Aperçus de Cannes #1

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APERÇUS DE CANNES JOURNAL #1 DU 11 AU 15 MAI Notes sur les films et le festival


LES COTES DC MD ID AD Album de famille ** American Honey ** Le BGG ** Café Society *** *** Clash *** ** La Danseuse * * Le Disciple * * Diamond Island **** Dogs * *** * L’Économie du couple ** ** *** Fais de beaux rêves **** Parce qu'après le choc 4 mois,*** Grave Harmonium 3 semaines, 2 jours *** (Palme d'Or *** Mademoiselle *** 2007), le réalisateur roumain nous a Mal de pierres ** encore surpris avec Ma Loute ** Au-delà **** des**collines* Ma vie de Courgette **** **** (Double prix d'interprétation féminine Mean Dreams ** et prix du scénario Money Monster ** 2012). Moi, Dan Blake ** ****Danel Isabelle Neruda *** One Week and a Day *** Personal Affairs ** ** Poésie sans fin *** Rester vertical ** Sieranevada *** Toni Erdmann *** Transfiguration * *** Victoria ***


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COMMENT ÇA COMMENCE ?



L’OFFICIELLE Cafe Society ou Woody Allen au sommet d'une mélancolie habillée de légèreté et d'ironique fatalité. Notre névrosé préféré démontre une fois encore son art accompli et sa manière vénéneuse de tricoter les heurts et malheurs des mauvais “timings” amoureux en y rebrodant de suaves motifs de comédie noire et de métaphysique de chambre à coucher. Une belle ouverture, où les femmes de caractère semblent s'être taillé quelques parts de lionnes. Marguerite Debiesse


UN CERTAIN REGARD Pour une entrée en matière, on ne pouvait envisager plus édifiant. En choisissant Clash de l'Egyptien Mohamed Diab, le comité de sélection a envoyé un signal clair : l'édition 2016 est ancrée dans le réel. Il ne pouvait en être autrement avec ce huis-clos qui installe dans un fourgon de police une atmosphère éreintante, dans l'Egypte de 2013, en proie aux déchirements entre armée et Frères musulmans. Alexis Duval


LA QUINZAINE DES RÉALISATEURS L'an dernier la Quinzaine des Réalisateurs s'était brillamment imposée comme les salon des refusés de la Compétition, en accueillant / recueillant les nouveaux films d'Arnaud Desplechin, Miguel Gomes et Philippe Garrel, qui en faisait l'ouverture. On pouvait donc clairement lire le choix d'ouvrir cette année avec le grand Marco Bellocchio comme une volonté de poursuivre dans cette voix. Le risque, avec cette stratégie, pourrait alors être de se laisser aveugler par les noms et de céder à l'indulgence vis-à-vis des films. Erreur évitée cette fois encore : Fais de beaux rêves est superbe, et aurait pu représenter l'Italie en compétition (où elle est totalement absente cette année) avec autrement plus de classe que Tale of Tales et Youth l'an dernier... Et par ailleurs, comment résister à un titre aussi parfaitement adapté pour introduire une orgie de films ? Nicolas Marcadé


LA SEMAINE DE LA CRITIQUE En réaction sans doute à l'accueil glacial des Anarchistes en 2015, la Semaine a choisi de se lancer sur une rampe comique plutôt que tragique avec le second long métrage de Justine Triet, Victoria, et une Virginie Efira décomplexée. Déplaçant le feel-good movie de la clôture vers l’ouverture, cette 55e sélection démarre de la plus “cool” des façons, flattant la tradition française du bon cinéma du milieu. Chloé Rolland

L’ACID Fidèle à sa vocation d'empêcheur de voir le monde en rond, l'ACID s'ouvre à la pettie enfance en allant remonter les bretelles du film d'animation édifiant ou lénifiant. Diable ! Un bon oui, mais acidulé. Pas de mains, pas de chocolat. Roland Hélié


TONI ERDMANN de Maren Ade (Allemagne) [Compétition]

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Winfried est un joyeux drille, jamais en panne d’une vanne, toujours prêt à se déguiser. Divorcé de longue date, il vit avec son vieux chien, rend visite à sa vieille mère. Sa solitude n’empêche pas une permanente dérision. La visite à Inès, sa fille unique, installée en Roumanie où elle est consultante, réveille d’anciennes douleurs : la dérision paternelle n’a guère déteint sur sa progéniture. C’est le troisième long métrage de l’Allemande Maren Ade ; le deuxième, Everyone Else, en 2008,


était centré sur le couple. Inabouti il était déjà drôle et cruel, et avait déjà pour actrice principale l’étonnante Sandra Hüller. Ce qui se joue ici prend son temps (2h42) pour dire l’éternité de ces rapports biaisés, le décalage, le choix même d’Inès de contrecarrer dans sa vie la légèreté de son père alors qu’elle se bat dans un monde d’hommes, et un fond de dépression partagé par les deux. Pourtant, il y a des ellipses merveilleuses, une rapidité insensée. La caméra épouse le mouvement, s’emballe et s’impatiente, suivant les irruptions permanentes de Winfried (Peter Simonishek, dément) dans le cadre et dans la vie de sa fille. Toni Erdmann est un objet certes imparfait, mais emballant. Inclassable et déroutant, incisif et drôle. Isabelle Danel


MADEMOISELLE de Park Chan-wook (Corée du Sud) [Compétition]

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Grand Prix du jury en 2004, Old Boy avait déchaîné les passions et propulsé son réalisateur, Park Chan-wook, au rang de cinéaste culte. C'est toujours chose ardue, lorsque soi-même on révère le maître coréen, de dire du mal d'un film aussi plastiquement réussi que Mademoiselle. Pourtant, impossible de ne pas déplorer la paresse de la structure de ce scénario inspiré du roman de Sarah Waters. Duperie, rouages de la duperie et vengeance : la construction d'Old Boy et les péripéties qu'elle induit sont réutilisées pour cette Mademoiselle, dont le doux parfum désuet sent le déjà-vu. Même si le dispositif fonctionne, un peu de créativité n'aurait pas nui - bien au contraire - au plaisir du spectateur. Alexis Duval


DIAMOND ISLAND de Davy Chou (Cambodge) [Semaine de la Critique]

*** Après Le Sommeil d’or, passionnant documentaire consacré à la cinématographie perdue du Cambodge - car détruite consciencieusement par le génocide khmer -, Davy Chou passe à la fiction

avec Diamond Island. En suivant une trame classique, le réalisateur en remodèle les motifs, la passe au filtre du teen movie et transcende sa narration à coups d’habiles ellipses. Chou des-


sine en creux le séduisant, plus ostentaportrait d’un toire. Avec son smartCambodge en phone flambant neuf et la plein exode rural, moto de son frère, Bora plus enclin à rêver voit des portes s’ouvrir. au futur (à grand Mais veut-il vraiment les coup de bétonfranchir ? La jolie fille du nage) que de s’in- chantier qui lui plaît l’en terroger sur la empêchera-t-elle ? Porté qualité de vie de par d’impeccables comésa main-d’œuvre. diens amateurs, Diamond Bora en est d’ail- Island s’affirme, entre ses leurs le symbole : choix d’écriture et sa phoson initiation au tographie sublime, monde moderne se fait comme l’œuvre d’un aupar l’intermédiaire de ren- teur plein de promesses, Parce que Davy Chou a si bien contres ou de détails de et déjà capable, au gré filmé la disparition d’un monde son quotidien. Les retrou- d’un flash-forward troudans Le Sommeil d’or, qu’il me vailles avec son frère, dis- blant ou d’une possible tarde de voir comment il filmera paru depuis cinq ans, plongée dans le fantasl’éclosion d’un nouveau monde l’amènent à découvrir un tique, du meilleur. dans Diamond Island. autre mode de vie, plus Michael Ghennam Chloé Rolland


FROM THE DIARY OF A WEDDING PHOTOGRAPHER de Nadav Lapid (Israël) [Semaine de la critique]

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Le retour d'un cinéaste confirmé au court ou moyen métrage est toujours une expérience fascinante, car elle témoigne toujours d’un pur désir de cinéma, que l'on ne peut suspeté d'être conditionné par des enjeux de carrière. C'est le cas pour From the Diary of à Wedding Photographer, film de 40 minutes signé Nadav Lapid, grand espoir actuel du cinéma israélien (Le Policier, L'Institutrice). En partant des souvenirs et


expériences contrastés d’un photographe de mariage, Lapid livre un portrait en creux de la société israélienne et, dans le même mouvement, une réflexion plus globale sur l'amour et le couple. La liberté narrative, la maîtrise formelle du cadre, ainsi que sa puissance d'évocation rappellent avec clarté que Nadav Lapid est sans doute destiné à régner sur le cinéma israélien (et mondial) dans peu de temps. Pierre-Simon Gutman


RESTER VERTICAL de Alain Guiraudie (France) [CompĂŠtition]

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Très attendu après le triomphe critique et public de L’Inconnu du lac, Alain Guiraudie revient à Cannes, cette fois avec les honneurs de la Compétition. D’emblée, il déjoue les paris du nouveau chef d’œuvre en mettant en scène les errements de son personnage principal, scénariste en panne, dont il ne cache pas qu’il constitue son double. Maître des plans picturaux, au même titre mais dans un autre genre que Dumont, Guiraudie confirme son sens de la mise en scène magistrale, tout en renouant avec une narration éclatée (voire confuse) et un humour savamment provocant. Michael Ghennam


Biopic de Pablo Neruda dévoyé en polar mental, en course poursuite métaphysique, Neruda, sixième long métrage de Pablo Larraín, serpente entre les arcanes de la liberté de création et de l'engagement politique. Croqué en bourgeois hédoniste et décadent aussi bien qu’en communiste de salon,


NERUDA de Pablo Larraín (Chili) [Quinzaine des Réalisateurs]

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le poète chilien, figure légendaire de l'opposant à la dictature, se voit si bien passé à la moulinette qu'à ce régime jamais Joan Baez n'aurait pris la peine de mettre en musique l'un ou l'autre de ses poèmes. Mythe saccagé, très grand film. Roland Hélié


ALBUM DE FAMILLE de Mehmet Can Mertoglu (Turquie) [Semaine de la Critique]

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On ne s'étonnera guère de retrouver, à la photographie d'Album de famille, l'un des proches collaborateurs (Marius Panduru) du Roumain Corneliu Porumboiu : dans le fond (cette façon Parce que les laconisme thrillers deet Nasatire Hong-jin sont de jumeler sociale cinglante, toujours uniques, immersifs, déroutants. de fondre dans un même geste le quotidien le Et plus que prosaïque son nouveletopus n’a pas l’air de de l'imle surgissement déroger à la comme règle. dans la forme (dispositif minipromptu) Michael Ghennam maliste, composé pour l'essentiel de larges


plans-séquences), le film de Mehmet Can Mertoglu entretient une parenté évidente avec le cinéma de l'auteur du Trésor. Dans l'incapacité de procréer, un couple de quadragénaires turcs adopte un nourrisson qu'il s'efforce de faire passer pour son fils biologique. L'album du titre est ainsi celui, fictif, que conçoivent méthodiquement les personnages, récréant pour l'objectif d'un appareil photo les chromos clichetonneux d'une grossesse épanouie. Ce projet, et l'iconographie mensongère à laquelle il s'adosse, n'ont pas pour objectif d'assouvir un désir intime, mais plutôt de reconduire le mythe de la famille traditionnelle, mythe redoublant celui - parallèle formulé par le récit à plusieurs reprises - du roman national turc. Le geste de ce premier long est précis, assuré, et pour autant quelque chose, par bonheur, se dérobe aux écueils du dispositif forclos et de la pure leçon de choses : c'est sans doute que l'ensemble baigne dans un climat surréaliste des plus singuliers. Thomas Fouet


MA LOUTE de Bruno Dumont (France) [CompĂŠtition]

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Film-ogre, film tarte à la crème, film de fin du monde, Ma Loute est un brûlot comique écrit par Eugène Labiche qui aurait mangé Karl Marx avant de fumer les œuvres complètes de Bernanos. Gaël Reyre

chronique complète à lire sur le site


GRAVE de Julia Ducournau (France) [Semaine de la critique]

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Le premier long métrage de Julia Ducournau, précédé d’une réputation sulfureuse, fait saigner l’encre. La cinéaste prend des risques mais respecte ses engagements en prenant aux tripes. Pourtant, si ce film d’auteur est du genre trash, la mise en scène comme le scénario sont subtilement maîtrisés pour que la vision du film reste supportable. On y suit la transformation de Justine, jeune étudiante dans une école vétérinaire. De végétarienne, elle devient cannibale. C’est habilement montré, c’est extrêmement efficace, et surtout, c’est original. Habillé d’une BO énergique et d’une lumière envoûtante, Grave compte sur un humour cathartique pour mettre à distance les horreurs à l’écran. Car au-delà de certaines scènes crues, Ducournau raconte quelque chose de plus intime. On peut voir dans cette métamorphose féroce une métaphore moderne sur la famille et ce qu’elle nous inculque, le passage à l’âge adulte, la connaissance de soi et notamment l’identité sexuelle. Astrid Jansen



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