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Virée sur la piste des pubs anglais
from Départ - Volume 7
by Ensemble
Histoire médiévale, paysages champêtres, repas copieux et bonnes bières : ce périple d’une vie en valait chaque kilomètre à pied.
Par Bonnie Munday, photos par Felicity Millward
«Alors, c’est bien vrai! », s’est exclamée notre amie Liz, nous serrant dans ses bras en guise d’au revoir. On se trouvait sur la place du marché historique de Devizes, dans le Wiltshire, et mon mari Jules et moi nous apprêtions à partir pour trois semaines dans la campagne du sud-ouest de l’Angleterre.
Notre plan? Traverser quatre comtés à pied, jusqu’en Cornouailles, avec tout le nécessaire sur notre dos. Après des mois à étudier les cartes et à planifier notre itinéraire, on était fin prêts pour cette longue marche, qui nous mènerait du village natal de Jules à la prochaine phase de notre vie. Nouvellement pré-retraités avec une charge de travail allégée, on venait de vendre notre maison au Canada et souhaitait marquer la transition en grand, tout en faisant immersion dans la beauté de l’Angleterre après des années de visites occasionnelles d’une semaine ou deux.
De notre point de départ dans le Wiltshire (avec ses forts de l’âge du fer et ses vieux cercles de pierres, dont Stonehenge), on mettrait le cap au sud-ouest dans leur cave à vin. » Sur ces mots, il s’empresse de traverser la route pour aller chercher une bouteille de la collection.
Bien que Sam soit gérant depuis un an, lui et son mari ne se sont installés au village que récemment. Déjà, il s’y sent comme chez lui. « Plus jeune, ma famille a souvent déménagé en raison du travail de mon père dans l’armée, explique-t-il. M aintenant, je me sens à ma place, comme si j’y habitais depuis toujours. »
Construit au 17e siècle, le George est le seul pub de ce village de 856 âmes. Après avoir parcouru des kilomètres sous la pluie, ses murs en pierre et la chaleur de son immense foyer sont grandement appréciés. Sam m’explique que le menu se compose exclusivement de viandes, produits laitiers, fruits et légumes de sources locales. J’arrête donc mon choix sur le hamburger de bœuf avec fromage bleu et salade.
À travers la fenêtre à carreaux, on peut apercevoir les ruines du château de Nunney — construit dans les années 1370, mais lourdement endommagé 300 ans plus tard pendant la guerre civile — et on décide de l’explorer le lendemain. Son pont-levis, ses douves et ses murs de pierre incurvés nous font presque voyager dans le temps.
LE NORD DU SOMERSET
Six jours après le début de notre aventure, on atteint le nord du Somerset et le village de Watchet. Des rives du canal de Bristol, on peut voir le Pays de Galles à l’horizon, mais on séjourne un peu plus loin, à Washford. Cette communauté riveraine abrite l’abbaye de Cleeve, datant du 12e siècle, et le White Horse Inn, qui a ouvert ses portes en 1709. C’est un lundi soir, mais l’auberge est bondée de gens du coin qui jasent et rient comme si c’était vendredi.
« J’ai tellement d’habitués que si l’un d’eux manque à l’appel, je lui passe un coup de fil pour m’assurer que tout va bien », nous confie le propriétaire George Shan. On apprend qu’il a acheté l’établissement il y a un an seulement, sans avoir travaillé dans un pub auparavant.
« J’ignorais ce que je faisais, admet-il. La première fois que j’ai versé une pinte, je ne l’ai remplie qu’à moitié. J’avais des croûtes à manger. »
George a quitté la Chine à 18 ans et a vécu à Singapour et à Malte avant de s’installer à Londres en 2018. Lui et sa femme, Helen, sont tombés en amour avec la campagne anglaise, son histoire, ses paysages, ses habitants et ses pubs. Bien que le spécial du soir soit un choix de caris, j’opte pour le blanc de poulet fermier sauté avec champignons sauvages, que j’accompagne d’un cidre local.
LE DEVON
De Washford, on traverse le Devon vers le sud et la petite ville d’Exeter. Aux deux tiers du voyage, mes chaussures commencent à trahir les collines, sentiers sinueux et allées boueuses qu’on a parcourus. Mais, nous fier sur nos jambes pour nous déplacer a quelque chose de libérateur, surtout après que nos ampoules aient guéri, que nos jambes aient pris de la force et qu’on se soit habitué au poids de nos sacs à dos.
Maintenant, chaque matin est une occasion d’emmagasiner le charme du sud de l’Angleterre. On s’arrête au sommet des collines pour admirer ce qu’on vient de parcourir. On dîne sur un banc dans un vieux cimetière, ou contre un échalier au bord d’un champ ponctué de brebis et d’agneaux, savourant des pâtés de Cornouailles achetés plus tôt dans une boulangerie. Et quand les paysages champêtres laissent place à et menuisier, donne maintenant des cours dans une grange reconvertie à côté de leur maison, et les prêts-à-camper se trouvent sur des terres cultivées pendant des siècles par ses ancêtres.
J ules et moi passerons la nuit dans une cabine à laquelle s’adjoint un wagon-salle de bain privé construit par Matt (la baignoire et le chauffe-eau à bois nous permettent de nous offrir un bain chaud avec vue sur les champs luxuriants). Bientôt, il faudra rechausser nos souliers et marcher vers l’ouest, pour longer le nord du Dartmoor, traverser les Cornouailles et franchir les sous-bois de Bodmin afin d’atteindre la ville balnéaire de Looe. Cette étape marquera la dernière semaine de notre périple.
Mais pour l’instant, on savoure la noirceur et le silence nocturne, interrompu seulement par le bêlement des agneaux tout près. C’est un bonheur de s’endormir en nature, en sachant que le lendemain nous réserve le même panorama et la même exaltation de vivre et de marcher. Cette expérience nous rappelle pourquoi on a entrepris ce périple : pour nous imprégner de la campagne anglaise et découvrir les nouvelles routes (et innombrables pubs) qu’elle nous réserve.