Aperçus de Cannes #2

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APERÇUS DE CANNES JOURNAL #2 DU 16 AU 18 MAI Notes sur les films et le festival


LES COTES DC ID MD AD American Honey Apnée *** Après la tempête *** *** Aquarius **** **** Beyond Mountains and Hill * Câini * Le Cancre *** Captain Fantastic ** ** Comancheria **** Dogs *** * L’Effet aquatique *** Parce qu'après le choc 4 mois,° La Forêt de Quinconces * La Fille inconnue *** ** 3 semaines, 2 jours (Palme d'Or Goksung The Happiest2007), Day le réalisateur roumain nous a Hell or High Water ****Au-delà des collines encore surpris avec Julieta ** **** (Double prix d'interprétation féminine Loving *** et prix du scénario 2012). Ma’Rosa *** *** Mimosas ** Isabelle The Nice Guys ** Danel L’Oiseau d’or *** Le Parc Paterson ** Personal Shopper * *** La Planète des vampires *** La Tortue rouge **** Tramontane *** Les Vies de Thérèse Voir du pays * *


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AQUARIUS de Kleber Mendonça Filho (Brésil) [Compétition]

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Il y a la plage où Clara et ses amis passent un moment avant de rejoindre l’immeuble Aquarius qui fait face à la mer dans le quartier de Récife. Là, dans un appartement qui semble de toute éternité dans la famille on fête l’anniversaire de la grand tante Lucia, et la guérison de Clara, épouse et mère de trois enfants. Ce sont les années 80, on se trémousse sur @Another one bites the dust, la vie passe. Trente années plus tard, Clara vit seule au même endroit,


de rose, la façade est devenue bleue, une affaire immobilière a vidé les lieux : tous les autres propriétaires ont vendu, mais Clara résiste. Seule contre tous. Et Clara à soixante ans et quelques c’est Sonia Braga, la magnifique, que Kleber Mendonça Filho accompagne dans chacun de ses gestes. Car ce film c’est la vie, celle qui a été, celle qui est. La vie palpable et la vie imaginaire que la mise en scène rend toutes deux tangibles. Nous sommes la somme de nos souvenirs, les lieux s’en font l’écho. Une commode en bois sans beauté ni valeur spécifique raconte en deux plans une histoire. Un appartement vibre et résonne de tous les moments qu’il a abrités… Ce deuxième long du réalisateur des {Bruits de Récife} (le plus beau premier long métrage sorti en 2014, qu’on se le dise) est d’une beauté absolue. Comment, en deux heures vingt, sans jamais perdre le spectateur, évoquer à la fois son pays, la société telle qu’elle est devenue et un magnifique personnage féminin immuable de toutes les libertés acquises, de tous les combats menés. Palme d’Or ? Isabelle Danel


AMERICAN HONEY de Andrea Arnold (Grande-Bretagne) [CompĂŠtition]

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Il y a deux films dans American Honey. D'un côté, une chronique initiatique réitérant la question qui, depuis Fish Tank, fonde le cinéma d'Andrea Arnold ("qu'est-ce qu'une jeune fille ?") ; de l'autre, un road-movie chroniquant le Midwest états-unien via le sage catalogage d'une série de sociotypes (outcasts, travailleurs des champs de pétrole, banlieues résidentielles aisées...). Le souci, c'est précisément que ces deux pistes peinent à se rencontrer, semblent la superposition de frises distinctes, et que rien ne semble justifier la durée (2h42) du film, dont le récit se délaye dans une prolifique bande-son empruntant au meilleur du hip-hop contemporain. À plus forte raison lorsque les pistes abandonnées sitôt ébauchées le sont par maladresse plus que par choix, et lorsque la cinéaste ne se soucie de sa troupe de personnages secondaires que pour y prélever des motifs (un tatouage, un bijou fantaisie, un pas de danse...) nourrissant son tableau d'une certaine jeunesse white trash. Restent le bel aplomb de la révélation Sasha Lane et la présence de Shia LaBeouf, épatant en camelot roublard à la virilité blessée. Thomas Fouet


WOMEN IN ACTION

Le cinéma c’est la vie. À en croire les films présentés à Cannes la vie des femmes a bien changé. Trois exemples peuvent refléter la petite révolution en marche dans la déculpabilisation des femmes : 1. Les enfants tu n’auras pas la charge exclusive Que ce soit dans Victoria de Justine Triet ou dans Rester vertival d’Alain Guiraudie, le mère peut décider de confier ses enfants à un babysitter ou à leur père, sans que ce soit le nœud narratif du récit. 2. Au travail tu ne te laisseras pas faire


Quoique l’on pense de Toni Erdmann, avec la séquence où Inès, femme d’affaires a priori peu scrupuleuse, impose une naked party, la fameuse parité hommes/femmes s’impose avec panache. 3. Au lit tu oublieras ton âge Ce n’est qu’un des aspects libertaires du sublime portrait de Clara, dans Aquarius, femme libre de 60 ans qui en assumant son indépendance d’esprit ne peut qu’assumer son autonomie sexuelle. Chloé Rolland


JULIETA SI Trois raisons d’aimer le dernier Almodóvar


1. Ni tout à fait le même ni tout à fait un autre, le 20e long métrage de Pedro Almodóvar est un mélo. Moins flamboyant, plus tragique, Julieta, adapté de trois nouvelles d’Alice Munro est un film captivant sur le destin, la perte, les liens qu’on noue et qu’on dénoue. 2. Le thème de la maternité si cher à Almodóvar de Talons aiguilles à Volver en passant par Tout sur ma mère est ici inversé. C’est la fille, Antia, qui devient en quelque sorte la mère de Julieta lorsque celle-ci, de chagrin, démissionne de ce rôle. Les translations d’amour sont omniprésentes dans ce film. 3. Pour une fois, les hommes ne sont pas des violeurs ou des lâches, ni même des absents. Les deux personnages masculins sont tangibles et bien présents, l’un (Daniel Grao) est un pêcheur superbe débordant d’amour, l’autre (Dario Grandinetti) un amant calme qui ne peut se résoudre à finir sa vie sans la femme qu’il a choisie. Isabelle Danel


Quand un cinéaste de renom entre dans un vide créatif on dit qu'il est dans l'épure. À ce titre, Almodóvar est ici au sommet de l'épure... 1. Le récit est à ce point épuré que son enjeu central (l'amour addictif d'une mère pour sa fille) n'est qu'une donnée scénaristique jamais une réalité sensible, et que chaque rebondissement n'est qu'un effet d'annonce se dégonflant systématiquement avant terme. 2. La forme est à ce point épurée que, à l'exception de quelques plans “signés”, l'esthétique de Julieta est globalement celle d'une telenovela brésilienne. 3. L'émotion est à ce point épurée qu'elle en vient finalement à s'absenter purement et simplement de ce mélo, dont on peut, dès lors, se demander quel genre de sensation il envisage de produire. Nicolas Marcadé


JULIETA NO Trois raisons de d茅tester le dernier Almod贸var


LE PARC de Damien Manivel (France) [Acid]

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Il est assez déli produisent et la mien Manivel, a et retrouvé aujo comique et de néma de Maniv soucie que d'êt peut paraître (ri bours de la ma sur un écran. L nos yeux, comp avec ses silenc contours insais est un endroit p passe son chem mais comment trop ou pas ass rencontrer Dam Entretien à suiv


icat d'essayer de capter avec des mots l'effet que a fascination que peuvent exercer les films de Daauteur découvert l'an dernier avec Un jeune poète ourd'hui à Cannes avec Le Parc. Aux frontières du la poésie, de l'expérimental et de l'art naïf, le civel s'attache à retranscrire un regard, qui ne se tre (juste, personnel) sans avoir peur de ce qu'il idicule, vide). C'est dire si sa démarche est à reajorité de ce qui nous est donné de voir aujourd'hui Le monde de Damien Manivel est posé là devant pact, dense, debout, dans le plus simple appareil, ces, ses gestes gracieux et imparfaits, ses sissables. C'est à prendre ou à laisser. Cet univers peu décoré mais fortement habité. On entre ou on min. Il y a là quelque chose de précieux à ressentir, t définir ce quelque chose sans en faire et en dire sez ? À défaut de le savoir, nous sommes allés mien Manivel, pour en parler directement avec lui. vre... Nicolas Marcadé


MIMOSAS de Oliver Laxe (Espagne / Maroc) [Semaine de la Critique]

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Félicitons les programmateurs de la Semaine de la Critique qui ont eu l’excellente idée de fixer la présentation du second film de Oliver Laxe, Mimosas, en milieu de festival. C’est à ce moment-là que l’on est le mieux cueilli par ce genre d’épopée mystique, à la fois lente et chevaleresque. Il faut en effet un état de lâcher prise pour apprécier la beauté contemplative qu’offre le film (fondée sur les grands espaces, d’une diversité fabuleuse, du Haut Atlas marocain) et pour en suivre les variations de narration, entre réalisme et fantasme, entre vérité et rêverie, entre croyance et doute. À partir de rien, ou quasiment rien de perceptible, Oliver Laxe tout à la fois embrasse les grands mythes du cinéma et retranscrit la situation Parce que Davy Chou a chaotique si bien de son pays, en proie aux confusions que fait filmé la disparition d’un monde régner la terreur surd’or, la foiqu’il musuldansdjihadiste Le Sommeil me mane. Philosophique et éminemment cinématarde de voir comment il filmera tographique,l’éclosion Mimosasd’un a sans nulle doute nouveau monde révéler un grand la place cannoise. dans cinéaste Diamondsur Island. Chloé Rolland Chloé Rolland


Dans Deux jours, une nuit, le précédent film des frères Dardenne, le porte-à-porte du soldat Cotillard constituait pour les auteurs le moyen, un brin programmatique, de déployer le spectre de la condition ouvrière contemporaine ; ce sont ici les consultations et visites à domicile d'un médecin généraliste (Adèle Haenel, comme toujours impeccable) qui leur permettent de multiplier les micro-portraits, de composer en somme un "échantillon d'humanité". On retrouve donc, outre quelques figures familières au casting (Olivier Gourmet, Jérémie Renier, Fabrice Rongione...), le cinéma des Dardenne en son pré carré, où se réagencent nombre de leurs thèmes de prédilection (exclusion sociale, dilemmes moraux, culpabilité). Or, s'il y a toujours quelque chose, dans leurs films les plus récents (une scène d'amour impromptue dans Le Silence de Lorna, une tentative de suicide abordée sous un angle tragicomique dans Deux jours, une nuit...), pour aérer l'écriture toujours très en place des cinéastes, ici l'application scrupuleuse de leur dispositif usuel produit l'impression d'assister à un film conçu par des disciples appliqués, "à la manière de". Routinier.

Thomas Fouet


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LA FILLE INCONNUE de Jean-Pierre et Luc Dardenne (Belgique) [CompĂŠtition]

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Il ne faut pas se laisser berner par la douceur du titre français du dernier opus du cinéaste japonais Kôji Fukada, Harmonium. En compétition à Un certain regard, le film est étonnamment rugueux, notamment du fait des thèmes qu’il aborde (passé criminel, rédemption, culpabilité, dissimulation, adultère…) et de la construction déceptive qu’il adopte. La première partie, qui pose les relations entre les personnages, est


HARMONIUM de Koji Fukada (Japon) [Un Certain Regard]

*** bercée par la mélodie pénétrante de l’harmonium, l’instrument à vent dont joue la petite fille qui s’entraine en vue d’une audition. La force de l’oeuvre est de briser ce refrain pour faire surgir la violence des échanges et des gestes. Surprenant à de nombreux égards, le troisième long métrage de Kôji Fukada se situe dans la droite ligne de son deuxième, Au revoir l’été (2013), qui déjà mettait en scène de douloureux non-dits. Alexis Duval


ROMANTIC QUINZAINE

Ces derni romantiqu d'amour a c么tes italie

Retrouve Lovers an


ières heures, la Croisette, c'était Cabourg. Une vague ue à en effet déferlé sur la Quinzaine avec trois histoires attachantes qui nous ont fait voyager en Islande, sur les iennes et au Canada. Sortez les violons.

ez le papier complet sur L'Effet aquatique, Fiore, Two nd a Bear sur le site. Marine Quinchon


APRÈS LA TEMPÊTE de Hirokazu Kore-eda (Japon) [Un Certain Regard]

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Dans Après la tempête, présenté à Un certain regard, Kore-eda Hirokazu met en scène un noyau familial éclaté. Un père accro aux jeux et n’acceptant pas l’idée de la séparation d’avec sa compagne, qui a obtenu la garde de leur fils, une grand-mère qui tente de remettre du lien… Tel est le contexte dans lequel le réalisateur fait évoluer ses personnages. Cinéaste de l’intime, il explore de film en film ses thèmes de prédilection - abandon, solitude, isolement - et fait preuve d’une grande maestria dans la direction d’acteurs, en particulier les enfants, depuis la révélation Nobody Knows (2004). Il en fait de nouveau la démonstration avec Après la tempête, où l’on retrouve au casting Kirin Kiki, l’adorable petite mamie des Délices de Tokyo (2015) de Naomi Kawase. Sans parvenir à se réinventer, Kore-eda Hirokazu livre une variation douce-amère et touchante autour de ses obsessions. Alexis Duval


En l'espace de sept journées, Paterson se déploie en un réseau de préférences sentimentales dont le tendre objet n'est rien d'autre que la culture américaine, qu'elle soit savante ou populaire. Un homme, une femme, un bouledogue (enfant naturel de Lee Marvin et de Marvin Gaye) et voilà que s'ouvrent, que s'offrent l'amour et la paix de l'esprit. Roland Hélié


PATERSON de Mehmet Can Mertoglu (Turquie) [Semaine de la Critique]

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“Modeste” entend-on partout à Cannes à propos du film de Jarmusch. Mais depuis quand la simplicité est-elle modeste ? Paterson est un grand film construit comme un haïku dont l’illusoire simplicité peut littéralement emballer l’esprit. Constitué entièrement de délicatesse, Paterson se fonde notamment sur la douceur d’Adam Driver et Golshifteh Farahani. Astrid Jansen


LA TORTUE ROUGE de Michael Dudok de Wit (France) [Un Certain Regard]

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Rescapé d’un naufrage, un homme se retrouve prisonnier d’une île déserte. Sa rencontre avec une tortue rouge est le point de départ d’une évocation les principales étapes de la vie humaine. Ce film d’animation a tout du prototype ; réalisé par Michael Dudok De Wit (auteur du célèbre Le Moine et le Poisson), adapté par Pascale Ferran, supervisé par Isao Takahata, et coproduit par le studio Ghibli, l’ouvrage est d’une grande beauté visuelle. Le ciel, la terre, la mer, et quelques crabes suffisent pour former de fascinants tableaux vivants.


Le film, sans paroles, commence comme une robinsonade, puis brusquement, bifurque vers l’allégorie poétique. La sécheresse de ton du début laisse alors la place à description emphatique de l’existence envisagée comme cyclique. Cette rupture dans le récit assume le risque de déconcerter les publics, car si les enfants risquent de trouver l’ensemble un peu long, les adultes en revanche, peuvent penser que c’est un peu court. Jef Costello


COMANCHERIA de David Mackenzie (États-Unis) [Un Certain Regard]

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Transgresser la loi pour des raisons légitimes : voilà ce que le réalisateur britannique David Mackenzie met en scène dans le très beau Comancheria présenté à Un certain regard. Deux frères endettés braquent différentes agences de la banque qui leur réclame de l’argent afin d’éviter la saisie de leur héritage familial. Ils sont poursuivis par un ranger à quelques jours de la retraite et son coéquipier. Accompagné d’une sublime BO country, le film trouve un équilibre entre western, road movie et chronique sociale, sans se départir d’un humour cinglant. Mackenzie nous plonge dans un Texas plus vrai que nature, où la brutalité des habitants n’est pas caricaturale mais incarnée par le souffle d’un instinct de survie et d’une solidarité entre les âmes défendant leurs propres terres. Delphine Cazus



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