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ACTIONNAIRES VS MÉDIAS

L’environnement perd son journal

En décembre 2020, les salariés du Journal de l’environnement ont appris la fin du pure player pour manque de rentabilité. Une décision incomprise.

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Le soutien des journalistes au JDLE.

Le 10 décembre 2020, la nouvelle tombe:le Journal de l’environnement cessera de paraître le 29 janvier 2021. Une décision de son éditeur, Infopro Digital, premier groupe français de presse professionnelle. Pour les salariés de ce pureplayer, c’est un véritable coup dur. «Les arguments évoqués tiennent en une formule sibylline: manque de rentabilité », résume un article indigné de la rédaction publié quelques jours plus tard sur le site. Le JDLE avait été fondé en 2004. Il était le premier titre consacré à l’environnement et s’adressait aux élus et aux industriels. Avec 50 000 visites mensuelles en moyenne en 2020, la situation du JDLE était précaire. En comparaison, un des titres phares d’Infopro Digital, Le Moniteur des travaux publics et du bâtiment, cumule 1 million de visites par mois. La direction de l’éditeur demandait à la rédaction du JDLE de réfléchir à une nouvelle formule. « Mais rien ne se passe. Et le 10 décembre 2020, on nous annonce que le journal sera arrêté le plus tôt possible», déplore Valéry Laramée de Tannenberg, rédacteur en chef depuis 2010. Contacté pour communiquer les raisons de sa décision, Julien Elmaleh, le directeur général du groupe, n’a pas répondu à nos sollicitations.

Une thématiqUe poUrtant porteUse Deuxième coup de poignard le 1er février 2021, le site est mis hors ligne trois jours après l’arrêt officiel du titre. Toutes les archives du journal sont dès lors introuvables. L’ancien rédacteur en chef se fend d’un tweet assassin : « Avec une brutalité toute stalinienne, Infopro a rayé de la carte du Net le site du @LeJDLE: dix-sept ans de travail journalistique effacé. Comme au bon vieux temps de Beria [ancien chef de la police politique de Staline].» La rédaction affirme n’avoir jamais eu accès aux données économiques de la publication. Le chiffre d’affaires ou le nombre d’abonnés n’ont jamais été communiqués au rédacteur en chef. Cette opacité s’ajoute à la violence vécue par les salariés. Stéphanie Senet, une des quatre rédactrices, a été «totalement surprise» de la décision alors que l’environnement est une thématique pourtant porteuse. « La lutte contre le dérèglement climatique prend vraiment de l’importance chez les acteurs publics, privés et les citoyens. Il est donc logique que les médias s’en fassent l’écho. » Elle considère que la fermeture est «le choix d’un groupe qui n’est pas tourné vers les questions environnementales » alors que la presse spécialisée s’y intéresse de plus en plus. «Un nouveau titre, Contexte environnement, consacré à ce thème, vient de se lancer. Pour ma part, j’ai été embauchée par AEF Info [agence d’informations spécialisées] qui mise aussi sur ces questions.» Depuis fin mars, le JDLE a été remplacé par une plateforme dédiée aux entreprises. Les dix-sept années de publications font désormais partie du passé.

Lisa MORISSEAU

Essai transformé pour l’écologie

Surprise ! Le 19 mars 2020, les lecteurs du Midi Olympique, journal numéro 1 dans l’univers du rugby français, voient apparaître une nouvelle rubrique, écolo : C’est vert.

Que faire lorsque votre fonds de commerce s’épuise ? Cette question, la rédaction du Midi Olympique se l’est posée le 13 mars 2020. L’ancien Premier ministre, Édouard Philippe, annonce la suspension des championnats sportifs professionnels et amateurs. Pour un journal qui, depuis 1929, trouve sa raison de vivre dans le récit des compétitions de rugby, le coup est rude. «On s’est posé la question de savoir si on allait continuer à publier. Notre ADN, c’est de raconter les matchs», explique Pierre-Laurent Gou, journaliste au «Midol». La rédaction réfléchit. Hésite. Se remet en question. Elle finit par se réinventer pour trouver des solutions. Les comptes rendus sportifs sont petit à petit remplacés par de nouvelles rubriques thématiques, plus décalées. « On a dû chercher autre chose pour pouvoir sortir notre journal, confie Pierre-Laurent Gou. Il fallait divertir les gens. En cette période, ils en avaient besoin.» Et l’écologie dans tout ça? «On est plusieurs journalistes au sein de la rédaction à avoir cette fibre écolo, explique le journaliste. On s’est donc demandé : que fait le monde du rugby pour l’environnement?» Et c’est ainsi que C’est vert a vu le jour.

Une initiative peU commUne La marque de fabrique de la rubrique: une liberté de format. «Notre objectif est de relayer les initiatives de tous les clubs et des joueurs ayant trait à l’écologie et au rugby.» Se côtoient, dans le journal, portraits et interviews d’acteurs engagés, zoom sur des initiatives vertes et rencontres avec d’anciens professionnels reconvertis. Une seule exigence: que tous les papiers aient un lien avec l’environnement. «Nous sommes portés par les initiatives des sportifs qui, eux aussi, s’investissent de plus en plus », confie le journaliste du Midol. Aujourd’hui, les compétitions ont repris et le jeu se retrouve logiquement au premier plan. L’écologie se fait plus rare dans les pages. Mais après cette initiative peu commune dans le journalisme sportif, les projets fourmillent. Un numéro du Midol mag (le magazine mensuel du journal) spécial environnement est envisagé. Et la rubrique C’est vert dans tout ça? «Pas d’inquiétude, elle n’est pas partie et elle va revenir très vite», assure Pierre-Laurent Gou.

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