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ARCHITECTURE « AVEUGLE »
fonctionnalisme qui réduit au plan, exigeant une application opérationnelle, ou au formalisme où se substitue progressivement à l’agencement intérieur le culte de la forme, ou encore le structuralisme ou la primauté fut consacrée au système constructif, tous ses principes du mouvement moderne se sont préoccupés du message transmis à travers l’architecture.
2.3. Le paradoxe d’une architecture statique visuelle pour les aveugles : une architecture « aveugle »
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2.3.1. Paradoxe de l’accessibilité pour tous
Devenu obligatoire par la loi du 11 février 2005, la réglementation concernant l'accessibilité aux personnes atteintes de handicap est aujourd'hui une préoccupation importante des concepteurs d'espace. Cependant lorsque l'on parle d'accès aux bâtiments aux personnes handicapées, nous imaginons bien trop souvent que la construction d'une rampe, d'un plancher incliné ou d'un ascenseur est une condition suffisante pour faciliter la vie du plus grand nombre. Forcé de constater l'inégalité des handicaps en matière d'accessibilité. Le handicap moteur, qui que ce, et, à tort, bien plus connu et considéré que les autres. Il n'est pas question de dénigrer l'importance des préoccupations du handicap moteur mais bien de rappeler que le handicap ne peut et ne doit pas être réduit à ce dernier. Le handicap visuel comme d'autres tels que la surdité ou le handicap mental doit être au cœur du processus de création d'espace.
Le domaine de l'architecture est un bon exemple des difficultés rencontrées aujourd’hui par un public atteint de cécité. Dans une époque d'hégémonie visuelle, il est nécessaire de se demander, quelle place est offerte au public non-voyant. En effet, les espaces construits sont majoritairement mis en scène pour être vue. Les informations relatives à nos autres sens sont rarement prises en compte. Or l'architecture est et doit rester une expérience sensorielle complète. Outre dans sa conception, la communication et la représentation de l'architecture et plus généralement de la culture est également bien trop raccourci au seul sens de la vue.
L'exemple de Fallingwater de F.L. Wright illustre bien ce propos. En effet, nous connaissons tous ce projet architectural surplombant la cascade de la rivière Bear Run. Mais nous sommes nous déjà interrogé sur les gênes occasionnées par le bruit perpétuel des chutes d'eau pour l'habitant ?
En plus de prendre le risque de perdre le contexte dans lequel un édifice a été créé, réduire l'architecture au simple usage de nos yeux est un frein important pour les personnes déficientes visuelle et nui a leur quotidien et à leur indépendance. Être autonome dans ses déplacements et dans la gestion de sa vie quotidienne, voilà le rêve d'une personne atteinte de cécité visuelle mais aussi un des fondements de l’inclusion de tous.
La conception d'espaces pour les personnes ayant une déficience visuelle est une question importante lorsqu'il s'agit de parler d'accessibilité. Les architectes qui adoptent les principes de la conception universelle comprennent que les besoins d'un client aveugle sont les mêmes que les autres mais que les stratégies de mise en pratique seront différentes.
Dans le champ de l'urbanisme, la notion d'accessibilité réfère à un principe d'ouverture physique des espaces et de structuration de l'offre de transport : le cadre bâti est accessible, et donc public, lorsqu'il permet la libre circulation des hommes. Cette acceptation s'apparente à la définition usuelle du terme : accessibilité, « de accedere, approcher, où l'on peut accéder, qui est ouvert ou sensible à quelque chose, qui ne présente pas d'obstacles et qui est à la portée de quelqu'un »31 .
2.3.2. Notion d’autonomie / de dépendance
Sous l'angle de la déficience visuelle, dont on sait que les conséquences varient selon chaque individu, la CFPSAA32 propose une définition de l'accessibilité. Les notions de sécurité et de confort d'usage sont intimement liées à l'approche de l'information ou de l'environnement pour les personnes déficientes visuelles. L'accessibilité consiste à permettre la compréhension d'un espace pour se situer et à rendre disponibles des informations. Un espace est compréhensible quand il intègre des éléments de localisation, de repérage et d’orientation. Dans tout déplacement, il est nécessaire de localiser la zone où l'on se trouve, puis de se repérer dans un espace plus restreint afin de s'orienter dans la direction souhaitée. Ainsi, l'interprétation de l'environnement, les dangers et types d'usages doivent être discernables au moyen de contrastes tactiles (matériaux, déclivités) ou visuels (couleurs, éclairages). Les personnes malvoyantes interprètent ces données pour se déplacer librement, en fonction de leurs centres d'intérêt, de leur mesure du risque et de leur degré
31 CNRTL, ÉTYMOLOGIE DE « ACCESSIBILITE » 32 CONFEDERATION FRANÇAISE POUR LA PROMOTION SOCIALE DES AVEUGLES ET AMBLYOPES
d'autonomie. Pour cela il est nécessaire d’oser dépasser la seule approche visuelle dans la conception de projets.
Le principe d'une accessibilité généralisée, introduit le principe de l'égalité des chances pour tous. Et cette loi est complétée par le décret ministériel du 17 mai 2006 pour les ERP33. Au regard de la loi, un espace est considéré comme « assez » accessible lorsqu'il permet aux personnes présentant une déficience, de circuler en pleine autonomie, d'accéder aux locaux et aux équipements, d'utiliser les équipements, de se repérer, de communiquer et de bénéficier de prestations en vue desquelles l'établissement où l'installation a été conçu.
Des moyens techniques et humains sont donc à mettre en œuvre pour permettre à toute personne en situation de handicap de se déplacer, et d'avoir la possibilité de participer pleinement à la vie collective.
Au travers de cette définition légale, il convient de dissocier deux types d'accessibilité différentes à prendre en compte pour le handicap visuel.
La première relève plus de la mobilité de la circulation au sein d'un espace donné. Quels sont les moyens à mettre en place pour faciliter le déplacement d’une personne déficiente visuelle ?
La deuxième relève d’une socialisation, de la participation et l’intégration à la vie collective. Les deux types d’accessibilités tendent à permettre le « bien-être » dans l’espace.
33 ÉTABLISSEMENT RECEVANT DU PUBLIC
2.3.3. La place du ressenti, de l’émotion, des sentiments
Chaque espace architectural possède la capacité de générer des sensations à des intensité plus ou moins importante de façon intentionnel ou non, par l’intermédiaire de différents facteurs au dispositif. Cependant, dans le monde architectural actuelle, l'importance de ces sensations et parfois oublié. Comme nous l’avons vu un seul sens est généralement privilégié, celui de la vue, car il permet de véhiculer rapidement et facilement l'objet d'un projet architectural ou même d'un objet de consommation, et ce, avant même qu'il existe. Le sens de la vision permet de communiquer facilement au grand public notamment grâce, la couverture qu’assure les écrans de nos jours, contrairement aux autres sens qui n'ont pas de moyen similaire pour être diffusée.
Il est en effet difficile de transmettre les autres sensations de façon étendue au public. Elles n'auraient d'ailleurs pas d'intérêt à l'être puisqu'elles sont relatives à une certaine proximité avec chaque individu, et que chacun va les ressentir différemment.
Effectivement une part d’interprétation plus importante se trouverait entre les intentions du concepteur et le ressenti du récepteur. Les sensations souhaitées par l'architecte ne seront peut-être pas perçues de la même manière par les personnes pratiquant l'espace concerné. Elles dépendront de la sensibilité, de l'expérience et de l'état d'âme de chacun. Les sensations provoquées par un espace sont liées au passé individuel. Elles peuvent tout aussi bien être angoissante qu'agréable selon les personnes. Mais un des intérêts principaux de l'architecture reste particulièrement lié à la notion de confort relative aux différents sens. Néanmoins de dit-on pas aussi du sens de la vue « que la beauté dépend des yeux qui la regarde ».