WIKIAGRI OCTOBRE 2016 | N°22
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Édito Comment rendre son exploitation plus résistante aux crises
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oyons positifs ! Ce numéro de WikiAgri examine différentes pistes, à entreprendre soi-même ou encore de politique agricole, consistant à vous aider à rendre vos exploitations plus résistantes aux crises.
Il est désormais indéniable que lorsque la corporation agricole demande de l’aide, même avec d’excellentes raisons, elle agace l’opinion publique, et les décideurs. « Les agriculteurs se plaignent toujours, sauf les très bonnes années », entend-on fréquemment. Alors autant se mettre en position de n’avoir pas à demander, ou le moins possible : c’est l’état d’esprit de ce numéro. Cela réclame de repenser son exploitation, de savoir diversifier ses sources de revenus, mais aussi de participer aux débats qui visent à l’évolution des politiques agricoles : il est clair, par exemple, que l’actuelle Pac n’est pas adaptée aux risques encourus... Mais encore faut-il savoir comment la changer ! Un numéro atypique, anti crise, découvrez-le !
Antoine Jeandey Rédacteur en chef de WikiAgri
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Directeur de publication Yannick Pages
SOMMAIRE WIKIAGRI N°22 / OCTOBRE 2016
Rédacteur en chef Antoine Jeandey Rédaction Eddy Fougier Frédéric Hénin Raphaël Lecocq Céline Zambujo redaction@wikiagri.fr
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THÉMA
Dessinateur Michel Cambon Photographe Jean-Marie Leclère
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P.6 - Le dessin de Michel Cambon
Responsable commerciale Anne Messines Tél. 06 08 84 48 02 Mail : anne.messines@wikiagri.fr
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Conception graphique et maquette Notre Studio www.notrestudio.fr
Service abonnements 20, rue Joliot Curie 38500 Voiron Tél : 04 76 93 58 91
P.12 à 14 - Aides Pac et assurances, la boite orange ne doit plus être un tabou P.16 à 18 - S’affranchir des marchés mondiaux, les stratégies payantes pour les agriculteurs
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MOTEUR
P.24 à 26 - Semoirs et bonnes combines
Abonnement annuel 35€ TTC (4 numéros) Prix au numéro : 10€
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AGRONOMIE
P.28 et 29 - Un début d’automne technique
Site internet www.wikiagri.fr Impression SAS Imprimerie Leonce Deprez Zone industrielle de Ruitz 62620 Ruitz Tirage 30 000 exemplaires (dont 27 000 expédiés)
P.30 à 32 - Herbicides des céréales, comment se préparer à l’arrêt de l’isoproturon u
REFLEXIONS
P.34 - Innovation agricole, la révolution du bon sens
MAG
Les magazines
THÉMA
P.8 à 11 - Stop à la crise, on relance la machine !
P.20 à 22 - Pac 2020, pour une politique d’alimentation commune des 27
ISSN ISSN 2258-0964 Dépôt légal A parution
sont édités par la société DATA PRO SOLUTIONS, au service des agri-décideurs
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CAMBON LUI SEMBLE
Publicité Tél. 06 89 90 72 75 | pub@wikiagri.fr
Consultant Média Bernard Le Blond - Vision bleue Tél. 06 83 92 08 61
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EDITO P.3
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Ce numéro comporte 1 encarts sélectif AXE ENVIRONNEMENT et 1 encart YARA
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LE DESSIN
Cambon lui semble
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THÉMA
son exploitation plus résistante aux crises, il faut savoir, pour les polyculteurs être autonome en fourrage, pour tous être économes en intrants...
A.J.
Comment utiliser ses aides Pac ? Trop souvent aujourd’hui, elles servent à couvrir les charges. Or, le problème, c’est lorsque ces charges augmentent... Ou lorsque les aides sont versées tardivement, ou encore lorsqu’elles baissent. Le gouvernement français actuel, évidemment pour des raisons administratives – pas pour aller contre les agriculteurs, il s’est agi en fait d’avoir le temps de s’organiser avec de nouvelles règles – a dû demander à Bruxelles l’autorisation de verser les aides Pac avec retard. Ainsi, la Commission européenne a annoncé début juin qu’elle autorisait les Etats membres à repousser la date limite pour effectuer les paiements directs de la Pac 2015 du 30 juin 2016 au 15 octobre, sans pénalité européenne... Il faut ajouter à cela les baisses dégressives des aides Pac lors de cette Pac 2014-
2020, puisque le budget global est moindre, comme WikiAgri avait été le premier à vous l’annoncer. De fait, il vaut mieux ne pas compter sur ses aides Pac dans le budget de son exploitation, et les reverser quand elle viennent dans une enveloppe « investissements » par exemple, qui serait alors alimentée sans faire courir de risque à l’exploitation. Diversification, les bons modèles D’une manière générale, vous êtes déjà engagés dans une logique de diversification. Agronomiquement parce que la Pac vous y pousse, et même au-delà, lorsque l’on parle de diversification de revenus aux origines, aussi, non agricoles. Si vous êtes dans le nord de la France, on sait que les pommes de terre, la betterave ou encore le lin atténuent les pertes sèches. Plus dans le centre de notre pays, ce sont les féveroles qui ont la cote. Et ainsi de suite, en principe vous connaissez déjà, en tout cas vous avez les moyens de vous renseigner sur ce qui se fait dans votre zone géographique en matière de diversification agricole. Mais de plus en plus, vous optez
pour des diversifications sortant de l’agriculture. Sur wikiagri.fr, par une simple recherche par motsclés, vous trouverez des exemples précis : ces céréaliers qui louent des toilettes sèches, l’éleveur qui est chanteur de variété, un autre céréalier qui participe à des spectacles en tant que clown... Tout cela parait invraisemblable, mais ça existe de plus en plus, ces situations sont de moins en moins marginales... Les politiques recherchent de nouvelles sources de financement agricole, rien ne vous empêche, à votre échelle, en individuel, à faire de même... Et si Louis Bodin avait eu raison ? Dans le n°7 de WikiAgri Magazine, daté de mai 2013, Louis Bodin, scientifique et météorologiste de formation (en plus d’être présentateur de la météo sur RTL et TF1) avait déclaré aux lecteurs de WikiAgri : « Nous n’acceptons plus la nature telle qu’elle est.
Stop à la crise, on relance la machine ! « Les moments de crise produisent un redoublement de vie chez les hommes. » François René de Chateaubriand
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La crise, qui est concerné ? 2015 fut l’année de la catastrophe en élevage, 2016 est, en plus, celle des grandes cultures. Evidemment avec des variables : tout l’élevage n’est pas touché (qui a vu manifester les éleveurs des Alpes par exemple ?), ni toutes les grandes cultures (ce sont principalement celles au nord de la Loire qui ont dû faire face aux intempéries diverses et variées à l’origine de bien faibles rendements). Les éleveurs laitiers qui valorisent leur lait (avec des AOP ou autres appellations fromagères) ne sont pas soumis aux variations des cours mondiaux que les autres (pour conserver l’exemple des Alpes, les fournisseurs de lait pour du reblochon ou du beaufort sont finalement très bien lotis, en termes de prix, par rapport aux autres). Il
en est de même chez les céréaliers, ceux qui ont su diversifier leurs activités, qui bénéficient de salaires d’origines différentes dans le foyer, ou encore qui gèrent d’une manière telle qu’ils ont de l’épargne pour faire face aux mauvaises années, ceux-là s’en sortent manifestement mieux que les autres. La crise, comment en sortir ? Dans ce numéro, nous essayons de vous donner des pistes pour répondre à différentes questions. Ou comment repartir depuis des fondamentaux, penser à améliorer son exploitation, la rendre plus compétitive, améliorer ses rendements... En cessant par ailleurs d’espérer une fin de crise finalement hasardeuse (avec différents éclairages...). Pour rendre
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THÉMA
« Les hommes n’acceptent le changement que dans la nécessité et ils ne voient la nécessité que dans la crise » Jean Monnet
Pour parler de l’agriculture, il faudrait budgétiser par cycles de sept ans, en estimant obtenir 3 bonnes récoltes, 3 moyennes, et une année sans. Or, aujourd’hui, on ne l’accepte plus, et derrière on parle de réchauffement climatique comme explication. Je pense pour ma part que nous sommes sortis d’une logique de cultures en phase avec la nature. On ne peut pas demander des rendements équivalents tous les ans, tout simplement parce que la nature, elle, est sur des cycles différents. Mon avis est qu’il faut l’accepter, et revenir à une gestion plus proche de la nature. » Budgétiser par cycles de 7 ans, aujourd’hui, est-ce possible ? Le « bon sens »
de la remarque de Louis Bodin se heurte de nos jours aux espoirs de rentabilité absolue et à la crainte d’une année perdue. Mais de la même manière que des techniques nouvelles examinent l’état du sol et cherchent à obtenir des rendements sensiblement égaux avec moins de charge en machines ou en intrants, une telle réflexion par cycles ne fournirait-elle pas, en définitive, une excellente réponse face à, justement, ces mauvaises années ? Deux manières de pousser la réflexion : 1) A un niveau individuel. Là, il vaut sans doute mieux s’attacher les services d’un conseil pour cette gestion particulière, en discuter pour commencer avec votre banquier, voir peut-être aussi avec un centre de gestion, mais tout en pilotant vous-même la
réflexion (car aujourd’hui, il est peu probable qu’un centre de gestion vous incite à intégrer une année « sans » tous les 7 ans...). 2) A un niveau collectif. Puisque la réflexion est ouverte sur le future Pac à partir de 2020, pourquoi ne pas envisager des aides contracycliques plutôt que la convergence ? Un chantier à explorer... Les innovations de la reconquête Le mot « innovation » est souvent lâché, passe à toutes les sauces et, le comble pour sa signification, va jusqu’à prendre des allures de réchauffé ! Pour autant, les technologies évoluent réellement. Au sein de vos parcelles, pensez à toujours conserver un espace (pas le même chaque année, pensez
rotation) pour vos essais. Nouvelles semences, nouvelle méthode de conduite de culture, nouveau matériel – que vous aurez seulement loué pour l’essai – à tester... Les recherches en biotechnologies végétales parviennent à répondre de mieux en mieux à bien des stress, mais il faut aussi pouvoir vérifier chez vous comment ça fonctionne vraiment. L’utilisation des drones se démocratise. Les constructeurs trouvent chaque année de nouveaux équipements à la fois pour la sécurité, le confort, et bien sûr le résultat du travail... Sans oublier aussi des outils alternatifs, tels les simulateurs. Farming Simulator, pour en citer un qui a exposé au dernier salon de l’agriculture, est très attendu des jeunes en tant que jeu... Mais aussi par tous ceux qui veulent tester des matériels sur écran avant de le faire en vrai !
Le programmes agricole de François Fillon ambitieux, ceux d’Alain Juppé et Bruno Le Maire connus A l’heure où ce magazine est bouclé, seuls deux des principaux candidats à la présidentielle de 2017 ont présenté un véritable programme pour l’agriculture française. Chronologiquement, Alain Juppé a été le premier, à la fin du printemps. Selon lui, la « crise agricole est le symptôme de la crise française ». Soutien des prix, nouveaux cadres juridiques moins astreignants, allègements de charges... Tels sont les grands thèmes développés. De son côté, François Fillon, vraisemblablement aidé par le député européen Michel Dantin qui le soutient (et qui est considéré comme notre plus grand spécialiste de l’agriculture à l’échelon européen), a choisi le Space pour décliner son
programme. C’est alléchant, car l’agriculture est placée en priorité dans son projet global, visant le plein emploi en 5 ans ce qui ne peut s’accomplir que « si la France redevient le premier pays d’Europe, et si l’agriculture française retrouve son rang de première agriculture européenne ». Et il a un programme pour cela. Enfin, Bruno Le Maire parle d’agriculture dans le pavé de 1000 pages qu’il a servi en pâture en guise de programme. C’est un petit peu compliqué de s’y retrouver dedans dans la forme, mais pas inintéressant sur le fond : il souhaite promouvoir le système d’assurances, également une nouvelle loi agricole sur la négociation des prix. Vous retrouverez aisément nos articles sur l’un et l’autre sur wikiagri.fr. Et d’autres à venir bien sûr. A.J.
François Fillon a choisi le Space pour présenter un ambitieux programme pour l’agriculture française. A.J. A.J.
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STOP À LA CRISE
Aides Pac et assurances, la boîte orange ne doit plus être un tabou
plafond des minimis montre que le système est à bout. Il n’existe aucun dispositif de soutien suffisamment puissant pour apporter une aide efficace aux agriculteurs. Les Dotations pour aléas (Dpa) sont trop encadrées pour servir de soupape et remplir pleinement leur fonction.
« Les outils de régulation ont quasiment été tous supprimés. Or il semble que l’on va de nouveau vers un cycle de productions abondantes, avec des prix volatils et plutôt bas, ponctué d’accidents climatiques. Ce qui dément les risques de pénuries invoqués il y a quelques années », défend l’économiste. Les niveaux des stocks mondiaux de céréales sont au plus haut, et pour plusieurs années semble-t-il.
Trop vertueuse, la Pac met en danger les agriculteurs en ne les protégeant pas assez des risques auxquels ils font face. Les mauvaises récoltes de 2016 s’ajoutent à plusieurs années déjà difficiles dans de nombreuses filières.
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our les assureurs, 2016 sera une année test. La crédibilité à venir des contrats conclus avec les producteurs de céréales dépendra de la façon dont les pertes subies seront estimées et indemnisées, déclarait Christian Pèes, président d’Euralis à wikiagri.fr, en juillet dernier. Contacté, il dressait alors un premier bilan de la campagne de céréales à paille 2015/2016.
Ainsi, tel qu’il est conçu aujourd’hui, le volet assurantiel de la Pac n’est pas à la hauteur des risques croissants, supportés par les agriculteurs compte tenu des taux de franchise imposés. L’indemnisation prévue compense partiellement les manques à gagner. Et surtout, les agriculteurs indemnisés n’ont pas les moyens de redémarrer une campagne.
A vouloir être trop vertueuse, la Commission européenne livre les agriculteurs à eux-mêmes. Et les acculer à la performance pour tenter d’être compétitifs les rend, au final, particulièrement vulnérables face à tout accident climatique. Aux Etats-Unis et au Canada, la boite orange n’est plus un tabou. Les farmers sont beaucoup mieux soutenus car les mécanismes de soutien de leur revenu reposent sur une combinaison d’outils qui agissent à tous les niveaux de la production (aides contracycliques, prix, rendements, surfaces). « Certes ces soutiens publics sont distorsifs et classés dans la boite orange mais ils sont souvent plus en phase avec les besoins des agriculteurs, et en particulier les céréaliers, et aux risques qu’ils encourent », défend un expert de l’Apca. Les contrats sont financés par des cotisations et par des fonds publics modulables pour faire face à toutes les situations. Or en Europe, le budget agricole est annualisé. L’assurance indicielle connaît aussi ses limites. Pour les éleveurs, par exemple, la couverture des pertes est performante en période de sécheresse car les zones déficitaires en fourrages sont bien identifiées par satellite. Mais lorsque des
épisodes d’inondations surviennent, les mesures satellitaires ne permettent pas d’apprécier la qualité des fourrages produits et de distinguer les bons des mauvais, inutilisables.
Développer des outils de stabilisation de revenu, qui reposeraient sur le principe du FMSE, ne serait pas distorsif au titre de l’OMC. Les cotisations obligatoires versées alimenteraient un fonds et l’argent libéré pour indemniser les pertes serait compensé par des versements publics à hauteur de 65 % des fonds versés.
Les aides Pac sont versées sans conditions de revenu et constituent en soit un apport de trésorerie important sur lequel les agriculteurs peuvent compter pour financer leurs mises en cultures. Mais faute de volonté politique, la Pac ne permet pas de faire face à des crises à répétition. « Ces dernières années, on a tiré toutes les cartouches. On a déjà puisé tous les recours pour venir en aide aux agriculteurs car les crises et les mauvaises années se sont succédé », analyse Lucien Bourgeois, économiste et membre de l’académie de l’Agriculture.
« La succession de mesures prises ces derniers mois par le gouvernement (allègements de charges et de la Tfnb, Fac, reports d’annuités) s’ajoute à des indemnisations de nature diverses touchées très tard et sans souvent sans commune mesure aux pertes subies. Et ce, sans permettre aux agriculteurs de repartir du bon pied », ajoute l’expert de l’Apca.
Un dispositif à bout de souffle La proposition récente de Stéphane Le Foll d’étendre à 30 000 € le
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Le marasme auquel n’échappe aucune filière agricole survient alors que la profession et le gouvernement sont en pleine réflexion sur les dispositifs à mettre au point pour se doter réellement d’outils assuranciels performants.
Image symbolisant les boites verte, bleue, rouge et orange de l’Omc... La boite orange (soutiens internes) est peu usitée en Europe. Et pourtant...
Les minimis C’est une aide de faible montant accordée à une entreprise par l’état, les collectivités territoriales, entre autres. Compte-tenu du faible montant de ces aides, la Commission européenne considère que ce soutien ne fausse pas la concurrence. Par
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Pour les scopeurs, la messe est dite. Les récoltes sont les pires depuis trente ans. Et pour ceux d’entre eux qui ont souscrit un contrat d’assurance récolte subventionné (soit moins d’un tiers), le mécanisme d’indemnisation ne sera déclenché que pour des pertes supérieures à 30 %, avec un taux de franchise de 30 % sur le capital assuré. C’est la condition sine qua non pour ces contrats subventionnés par le budget européen ne soient pas assimilés, par l’Organisation mondiale du commerce (Omc), à des soutiens distorsifs (lire l’encadré).
Une combinaison d’outils à tous les stades de la production
ailleurs, le montant total des aides versées au titre du de minimis est plafonné par entreprise. Pour l’agriculture est elle plafonnée à 15 000 €.
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STOP À LA CRISE
Le débat pour l’après 2020 « La création d’une épargne de précaution obligatoire au niveau des exploitations permettrait d’introduire un caractère contracyclique à la Pac sans remettre en cause le principe de l’annualité budgétaire. Elle remplacerait la réserve de crise européenne, qui serait supprimée », défend le ministère de l’Agriculture dans un document intitulé « Une Pac réformée pour une agriculture compétitive durable et résiliente ». Il a été rendu public quelques jours avant le conseil des ministres européens de l’agriculture pour 2020 en mai dernier. Ce document de travail mentionne qu’une partie des aides directes reçues par tous les agriculteurs serait en fait mise de côté durant les bonnes années pour constituer une réserve mobilisable lors des années difficiles pour couvrir tous les risques. « Elle constituerait un instrument réactif permettant à l’exploitant de faire face à des aléas d’ampleur limitée ou jouant le rôle de relais de trésorerie en cas de crise, dans l’attente des
indemnisations intervenant à une échéance plus longue (assurance récolte, fonds de mutualisation sanitaire, outil stabilisation des revenus / chiffres d’affaires) », ajoute le ministère. « Mais aucun mécanisme ne remplacera un système de soutien d’Etat à l’américaine », défend Lucien Bourgeois.
part au débat sur l’avenir de la Pac de l’après 2020. Selon Agritel, il est temps de renforcer le dispositif assuranciel en incluant le risque sanitaire dans la couverture à l’assurance récolte, en réduisant le taux de franchise et en augmentant les crédits de financement. Parallèlement devrait aussi être développée et subventionnée l’assurance revenu et prix.
Les acteurs du privé confrontés aux réalités au terrain prennent aussi
Frédéric Hénin
Les subventions agricoles allouées par les Etats membres de l’Omc sont classées par couleur dans des boites. Dans la verte figure l’ensemble des aides découplées de la production agricole et par conséquent les contrats d’assurance soutenus par la Pac. Toutes les autres mesures de soutien sur les prix, ou directement liées aux quantités produites, entrent dans la catégorie orange ou bleue. Les aides classées dans la boite rouge sont interdites.
Rappel des boites Rouge : toutes les mesures visant à protéger les revenus des agriculteurs contre la concurrence internationale en leur versant des subventions
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Les subventions « Omc-compatibles », ou non
(strictement interdites). Orange : le soutien aux prix et toutes autres formes de soutien interne « ayant des effets de distorsions sur les produits et les échanges » (comme les aides proportionnelles aux quantités produites). Bleue : aides plafonnées (limitées) « étant normalement du ressort de la boîte orange et classées dans la boîte bleue si la mesure en question impose également des réductions de production aux agriculteurs ». Verte : aides n’ayant aucun effet de distorsion sur les échanges et la production de biens agricoles, financées par les fonds publics et ne faisant pas l’objet de soutien des prix (par exemple tout programme visant à protéger l’environnement).
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STOP À LA CRISE
S’affranchir des marchés mondiaux, les stratégies payantes pour les agriculteurs Les agriculteurs ne sont pas tous égaux face à la crise. Certains ont su développer des stratégies qui les affranchissent de la conjoncture. Mais les outils statistiques disponibles ne sont pas adaptés pour dresser un inventaire précis des exploitations qui s’en sortent. Le classement par Otex est dépassé.
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e n’est pas l’apocalypse mais la situation n’en est pas moins inédite. La crise gangrène les filières agricoles les unes après les autres. Au niveau macroéconomique, en plus du lait, du porc et de la viande, l’année céréalière 2016 est catastrophique. Au total, on s’attend à une baisse des exportations de 3 milliards d’euros. Dans les zones intermédiaires autour du bassin parisien, les scopeurs cumulent trois, voire quatre, mauvaises campagnes successives ! Mais les céréales ne représentent que 15 % de l’agriculture française. En grandes cultures, les récoltes de pommes de terre, de lin et de betteraves pourront en partie sauver la campagne de nombreux exploitants car les prix s’annoncent plus rémunérateurs que l’an passé. Dans un communiqué, l’Union nationale des producteurs de pommes de terre annonce un déficit de production de 10 % par rapport à la moyenne quinquennale. Or la demande de l’industrie de transformation est forte.
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Diversifier ses sources de revenus, une excellente manière de de venir moins vulnérable aux crises...
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En fait, comme toujours face à des situations de crise, les agriculteurs ne sont pas tous à la même enseigne. Il est fort vraisemblable que les pertes soient supportées par un nombre réduit de producteurs. Par exemple, ceux qui ont investi imprudemment au début des années 2010 ou encore les jeunes agriculteurs installés en 2011-2012, alors que les prix des céréales et des actifs repris étaient
au plus haut. Leur programme de développement et leur plan de financement n’intégraient pas des hypothèses de prix aussi bas. Les céréaliers en fin de carrière, en phase de décapitalisation, ne sont pas non plus en reste. En conséquence, il faut apporter davantage d’aides ciblées pour soutenir les exploitations les plus touchées. La situation actuelle révèle, une nouvelle fois, les failles de l’agriculture française alors que le potentiel agricole de la France est largement sous exploité. Dans le contexte actuel, il ne suffit pas d’être compétitif pour s’en sortir, mais aussi être résistant. En productions animales, les éleveurs laitiers détenteurs de troupeaux de race mixte sont moins touchés par le niveau du prix du lait car la viande reste un sous produit encore valorisable (bêtes plus grosses, et meilleur classement). Ceux qui se sont lancés dans la production de produits fermiers se sont quasiment affranchis du marché. L’autonomie alimentaire est aussi un facteur déterminant pour faire face à une conjoncture déprimée. Dans les zones labellisées, les prix agricoles restent corrects et les agriculteurs qui transforment leurs produits à la ferme préservent leur valeur ajoutée.
Comme toujours face à des situations de crise, les agriculteurs ne sont pas tous à la même enseigne. Il est fort vraisemblable que les pertes soient supportées par un nombre réduit de producteurs. agricole européenne est commune, mais pas la politique sociale ! Par ailleurs, l’agriculture française reste très dépendante des importations en protéines végétales même si le développement des agro-carburants a réduit considérablement ses achats de tourteaux. Cette année, les prix du colza se tiennent mieux que ceux des céréales car les débouchés existent. La Pac explique en partie la vulnérabilité de la ferme France. Les orientations prises en 2014-2015 n’ont pas été assez influencées par la question de l’emploi, par la création de valeur ajoutée et par la valorisation de la production de protéines végétales. « Et quant à la dérégulation des marchés, les agriculteurs en paient très cher les conséquences », soutient Lucien Bourgeois.
Vulnérabilité et déficits commerciaux
S’affranchir pour s’en sortir
« La diversification de la production peut aussi être envisagée au niveau de la ferme France », défend Lucien Bourgeois, économiste et membre de l’académie de l’Agriculture. « Notre pays a renoncé à être autosuffisant en fruits et légumes. Le déficit commercial est même quelque peu scandaleux (1,8 milliard d’euros sur les six premiers mois de 2016). » Des milliers d’hectares ont été arrachés ces quinze dernières années. Les problèmes d’organisation des filières, la réglementation appliquée plus stricte que chez nos voisins et surtout, les distorsions sociales expliquent ce déséquilibre commercial croissant. La politique
Toutefois, de plus en plus d’agriculteurs adoptent des stratégies qui les rendent indépendants de la conjoncture des marchés agricoles. Ce qui leur assure un revenu.
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Analysée dans son ensemble, l’agriculture française est même capable d’augmenter sa valeur ajoutée plus rapidement que ses charges. Ce que ne reflètent pas souvent les estimations de revenu publiées par Otex.
non salariés, c’est-à-dire de ce qu’on nomme les exploitants agricoles, aurait progressé de 16 % selon l’Insee en 2015 après une croissance de plus de 20 % en 2014 ! Plus de 40 % en deux ans ! Cela compense largement la forte baisse de 2013 et devrait créer l’euphorie », écrivait Lucien Bourgeois (Les revenus agricoles : pilotage sans visibilité). Or il n’en est rien. Pourtant, la bonne santé du marché foncier montre les agriculteurs ont confiance dans l’avenir puisqu’ils achètent des terres. « En fait, la situation actuelle des pouvoirs publics ressemble un peu à celle d’un garagiste traditionnel qui continuerait à régler la carburation des automobiles à l’oreille parce qu’il ne dispose pas de la valise informatique adéquate, défend Lucien Bourgeois. Ils n’ont pas mis au point les outils statistiques pertinents pour comprendre les écarts de revenu que l’on observe sur le terrain », et pour dresser un panorama des exploitations qui s’en sortent, à l’abri des marchés mondiaux. Le classement par Otex est dépassé. Les écarts de revenu entre les agriculteurs d’une même catégorie sont parfois supérieurs aux différences de revenu entre Otex : 0 à 120 000 € en viticulture, 0 à 50 000 € en production bovine et 40 000 en production ovine, 20 000 € et + 45 000 € en céréales Scop (chiffres 2014)... Il n’existe pas d’Otex « ventes directes » ou « agriculture bio ».
« La commission des comptes de l’agriculture a annoncé le 16 décembre 2015 que le revenu net agricole des actifs agricoles
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STOP À LA CRISE
Les revenus de nombreux foyers d’agriculteurs, bio ou en zone périurbaine par exemple, échappent aux statistiques agricoles actuelles. Aussi, elles sont mal classées voire pas du tout répertoriées. Or ce sont elles qui dégagent les plus fortes marges et contribuent à une bonne part des bénéfices des exploitations et aux revenus des exploitants. Ils intègrent, par exemple, les recettes d’activités issues de l’agrotourisme ou de la revente de produits si elles n’excèdent pas 30 % du chiffre d’affaires total ou si elles sont inférieures à 50 000 € par an. Et au-delà de ce seuil, ces activités sont soumises aux BIC (bénéfices industriels et commerciaux, composante de l’impôt sur le revenu).
Diversité des sources de revenus des foyers d’agriculteurs Par ailleurs, une partie croissante des revenus des foyers d’agriculteurs n’est pas d’origine agricole. Or elle permet de bien comprendre leurs capacités de résistance face aux
crises. En 2010, (dernière année connue), une étude « Les relais non agricoles » (Nathalie Delame) décrivait la difficulté de bien mesurer la situation fiscale des agriculteurs.
« Cette année-là, le revenu annuel global, ensemble des revenus imposables, s’élève à 38 200 euros en moyenne pour les foyers d’agriculteurs travaillant sur une exploitation de moyenne ou grande taille. Ces ressources proviennent de l’activité agricole à hauteur de 23 900 euros, d’activités non agricoles pour 8 500 euros, de pensions ou retraites pour 1 300 euros et de revenus de la propriété pour 4 500 euros. » Depuis la tendance s’est accentuée. Toutefois, les activités non agricoles sont plus fréquentes dans les exploitations de grandes cultures ou de cultures permanentes que dans les exploitations d’élevage davantage contraintes par les soins réguliers à apporter aux animaux. Selon Nathalie Delame, un foyer sur deux déclarait déjà, en 2010, des revenus d’activités non agricoles, significatifs pour un foyer sur trois. Ils complètent ceux de l’exploitation
et contribuent les mauvaises années, à maintenir l’activité agricole dans les exploitations en période de crises. Pour les banques, la diversité des revenus des foyers d’agriculteurs est un gage de pérennité de l’activité agricole et par conséquent de son financement. C’est un élément pris en compte pour établir des plans de redressement financiers des comptes d’exploitation, si la situation l’exige. Comme ces revenus annexes ou non agricoles viennent en appui pour subvenir aux besoins des familles, les prélèvements privés opérés sur les comptes des exploitations en phase de consolidation pèsent moins sur leur redressement. Frédéric Hénin
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Pac 2020 : pour une politique d’alimentation commune des 27 Un cautère sur une jambe de bois ! Cet adage résume en quelques mots la philosophie de la politique agricole commune réformée en 2014. « Plus verte », elle ne relève pas un défi majeur de notre époque : la volatilité des marchés. Pour 2020, il est temps de changer de cap.
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«
L’avenir la Pac doit reposer sur des bases claires, à savoir ne pas vouloir maquiller ses objectifs en la rendant plus verte pour qu’elle ne soit pas distorsive au titre des règles de l’Omc (d’où le terme en anglais de green washing). Les chefs de gouvernements des Vingt-sept doivent affirmer que la Pac est, avant tout, une politique alimentaire et qu’elle sera réformée dans cet objectif », défend Lucien Bourgeois, économiste et membre
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de l’Académie de l’Agriculture. L’enjeu sera la sécurité alimentaire. Selon l’économiste, les aides découplées étaient un subterfuge. Elles ont été instaurées dans les années 1990 par les pays riches pour se payer une politique agricole dans un contexte de surproduction sans déroger aux règles de l’Omc. Tandis que les pays les plus pauvres étaient confrontés à une insécurité alimentaire chronique sans moyens réels pour la surmonter en instaurant des aides appropriées.
L’accent sur la valeur ajoutée Pour l’après 2020, la France veut rester le fer de lance en matière de propositions. Selon de nombreux responsables professionnels, la Politique agricole commune devra mettre l’accent sur la valeur ajoutée, en suivant la voie prise par l’agriculture biologique, et sur
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STOP À LA CRISE
l’innovation. Le document intitulé « Une Pac réformée pour une agriculture compétitive durable et résiliente » et présenté le 25 mai dernier au conseil européen des ministres de l’Agriculture par Stéphane Le Foll, ne dit pas autre chose : « Afin de renforcer la compétitivité des exploitations et des filières, les mesures de l’actuel second pilier destinées à favoriser l’innovation et l’investissement seraient sensiblement renforcées » (lire l’encadré). D’ici 2020, il faut réinventer l’aide à l’hectare et les modalités d’attribution. Une partie des soutiens doit être allouée aux agriculteurs les plus dynamiques créateurs de valeur ajoutée. Ce qui n’est pas le cas actuellement. La Pac 2014-2020 en vigueur avait été négociée à Vingt-huit alors que les prix étaient élevés. Son enjeu était la dérégulation des marchés intérieurs et la souveraineté alimentaire des états membres de l’Union dans un contexte de tension
et de pénurie mondiale. Et de plus en plus dérégulée, la Pac livrait les agriculteurs à eux-mêmes. Or depuis deux ou trois ans, il semble que les marchés soient entrés dans un cycle d’abondance ce qui dément les risques de pénuries chroniques des années 2000-2005-2012 ! Les aides Pac et les mesures d’urgences inadaptées conduisent à aggraver les déficits, à ne pas bien répartir la valeur ajoutée en faveur des producteurs et à concentrer les aides sur les hectares aux dépens de l’emploi. Le système est à bout. Pour preuve, la proposition de la France, refusée par la Commission européenne, de doubler le plafond à 30 000 € des aides minimis accordées par les états membres.
« Avant d’élaborer tout projet de réforme de la Pac, pourquoi ne pas avoir l’humilité de commencer par une observation minutieuse de la réalité sur le terrain, dans les exploitations, pour mieux comprendre les besoins des agriculteurs et pour élaborer la politique agricole adéquate. A l’heure du Data, les informations sur l’agriculture n’ont jamais été aussi abondantes. Alors valorisonsles », défend Lucien Bourgeois. C’est aussi à cette condition que les états seront généreux pour doter la Pac d’un budget conséquent après 2020. Frédéric Hénin
Observer minitieusement le terrain Or malgré la crise, des agriculteurs réussissent parfaitement dans tous les secteurs. Mais on ne se donne pas les moyens de les identifier pour bien les aider.
Donner la priorité à « la croissance, l’emploi et la compétitivité des filières européennes (agricoles, alimentaires et nonalimentaires) » mais aussi, renforcer le poids des aides du second pilier, sont les objectifs sont les axes du projet de réforme de la Pac pour l’après 2020 proposé par la France à Bruxelles en mai dernier. Ce document a servi de support à la journée d’échanges informels organisée le 2 septembre dernier au château de Chambord à laquelle étaient invités les ministres de l’agriculture de l’Union européenne. Ils ont débattu de l’avenir de la Politique agricole commune après 2020, trois mois après le Brexit et les doutes qu’il fait naître sur l’avenir de l’Europe à Vingt-sept.
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D’après ce document prospectif présenté en mai dernier, la couverture des risques serait réformée pour être plus efficace. La réassurance publique serait la clé de voute de ces niveaux dispositifs assuranciels. La Pac 2020 soutiendrait l’émergence d’innovations technologiques (agriculture de précision, mais incluant aussi l’agro-écologie…) mais également sociales ou organisationnelles en priorisant les investissements et les projets collectifs. C’est pourquoi le dispositif Leader devrait être conservé. Et comme le spectre d’action de la Pac dépasse largement celui de la sphère agricole, le
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Priorité au second pilier pour concilier innovation, valeur ajoutée et ruralité
financement de ces programmes « s’appuieraient notamment sur les divers instruments du partenariat européen pour l’innovation (PEI) et s’articuler avec les autres politiques européennes (recherche, etc.) et d’autres fonds publics ou privés ». Enfin, pour soutenir le développement des territoires le dispositif de verdissement serait à la fois simplifié et renforcé par l’ajout d’un quatrième critère obligatoire portant sur le renforcement de la couverture des sols. La compensation des handicaps naturels (ICHN) serait par ailleurs confortée.
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MOTEUR
Semoirs et bonnes combines Le semoir combiné, l’attelage historique d’un semoir et d’une herse rotative, n’a rien perdu de sa pertinence face aux semoirs simplifiés. Quitte à troquer la herse contre d’autres outils de préparation et renforcer ainsi sa polyvalence.
marché oblige. Le constructeur allemand n’est pas le seul. Le franco-polonais Agrisem, promoteur de techniques de semis diverses et variées (semoirs directs, par recouvrement, à disques et à dents), dispose également avec l’Actimulch d’une herse rotative à son catalogue, pouvant se substituer à l’élément de préparation à disques Disc-O-Sem pour se transformer en combiné Actisem Silver P.
Des outils interchangeables C’est que le semoir combiné résiste plutôt bien aux assauts de la simplification. Des cours qui valorisent l’investissement en
temps et en carburant (labour inclus), des appréhensions techniques et économiques quant à la transition vers la simplification ou le semis direct, une capacité certaine à se jouer des aléas climatiques lors des implantations tardives d’automne, une solution toute faite à la problématique des adventices récalcitrantes et des résidus en présence constituent autant d’arguments sensibles pour les producteurs et par extension pour leurs fournisseurs. Sulky, qui a logé dans une division spécifique (Sky Agriculture) ses matériels de semis direct et simplifié, n’en néglige pas pour autant sa gamme traditionnelle. Au dernier Sima, le constructeur a
Kuhn Sulky
Associé jusqu’à présent à une herse rotative Cultiline HR, le semoir pneumatique Xeos Pro peut désormais être combiné à un module de travail du sol constitué de deux rangées de disques.
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n 1984, un nouveau constructeur fait irruption dans le paysage du machinisme agricole. L’un de ses toutes premières machines est un semoir capable de semer sous mulch. Vous aurez identifié Horsch, le Sem-Exact et sa fraise rotative scalpant le sol sur quelques centimètres et recouvrant des semences jetées à la volée. En France, le semoir part à la conquête du croissant argilo-calcaire avec l’ambition de rogner significativement dans les
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coûts d’implantation. Créant des déceptions ici et là, le concept sera finalement abandonné mais le constructeur poursuivra sa quête d’innovation et de simplification, dont sortira le Pronto. Quelque 30 ans plus tard, au Sima 2015, Horsch présentait l’Express 3 KR, un semoir combiné à une herse rotative en 3 m, autrement dit un matériel qui, par ses dimensions et sa conception, est l’archétype du semoir pas tout à fait séculaire mais presque ! Il ne s’agissait pas
tout à fait d’une première puisque certaines versions de Pronto étaient déjà associés à une herse rotative. L’Express TD présenté il y a quelques années faisait quant à lui dans la petite largeur (3 m et 3,5 m) mais combinait une double rangées de disques et un rouleau FarmFlex de 550 mm de diamètre à l ‘élément semeur Turbodisc. N’y voyez pas un quelconque signe de machine arrière pour le constructeur mais la simple volonté (ou nécessité) de semer large,
Présenté au Sima 2015 en remplacement du Speedliner, l’Espro avait été auréolé à sa sortie du titre de « machine de l’année 2015 » dans la catégorie sol et semis. Son originalité ? L’alignement de roues de grand diamètre (900 mm), décalées et dotées de crampons prédominants pour affiner le lit de semences en réduisant l’accumulation de terre. A l’avant, prennent place deux rangées de disques déchaumeurs (460 mm). A l’arrière, la barre de semis Crossflex compte deux
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Kuhn décline son semoir Espro en 4 mètres repliable
présenté une nouvelle combinaison de son semoir pneumatique Xeos Pro, empruntant le chemin inverse des deux constructeurs cités plus haut. Associé jusqu’à présent à une herse rotative Cultiline HR, le semoir peut désormais être combiné au Cultiline XR constitué de deux rangées de disques de 415 mm de diamètre et disposés en croix, précédant une herse peigne niveleuse. Cette combinaison autorise un travail sous mulch pour atteindre une vitesse de travail de 12 à 15 km/h, sans s’interdire une permutation du module de disques par une herse rotative lorsque, par exemple, les conditions deviennent humides en fin de saison.
L’Espro, un semoir rapide et polyvalent caractérisé par une rangée de roues de grand diamètre, décalées et cramponnées pour peaufiner le lit de semences.
rangées de disques chargés d’ouvrir les sillons et d’incorporer les débris végétaux. La régularité de la profondeur de semis est garantie par le montage de la barre de semis sur des plots en polyuréthane. En équipement facultatif, l’Espro peut recevoir une rangée de roues de rappui avec pression ajustable depuis la cabine. L’Espro 4000R repliable complète les versions 3000 et 6000R. La conception de l’Espro en fait un semoir rapide, peu exigeant en
puissance (140 ch pour la version en 4 m) et polyvalent, tant en ce qui concerne la variété des espèces que les itinéraires de préparation. Les réglages sont simples et rapides car regroupés et via des cales sur les vérins hydrauliques. En cabine, la gestion du semis s’opère au moyen des terminaux CCI 200 ou VT 50. Certifié Isobus, l’Espro assure l’implantation des cultures jusqu’en bord de champ grâce à la séquence de demi-tour automatisée intégrée.
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MOTEUR et traction) tout en allant quérir des surplus d’autonomie de chantier le cas échéant. Le même constructeur avait présenté à l’Agritechnica 2013 l’Aerosem série 1002, un semoir capable de semer indifféremment des cultures en ligne comme des espèces monograine, en combinant des têtes de distribution distinctes pouvant en prime servir l’incorporation d’engrais en version monograine. Outre la polyvalence et l’efficience des combinés de semis les constructeurs soignent également l’ergonomie.
L’AD-P Special adopte le doseur électrique en usage dans de nombreux autres semoirs de la marque Amazone.
Amazone
La combinaison de plusieurs distributions Les combinés bénéficient également des évolutions techniques apportées aux outils animés. Toujours au
Sima, Pöttinger par exemple a présenté sa nouvelles gamme de herses rotatives, plus légères et moins exigeantes en puissance (lire l’encadré). L’attelage d’un trémie à l’avant du tracteur est une autre option destinée à contenir l’exigence de puissance (relevage
Chez Amazone, la nouvelle génération de semoirs AD-P Special adopte le système de dosage électrique développé sur les appareils non conventionnels, avec en point d’orgue le terminal TwinTerminal 3.0 fixé par un support magnétique à proximité de la distribution et qui permet d’éviter les montées et descentes en cabine lors de l’étalonnage. Le semoir combiné ne manque pas de (bonnes) combines… Raphaël Lecocq
Chez Väderstad, la gamme Spirit caractérise des semoirs conventionnels à grande vitesse, capables d’intervenir sur sols travaillés en profondeur comme sur ceux traités en simplifié. La suite d’organes de préparation et de mise en terre voit se succéder deux rangées de disques (450 mm) type Carrier, précédées ou non de lames niveleuses Crossboard, de grandes roues (820 mm X 400 mm) décalées, porteuses et rappuyeuses, une ligne de semis composée de doubles disques (380 mm) décalés en forme de V, des roues decompactage (380 X 65 mm) et une herse suiveuse. Un concept jusqu’à présent réservé à
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des matériels de grande largeur et que Väderstad décline désormais en version 3 m et 4 m, sous la dénomination Spirit R 300-400S. Le semoir reçoit la distribution électrique Fenix III, capable de semer entre 1 kg et 500 kg/ ha à la vitesse de 15 km/h. Les Spirit R 300-400S sont par ailleurs équipés du compteur de semences SeedEye, que Väderstad à présenté à l’Agritechnica 2015. Le comptage s’opère au moyen de capteurs à cellules photoélectriques, disposés dans les tuyaux de semences. Väderstad crédite cette technologie d’une précision de 98 à 99 % en présence de céréales
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Des Spirit en 3 et 4 mètres pour Väderstad
distribuées à raison de 250 graines par seconde, supérieure à celle offerte par le calcul du poids des semences. Réglable en continu, la densité de semis est déterminée depuis la console en cabine, le système comparant la valeur de consigne à la valeur réelle. Au passage, SeedEye fait bien évidemment office de calibrage. Doté d’une trémie de 2800 l posée sur un châssis à poutre centrale, le Spirit R 300-400S est disponible en 12,5 cm et 16,7 cm d’écartement de lignes de semis.
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AGRONOMIE
Un début d’automne technique L’image de la statue du zouave du pont de l’Alma baignant dans l’eau jusqu’à la taille restera sans conteste dans les mémoires de l’année 2016. Mais ce n’est malheureusement pas le seul qui a pris l’eau cette année. Les sols français, détrempés, ont tenu comme ils ont pu après un hiver très doux et plutôt humide, suivi d’un printemps particulièrement arrosé.
région », notait d’ailleurs Arvalis le 22 juillet dernier. Les premières estimations diffusées fin juillet confirmaient cette tendance : la récolte française, toutes céréales et oléagineuses confondues, est en baisse de 15,1 millions de tonnes (Mt) à 63, Mt, (source : ODA groupe). Blé tendre, blé dur, orge, céréales secondaires, maïs, colza… Toutes ces cultures voient leur récolte baisser. Seul le tournesol, avec 1,27 millions de tonnes estimées fin juillet, contre 1,19 Mt en 2015, affiche des prévisions revues à la hausse.
Attention à ne pas accentuer les tassements du sol Dans ce contexte, l’automne devrait forcément être placé sous surveillance suite à ces derniers mois pluvieux et très humides. Alors comment contenir et freiner les risques d’explosion des adventices et autres ravageurs ? Comment appréhender dans les meilleures conditions les semis d’automne ? La première chose à faire est… de ne pas se précipiter ! Il faut en effet laisser aux sols le temps de ressuyer avant de restructurer les sols tassés, contrôler le développement d’adventices, et venir perturber les populations de limaces. Car cette année, pas de doute : la gestion de l’interculture devra être
particulièrement fine, notamment dans les régions touchées par les fortes pluies en mai et juin. Pour éviter d’accentuer la situation des sols tassés, le premier conseil est de vérifier l’humidité des horizons sous-jacents à l’aide d’une bêche et de ne pas se fier à la surface du sol qui elle, pourrait être sèche. Cela pour éviter des accidents en cas de travail profond du sol (décompactage, strip-till, labour…) qui demande un sol correctement ressuyé en profondeur.
Les options interculture et faux-semis Se lancer dans une interculture avec un travail soigné pourrait être la seconde option, à condition de ne pas faire de travaux lourds qui accentueraient les tassements du sol. Les travaux de type déchaumage, vibroculteur et labour semblent donc peu recommandables si l’état des sols n’est pas optimal. Et ce, encore plus si la situation économique des exploitations est exsangue, car cela pourrait en effet générer des coûts (main-d’œuvre, gasoil…) supplémentaires dans un contexte de marché particulièrement tendu sur les céréales.
d’une part, le couvert végétal accélèrera le retour à une situation normale des sols en captant l’eau disponible et en asséchant les profils. D’autre part, son effet assainissant devrait couper le cycle des adventices, sans parler de l’apport d’azote ultérieur en cas de couvert à base de légumineuses. D’une façon générale, compte tenu de l’augmentation des coûts des programmes de désherbage, voire des impasses techniques liées au Ray-Grass notamment, l’enherbement doit donc être géré sur le long terme. L’année 2016 ne dérogera pas à la règle un stock semencier très persistant, le salissement des parcelles et la probable abondance de petits grains retombés au sol lors de la moisson. Le recours au faux-semis pour faire lever le maximum de graines avant toute implantation de culture ou de couvert végétal sera souvent nécessaire, avec toutes les précautions nécessaires pour éviter un tassement inapproprié. En outre, ce travail du sol est plus doux et pose moins de souci de tassement. Pour les parcelles les plus sales, « il sera préférable de rompre le cycle des adventices par l’introduction en 2017 d’une culture de printemps », conseille Jean-Paul Bordes, (Arvalis - Institut du végétal).
Reste que l’interculture, si elle est possible, aura deux effets notables :
Contre les limaces, abondantes en 2016, un déchaumage sera utile avant de laisser le sol nu, à défaut de mettre en place un couvert peu appétant.
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’un côté, les nappes phréatiques se sont rechargées, les températures retrouvant un niveau proche des normales à partir de mars, hormis la dernière semaine d’avril et la deuxième décade de mai, particulièrement fraîches. De l’autre, la pluviométrie a été dans l’ensemble excédentaire
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au printemps et sur le début de l’été, de 38 % supérieure à la normale en juin d’après le ministère de l’Agriculture, sauf sans le SudEst, l’Occitanie et en Corse (voir la carte). Bref, ce climat a freiné le développement des cultures d’hiver et perturbé les semis de printemps, sans parler des effets sanitaires sur les cultures.
Résultat attendu, les informations sur les rendements diffusées tout l’été ont malheureusement confirmé les craintes. « D’une très bonne année possible, on va sans doute aboutir à un rendement moyen national inférieur à la moyenne des cinq dernières années, avec de fortes variations entre régions et entre parcelles au sein de chaque
Le retrait du ioxynil acté au 31 décembre 2015 par la Commission européenne va poser forcément question cet automne 2016 pour la gestion des dycotylédones. Plusieurs spécialités sont concernées : Brennus Plus, Charade, Kalaod+, Mextra, Synny Plus, Chamois, Arbalette… or, le ioxynil renforçait, en fonction de la dose, les efficacités sur bleuet, coquelicot, crucifères, fumeterre, lamiers, matricaires, stellaire, renouées, véroniques sp.
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Retrait du ioxynil, quelles alternatives ?
Céline Zambujo
Par ailleurs, ce retrait signifie la perte d’une substance active du groupe HRAC C3, limitant la diversité des modes d’action utilisable. Enfin, il existe dans le catalogue peu de spécialités alternatives similaires, même si des options de remplacement sont en cours d’étude (browoxynil+DFF, bifénox+MCPP-P, Arylex…).
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AGRONOMIE
Herbicides des céréales, comment se préparer à l’arrêt de l’isoproturon Gestion des résistances, montée en puissance des traitements d’automne, nouveaux modes d’actions… Les firmes s’adaptent et répondent présentes cette année avec des nouveautés annoncées en herbicides pour céréales. Détails.
d’action C2 avec l’urée, K1 avec la pendimethaline et F1 avec le DFF », explique Jean-François Barot, chef produit herbicides céréales d’Adama. Cette solution pourra être associée en désherbage avec un Defi (Syngenta) ou un Fosbury® (Bayer) pour renforcer encore les modes d’action et multiplier les matières actives afin d’éviter l’apparition de résistances. « La pendimethaline a une action antidicot et antigraminée avec un spectre plus marqué en vulpin. Cette nouvelle solution est intéressante en termes de gestion des résistances dicotylédones.
Aujourd’hui, on parle beaucoup des résistances graminées mais le risque existe aussi en dicotylédones. Or, ces résistances sont assez difficiles à contourner d’autant que nous avons très peu de matières actives au printemps pour rattraper une situation délicate, sauf peut-être avec les hormones. Mais l’arrivée de la pendimethaline va permettre de gérer en amont, à l’automne, le risque coquelicot notamment en amenant deux bénéfices : d’une part, à l’automne avec une action forte de désherbage, ensuite, en réduisant l’apparition de résistance avec ce nouveau mode d’action. Un pied de coquelicots, c’est entre
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a y est, le compte à rebours a commencé… Les autorisations des produits phytopharmaceutiques à base d’isoproturon seront retirées suite à la décision de non renouvellement de cette substance active au niveau européen. Bien sûr, son utilisation reste possible jusqu’au 31 mai 2017, à condition d’avoir pu s’en procurer, la mise sur le marché et le stockage par des tiers étant restés autorisés jusqu’au 30 septembre 2016.
Chez Bayer, pas de lancements prévu cette année sur le segment des herbicides céréales. « En revanche, nous sommes en seconde année de lancement de notre nouvelle gamme anti-graminées de printemps – Antlantis Pro, Archipel Duo et Pacifica Xpert – qui va bénéficier pleinement de l’allégement de la restriction drainage », détaille Lionnel Alexandre, chef marché herbicides céréales. Pour rappel, cette restriction d’usage s’appliquait initialement à toutes les surfaces drainées ; mais cette restriction a finalement été limitée aux sols de plus de 45 % d’argile. Par ailleurs, la société lance une nouvelle démarche d’accompagnement des distributeurs et des agriculteurs nommée « capital propreté parcelle » (lire l’encadré).
Les céréaliers regretteront sans doute cette solution efficace et économiquement intéressante qui offrait un levier opportun pour lutter contre les anti-graminées et améliorait également l’efficacité de tous les désherbants d’automne (notamment sur vulpin). Ceci dit, la nature a horreur du vide et les firmes travaillent déjà depuis plusieurs années à « l’après-iso ».
Une nouvelle famille chimique en attente Chez Dow AgroSciences, on est également dans les starting-blocks avec l’arrivée imminente en France d’une nouvelle gamme d’antidicotylédones céréales à base d’une nouvelle substance approuvée au niveau européen, ArylexTM Active. « Nous avons à ce jour que l’autorisation européenne de la molécule obtenue en août 2015. Nous attendons les homologations des produits pour cet automne », détaille Coline Sicaud, chef de
Ainsi, après Codix® – association de deux pendimethaline et le diflufenican (DFF) lancée il y a deux ans – Adama continue d’étoffer sa gamme avec l’arrivée de deux nouveautés en 2016 : Trinity et Verigal D+. Trinity – homologué en avril 2016 à la dose de 2 l/ha sur blé dur et tendre, épeautre, orge et triticale – s’appuie sur l’association de trois matières actives (pendimethaline, DFF et chlortoluron). « Il s’agit de la première solution affichant trois modes d’actions : un mode
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10 000 et 50 000 graines et la situation peut très vite dégénérer », poursuit Jean-François Barot. Autre nouveauté, homologuée au printemps, annoncée par Adama : Verigal D+, associant bifénox et MCCP-P (un auxinique), pour une action contre véroniques,‘ pensée, lamier, fumeterre, coquelicot, capselle… sur céréales d’hiver et de printemps. « L’intérêt est que cette solution ne contient pas de matière action au mode d’action ALS. En association avec du chlortoluron, c’est un outil supplémentaire pour gérer les dicotylédones résistantes. » Cette solution offre une alternative depuis la disparition du ionxynil.
A.J.
« Un pied de coquelicots, c’est entre 10 000 et 50 000 graines et la situation peut très vite dégénérer », explique Jean-François Barot, chef produit herbicides céréales d’Adama.
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AGRONOMIE
produit et responsable commerciale dans la firme.
Enfin, deux nouveautés sont également annoncées cette année du côté de Nufarm. Nessie®, une solution à base de bromoxynil et de DFF, est donc un nouvel antidicotylédone à large spectre pour une utilisation sur toutes céréales à paille d’hiver et de printemps. « Il est aussi efficace sur dicotylédones résistantes aux ALS comme les coquelicots et les matricaires et est simple d’utilisation puisqu’il peut être utilisé dès l’automne jusqu’à la sortie hiver », note Ronan Vanot, chef marché grandes cultures. Certes, le bromoxynil, mode d’action HBN, n’est pas récent, mais son intérêt réside dans son action de contact associé au DFF, racinaire. « Cette option offre de même une alternative à la gestion des résistances avec un mode d’action supplémentaire en céréales. »
Bayer lance un nouvel outil d’accompagnement Bayer lance la campagne « capital propreté parcelles », un nouvel outil destiné à accompagner distributeurs et agriculteurs dans la gestion du désherbage, au fil de la culture : juin (rotation, assolement), juillet (programmes et conduites culturales), septembre (traitement d’automne), décembre (tour de plaine), janvier (traitement de sortie d’hiver) et mars (résultats visibles au champ).
« Nous allons au contact des agriculteurs et des distributeurs en leur fournissant des supports et des éléments techniques. Notre volonté c’est de donner de la matière pour engager les agriculteurs sur des évolutions pratiques afin d’améliorer l’efficacité constatée au champ des solutions de désherbage », détaille Lionnel Alexandre, de Bayer.
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Seconde innovation de l’année chez Nufarm, Metiss, une spécialité composée de 2,4-MCPA (sel de dimethylamine). « Cette hormone peut être utilisé jusqu’à dernière feuille étalée et vient compléter une gamme déjà forte et large. Ce faisant, elle permet d’alterner matière active et mode d’action pour éviter l’apparition de résistance aux ALS ou pour gérer des situations tendues où les adventices sont déjà en place et offre une action intéressante sur chardon grâce à son application tardive », complète Ronan Vanot. Céline Zambujo
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Ces solutions s’appuieront sur un mode d’action auxinique, une nouvelle famille chimique, déjà homologuée en Angleterre et au Danemark et offriront une nouvelle alternative contre les dicotylédones résistantes. Enfin, lancées lors de la dernière campagne, les deux nouveaux herbicides céréales de Dow AgroSciences, FloridTM et BaliTM (association de florasulame et de clopyralid) agissent en synergie contre de nombreuses dicotylédones annuelles : gaillet, bleuet, stellaire, matricaire, coquelicot, séneçon et crucifères. Ces herbicides permettent également de contrôler les levées précoces de chardons. « Les deux modes d’action de ces solutions (Hrac B et Hrac O) contribuent à prévenir l’apparition et à contrôler les adventices résistantes, notamment matricaire et séneçon. » Ces deux solutions peuvent être associées à de nombreux antidicotylédones
et antigraminées et s’utilisent à la dose de 0,15 l/ha jusqu’au stade 2 nœuds, de la sortie d’hiver dès 5°C, de janvier à mai sur toutes les céréales d’hiver et de février à juin sur les céréales de printemps.
Concrètement, sur le site internet de Bayer (www.bayer-agri.fr), un module « capital propreté parcelles » est présenté dès la page d’accueil (inscription gratuite). « Nous souhaitons aller au-delà de la simple newsletter sur ce sujet prédominant qu’est le désherbage en proposant une expertise supplémentaire. » Les abonnés pourront ainsi interagir via Bayer Service Info. En fonction de leur interrogation, ils seront soit renvoyés vers leur distributeur habituel, soit invités à appeler un numéro vert.
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REFLEXIONS
Innovation agricole, la révolution du bon sens Depuis plusieurs mois, il n’est question que de crise dans le monde agricole. L’une des clefs pour en sortir réside sans aucun doute dans l’innovation. L’Artifrais fut présenté lors du colloque Valorial à Rennes le 3 décembre 2015.
Or, en la matière, on a l’impression que celle-ci se résume au touttechno (numérique, drones, robots, big data, OGM, etc.) ou bien au tout-bio, ce qui implique dans les deux cas de modifier radicalement les pratiques agricoles existantes. Pourtant, l’innovation, ce n’est pas que les robots ou la permaculture. Il y a aussi tout simplement l’innovation qui s’appuie sur le bon sens et la créativité de l’agriculteur et qui consiste, à partir de ce qui existe déjà, mais en apportant une amélioration à la conception des produits, à leur présentation ou à leur mode de commercialisation afin de mieux répondre aux attentes des consommateurs. C’est la base. Et aujourd’hui, on le sait, ceux-ci veulent des produits de qualité. Ils se montrent aussi sensibles à leur praticité et à leur accessibilité.
L’innovation pratique au service des consommateurs Trois exemples récents, souvent assez connus, apparaissent comme des « modèles » de ce point de vue. Le premier est celui de François-
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Xavier Craquelin. Lorsqu’il a repris l’exploitation de vaches normandes de son père à Villequier en SeineMaritime, il a décidé d’arrêter la production de lait pour se consacrer à l’élevage de bœufs de race normande pour la viande, mais en apportant quelques innovations. Ses bœufs écoutent de la musique classique, mais surtout boivent 15 litres de cidre normand par jour, cidre que François-Xavier Craquelin produit lui-même. Il s’est inspiré de l’exemple du fameux bœuf de Kobé au Japon dont la viande est attendrie par de la bière. Résultat, sa viande est unanimement plébiscitée pour sa qualité. On la retrouve servie dans de grands restaurants comme le Fouquet’s à Paris, le Meurice ou encore chez Alain Ducasse. Il a donc réussi, grâce à son ingéniosité, à faire de la race normande une viande Fendt d’exception. Le second exemple est celui de Pascal Roué. Ce producteur d’artichaut à Saint-Pol-de-Léon dans le Finistère est parti d’un constat implacable. Pour lui, il y a « beaucoup de freins à la consommation d’artichaut, notamment sa présentation en magasin, les contraintes de préparation, de cuisson et le volume de déchets ». Il a donc décidé d’innover par la création de l’Artifrais, en faisant disparaître les contraintes de préparation et de cuisson de l’artichaut. Celui-ci se présente donc avec la queue coupée et la pointe haute, les foins ayant été extraits. Il est cuit à la vapeur et conditionné dans un bol adapté. Il peut se conserver quelques semaines et on peut le trouver dans les rayons frais des supermarchés.
Ainsi, les consommateurs – particuliers ou restaurants – ne sont plus nécessairement rebutés par la consommation d’artichaut. Le troisième est celui de JeanPhilippe Gasparotto. Il élève des canards à Saint-Germé dans le Gers. A l’instar d’autres fermes, il vend désormais ses productions (canards, volailles, fruits, produits en conserve, dont des plats cuisinés) via un distributeur automatique qui se trouve sur la place de l’église à Saint-Germé, donc au plus près des consommateurs. Ceux-ci composent et commandent leur panier de produits de la ferme sur le site avant de les retirer lorsqu’ils le souhaitent dans un casier du distributeur munis d’un code réservé à cette commande. Ils peuvent payer celle-ci soit sur le site, soit sur place avec une carte bancaire. En clair, la solution à la crise consiste aussi à faire du neuf avec du vieux ou du classique... Eddy Fougier
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