LOUD - Quand les collectivités territoriales et les jeunes de neuf villes européennes se mobilisent

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European Forum for Urban Security

LOUD - Quand les collectivités territoriales et les jeunes de neuf villes européennes se mobilisent contre l'intolérance et l'extrémisme


>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> Publié par le Forum européen pour la sécurité urbaine (Efus), cet ouvrage résulte du projet LOUD (Jeunes leaders locaux pour l’inclusion) qui a été mené de 2019 à 2021. Il a été rédigé par Tatiana Morales (chargée de mission), Pilar De La Torre (chargée de mission) et Nathalie Bourgeois et produit sous la supervision d’Elizabeth Johnston (déléguée générale) et de Carla Napolano (déléguée générale adjointe), avec la contribution des partenaires du projet. L’utilisation et la reproduction sont libres de droits pour usage non commercial et à condition que la source soit spécifiée. Révision : Global Voices Ltd. Mise en page : Marie Aumont Impression : Technicom, Boulogne-Billancourt Imprimé en juin 2021 ISBN : 9782913181892 Dépôt légal : juin 2021 Forum européen pour la sécurité urbaine 10 rue des Montibœufs 75020 Paris – France +33 (0)1 40 64 49 00 contact@efus.eu - www.efus.eu

Cette publication a été cofinancée par le programme Erasmus+ de l'Union européenne. Elle n'engage que ses auteurs et la Commission européenne ne peut être tenue pour responsable de l'utilisation qui pourrait être faite des informations qu'elle contient.


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Remerciements

>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> Le projet LOUD a été mené à bien grâce à la mobilisation et à l’engagement des villes partenaires et des experts qui ont contribué à ses différentes composantes et à la préparation de cette publication. Nous les remercions pour leur engagement tout au long du projet et pour avoir généreusement partagé leurs connaissances, leur expérience et leur expertise. Ils ont ainsi contribué à atteindre nos objectifs communs. Nous souhaitons également remercier tous ceux qui ont contribué aux nombreux événements présentiels et en ligne, réunions, et discussions générales organisés dans le cadre du projet. Leurs efforts pour promouvoir la participation des jeunes aux initiatives de lutte contre les violences discriminatoires et pour élaborer des campagnes de discours alternatif comme instrument de cohésion sociale au niveau local ont été une source d’inspiration pour l’ensemble du projet. Ils sont les véritables moteurs qui font avancer les choses vers une ville plus tolérante. Enfin, nous souhaitons remercier la Commission européenne, et en particulier l'Agence exécutive « Éducation, audiovisuel et culture » via le programme Erasmus +, pour son soutien financier sans lequel ce projet et cette publication n’auraient pas été possibles.

Partenaires du projet Le projet LOUD a été mené grâce à la participation des partenaires du projet, des experts et des collectivités territoriales. Nous les remercions pour leur engagement et leur enthousiasme : Diana Schubert, Adam Hosek (Ville d'Augsbourg, Allemagne), Tanja Schwarzer (Ville de Düsseldorf, Allemagne), Jans Willems, Anneleen Oyen (Ville de Louvain, Belgique), Gloria Herance Alvarez, Sarai Martinez Ruiz, José Antonio Garcia Calvillo, Laia Gonzales Pradanos (Ville de L’Hospitalet de Llobregat, Espagne), Sophie Grehan, Sankou

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Diaby (Ville de Rosny-sous-Bois, France), Sophie Le Bihan, Jérôme Pillon (Ville de Montreuil, France), Anna Bonnaillie (Ville de Lille, France), Amadou Dramé, (Valenciennes Métropole, France), Anastasia Herkeletzi (Ville de Pella, Grèce), Delphine Monrozies, Florian Zappa, Léa Lazic (Eurocircle), Nicoletta Manzini, Federica Trimarchi (Fondazione Mondinsieme), et Tarik Gürleyen (Streetwork@online).

Autres contributeurs Agnès Pradet ; Alfredo Cohen (El Parlante) ; Centre Kamper 17 Düsseldorf ; Dalia Moretto (Association locale d'étudiants de L’Hospitalet) ; Delphine Michel ; Ecole Heilig Hart Kessel-lo à Louvain ; Gifty Boachie ; Hervé Denhaerynck (Association STAJ) ; Joseph-Beuys-Gesamtschule Düsseldorf ; Kelsey Bjornsgaard (Institute for Strategic Dialogue) ; Lisa Vanderhaeghen (Passerellevzw Association) ; Maria Lozano (Radicalisation Awareness Network) ; Markus Pausch ; Myassa Djebara ; Shani Benoualid ; et le Service pénitentiaire d'insertion et de probation de la Seine-Saint-Denis (Marie-Rolande Martins).

Les jeunes du projet LOUD : Abdel-Jalil, Ahmad, Alexander, Alexandre, Alfidel, Alice, Amel, Ammar, Anastasia P., Anastasia V., Anatoli, Antonia, Azucena, Benoit, Bilal, Blandine, Browny, Charlotte, Clara, Clément, Coraline, Cüneyt, David, Despina, Despoina, Dimitra A., Dimitra P., Edu, Elisa, Elpida, Emilie, Emmanouil, Eniola, Erik, Esther, Evaggelia, Evgenia, Fatih, Fatima, Fatimeh, Fily, Georgia, Goundo, Guillaume, Hafsatou, Hannah, Hassan, Helena, Hibat-Allah, Ibrahim, Inès, Ioannis, Ioannis - Spyridon, Isabella, Jenebabe ‘Reina’, Jordan, Kaan, Kassandra, Katrin-Marie, Keîna, Kenza, Kévin, Laura, Léa B., Léa D., Léna, Lola, Lucy, Margot, Maria M., Maria P., Maria T., María, Maria – Ariadnh, Mateus, Melina, Michalis, Miriam, Mohamed Ab., Mohamed Ah., Mohamed L., Natalie, Nikolaos, Nils, Noah, Nora, Nour, Orhan, Özkan, Panagiota, Paula, Paul-Elian, Pol, Rabine, Rafailia, Ramadan, Rebeka, Robert, Sebastien, Selin, Sienna, Sofia, Souhaila, Soulaimane, Stavriani, Tariq, Theodora, Tiecoro, Vanessza, Vladimir, Walter, Yacine, Youssoufe, Zoi.

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Sommaire >>>>>>>>>>>>>>>>>>

Avant-propos..................................................................p. 8 L’Efus et les violences discriminatoires, la radicalisation et l'extrémisme...............................p. 10 Le projet LOUD............................................................p. 16 Les campagnes de discours alternatif comme outil pour les collectivités territoriales.......p. 20 Étapes pour mettre en oeuvre une campagne locale créée par des jeunes................................................. p. 29 Évaluation d’une campagne de discours alternatif..................................................p. 48 Annexe...........................................................................p. 52

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Avant-propos

>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> Les manifestations de racisme (de caractère religieux, racial ou ethnique), de xénophobie et d’autres formes de discriminations basées sur l'intolérance se sont intensifiées de façon inquiétante avec l’essor d'Internet et des réseaux sociaux qui permettent à la frustration et à la colère de s’exprimer comme jamais auparavant. Par ailleurs, la propagation des fake news et les campagnes de désinformation sur les réseaux sociaux ont pour conséquence d’alimenter la haine et l'intolérance et représentent une menace pour les valeurs européennes de démocratie et de liberté. Face à cela, les jeunes peuvent jouer et jouent déjà un rôle moteur pour promouvoir une société plus tolérante et multiculturelle. Les collectivités territoriales disposent ainsi d’un atout important auprès de la jeunesse locale, qu’elles peuvent mobiliser pour contrer localement les discriminations et les discours extrémistes. Il s’agit d’une part, de multiplier dans l’espace virtuel les messages qui promeuvent les droits fondamentaux et les valeurs démocratiques, et d’autre part de renforcer la résilience des citoyens, notamment des jeunes, face aux discours de haine et/ou extrémistes. Cependant, les collectivités territoriales n’ont pas toujours les compétences et les moyens nécessaires pour mobiliser de façon efficiente la société civile dans l’espace virtuel. L’Efus a ainsi élaboré et mené le projet LOUD, avec le soutien du programme Erasmus + de l’Union européenne, pour renforcer leurs capacités à mobiliser les jeunes pour la prévention des violences discriminatoires, notamment en utilisant cet espace virtuel. Les principaux objectifs du projet étaient de donner

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aux collectivités territoriales des outils concrets leur permettant de mobiliser de jeunes citoyens pour qu’ils produisent des campagnes de discours alternatif à la fois en ligne, donc accessibles à tous, et locales, donc ancrées dans la réalité du terrain. Dans ce sens, ce projet illustre un adage bien connu qui résume parfaitement le positionnement de l’Efus : penser globalement, agir localement. LOUD s’inscrit à la suite de précédents projets européens développés et menés par l’Efus pour renforcer la cohésion sociale et prévenir les discriminations. Citons les plus récents : MATCH SPORT (Rendre le sport amateur plus tolérant en éliminant le racisme et la discrimination), BRIDGE (Renforcer la résilience pour réduire la polarisation et la montée de l’extrémisme), JUST (villes justes et plus sûres pour tous), et Local Voices (Stratégies locales de communication pour prévenir l’extrémisme). Nous espérons que vous trouverez cette publication intéressante et qu’elle vous encouragera à renouveler ou élargir vos dispositifs existants ou à en lancer de nouveaux. Nous vous encourageons à partager vos pratiques avec l’Efus car elles peuvent inspirer d’autres collectivités territoriales et régionales européennes.

Elizabeth Johnston Déléguée générale de l’Efus

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Chapitre 1

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L’Efus et les violences discriminatoires, la radicalisation et l'extrémisme

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Depuis sa fondation il y a plus de 30 ans, l'Efus travaille sur les questions de marginalisation et de discriminations parce qu'elles ont un impact direct sur la sécurité de nos villes et la coexistence pacifique des citoyens. Elles affectent non seulement les individus ciblés mais aussi leur entourage et in fine toute la société1. Or l’expérience montre que l’effritement de la cohésion sociale alimente l’insécurité. Ainsi, l’un des principes fondateurs de l’Efus est de considérer que la sécurité ne relève pas exclusivement de la police ou de la Justice et qu’elle appelle une approche holistique, c'est-à-dire qui prenne en compte l'ensemble des facteurs favorisant la délinquance et le sentiment d'insécurité des citoyens. C’est pourquoi il est nécessaire de renforcer la prévention, en plus des réponses légales et pénales, et de mobiliser tous les acteurs qui participent à un degré ou un autre à la conception et à la mise en œuvre de réponses à l’insécurité et de solutions pour la prévenir.

Intolérances croissantes et essor des réseaux sociaux

>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> Les manifestations de racisme (de caractère religieux, racial ou ethnique), de xénophobie et d’autres formes d’intolérance sont une réalité quotidienne dans tous les États de l’Union européenne2. Ces dernières années, elles se sont intensifiées de façon inquiétante avec l’essor d'Internet et des réseaux sociaux qui permettent à la frustration et à la colère de s’exprimer comme jamais auparavant. De nombreuses études3 ont démontré que l'espace en ligne constitue une plateforme très efficace pour la diffusion de contenu haineux et d'idéologies extrémistes : les individus ou groupes extrémistes utilisent les griefs de la 1- Voir notamment Efus (2017). Prévenir les violences discriminatoires au niveau local : pratiques et recommandations, publication résultant du projet européen Just and Safer Cities for All (JUST). 2- FRA (2013). Note d’information de la FRA : Les crimes motivés par la haine et les préjugés au sein de l’UE. 3- Von Behr, I., Reding, A., Edwards, C., & Gribbon, L. (2013). Radicalisation in the digital era: The use of the internet in 15 cases of terrorism and extremism. Rand Europe (2013). ww - a response from the EEA and Norway Grants, EEA Grants, Norway Grants.

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population pour promouvoir la violence comme moyen légitime d'obtenir mieux (davantage de pouvoir, d'argent, de respect, de reconnaissance sociale, de discipline religieuse...). Ainsi, pour n’en citer qu’une, Explaining the Emergence of Echo Chambers on Social Media: The Role of Ideology and Extremism (Expliquer l’émergence de chambres d’écho sur les réseaux sociaux : le rôle de l’idéologie et de l’extrémisme) par Jonathan Bright4, « les groupements politiques qui sont situés aux extrêmes idéologiques interagissent moins et les individus ou partis aux extrêmes de l’éventail politique sont particulièrement enclins à former des chambres d’écho. » Par ailleurs, la propagation des fake news et les campagnes de désinformation sur les réseaux sociaux ont pour conséquence d’alimenter la haine et l'intolérance et représentent une menace pour les valeurs européennes de démocratie et de liberté.

Promouvoir la participation citoyenne

>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> Face à cette menace protéiforme et omniprésente qui ronge la cohésion sociale, l'Efus considère qu'il convient de répondre en mobilisant les citoyens et en particulier les jeunes pour l'élaboration et la diffusion de messages positifs fondés sur les valeurs de nos sociétés démocratiques et qui incitent à la réflexion. Il s'agit d’un côté d'occuper l’espace virtuel avec des messages qui promeuvent les droits fondamentaux et les valeurs démocratiques, et de l’autre, de développer la résilience des citoyens face aux discours haineux et/ou extrémistes, notamment des jeunes qui peuvent jouer un rôle moteur dans la construction d'une société plus tolérante et multiculturelle. Il est nécessaire de répondre à ce défi en mobilisant différents acteurs, principalement les jeunes qui sont les principaux utilisateurs des réseaux sociaux (mais pas les seuls), et qui peuvent être victimes ou auteurs de comportements dis-

4- Bright, J. (2016). Explaining the Emergence of Echo Chambers on Social Media: The Role of Ideology and Extremism, SSRN Electronic Journal.

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criminatoires ou extrémistes en ou hors ligne, afin de travailler avec eux et/ou de les encourager à oeuvrer en faveur d'un espace numérique plus respectueux. Par ailleurs, l'Efus considère que les collectivités territoriales peuvent jouer un rôle clé dans la prévention et la sensibilisation des communautés locales et de la société civile. Puisque les discours haineux et extrémistes sont susceptibles d'apparaître et de se diffuser dans une société polarisée, les collectivités territoriales sont bien placées pour réduire la polarisation et favoriser la cohésion sociale, la résilience et le progrès démocratique. Elles constituent en effet le niveau de gouvernance le plus proche des citoyens, et celui en lequel ces derniers ont le plus confiance. De plus, dans la mesure où elles ont des compétences étendues en matière de prévention des violences et de promotion de la cohésion sociale, elles sont des parties prenantes essentielles pour lutter contre les effets de la polarisation qui peuvent alimenter les conflits et la radicalisation au sein des municipalités. Elles connaissent bien la réalité sur le terrain et les besoins des habitants, et elles ont la capacité de mobiliser les acteurs locaux pertinents, notamment les associations qui travaillent auprès des groupes ciblés par la propagande haineuse et/ou extrémiste. Depuis plusieurs années et à la demande des villes membres de son réseau, l'Efus travaille intensément sur la prévention de la radicalisation et de l'extrémisme menant à la violence. Ainsi depuis 2013, il a mené ou été partenaire de 10 projets européens sur ces thématiques, dont LOUD5. La spécificité de l'approche de l'Efus est qu'elle considère la lutte contre les discriminations et les violences discriminatoires à 5- > IcARUS (Innovative AppRoaches to Urban Security) (2020-2024), qui promeut une approche intégrée et multidisciplinaire de la sécurité urbaine fondée sur des données probantes > PACTESUR (« Protéger des villes alliées contre le terrorisme en assurant la sécurité des zones urbaines ») > BRIDGE (« Renforcer la résilience pour réduire la polarisation et la montée de l’extrémisme ») (2019–2020) > PRoTECT (« Résilience publique en utilisant la technologie pour contrer le terrorisme ») (2018–2020) > PRACTICIES (« Partenariat contre la radicalisation violente dans les villes ») (2017–2020) > PREPARE (« Prévention de la radicalisation en probation et à la sortie de prison ») (2017–2019) > Local voices (« Villes sûres et justes pour tous ») (2015-2017) > Just and Safer Cities for All (2015–2017) > LIAISE I et II (« Institutions locales contre l'extrémisme violent ») (2014-2017) > L’Efus était partenaire du projet BOUNCE sur les outils de résilience (2013-2015) mené par le service fédéral (ministère) belge de l’Intérieur

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l'échelle locale comme un moyen efficace de prévenir la radicalisation et l'extrémisme violent. Pour l'Efus, une telle approche doit viser en particulier les jeunes dans la mesure où ils constituent le groupe de population le plus vulnérable à l'extrémisme sous toutes ses formes, mais aussi le mieux placé pour diffuser des messages alternatifs entre pairs.

Des groupes de jeunes soutenus par les collectivités développent des campagnes en ligne locales

>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> Le projet Local Voices, élaboré et piloté par l'Efus entre 2017 et 2018, s'appuyait sur ces principes. Il a permis à huit collectivités d'Allemagne, de Belgique, d'Espagne et de France de développer des campagnes en ligne locales de discours alternatifs susceptibles d’être soutenues par des voix locales crédibles. Ce projet reconnaissait ainsi le rôle clé des collectivités territoriales pour disséminer des discours alternatifs positifs. Par ailleurs, il a permis d’élaborer des recommandations pour la mise en place de stratégies locales de communication à destination de toutes les collectivités territoriales intéressées. Dans la même veine, le projet MATCH-SPORT, développé par l'Efus entre janvier 2019 et décembre 2020, a pour objectif de lutter contre les discriminations et l'intolérance dans le sport amateur à l'échelle locale dans le but d'éliminer les violences. Il a pour finalité de renforcer la cohésion sociale, l'adhésion aux valeurs civiques et le sentiment d'appartenance des citoyens à leur communauté locale en partant du principe que ce sont des biens communs essentiels pour prévenir l'extrémisme politique où s'enracine la radicalisation. Comme Local Voices, MATCH-SPORT est avant tout destiné aux jeunes dans un souci de prévention primaire et aussi parce que ce sont eux qui sont à la fois les premiers visés par ceux qui cherchent à attiser la haine et ceux qui constituent le meilleur rempart lorsqu'ils joignent leurs forces

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et disséminent des messages de tolérance dans leurs réseaux en et hors ligne. Un autre exemple de l'approche de l'Efus est le projet BRIDGE (janvier 2019 – décembre 2020) qui cherche à prévenir et lutter contre la polarisation à l'échelle locale. Là encore, l'Efus considère que l'affaiblissement de la cohésion sociale est un facteur clé. En effet, de nombreuses études6 montrent qu'un tel affaiblissement fait le lit de la pensée « nous contre eux » qui sous-tend la crispation de la société autour de pôles opposés. Une telle polarisation fournit à son tour un terreau pour la radicalisation. Comme pour tous les projets que l'Efus développe et porte, les trois que nous venons de citer ont pour caractéristique d'être focalisés sur l'échelon local. Ils portent sur des phénomènes transnationaux qui aujourd'hui se propagent en grande partie, et à vitesse exponentielle, par Internet. Pour autant, ils sont aussi très largement locaux : c'est en effet à l'échelle d'une ville ou d'un quartier que les citoyens se heurtent aux discriminations, à l'intolérance et à la polarisation des opinions et des attitudes. Et ce sont les collectivités territoriales qui se retrouvent en première ligne pour endiguer les poussées extrémistes et favoriser du mieux qu'elles peuvent la cohésion sociale et la tolérance entre tous les habitants. C'est pourquoi le projet LOUD a cherché à donner aux collectivités territoriales des outils concrets pour que de jeunes citoyens produisent des campagnes de discours alternatif qui soient à la fois en ligne, donc accessibles à tous, et locales, c'est-à-dire ancrées dans la réalité du terrain. En ce sens, ce projet illustre un adage bien connu qui résume parfaitement le positionnement de l'Efus : Think Globally, Act Locally (Penser globalement, agir localement).

6- Brandsma, B. (2017). Polarisation: Understanding the Dynamics of Us Versus Them, RAN Polarisation Management Manual. Radicalisation Awareness Network.

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Chapitre 2

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Le projet LOUD

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L'Efus a conçu le projet LOUD à partir d'une réalité constatée par de nombreuses collectivités territoriales européennes : l'essor des réseaux sociaux et la rapide propagation des discours de haine en ligne dont sont ou se sentent victimes certains groupes de population, notamment les jeunes, est le terreau qui alimente l'intolérance ou pire, l'extrémisme et la violence, autant dans l’espace en ligne que physique. Proches du terrain, les collectivités territoriales jouent un rôle important pour renforcer la cohésion sociale et l’inclusivité. Le projet LOUD (Local Young Leaders for Inclusion / Jeunes Leaders Locaux pour l'Inclusion) avait pour objet de leur donner des outils leur permettant de mieux, ou plus pleinement, jouer ce rôle en fonction de leurs besoins et de leur contexte spécifique. Soumis pour financement à la Commission européenne / Programme Erasmus + en 2018, il a démarré en janvier 2019 pour une durée de 30 mois (le projet ayant été prolongé de six mois en raison de la pandémie de Covid-19).

Les objectifs

>>>>>>>>>>>>>> L'objectif général était de favoriser l’émergence d’environnements inclusifs pour les jeunes, de façon à les empêcher de virer vers l’intolérance et les comportements extrémistes. En parallèle, il s'agissait de renforcer la capacité des collectivités territoriales et des jeunes à produire des discours alternatifs à l'intolérance et à l'extrémisme. Le projet s'est articulé autour de quatre objectifs spécifiques :

 contrer toute forme d’intolérance et de discours extrémiste parmi les jeunes,

 construire des discours alternatifs efficaces au niveau local,  donner les moyens aux jeunes de lutter contre les discriminations et les contenus extrémistes,

 promouvoir les échanges entre jeunes Européens autour des discours alternatifs.

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Les activités

>>>>>>>>>>>>>>>> Afin de remplir ces objectifs, le projet a été structuré autour de quatre types d'activités : 1) les diagnostics locaux, 2) la formation de jeunes, 3) la conception de campagnes de discours alternatif et enfin 4) la diffusion et l'évaluation de ces campagnes. Au cours de la première étape consacrée aux diagnostics dans les neuf localités partenaires du projet – Augsbourg et Düsseldorf (Allemagne), Louvain (Belgique), L’Hospitalet de Llobregat (Espagne), Rosny-sousBois, Montreuil, Lille et Valenciennes Métropole (France), et Pella (Grèce) – l'Efus et les experts du projet ont travaillé avec les collectivités afin d'évaluer leurs besoins et leurs priorités et d'identifier les acteurs locaux avec lesquels elles pourraient travailler. Il s'agissait notamment de savoir s'il existait des problèmes d'intolérance et de discriminations à l'échelle locale et si oui, où et sous quelle forme, et de repérer les jeunes résidents locaux susceptibles de participer à la conception de campagnes de discours alternatif. La deuxième étape a consisté à organiser des sessions de formation destinées aux jeunes sur la méthodologie du discours alternatif et la construction de campagnes locales. Il était prévu à l'origine qu'elles aient lieu dans chacune des neuf localités partenaires du projet mais la pandémie de Covid-19 et les mesures de confinement et de restrictions sur les déplacements prises par les différents pays européens ont amené le projet à réorganiser ces formations en ligne. Ouverts au public afin de disséminer les méthodologies LOUD à d’autres acteurs intéressés, au-delà des partenaires du projet, quatre webinaires ont ainsi eu lieu entre mars et juin 2020 sur les thèmes suivants :

 Webinaire 1 – Comment les récits alternatifs jouent-ils un rôle dans la prévention de la discrimination, de la polarisation et de la radicalisation au niveau local ? Comment se présentent les campagnes de discours alternatif réussies ? Quels acteurs devraient être impliqués et quels sont leurs rôles ?

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 Webinaire 2 – Comment concevoir une campagne de discours alternatif ? Comment créer des messages qui offrent une alternative positive aux discours discriminatoires ?

 Webinaire 3 – Comment faire une campagne efficace qui atteint l’audience cible et “vend” le message ?

 Webinar 4 – Comment une campagne de discours alternatif peutelle être mesurée et évaluée ? Lors de la troisième étape, des groupes de jeunes sélectionnés par et dans chacune des neuf collectivités partenaires ont conçu et réalisé leur campagne de discours alternatif avec l'aide de l'Efus et les organisations partenaires. Enfin, la quatrième étape a consisté à diffuser ces campagnes et à en évaluer l'impact sur trois niveaux :

1. Évaluation des campagnes et de leur impact sur le public cible

2. Évaluation de la participation des jeunes aux initiatives de lutte contre les discriminations, la polarisation et la radicalisation

3. Évaluation des campagnes comme outils de promotion de la participation des jeunes dans des actions de prévention développés par les collectivités territoriales

Les partenaires

>>>>>>>>>>>>>>>> Les partenaires du projet étaient, outre les collectivités déjà mentionnées, l'ONG européenne Eurocircle qui oeuvre pour « favoriser l'émergence d'une citoyenneté européenne interculturelle », basée à Marseille (France), la Fondazione Mondinsieme qui oeuvre pour la diversité culturelle, basée à Reggio Emilia (Italie), et l'association streetwork@ online, qui oeuvre pour prévenir la radicalisation islamiste des jeunes Berlinois (Allemagne).

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Chapitre 3

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Les campagnes de discours alternatif comme outil pour les collectivités territoriales

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Promouvoir des messages positifs fondés sur le respect des droits fondamentaux

>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> Avec l'essor exponentiel des réseaux sociaux à l'échelle mondiale, la quantité d'informations et de discours que nous absorbons et émettons s'est multipliée comme jamais auparavant. Le développement des technologies de communication et d’information a un impact sur les relations entre les individus, les pratiques délinquantes et les conduites à risques des jeunes. Les tensions de toutes sortes peuvent être amplifiées par ces usages alors que les professionnels de la jeunesse, et plus globalement l’action publique, peinent à occuper ce nouvel espace public dématérialisé. Outre le fait qu'ils véhiculent une masse vertigineuse d'informations et d'opinions, les réseaux sociaux se distinguent fondamentalement des médias traditionnels par le fait qu'ils sont à la fois globaux – ils couvrent toute la planète ou presque – et intimes. Chacun consulte Twitter, Instagram, Facebook ou TikTok dans son espace personnel – son téléphone, sa tablette... – où il ou elle reçoit l'information de façon individuelle, à l'opposé des grandes messes du journal télévisé ou des discours politiques adressés à une masse uniforme. Cela rend chacun de nous particulièrement perméable aux informations que nous recevons parce qu'elles proviennent de gens comme nous, des citoyens lambda, ou bien de personnalités publiques que nous admirons ou respectons et qui, grâce aux réseaux sociaux, nous parlent directement, « de moi à toi ». Internet et les réseaux sociaux permettent donc de communiquer avec un très grand nombre de personnes, de manière simple et pratiquement anonyme (on est caché derrière son écran), et du coup permettent de « libérer la parole ». C'est l'un des grands atouts des réseaux sociaux, mais aussi leur danger puisque l'information n'est ni vérifiée, ni filtrée.

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Dans ce contexte, les discours de haine offrent un moyen facile à certains groupes d’individus de ventiler leur frustration et leur colère. Ils sont fondés sur des stéréotypes et des préjugés qui facilitent la diffusion des théories du complot et favorisent l'exclusion et la polarisation (une vision du monde « eux et nous »). Ils peuvent également être utilisés pour justifier la violence et inciter à y recourir.

Une campagne de discours alternatif, c'est quoi ?

>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> Comment répondre à ces messages intolérants, discriminatoires ou extrémistes ? Il existe deux types de réponse qui visent à toucher des publics différents : les contre-discours, qui démontent les fausses informations, ou les discours alternatifs, qui promeuvent des messages positifs, des valeurs universelles et des modèles de comportement respectueux des droits fondamentaux et basés sur les valeurs démocratiques, la liberté et l’égalité. Les contre-discours s'adressent à un public qui sympathise déjà ou risque de sympathiser avec l’extrémisme. Ils ont pour vocation d’éviter que ces publics ne s’y engagent davantage ou de les aider à changer de point de vue et de comportement. Les discours alternatifs ont pour finalité de véhiculer une vision du monde intégratrice, constructive et respectueuse des droits fondamentaux afin de susciter une réflexion autour des thèmes qu’ils abordent et de proposer un cadre différent pour la discussion. Le projet LOUD a opté pour cette deuxième option à partir de la conviction que déconstruire et démystifier les discours extrémistes fait souvent partie du travail initial mais qu’il est nécessaire d’aller plus loin pour pouvoir construire une véritable campagne de discours alternatif7. Aussi, en favorisant la diffusion d’idées positives, ils permettent de toucher un public plus large.

7- Les éléments qui suivent sont tirés des webinaires organisés au printemps-été 2020 par le projet LOUD, avec notamment la contribution de Maria Lozano, experte auprès du Radicalisation Awareness Network (RAN) de l’Union européenne.

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Contre-discours, discours alternatif : de quoi s’agit-il ? Les organisations et institutions/acteurs de terrain travaillant dans le domaine de la lutte contre les discriminations, les discours de haine et l'extrémisme violent sont amenés à côtoyer ces termes au quotidien. Plusieurs définitions existent mais toutes utilisent en général le terme « contre-discours », notamment dans le travail contre l’extrémisme violent et le terrorisme. Ce terme souligne la nécessité de déconstruire et d’affaiblir les récits violents qui peuvent attirer en particulier les jeunes. Les contre-discours sont des messages qui ont pour objectif de répondre de façon proactive à la propagande extrémiste. Dans le cadre de campagnes globales sur Internet et hors ligne, ces messages proposent une alternative à la rhétorique extrémiste8. Le recours au terme « discours alternatif » souligne l’importance de mettre en avant des exposés différents ainsi que des alternatives qui ne soient pas uniquement le négatif des récits qu’elles cherchent à contrer. Ils proposent aussi des récits fondés sur les droits humains et les valeurs démocratiques, telles que l’ouverture, le respect de la différence, la liberté et l’égalité9. Les campagnes de discours alternatif se concentrent sur des thèmes précis. Il s’agit de campagnes de proximité adaptées à un public particulier. Elles visent principalement à diffuser des messages positifs afin de renforcer la résilience10. Il n’existe pas de règle stricte pour créer une campagne de discours alternatif.

8- Efus (2016). Prévenir et lutter contre la radicalisation à l’échelon local, Forum européen pour la sécurité urbaine, p.87. 9- De Latour, A., Perger, N., Salaj, R., Tocchi, C. & Viejo Otero, P. (2017). Alternatives - Les contre-récits pour combattre le discours de haine, Conseil de l’Europe. 10- Efus (2016). Prévenir et lutter contre la radicalisation à l’échelon local, Forum européen pour la sécurité urbaine, p.87.

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Recommandations méthodologiques pour une campagne réussie

>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> Sur la base de l’expérience acquise dans le projet LOUD, les recommandations suivantes ont été identifiées pour faciliter la mise en œuvre d’une campagne de discours alternatif par les collectivités territoriales.

Penser localement La première qualité, essentielle, d'une telle campagne est qu'elle doit être fondée sur le contexte local, c'est-à-dire aussi proche que possible de chacun des individus qui composent le public cible. Pourquoi ? Parce que les extrémistes utilisent souvent les problématiques locales dans leur propagande. Celle-ci est d'autant plus puissante qu'elle répond aux préoccupations ou griefs des résidents d'une localité ou d'un quartier. Les collectivités territoriales qui souhaitent promouvoir des messages alternatifs doivent donc aussi prendre en compte la situation particulière, les préoccupations et les aspirations des résidents locaux. Un audit local permettra de comprendre la situation réelle sur le terrain, ainsi que les répercussions des discriminations ou de l'extrémisme sur l'espace numérique et vice versa. Enfin, l'audit local permettra d'identifier et de mobiliser les acteurs locaux les mieux à même de contribuer à la campagne et de la disséminer de façon ciblée et efficace. Il permettra également de mieux définir de l’objectif de la campagne et de l’affiner de façon précise.

Connaître son public cible Il est fondamental de bien connaître son public cible avant, pendant et après une campagne, c’est-à-dire de déterminer à qui l'on souhaite s’adresser. Cela concerne toute campagne de communication, quel que soit son objet. Il s'agit notamment de réunir des informations sur le profil social, économique et culturel du public cible. Il est tout aussi important de bien connaître l'environnement de communication de ce

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public : quelles sont les idées et les informations qui l'entourent mais aussi ses habitudes en termes d’utilisation des réseaux sociaux ? Par exemple, utilise-t-il Facebook pour s’informer ou pour communiquer avec leurs parents ? Ces éléments auront notamment un impact sur les canaux de communication à utiliser par la suite pour la diffusion de la campagne.

Utiliser des messagers crédibles Utiliser des messagers crédibles permet de maximiser l'impact de la campagne. Il s'agit de personnes avec lesquelles le public cible peut s'identifier, entre autres parce qu'elles ont des références culturelles similaires et qu'elles parlent le même langage. Il peut s'agir par exemple de victimes de crimes ou de discours de haine, ou bien d'anciens “haineux”, ou encore de personnalités et d'influenceurs, ou bien des leaders ou membres de la communauté locale, ou encore d'organisations/associations respectées.

Appeler à agir Une campagne doit déboucher sur un appel à agir, qui doit être exprimé par des verbes à l'impératif : Agissez maintenant ! Aidez-nous et donnez ! Portez-vous volontaires ! La campagne doit s'adresser directement au public avec des mots qui font appel aux émotions. Il s'agit de donner un message fort et simple auquel le public peut facilement s'identifier. De plus, de tels appels à l'action donnent aux promoteurs de la campagne un outil très utile pour mesurer l'impact de celle-ci puisqu'ils peuvent suivre dans l'espace numérique ou hors ligne si ces appels ont été suivis d'effets.

Tester et évaluer la campagne régulièrement Il est recommandé de tester la campagne régulièrement, à toutes les étapes, c’est-à-dire de la conception à la diffusion et l’évaluation postérieure. En amont, il s’agit de constituer un échantillon représentatif de la cible (par exemple les collégiens de telle localité, ou bien les jeunes

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de 14 à 20 ans...) à qui l’on présentera les idées de slogans, de visuels, ou de film pour tester leur réaction et affiner les idées en conséquence. Ensuite, une fois la campagne lancée, il s’agit d’évaluer régulièrement son impact. À ce titre, les réseaux sociaux sont intéressants parce qu’ils incorporent des outils de mesure précis et faciles d’utilisation.

Prendre son temps Il vaut mieux consacrer plus de temps à préparer la campagne en recueillant des données sur le contexte local, en identifiant le public cible, en contactant les organisations locales de la société civile, et en ciblant les médias appropriés pour la diffusion plutôt que de faire les choses trop vite et de prendre le risque d’aboutir à une campagne faible et inefficace.

Communiquer avec le public jeune à travers les réseaux sociaux Les réseaux sociaux sont d’excellents outils de communication avec le public jeune, qui constitue le cœur de cible des campagnes de discours alternatif. Utiliser ces médias demande notamment :

 des contenus/livrables pertinents et attractifs,  une marque originale et distincte avec laquelle le public peut s’identifier et qui inspire confiance (à l'exemple de #BlackLivesMatter ou de #MeToo),

 une stratégie globale de promotion. Il faut aussi veiller à utiliser les bons réseaux sociaux, car chaque plateforme (que ce soit Facebook, Instagram, Twitter, TikTok ou autre) a ses caractéristiques, ses types de publics, ses atouts et ses inconvénients.

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Les campagnes de discours alternatif : un véritable travail de coproduction

>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> L'importance d'associer les communautés locales La meilleure façon pour l'émetteur de la campagne, en particulier s'il s'agit d'une collectivité territoriale, d'avoir un réel impact sur le terrain est d'associer dès la conception les communautés locales, généralement par le biais des associations ou organisations de la société civile déjà enracinées dans la communauté, le quartier ou la ville. Une telle approche a de multiples avantages. Les associations ont une connaissance fine du terrain, souvent plus profonde que la collectivité territoriale, mais aussi généralement davantage de crédibilité auprès du public que l'on souhaite toucher. Elles interviennent dans le ou les domaines que l'on va atteindre par le biais de la campagne et qui souvent ont un lien avec le problème de polarisation ou d'extrémisme auquel on souhaite répondre. Pour donner un exemple, il peut s'agir des associations qui interviennent dans les quartiers dits « sensibles » auprès de jeunes qui sont ou s'estiment victimes de racisme et d'exclusion sociale et sont ciblés par des recruteurs islamistes. Cela peut également être une association qui travaille auprès de jeunes hommes fans de football qui sont vulnérables à l'idéologie d'extrême-droite. Par le biais de ces associations, les collectivités territoriales pourront identifier les personnes-ressources dans la communauté qui pourront être des messagers crédibles, écoutés et respectés par leurs pairs. Au-delà de cet avantage immédiat, une telle démarche démontre que la collectivité territoriale est à l'écoute de tous les citoyens et prête à intervenir pour résoudre les difficultés rencontrées par telle ou telle communauté locale. Enfin, last but not least, il est important de soutenir ces associations/ organisations à la fois sur le plan financier et organisationnel, notamment en leur offrant des formations appropriées, préparées par des professionnels. Cela garantira que la collaboration peut se poursuivre sur le moyen et long terme.

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Promouvoir la participation des jeunes à l'échelle locale Les sujets qui suscitent des propos haineux sont en général ceux sur lesquels la société civile, dont les jeunes, a beaucoup de choses à dire. Les discours des jeunes sur ces questions sont différents de ceux que les institutions peuvent produire et cela constitue une richesse pour les collectivités territoriales. En effet, cela leur permet de concevoir des politiques de prévention et de lutte contre les discriminations qui soient davantage à l’écoute de ce public et qui intègrent leur voix sur ces problématiques et sur les alternatives qui peuvent s’offrir pour les endiguer. Faire participer les jeunes à l’échelle locale sur ces questions, au-delà d’instaurer un climat de confiance pour aborder des sujets sensibles, permet aussi de les impliquer en tant qu'acteurs et multiplicateurs d'une culture fondée sur les droits humains.

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Ainsi, par le biais des campagnes développées dans le cadre du projet LOUD, des jeunes de neuf collectivités européennes ont eu la possibilité de :

 Développer un esprit critique  Être plus conscients de l'impact des messages haineux en ligne et hors ligne

 Être moteurs de changement au niveau local. Investir l’espace numérique permet aux acteurs locaux d’adopter l’approche de « l’aller vers » et de toucher des jeunes habituellement éloignés des dispositifs de prévention parce qu'ils ne fréquentent pas les structures municipales et associatives. En revanche, quasiment tous les jeunes sont en ligne. Il est donc nécessaire que les collectivités territoriales se forment à utiliser l’espace digital pour leurs activités de prévention.

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Chapitre 4

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Étapes pour mettre en œuvre une campagne locale créée par des jeunes

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Une campagne locale de discours alternatif réussie, c'est-à-dire qui a atteint la cible choisie, fait passer un message qui résonne avec ce public et aboutit à améliorer une situation, est avant tout une campagne bien préparée. La première étape est essentielle : il s'agit de comprendre la situation réelle, sur le terrain, dans votre collectivité. Cela vous permettra d'affiner votre campagne de façon précise. La deuxième étape consiste à mobiliser les acteurs locaux qui sont le mieux à même de contribuer à la campagne et de la disséminer de façon ciblée et efficace. Ces acteurs locaux sont aussi essentiels dans l’identification et la mobilisation des groupes de jeunes qui concevront les messages des campagnes à l’aide de formations spécifiques sur les méthodologies de discours alternatifs. Ensuite, comme pour toute campagne de communication, votre campagne de discours alternatif doit être préparée avec soin et utiliser le savoir existant en matière de communication, notamment le ciblage, la conception de messages percutants en fonction de la cible, et les canaux de diffusion les plus adaptés. D’autre part, il convient d'évaluer la campagne rigoureusement pendant toute sa durée, et notamment pendant qu’elle est en cours de diffusion, afin de mesurer son impact et de déterminer ses points forts et faibles. Cela vous permettra d'ajuster votre approche au cours de la campagne et de décider comment capitaliser celle-ci par la suite.

L'audit local

>>>>>>>>>>>>>>>> La première étape, qui est essentielle, consiste à connaître la situation dans votre territoire et les besoins locaux en matière de prévention et de lutte contre les discriminations. Ainsi, un audit local des besoins de votre territoire doit :

 vous donner un premier aperçu des discriminations, du profil des victimes et de leurs auteurs ;

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 vous permettre d'identifier les problèmes principaux liés aux discriminations que rencontre une victime dans votre territoire, dans tous les aspects de son existence ;

 vous permettre d'identifier les mesures existantes en matière de prévention des discriminations : ressources (humaines, financières, infrastructures), succès et échecs en matière de cohésion sociale, d'intégration et d'interculturalité ou d'assimilation. En résumé, cet audit doit vous permettre d'identifier les défaillances auxquelles remédier et les aspects prioritaires sur lesquels travailler. Il est important de souligner que pour l’Efus et ses collectivités membres, travailler sur la prévention des discriminations permet de dégager des axes de travail pour s’attaquer aux questions de radicalisation menant à l'extrémisme violent.

S'entendre sur les termes Pour bien « photographier » une situation sur le terrain, il est évidemment essentiel d'être clair sur ce que l'on cherche à savoir. Dans le domaine de la prévention et de la lutte contre les discriminations (au sens large, nous y reviendrons plus en détail dans quelques instants), il s'agit de mesurer des situations concrètes dans votre territoire au regard de concepts qui ne sont pas forcément précis et clairs pour tout le monde. En effet, qu'entend-on exactement par « discriminations », « crimes de haine », « discours haineux », « violences discriminatoires » ou « radicalisation menant à la violence » ? Il est important de présenter ces concepts et de les travailler avec l’équipe qui réalise le diagnostic mais aussi par la suite avec les jeunes qui collaboreront à votre campagne de discours alternatif. L’annexe comprend une série de définitions qui résument le consensus général et qui sont celles sur lesquelles l'Efus fonde son travail. Ainsi, nous entendons le phénomène des violences discriminatoires à partir de cette définition : « Un acte de violence discriminatoire est un incident violent que la victime, un témoin ou toute autre personne perçoit comme étant incité par un préjugé ou un parti-pris, l’intolé-

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rance ou la haine, qu’il constitue ou non un délit ou un crime d’après le code pénal. » (Efus, 2017:13)11

Définir le cadre de votre audit Une fois clarifiées ces définitions, il convient de cadrer votre audit. Déterminez la zone géographique où vous comptez cibler votre étude : par exemple un quartier, ou quelques rues spécifiques, ou bien toute votre commune. Enfin, vous devez identifier les publics que vous cherchez à protéger contre les discriminations : femmes, jeunes, communautés ethniques, personnes âgées...

Définir les buts et les objectifs avec la méthode SMART Les buts sont des orientations générales qui définissent ce que vous voulez réaliser. Ils sont généralement fixés sur le long terme et représentent des visions globales telles que « la sécurité des habitants ». Les objectifs définissent des stratégies ou des étapes de mise en œuvre pour atteindre les buts. Les objectifs sont spécifiques, mesurables et ont une date d'achèvement définie. Ils sont plus spécifiques et définissent le qui, quoi, quand, où et comment. La méthode SMART est couramment utilisée pour définir des objectifs qui soient atteignables, c'est-à-dire :

Spécifiques (simples, clairs et compréhensibles) Mesurables (quantifiables et qualifiés) Acceptables (partagés et atteignables) Réalistes (raisonnables)  Temporellement définis (calendrier, date butoir, rapport temps/coût limité)

11- Efus (2017). Prévenir les violences discriminatoires au niveau local : pratiques et recommendations.

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Recueillir des données quantitatives... L'audit doit vous permettre de recueillir des données quantitatives sur la zone géographique que vous avez choisi d’examiner :

 aspects démographiques et sociaux (densité de population, distribution en fonction de l'âge, du genre, des ethnies, habitants, taux d'emploi et de chômage, revenu moyen...),

 conditions géographiques et de résidence (proportion de zones urbaines et périurbaines, taux de propriétaires/locataires...),

 statistiques policières et judiciaires, incivilités et désordres liés aux discriminations (faits constatés dans les établissements scolaires, les transports, les entreprises...),

 délinquance et incivilités qui génèrent un sentiment d’insécurité (violences familiales, homophobie, racisme, restrictions en matière d'accès à l'emploi ou au logement, infractions à la législation sur les stupéfiants, prostitution...)

 informations sur les moyens mis en matière de sécurité et de discriminations (action de la police, du système judiciaire, de la sécurité privée, prévention dans les transports, le parc locatif, l’espace public, les écoles…)

 informations sur le sentiment d'insécurité et de discriminations (à partir d'enquêtes menées séparément, soit au préalable, soit pour l'audit)

 informations issues des réseaux sociaux, notamment ceux qui ont une dimension locale en lien avec la problématique (par exemple les sites prônant les discriminations ou la haine)

 informations sur les processus de radicalisation, qu'ils soient religieux, politiques ou de toute autre nature (y a-t-il dans votre collectivité des individus identifiés comme étant en risque de radicalisation, ou déjà fichés comme tels?). Les villes partenaires du projet LOUD ont utilisé différentes méthodologies. À titre d’exemple, la ville de L'Hospitalet de LLobregat a employé les outils et sources d’information suivants :

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1. Collecte d'informations existantes (données secondaires) à partir d'enquêtes menées par d'autres institutions, de données disponibles provenant de sources statistiques, de rapports du conseil municipal et de documents de planification. 2. Recherches dans les médias locaux et les réseaux sociaux pour identifier les discours de haine et/ou d'intolérance liés à la dynamique locale. 3. Conception et diffusion d'une consultation en ligne avec le personnel de la municipalité et d’un certain nombre d’établissements publics et d’organisations de la société civile sur l'état des discriminations et du discours de haine. Cette consultation a été l'outil principal pour identifier les priorités sur le territoire. Elle a vocation à devenir un outil de travail dans plusieurs services et projets de la ville. 4. Groupes de discussion avec les principaux acteurs du projet sur le territoire tels que des représentants d'organisations sociales qui travaillent principalement dans la ville ; des adolescents (15-16 ans) filles et garçons ; des agents municipaux travaillant dans différents domaines. Les groupes de discussion permettent de traiter en profondeur les informations recueillies dans le cadre de la consultation en ligne et d'apporter un récit plus qualitatif à l'étude.

... et qualitatives Les données qualitatives complètent les données quantitatives et permettent de « prendre le pouls » de la population locale. Ainsi, cette partie de l'audit comprendra par exemple :

 des enquêtes locales menées sur certains lieux spécifiques et concernant certaines discriminations en particulier, Dans le cadre du projet LOUD, Valenciennes Métropole a élaboré un questionnaire afin de de pallier le manque de données territorialisées et de pouvoir diagnostiquer les manifestations locales de discriminations et de radicalisation

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(sociale, politique, religieuse). Le questionnaire s’adresse aux professionnels de l’éducation, de l’insertion professionnelle et du travail social qui travaillent avec des jeunes de moins de 30 ans.

 des entretiens avec notamment les élus, les associations, les éducateurs et les représentants religieux,

 un groupe de travail avec les habitants, notamment les jeunes. La Ville de Rosny-sous-Bois a organisé deux séances de travail : la première réunissait, outre le service jeunesse de la municipalité, des professionnels de l'éducation, des services sociaux et des centres de jeunesse, et la seconde des jeunes de la ville.

Inventaire des activités de prévention des discriminations et de la radicalisation Enfin, l'audit doit vous permettre de recenser les activités existant déjà dans votre territoire en matière de prévention des discriminations et de la radicalisation. Il s'agit d'établir un état de lieux :

 des dispositions juridiques pour lutter contre les discriminations et/ ou la radicalisation

 de l'environnement institutionnel : qui a compétence sur quoi, notamment entre le secteur public et le secteur associatif ?

 des enquêtes et travaux de recherche disponibles (sources institutionnelles, université, associations) sur les discriminations perçues et vécues (par exemple en matière d'accès à l'emploi, ou la représentativité des différents groupes de population au sein de la police...)

 les stratégies de prévention existantes qui peuvent être une source d'inspiration

 les ressources humaines et financières dont vous disposez  les outils de formation en ligne et hors ligne  les outils, notamment en ligne, permettant de détecter les discriminations, d'alerter, et d'accompagner les victimes

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Cartographier les acteurs à mobiliser Toute collectivité travaille avec un réseau de partenaires locaux, notamment les associations et organisations de la société civile, et pourra mobiliser ces acteurs pour sa campagne de discours alternatif. Leur contribution sera particulièrement précieuse pour associer des jeunes résidents à la campagne. Pour autant, il est aussi important de déterminer s'il est possible de travailler avec d'autres organisations/institutions présentes sur le territoire avec lesquelles la collectivité n'est pas habituellement en relation régulière, mais qui pourraient apporter une réelle plus-value dans ce contexte particulier. La cartographie des acteurs doit se faire dès le commencement de la phase d’identification des besoins afin de les repérer et de voir dans quelle mesure ils peuvent s’engager dans le projet. En effet, ces acteurs peuvent avoir un rôle soit central soit « périphérique », selon leur disponibilité, dans l'objectif de mobiliser les jeunes. Ils pourront donc avoir un rôle de sensibilisation (plus éloigné), un impact ciblé ou être des messagers crédibles et influenceurs (rôle central). Une prévention et une intervention efficaces contre le racisme ne peuvent être réalisées que si tous les participants agissent ensemble et en étroite coordination. La prévention est une tâche sociale transversale qui exige une bonne interaction entre tous les domaines concernés et qui repose notamment sur des partenariats entre les acteurs de la société civile et institutionnels. La Ville de Düsseldorf dispose déjà d'une structure institutionnalisée de projets et de mesures pour la prévention des discriminations. Dans le cadre du projet LOUD, les acteurs locaux ont collaboré activement par l'intermédiaire de la direction du Conseil de Prévention de la Criminalité de la ville. Parmi ces acteurs, nous pouvons citer : le réseau des écoles, le groupe « Prévention de la violence à l’école » du Conseil de Prévention de la Délinquance, le service d’Aide à l’Enfance, le Conseil des Jeunes du Centre municipal d’intégration, et d’autres acteurs de la communauté juive et des associations musulmanes.

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La formation des jeunes qui réaliseront la campagne

>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> Comme mentionné ci-dessus, les villes qui souhaitent entreprendre une initiative de campagne de discours alternatif impliquant les jeunes comme mesure de prévention des discriminations au niveau local doivent s'associer à des organisations locales, des écoles, des groupes communautaires et autres acteurs de terrain ayant une expérience de travail avec les jeunes. Même au sein d’une collectivité, il est nécessaire d'assurer un travail transversal et coordonné avec les différents services qui peuvent être impliqués dans la lutte contre les discriminations, par exemple, le service de prévention des violences, le service antidiscrimination pour les jeunes et le service de communication. Organiser des formations avec les jeunes permet de les sensibiliser aux problématiques de discriminations identifiées sur le territoire dans la phase d’audit, de renforcer l’ouverture d’esprit, la tolérance ainsi que la mobilisation citoyenne et la capacité d’agir des jeunes en faveur d’une société plurielle et diverse. La formation permet aussi de leur apprendre à développer une campagne de discours alternatif en toutes ses étapes, de la conception à l’évaluation. Afin d’intégrer efficacement les participants au projet, il convient d’intégrer la dimension de coproduction du projet, d’adopter un rôle de facilitateur et non pas de superviseur, et de créer les conditions propices pour que le groupe s’empare du projet. L’avantage d’impliquer des jeunes dans ce type de démarche est que cela permet aux campagnes de toucher potentiellement un public plus large. Parce que les campagnes sont élaborées et promues par des « ambassadeurs » locaux, c'est-à-dire des jeunes qui ont une certaine influence sur et crédibilité auprès de leur entourage, elles peuvent aussi devenir un outil de prévention auprès d’un public plus large. Les méthodes de formation qui favorisent l'interaction et le dynamisme doivent être privilégiées. Dans le cadre de la formation des jeunes de Montreuil, qui a décidé d'axer sa campagne sur le problème des fake

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news, la Maison de l'Europe12 en France a organisé un « escape game » pour donner aux jeunes les outils nécessaires pour lutter contre les fake news, renforcer leur esprit critique et les sensibiliser aux actualités européennes. Les jeunes, qui ne se connaissaient pas, ont joué le jeu et créé un esprit d’équipe en motivant ceux qui semblaient moins intéressés.

Prévoir un moment de formation pour les jeunes sur les différentes étapes de la campagnes Dans le cadre du projet LOUD, les jeunes des collectivités partenaires du projet ont reçu 4 modules de formation sur les impacts des discriminations, l’approfondissement et la compréhension des concepts de culture, d’identité culturelle et de cohésion sociale, ainsi que la mise en œuvre (par eux) de campagnes alternatives.

Jour 1 : Comprendre les mécaniques discriminantes Module 1 : Les concepts clés et prérequis

 Objectif : Approfondissement des concepts de culture, d'identité, d'interculturalité, de discriminations, d'égalité des chances et de société inclusive

 Contenus à aborder :  De quoi se compose la culture ? (Activité : iceberg de la culture)

 Différence entre inné et acquis / personnel et universel / groupe d’appartenance et diversité culturelle (activité : « je suis »)

 Matrice

culturelle auto-réalisatrices)

et

12- https://paris-europe.eu/escape-fake-news/

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valeurs

(activité

:

prophéties


Module 2 : Les ressorts du discours

 Objectif : Compréhension de ce qu’est un discours discriminant, oppressif, démagogique versus un discours alternatif.

 Contenus à aborder :  Exploration des mécanismes de discriminations et d’exclusion (activité : arbre des discours de haine)

 Analyser un discours oppressif (activité : analyse d’un discours politique)

 Identifier les biais communicationnels et cognitifs (activité : étude de syllogisme)

Jour 2 : Conception d’une campagne alternative Module 3 : La méthode du discours alternatif

 Objectif : Explorer les mécanismes narratifs basés sur des campagnes alternatives

 Contenus à aborder :  Positiver un discours  Analyse de campagnes alternatives

Module 4 : Atelier design campagne alternative

 Objectif : Penser la structure de la campagne  Contenus à aborder :  Objectif de la campagne  Public cible de la campagne  Forme de la campagne

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Planifier et créer une campagne de discours alternatif par les jeunes

>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> Il existe plusieurs ressources pour l'élaboration d’une campagne de discours alternatif. Nous pouvons citer à titre d’exemple le modèle GAMMMA+ du Radicalisation Awareness Network (RAN)13 de l’Union européenne, le manuel de suivi et d'évaluation d’un contre-récit de l'Institute for Strategic Dialogue (ISD)14, une ONG basée à Londres « dédiée au maintien des droits humains et à contrer la vague croissante de polarisation, d’extrémisme et de désinformation dans le monde » avec laquelle l’Efus travaille depuis de nombreuses années, et le manuel Alternatives, les contre-récits pour combattre le discours de haine15, élaboré par le Conseil de l’Europe. Dans le cadre du projet LOUD, nous nous sommes inspirés de ces différentes ressources pour proposer aux villes une méthodologie de travail. À partir de l’expérience du projet, nous proposons la méthodologie suivante qui peut être adoptée et utilisée dans un autre contexte local. Comme évoqué précédemment, les étapes d’audit et de formation sont indispensables pour identifier la problématique à traiter et mobiliser une association ou un partenaire local qui pourra identifier et suivre des groupes de jeunes qui travailleront sur la campagne. Une fois ces éléments réunis, ces partenaires locaux devront suivre les étapes suivantes :

Partager les résultats de l'audit avec les jeunes L'audit permet d'avoir un aperçu du phénomène des discriminations au niveau local, ou du quartier ou même plus finement d’un établisse-

13- Voir RAN (2017). RAN guidelines for effective alternative and counter-narrative campaigns (GAMMMA+), RAN Issue Paper. 14- https://www.isdglobal.org/ 15- De Latour, A., Perger, N., Salaj, R., Tocchi, C. & Viejo Otero, P. (2017). Alternatives - Les contre-récits pour combattre le discours de haine, Conseil de l’Europe.

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ment scolaire. Plusieurs priorités peuvent émerger. Lorsqu’on entame le processus de création d'une campagne de discours alternatif, il est nécessaire de partager les résultats de l'audit avec les jeunes et de discuter avec eux de leur perception des différentes problématiques de discriminations. Pour l’élaboration de la campagne, il est suggéré de se centrer sur une seule problématique. Dans le cadre de LOUD, l’audit réalisé par la ville de Lille a identifié les quatre problématiques suivantes : inégalités hommesfemmes, le genre et l’orientation sexuelle, l’intolérance communautaire, l’égalité des chances. Après discussion avec les jeunes sur leur ressenti et leur expérience, le groupe a décidé de concentrer la campagne sur le thème de l’égalité des chances.

Définir l’objectif de la campagne Il est important de définir l’objectif que vous souhaitez atteindre avec votre campagne et le problème auquel vous souhaitez apporter une réponse avec un message alternatif. Dans cette phase, il est important de se poser des questions telles que :

Que souhaitons-nous voir se produire ? Quelle est la situation alternative préférée ?  Quel changement de comportement ou de perception voulons-nous favoriser ? Le ville de Louvain a identifié comme problématique le manque d'échanges et d’interactions dans certains collèges entre les élèves natifs et ceux d'origine étrangère, dont certains ont été victimes de racisme et de discriminations. L'objectif de la campagne était de sensibiliser tous les élèves à l’existence de la polarisation et des discriminations et de les encourager à avoir un esprit plus ouvert et à interagir davantage à l'école et en dehors.

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Définir le public cible L’identification du public que la campagne cherche à toucher est très importante afin de construire le message que vous voulez faire passer et choisir les techniques et les médias les mieux adaptés à votre public. Dans cette phase, ils est important de se poser des questions telles que :

Quelles sont les caractéristiques de votre public ? Que pense-t-il et comment se comporte-t-il ?  Centres d’intérêt (par exemple, quel type de médias utilise-t-il ? Quels lieux fréquente-t-il le plus ?)

 Qui a le pouvoir de provoquer le changement souhaité, c'est-à-dire quels personnes, groupes, entités, organismes, sont-ils visés par la campagne ? Lorsqu'il s'agit d'une campagne de discours alternatif, il est préférable d'identifier des groupes spécifiques de personnes (par exemple les jeunes entre 15 et 20 ans) pour éviter de diluer le message. Les jeunes de la Ville de Montreuil ont identifié comme priorité la lutte contre les fake news et ont axé leur campagne sur la sensibilisation à ce phénomène. Dans l'étude de son public cible, la municipalité a déterminé que les personnes peu diplômées sont plus enclines à partager une information sachant que « la source n’est pas parfaitement fiable » que celles plus diplômées. (Selon une étude BVA Group, 72 % des internautes qui n’ont pas le bac et 64 % des employés et ouvriers ont déjà partagé une information peu fiable contre une moyenne générale de 59 %).

Définir le message de la campagne Le message dépend fortement du public à qui la campagne s'adresse. Ainsi, à cette étape, il est important de réfléchir aux histoires les plus susceptibles de résonner avec lui. Les messages les plus efficaces ne font pas la morale aux gens mais parlent avec eux. Le message doit également comprendre des éléments qui appellent les destinataires à agir.

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Dans cette phase, il est important de se poser des questions telles que :

Quel est le message de fond de votre campagne ?  Comment ce message, une fois défini, va-t-il être délivré ? Avec quel ton, quel langage, quels symboles, quelles images ? Pour disséminer leur message de sensibilisation aux fake news, les jeunes de Montreuil ont repris la symbolique chinoise des trois singes de la sagesse qui ont les mains sur les yeux, sur les oreilles et sur la bouche. Le message : « Contre les fake news, ayez les bons réflexes, méfiez-vous des apparences, vérifiez vos sources, ne relayez pas la rumeur. »

Choisir le bon médium et le/les messager(s)/porte-parole Le médium est le support qui va être utilisé pour relayer le message : cela peut être une vidéo, une photo, un clip audio, une affiche, des supports écrits tels que brochures ou prospectus… Il convient de choisir le médium le plus adapté au public cible, celui avec lequel il est le plus susceptible de s'engager et d’interagir. Bien entendu, il s’agit aussi de faire un choix en fonction des ressources humaines et financières dont on dispose. Connaître les habitudes en ligne de votre public cible va également faciliter le choix des médiums en ligne, tels que les réseaux sociaux (Facebook, YouTube, Instagram, Snapchat...), les sites Internet, les blogs et vlogs (blogs vidéo), les radios en ligne et podcasts, et la presse en ligne. Si vous décidez d'utiliser l'option « publications sponsorisées », rappelez-vous que différentes plateformes ont différentes capacités publicitaires disponibles pour que les campagnes atteignent leur public. Pour une dissémination efficace et une résonance auprès du public cible, il est conseillé d'impliquer un ou des messagers crédibles qui puissent contribuer à livrer le message. Cette ou ces personnes doivent être perçues comme des référents crédibles par le public cible, sur qui elles ont une influence positive. Il peut s’agir par exemple d’un(e) YouTuber(euse) local(e), d’un(e) sportif(ve), d’un(e)artiste, etc.

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Les jeunes de la Métropole de Valenciennes ont axé leur campagne sur la lutte contre les violences faites aux femmes, en particulier chez les jeunes de 16 à 25 ans. Ils ont utilisé comme support un clip musical, dont ils ont réalisé eux-mêmes le scénario et les paroles. Le groupe de jeunes, avec le soutien de la Métropole et de l'association STAJ, a impliqué l’école de danse et de musique Authentik Crew, qui est connue par les jeunes de la Métropole. Cette dernière a contribué au son et à la voix sur le clip, et agit aussi comme messagère de la campagne.

Dissémination16

>>>>>>>>>>>>>>>>>> Rencontrez votre public où il se trouve Le but de la dissémination est de délivrer votre message à votre public cible en utilisant les canaux appropriés pour évoquer les pensées et sentiments qui provoqueront les actions recherchées par la campagne. En d'autres termes, la dissémination consiste à rencontrer votre public où il se trouve et adapter vos contenus aux canaux que vous utilisez.

Choisir et combiner les bons canaux Le canal de communication est le lieu où vous publiez/présentez/disséminez le contenu de la campagne (vidéo, affiches, articles...). La plupart des campagnes utilisent des canaux hors et en ligne, chacun offrant différents outils pour mesurer leur impact, même si cette évaluation est plus facile à faire avec les canaux en ligne parce qu'ils incorporent des fonctions de mesure.

16- Les éléments qui suivent sont tirés des webinaires organisés au printemps-été 2020 par le projet LOUD, avec notamment la contribution de Gifty Boachie, Data Strategist.

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À l'heure de choisir ses canaux de communication, il convient de prendre en compte différents aspects. Le premier est la présence et les réactions du public : « Est-ce que votre public est présent sur ce canal, et pourquoi l'utilise-t-il ? ». Un autre est celui du coût : certains canaux sont plus chers que d'autres parce que « vous payez pour attirer l'attention ». Un troisième est celui du « degré d'appropriation », c'est-à-dire la différence entre par exemple votre page Facebook qui vous appartient, et un article publié dans un journal local à la suite de votre communiqué de presse (donc une publicité gratuite que vous avez « gagnée ») ou une publicité dans un magazine (que vous avez payée).

Dissémination hors ligne Selon la nature et le thème de votre campagne ainsi que les caractéristiques de votre public, il est aussi recommandé d'utiliser des canaux hors ligne, par exemple en identifiant et en ciblant les « ambassadeurs de marque » qui relaieront la campagne sur leurs réseaux sociaux et réels. En effet, l’espace numérique doit être considéré comme un espace additionnel qui, intégré à une stratégie globale/transversale, peut renforcer la prévention des discriminations et de l’extrémisme. Garder le lien avec les actions hors ligne reste donc essentiel. Une autre méthode de dissémination hors ligne est d'organiser des réunions ou ateliers de sensibilisation qui peuvent être animés par un journaliste local. Dans ce cas, l'évaluation comprendra le nombre de participants à l'événement, le nombre de mentions dans le ou les médias, et le taux de rappel, c'est-à-dire le nombre de personnes qui se souviennent de la campagne après sa diffusion. Points d'attention :

 Durée : lorsque vous décidez de la durée de diffusion de votre campagne, réfléchissez à la manière dont vous pouvez avoir le plus grand impact sur votre public. Si votre campagne concerne la sensibilisation du public, vous voudrez peut-être créer du “buzz” rapidement pour capitaliser sur la couverture médiatique ou les événements. D'autres campagnes peuvent essayer de s'engager avec un public plus spécifique sur une période plus longue1.

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 Meilleurs moments pour publier sur les réseaux sociaux : pensez aux moments où votre public cible est le plus présent sur les réseaux sociaux. Par exemple, les jeunes entre 15 et 20 ans sont plus susceptibles de fréquenter les réseaux sociaux en dehors des cours et le week-end. Si votre public cible est constitué d'institutions ou d'autres parties prenantes locales, attendez-vous à ce que vos publications aient moins d'impact lorsqu'elles sont publiées en fin d'après-midi en semaine et le samedi (portée inférieure).

 Publiez régulièrement : si vous publiez plusieurs fois par jour, espacez vos messages toutes les quelques heures.

 Trolling ou fortes réactions négatives : ne supprimez pas ou n'ignorez pas les commentaires sur vos messages. Prenez le temps d'analyser ce qui s'est passé, pourquoi il y a eu des réactions négatives et si vous l'estimez nécessaire, répondez à ce contenu. Si le commentaire est vraiment offensif et susceptible de déranger et de décourager d'autres utilisateurs, vous pouvez le supprimer.

1- THE COUNTER-NARRATIVE HANDBOOK, ISD, available at: https://www. isdglobal.org/wp-content/uploads/2016/06/Counter-narrative-Handbook_1.pdf

Les pour et les contre des réseaux sociaux Les réseaux sociaux rendent les contenus attractifs pour les jeunes, car ces éléments sont omniprésents dans leur vie quotidienne. Selon les études, les jeunes passent en moyenne quatre heures et demie par jour sur les réseaux sociaux. De plus, les vidéos ou les photos ont toujours une portée plus élevée que les messages écrits. Il vaut donc la peine d'investir du temps dans une bonne vidéo ou affiche à diffuser. Chaque réseau social a ses pour et ses contre au moment de disséminer les contenus d’une campagne. Facebook est très puissant avec une audience de 2,2 milliards d'utilisateurs actifs chaque mois, mais les publicités sur cette plateforme coûtent cher. Instagram est le deuxième réseau social le plus suivi au monde, avec un milliard d'utilisateurs

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actifs chaque mois et une audience plus jeune que celle de Facebook, mais son positionnement axé uniquement sur la communication visuelle peut détourner certains annonceurs et il n'est pas adapté à certaines campagnes. La plateforme vidéo TikTok date seulement de 2016 mais elle a déjà une audience de 500 millions d'utilisateurs actifs par mois, en majorité des adolescents âgés de 14 à 19 ans. Twitter (330 millions d'utilisateurs actifs par mois), LinkedIn (660 millions de membres) et Snapchat (210 millions d'utilisateurs actifs par jour) sont également des réseaux sociaux puissants, chacun avec leurs qualités et leurs défauts. Sur Twitter et Instagram notamment, les hashtags sont un moyen efficace de transmettre un message et de mesurer en temps réel si le public s'en saisit et le dissémine. Il est recommandé de créer des hashtags courts, percutants et affirmatifs sans pour autant en abuser.

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Chapitre 5

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L'évaluation des campagnes de discours alternatifs

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Pourquoi est-il important d’évaluer une campagne ? L’évaluation est un processus qui examine un projet ou une activité pour vérifier s’il correspond à ses objectifs. Il permet de vérifier si la réalité correspond aux plans et de mesurer les perceptions et la satisfaction quant aux résultats, à l’efficacité, à l’impact et à la durabilité. Il s’agit d’améliorer les projets, activités ou campagnes pour qu’ils correspondent le plus ou le mieux possible aux objectifs pré-définis. L’évaluation ne sert pas seulement à voir si les objectifs ont été atteints mais aussi à élaborer de meilleurs projets ou campagnes à l’avenir. Les acteurs impliqués dans le projet et les partenaires peuvent adapter leurs activités en fonction et bénéficier de ce recul critique et d’une réflexion sur soi.

Qui doit participer à l’évaluation d’une campagne ? L’évaluation doit plutôt être un dialogue entre les participants qu’un instrument de contrôle. Elle doit être conçue comme une contribution au succès du projet ou de l’activité et doit ainsi associer tous ceux qui y ont été associés d’une façon ou d’une autre. Il convient de distinguer entre ceux qui ont commissionné ou organisé le projet ou la campagne, ceux qui l’ont conçue et mise en œuvre, et enfin ceux qui composent le public cible. Tous ces groupes doivent pouvoir exprimer leurs perceptions et proposer des suggestions d’amélioration.

Pourquoi les collectivités territoriales doivent-elles évaluer les campagnes ? Les municipalités peuvent investir dans l’évaluation pour mieux comprendre l’efficacité des campagnes de discours alternatifs et peuvent utiliser les résultats en fonction de leurs besoins opérationnels (par exemple favoriser l’engagement des jeunes, ou bien élaborer des stratégies de prévention contre les discriminations, l’extrémisme ou l’intolérance).

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Mesurer l'efficacité de votre campagne Un aspect très important est bien sûr comment mesurer l'efficacité de votre campagne. Deux critères principaux sont utilisés : la portée, c'est-à-dire dans quelle mesure votre campagne a atteint le public désiré et combien de personnes l'ont vue, et la conversion, c'est-à-dire dans quelle mesure votre public a réalisé l'action recherchée (par exemple signer votre pétition, ou introduire de nouvelles procédures pour éliminer les préjugés raciaux). Vous pouvez le faire pendant toute la durée de la campagne : avant sa création en déterminant quel est votre « paysage » (le contexte dans lequel vous intervenez), pendant la campagne par l'optimisation et les tests, qui sont souvent plus faciles à réaliser en ligne, et après la campagne dans le cadre d'une évaluation plus large et pour en tirer des leçons. À partir de l'expérience du projet LOUD, nous recommandons d’évaluer ce type de campagne selon trois critères :

1.Évaluation des campagnes et de leur impact sur le public cible (produit, résultat et impact) La campagne a-t-elle suscité la réflexion sur soi et la pensée critique ? Le public-cible a-t-il compris le mal que causent les discours de haine ? A-t-il acquis des compétences pour mieux identifier et réagir aux discours de haine ?

2. Évaluation de la participation des jeunes aux initiatives de lutte contre les discriminations, la polarisation et la radicalisation La deuxième partie de l’évaluation concerne les jeunes gens qui ont participé à l’élaboration et la mise en œuvre de la campagne. Sachant que la participation aux initiatives de lutte contre les discriminations, l’extrémisme et la polarisation représente un défi pour les collectivités territoriales, les résultats et enseignements de LOUD peuvent les guider pour leurs prochains projets ou initiatives dans ce domaine.

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Évaluation des campagnes comme outils de promotion de la participation des jeunes dans des actions de prévention développées par les collectivités territoriales La troisième partie consiste à observer si ce type de projet fondé sur les discours alternatifs et mobilisant les jeunes constitue un outil efficace pour les collectivités dans leur lutte contre les discriminations, la marginalisation et l’extrémisme, et s’il peut être répliqué par d’autres collectivités. Peuvent-elles utiliser la campagne à d’autres fins ? Sont-elles satisfaites du niveau de participation des acteurs locaux ? Qu’est-il nécessaire selon elles pour améliorer ces campagnes ? En quoi cette initiative influence-t-elle leur stratégie de prévention ? Comme nous l’avons vu, l’évaluation peut être utilisée par les collectivités territoriales comme une autre occasion de communiquer avec et de mobiliser tous ceux qui ont participé à la campagne. Tout d’abord parce que c’est une bonne occasion de partager les résultats en terme d’audience et d’impact avec ceux qui ont travaillé à rendre la campagne possible. C’est une manière de leur montrer votre appréciation du travail accompli. Mais au-delà, c’est aussi une occasion de réfléchir collectivement aux moyens de prolonger la campagne et de continuer à travailler ensemble pour contrer la haine et les discriminations et promouvoir la tolérance et l’inclusivité.

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Annexe - Glossaire

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Discrimination La discrimination directe La discrimination directe est définie comme la situation dans laquelle une personne est traitée de manière moins favorable en raison d'un motif prohibé par la loi (par exemple la couleur de peau, le genre ou la religion). Discrimination indirecte Il y a discrimination indirecte lorsqu'une règle apparemment neutre désavantage une personne ou un groupe partageant les mêmes caractéristiques. Discrimination multiple et intersectionnelle La discrimination multiple repose sur plusieurs motifs prohibés agissant séparément. La discrimination intersectionnelle décrit une situation dans laquelle plusieurs motifs fonctionnent et interagissent simultanément de telle sorte qu’ils sont inséparables et produisent des types spécifiques de discrimination.

Crimes de haine Les crimes de haine sont des « actes criminels commis en raison d’une motivation discriminatoire ou d’un préjugé envers certains groupes d’individus. Un crime de haine comporte donc deux éléments distincts : c’est un crime constituant une infraction selon le droit pénal et en commettant le crime, l'auteur agit sur la base de préjugés ou d’une motivation discriminatoire » (ODIHR 2009b:15)17. L'autre caractéristique des crimes motivés par la haine est que l'impact de l'infraction dépasse les victimes réelles. Ils concernent tout le groupe auquel cette victime s’identifie et peuvent provoquer une division sociale entre le groupe de victimes et la société en général. Par conséquent, ils présentent un danger particulier pour la société.

17- Office for Democratic Institutions and Human Rights (2009). Les crimes de haine : Prévention et Réponses Guide de référence pour les ONG de la zone OSCE

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Discours de haine Le discours de haine est l’appel à la haine fondé sur l’un des motifs prohibés. Les discours de haine englobent toutes les expressions publiques qui propagent, incitent, encouragent ou justifient la haine, la discrimination ou l'hostilité envers un groupe spécifique.

Violences discriminatoires Les violences discriminatoires ne concernent pas seulement les incidents perpétrés par des délinquants appartenant à des groupes radicaux ou affichant des motivations clairement extrémistes. Au contraire, les formes de violences discriminatoires les plus répandues et donc probablement les plus menaçantes peuvent passer pour des événements très ordinaires et quotidiens. Néanmoins, ces actes « mineurs » peuvent créer un profond sentiment d'insécurité, de défiance et de crainte chez les autres membres des communautés touchées et avoir ainsi de graves effets néfastes sur la cohésion sociale et la santé publique. Les violences discriminatoires sont directement liées à d'autres défis majeurs en matière de sécurité urbaine, tels que la radicalisation, la polarisation et l'extrémisme violent.

Radicalisation menant à la violence La radicalisation menant à la violence est un processus par lequel les gens adoptent des systèmes de croyances extrémistes, y compris la volonté d'utiliser, d'encourager ou de faciliter la violence. Ces systèmes sont conçus pour promouvoir une idéologie, un projet politique ou une cause en tant que moyen de transformation sociale.18

18-Pour plus d’informations : Efus (2016). Prévenir et lutter contre la radicalisation à l’échelon local.

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LOUD – Quand les collectivités territoriales et les jeunes de neuf villes européennes se mobilisent contre l'intolérance et l'extrémisme Les manifestations de violences discriminatoires et de polarisation ainsi que les discours de haine s’intensifient à travers l’Europe dans la sphère en ligne mais aussi hors ligne, ce qui pose une véritable menace contre la sécurité des citoyens, la cohésion sociale et l’intégration. Les collectivités territoriales sont bien placées pour répondre à cette tendance inquiétante parce qu’elles sont proches du terrain et qu’elles peuvent mobiliser les citoyens, en particulier les jeunes, pour promouvoir la tolérance et le vivre-ensemble dans le cadre de leurs politiques locales intégrées de prévention et de sécurité. À partir de l’expérience du projet LOUD, cette publication souligne l’importance de la mobilisation des jeunes dans les initiatives et stratégies locales de lutte contre les discriminations. Elle donne aux collectivités territoriales des outils et des recommandations pratiques pour utiliser les campagnes de discours alternatif comme un moyen d’encourager la participation des jeunes citoyens en partenariat avec les acteurs locaux pertinents.

efus.eu


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