résultat : l’historique royaume d’Aragon est devenu le royaume des OGM.

Combattre la pyrale À tout seigneur, tout honneur : la responsabilité en revient principalement à la pyrale. Un lépidoptère, un papillon de mœurs nocturnes, selon les spécialistes des insectes. Une plaie, surtout, dénoncent les agriculteurs, qui ravage les cultures de la région. « La chenille se développe dans la tige. Et quand le maïs pousse, dès que souffle un peu de vent, il tombe. C’est une véritable plaie, se lamente Romeo. Traditionnellement, on se défendait avec des insecticides, il faut effectuer deux ou trois traitements, louer parfois un petit avion… Ce n’est pas évident, car la pyrale se réfugie dans les tiges. Il faut sulfater

« Rien qu’avec les économies d’insecticides, je rentabilise l’investissement ».

Champ à maturité dans la région d’Aragon, proche du lieu de reportage (effectué avant cette maturité).

Photo fournie par la Fundación Antama, photographe Miguel Martorell.

lorsque l’insecte va procréer, mais entre le parasite et les œufs, plusieurs générations s’installent dans le maïs. Et avec l’insecticide, on tue tous les insectes, pyrales ou pas. C’est du poison garanti. » Sans compter la réglementation, très pointilleuse, sur les insecticides.

OGM coûte en moyenne 15 % de plus. « Rien qu’avec les économies d’insecticides, je rentabilise l’investissement », calcule Romeo.

Le maïs OGM permet d’éviter ce recours à l’arme chimique. Le maïs a été modifié afin d’incorporer le gène Bacillus thuringiensis (Bt). Derrière ce nom barbare, « une bactérie commune, que l’on retrouve dans la poussière et qui est utilisée par l’agriculture bio », assure Romeo. « Si la pyrale le mange, elle meurt ».

Mais l’essentiel concerne le cycle de production. Quand José Luis Romeo semait du maïs conventionnel, il réalisait une rotation de trois cultures

Monsanto a été le premier à insérer le gène de la bactérie dans un maïs traditionnel pour créer le maïs Bt. Il s’agit du seul maïs transgénique autorisé à la culture dans l’Union européenne. Le feu vert des autorités européennes remonte à 1998. Le géant agricole le vend aux semenciers, qui le proposent à leur tour aux agriculteurs. « On peut choisir le même maïs en version normale ou en version Bt », explique l’exploitant de Monzón. Plusieurs marques proposent du maïs transgénique : l’Américain Pioneer, l’Espagnol Fitó ou encore… la coopérative française Maïsadour, qui le réserve à l’exportation, moratoire oblige. « Tous les ans, les semenciers nous envoient leurs catalogues, avec les caractéristiques de chaque graine, établies selon des tests. En général, tous les agriculteurs veulent le même : le champion ! Cette année, c’est Pioneer qui gagne en cycle long, et Dekalb (Ndlr : de Monsanto) en cycle court », illustre-t-il. La version

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Quatre récoltes au lieu de trois en deux ans

en deux ans. Une première de maïs, une deuxième d’orge et une troisième de ray-grass. Car pour limiter les dégâts de la pyrale, il faut semer très tôt. « En avril, la plante grandit avant les attaques, et tu peux espérer pouvoir lutter contre la pyrale. Mais si tu sèmes plus tard, tu es sûr de devoir faire face à de grandes attaques », explique Romeo.

ZOOM

En Espagne, il est possible de cultiver du maïs OGM. Il s’agit même de l’un des rares pays en Europe dans ce cas. WikiAgri est allé chez José Luis Romeo, exploitant situé au cœur des zones de productions, et lui a demandé son fonctionnement.

Le maïs est utilisé pour le fourrage. « Légalement, il est apte à la consommation humaine, mais les consommateurs préfèrent des variétés plus sucrées. »

p Le credo de José Luis Romeo

A. Sen

48 ans, marié, deux garçons de 3 et 11 ans et un diplôme de droit. « On nous demande tant de paperasse que c’est devenu très utile ! », ditil à ce sujet. Pince-sans-rire, José Luis Romeo tente quelques plaisanteries avec la photographe, contrariée de devoir composer avec le mauvais temps. Lui compte la pluie en millilitres, ceux qui lui permettent de débrancher l’arrosage le jour de l’interview.

José Luis représente la quatrième génération d’agriculteurs installés sur la même propriété de 250 hectares. Il emploie entre 6 et 10 employés, selon la saison, pour produire à 80 % des céréales, dont 60 % de maïs. La luzerne, l’orge, le blé, le tournesol et la vigne (blanc et rouge) complètent les récoltes. Romeo élève également des brebis. Fervent défenseur des OGM, il ne parle jamais de « révolution verte » ; pour lui, les transgéniques sont simplement « un outil de plus ». « Le grand changement dans la région a été l’irrigation », dit-il. Dans les années 1970, le gouvernement espagnol a subventionné l’infrastructure. « On est passé de 1 500 kilos d’orge ou de blé par hectare à 15 000 kilos de céréales par hectare aujourd’hui. » Précision : cette multiplication par dix est due uniquement à l’irrigation, les gains de rendement directement impactés par les OGM étant d’une quatrième récolte en deux ans (lire l’article principal).

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RECHERCHE VÉGÉTALE > Reportage en Espagne

A. Sen

Le stock du grain sous hangar est annoncé par cette pancarte.

Depuis qu’il utilise le maïs transgénique, Romeo peut semer plus tard et planifier une rotation de quatre récoltes en deux ans : deux de maïs et deux d’orge ou de petits pois. Un tiers de production supplémentaire, « sans compter qu’il s’agit de récoltes plus rentables que le ray-grass ». Son maïs est utilisé pour le fourrage. « Légalement, il est apte à la consommation humaine, mais les consommateurs préfèrent des variétés plus sucrées. » L’exploitant agricole, juriste de formation, retrouve alors ses premières amours et se fait l’avocat des OGM. « Plus l’agriculteur produit, mieux c’est pour l’environnement ! », affirme-t-il. « On connaît la relation entre les cultures et l’absorption de CO2. Mais il se trouve que le champion de la transformation du CO2, c’est le maïs ! », s’exclame-t-il. « La moyenne est de 14 tonnes de maïs par hectare, une proportion qui monte à 18 ou 20 tonnes pour les meilleurs champs. C’est très efficace en termes environnementaux, et économiquement c’est très intéressant », reconnaît Romeo.

Des « zones refuges » La culture du maïs transgénique est identique à celle du maïs traditionnel. À une exception près : le besoin d’établir des « zones refuge ». Il s’agit

Gros plan sur les graines de maïs Bt OGM.

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secondes. Romeo, lui, voit dans le transgénique « l’avenir de l’agriculture ». Il cite un exemple. « La pomme de terre pourrait permettre d’en finir avec la faim en Afrique. Le problème, c’est qu’une fois qu’elle a poussé, elle a besoin d’une période de froid pour développer ses tubercules. » Un obstacle qui pourrait être levé grâce aux biotechnologies, s’enthousiasme Romeo.

de parcelles de maïs traditionnel qui doivent éviter que la pyrale ne développe une résistance à la bactérie Bt. José Luis tend un petit fascicule qui accompagne chaque sac de grains transgénique. Des petits dessins de papillons expliquent la démarche. Il est possible que dans les champs de maïs Bt, quelques pyrales survivent à la bactérie. Le danger, reconnaît le fascicule, est que ces « rares spécimens » transmettent ensuite cette capacité de résistance à leurs descendants. Pour l’éviter, des parcelles de maïs traditionnel doivent être maintenues. Ainsi, si une pyrale parvient à résister au Bt, le plus probable est qu’il s’accouple avec des insectes sensibles au Bt, la majorité de ses congénères réfugiés dans les champs conventionnels, et que ses descendants soient à leur tour sensibles au Bt. Les associations écologistes, toutefois, alertent de l’existence de plaies de pyrales résistant à la bactérie. L’agriculteur prend alors son autre casquette, celle de président de l’Association des agriculteurs probiotechnologie

Lorsqu’on lui demande si des agriculteurs français l’ont contacté, José Luis sourit. « On se réunit une ou deux fois par an, et on parle toujours des OGM. La pyrale est très présente dans le sud de la France, et vos producteurs de maïs sont un peu jaloux de nos OGM. » En Espagne, Mathieu de Taillac Toute première pousse de maïs Bt…

A. Sen

A. Sen

biotechnologies comme un outil, et nous voulons lutter à armes égales avec nos concurrents », défend-il.

« En France, vous n’avez pas le droit de produire des OGM, mais vous en importez, du soja notamment, pour alimenter les animaux.» (PRObio), qui regroupe des exploitants de toute l’Espagne. « Nous réclamons un accès libre aux biotechnologies », dit-il, un terme moins connoté pour parler des OGM. « Nous entendons utiliser les

A. Sen

Romeo se lève contre les restrictions aux OGM. L’Union européenne n’a autorisé que deux cultures : le maïs Bt, et une pomme de terre. « Aux États-Unis, ils ont un maïs qui résiste à la sécheresse, un autre plus vitaminé, un troisième plus nutritif… En Europe, on importe des tonnes de céréales transgéniques qu’on n’a pas le droit de produire sur place ! », s’indigne-t-il. « Du maïs, du colza, du soja, produits aux États-Unis, en Argentine ou au Brésil. En France, vous n’avez pas le droit de produire des OGM, mais vous en importez également, du soja notamment, pour alimenter les animaux. » La justification des autorités européennes est environnementale : il s’agit d’éviter que les cultures d’OGM ne contaminent les cultures traditionnelles, que le pollen des premières ne se mêle à celui des

Ces réservoirs verts servent à garder l’engrais.

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Société : l’Espagne, paradis des OGM ? Lorsque l’on interroge José Luis Romeo à propos des mobilisations contre les OGM, il balaie la question d’un revers de main. « Ici, ça n’a jamais été un problème. » Romeo n’a jamais croisé le moindre faucheur. Force est de constater que l’Espagne cultive 88 % des transgéniques européens, selon les chiffres du gouvernement. Et la tendance devrait continuer : 67 % des expérimentations à l’air libre effectuées dans l’UE ont lieu en Espagne, selon l’ONG écologiste Amigos de la Tierra. Et même lorsque Monsanto annonce qu’elle « cessera de défendre activement ses produits en Europe », l’entreprise nuance : elle restera présente dans les pays où les agriculteurs et les responsables politiques lui sont favorables ; autrement dit, l’Espagne et le Portugal. En Espagne, pourtant, les opposants aux OGM répètent les mêmes arguments qu’en France et ailleurs dans le monde. Ils soulèvent le débat de la santé publique, défendent la biodiversité et dénoncent l’oligopole de quelques grands fournisseurs.

La contestation existe, mais l’innovation prime Joint par téléphone, Tom Kucharz, responsable du département Agroécologie et Souveraineté alimentaire de l’association Ecologistas en Acción, parle d’« une différence de contexte ». Pour lui, les gouvernements espagnols, de gauche comme de droite, ont été plus sensibles au « lobbying » des pro OGM. Kucharz parle d’une « absence totale de conscience écologique » chez les deux grands partis politiques espagnols. Il concède également qu’« au départ, il n’y avait pas autant de mobilisation que maintenant ». D’autres activistes reconnaissent des erreurs à demi-mot. « Au début des OGM, personne n’avait entendu le mot ‘transgénique’ et la bataille du langage nous a échappé : l’opinion publique n’associait pas les OGM à quelque chose de négatif », explique par exemple un article de la revue écologiste Soberanía alimentaria, biodiversidad y culturas. L’article poursuit : « Au cours des 20 dernières années, la population s’est démobilisée. La société espagnole accorde beaucoup de valeur aux opinions scientifiques, qui sont à peine remises en question. » Kucharz se dit toutefois « optimiste ». Il cite le cas d’un riz OGM rejeté par les autorités régionales à Valence, après la mobilisation de la population locale. Il parle d’un engouement pour les débats sur la sécurité alimentaire, et évoque le succès grandissants des produits bios en Espagne. Un type d’agriculture, toutefois, que freinent encore des prix trop élevés pour l’Espagnol moyen : 80 % des produits bio espagnols partent à l’exportation.

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Agritel Apprendre

Pédagogie des marchés Vendre et acheter à terme pour gérer sa marge

Comment tenir compte du cours des engrais pour mieux vendre ses céréales à terme.

Sébastien Techer

Conseiller en investissements financiers

Le lancement des offres « mortesaison » sur les engrais azotés montre une nette détente des prix par rapport à la campagne dernière. Ainsi, les cours de l’ammonitrate, publiés pour le lancement de la « morte-saison », s’affichent en retrait d’environ 30 €/t par rapport aux prix pratiqués en morte-saison l’année passée. Autre illustration, les cours de l’urée et de la solution azotée qui ont également fortement baissé depuis le début de l’année. Parallèlement, les cours des céréales pour la récolte 2013 évoluent sur des niveaux rémunérateurs autour des 200 €/t en équivalent rendu Rouen. La question de la fixation de la marge pour la récolte 2014 est donc d’ores et déjà posée.

Les engrais azotés français sous pression de disponibilités importantes en urée

Avec des semis de printemps perturbés par des conditions climatiques froides et humides dans l’hémisphère nord, la demande en engrais azotés, et notamment en urée, a été quelque peu perturbée. Parallèlement, les importants stocks d’urée sur les ports chinois ont été de nature à faire pression sur les cours dans un contexte où les disponibilités sont également importantes sur le bassin mer Noire.

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inscrites autour des 200 €/t. En d’autres mots, un agriculteur peut dès aujourd’hui vendre du blé pour la récolte 2014 sur un niveau de 200 €/t en équivalent rendu Rouen. Ce niveau de prix est, en effet, bien en-deçà des niveaux de la campagne qui se termine mais sont toujours rémunérateurs d’où la question de commencer à fixer, dès maintenant, sa marge sur la récolte 2014. Un ratio dépenses en engrais/ recettes en céréales sur des niveaux relativement bas De manière à mettre en perspective le coût des engrais par rapport au prix du blé, nous avons retracé sur les cinq dernières années, le ratio dépenses en engrais/ recettes en céréales en prenant les hypothèses suivantes pour une exploitation type qui vendrait du blé de la récolte n+1 et achèterait l’engrais nécessaire à cette récolte le même jour : un rendement en blé de 8 t/ha.

Figure n°2 : Evolution des cours du blé cotés sur Euronext depuis 2002 (Source : Agritel)

Un apport de 180 unités d’azote par hectare avec 300 unités d’azote par tonne de solution azotée

Figure n°1 : Evolution des cours de la solution azotée (rouge) et de l’urée (vert) sur 1 an. (Source : Agritel)

La forte baisse de l’urée, marché directeur des engrais azotés, s’est ainsi répercutée sur notre marché français à l’image de la solution azotée qui a chuté de 50 €/t depuis le mois d’avril. Concernant les prix de l’ammonitrate, le constat est le même. La publication des prix de l’ammonitrate 33,5 révélait un net retrait en comparaison de ceux pratiqués en campagne dernière. Cette baisse des prix des engrais devrait réveiller l’intérêt acheteur des producteurs de céréales. Toutefois, pour aller plus loin dans la réflexion de la gestion de marge, il est important de voir quel prix peut être fixé pour la récolte 2014.

Le prix du blé pour la récolte 2014 reste rémunérateur

La campagne 2012/2013 a été marquée par une nette hausse du blé suite aux nombreux problèmes climatiques qui ont touché les principaux pays exportateurs. Toutefois, malgré une hypothétique détente du bilan mondial du blé pour la campagne 2013/2014, la baisse des cours en nouvelle récolte est limitée par les fortes tensions de fin de campagne. Dans ce contexte, sur le marché à terme d’Euronext, l’échéance novembre 2013 et par sympathie, l’échéance novembre 2014 restent

Concernant l’interprétation du graphique, plus le ratio est bas, plus le potentiel de marge est élevé et vice et versa. On constate assez nettement qu’aujourd’hui, ce ratio se situe sur les plus bas des 5 dernières années ce qui signifie que relativement aux cours du blé, le prix des engrais azotés sont peu chers. En conclusion, c’est dès aujourd’hui que les producteurs qui souhaitent s’inscrire dans une démarche de gestionnaire peuvent se poser la question de la sécurisation de leur marge pour 2014.

Figure n°3 : Ratio dépenses en engrais/recettes en blé sur les 5 dernières années. (Source : Agritel)

Réalisé par Agritel www.agritel.com

A.J.

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CERFRANCE Stratégie et Benchmark

Crise laitière, vers un printemps arable ? Arrêter le lait pour faire des cultures… Une question lancinante aujourd’hui qui mérite une analyse approfondie, pour les élevages ou les exploitations en polyculture élevage. Une crise au-delà du prix Comme toujours, la réponse la plus simple, si ce n’est simpliste, est de revendiquer une hausse prix du lait face à une hausse des charges. Par Alain Dans quel autre secteur économique, LE BOULANGER, est-il possible d’avoir un tel Directeur des études économiques CerFrance Normandie Maine raisonnement ? Au fur et à mesure des réformes de la Pac, l’économie laitière est entrée dans un marché libéral avec ses règles. Le prix du lait n’est plus administré par les pouvoirs publics via le fameux « prix indicatif » du lait mais issu du prix de marché des produits laitiers, qu’ils soient produits industriels (beurre, poudre) ou produits de grande consommation. L’indice de compétitivité avec l’Allemagne en est la preuve. Dans tous les cas, c’est un rapport entre l’offre et la demande, couplé pour certains marchés d’une capacité de négociation, le fameux rapport de force. Question rapport de force, il faut reconnaître qu’il n’est clairement pas à l’avantage des producteurs face aux transformateurs. Le même rapport de force s’exerçant aussi entre les transformateurs et la grande distribution, il semble alors difficile pour les premiers d’augmenter le prix du lait s’ils ne sont pas en mesure de le répercuter au niveau des seconds.

Un sentiment de perte d’autonomie La contractualisation, imposée à la hâte n’a pas permis aux producteurs de se structurer en organisations de producteurs d’une taille et d’un poids économique suffisant pour peser dans la mise en marché. Par ailleurs, au plus haut niveau on a prêté à cette contractualisation des qualités de garantie de prix qu’elle ne peut évidemment pas tenir. Ainsi, au-delà de ces fameuses promesses non tenues, la contractualisation a renforcé le sentiment de dépendance des producteurs de lait vis-à-vis de leur laiterie. Ce sentiment alimente aussi la dimension de crise, notamment vis-à-vis d’autres productions

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(céréales) où l’agriculteur est devenu un acteur dans la mise en marché en se positionnant sur un prix et un volume même si la transaction se fait via une coopérative ou un négociant. La contractualisation n’est toujours pas perçue comme un contrat commercial avec son client, mais comme une aliénation de droits, dans la mesure où les devoirs (saisonnalité, qualité, conditions d’accès de collecte, ..) poussent à une adaptation de l’acte de production laitière au cœur de l’exploitation : « Je ne suis plus maître chez moi. »

petites surfaces sauf dans un cadre d’une pluriactivité ou d’une diminution de la main d’œuvre. Si ces contraintes économiques et financières peuvent être levées, il reste à valider le projet sur le plan technique. C’est-à-dire les conditions pédoclimatiques des sols mais aussi l’obligation de compétence agronomique des exploitants. Car si la rentabilité actuelle des systèmes céréaliers est au rendez-vous pour tous (y compris pour des performances technico-économiques moyennes), le niveau de prix actuel des céréales et des cultures (supérieur à 200 € la tonne en blé) masque les défaillances techniques de certains. Les enjeux de réduction d’intrants et les évolutions à venir en matière de conduite technique et agronomique ne seront pas accessibles à tous les céréaliers. La compétence du chef d’exploitation et le complexe agronomique joueront aussi leurs rôles de barrière à l’entrée sur ce marché céréalier jugé attractif. Le raisonnement doit donc aussi s’opérer dans un autre contexte de prix : Par exemple à 160 € la tonne de blé, lorsqu‘on sait que le coût de production moyen en zone céréalière atteint les 180 €/tonne pour la récolte 2013.

Un rapport de force politique à défaut d’économique Si le choix d’arrêter le lait pour produire des céréales peut dans certains cas et sous certaines conditions être une réponse individuelle, on comprend que ca ne peut être une issue admise au niveau collectif par les responsables professionnels de la filière laitière. A défaut de pouvoir peser

économiquement, le rapport de force se déplace sur le terrain politique avec au programme : manifestations soit devant les laiteries, soit auprès des linéaires de supermarchés, et bien entendu au niveau du ministère de l’Agriculture qui organise une réunion entre les différents acteurs de la filière. La hausse pour quelques mois de quelques centimes sur le prix du lait de consommation ne saurait résoudre une telle crise. De réelles difficultés économiques, au-delà des problèmes de trésorerie, se posent durablement pour 20 % des exploitations laitières. Pour celles-ci, le prix lait ne pourra jamais être une solution, sauf à imaginer qu’il puisse dépasser les 450 €/1000 l, et que leurs coûts de productions ne deviennent pas proportionnellement inflationnistes comme on a pu l’observer dans certains pays. Si la crise laitière actuelle, est bien économique pour certains, elle est pour d’autres davantage une crise du sens du métier avec tout ce que cela peut regrouper : la visibilité et la confiance en l’avenir, le bien être du producteur du point de vue professionnel et privé, et notamment les conditions de travail et de repos, la relation à l’autre qu’il s’agisse de sa laiterie ou de son voisin, et bien entendu une rétribution décente. La référence actuelle au métier de céréalier est en ce sens davantage un révélateur de cette crise du sens de métier de producteur de lait qu’une perspective réaliste de conversion pour de nombreux éleveurs ou polyculteurs éleveurs. Réalisé par CERFRANCE www.cerfrance.fr

La crainte d’un printemps arable Outre ce sentiment de dépendance vis-à-vis de l’aval, le décalage avec le contexte céréalier du moment se fait également sur le triptyque investissement/temps de travail/revenu. Jamais les écarts en la matière n’ont été aussi conséquents. Plus qu’une crise du revenu laitier dans l’absolu, on assiste à une crise de revenu laitier relatif. La question « et si j’arrêtais le lait pour faire des cultures ? » se trouve posée dans tous les bassins laitiers et n’est plus réservée à quelques zones intermédiaires, faisant craindre « un printemps arable ». Cependant, si la tentation existe bien chez certains, la faisabilité technique et économique de cesser la production laitière pour une mise en cultures demeure étroite. La première « barrière » à la sortie de la production laitière est souvent d’ordre financier, notamment pour des structures ayant investi ou réinvesti il y a quelques années. La perspective n’est souvent envisageable que pour des structures en fin de période d’amortissement. En second lieu, cela concerne davantage les systèmes mixtes de type polyculture élevage. On envisage mal une exploitation laitière spécialisée se convertir du jour au lendemain à une production « céréales et grandes cultures ». Outre la nature du système, le facteur taille est aussi déterminant. Les arrêts concernent davantage les grandes structures en surface et donc souvent les plus gros quotas, car la perte de valeur ajoutée ramenée à l’hectare lors du passage d’une production laitière à une production de cultures n’est pas envisageable pour les

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Paroles d’entrepreneur

> Christophe Zugaj, responsable de la communication chez De Sangosse

« Nous conjuguons recherche de la compétitivité et agriculture durable » De Sangosse est une entreprise particulière, un fournisseur de l’agriculture 100 % français, avec ses propres salariés comme actionnaires majoritaires. Une histoire, un savoir-faire, la culture de l’innovation, pour une cible : le service aux agriculteurs. Entretien avec Christophe Zugaj, responsable de la communication.

Quelle est l’histoire de De Sangosse ? C.Z. : De Sangosse est né dans les années 1920 dans le sud-ouest. Au démarrage, c’est une entreprise familiale, qui porte donc le nom de ses créateurs. En 1989, suite au décès subit de son dirigeant, il y a eu ce que l’on appelle un RES, rachat de l’entreprise par les salariés. Depuis, nous sommes passés de 80 salariés pour un chiffre d’affaires de 70 millions d’euros à 610 salariés, dont 155 à l’étranger, pour 250 millions de chiffre d’affaires en 2012. Nous avons ainsi installé des filiales dans le Royaume-Uni, en Allemagne, en Italie, en Espagne, en Argentine, au brésil, aux Etats-Unis, en Australie, en Chine…

Christophe Zugaj et De Sangosse ont le biocontrôle bien en main !

A.J.

Comment présentez-vous De Sangosse à une personne ne connaissant pas votre entreprise ? C.Z. : Nous sommes un fournisseur 100 % français, puisque l’actionnariat salariés est majoritaire en détenant 78 % des parts de l’entreprise. La famille De Sangosse conserve toujours 14 %, et les 8 % restant émanent de partenaires des filières, Unigrains, Sofiprotéol et des banques. Nos métiers sont la protection des plantes, la nutrition des cultures, des semences, et la lutte contre les nuisibles.

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Comment expliquez-vous cette expansion ? C.Z. : Nous la devons au départ notamment à un produit, le Metarex (Ndlr : protection antilimaces) Puis nous avons diversifié nos activités en France et à l’international avec des marques ou des filiales comme Agridyne pour les adjuvants, Liphatech pour les anti-rongeurs, AgroNutrition pour la nutrition spécialisée des plantes et récemment la commercialisation exclusive de la nouvelle génétique Dow Seeds (4e pool génétique mondial) pour les semences de

maïs et tournesol en France. Notre croissance est le fruit d’une stratégie croisée gagnante entre territoires, acquisitions, domaines d’expertises, investissements humains et activités complémentaires. Aujourd’hui, la protection des plantes (conventionnelle et de bio-contrôle) représente 65 % de notre chiffre d’affaires, les anti-nuisibles 20 % et la nutrition spécialisée des cultures 15 %. Et votre succès auprès des agriculteurs ? C.Z. : De Sangosse apporte des solutions à des enjeux majeurs. Nous allons dans le sens de la compétitivité tout en adoptant une démarche éco-responsable. Nous mettons un point d’honneur à la durabilité des solutions que nous apportons aux problèmes rencontrés par les filières et les agriculteurs. Il existe plusieurs formes d’agriculture, mais pas une ne peut se passer de protection des plantes, qu’elle soit raisonnée, biologique, intégrée, production de terroir ou agro-écologie. Tous les modes de production sont légitimes et intéressants. Ils utilisent des produits pour la protection des plantes, avec pour objectif de produire en quantité et en qualité pour nourrir les hommes et les animaux. Sans protection des plantes près de la moitié des récoltes seraient perdues, ce chiffre est donné

« Sans protection des plantes près de la moitié des récoltes seraient perdues, ce chiffre est donné par la FAO. »

Herbicides, insecticides, fongicides, quelques-uns des savoirs-faires de De Sangosse. A.J.

par la FAO, et cela reviendrait à un gaspillage majeur, alimentaire et environnemental. De Sangosse est au service de toutes ces formes d’agriculture, apporte des solutions à chacune sans les opposer. C’est pour cela que nous ne développons pas un seul mode de protection et que nous explorons toutes les solutions, qu’il s’agisse de produits naturels et de synthèse, des techniques de la confusion sexuelle et des auxiliaires, ou encore des techniques culturales et autres services pour les agriculteurs (comme les outils d’aide à la décision par exemple). De quels moyens vous êtesvous dotés pour apporter ces solutions aux agriculteurs ? C.Z. : Notre pôle de recherche et développement est fort de 70 personnes aujourd’hui. Nous avons recruté dans les cinq dernières années une trentaine de docteurs ou ingénieurs. Nous sommes véritablement axés sur l’innovation. Sans innovation, on ne peut pas répondre aux intérêts du producteur comme du consommateur. Nos formulations

sont réfléchies pour être efficaces à la juste dose tout en diminuant leur impact environnemental. Ainsi, De Sangosse s’inscrit dans le cadre d’une agriculture française durable et compétitive, et encourage tous les types d’agriculture dont l’enjeu commun est de produire des produits de qualité et en quantité suffisante à un coût abordable pour tous, car elles répondent à des besoins et des attentes spécifiques de la part des consommateurs. Enfin, nous nous engageons auprès des distributeurs et des utilisateurs pour les aider au quotidien en mettant à leur disposition des outils de protection efficaces et respectueux de l’homme et de l’environnement. Globalement, nous soutenons une utilisation raisonnée des produits de protection des plantes car l’essentiel c’est la bonne dose, au bon moment et dans le respect des conditions d’emploi. Pourquoi vous êtes-vous étendu à l’étranger ? C.Z. : La forte croissance démographique mondiale positionne l’agriculture au centre

d’un défi majeur : couvrir et sécuriser des besoins alimentaires croissants dans les différentes régions de la planète. Cette dynamique se traduit par un développement accéléré du marché des agrofournitures. Par ailleurs, les attentes environnementales sont de plus en plus pressantes génèrent une demande de nouvelles solutions techniques au service d’une production éco-intensive. Dans ce contexte favorable, les opportunités de développement sont nombreuses pour les acteurs de la filière agricole. En tant que fournisseur de solutions innovantes de protection des cultures, De Sangosse souhaite ainsi développer un positionnement de leader sur ces marchés stratégiques. Vous le savez, nous serons 9 milliards d’humains en 2050. La réponse de la suffisance et de la qualité de la production agricole doit être apportée au niveau planétaire. En Amérique latine, en Asie, le potentiel de développement des cultures est réel.

Le centre de recherche et de développement de De Sangosse à Agen vient d’obtenir l’homologation du Colzactif. Photo fournie par De Sangosse

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Paroles d’entrepreneur

> Christophe Zugaj, responsable de la communication chez De Sangosse

Parlons de l’un de vos savoirs-faires, l’antilimaces… C.Z. : La limace est l’un des premiers prédateurs pour les cultures, « premier » également dans le sens chronologique du terme, qui intervient en premier au moment de la croissance de la plante. Ses dégâts peuvent être considérables, particulièrement avec des conditions météorologiques Comment utiliser au mieux l’anti-limaces, qui vont dans son sens, le conseil fait partie du service. avec beaucoup d’humidité. Il faut tout étudier pour apporter les bonnes développement, entre la découverte solutions à ce fléau : l’humidité de la substance active et l’utilisation du donc, mais aussi la température, produit commercial par l’agriculteur. l’ensoleillement, le vent, la nature Différentes étapes sont nécessaires des sols, les rotations, l’historique à franchir : études toxicologiques, de la parcelle… Mais aussi bien éco-toxicologiques, tests de connaître le ravageur, le risque, laboratoires, essais sous serres et la population, la fréquence… Et de plein champ, développement de ses préférences. Une limace suffit formulations. L’investissement est à détruire un mètre carré de très important pour les industriels, colza, il en faut 10 pour détruire les réglementations de en plus un mètre carré de blé. Et donner drastiques évoluent sans cesse des solutions de traitement pour le bien du consommateur final efficaces : plus l’intervention sera et les utilisations sont strictement encadrées pour l’agriculteur. C’est la raison pour laquelle nous sommes très fiers de présenter cette nouvelle gamme de produits qui vient d’être homologuée : la nouvelle génération d’appâts anti-limaces enrichis en co-formulants issus du colza, pour une protection renforcée des plantules. Ainsi, De Sangosse vient précoce, meilleure elle sera. Il faut d’homologuer huit produits sur prendre en compte les surfaces plus de 60 cultures avec la nouvelle aussi. Le tout, pour atteindre le génération d’appâts Colzactif (*). double objectif de rendement Mise au point dans notre centre de et de sécurité alimentaire. Les recherche, la nouvelle formulation cultures d’un champ ravagé ne Colzactif bénéficie d’une composition sont plus commercialisables pour originale et exclusive tirée du colza. les productions légumières par L’adjonction de ces composés exemple, c’est très important de rend l’appât particulièrement savoir combattre le ravageur. Le appétant pour les limaces grises tout dans un souci de responsabilité et noires, tout en renforçant et environnementale, nous sommes améliorant l’attractivité, la rapidité dans l’agriculture durable. d’action et l’efficacité, avec moins de métaldéhyde. Ces spécialités Lors du dernier salon des bénéficient aussi d’usages exclusifs Culturales, vous avez présenté avec, notamment, la possibilité un nouveau produit, les « d’intervenir dans les sept jours qui appâts Colzactif », nouvel précèdent le semis (en fonction de anti-limaces sur 60 cultures. l’activité limace) et en mélange avec Comment se passe une nouvelle les semences (si risque d’attaque homologation ? directe des graines). Au final, cette C.Z. : La mise sur le marché de formulation réduit les quantités de nouvelles solutions de protection des matière active appliquée, tout en cultures nécessite en moyenne 10 assurant un haut niveau d’efficacité. ans de travaux de recherche et de

« Une limace suffit à détruire un mètre carré de colza, il en faut 10 pour détruire un mètre carré de blé. »

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A.J.

Un mot sur le statut particulier de votre entreprise, l’actionnariat des salariés ? C.Z. : En se fondant sur un fort ancrage territorial, et la maîtrise de son capital grâce à l’actionnariat salarié majoritaire et la proximité avec ses clients, De Sangosse affirme son statut de société internationale en agrofournitures à capitaux 100 % français. Nous avons la maîtrise de notre capital, et donc de nos investissements, des ressources que nous réintroduisons dans la recherche et le développement pour pérenniser l’activité de l’entreprise. Notre mode de fonctionnement, nos valeurs partagées et l’importance de l’individu au sein de l’entreprise, nous apportent une vision spécifique de notre métier au service de l’agriculture. Nous sommes très présents sur le terrain, proches des préoccupations de nos clients et de leurs agriculteurs : nous sommes la quatrième force de vente en France dans le domaine de l’agriculture derrière les trois grands « majors ». Nous travaillons également au niveau régional avec des pôles de compétitivité, avec la recherche académique, les instituts techniques, la prescription, des universités et le réseau des instituts Carnot. De Sangosse se fixe comme objectif d’apporter une contribution significative à la compétitivité d’une agriculture moderne, et à générer de la valeur pour la filière en général, et ses clients en particulier. Propos recueillis par Antoine Jeandey (*)(Affut Tech®, Allowin Quatro®, Clartex Neo®, Elirex 110®, Helimax Pro®, Magisem Protec®, Metarex Ino®, Xenon Pro®).

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COMMUNAUTÉ WIKIAGRI

Le rendez-vous des agri-décideurs sur les Culturales 2013 Pour la première fois dans notre jeune histoire, WikiAgri était présent à un salon – les Culturales – avec son propre stand. Nous en avons profité pour organiser le « rendez-vous des agri-décideurs », avec plusieurs rencontres intéressantes à la clef. Les Culturales, c’est un salon de plein champ dédié aux grandes cultures, dont l’édition 2013 se déroulait début juin près de la commune de Boutervilliers, dans l’Essonne. Ces deux jours ont correspondu, aussi, aux premiers de beau temps après une période si longue de froid ou de pluie. Pour la première fois, WikiAgri y tenait un stand. Nous avons donc pu discuter avec les visiteurs, et en particulier, le premier soir, en organisant le « rendez-vous des agridécideurs », un apéritif offert à tous ceux qui se sentaient concernés par cette appellation. Une ambiance conviviale, un petit peu de monde… A découvrir par l’image.

Photos Jean-Marie Leclère et Antoine Jeandey

Une équipe chic et choc pour tenir le stand.

En journée, un flot continu de curieux. « Vous connaissez WikiAgri ? Non ? Alors venez, on vous explique qui nous sommes… »

Une brochette de personnages incontournables du net agricole ! De gauche à droite @remdumdum sur Twitter, @ChouetteAgile sur Twitter, @rdvagri sur Twitter mais aussi créateur de la page « les agriculteurs sont des bosseurs qui ne comptent pas leurs heures » sur Facebook, et @olivier_frey sur Twitter.

En particulier, Rémi Dumery et Gilles Bivaud, tout sourire.

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Sourire de mise aussi pour Yannick Pagès (créateur de WikiAgri), Maxime Boutevin (journaliste rédacteur de WikiAgri) et Hugues Desmet (Inter-Agri).

Le rendez-vous des agri-décideurs a permis des rencontres, comme celle entre les représentants de la marque Sulky-Burel, et l’agriculteur Rémi Dumery. Ce dernier a-t-il acheté ensuite un semoir ? En tout cas, il a désormais le bon contact pour trouver le bon outil…

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