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Giles Duley
from Départ - Volume 5
by Ensemble
Le photographe et activiste britannique explique la réalité de documenter la guerre et pourquoi ses propres blessures n’ont fait que nourrir sa passion.
Par Danielle Groen
Par une matinée de février 2011, alors qu’il suivait les troupes américaines en Afghanistan, le photographe Giles Duley a marché sur un engin explosif qui lui a arraché les deux jambes et le bras gauche. Une année à l’hôpital et 37 opérations ne lui ont toutefois pas volé sa passion ni sa raison d’être. Dix-huit mois après le drame, Giles retournait à Kaboul pour documenter la réalité des civils pris dans le conflit. Depuis, il a notamment travaillé à Gaza, au Soudan du Sud et en Irak, en plus de créer, en 2017, la fondation Legacy of War, qui aide des groupes touchés par des conflits dans le monde entier à reconstruire leur vie.
Q&R
Départ : Que signifie pour vous le mot « héritage »?
Giles Duley : À l’école, on nous apprenait les dates de début et de fin des guerres et on nous présentait la perspective des combattants, généralement des hommes. Pourtant, dans les conflits modernes, environ 90 % des victimes sont des civils, c’est-à-dire des femmes et des enfants. Les guerres ne se terminent pas à la signature d’un accord de paix pour les personnes blessées psychologiquement ou physiquement. L’héritage, pour moi, c’est donc la période qui suit l’oubli.
D : Comment cela oriente-t-il la philosophie de votre fondation?
GD : Beaucoup d’organismes clament qu’ils autonomisent les femmes, enfants et communautés du monde entier. Après ma blessure, on ne m’a pas donné le pouvoir de remarcher : on m’a donné la formation, les compétences et l’équipement pour y parvenir. Notre travail, c’est donc de faire tomber les barrières qui freinent l’autonomisation. Land for Women au Rwanda en est un bon exemple. Au début, ce projet était une coopérative de 25 survivantes du génocide et d’agressions sexuelles. Elles louaient des terres, cultivaient des pommes de terre et ne gagnaient presque rien. Nous ne pouvions pas rendre à ces femmes leur autonomie, mais nous pouvions éliminer les obstacles à l’éducation et à la propriété foncière.
D : Qu’est-ce que Legacy of War a prévu pour cette année?
GD : C’est une année de croissance. En Ukraine, nous formons des personnes en situation de handicap pour qu’elles deviennent physiothérapeutes et prothésistes, ce qui renforce les capacités du pays et crée des emplois pour les personnes ayant subi des blessures de guerre. Land for Women se développe aussi avec deux autres fermes au Rwanda, et nous espérons étendre le projet au Cambodge et à d’autres pays.