10 minute read

Introduction

Next Article
Bibliographie

Bibliographie

soutenir son diplôme DPLG avec son projet de tour sur dalles, c’est l’aboutissement des Olympiades. En 1959, il étudie l’espace parisien. Il met alors en opposition le centre historique de Paris et la mutabilité des quartiers périphériques. En 1966, Raymond Lopez meurt et Michel Holley fonde sa propre agence avec laquelle il va réaliser la rénovation urbaine Italie 13. Ce projet va lui permettre de mettre en application son « zoning vertical » (urbanisme vertical) qu’il ébauche dans la fin des années 1950.

Il prend un parti prix radical et futuriste dans la forme architecturale des tours en imaginant un « Manhattan sur Seine » seulement un siècle après le Paris d’Haussmann. Dans ses essais, la tour perd son statut de monument exceptionnel dans la ville pour devenir un objet de production de série qui va rythmer et ordonnancer la ville. La dalle des Olympiades va permettre de traiter un nouvel espace peu commun et livré au sol, avec la mise en place de flux piéton séparés des flux automobile.

Advertisement

À cette période Michel Holley possède une des plus grosses agences de Paris et va se faire construire de nouveaux bureaux au pied des Olympiades pour répondre à son effectif croissant. Mais la remise en cause du projet des tours par les Parisiens va porter un coup fatal à sa notoriété.

Les Olympiades sont devenues une incarnation emblématique de l’architecture des tours. Ce village dans la ville comprend six tours de logements privés : Sapporo, Mexico, Athènes, Helsinki, Cortina et Tokyo, deux tours de logements ILM : Londres et Anvers, trois immeubles HLM en forme de barre : Rome, Grenoble et Squaw Vallée (voir annexe 6). Un important et rare volet social est présent aux Olympiades, contrairement aux projets engagés dans le secteur Italie, avec notamment l’apparition des ensembles HLM. 3 419 logements ont été prévus dont la moitié en sociaux. L’autre moitié est en accession à la propriété, ou logement privé. Des commerces sont ajoutés dans le programme : galerie Mercure, centre commercial Oslo, mais aussi des bureaux. Tous les immeubles portent le nom d'anciennes villes hôtes des jeux olympiques d'hiver ou d'été, une idée de la société de promotion SG qui organise la même année les Jeux olympiques d'hiver de la ville de Grenoble.

Les tours des logements privés se différencient par leur trame (variation du gabarit) ainsi que par leurs nombres d’étages variant entre 30 et 40 (voir annexe 7). Elles sont l’exemple même de la conception en série.

Les façades des tours sont rythmées par des vides et des pleins ordonnés par les cadres en béton qui viennent créer un relief sur la façade et qui intègrent les fenêtres. De larges baies vitrées, avec châssis fin en bois viennent cadrer les fenêtres. Les saillies des centres permettent de loger les volets roulants ainsi que les équipements de chauffage (voir annexe 8).

Le déclin de l’activité ferroviaire de la gare des Gobelins oblige la SNCF à prendre des mesures d’innovation et notamment une gare enterrée sur deux niveaux. Les rails de la gare passent seulement sur le premier niveau de sous-sol. Le deuxième est dédié aux entrepôts de stockage des marchandises, en remplacements des anciens démolis. Un troisième niveau entre la gare et la dalle voit le jour afin de laisser passer les voiries permettant de desservir les ensembles immobiliers. Les constructions vont d’abord sortir à l’ouest puis à l’est13 .

Au contraire de ce que l’on pense, la démographie de la population asiatique est bien moindre que son économie. La forme des toitures des commerces qui est souvent associé à cette population de l'arrondissement a en réalité une origine bien différente, comme l’explique Michel Holley luimême14 (voir annexe 8.1): « Curieusement, et sans prémonition de ma part, les toitures de la galeries marchande, dont je souhaitais qu’elles rappellent les toiles provisoires des marchés hebdomadaires parisiens (construites en paraboloïde hyperbolique métallique), semblait évoquer des pagodes… Cela nous apparut comme une identification folklorique, confortée par l’installation de restaurants et de boutiques typiques. »15

La dalle des Olympiades est parfaitement desservie par les transports en commun : la ligne 7 du métro Maison-Blanche-Le KremlinBicêtre (ouverture en 1982) et le tramway des Maréchaux ou appelé 3a au sud (voir annexe 5).

La dalle est un espace de droit privé contrairement aux dalles publiques du front de Seine et de La Défense. Son statut de voie privée ouverte à la circulation publique permet un versement annuel de subvention municipale diminuant les coûts d’entretien.

13 Moiroux Françoise, 2006. « Les tours du 13e », Dossier, Le Moniteur

14 Holley Michel, 2012Urbanisme vertical & autres souvenirs, Paris, Somogy.

15 Ibid.

Autour du projet des Olympiades sont conservés, car estimés en bon état, les immeubles en brique de l’OPHLM rue Nationale (1951) et les trois bâtiments en pierre de taille de l’école communale, rue Baudricourt (Eugène Cordier, 1872). Cela nous montre le manque d’homogénéité présent dans le 13e arrondissement parisien.

La fin de la construction de ces projets s’est accompagnée d’un changement d’état d’esprit de la population parisienne. L'uniformité des tours du 13e arrondissement, loin de représenter le nouveau visage du style traditionnellement homogène des quartiers parisiens, est vécue comme un appauvrissement du paysage urbain. L’architecture des tours sera qualifiée d’inhumaine par la population et sera rejetée. La dernière tour est construite en 1977.

III Les politiques urbaines

Depuis les années 60, la France est devenue dépendante de l’industrialisation. Cette technique moderne a révolutionné le monde de la construction (baisse de cout de fabrication, rapidité de construction), cependant elle est très energivore et le pétrole devient le moteur de l’économie du territoire. Alors, le choc pétrolier provoqué par les pays arabes va venir anéantir la France. L’augmentation du prix du pétrole par quatre, fait s’effondrer la croissance de l’économie et provoque une hausse du chômage en France ainsi que dans le reste du monde . 16 La fin de l’année 1973 marque un grand tournant de l’histoire de la construction des tours. Les constructions engagées vont ralentir jusqu’a prendre fin en 1977.

En 1974, après le décès de Georges Pompidou, gaulliste, Valéry Giscard d’Estaing, centre-droit (FRNI), devient président de la Ve République. Durant son mandat, Valery Giscard d’Estaing va faire de nombreuses réformes qui vont accompagner le changement dans la manière de penser la ville et le territoire. Comme exprimé dans son premier discours après son élection, il souhaite créer une nouvelle ère politique où il conduirait le changement avec le peuple français. Pour illustrer ce changement, le 31 décembre 1975, Valery Giscard d’Estaing réinstaure la fonction de maire à Paris à travers une loi. Paris devient alors à la fois une commune et un département. En mai 1977, 17 Jacques Chirac (UDR), ancien premier ministre du président, est élu maire de Paris, le premier depuis Jules Ferry. En 1976, il crée l’entité administrative régionale et baptisera la Région Parisienne Ile-de-France. Les projets d’urbanisation ne sont seront plus gérés directement pas l’Etat.

Durant sa campagne présidentielle, Valery Giscard d’Estaing a clamé devoir réduire la construction des grands ensembles. Cette décision s'est notamment appuyée sur la circulaire d’Olivier Guichard, ministre de

16

« Les chocs pétroliers », Le portail de l’Economie, des Finances, de l’Action et des Comptes publics, consulté le 02 mars 2019, [en ligne], URL : https://www.economie.gouv.fr/facileco/ chocs-petroliers

« Mairie de Paris », Wikipédia, consulté le 06 mars 2019, [en ligne], URL : https://

17

fr.wikipedia.org/wiki/Mairie_de_Paris#De_la_Révolution_à_l'époque_contemporaine

l’Equipement, de 1973 « ni tours ni barres » (voir annexe 9). Pour lui, il 18 faut répondre aux aspirations des Français qui souhaitent acquérir des logements individuels et non plus des logements de grande échelle ou en locatif. Pour se faire, il réoriente sa politique non plus vers des constructions de grandes envergures mais vers des aides au ménage qui vont permettre aux français de pouvoir acquérir des logement individuels 19 . Après son élection en 1974, Valery Giscard d'Estaing assure une transition pour rompre avec l’industrialisation et la construction de grands ensembles en masse . Cette transition va mettre un point final à la construction des 20 tours du 13e. En effet, les grandes opérations urbaines vont être abandonnées au profit de constructions de plus petites échelles et qui répondent à la morphologie de la ville. L’élection de Valery Giscard d’Estaing marque le 1er bouleversement politique et architectural de la fin du XXe siècle. C’est une nouvelle génération politique qui met fin au modernisme.

L’opération d’Italie 13 ne voit donc que la moitié de son projet se réaliser. Les Parisiens rejetant l’architecture moderne des tours, l’arrêt des constructions de grandes hauteurs imposé par Valery Giscard d’Estaing permet de réduire l’échec de l’opération. En effet, la population parisienne n’a pas été séduite par l’esthétisme des tours, et la mixité sociale prévue dans les barres HLM a fortement réduit l’attractivité du quartier. En outre, les équipements tardent à être construits : nouvelles écoles, crèches, face à l’augmentation de la population. A cette époque, le métro ne dessert pas encore la dalle des Olympiades, ce qui restreint d’autant plus l’accès car les stations de métro les plus proches sont Tolbiac et Porte d’Ivry, à 10 min à pied et seulement deux bus desservent ce secteur (voir annexe 5). Enfin, les charges sont très élevées car les constructions sont soumises aux lois des immeubles de grande hauteur (IGH). Selon une étude réalisée en 2005, les charges dans les logements de grandes hauteurs aux Olympiades

18

Guichard Olivier, 1973. « Circulaire du 21 mars 1973 relative aux formes d'urbanisation dites « grands ensembles» et à la lutte contre la ségrégation sociale par l’habitat. » Journal Officiel, le 5 avril 1973.

Fourcaut Annie, 1 juillet 2007, Les banlieues populaires ont aussi une histoire. Revue Projet

19

[en ligne]. URL : https://www.revue-projet.com/articles/2007-4-les-banlieues-populaires-ontaussi-une-histoire/

Tellier Thibault, 2008. « Le fonds Valéry Giscard d'Estaing aux Archives nationales : La

20

présidence de la République et l'urbanisme de 1974 à 1981 », Histoire urbaine, n°21, p.127-136 , consulté le 25 avril 2019. URL : https://www.cairn.info/revue-histoireurbaine-2008-1-page-127.htm

s’élèvent entre 30 et 40 € le m2 par an21. En comparaison, dans un immeuble classique, les charges s’élèvent à 32 € du m2 par an22. Les charges IGH servent à contribuer aux frais du règlement de sécurité imposés par les immeubles de grande hauteur. Elles prennent en compte les services liés à l’entretien des immeubles tels que les des pompiers de gardes. De plus, le prix du foncier augmentant dans la capitale, les classes moyennes et populaires ne peuvent pas investir et se dirigent vers des villes plus petites dans la banlieue. La délocalisation des industries vers la banlieue Sud de paris dans les années 50 avait déjà provoqué l’exile d’une partie de la classe ouvrière qui s’est accroit avec la hausse du foncier. Face à ce départ, nous constatons que la rénovation urbaine provoque un changement social dans cet ancien quartier artisanal comme l’explique Henri Coing dans son ouvrage Rénovation urbaine et changement social. L'îlot n°4, Paris 13e ou bien Jerome Fourquet, dans 23 L’archipel Français24 et ses statistiques qui démontrent une baisse de la classe ouvrière contre une augmentation de la classe bourgeoise entre les années 80-90 dans la capitale.

Si les logements sont un échec, la dalle des Olympiades conserve ses commerces qui sont toujours autant fréquentés contrairement à l’esplanade du Front de Seine beaucoup plus déserte25 . Toutefois, l’arrivée de la population asiatique dans le quartier dès 1974 va permettre de conserver le dynamisme des commerces et d’investir les logements. Même si les Olympiades sont habitées, les élus escomptaient une mixité sociale intégrant des populations bourgeoise et populaire.

La seconde guerre mondiale a marqué un tournant dans la manière de penser et de construire l’architecture. Pourtant, les opérations urbaines engagées à Paris, et dans le 13e arrondissement spécifiquement, nous démontrent que les idéologies urbaines envisagées ne correspondent plus à

21

Joubaire Alain, 2009. « Tour d’habitation : le prix de la hauteur », Ada 13, consulté le 24 avril 2019. URL : http://ada13.com/wordpress/2009/05/15/tours-dhabitation-le-prix-de-lahauteur/

22 Ibid.

23

Coing Henri, 1966, Rénovation urbaine et changement social. L'îlot n°4, Paris 13e, Paris, Edition ouvrière, collection L'évolution de la vie sociale, 1976, p303.

24

Fourquet Jérome, 2019. L’archipel Français, Paris, Le Seuil, collection Sciences humaines, 7 mars 2019, p384

25

« Quartier du Front de Seine Paris 15e, France », Concepto, disponible sur : http:// www.concepto.fr/portfolio_page/quartier-du-front-de-seine-paris-15e-france/

This article is from: