WIKIAGRI fÉvrier 2015 | n°15
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Edito Sia - Sima, où va l’agriculture ?
L
es années impaires sont toujours intéressantes puisque le Sima, salon du machinisme agricole, et plus globalement adressé aux professionnels de l’agriculture, est organisé simultanément au Sia, salon international de l’agriculture, qui lui s’adresse au grand public. Avec ces deux salons, l’image de l’agriculture vis-à-vis de la société, et l’état de santé économique du secteur sont d’actualité. Une grande partie des médias généralistes ne vont parler d’agriculture qu’une fois dans l’année, ou presque, au moment du Sia. Tandis que les professionnels savent qu’ils trouveront une réponse à toutes, ou presque, leurs questions au Sima. Ce numéro spécial de WikiAgri est dédié à ces deux événements. Il s’adresse bien sûr, comme à l’accoutumée, d’abord et avant tout aux professionnels. Pour vous, nous évoquons ici les deux salons, mais aussi ce que vous y trouverez en matière de sécurité et prévention, ou encore un focus sur ces normes Isobus qui fleurissent si volontiers désormais sur quantité d’appareils. L’agronomie n’est pas en reste, avec notamment la problématique de la fertilisation azotée. Tandis que notre partenaire rédactionnel Agritel évoque les conséquences que l’on peut imaginer aujourd’hui sur les marchés agricoles suite au conflit russo-ukrainien. Enfin, pour revenir à un sujet qui fait le lien avec le grand le grand public, il apparaît que l’alimentation devient une valeur refuge en période de crise, comme celle que nous visons… Nous n’oublions pas l’image avec un portfolio sur la pomme de terre, de la récolte à l’envoi, en passant par le tri et le stockage. Autant d’éclairages, évidemment non exhaustifs, pour se faire une idée des évolutions de notre agriculture. Et aller au-delà de l’image donnée par l’ensemble des médias en cette période, déformée par le prisme trop caricatural du seul salon de l’agriculture…
La rédaction
Jean-Marie Leclère
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WIKIAGRI
Sommaire WikiAgri n°15 / FÉVRIER 2015
Directeur de publication Yannick Pages
Le savoir partagé
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Un magazine trimestriel centré sur une problématique, décryptée par des journalistes et des experts du monde agricole.
Rédacteur en chef Antoine Jeandey Rédaction Eddy Fougier Raphaël Lecocq Opaline Lysiak redaction@wikiagri.fr A participé à ce numéro AGRITEL
Un site internet communautaire fondé sur l’échange d’expériences. Rendez-vous sur www.wikiagri.fr
Dessinateur Michel Cambon Photographe Jean-Marie Leclère Publicité Tél. 06 89 90 72 75 | pub@wikiagri.fr Responsable commerciale Anne Messines Tél. 06 08 84 48 02 Mail : anne.messines@wikiagri.fr
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Code origine : wiki agri15
exceptionnel de lancement de : 19.90 € TTC au lieu de 34.90 € TTC
* Mentions obligatoires
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Sia Sima
P.7 à 9 - De l’importance des salons
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moteur
P.10 - L’Isobus en trois clics
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Sécurité
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Abonnement annuel 34,90€ TTC (4 numéros) Prix au numéro : 10€
Société : ................................................................ Mme Melle M. Nom* : .................................................................... Prénom : ................................................................. Adresse* : ............................................................... ............................................................................... CP* : ................. Ville* : ..................................................... Téléphone* : ........................................... E.mail* : ................................................. Surface agricole utile : ..............................
Cambon lui semble
P.6 - Le dessin de Michel Cambon
Conception graphique et maquette Notre Studio www.notrestudio.fr
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DATA PRO WIKIAGRI AUTORISATION N° 48690 4, IMPASSE DU FAUBOURG - 38690 LE GRAND LEMPS CEDEX Tél : 04 76 31 06 19 | E-mail : contact@wikiagri.fr www.wikiagri.fr
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P.12 et 14 - Face aux accidents, la prévention
ISSN ISSN 2258-0964 Dépôt légal A parution
Merci de nous retourner votre bulletin d’abonnement sans affranchissement à cette adresse :
Edito P.3
Consultant Média Bernard Le Blond - Vision bleue Tél. 06 83 92 08 61
Conseil éditorial Sylvie Grasser - Hiceo Tél. 06 32 75 11 94 www.hiceo.fr
Offre d’abonnement à WikiAgri
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AGRONOMIE
P.16 - Comment optimiser la fertilisation azotée
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Brèves des champs
P.20 - L’esquive pour les semis, désherbage.
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Pédagogie des marchés
P.22 et24 - Par Agritel - L’impact du conflit russo-ukrainien sur le marché des céréales
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PORTFOLIO
P.26 à 33 - Le grand spectacle de la pomme de terre : récolte, triage, stockage…
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reflexions
P.44 - L’alimentation, une valeur refuge en période de crise
Tirage 48 000 exemplaires (dont 45 500 expédiés) Le magazine WIKIAGRI ® est edité par la société : DATA PRO SOLUTIONS 20, rue Joliot Curie 38503 VOIRON
février 2015 | n°15 WIKIAGRI fÉvrier
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Le dessin
Cambon lui semble
SIA SIMA
De l’importance des salons Cible grand public pour le Sia, professionnels de l’agriculture pour le Sima, ces deux salons majeurs donnent de multiples informations sur l’état de santé de l’agriculture en France. Décryptage. Le Sima présente des matériels apparemment démesurés, mais appréciés des professionnels… Et de leurs futurs successeurs.
Le Sia, une vitrine bien arrangée Avec à peu près 700 000 visiteurs chaque année (selon des chiffres officiels qui sont modulés de telle façon qu’on ne puisse pas avoir ni une forte hausse, ni une forte baisse d’une année sur l’autre…), le salon international de l’agriculture (Sia) de la porte de Versailles est l’événement de l’année pour l’agriculture, repris par tous les médias. Pas un seul média n’a le droit de ne pas parler d’agriculture la dernière semaine de février… Mais tous n’ont pas le recul et les
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SIA SIMA
connaissances pour cela, d’où des sujets axés sur ce qui est montré directement sur le salon. Le salon est donc une énorme vitrine, mais particulièrement bien arrangée par rapport à l’image que l’on veut, plus que par rapport aux réalités de l’agriculture, ou des agricultures, avec toutes ses diversités. Certes, la variété des productions (animales, végétales…) est largement représentée, mais tout est policé jusqu’à l’extrême. Bien sûr, on comprend qu’il ne soit pas question de montrer des déchets générés par les pratiques agricoles. Mais il ne faut pas s’étonner non plus que le grand public ne puisse pas appréhender correctement les difficultés rencontrées par les agriculteurs, et qui conduisent certains jusqu’au suicide (deuxième profession la plus touchée après les policiers, ne l’oublions), uniquement avec cette vitrine, et les comptes-rendus médiatiques qui en sont donnés. En revanche, à travers certaines initiatives dans des stands, ou des animations particulières, le quidam un tantinet curieux parviendra à déceler des aspects plus singuliers de la profession… Mais la tendance
générale reste à une image globalement positive (tant mieux), mais pas vraiment réelle non plus (dommage).
Les politiques viennent pour gagner des points… et peuvent en perdre Toujours pour le Sia, on ne sait plus si les médias suivent parce que tous les politiques les plus influents de la nation y passent, ou si c’est l’inverse, si le passage des politiques devient obligé en raison de l’attrait des médias. Evidemment, la réponse est : les deux mon général. Les médias ont leurs chouchous (suivez le nombre de photographes dans les cortèges…)… Pas forcément les plus intéressants pour les agriculteurs, qui préféreront celui qui, plus discret, discutera volontiers en aparté. Pour les politiques, il existe ainsi deux catégories : ceux qui viennent pour la médiatisation (les plus « gros », toutes tendances confondues), et ceux qui n’oublient pas que le salon s’appelle « de l’agriculture »… Pour la première catégorie, le paraître est essentiel. Il faut rester un nombre d’heures
Le grand public au Sia ne voit qu’une image de l’agriculture souvent différente de la réalité.
minimal. Serrer les mains, discuter avec chaque exposant de manière visible, poser ostensiblement une question « de connaisseur » que l’on vient de se faire souffler à l’oreille par un accompagnateur zélé… Dans cet exercice, il y a peutêtre quelques points à gagner, mais il faut aussi éviter d’en perdre. Le fameux « casse-toi pauvre con » de Nicolas Sarkozy l’a poursuivi jusque dans sa défaite à la présidentielle suivante. Les autres politiques, ceux qui sont venus pour discuter avec des agriculteurs, sont souvent issus du terrain, ont obtenu leurs premiers mandats, jadis, en tractant sur les marchés, et sont donc à l’aise dans l’exercice consistant à passer de l’un à l’autre en prenant le temps de discuter. Le plus souvent, les agriculteurs le leur rendent bien en discutant volontiers avec eux, qu’ils soient ou non de la tendance politique représentée.
Ce décalage entre la vitrine et les décisions… Pour autant, toutes discussions sont souvent de façade. Boire le verre de vin devant les caméras n’empêchera pas le même politique d’aller voter contre la publicité sur internet des produits viticoles quelques semaines plus tard, loin de l’engouement médiatique, sans penser à ce que représente cette manne pour les vitis. De même, tous les hochements de tête compréhensifs quant aux problématiques posées par les professionnels deviennent, dès la sortie du hall, un « j’ai été bon hein ? » à l’adresse des accompagnateurs proches, davantage que « telle problématique, c’est du sérieux, il faut absolument qu’on fasse quelque chose… » Le fait même de la vitrine est souvent aussi, malheureusement, à l’origine d’un éloignement certain avec les réalités de l’agriculture.
Le Sima, démesure apparente, mais aussi réalité
A.J.
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De son côté, le Sima, à Villepinte, présente une tout autre image. Le profane y verra d’abord ces machines incroyables qui prennent
un espace fou, et obligent à marcher longtemps rien que pour passer d’un stand à l’autre. Mais cette démesure n’est qu’apparente, et dès que les renseignements sont pris, par exemple sur le prix de ces machines, alors les réalités apparaissent : là, on ne rigole plus, il devient rapidement compréhensible que de tels investissements méritent d’abord une analyse préalable, et ensuite un retour sur la rentabilité. Bienvenue dans le monde réel de l’agriculture, fini le verre de vin devant les caméras (ça n’empêche pas de l’apprécier par ailleurs), place à ce qui fait vivre l’agriculture. Les conférences organisées sont le plus souvent d’un haut niveau prospectif, les personnes qui tiennent les stands sont des professionnels davantage que des hôtesses (et non l’inverse, souvent, au Sia) et sont donc à même de renseigner réellement sur les avantages des produits proposés. Le Sima est aussi une vitrine, mais pour les professionnels, ça change la donne.
En marge, des chiffres comme autant de tendances En marge des salons, des chiffres sont souvent donnés. Passons sur ceux de la fréquentation sans trop de signification, pour nous intéresser à l’image de l’agriculteur auprès du grand public, sans cesse bonne en cette période. Mais la question sous-jacente est : de quelle image parle-t-on ? La vraie, ou celle que l’on donne au Sia, sensiblement différente tout de même ? Les professionnels préféreront les chiffres donnés au Sima. Ceux d’achats de matériels par exemple, qui donnent une vision de la santé et de l’envie d’investir des agriculteurs. Le Sima, le rendez-vous des marques avec les professionnels de l’agriculture.
A.J.
Plus il y a d’investissements, plus l’agriculteur croit en son avenir, c’est aussi simple que cela, même si évidemment des précisions sur les matériels achetés donnent des analyses plus fines. Par exemple, on sait aujourd’hui (à l’heure du bouclage de ce magazine, an mont du Sima donc) que les immatriculations ont baissé en 2014, des données en chiffres d’affaires et en précisions sur le matériel précis acheté en moins ou en plus ne manqueront pas d’animer les discussions au Sima. Antoine Jeandey
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Moteur
L’Isobus en trois clics Grâce à la normalisation, tracteurs, matériels attelés, moniteurs et logiciels d’exploitation peuvent désormais fonctionner de concert, en étant connectés les uns aux autres. Un site internet vérifie ainsi la compatibilité Isobus des attelages.
L
e site internet www.aefisobus-database.org est dédié à l’examen de la compatibilité Isobus entre les tracteurs du marché et les outils attelés. Il est l’œuvre de l’AEF, l’Agricultural industry electronics foundation, créée en 2008 à l’initiative de sept constructeurs (Agco, Claas, CNH, Grimme, John Deere, Kverneland et Pöttinger) et deux associations (l’allemande Vdma et l’américaine Aem). L’AEF assure le développement de l’Isobus et de la norme Iso 11783, un protocole standardisé et universel de communication électronique entre tracteurs et outils. La mise en ligne de la base de données, primée au Sima 2015 (citation), est l’aboutissement d’un chantier de normalisation ouvert en 1991. Le site contient toutes les informations importantes relatives à tous les matériels et équipements certifiés Isobus à ce jour. Accessible au départ aux constructeurs et aux distributeurs, la base de données est désormais ouverte aux agriculteurs qui, en quelques clics, peuvent configurer leur combinaison tracteur/ outil, constater immédiatement si la sélection est compatible et visualiser les fonctionnalités communes (lire l’encadré). L’absence d’un équipement dans la base de données signifie qu’il n’est pas certifié.
Smag
automoteurs, ouvrant la voie à l’interopérabilité entre systèmes. L’import / export des données s’opère par clé Usb sinon par liaison sans fil (Gsm ou Bluetooth).
Kverneland
La communication sans fil est précisément un autre domaine de travail de l’AEF, qui étudie la possibilité de connecter tracteur et outil sans câble et donc sans prise Isobus. Au Sima 2013, Claas avait obtenu une médaille d’or pur l’UT App, une application pour tablette se substituant au terminal Isobus embarqué pour prendre le contrôle d’une outil. Un concept repris par le fabricant de semoirs SeedHawk (Väderstad) avec l’Icon Wireless Control System. Raphaël Lecocq
L’isoMatchTellus de Kverneland est certifié par l’AEF pour les six fonctionnalités Isobus répertoriées à ce jour.
Un laboratoire français agréé
club fermé des quatre centres mondiaux de certification, constitué du Nebraska Tractor Test Laboratory aux EtatsUnis, de l’Isobus Test Center et du Dlg Test Center en Allemagne et du Reggio Emilia Innovazione en Italie. Spécialisé dans l’ingénierie de test et de qualité logicielle et soutenu par Axema, l’union de industriels de l’agroéquipement, le laboratoire Kéréval offre ainsi un accès privilégié aux constructeurs français désireux de faire certifier leurs matériels.
L’AEF rassemble aujourd’hui près de 200 constructeurs internationaux. L’association s’appuie sur des laboratoires spécialisés chargés de vérifier le respect de la norme par les constructeurs avant de certifier les matériels conformes. En 2014, un laboratoire français a rejoint le
Le fait de disposer d’un laboratoire certifié offre également à la France la possibilité d’organiser des « Plugfest », des speed dating technologiques au cours desquels constructeurs et équipementiers testent la compatibilité de leurs matériels.
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L’interopérabilité s’étend désormais aux logiciels d’exploitation grâce au format standardisé Iso Xml.
Consoles et logiciels de gestion compatibles La normalisation fait aussi son chemin dans le domaine des logiciels de gestion, avec l’adoption d’un format standard pour transférer les données de l’ordinateur domestique vers la console embarquée et inversement. Un temps rétifs à l’adoption du format Iso Xml, les éditeurs français de logiciels sont en passe de surmonter leur réticences pour le plus grand bénéfice des utilisateurs. Au Sima, Smag (anciennement MaFermeNeotic) a décroché une Citation pour le module PreciZion, une passerelle assurant le transfert de données entre ses logiciels de gestion Agreo et Atland et les consoles embarquées à bord des
Les différentes fonctionnalités de la norme Isobus A ce jour, l’AEF recense six fonctionnalités décrites par six abréviations : - UT ou Terminal universel : une console certifiée UT permet de prendre le contrôle de tout outil attelé lui-même certifié UT. - TECU ou Basic Tractor ECU : cet instrument fournit à l’outil attelé des indicateurs de performance du tracteur tels que la vitesse, le régime de la prise de force, etc. - AUX-O et AUX-N : fonctionnalité pour intégrer des commandes supplémentaires telles qu’un levier multifonction. AUX-O (ancienne version) n’est pas compatible avec AUX-N (nouvelle version) et inversement. - TC-BAS ou contrôleur de tâches de base : recueil des informations sur le travail réalisé avec importation / exportation sous format Iso XML entre l’automoteur et les logiciels de l’exploitation ; - TC-GEO ou contrôleur de tâches géo-référencées : pour recueillir des données spécifiques de position ou planifier des tâches géo-référencées. - TC-SC ou contrôleur de tâche Section Control : gère la coupure de tronçons appliquée aux semoirs, pulvérisateurs, distributeurs d’engrais…
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Sécurité
Face aux accidents, la prévention L’agriculteur est soumis à de multiples risques dans l’utilisation de son matériel ou de ses produits. Mais parallèlement, la sécurité et la prévention progressent.
les produits chimiques. Ainsi, l’étiquetage des produits devient obligatoire pour tous le 1er juin 2015, avec obligation d’écouler les stocks précédents avant le 1er juin 2017. Cet étiquetage CLP (classification, étiquetage, emballage, les initiales sont issues de mots anglais), devient la seule législation en vigueur en matière de classification et d’étiquetage des substances et des mélanges. Le CLP impose ainsi aux entreprises ces classifications, étiquetages et emballages de leurs substances chimiques dangereuses selon les normes en vigueur avant la mise sur le marché. Les normes en question visent à protéger la santé des utilisateurs, mais aussi l’environnement. Une recherche sur internet avec les mots clés « CLP 2015 » permettra à chacun de se familiariser avec le cas qui le concerne. Copie d’écran de la vidéo de présentation de John Deere pour le système d’attelage entièrement automatisé Autoconnect.
Photos : D.R.
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uoique l’on fasse, il existera toujours des risques, avec des machines énormes et lourdes, munies d’outils qui peuvent être tranchants, il y aura toujours une panne que l’agriculteur réparera lui-même, il faudra toujours utiliser des produits dangereux pour la santé… Pour autant, et même si l’on constate toujours, régulièrement, des accidents, des progrès ont été accomplis. A plusieurs niveaux. Celui des normes à respecter, mais aussi avec l’implication des
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marques, qui n’ont bien sûr aucun intérêt à vendre des produits chimiques qui seraient reconnus plus dangereux que d’autres, ou à livrer des engins ou matériels au maniement si compliqué qu’ils porteraient en eux un risque supplémentaire.
Des normes européennes harmonisées S’il est un domaine où l’Europe parvient à l’harmonisation, c’est dans la prévention pour
Par ailleurs, les AMM (autorisations de mise sur le marché, c’est l’acte administratif nécessaire avant la sortie de tout produit) intègre de plus en plus, au fil du temps, des normes sécuritaires. Ainsi, la protection du corps dans le maniement des phytosanitaires est devenu un souci essentiel.
En France, Ecophyto révisé Parallèlement, en France, le plan Ecophyto, récemment révisé, prévoit une baisse des phytosanitaires de 25 % pour 2020 et de 50 % pour 2025. Il s’agit à la base, selon les arguments
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Sécurité
Là aussi, les interventions pour tenter d’éviter les accidents viennent de différentes sources. Il y a près d’un an (en mars 2014), la MSA a ainsi publié une brochure (que l’on peut aussi facilement télécharger en ligne sur internet avec comme mots-clés son titre plus MSA) intitulée « J’entretiens mon tracteur » avec comme soustitre « tout savoir sur l’entretien de son tracteur ». Elle a été rédigée avec le Cemagref (centre national du machinisme agricole, du génie rural, des eaux, et des forêts), et donne de nombreux O.L. conseils et autres avertissements sur les pratiques à éviter.
De nombreux conseils pour l’entretien de son tracteur en évitant les risques sont dispensés dans cette brochure de la MSA que l’on peut télécharger gratuitement en ligne.
gouvernementaux (parfois contestés) d’environnement et de santé. Mais ce plan a un énorme défaut, il n’évoque que fortuitement des solutions alternatives pour conserver des rendements, et donc la rentabilité des exploitations agricoles. Ce qui rend ses objectifs difficilement respectables. Pour autant, au-delà des normes évolutives à respecter, les marques s’impliquent. Ainsi, vous trouverez sur le site internet de Syngenta de multiples conseils d’utilisation des produits phytosanitaires, y compris sous forme de vidéos ou tutoriels. Le même Syngenta organise également des stages « stewardship qualité de l’eau » expliquant cette fois en pratique les bons usages. De son côté, Bayer annonce clairement que ses efforts de recherche et développement sont axés sur la santé. BASF met le mot « durabilité » en avant dans ses messages, évoquant l’environnement, mais aussi la santé.
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Aujourd’hui, on a dépassé le stade minimal des dernières années (qu’il faut bien sûr toujours respecter), des locaux spécifiques pour conserver les phytos, d’équipements pour les manier… Les précautions d’utilisation ne sont plus seulement réglementairement demandées (elles ont d’abord été ressenties comme une contrainte, souvenez-vous…), elles sont mises à disposition des agriculteurs, par une marque, un distributeur, des conseils institutionnels des chambres d’agriculture ou autres…
Machines, éviter l’accident Pour les machines aussi, les normes évoluent. On le sait, l’agriculteur en pleine moisson ou en pleine récolte ne prendra pas le temps d’appeler un mécanicien en cas de panne : la clef anglaise à la main, il fera lui-même le job. Bien sûr, vous savez tous, a priori, comment vous y prendre, mais les risques demeurent.
Les marques aussi intègrent dans leurs innovations des nouveautés visant à préserver l’utilisateur du maximum de dangers. Elles sont désormais plusieurs à équiper leurs pulvérisateurs de cabines dites de catégorie 4, étanches, évitant au chauffeur de souffrir éventuellement d’émanations des produits phytos qu’il épand. Parmi les innovations récompensées au prochain Sima, la médaille d’or Sima Innovation Awards revient à une cabine panoramique proposée par Claas : plus aucun angle pour le chauffeur, maniabilité accrue, et donc, aussi, sécurité. John Deere n’est pas en reste, avec le système Autoconnect, qui permet d’atteler un outil traîné au tracteur de manière totalement automatique, sans descendre de la cabine : une manutention en moins, c’est plus de confort bien sûr, mais aussi des risques en moins. Sans parler du gain d’efforts, comme autant de fatigue en moins, donc d’attention accrue pour le reste de la journée. Berthoud aussi est primé avec une solution d’introduction des produits phytos dans les pulvés où, là encore, la sécurité prime… Et l’on pourrait citer d’autres exemples. Désormais, l’agriculteur est devenu friand de sa sécurité, et c’est tant mieux. Il dispose d’informations, et d’outils. Ou peut se les procurer, sur internet, auprès d’organismes tels la MSA, auprès des marques… Il ne faut pas s’en priver !
Antoine Jeandey
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AGRONOMIE
Comment optimiser la fertilisation azotée Coût des produits fertilisants, directive nitrates, exigences de qualité… La question de la « juste dose » est de plus en plus importante et mobilise agriculteurs, chercheurs et techniciens dans les grandes régions céréalières de France. Suivez le guide !
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l est possible d’optimiser la fertilisation azotée à plusieurs niveaux... D’abord en raisonnant la dose à apporter, en trois étapes. Calcul de la dose prévisionnelle puis fractionnement de cette dose pour apporter l’azote au plus proche des besoins de la plante et enfin ajustement de cette dose par l’utilisation d’outils de pilotage. Ensuite il faut opter pour la meilleure forme d’azote à apporter, et jouer sur les modalités d’apport (enfouissement, interaction avec l’irrigation…). Enfin, avec les pratiques pour maintenir voire augmenter sur le long terme la fertilité biologique et chimique du sol, via un enrichissement en matière organique et une stimulation de sa minéralisation.
Des outils de pilotage encore peu utilisés En complément de la méthode du bilan, les outils de pilotage apportent une meilleure précision de la dose à apporter. Ils reposent sur une interrogation de la plante par la mesure d’un indicateur pour déclencher un apport d’azote. L’outil le plus ancien est Jubil®, mis au point par l’Inra et Arvalis Institut du Végétal. Il repose sur la mesure de la teneur en nitrate du jus de base de tige du blé. Si la teneur en nitrate diminue, cela signifie que la plante va entrer en carence. La réglette contenue dans le kit Jubil® donne l’interprétation du résultat pour déclencher ou non un apport d’azote, en précisant la dose. Des
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mesures effectuées sur 186 essais conduits par Arvalis ont montré que le risque de s’écarter de la dose optimale est plus faible qu’avec la seule méthode du bilan. La malette Jubil® coûte entre 500 et 800 €. Le N-tester, distribué par Yara, évalue la teneur en chlorophylle de la feuille à l’aide d’une pince électronique. Cette mesure est corrélée au statut azoté de la plante et débouche sur une préconisation d’apport complémentaire fin montaison en fonction des besoins de la plante. L’utilisation du N-Tester associée à la méthode du bilan vise à réduire les risques de sous et de sur-fertilisation, se rapprochant ainsi de la dose optimale, mesurée a posteriori. Cette méthode est proposée sur blé tendre et dur, maïs, orge de printemps brassicole et pomme de terre. Un autre outil, développé cette fois par Borealis Lat, mesure la teneur en chlorophylle mais cette fois par reflectance. Dédié aux cultures céréalières, N-Pilot fonctionne grâce à un système de mesure optique qui analyse la partie du rayonnement lumineux qui a été réfléchi par les feuilles. L’outil se présente sous la forme d’un appareil portatif utilisé au champ qui analyse en 15 minutes plus de 14 000 plantes et fournit des analyses semblables à celles établies par les satellites et les drones. Les tarifs du N-Tester (1450 €) et du N-Pilot (2200 €) en font des outils fréquemment utilisés par les conseillers et techniciens (qui proposent souvent ce service sous
forme de prestation pour un coût de 20 à 40 € par parcelle), même si les agriculteurs eux-mêmes peuvent bien sûr se le procurer. Enfin, l’imagerie satellitaire peut aussi être utilisée pour mesurer la teneur en chlorophylle du couvert et la surface foliaire, qui sont interprétés en biomasse et en statut azoté du couvert... L’outil Farmstar® a ainsi analysé 700 000 hectares de colza, blé et orge en 2014 afin d’alimenter des modèles et fournir des préconisations du troisième apport d’azote.
Des formes d’azote plus ou moins efficaces
rapport à l’urée granulée et 20 centimes par rapport à la solution azotée). La solution azotée, forme d’azote la moins chère du marché, contient 50 % d’urée, 25 % d’ammoniac et 25 % de nitrate. Son application aboutit, à dose identique d’azote, à des rendements légèrement inférieurs en moyenne sur blé (d’autant plus que les conditions de valorisation des engrais azoté sont mauvaises), ce qui demande de majorer la dose optimale de 10 à 15%. Cette moindre efficacité s’explique par une plus grande volatilisation. L’application via un pulvérisateur garantit une bonne qualité d’épandage, mais il faut éviter les apports tardifs (risques de brûlures de l’épi ou du feuillage) et le stockage de la solution contraint les agriculteurs à s’équiper d’un bac de rétention. Enfin, l’urée granulée contient 46 % d’azote sous forme uréique. Elle doit d’abord être hydrolysée en ammoniac pour pouvoir être utilisée par les plantes. On observe une légère baisse d’efficacité par rapport à l’ammonitrate, en conditions sèches (volatilisation)…
Comparaisons
Le choix de la forme d’engrais azoté à apporter aux céréales repose souvent sur un compromis entre l’efficacité du produit, sa facilité d’utilisation et son prix. Ammonitrate, urée granulée, solution azotée sont les formes d’azote les plus utilisées.
Des expérimentations mises en place par Arvalis-Institut du Végétal ont permis de comparer l’efficacité de deux nouvelles formes d’engrais azoté, Nexen (Koch Fertilizer Products SAS) et Apex (Timac Agro).
La forme ammonitrate dosée à 27 ou 33,5 % d’azote total contient toujours 50 % d’azote sous forme d’ammoniac et 50 % sous forme de nitrate. Elle présente la meilleure efficacité, qui repose sur sa moindre sensibilité à la volatilisation ammoniacale. En cas de mauvaises conditions d’absorption par manque de pluie, l’azote reste donc en partie disponible dans le sol en attendant le retour des précipitations. L’ammonitrate est en revanche plus cher (d’environ 10 centimes par
Nexen est une urée granulée mélangée à un additif (NBPT) ayant la propriété d’inhiber l’hydrolyse de l’urée et donc de ralentir la transformation de l’urée en ammonium et ainsi limiter les pertes par volatilisation. Un mélange qui prodiguerait une meilleure efficacité par rapport à l’urée seule. Les résultats montrent que Nexen est aussi efficace que l’ammonitrate sur blé dur et blé tendre. En revanche, sur maïs, les essais ont connu de très bonnes conditions de
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valorisation des engrais azotés en 2013 et 2014 et il n’y a pas eu de différence d’efficacité entre l’urée et l’ammonitrate, sauf dans un essai (Sologne 2014) dans lequel le Nexen a été significativement meilleur que l’urée... L’Apex, engrais à base de sulfate d’ammoniac et d’urée, a bénéficié d’un processus de fusion, granulation et cristallisation. Cette étape est destinée à libérer progressivement les éléments dans le sol, ce qui, d’après Timac Agro, limiterait les pertes pour une meilleure efficacité. Les expérimentations ont montré qu’en conditions climatiques favorables Apex N23 et ApexN30 (deux produits de la gamme Apex) sont aussi efficaces que l’ammonitrate sur blé. Pour conclure sur la réelle efficacité de ces produits sur maïs, des références doivent être obtenues en conditions plus sèches Il y a des nouveautés (comme le Nexen ou l’Utec) qui sont très prometteuses, comme alternative à l’ammonitrate, ou en substitution à l’urée en conditions difficiles.
Quid des engrais foliaires ? Afin d’éviter les pertes, l’enfouissement est une technique intéressante mais peu pratiquées car elles nécessitent un équipement spécifique. Au chapitre des modalités d’apport, on peut mentionner les engrais foliaires, qui selon certaines firmes seraient beaucoup plus efficaces que les engrais classiques. Un rappel de physiologie végétale permet de comprendre pourquoi cela n’est pas possible : les stomates étant situés sous les feuilles, l’azote ne pénètre pas par les stomates mais doivent traverser la cuticule. Or, plus il fait sec, plus les lipides constituant la cuticule sont resserrés et moins l’azote peut passer. Ainsi, sur 30 à 60 % de produit intercepté par les feuilles, seul 50 % sont réellement absorbés par la plante. En fait, à dose équivalente, l’engrais foliaire est aussi efficace que l’ammonitrate, mais en étant bien plus cher. Opaline Lysiak
Optimiser le premier apport sur prairie Date N’Prairie, logiciel accessible depuis un smartphone, un ordinateur ou une tablette, a été récemment mis au point par Arvalis Institut du Végétal. Il donne l’estimation de la date du premier apport d’azote sur les prairies à base de graminées. Ce premier apport est essentiel à la reprise de la croissance de la plante dont le système radiculaire est encore peu développé. En renseignant son code postal, l’éleveur obtient la première dose d’apport qui correspond à la date à laquelle 200°C sont cumulés depuis le 1er janvier. Ce positionnement précis assure une production fourragère de qualité dès le premier cycle de croissance en fauche ou en pâture.
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SIA SIMA
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Brèves des champs Semis Décaler le semis pour esquiver les contraintes
Taupin
Arvalis
Les maïsiculteurs pratiquent l’esquive pour des raisons climatiques. Il s’agit d’éviter un stress hydrique pour la plante (qui peut entraîner des pertes allant jusqu’à 60 % de rendement en moins) en particulier à la floraison (stade qui détermine le nombre de grains de l’épi), mais aussi lors du remplissage des grains. Dans un contexte de restrictions d’eau de plus en plus drastiques, les producteurs souhaitent que la période où la culture nécessite les plus grands besoins en eau ne coïncide pas avec les interdictions
Désherbage
d’irrigation définies par des arrêtés. « Depuis une dizaine d’années, cette pratique est couramment utilisée par les maïsiculteurs de Poitou-Charentes. La sélection de variétés tolérantes au stress hydrique représente un levier d’action supplémentaire », rappelle Gilles Espagnol, ingénieur régional Arvalis-Institut du Végétal. De plus, des températures trop importantes lors de la floraison (succession de plusieurs jours où la température dépasse 32° C) pénalisent la culture. Un semis précoce permet au maïs d’effectuer son cycle en jours longs, il peut ainsi intercepter beaucoup de lumière, et avec des températures clémentes. En revanche, un maïs semé trop tardivement se développera vite mais sera mal enraciné, « étiolé », et produira moins de grains. On estime que les plantes semées à partir de mai auront des potentiels inférieurs (on perd de 1 à 1,5 quintal par jour de semis après le 15 mai). Le semis précoce développe en outre suffisamment l’épi assez développé pour qu’il ne soit pas sensible aux attaques de la deuxième génération de ravageurs aériens (pyrale et sésamie). Mais les semis trop précoces (mars) sont à éviter dans les situations d’exposition aux ravageurs du sol (taupins, scutigérelles).
Des nouveautés en post-levée Du fait des conditions très humides du printemps, la gestion des adventices concurrentielles du maïs fait face à un enjeu de taille aujourd’hui : limiter l’impact des herbicides sur le milieu aquatique. L’herbicide maïs de post-levée Monsoon® proposé par Bayer-Agri est composé de deux matières actives efficaces sur graminées jeunes et dicotylédones (thiencarbazone-Méthyl et foramsulfuron). Son large spectre vise à maîtriser les dicotylédones difficiles (renouée des oiseaux, renouée liseron, mercuriale) et d’adapter les stratégies dans les situations à risque de transfert dans les eaux de chloroacétamides. La spécialité Adengo®, également proposée par Bayer, est plus efficace sur dicotylédones que sur graminées. Utilisé plutôt en pré-levée, Adengo® devra être associée à de petites doses de chloroacétamides dans les zones où cette famille d’adventices pose problème.
de prélevée, procurant des niveaux d’efficacité et de sélectivité satisfaisants, mais lorsque les conditions sont réunies. Les adventices doivent être jeunes, sans vivaces (risque de fragmentation des rhizomes), l’état de surface doit être affiné et le sol ressuyé. La maîtrise de la météo est essentielle : pas de pluie les trois jours suivant le binage pour éviter les repousses. Enfin, le maïs doit être « poussant » afin de fermer rapidement les couverts. En cas de levées échelonnées des adventices, plusieurs passages sont nécessaires, ce qui augmente le temps de travail et diminue les chances d’avoir une fenêtre d’intervention favorable au passage de la bineuse. Rubrique écrite par Opaline Lysiak
Afin de limiter l’usage d’herbicides, le binage est envisageable. C’est un bon compagnon du désherbage
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Pédagogie des marchés
L’impact du conflit russo-ukrainien sur le marché des céréales L’Ukraine comme la Russie étant d’importants producteurs, le conflit qui les oppose a des répercussions bien au-delà de leur zone géographique.
Léopold Michallet
Conseiller en investissements financiers chez Agritel
Taux d'inflation en Ukraine 30 25 20
L’origine du conflit L’important conflit qui ronge l’Ukraine est en train d’avoir des conséquences irréversibles pour l’économie du pays, mais également un impact sur la scène internationale. Cette crise profonde que connaît le pays a commencé en novembre 2013 avec d’importantes manifestations, notamment sur la place Maïdan pour protester contre le choix du président Viktor Ianoukovitch de rejoindre l’Union douanière avec la Russie au détriment d’un accord d’association négocié avec l’Union européenne. A la suite de ces manifestations, un nouveau pouvoir est mis en place, dirigé par les leaders de l’opposition. La légitimité de ce gouvernement a été fortement contestée par la Russie qui a mis en alerte des troupes le long de la frontière début 2014. En mars de cette année, en Crimée, des hommes armés se sont emparés du siège de l’Assemblée régionale et Vladimir Poutine a obtenu du Parlement russe l’autorisation de pouvoir envoyer des forces armées
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Figure n°1 : taux d’inflation en Ukraine
(Source : Agritel)
Taux d'inflation en Russie 12 11 10 9 8 7 6 5 4 janv.-14
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Figure n°2 : taux d’inflation en Russie
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(Source : Agritel)
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Pédagogie des marchés
en Ukraine pour y assurer la sécurité des communautés russes. La Crimée a alors rejoint le territoire russe par referendum.
Du conflit à la crise économique Des sanctions sont mises en place de la part de l’Union européenne et des Etats-Unis à l’égard de la Russie, alors que l’Ukraine doit faire face à une grave crise financière à tel point que le Fonds monétaire international (FMI) vole au secours de l’économie du pays à coups de milliards de dollars. En effet, le groupe gazier russe Gazprom relève de 80 % au total le tarif de ses exportations de gaz vers l’Ukraine, qui passe de 268,50 dollars les 1 000 mètres cubes à 485 dollars. Le pays doit donc faire face une hausse générale des prix et à une perte de confiance dans la devise de la part des investisseurs, ce qui entraîne un effondrement de la grivna par rapport au dollar et à l’euro. La Russie souffre également de cette situation. Les sanctions économiques mises en place par l’Union européenne (gel des avoirs de personnes et de sentités liées à l’exécutif russe, restrictions commerciales sur le matériel et les technologies militaires, limitations de l’accès aux marchés de capitaux européens) limitent le développement des activités du pays vers l’Europe. Par ailleurs, l’économie du pays est fortement liée aux hydrocarbures et, avec une baisse de plus de 50 % des
cours du pétrole, les revenus de ce secteur sont en chute libre, privant le gouvernement d’une importante partie de ses ressources.
La crise économique entraîne la hausse des prix Dans ce contexte, en Russie, les prix des produits alimentaires ont augmenté de plus de 15 % en 2014. L’effondrement du rouble et l’embargo risquent encore d’accélérer la tendance et l’inflation pourrait atteindre 20 % dans les mois à venir. En Ukraine, l’augmentation du prix du gaz et la dépréciation de la grivna ont poussé le taux d’inflation à 24,9 % contre 0,5 % en 2013. Afin de limiter cette hausse des prix, ces deux nations qui représentent à elle deux, environ 18 % des exportations mondiales de blé, ont pris des mesures de restriction à l’exportation. En effet, ces économies souhaitent privilégier la baisse des prix sur le marché national, afin de limiter tout soulèvement de la population.
Des mesures pour endiguer l’inflation La Russie peut en principe exporter jusqu’à 18 millions de tonnes de blé sans nuire à ses besoins intérieurs cette année. Or, 16 millions de tonnes ont déjà été exportées depuis le début de l’année. Le Premier ministre, Dmitri Medvedev a signé un décret, fin décembre, visant à mettre en place une taxe qui s’élèvera à 15 % du prix du blé exporté plus 7,5 euros par tonne, mais qui ne pourra pas être inférieure à 35 euros par tonne.
Dans ces conditions, la compétitivité du blé russe est fortement remise en question et il sera difficile d’être sélectionné lors des appels d’offre internationaux. Cependant, même si les prix diminuent en interne, les prix du blé sur la scène internationale progressent, les opérateurs craignant que l’absence de la Russie à l’export limite les disponibilités. En effet, le commerce international pourrait être ainsi privé des 2 millions de tonnes russes. L’Ukraine est également en train de prendre la voie des limitations de sortie du blé du pays. Même si celles-ci ne sont pas officielles, le gouvernement aurait demandé aux opérateurs locaux de limiter leurs exportations à 1,2 million de tonnes de blé, pour les 6 prochains mois, alors que normalement le pays pouvait encore exporter 2,9 millions de tonnes. Dans l’état actuel des choses, ce sont 3,7 millions de tonnes qui sont remises en question.
Des inquiétudes sur la prochaine campagne La prochaine campagne inquiète, notamment en Ukraine où la hausse de prix pourrait impacter la future production de blé et de maïs. L’inflation touche les engrais, pesticides, et autres semences et le matériel agricole importé devient quasiment inaccessible. Selon certains opérateurs, les semis de printemps 2015 devraient coûter de 40 à 50 % plus cher que l’an dernier compte tenu de l’évolution de la devise locale. Parallèlement, les producteurs font face à des à problèmes d’approvisionnement en engrais. Les cultures de blé restent fragiles, aussi, en raison des conditions climatiques assez défavorables depuis la période des semis à la fois en Ukraine et en Russie. En effet, les semis ont été réalisés dans le sec et ont dû faire face à des vagues de froid importantes avec un couvert neigeux insuffisant. Si les engrais venaient, en plus, à manquer, la situation deviendrait pour le moins délicate…
A.J.
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Réalisé par Agritel www.agritel.com
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Tout commence par la récolte…
Portfolio Le grand spectacle de la pomme de terre
Récolte, triage, stockage… Bien d’arriver dans les cuisines les pommes de terre font l’objet de toutes les attentions, à commencer par celles du producteur, mais également de toute la chaine humaine qui suit. La pomme de terre, un grand spectacle ! Par Jean-Marie Leclère
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Nous sommes dans le Pas-de-Calais, sur la commune de Achiet-le-Grand, presque à mi-chemin entre Amiens et Lille. Sur ses 300 hectares de SAU, Julien Mahieu en a dédiés 65 à la pomme de terre. Une production très importante pour une exploitation qui compte quatre salariés permanents, plus deux à quatre saisonniers.
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PORTFOLIO > Le grand spectacle de la pomme de terre
La récolte !
Chargement d’un convoyeur.
Jour et nuit…
Panne d’un convoyeur, il faut redresser un élément.
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PORTFOLIO > Le grand spectacle de la pomme de terre
A peine la récolte effectuée, le jour même, il faut trier pour stocker dans les meilleures conditions. Un travail à la fois rapide et minutieux.
Le stock, impressionnant !
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PORTFOLIO > Le grand spectacle de la pomme de terre
Avant l’expédition, un dernier tri est nécessaire. Là encore, le geste est rapide, juste et précis.
Avant l’expédition, un dernier tri est nécessaire. Là encore, Dans le camion, prêtes partir ! le geste est rapide, justeà et précis.
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REFLEXIONS
L’alimentation, une valeur refuge en période de crise Alors que la tendance générale est à la baisse de la part des budgets des foyers dans la consommation alimentaire, la période de crise récente a vu un regain. L’alimentation, valeur refuge ?
L
a crise semble avoir durablement affecté la consommation des ménages français. L’année 2012 a même été historique de ce point de vue. Jamais la consommation en France n’avait autant baissé depuis le début des années 1960. Un spécialiste comme Philippe Moati, de l’Observatoire Société & Consommation, interrogé par Vitagora, parle d’« une montée de la déception dans la population visà-vis de la consommation depuis quelques années, ce qui a favorisé peu à peu l’exploration de nouvelles pratiques ou de pratiques anciennes revisitées qui expriment une envie de «consommer autrement» ». Qu’en est-il à propos de la consommation alimentaire alors que l’on ne fait que parler de « crise de confiance » vis-à-vis de la qualité de l’alimentation, du mode de production agricole et de l’industrie agroalimentaire ? Paradoxalement, les tendances en la matière semblent être plutôt réconfortantes. C’est en tout cas ce que révélait une étude de FranceAgrimer publiée en septembre 2014 sur le thème de « La dépense alimentaire des ménages français résiste à la crise ».
Une consommation alimentaire qui résiste Les dépenses des ménages français en matière d’alimentation figurent parmi leurs dépenses de consommation les plus importantes puisqu’elles se sont élevées à 139,7 milliards d’euros en 2013, soit 12,4 % du total de ces dépenses. Cela représentait une dépense de 2 131 euros par an et par personne. Si l’on y rajoute les boissons (alcoolisées et non alcoolisées) et les dépenses en services de
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Évolution de la part de l’alimentation dans le budget des ménages français depuis 1960, en pourcentages du total des dépenses de consommation Sources : FranceAgrimer / Insee.
restauration, on atteint alors plus de 230 milliards, soit 20,4 % des dépenses totales de consommation et 3 510 euros de dépenses par personne et par an. De 1960 à 2007, on a observé une baisse continue de la part des dépenses alimentaires dans l’ensemble des dépenses de consommation des ménages. Or, si la crise a affecté la consommation en général, cela a été moins le cas pour les produits alimentaires. A un point tel que la part de ces dépenses dans la consommation totale des ménages tend même à légèrement progresser depuis 2008. En 2013, cette part était ainsi au même niveau qu’en 2000. Comment expliquer ce phénomène ? On peut d’abord remarquer que les dépenses qui résistent le mieux dans un contexte de crise sont aussi des dépenses de première nécessité : alimentation et logement. Au-delà, FranceAgrimer explique cette évolution par le fait
que l’alimentation constituerait une « valeur refuge » en période de crise car elle permet de « conjuguer à la fois la nécessité (de se nourrir), le plaisir (de la table) et le lien social (convivialité autour du repas partagé) ». La crise a eu néanmoins un impact sur la composition de la consommation alimentaire en favorisant la consommation de pain et de céréales, de lait, de fromages et d’œufs, et enfin de sucre et de produits sucrés. Elle a néanmoins aggravé la baisse de la consommation de viande et de poisson et elle a affecté celle de fruits et de légumes. En ce qui concerne les boissons, les boissons chaudes, comme le thé ou le café, résistent, tout comme les boissons froides sans alcool (eaux, jus de fruit, etc.), tandis que les boissons alcoolisées ont pâti de la crise.
Eddy Fougier
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