MOOD
Texte Sarah Braun
En matière de musique en tout cas, je te parlerai de ma passion sushis trempés dans du café au lait une autre fois. J’avais déjà remarqué les moues crispées et inquiètes de mes copains, quand, en soirée, je demandais si je pouvais mettre mon dernier crush musical du moment. « J’ai shazamé un truc trop cool, l’autre jour, vous allez adorer ! » S’ensuivait alors trois minutes (dans le meilleur des cas) de silence gêné, jusqu’à ce que le plus téméraire mette fin aux souffrances auditives de l’assemblée avec la dernière « balle » découverte lors du dernier after. Je n’en avais jamais pris ombrage jusqu’à la soirée de nouvel an. Le dîner se déroulait chez moi : après avoir soigneusement mis la table, et m’être aspergée de paillettes, je lance ma dernière playlist du moment « Christmas21, émojis père Noël, flocon, sapin, feu, mec qui danse ». Je l’aime beaucoup, et elle a le dont de me mettre en joie dès le matin. Et Dieu sait que ce n’est pas une mince affaire. Quelques minutes plus tard, mes convives arrivent, nous nous attablons pour avaler quelques douzaines d’huîtres arrosées de champagne (comprends, je suis chic, et ce détail a de l’importance dans cette histoire, beaucoup d’importance), sur fond musical choisi par mes soins, quand Alex se met à hurler : « Mais wow Sarah, c’est quoi cette chanson, tu veux nous tuer ou quoi ? - Elle est trop cool, tu trouves pas ? - Mais pas du tout, mes oreilles saignent ! » Un tantinet vexée, et les joues coquelicot, je bafouille que je me suis trompée de playlist, qu’il s’agit de celle que j’écoute pour courir. Regards entendus des autres invités présents (qui savent pertinemment que j’écoute K-Maro en boucle depuis que je me suis fait d’une traite la série Hippocrate : « Donne-moi ton cœur, ton corps bébé… » Tu l’as ?). Je passe le relais et vais bouder discrètement dans le salon : ok, j’ai légèrement plombé l’ambiance, mais pas de quoi fouetter un chat non plus... (À cet instant, je lève les yeux au ciel.) Non que je sois susceptible, mais j’ai toujours pensé être du côté de ceux qui savent. De ceux qui dénichent des petites pépites aux aléas de Deezer ou Spotify. Bref, de ceux qui ont du goût. Manifestement : non. Cela étant, j’aurais dû avoir la puce à l’oreille depuis bien longtemps : force est de constater que les chansons que je partage sur
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Instagram ne suscitent pas vraiment l’engouement de ma communauté : c’est à peine si je récolte un « pouce » les jours de grande fulgurance musicale. Pire, mon mec refuse catégoriquement que je choisisse la musique quand on est en voiture (bon j’exagère un peu, mais il a le même air dépité que mes potes en soirée quand, très fière, je lance mon dernier morceau fav’). Ce qui, tout de même, est un petit peu fort de café quand on sait que je l’ai séduit grâce à une version a capella de Pas toi de Jean-Jacques Goldman pendant le confinement. D’un autre côté, il n’a pas eu d’autre choix que de rester : on était confinés tous les deux. CQFD. Bref, la soirée se poursuit chez des copains – DJ de surcroît – avec deux seuls objectifs en tête : du bon son et danser. Vu que je n’ai à m’occuper que de la seconde partie, tout est censé se dérouler au mieux. La fête bat son plein, pas de serviettes qui tournent, ni de sardines dans leurs boîtes, mes potes se succèdent aux platines, entre tech house, house minimal et nu disco. Je vais quand même leur demander s’ils n’ont pas Drunk in Love, ma blagounette de soirée préférée, en référence à l’excellent We Are Your Friends avec le non moins excellent Zac Efron. Habitués, ils se contentent de sourire. Ce sont vraiment de bons copains.
« J’ÉCOUTE K-MARO EN BOUCLE DEPUIS QUE JE ME SUIS FAIT D’UNE TRAITE LA SÉRIE HIPPOCRATE » Vers 3h, piste en feu oblige, je fais une pause réhydration dans la cuisine. On papote, on plaisante, quand, dans un petit excès de confiance en moi, je me lance dans une petite chanson paillarde : « si tu avances et tu recules, comment veux-tu que je… . » (La bienséance m’interdit de finir cette phrase, mais si tu veux en connaître la fin, n’hésite pas à écrire à la rédaction de Bold qui te transmettra les paroles de cette petite pépite de la chanson française que même ton tonton Michel gênant n’a pas osé fredonner à Noël.) Très contente de ma petite performance, je me retourne – hilare – et contemple les visages médusés de mes potes. « Bah alors, Sarah, 2022, c’est l’année du beauf on dirait ? » Je la sens bien cette nouvelle année ! Et la santé, bien sûr ! NB. : Tu peux aussi contacter le magazine pour qu’ils te filent mon pseudo Deezer !