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RENVERSER LA CRISE DE LA BIODIVERSITÉ GRÂCE À LA CONSERVATION

• PAR MARION SPÉE

Le vivant est menacé. Il ne l’a jamais autant été. On estime qu’une espèce sur huit sur les quelque 1,2 millions d’espèces végétales et animales connues sur la planète est menacée d’extinction et que plusieurs espèces s’éteignent chaque jour. Si la crise climatique, plus médiatisée, effraie et laisse des traces (inondations, canicules, etc.), la perte de biodiversité est tout aussi alarmante. D’ailleurs, les deux enjeux sont liés et ont un point commun : l’activité humaine.

«Ça n’est pas facile d’alerter sur ce sujet une population mondiale de plus en plus urbanisée », confie Evelyne Daigle, éducatrice et conceptrice scientifique à la Biosphère. Quand on n’est plus en contact avec la nature, on oublie parfois tous les services qu'elle nous rend, à commencer par manger, boire et respirer! L’approche «Une seule santé» s’efforce justement de reconnaître l’interconnexion entre la santé des personnes, des animaux, des plantes et de cet environnement que l’on partage.

Certain.e.s se demandent peut-être ce que ça change si une espèce de grenouille ou de chauve-souris disparaît. Ça peut être très abstrait, pourtant le maintien de la biodiversité est bel et bien crucial. En brisant un maillon de la chaîne, c’est tout un équilibre qui est mis en péril. Cela a des effets sur l’environnement, mais aussi parfois sur l’économie d’une région.

UN ÉQUILIBRE DÉLICAT

Par exemple, sur la côte Pacifique de l’Amérique du Nord, on a longtemps chassé les loutres de mer pour leur fourrure, jusqu’à observer leur extinction dans certaines zones. Conséquence ? Les oursins, leurs proies, ont proliféré. Ils ont largement réduit les forêts d’algues marines qui servent d’abris aux larves de poissons ou de crabes. Ceux-ci n’ont pas pu atteindre leur taille adulte, et les pêcheurs n’ont pas pu les pêcher. « Cet effet domino illustre bien qu’en s’attaquant à un élément, la cascade d’événements qui s’en suit est telle que la chaîne entière est affectée, résume Évelyne Daigle. Toutes les espèces vivantes jouent un rôle important, elles ont des liens insoupçonnés entre elles. »

Un autre exemple ? Vous pensez peut-être que si une espèce de chauve-souris disparaissait, ça ne vous empêcherait pas de dormir. Et pourtant. Certaines chauves-souris sont des insectivores : une colonie de 300 individus peut manger jusqu’à 20 millions d’insectes en un été. Parmi ces insectes-là, certains sont nuisibles aux cultures de maïs. Autrement dit, préserver les chauves-souris pourrait contribuer à réduire l’utilisation des pesticides dans les champs de maïs.

Photo : Shutterstock/Awana JF

LES CAUSES D’UNE BIODIVERSITÉ FRAGILISÉE

Mais qu’est-ce qui occasionne le déclin de la biodiversité ? Les scientifiques dénombrent cinq coupables, dont le dénominateur commun est l’activité humaine : la modification des habitats (fragmentation, destruction), la pollution, la surexploitation des ressources biologiques (comme la surpêche), les espèces exotiques envahissantes et bien sûr le changement climatique.

«Au Panama, par exemple, les grenouilles dorées sont décimées par un champignon appelé chytride, explique Évelyne Daigle. À tel point que la dernière fois qu’un individu a été vu à l’état sauvage, c’était en 2007. » Selon les scientifiques, cet agent pathogène d’origine européenne, introduit en Amérique par l’homme, a vu ses effets exploser à cause de la dégradation de l’habitat naturel des grenouilles dorées, de la pollution des cours d’eau et des sécheresses.

LA CONSERVATION COMME REMPART

Heureusement, l’espèce n’a pas disparu de la surface de la planète grâce à des programmes spécifiques de conservation. Avec une cinquantaine d’autres institutions zoologiques, le Biodôme participe à maintenir une population captive saine de grenouille dorée. Une sorte de réserve. Le but ? Les réintroduire dans leur milieu naturel.

Plus localement, la tortue des bois est désignée comme vulnérable. Depuis 2014, l’espèce fait partie d’un plan de rétablissement chapeauté par Espace pour la vie et le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs (MFFP). L’objectif est d’augmenter son faible taux de survie durant sa première année. Le principe est simple : les équipes du MFFP collectent des œufs et les font éclore. Les bébés sont ensuite transférés au Biodôme pour un ou deux ans, le temps d’être nourris et suivis par une équipe de soins animaliers et d’atteindre un poids jugé suffisant. Puis, les tortues sont relâchées dans la nature, près du site de ponte.

Le moment est venu de se questionner sur nos choix et de modifier ceux qui sont à notre portée pour aider à protéger la biodiversité. Par exemple, opter pour des produits en vrac ou éviter le plastique à usage unique pour limiter la pollution dans les océans qui blessent ou étouffent de nombreux animaux marins. On peut aussi préférer une pâte à tartiner sans huile de palme, et ainsi donner un coup de pouce aux orangs-outangs qui voient leurs forêts indonésiennes partir en fumée à cause des plantations de palmiers à huile. « On a tous et toutes un rôle à jouer pour protéger la biodiversité », assure Évelyne Daigle.

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