ECHO Magazine - Juin 2022

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POLITIQUE ÉCONOMIQUE

IMPÔT ANTICIPÉ OUI À LA RÉFORME La réforme de l’impôt anticipé, sur laquelle nous voterons le 25 septembre, est un sujet un peu spécial : en effet, elle ne vise pas à obtenir une quelconque « baisse d’impôt » ou « cadeau fiscal », selon l’expression consacrée. Le projet prévoit de supprimer l’impôt anticipé (IA) sur les rendements d’intérêts, sans bien entendu pour autant supprimer l’imposition finale de ces rendements. L’objectif est de simplifier les démarches, pour rapatrier des activités, des emplois et des recettes fiscales qui échappent à notre pays depuis des années.

Une brève explication s’impose : la Suisse applique un impôt anticipé sur les revenus d’intérêts (obligations), les rendements de carnets d’épargne ou encore les dividendes. Le taux de 35 % est le plus élevé du monde. L’impôt garantit que le contribuable déclarera bien les revenus concernés. Une fois cela fait, il est remboursé. Mais le système présente de grands défauts : lorsqu’ils se financent en émettant des obligations, les grands groupes ne le font plus forcément en Suisse. Pour les investisseurs étrangers, le taux de 35 % fait en effet figure d’épouvantail : ils ne reçoivent que 65 % des intérêts dus et doivent ensuite réclamer le remboursement des 35 % restants par le biais de procédures fiscales lourdes. C’est pourquoi les entreprises suisses

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procèdent souvent à l’émission d’obligations à l’étranger, au Luxembourg surtout, qui ne connaît pas l’impôt anticipé. LA SUISSE À LA TRAÎNE Il n’est donc pas étonnant de constater qu’en matière d’émissions obligataires, la Suisse est un nain en comparaison avec… le Luxembourg. Par rapport à son PIB, ce petit pays émet environ 200 fois (!) plus d’obligations que la Suisse (graphique p. 15). Dans le domaine prometteur des obligations destinées à financer la transition écologique, le Grand-Duché a célébré l’an passé l’émission de sa 1’000 e obligation durable, alors que la Suisse plafonnait avec une soixantaine de titres. Il n’y a donc pas photo entre les deux pays. Une grande partie des activités liées à l’émission des obligations, qu’il s’agisse d’un département de trésorerie, d’un organisme de conseil ou des banques qui procèdent à la mise sur le marché, ont lieu hors de Suisse. La réforme vise à récupérer une partie de ces activités, ce qui signifie aussi des emplois, des cotisations sociales et des impôts. Le potentiel se monte à des centaines de milliards de francs. CONTENU DE LA RÉFORME La réforme prévoit d’exonérer les rendements d’intérêts des obligations de l’impôt anticipé. Rien ne change en revanche pour les carnets d’épargne, ni pour les dividendes, qui représentent

Les entreprises suisses procèdent actuellement souvent à l’émission d’obligations à l’étranger, une situation qu’il s’agit de corriger.

l’essentiel des revenus pour la Confédération. Dans son message, le Conseil fédéral tire un trait sur un montant d’environ 1 milliard de francs, qui est la part de l’impôt actuellement retenu que les contribuables pourront encore réclamer. C’est une « perte » unique déjà prise en compte dans la planification financière, ce qui signifie qu’elle n’aura aucune incidence sur le budget de la Confédération. Ensuite, la suppression de l’impôt anticipé provoquera un manque à gagner annuel d’environ 200 millions de francs, à 90 % à charge de la Confédération. Mais la réforme promet mieux : l’institut KOF estime que le PIB augmentera entre 0,5 et 0,7 points. Pour la Confédération, cela signifie des recettes supplémentaires de 350 millions de francs après cinq ans. Même les collec-


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