EXCESSIVES, Louise Ebel (Ed. Favre 2019) - EXTRAITS.pdf

Page 14

Geneviève Lantelme, « Pauvre Ginette ! » De la Belle Époque, il y a des visages dont nous gardons mémoire, des Cléo de Mérode ou des Belle Otero, aux portraits cent fois reproduits, et souvent croisés sur les présentoirs de cartes postales anciennes, des Liane de Pougy ou des Misia Sert, dont les biographies ont été copieusement éditées, mais, pour cette poignée d’égéries estampillées 1900, combien d’autres, autrefois célébrées comme presque reines, sont aujourd’hui tristement oubliées ? C’est le cas de Geneviève Lantelme, une actrice tapageuse, nimbée de gloire en son temps, qui avait la beauté du diable et les coups d’éclats qui allaient avec. Son sex-appeal, sa soif de séduction, ainsi que ses débordements orageux scandalisèrent ses contemporains. Les femmes voulaient l’imiter, les hommes voulaient la posséder, mais aucun ne réussit. Car elle resta indomptable, cette créature que l’on appelait avec déférence La Lantelme, celle qui, en guise de protestation, tailladait des fourrures à cinquante mille francs, celle qui volait des maris mais seulement pour se servir de leur argent, et celle qui répondait par un insolent « merde ! » à ceux qui l’enjoignaient de marcher au pas. La norme, Geneviève Lantelme ne la suivit jamais ; au contraire, elle fut la définition même de l’excès et ainsi sa vie, comme sa mort, fut à son image, spectaculaire… Curieusement, l’histoire n’a pas retenu son nom ; à croire que la postérité est aux artistes ce que la femme était à François Ier : bien fol est qui s’y fie…

I – La gamine de Paris Pour l’État, Geneviève Lantelme s’appelait Mathilde Hortense Claire Fossey. Elle était née un jour de mai 1883, sous le double patronage du quartier des Batignolles et du signe du taureau, et c’était à peu près tout ce que l’on savait sur son enfance, si ce n’était la légende tenace, mais peut-être fausse, qui voulait que sa mère ait été la patronne d’un bordel. Cette dernière aurait apparemment poussé le vice jusqu’à y introduire sa fille dès l’âge de douze ans, ce qui aurait constitué une éducation plutôt originale ! En réalité, le seul élément dont nous disposons qui puisse accréditer cette thèse, c’est que ses parents avaient divorcé cette même année et que, chose rare pour l’époque, la garde des enfants fut confiée au père. Madame Fossey était-elle donc réellement maîtresse de maison particulière, ou avait-elle seulement une


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.