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COULISSES DE L’INFOX

scientifiques, des pseudo-scientifiques, qui cherchent la notoriété et qui vont parler plus fort que les autres. Des gouvernements populistes, des organisations de différentes natures, religieuses, des think tanks, des instituts, qui se sentent menacés par les idées écologiques. Il y a aussi les industriels, les lobbies qui exploitent le charbon et le pétrole par exemple… Et enfin deux acteurs qui articulent ces questions de communication : d’un côté les médias, particulièrement à droite, et de l’autre leur public, souvent composé d’hommes blancs selon des études américaines. Des communautés capables ensuite de poster des messages sur YouTube, des blogs, des réseaux sociaux. Ces plateformes, en particulier Google qui détient YouTube, laissent largement s’exprimer les climatosceptiques puisqu’ils sont très suivis et leur font gagner de l’audience et des revenus publicitaires. Elles sont aussi responsables d’une importante polarisation. Les opinions sont cloisonnées, les gens ne sont plus sur les mêmes espaces. Ils restent enfermés dans leurs idées. Il est alors difficile de leur opposer des preuves scientifiques qui sont plus complexes.»

«En toute franchise, le climat n’est pas une thématique forte des fausses informations en images. Cependant, il y a régulièrement des tentatives de manipulation de contenus dans le but principal de nier le réchauffement climatique. Ces vidéos ont un potentiel viral extrêmement important et c’est toujours la même logique. C’est à dire qu’on va partager ces vidéos-là parce qu’on sait qu’on va avoir des partages, des likes, des abonnés et qu’après on va pouvoir faire des posts à caractère peut être plus idéologique ou mener des opérations de sponsoring. En fait, ce sont des sujets qui sont très techniques, c’est donc peutêtre un peu plus compliqué de berner par l’image. Ce que j’observe vraiment c’est qu’il y a une part de désinformation positive… même si la désinformation, ce n’est jamais positif. Cela peut prendre la forme de montages qui vont être faits pour montrer les effets du réchauffement climatique mais qui vont utiliser des images qui n’ont rien à voir entre elles, par exemple. Ils ne partent pas d’une mauvaise intention mais, finalement, ils desservent la cause parce que c’est tout simplement factuellement faux.»

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«Pour choisir de l’information à fact-checker ou à debunker [démystifier], on fait beaucoup de veille. On regarde ensuite ce qui a été le plus viral. On a vu passer une image qui a été très partagée au lendemain d’une manifestation des jeunes pour le climat, Friday for future, à New York en 2019. Cette photo représentait un parc rempli de déchets au sol. Elle a été détournée par des personnes qui disaient: “Regardez cette jeunesse qui manifeste, ce qu’elle fait en parallèle.” C’était une manière de décrédibiliser l’engagement écologique de ces jeunes. Il s’agissait en réalité d’une photo prise à Hyde Park, à Londres, après un événement pour la légalisation du cannabis. C’est le ressort classique qu’on retrouve dans les fausses informations liées à l’environnement. Les désinformateurs prennent des images qui existent et les sortent de leur contexte. Il y a cependant des outils très simples qui permettent de détecter ces fausses informations : par rexemple la recherche d’images inversées de Google qui permet de retrouver l’origine de la photo. L’AFP participe également au groupe de recherche InVID qui permet la détection et la vérification de la fiabilité des vidéos propagées sur le Web».

«Je ne veux pas être la première sur l’infox. Je veux d’abord être sûre que cette fausse information ait un écho. Ça ne sert a rien de démonter une infox qui ne circule pas. C’est lui donner une résonance qu’elle n’a pas besoin d’avoir. C’est analyser le retour aux sources qui m’intéresse, comprendre d’où ça vient, essayer de faire un rétropédalage, voir qui est l’auteur de la fausse information, savoir pour qui il travaille ou encore comment se construit son narratif. La contrainte, c’est que je me retrouve face à des désinformateurs qui, eux, ont des heures de vidéos, tandis que moi, je n’ai que trois minutes pour informer, analyser et décrypter. Mais ce qui est intéressant, c’est le vrai débat sur les moyens. J’ai l’impression qu’on a un peu gagné la bataille sur le fait qu’il y a un problème à résoudre, le fait que les transitions énergétiques sont nécessaires. Qu’il y a un recul de cette grande infox qui était, au départ, le déni. Maintenant, on n’est plus dans ce débat. Savoir si les éoliennes sont vraiment efficaces, si la voiture électrique est la solution, etc., ça, c’est le vrai débat.»

«L’architecture d’une fake news, aussi bien dans sa construction que sa diffusion, est grosso modo toujours la même. J’aime bien employer la formule de “guérilla marketing”. En fonction de la communauté qu’ils souhaitent toucher, les auteurs de fake news vont à chaque fois tenter de crédibiliser leur fausse information. La répétition de la diffusion de cette fake news va également jouer un rôle déterminant. Le biais de conformisme va être accentué. C’est-à-dire que les gens vont s’habituer à cette fausse information car “tout le monde le dit donc c’est que ça doit être vrai”. Les corrélations illusoires sont également fortement utilisées dans les fakes news. Vous allez avoir deux faits parfaitement alignés et les auteurs de fausses informations vont vous expliquer que l’un et l’autre sont liés. Le conformisme et les corrélations fonctionnent très bien pour les fakes news. C’est basé sur un fonctionnement empirique. En gros, on dit aux gens qu’il y a une explication très simple à tout et que, quand c’est compliqué, c’est que “c’est pour vous mentir”. C’est l’illustration du vocabulaire “Nous et les Autres”.»

Alexandre Capron, journaliste aux « Observateurs » de France 24 Christine Dugoin-Clément, chercheuse à l’université Paris-1

Rémi Banet, journaliste à la cellule fact-checking de l’AFP

Sophie Malibeaux, journaliste pour Les Dessous de l’infox de RFI

Recueilli par Laure D’ALMEIDA, Alexis GAUCHER et Julia PELLEGRINI

TUÉS POUR L’EN

Entre 2009 et 2020, au moins 14 journalistes ont été s’alourdir, puisque le Comité pour la protection des

Sources : Comité pour la protection des journalistes et projet Greenblood du collectif Forbbiden Stories

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