10 minute read

1.2. PERCEPTION SENSORIELLE

Next Article
CONCLUSION

CONCLUSION

compréhension qui est la faculté de concevoir et d'être compris7 . La compréhension est la caractéristique d'un monde de connaissance intuitif et synthétique qui s'efforce surtout de saisir le sens global contrairement l’appréhension qui est définie comme le fait de percevoir par l'intelligence.

L’appréhension est caractéristique d'une expérience concrète et notamment celle de la formation par l'expérience, comme l’est celle de déficients visuels dans l’exploration de l’espace.

Advertisement

Par ailleurs, l'usage latin du sens « action de saisir » fait appel aux fonctions permettant au corps de percevoir ce qui se passe en dehors de lui, grâce aux organes qui commande les 5 sens.

« J'ai peur que ma mémoire du monde visible ne s'efface peu à peu, pour être remplacée par un univers abstrait de son odeur et de toucher. »

1.2. Perception sensorielle 1.2.1. La hiérarchie des sens

Comme pour la déficience visuelle, le comportement d'un bébé dès son plus jeune âge passe par des expérimentations qui lui permettent de progresser. Tous ses sens sont en éveil et transmettent au cerveau des données qui après analyse lui permettent de comprendre correctement l'environnement qui l'entoure. Ainsi « durant les premiers mois de sa vie l'œil transmet au cerveau des images pour ainsi dire brut puisqu'elles sont à l'envers. Le haut et le bas sont inversés, et les chaises ont les pieds en hauteur. En se cognant meuble, l'enfant s'aperçoit que les pieds de la

7 CNRTL, CENTRE NATIONAL DE RESSOURCES TEXTUELLES ET LEXICALES, LEXICOGRAPHIE DE « COMPREHENSION »

chaise ne peuvent être qu'en bas. Son cerveau rectifie alors l'image apporté par ses yeux et la bascule. Les erreurs de la vue sont ainsi corrigées par la vérité du toucher. La vision peut aussi être complétée et affinée par des informations apportées par les autres sens. La fumée sentie par le nez informe d'un feu et les yeux le localise. »8 Ce que le cerveau est capable de faire en bas âge reste à jamais ancré, mais la perte de la vue au cours de sa vie a un impact quant à la compréhension de l'espace dans lequel il vit.

La société actuelle, est considéré comme celle de l’hégémonie de la vision puisque tout se présente par le regard et l'apparence. Au-delà de l'aspect architectural, un simple regard signifie souvent bien des choses « l'œil devient le lien le plus étroit que l'homme possède pour avoir conscience de lui-même et du monde »9 alors que ce lien s’efface ou disparaît, comment fait le corps pour rester intégré dans cette société qui lui devient moins accessible ?

L’environnement se forme donc au travers d’informations vues, ressenties puis analysées. Or, dans une situation de déficience visuelle, il est nécessaire de comprendre l’importance de la compensation sensorielle par l’ouïe, le toucher, l’odorat et la perception des masses que nous évoquerons successivement afin d’optimiser les capacités qui permettent l’adaptation et la redécouverte de l’environnement sans notre sens premier, la vue. Les capacités sensorielles résiduelles se développent et s’appréhendent avec le temps et l’attention qu’il est nécessaire de leur apporter pour les utiliser pour créer une représentation mentale de l’environnement.

8 K. PAZUR ABINEAU, SENTIR POUR VOIR, DEFICIENCE VISUELLE ET HABITAT 9 K. PAZUR ABINEAU, SENTIR POUR VOIR, DEFICIENCE VISUELLE ET HABITAT

L’ouïe

L’ouïe, sens par lequel nous percevons les sons, est à l’origine de l’équilibre, de la perception des corps dans l’espace, mais aussi est à la base de la communication sociale qui passe par le langage. En tant que deuxième sens après la vue, l’ouïe est le sens dont l’importance est la plus grande pour interpréter les éléments qui nous entourent. L’enjeux se trouve donc dans l’analyse des sons et dans l’interprétation qui en est effectuée. Deux perceptions dû aux sons sont distinguées. La perception passive basée sur des éléments statiques et dont l’appui sonore est constant. Le son de l’écho sur une façade, une haie, un auvent, un feuillage sont autant d’éléments qui permettent de distinguer l’environnement. Un flux automobile, des voitures qui démarrent au feu vert, l’écoulement de l’eau dans une fontaine sont des éléments mobiles donc la perception est dite active puisqu’ils doivent être analysés et interprétés instantanément. La sensation sonore est alors directement porteuse d’informations comme peut l’être la vue.

« Entendre ne veut pas dire écouter car l’ouïe est un sens mais l'écoute est un art.

»10

Prenez un instant pour écouter autour de vous ? Y-at-il de l’écho ? Un silence ? Une mélodie qui se diffuse ? Le chant d’un oiseau ?

Le toucher

Le toucher est notre rapport premier à l’espace proche. Le sens du toucher est sollicité par le contact de la main, du pied, du corps sur l’environnement immédiat.

10 CITATION ANONYME

Le toucher nous informe dans un rapport d’immédiateté et s’interprète selon la sensibilité de chacun selon les conditions extérieures. En l’absence de la vue, en système protecteur,la main, se positionne automatiquement en avant pour détecter les éventuels obstacles. Le toucher par la main joue un rôle protecteur, par le suivi d’une main courante qui va sécuriser le parcours mais également donner une orientation, un sens de déplacement. La main aborde aussi le sens du détail, qui permet la construction d’une image mentale comme par le toucher d’éléments en relief, de maquettes, la lecture de textes en braille. En tant d’extension du corps, la canne blanche permet de détecter les obstacles là où le pied va se poser et où la main n’a pas accès pour permettre une anticipation et une protection nécessaire à la mobilité. Elle est le symbole de l’autonomie mais aussi un marqueur de la différence pour permettre aux autres d’être vigilants. Contrairement aux apparences et comme toute prothèse du corps, l’usage de la canne blanche nécessite un apprentissage enseigné par des instructeurs spécialisés, pour comprendre et faire avec ses limites. En tant que bipède, le pied est notre point de contact avec l’environnement, il nous enracine sur Terre. Chez l’Homme le sens de la marche est une évidence, un moyen élémentaire de se déplacer, or avec une déficience visuelle, le rapport au sol est modifié ce qui change notre dynamique des mouvements. Le pied permet de transmettre des sensations podotactiles pour lire la nature des sols, discerner la nature des revêtements, leurs contrastes éventuels, de jauger la déclivité dusol.

Ressentez le sol sous vos pieds : C’est doux ? Rugueux ? Chaud ? Froid ? Mou ? Dur ?

Agréable peut-être ?

L’odorat

L’odorat est le sens qui nous permet de percevoir les odeurs, très développé chez le nouveau-né, capable de distinguer l’odeur de ses parents, il est secondaire et est perturbé par de nombreux facteurs chez l’adulte, comme l’atmosphère qui change complètement sa perception. C’est pourtant un élément important pour l’identification de lieu et d’ambiance. Les parfums sont volatiles et donc moins fiables dans la précision mais il détermine des zones comme celle d’une boulangerie, d’une bouche de métro, ou de la lavande à certaines saisons. « L’odorat, le matériau aidemémoire, venait de faire revivre en lui tout un monde »11 .

Nous sommes tous capables de nous souvenir du parfum qui embaumait la maison de nos grands-parents, d’identifier l’odeur unique de nos parents que l’on retrouve dans un de leurs vêtements ou dans une pièce.

La perception des masses

Elle n’est pas considérée comme un sixième sens, mais la perception des masses est un facteur sensoriel à ne pas oublier. Il est même le plus développé pour les personnes déficientes visuelles puisqu’il est la capacité à ressentir la présence d’une masse plus ou moins importante comme un mur, une colonne, un auvent, ou encore un banc, un abri- bus. La perception dépend des conditions propres à la personne (sa fatigue, sa réceptivité) et des conditions ambiantes (calme, bruyant…). Le développement de cette capacité se développe jusqu’à l’identification d’une matérialité, une paroi vitrée et une paroi en bois ne provoquant pas les mêmes sensations.

11 VICTOR HUGO, LES MISERABLES

« La vue, le toucher, l'ouïe, l'odorat, le goût... ne font qu'un seul et unique sens... le plaisir ! » 12

La compensation de la déficience visuelle repose donc sur l’utilisation et le développement maximal des autres perceptions sensorielles que nous venons d’évoquer. Néanmoins, cela doit s’apprendre : se repérer avec des moyens nouveaux, de nouvelles capacités, et de développer des stratégies de locomotion et d’appréhension de l’espace.

En tant que voyant, nous priorisons le sens de la vie, et négligeons souvent, l’ouïe, l’odorat et le toucher. Pourtant, bien que nous n'y prêtions pas attention et qu'il nous semble souvent que la sollicitation de préférence un seul sens, toutes les activités de la vie quotidienne stimule plusieurs sens. Les échanges entre individu et son environnement associent différentes perceptions. Lors d’une simple promenade, bien que nous admirions le paysage, notre ouïe, reste attentive au bruit de la nature et de l’environnement qui pourrait représenter un danger.

En effet, la vision joue un rôle considérable dans la prise d'information sur le monde environnant, l'œil captant les informations à distance. C'est un organe complexe qui apporte une grande quantité d'informations à un moment donné. Il permet une perception simultanée des objets, et de ses multiples détails. C'est cette simultanéité de l'approche visuelle qui facilitent l'anticipation, la préparation à l'action et assurent ainsi une précision du mouvement.

12 CITATION ANONYME

Bien que celle-ci ne soit pas explicite, il semblerait que donc qu'il y ait une hiérarchie des sens dans notre approche de l’environnement.

1.2.2. Combinaisons des sens

Certains sens ont accès aux mêmes propriétés des objets et se coordonnent, se combinent ou se suppléante. Par exemple, la vision et le toucher renseigne sur la forme et la texture. D'autres sens tels que la vision et l'ouïe se rapporte à l'espace plus lointain. Ainsi E.T Hall13 , aborde sur la notion de distance qui fait intervenir les sens des individus.

« L’appareil sensoriel de l'homme comporte deux catégories de récepteurs que l'on définira schématiquement comme : - les récepteurs à distance, qui s'attachent aux objets éloignés et qui sont les yeux, les oreilles et le nez. - les récepteurs média qui explorent le monde proche par le toucher grâce aux sensations que nous livre la peau et les muscles. »14

Cette distinction de récepteurs sensoriels permet de comprendre la nécessité de combiner les sens pour appréhender et comprendre l’environnement. Néanmoins, la perception de l'espace n'implique pas seulement ce qui peut être perçu mais aussi ce qui peut être éliminé.

13 EDWARD T. HALL EST UN ANTHROPOLOGUE AMERICAIN, AUTEUR DE « LA DIMENSION CACHEE » DANS LEQUEL IL ABORDE LA PERCEPTION CULTURELLE 14 EDWARD T. HALL, LA DIMENSION CACHEE 15 CHOTTIN M., PHILOSOPHE ET AVEUGLE L’AVEUGLE ET LE PHILOSOPHE, OU COMMENT LA CECITE DONNE A PENSER

Un sens ne peut donc se substituer à une autre, car chacun d'eux traite d’informations qui lui sont propres. Marion Chottin15 met en avant à travers la théorie de Molyneux, l'enjeu de la vue, en contrepoint de l'acquisition d'informations sans la vue.

« La supposition de Molyneux consiste en effet à produire les conditions d'une vision originelle, apurée d'une interaction avec le toucher, afin de déterminer si l’idée tactilement acquise ressemble aux idées visuellement acquises. Selon lui en effet, l'aveugle-né ne sera pas capable de reconnaître les objets placer devant lui. »16

La vue n'est sensible que la lumière, le toucher ne réagit que la pression et à la température, l’ouïe ne détecte que les ondes sonores et enfin le goût et l'odorat réagis seulement à des molécules chimiques. Une certaine polyvalence et interaction sensorielle semblent être indispensables pour percevoir la complexité de l'environnement. Pourtant comment attribuer à l'environnement une stabilité, sachant que les systèmes sensoriels ne captent que des aspects partielles et spécifiques des objets et des espaces ?

16CHOTTIN M., EXTRAIT DE L’AVEUGLE ET LE PHILOSOPHE, OU COMMENT LA CECITE DONNE A PENSER

1.2.3. Position d’acteur vs spectateur

L'être humain a la capacité d'avoir un état de conscience du monde qui l'entoure. Les différents sens nous permettent de nous situer dans un contexte et une temporalité. Ils sont à l'origine de la perception de notre environnement. Un sens est une fonction physiologique apportant des informations du monde extérieur à notre cerveau afin de les rendre conscientes. Les sensations sont issues de stimulation des différents récepteurs de notre corps. Elles assurent un contact avec le monde extérieur et permettent de communiquer ou de produire des réponses adaptées, réflexe ou consciente par exemple des mouvements. ????

Pour matérialiser cette définition il est possible de s'imaginer que à la vue d'un rayon de soleil, notre œil est ébloui. Suite à la réception de cette information extérieure notre corps va réagir soit en fermant les yeux légèrement ou complètement soit en orientant le regard dans une autre direction, plus adaptée à l'organe récepteur.

L'exploration physique de l'espace répond à deux enjeux, les sensations apportées par le mouvement du corps la kinesthésie sont essentielles à l'acquisition d'informations sur l'environnement et la mobilité est une composante de la liberté individuelle du sujet. De là, une part importante est donnée au pied et donc déplacement. Comment la possibilité d'interpréter l'environnement influera sur la mobilité ou plutôt sur la liberté d'aller et venir ?

This article is from: