M E N S U E L G R AT U I T - PA R I SJ I S U N G - PA R I S - 0 1 M A R S 2 0 1 9 - v o l . 8 9 2 PARISJISUNG ÉVOLUE ET LANCE SON EDITION EN FRANÇAIS.
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LE DEUXIÈME SOMMET ENTRE TRUMP ET KIM JONG-UN SE TIENDRA À HANOÏ, AU VIETNAM Le deuxième sommet entre Kim Jong-un (le dirigeant nordcoréen) et Donald Trump (le président états-unien) se tiendra à Hanoï, la capitale du Vietnamau, vers la fin février. sources : www.lemonde.fr SARL PARIS-JISUNG 4 RUE PÉCLET 75015 PARIS ÉDITEUR : NACK-SUCK, JEONG
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ACTUALITES
BTS 방탄소년단 VA SORTIR UN LIVRE AUTOBIOGRAPHIQUE LE GROUPE CORÉEN BTS EST FORMÉ EN 2013 PAR BIG HIT ENTERTAINMENT(빅히트엔터테인먼 트) ET SE COMPOSE DE SEPT MEMBRES : JIN(진), SUGA(슈가), J-HOPE(제이홉), RM(리더), JIMIN( 지민), V(뷔) ET JUNGKOOK(정국). :BTS (HANGEUL : 방탄소년단, RR : BANGTAN SONYEONDAN ; KANJI : 防弾少年団, ROMAJI : BODAN SHONENDAN ; CHINOIS : 防弹少年团, PINYIN : FÁNGDÀN SHÀONIÁN TUÁN) AUSSI CONNU SOUS LES NOMS DE BANGTAN BOYS OU BULLETPROOF BOY SCOUTS, EST UN BOYS BAND SUD-CORÉEN, ORIGINAIRE DE SÉOUL EN CORÉE DU SUD. LE NOM DU GROUPE, BANGTAN SONYEONDAN, EST UNE COMBINAISON DE « 방탄 » QUI SIGNIFIE « BULLETPROOF » (PARE-BALLES) ET « 소년단 » QUI SIGNIFIE « BOY SCOUTS ».
BTS sait régaler ses fans en les abreuvant d’une multitude de contenus, mais c’est la première que le plus célèbre des groupes de K-Pop propose un livre tiré de son univers. Intitulé The Notes 1, cet ouvrage qui devrait connaître de nombreuses suites doit paraître le 5 mars en trois langues, à savoir en coréen, japonais et bien sûr en anglais. Ce livre vient compléter les Notes qui ont accompagné les différents opus de The Most Beautiful Moment in Life depuis 2015
et sera en cohérence avec l’univers BTS bien connu du public. “Joie et bonne humeur” Pour autant, on a encore très peu de détails sur The Notes 1 et le contenu de ses 230 pages, même s’il devrait permettre aux fans de mieux connaître les sept garçons de BTS. Sur la page officielle du livre, on peut lire : « La mémoire en miettes d’un sentiment de perte, d’absence, de souffrance et d’insécurité chez ces garçons qui font face à leur destin. » Une courte
phrase de présentation qui annonce la couleur et est suivie d’une note tout aussi tragique et teintée de mélancolie rédigée par Seokjin. Rendez-vous en mars pour une nouvelle plongée dans l’univers de BTS. [sources : 20 Minutes avec agences/ www.20minutes.fr]
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01 mars 2019 (vol.892)_22
FOCUS
SM ENTERTAINMENT RESTENT LES ROIS DU SOFT POWER... MAIS POUR COMBIEN DE TEMPS ? Dans un précédent numéro, nous vous expliquions que les trois grands labels coréens que sont YG, JYP et SM cultivent le sentiment d’appartenance des fans de manière très poussée, reconstituant des communautés, voire des cellules familiales à l’intérieur desquelles les fans sont émotionnellement - et commercialement investis - parfois à l’extrême. Et je dois dire que dans ce top trois,SM est incontestablement la compagnie qui pousse la logique leplus loin, entre le merchandising,la création d’espaces dédiés dans Séoul, l’organisation d’expositions et d’événements pop up autour de 21_le journal PARIS JISUNG
chaque lancement et, bien sûr, les SMTOWNS, reste bel et bien le fer de lance du soft power coréen. Les SMTOWNS, des armes de communication redoutables
Hommage -sans doute- à la Motown, ces méga concerts SM sont une mise en valeur de l’écurie du label, plus que des individualités de chacun. Là où BTS est la star de sa compagnie, SM a toujours privilégié une approche globale, insistant abondamment sur la notion de famille et d’amitié entre les groupes. Ainsi SMTOWN, qui rassemble les plus grandes “marques” d’ SM, des historiques de Trax jusqu’au petits nouveaux NCT a voyagé dans le monde et le dernier ép-
FOCUS isode avait lieu aux Émirats Arabes Unis, plus précisément à Dubai, où la Kpop est très populaire. Ce qui est frappant dans ces événements est leur côté “colonie de vacances” : un groupe de jeunes gens beaux et populaires qui prend l’avion, qui fait du tourisme et qui découvre la culture locale tous ensemble. Cet aspect est aussi important et performatif que le concert lui-même. On est tour à tour attendris et un peu gênés par ce côté très sucré qu’ SM nous vend encore, après toutes ces années à essuyer nombre de scandales. Mais on peut aussi comprendre l’importance de ces moments : commercialement, les concerts de Kpop coûtent très cher à produire et grouper est une stratégie sûre. En terme de partenariats, les SMTOWNS accompagnent souvent les décideurs coréens dans leur conquête de nouveaux marchés, en jouant l’offensive de charme. Il s’agit là d’une stratégie très rodée et intelligemment construite. Le problème c’est qu’ SM n’est pas aujourd’hui le faiseur de succès et de tendances qu’il était hier. Après l’explosion de Girls Generation, le titre de “Girl Group National” est allé à Twice, créées par JYP Nation, encore moribonds il y a deux ans. Quant à Exo, le groupe de garçons phare d’SM, il a été décimé par les controverses et surtout dépassé par BTS, plus individualisés, spontanés et charismatiques. NCT, le dernier groupe de garçons d’SM est raillé pour n’avoir aucune présence populaire et être une
pure fabrication destinée à rassembler et multiplier les fans. L’heure est-elle encore aux grands rassemblement de la Kpop ?
Le SMTOWN Dubai m’a laissé un drôle de goût dans la bouche. Non pas qu’il n’était pas réussi, bien entendu. D’ailleurs, je suis moi-même très fane de l’esthétique SM, de leur capacité à créer des contenus autour de leurs artistes et si je m’écoutais, je dépenserais beaucoup de sous là-dedans. SM est et reste la compagnie que je suis le plus auquotidien, et de très loin. Mais je me suis posée pour la première fois la question de la fin de cycle. Beaucoup spéculent aujourd’hui que l’avènement de BTS signe une poussée de la Kpop beaucoup plus organique et naturelle, débarrassée de l’aspect “ambassadeur de la Corée du Sud”, qui serait annonciatrice d’exports culturels légèrement moins calibrés. Il est vrai qu’ SM laisse à présent s’exprimer plus ses artistes individuellement et a diversifié ses choix musicaux récemment. La compagnie a pu imposer Red Velvet comme membre de la délégation en Corée du Nord et à un poids énorme sur l’entertainment et la culture coréenne. La question est : estce que cette culture est encore la plus adaptée à la conquête du monde ? | CLAIRE SOLERY/ claire.solery@gmail.com |
14 Rue Saint Anne 75001 Paris Metro : Pyramides (7, 14) Tel : 01 42 60 58 88 / 06 27 51 60 14 12:00 - 23:00 연중무휴 www.chikoja.fr 01 mars 2019 (vol.892)_20
RENCONTRES
LE MAIRE DE SÉOUL EN CORÉE DU SUD, PARK WON-SOON [sources : https://www.lepoint.fr › Sports] LES DEUX CAPITALES CORÉENNES DEVRAIENT DÉPOSER, VENDREDI(15/02/19), UNE LETTRE D’INTENTION AUPRÈS DU COMITÉ INTERNATIONAL OLYMPIQUE, À LAUSANNE.
SÉOUL(CAPITALE DE LA CORÉE DU SUD) ET PYONGYANG(CAPITALE DE LA CORÉE DU NORD) VONT PRÉSENTER UNE CANDIDATURE COMMUNE POUR LES JO DE 2032 Lors du sommet intercoréen de septembre 2018 à Pyongyang, le président du Sud, Moon Jae-in, et le dirigeant du Nord, Kim Jong-un, avaient décidé de coopérer pour « organiser conjointement les Jeux olympiques d’été de 2032 ». La lettre d’intention devrait être déposée vendredi 15 février à Genève. Elle comportera deux signatures. Celle de Séoul et celle de Pyongyang. Pour19_le journal PARIS JISUNG
suivant leur politique de rapprochement, engagée ces derniers mois, les deux capitales coréennes, du Sud et du Nord, ont décidé de faire acte de candidature commune auprès du Comité international olympique (CIO) pour accueillir les Jeux olympiques de 2032. Lundi 11 février, le comité olympique et sportif sud-coréen a officialisé la candidature de Séoul, qui a été préférée à Bu-
RENCONTRES san, le grand port du sud du pays. Mardi, l’agence de presse nord-coréenne KCNA a fait savoir qu’une délégation du comité olympique du Nord, dirigée par le ministre des sports Kim Il-guk, était partie pour Lausanne, où est installé le siège du CIO, vraisemblablement dans le cadre de ce projet. L’initiative concrétise un engagement pris lors du sommet intercoréen de septembre 2018 à Pyongyang. Le président du Sud, Moon Jae-in, et le dirigeant du Nord, Kim Jong-un, avaient décidé de coopérer pour « organiser conjointement les Jeux olympiques d’été de 2032 ». Le CIO a d’ores et déjà fait savoir dans un communiqué sa satisfaction, « le sport pouvant une nouvelle fois apporter une contribution à la paix dans la péninsule coréenne et dans le monde ». “Soutien du CIO” Le maire de Séoul, Park Won-soon un proche de M. Moon - y voit l’opportunité de « changer la destinée de la péninsule coréenne ». Au sud, l’ambitieux projet est soutenu par les chaebols, les conglomérats, à commencer par Samsung. Il témoigne également de l’importance du sport dans le rapprochement entre les deux voisins. Ne pouvant guère avancer dans le domaine économique en raison des sanctions internationales, Séoul et Pyongyang multiplient les initiatives dans ce domaine. Ils le font depuis le rapprochement amorcé en janvier 2018 au prétexte des Jeux olympiques d’hiver
de Pyeongchang. Une équipe unifiée de hockey sur glace féminin avait été formée et des sportifs du Nord avaient pu participer aux épreuves. Les jours précédents la cérémonie d’ouverture, le 9 février, s’étaient traduits par un vaste ballet diplomatique, marqué par la venue au Sud de Kim Yo-jong, la sœur du dirigeant Kim Jong-un. Le processus bénéficie de l’appui et de la médiation du CIO. Le directeur général du comité, Thomas Bach, s’était rendu à Pyongyang fin mars 2018 où il avait rappelé sa volonté de « continuer d’accompagner le dialogue politique par le sport, en aidant les athlètes à se préparer et à participer aux futurs Jeux olympiques ». L’organisme soutient les sportifs du nord participant à des compétitions internationales, comme ceux envoyés aux championnats du monde de tennis de table en avril 2018 en Suède. Dans le même temps, l’UNESCO a accepté d’inscrire en novembre 2018 sur la liste du patrimoine culturelle, le « ssireum », une forme de lutte traditionnelle coréenne, au nom des deux pays. « En multipliant les initiatives, les deux Corées, et particulièrement Moon Jae-in, veulent établir une forme de fait accompli, d’élément irréversible dans le rapprochement », note un bon connaisseur du dossier. « Le fait que la Corée du Nord s’engage pour accueillir les Jeux olympiques montre son
intention de dénucléariser, de s’intégrer à la communauté internationale et de s’ouvrir », veut croire An Min-suk, président du comité parlementaire sud-coréen des sports. A Séoul, l’idée reste toutefois que le seul moyen de parvenir à organiser ces jeux est de mener conjointement sa préparation, la dénucléarisation et l’ouverture. Même au CIO, l’enthousiasme reste nuancé face à la complexité du projet. « Est-il réaliste d’avoir des jeux dans deux pays aux systèmes politique et économique et aux infrastructures si différents ?», s’interroge un membre du comité cité par l’agence Reuters. Si la candidature l’emportait, Séoul organiserait les jeux pour la deuxième fois, après ceux de 1988. A l’époque, la Corée du Nord avait proposé de participer à l’organisation. Les discussions n’avaient rien donné. Des agents du Nord avaient par la suite fait exploser un avion de la compagnie Korean Air, quelques mois avant le début des jeux, semble-t-il pour en perturber l’organisation. [sources : www.lemonde.fr /par Philippe Mesmer publié le 13 février 2019]
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K-PARISIEN
PAIK KUN-WOO, EN TRAIN DE JOUER AVEC LA PHILHARMONIE DE BUENOS AIRES, EN ARGENTINE (THÉÂTRE COLÓN, AOÛT 2015).
UN PIANISTE EN QUÊTE DE VÉRITÉ Il n’a ni voiture, ni ordinateur. Toujours vêtu d’un pull over noir à col roulé, désormais devenu sa marque personnelle, il se déplace en métro. Il semble que le temps ne l’affecte aucunement.
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La musique est le miroir de la pureté
La musique est sons et vibrations. La physique contemporaine explique que si l’on fragmente jusqu’à l’extrême même un rocher ou un métal, matériaux les plus durs qui soient, il ne demeure qu’une forme de vibration incertaine. En un seul mot, toutes les matières que nous touchons et percevons sont à 99,99 % vides et tout l’univers n’existe finalement que sous la forme d’ondes. De ce point de vue, tout ce qui nous entoure peut être considéré comme des sons, c’est-à-dire de la musique. Paik Kun-woo est un musicien qui comprend justement ces caractéristiques essentielles de la musique. C’est la raison pour laquelle ce pianiste est reconnu dans le
monde entier, au-delà des frontières de la Corée du Sud. Pour lui, la musique n’est pas une simple restitution de notes mais permet de communiquer avec les éléments les plus fondamentaux de l’univers. Il s’agit de la voix de Dieu et d’une prière qui résonnent directement dans notre cœur. C’est pourquoi de nombreuses personnes dénomment Paik Kun-woo le « pianiste en quête de vérité ». « Je pense que la musique est un miroir reflétant la pureté de l’être humain, cet élément le plus proche de la nature. Je parle d’un miroir permettant d’échapper à tout ce qui est artificiel et fictif, et d’éveiller des sentiments ou des sensations les plus originelles et les plus naturelles.
K-PARISIEN J’ai l’impression que notre époque s’éloigne de plus en plus de cette pureté. La musique est un itinéraire nous menant à la pureté ». Paik Kun-woo évoque la pureté comme la valeur la plus importante pour la musique, car sans être pur, on ne peut s’approcher de la vérité. Comme il est difficile de mener une conversation ou de jouer de la musique dans une atmosphère bruyante, on ne peut discerner la vérité lorsque l’on est cerné par les mensonges et les préjugés. « Lorsqu’on joue de la musique, il faut l’aborder avec un cœur pur afin d’appréhender plus précisément l’univers du compositeur. Parfois, la mélodie ellemême comporte certains sentiments, telles que de la joie, de la tristesse, de la souffrance ou de la peur. Je pense que le premier pas pour jouer de la musique consiste à conserver cette pureté en tant qu’interprète. Il faut absolument éviter de mettre en avant l’interprète plus que le compositeur ou de recourir à des techniques artificielles en pensant trop au public ». Un travail créatif insufflant la vie à des sons
J’ai rencontré Paik Kun-woo et son épouse Yoon Jeong-hee, à l’automne 2008, dans un vieux café situé dans une ruelle du quartier Saint-Germain, à Paris. Le café se trouve dans un immeuble construit en 1878 et protégé actuellement par son statut de patrimoine cultuel. En se promenant dans la ruelle, il m’a expliqué que ce quartier conserve encore le visage du Paris d’autrefois. Depuis cette rencontre, nous gardons des contacts constants, en nous voyant par exemple dans un restaurant chinois situé dans le quartier de l’Opéra où il se rend régulièrement depuis 30 ans. Paik Kun-woo ne possède ni voiture, ni ordinateur. Vêtu d’un pull over à col roulé, devenu désormais sa marque personnelle, il sillonne Paris en métro et à
pied. Le temps ne semble avoir aucun effet sur lui. Ce qui a changé au fil du temps, ce n’est que son apparence. Dissimulée en son for intérieur, son « attitude refusant tout compromis contre la pureté » demeure toujours intacte. Surtout, il est particulièrement exigeant quant à la pureté de la musique. « L’interprétation consiste à créer grâce à des sons. Il s’agit de donner un souffle à chaque note. Même si l’on joue la même partition, chaque expression musicale doit être différente. En fait, plus l’on observe une partition, plus on a l’impression qu’elle change. C’est peut-être grâce à notre expérience… Selon que tel son ou tel autre est accentué, selon la façon d’harmoniser un son avec d’autres sons environnants ou avec la basse, l’atmosphère de l’ensemble de la composition peut changer ». En fait, beaucoup de pianistes possèdent une excellente technique. Si l’on considère que jouer du piano ne consiste qu’à appuyer sur les touches correspondant aux notes, sans avoir réfléchi suffisamment à chacune des partitions, quelques années d’entrainement suffiront pour la plupart des personnes. Cependant, le travail visant à insuffler vie et couleur aux sons relève de la création. « On peut citer la sculpture comme exemple. Pour réaliser une œuvre, l’artiste doit choisir quelle partie tailler. C’est pareil pour la musique. Ôter la partie inutile et chercher à se rapprocher de la vérité de la composition, c’est cela la voie du musicien ». En janvier 2009, j’ai pu assister à un concert de Paik Kun-woo accompagné d’un orchestre, qui a eu lieu à la Salle Pleyel, dans le 8ème arrondissement de Paris. Ce jour-là, il a joué au piano le Concerto n° 2 de Johannes Brahms. Qu’évoque le fait d’habiter Paris ? J’ai pensé que la ville de Paris satisfait grandement le droit au bonheur de ses habitants et ce, grâce à l’art.
Ecouter de la musique, c’est écouter une histoire
Paik Kun-woo est un pianiste mondialement reconnu. Il vit actuellement à Paris et y travaille très activement. En se mariant, en 1976, avec la célèbre actrice sud-coréenne Yoon Jeong-hee, il a connu une certaine notoriété auprès du grand public. Paik Kun-woo est né à Séoul, le 10 mai 1946, année suivant celle de la Libération de la Corée. Il a eu cette chance d’avoir des parents qui s’intéressaient beaucoup à la musique et à la culture occidentale. A l’âge de 8 ans, ses parents découvrent le talent musical de leur fils et lui apprennent le piano. A 10 ans, seulement après 2 années d’apprentissage, il donne son premier concert avec l’orchestre national de Corée du Sud en jouant un concerto pour piano de Grieg, ce qui a attiré toute l’attention du public sur cet enfant prodige. En 1961, à 15 ans, Paik Kun-woo entre à la Juilliard School, à New York, et étudie auprès de Rosina Lhévinne. Après y avoir obtenu son diplôme de master, il part pour l’Europe et poursuit sa formation sous la direction de Wilhelm Kempff. Celui-ci l’a beaucoup inspiré, notamment quant à l’attitude du musicien. Lors d’une interview en date du 3 novembre 2010 pour le Kyunghyang Shinmun, il évoque ainsi l’influence de son maître : « Lorsque j’étais encore jeune, j’interprétais la musique selon mes impressions. Ce n’était pas assez raffiné. Avec l’âge, je suis devenu plus attentif. Désormais, plutôt que de mettre en avant mes impressions, je prête l’oreille à ce que la musique cherche à me raconter. Je me souviens que mon maître (Wilhelm Kempff) essayait de saisir des sons, note après note, presque comme un rituel religieux. Certes, cette méthode ne convient pas à tous les genres de musique. Mais, répéter sans cesse la même partition constitue un travail permettant de découvrir ce qu’un son contient. » 01 mars 2019 (vol.892)_16
K-PARISIEN Ce que signifie enregistrer l’œuvre intégrale d’un compositeur
Après ses études aux Etats-Unis et en Europe, Paik Kunwoo obtient le grand prix du concours Naumburg en 1967. En 1969, il est lauréat du concours Busoni et est également sélectionné pour la finale du concours Leventrill. En 1972, grâce à son interprétation de l’intégrale des concertos pour piano de Ravel, il commence à être connu dans le monde. Afin de comprendre leur univers musical et de proposer une interprétation parfaite, Paik Kun-woo étudie et interprète de manière approfondie, d’abord l’œuvre intégrale de Ravel, mais aussi celle d’autres compositeurs, tels que Debussy, Moussorgski, Liszt, Scriabine, Prokofiev, Rachmaninov et Messiaen. Il devient le premier pianiste asiatique à avoir enregistré l’intégrale des concertos pour piano de Rachmaninov. A cette époque, alors qu’en Corée du Sud, il était très rare de proposer une interprétation de l’œuvre intégrale d’un compositeur, cette tentative de Paik Kun-woo peut-être considérée comme pionnière. Le fait d’enregistrer l’œuvre intégrale d’un compositeur recèle une grande signification. En effet, afin d’interpréter correctement l’œuvre musicale d’un maître, il est nécessaire de comprendre l’ensemble de sa vie, car chaque partition n’existe pas indépendamment, mais dans le flux de l’ensemble. Paik Kun-woo, afin de comprendre un compositeur, observe l’ensemble de ses œuvres, étudie divers ouvrages le concernant, collecte un maximum d’archives et les examine minutieusement pour préparer son récital. Puisqu’il manie délicatement chaque son comme pour un rituel religieux, tout comme son maître Wilhelm Kempff le faisait, lorsque Paik Kun-woo effleure les touches de son piano, on ressent une impression majestueuse, mystérieuse, parfois prodigieuse. C’est pourquoi on le surnomme « le pianiste en quête de vérité ». Il était donc tout à fait normal que Paik Kun-woo ait été accueilli par de bonnes critiques pour son disque consacré aux œuvres de Scriabine : « Il propose des interprétations superbement exécutées après avoir parfaitement compris l’univers philosophique et psychologique de Scriabine ». En 1992, il reçoit le Diapason d’or, ce prix reconnu et faisant référence en France dans le domaine de la musique classique, ainsi que le prix de la Nouvelle Académie du Disque. Son attitude vis-à-vis de la musique se révèle exemplaire, non seulement pour les musiciens, mais également pour les chercheurs d’autres domaines. Un musicien est quelqu’un qui possède un talent musical inné
Lorsqu’on se produit sur la scène internationale, dans chaque pays, les spectateurs réagissent différemment à l’interprétation, car le tempérament de chaque peuple diffère selon le climat et l’environnement du pays. Par exemple, dans un pays insulaire 15_le journal PARIS JISUNG
comme l’Angleterre ou le Japon, une culture tenant toujours compte des autres et respectant une certaine étiquette s’est naturellement développée. En effet, puisqu’on doit vivre et se rencontrer régulièrement, dans un espace réduit, les voisins, même si lorsqu’on rencontre des désaccords avec ces derniers, ont tendance à ne provoquer aucun conflit. Dans ce cas, comment un musicien perçoit-il cette différence de caractères propres à chaque peuple ? « Je ne remarque pas trop cette différence, car la musique permet une rencontre entre individus. Ne dit-on pas souvent qu’il n’y a pas de frontières pour l’art ? Néanmoins, d’après mon expérience personnelle, les spectateurs des pays slaves comme la Russie semblent percevoir la musique avec leur cœur, alors que les spectateurs de l’Europe occidentale la ressentent avec leur raison ». Même s’il interprète la même partition, puisqu’il doit jouer, chaque fois, à une heure différente et dans un endroit différent, Paik Kun-woo ne néglige jamais ses répétitions. « Pour répéter, je m’entraîne 5 à 6 heures par jour. Je joue de manière intense pendant une heure et je me repose un peu, ensuite je recommence. Je me concentre tellement, à tel point que je suis exténué le soir ». Je crois qu’il faut admirer ses énormes efforts et sa grande passion pour son étude constante des compositions et ses propositions d’interprétations différentes, même s’il est désormais un pianiste célèbre donnant depuis longtemps des récitals dans le monde entier et qu’il est capable de proposer une interprétation de qualité même en jouant les yeux bandés. Cela ne serait-il pas possible puisqu’il adore réellement jouer ? Je sais que c’est une question stupide, mais je lui ai demandé s’il n’était pas pianiste, que serait-il ? « Un musicien est quelqu’un qui possède un talent musical inné. Si cette personne ne peut pas jouer de la musique, elle est très malheureuse. Parce que notre vie est remplie de musique… De ce point de vue, je suis quelqu’un de très heureux. Mais, si je n’étais pas pianiste…, je ne sais pas… Comme j’adore observer, je serais peut-être devenu photographe ». Si Paik Kun-woo était photographe, on pourrait contempler les belles images de scènes parisiennes qu’il aurait captées avec un regard différent. Résidant à Paris, il confie qu’il aime l’ensemble de Paris, non pas un endroit particulier de la ville. L’histoire culturelle et l’atmosphère spécifique de Paris retient donc ce pianiste virtuose dans cette capitale. Selon sa propre expression, « Paris satisfait largement notre droit au bonheur et à l’émotion grâce à l’art ». En 2000, Paik Kun-woo a été décoré par le gouvernement français chevalier de l’Ordre des arts et des lettres. C’était certainement en récompense de son amour pour Paris.
K-PARISIEN Devenir un passeur de pure musique
Il y a quelques années, un feuilleton télévisé intitulé « Beethoven virus » a connu un grand succès en Corée du Sud. En scrutant le personnage principal, Kang Kun-woo, les téléspectateurs sud-coréens ont dû l’identifier à Paik Kun-woo. En effet, non seulement leurs noms se ressemblent, mais ils partagent également leur talent musical et leur aptitude à relever des défis. Comme si c’était son destin, Paik Kun-woo a enregistré 9 albums réunissant l’intégrale des sonates pour piano de Beethoven. Enregistrer l’ensemble des œuvres de Beethoven représente un travail colossal qu’il n’aurait jamais pu accomplir sans son inépuisable passion pour le compositeur, mais aussi sans cette volonté exceptionnelle qu’il met au service de la musique. Le fait que ce musicien, d’habitude très peu bavard et silencieux - qui pour cette raison parait parfois assez lent - puisse manipuler si rapidement les touches du piano, résulte de son obsession pour la musique. « Le travail consistant à réunir l’ensemble des sonates composées par Beethoven représentait un immense chantier, rien que de par son volume. C’était la plus grande œuvre de ma vie. Interpréter tous les morceaux d’un compositeur constitue, d’après mon expérience personnelle, un travail difficile et épuisant, impliquant quelque chose de plus imposant qu’une simple interprétation. Il ne s’agit pas d’une question de nombre, mais je dirais plutôt parce qu’il faut évoquer la vie entière d’un musicien. On peut la
comprendre plus facilement, si l’on tient compte du fait qu’une composition renferme divers éléments, tels que l’amour, la souffrance, la joie ou un souvenir du passé ». Dans l’histoire de la musique, les sonates de Beethoven ont été le plus fréquemment jouées et sont pour cette raison surnommées le nouveau testament de la musique. Considérant l’enregistrement de l’intégrale des œuvres
de Beethoven comme l’œuvre de sa vie et après l’avoir réalisé, Paik Kun-woo a proposé des récitals dans le monde entier, l’interprétation de ses 32 sonates de Beethoven ayant été accueillie par de bonnes critiques. « Son sens dramatique, son humour, la perfection des nuances, une harmonie sérieuse et solennelle et la virtuosité gestuelle de ses mains semblant s’envoler, tout ceci s’entremêlant, Paik Kun-woo interprète obstinément sans compromettre l’esprit de l’œuvre, surtout sans jamais perdre la beauté des sons ».
Telle était la critique rédigée par Rob Cowan, chroniqueur musical du quotidien britannique The Independent, à propos de l’album de Paik Kun-woo. Ce premier album de l’intégrale des œuvres de Beethoven, déjà sorti en Angleterre, en Allemagne, au Japon et en Hongrie, est très apprécié par le public. Comme l’univers d’un compositeur change selon ses expériences et au fil du temps, son interprète doit également évoluer. Même si un même musicien joue un même morceau, il l’interprètera différemment à chaque récital. C’est là la raison pour laquelle de nombreuses personnes viennent et reviennent à ses concerts pour l’admirer. D’innombrables grands musiciens nous ont quittés en laissant l’interprétation de leurs partitions dans les mains d’interprètes et dans la mémoire du public. Paik Kun-woo communique avec les compositeurs, les interprètes et tous ceux qui aiment la musique et ce, à travers cette musique accessible équitablement par tous. Paik Kun-woo est audacieux, à tel point qu’il peut sommeiller juste avant de monter sur scène, même lors d’un concert très important. Cela est peutêtre possible parce qu’il réussit à vider son corps et son âme pour les transformer en passeurs de musique. En ce soir d’automne, j’aimerais écouter son interprétation…
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16 janvier 2018 (vol.886)_14