Hors série cannes 2016 • 50 p. • 17 juin 2016 • 7,00 €
CANNES HORS SÉRIE
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roland Hélié
autres c otes du comit é de réda ction
nicolas marcadé sandrin e marqu es marine quincho n chloé r olland
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am michael Ghenn
thomas Fouet
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astrid j ansen
Les étoiles de la rédaction
COMPÉTITION
American Honey (v.p. 33)
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Aquarius (v.p. 25)
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Baccalauréat (v.p. 28)
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Le Client (v.p. 30)
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Elle (v.p. 9)
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La Fille inconnue (v.p. 29)
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Julieta (v.p. 38)
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Loving (v.p. 32)
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Mademoiselle (v.p. 33)
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Mal de pierres (v.p. 37)
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Moi, Daniel Blake (v.p. 29)
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The Neon Demon (v.p. 32)
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Paterson (v.p. 24) Personal Shopper (v.p. 14) Rester vertival (v.p. 15)
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Sieranevada (v.p. 31)
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Toni Erdmann (v.p. 8)
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Les FicHes du cinéma 26, rue Pradier 75019 Paris Administration & Rédaction : 01.42.36.20.70 Fax : 09.55.63.49.46 .............................................................. rédacteur en cHeF Nicolas Marcadé redaction@fichesducinema.com rédacteur en cHeF adjoint Michael Ghennam michael@fichesducinema.com secrétaire de rédaction Thomas Fouet thomas@fichesducinema.com
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The Last Face (v.p. 39)
Ma’Rosa (v.p. 30)
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Juste la fin du monde (v.p. 39)
Ma Loute (v.p. 12)
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ont coLLaboré à ce numéro Isabelle Boudet, Delphine Cazus, Isabelle Danel, Marguerite Debiesse, Alexis Duval, Paul Fabreuil, Thomas Fouet, Michael Ghennam, Roland Hélié, Astrid Jansen, Nicolas Marcadé, Sandrine Marques, Marine Quinchon, Gaël Reyre, Chloé Rolland, Valentine Verhague. ..............................................................
impression Compédit Beauregard 61600 La Ferté-Macé Tél : 02.33.37.08.33 ..............................................................
président François Barge-Prieur administratrice Chloé Rolland administration@fichesducinema.com trésorier Guillaume de Lagasnerie conception GrapHique 5h55 www.5h55.net
«Les Fiches du Cinéma». Tous droits réservés. Toute reproduction même partielle des textes est soumise à autorisation.
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dépôt LéGaL Juin 2016 commission paritaire 0320 G 86313 - ISSN 0336-9331
Photo de couverture : Elle (SBS Distribution) © SBS Productions WWW.FICHESDUCINEMA.COM
© les Fiches du Cinéma 2016 - N°2094
Aquarius
INTRODUCTION
ENTRE LES LIGNES À Cannes, comme tous les ans, nous avons “pris connaissance” d’un certain nombre de films. Nous les avons reniflés, sentis, nous avons réagi à chaud, nous avons découvert le sommaire des sujets qui nous occuperont majoritairement dans les mois qui viennent. Mais tous ces films sont avant tout des cas, sur lesquels nous nous re-pencherons au rythme, un peu plus humain que celui du festival, de leurs sorties en salles. En attendant, alors, nous ne pouvons essentiellement parler que de l’expérience de les avoir vus, d’une part à toute vitesse, mais surtout ensemble ; accumulation et vitesse produisant des rapprochements, peut-être significatifs.
PASSION TEMPÉRÉE Posons d'abord le décor, la vue d'ensemble : regardons la carte. Temps globalement beau, nette hausse des températures par rapport à l'an dernier. En 2015 nous étions rentrés de Cannes assez déprimés, cette année nous revenons plutôt contents, mieux nourris. Le relevé local des températures affichait une montée du mercure du côté de la Semaine de la Critique. Mais c'est surtout la compétition qui, après une année 2015 (presque) totalement à côté de la plaque, a repris la main en 2016, et a de nouveau tenu son rang en redevenant un peu le centre du monde, avec une sélection diversifiée, s'assurant les bons équilibres sans pour autant céder à une logique de cases et perdre
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en vigilance sur la qualité réelle des films. Toutefois, si on s’en réfère à nos conversations de terrasse et de nuit – toujours significatives car alimentées à jet continu par de nouveaux films et portées à feu vif par l’intensité festivalière – il y avait cette année, certes, de la satisfaction, mais pas pour autant de véritable passion. Les avis pouvaient diverger autour de Ma Loute, Julieta, Loving ou Neon Demon (films pour lesquels nous avons, dans ces pages, plutôt fait le choix de donner la parole à ceux qui aiment), les intensités varier autour d’Aquarius, Toni Erdmann ou Elle, nous n’en serions de toutes façons pas venu aux mains : ce n’était jamais vraiment une “idée de cinéma” qui était en jeu, seulement quelque chose d'aussi insaisissable et difficile à contester que le plaisir individuel. Comme si la polémique était un sport de riche, réservée à des périodes plus fastes, où le cinéma a des forces plus vives et des ressources plus amples.
L'ORDRE ET LA MORALE Évacuons tout de suite le versant le plus classique de ce qui était proposé à Cannes cette année, à savoir les films sociaux, avec sujets lourds, dispositifs de mise en escène et récits ayant un début, un milieu et une fin (c’est-à-dire ceux qui ont majoritairement été récompensés par le jury). Ce qui frappe dans ces films-là, par contraste avec ceux qui formulaient © les Fiches du Cinéma 2016 - N°2094
des propositions plus neuves, c’est un profond divorce entre le fond et la forme. Ken Loach en est l'exemple frappant, par la contradiction entre son discours progressiste et son usage d’une forme de cinéma conservatrice, classique et immuable. Mais cela se révèle encore plus nettement chez ceux que l’on pourrait appeler les “films de dilemme moral” (Baccalauréat, Le Client, La Fille inconnue). Tous fonctionnent sur le même principe de scénario : placer un événement inattendu sur les pas de leurs personnages, pour les faire dévier de la route droite sur laquelle ils étaient engagés et provoquer le vacillement de leurs certitudes. Mais dans le même temps, les films eux-mêmes ne dévient en rien d’une procédure bien rodée (dérouler méthodiquement la pelote des implications morales d’une situation donnée, et utiliser le fil pour nouer ensemble étude psychologique et critique sociale), qui ne remet jamais en cause son bien-fondé . On peut concéder à Mungiu - outre le fait d’avoir fait quand même un bon film (v.p. 29) - de ne pas en avoir encore fait mille taillés sur ce modèle (Au-delà des collines fonctionnait différemment). Mais Farhadi commence lui à être bien rodé à l’exercice. Et que dire des frères Dardenne, ici au bord de l’autoplagiat ? Il n'est peut-être pas anodin que La Fille inconnue mette en scène un médecin, car leurs films ressemblent de plus en plus à des opérations chirurgicales : au premier quart d’heure ils incisent dans le tissu social, puis ils ouvrent et commencent à aller gratter les organes défectueux, avec des gestes immuables, suivant une méthodologie parfaitement cadrée, homologuée par la faculté. Aussi compétents que puissent être ces auteurs (auxquels il faudrait ajouter Brillante Mendoza, qui dans Ma'Rosa reprend les mêmes outils que dans Kinatay - caméra documentaire et action en temps réel -, pour poser le même diagnostic sur la corruption de la police de son pays), cette position du cinéaste comme praticien, radiographiant froidement la société pour attirer notre attention sur tel ou tel dysfonctionnement a quelque chose d'un peu scolaire. On peut préférer quand les films s'inoculent plutôt les maux de la société pour les étudier sur eux-mêmes.
LA BEAUTÉ OFFENSIVE Beaucoup de films aujourd’hui, et à Cannes notamment, apparaissent comme de beaux objets, d'une qualité d'ensemble irréprochable, mais d'où ne se dégage aucun pic émotionnel, rien de ce que l'on appelle les “grands moments de cinéma”. À cela s'opposent des films misant sur la force des parties plutôt que sur la cohérence du tout,
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jouant le catalogue chatoyant contre le scénario bien ficelé, au risque de produire des ensembles inégaux, des constructions à l'équilibre précaire. Ce sont ceux-là qui éclairent un peu la grisaille. Cette année, on pourrait citer le Rester vertical de Guiraudie ou le délicieux Fais de beaux rêves de Bellocchio, mais par-dessus tout le sublime Aquarius de Kleber Mendonça Filho, qui est apparu comme le digne successeur de nos champions des années précédentes : Holy Motors, L'Institutrice, Les Mille et une nuits. Des films qui plantent dans le dos de l'époque des griffes gantées de velours et baguées de rubis. Des films aiguisant leur sens de la beauté pour le rendre tranchant, dangereux, et s'en faire une arme contre l'esprit du temps. Dès le prologue d’Aquarius, l’écran déborde à chaque plan de vigueur, de beauté, de cinéma. C’est une plage brésilienne en 1980. C’est le visage d’une femme aux cheveux courts, fumant un joint dans une voiture. La beauté d’un gros plan. C’est une fête dans un appartement. On célèbre l’anniversaire d’une vieille tante. Un homme (qu’on ne reverra plus) entame un discours. Tandis que la vieille tante (qu’on ne reverra plus non plus) l’écoute, Mendonça Filho nous fait voir les souvenirs qui lui passent en tête : des souvenirs érotiques, incongrus, inattendus, touchants. Beauté d’une idée de cinéma. Le discours continue. L’homme parle maintenant de sa femme. C’est elle qui était dans la voiture, et si elle a les cheveux courts c’est parce qu’elle sort d’un cancer. Les mots qui sont prononcés sont © les Fiches du Cinéma 2016 - N°2094
Rester vertical simples, mais denses, profonds, émouvants. Les regards de ceux qui les écoutent le sont de même. La caméra est dans la scène, pas simplement face à elle. Beauté de la parole au cinéma. Beauté de la couleur qui se fabrique quand l'intelligence mêle ses pigments à ceux de la sensibilité. Et puis il y a la musique, qui déjà soulève le film une fois, deux fois, et à la troisième le fait décoller vers le générique de début... Au terme de ce prologue, le film a constitué un arsenal de beautés. Le combat peut commencer (il mettra l’héroïne face un jeune promoteur carnacier, décider à la chasser à tout prix de son appartement). Et en sortant, on se sent nous aussi plus armés pour rester en éveil, en alerte, pas abattu, vertical.
LES FILMS QUI CHERCHENT Au sein de la délégation française, cohabitaient deux cinéastes, Alain Guiraudie et Olivier Assayas, que tout semble opposer : l’un est un rat des champs l’autre un cinéaste urbain, l’un est un instinctif l’autre un cérébral, l’un a la carte l’autre ne l’a plus… Pourtant leurs films se rejoignaient en partageant, sous des dehors on ne peut plus antinomiques, des angoisses et des désirs communs. En effet, Rester vertical et Personal Shopper sont deux films de recherche, ou plus exactement deux films qui se cherchent, et qui le mettent en scène : qui en font le cœur de leur récit.
Rester vertical raconte la dérive d’un scénariste
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délaissant peu à peu son ouvrage pour se laisser guider par les rencontres, les impulsions. Personal Shopper, lui, suit le parcours d’une jeune femme qui guette un signe paranormal de son frère récemment décédé, tout en poursuivant son travail au service d'une non moins fantomatique vedette (à qui elle est chargée d'acheter des vêtements) et en se laissant guider par les SMS d'un correspondant également immatériel vers la transgression des règles de son métier. Dans l'un et l'autre il s'agit d'un parcours de chute, de déclassement, vers lequel le personnage se laisse inexorablement attirer. L'un et l'autre nous mènent jusqu'à un point de face à face avec la peur, puis nous lâchent la main sans nous dire ce qui vient après. L'un et l'autre sont, dans le fond comme dans la forme, des films de remise en cause, de jeu avec la recherche d'un point de rupture. Ce sont des films de trajets (les personnages s’y déplacent sans cesse), de sautes dans les tonalités, de sineux entremêlement de pistes, d’enchâssement de notes, d’idées, de fantasmes… Le tout allant tout de même - non pas avec une boussole rationnelle mais avec l’instinct de s’abandonner aux courants qui vont dans la direction souhaitée - vers… quelque part, quelque chose.
LA MODERNITÉ On sait bien qu’Assayas a toujours eu un rapport un peu fétichiste à la modernité. On sait aussi qu’en dépit de son permanent désir de s’en emparer, il n’a pas l’instinct d’un Godard pour la sentir et la saisir. Mais dans Personal Shopper, il a le grand mérite d’en avoir conscience. Contrairement à ce qu’il pouvait faire dans Demonlover ou même Sils Maria, il n’essaie pas de produire un discours sur certains phénomènes modernes (jeux vidéo, réseaux sociaux, etc.) mais simplement d’explorer le potentiel visuel et narratif des outils contemporains. Par exemple, il exploite la fascinante incongruité de ce que produit l’usage des SMS : le fait que des choses décisives ou palpitantes puissent s’y dire et s’y nouer sans l’intervention de tout ce qui fait cinéma : les sons, les mots, les gestes, la présence physique... Cette coexistence superposée de l’action et de l’inaction, du temps fort et du temps mort a, au même moment, été également exploitée, sous un tout autre angle, par un autre cinéaste, Damien Manivel, dans un autre film aventureux, progressant par prises de risque et écarts buissonniers : Le Parc. Dans ce film en forme de triptyque, une scène de textos constitue, en effet, le panneau central. Cette séquence est la véritable scène d’action du film (puisque c’est une scène de © les Fiches du Cinéma 2016 - N°2094
Le Parc
rupture), celle qui le ramène du côté du cinéma qui raconte des histoires. Et en même temps c’est la scène la plus radicale et contemplative (puisqu’il s’agit d’un long plan séquence fixant un visage, sur lequel descend la lumière du jour et monte celle du téléphone), celle qui tire le film du côté d’un cinéma de la pure expérience sensorielle. De la même façon, la partie “textos” de son film permet à Assayas de faire fusionner deux types de cinéma opposés et entre lesquels fluctuent souvent son attirance : d'un côté le cinéma de genre (en l'occurrence le thriller, puisque s'y noue un suspense), de l'autre le cinéma moderne, chroniquant méticuleusement les gestes du quotidien. En allant ainsi se confronter à la contrainte de fabriquer du cinéma avec ce qui, par essence, lui résiste, Manivel et Assayas ont trouvé sans forcément l'avoir cherché le moyen d'abolir une frontière, celle entre le cinéma qui raconte et le cinéma qui montre.
LE RIRE NERVEUX Un des phénomènes les plus notables de cette édition (outre la féminisation des films, dont une écrasante majorité avait des héroïnes pour protagoniste principal) aura été la place qu'y ont occupée les comédies. En effet, ce genre très peu cannois, qui, faute d'occasions, n'aura jamais remporté qu'une Palme d'Or (M.A.S.H.), et qui, ces
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dernières années, a surtout donné lieu à quelques “coups de programmation” réussis dans les sélections parallèles (Le Nom des gens à la Semaine, Les Beaux gosses ou Guillaume et les garçons à table à la Quinzaine) s'est cette fois infiltré en compétition et ailleurs, non pas en venant occuper des cases un peu ghetto, mais en passant en fraude au sein de certains des films les plus notables, en allant se mêler étrangement à d'autres genres, d'autres types de cinéma. Le rire est passé en force - comme une forme de violence bien plus que comme une forme de légèreté -, en profitant de l'épuisement, du craquement de formes plus sérieuses. Ainsi, le rire que l'on pourrait rapprocher le plus de celui qui était à Cannes, c'est le rire nerveux : celui qui éclate, incongru, au milieu d'un cérémonial, d'une situation d'extrême gravité ou d'extrême tension. Celui qui libère quelque chose quand la respiration est un peu coupée, mais qui pour autant ne dénoue pas le malaise, et peut même l'amplifier. Ainsi, il est probable que définir Ma Loute, Elle ou Toni Erdmann (tous trois présentés en compétition) soit de nature à créer chez les spectateurs des attentes auxquelles les films ne répondront pas, ou de façon pour le moins déconcertante. Dans Toni Erdmann la comédie est véhiculée par un personnage (le Toni du titre). Quand celui-ci s'incruste et vient parasiter la vie bien réglée de sa fille, de la même manière la comédie vient s'imposer dans la chronique socio-psychologique © les Fiches du Cinéma 2016 - N°2094
grisouille sur fond de tableau glacé de l'époque que le film pourrait à tout moment devenir. Un simple petit coup de volant dans un sens ou dans l'autre suffirait à le faire partir sur la voie d'un cinéma à la Hochhäusler, ou à la Haneke, ou à la Seidl... Mais la peau de banane que la réalisatrice à accroché à ses roues le fait sans cesse déraper et mordre la ligne jaune qui sépare d'ordinaire le sérieux du comique. Et le film n'est jamais si réjouissant que lorsqu'en bout de route, son personnage féminin lâchant les freins à son tour, il franchit la ligne et fonce tout droit dans le hors-piste. Quand, après deux heures de rapport de forces entre le père et la fille autant qu'entre le naturalisme et la fantaisie, la fille s'abandonne à son hérédité et le film à son versant comique. À la Semaine de la critique, on a pu voir aussi deux comédies de la dépression et du lâcher de rampe : Victoria, le second film de Justine Triet, suivant les pas d'une charmante avocate, dont la vie part inexorablement en sucette ; et Une semaine et un jour, premier film israélien qui chronique sur une journée le thème hilarant du deuil d'un enfant. Y compris dans Sieranevada, éprouvant tour de force de trois heures, plongée naturaliste (et en quasi temps réel) dans des turpitudes familiales se déployant dans l'éprouvette exigüe d'un petit appartement de Bucarest, y compris là, l'incandescence de l'hystérie, des frustrations, des dénis et des aigreurs pouvait à tout moment partir en flammes comiques. Dans le réjouissant Elle de Verhoeven, de la même façon, le récit prend son point d'origine aux antipodes du comique, avec une scène de viol. Puis, tandis que se déploie le tableau baroque d'un monde en perdition, le niveau de drôlerie du film monte irrémédiablement. La piste du thriller est la première à être engloutie. Puis celle du drame, pourtant nourrie de mille horreurs et de toute la pathétique faiblesse des personnages, y passe aussi.
Elle pourrait n’être qu’un ordinaire mélange des genres, une simple reterrioralisation de Basic Instinct dans le terreau du drame bourgeois à la française. Mais c’est bien mieux que ça. Car Verhoeven fait passer entre ces deux genres, entre ces deux options de films invitées à cohabiter, la gerbe de flammes d’une ironie dévastatrice et jouissive. Alors, les genres, par endroit se consument comme du bois, à d’autres fusionnent indistinctement comme deux morceaux de plastique en surchauffe. De sorte que rapidement, on ne reconnaît plus aucun des matériaux de départ : une autre matière s'est crée par réaction chimique. Un autre genre.
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DÉCADENCE ET RENAISSANCE La fin de siècle n’en finit pas de finir. Seize ans après le début du millénaire, les propositions de cinéma les plus saisissantes restent toutes empruntes d’une forme de décadentisme. Cette année, la fascinante Mort de Louis XIV d’Albert Serra en était l’exemple le plus littéral, puisqu’il associait toutes les composantes de l’art décadent : morbitité du sujet (l’agonie du roi), rafinement exacerbé de la forme, narration totalement facultative. Dans un registre assez opposé, le Neon Demon de Nicolas Winding Refn reprend à peu près les mêmes signes distinctifs : thématiquement nihiliste, formellement sophistiqué, narrativement minimaliste. La décadence, c'est aussi le thème de Ma Loute. Elle s’illustre par une galerie de personnages riches et pauvres uniformément dégénérés, rejetons comiques d’une chaîne de la dégradation qui les a laissé accablés de toute une collection de symptômes : difformité physique, fragilité nerveuse... Le film, en outre, assoit cette vision décadente sur la trangression des deux tabous fondateurs des civilisations : d’un côté l’inceste, de l’autre le cannibalisme (très à la mode cette année puisqu’également présents dans Grave et Neon Demon). Comme les Van Petegen, rejetons de haute lignée, transformés, par un long cycle de consanguinité, en marionnettes grotesques, informes et à la limite de la débilité, le film semble être l’héritier épuisé d’un haut cinéma d’auteur, ayant encore la beauté plastique et les nobles silences de son rang, mais convulsant régulièrement dans un comique grossier. Autant que la rencontre entre les bourgeois Van Peteghem et les gueux Brufort, c’est celle entre une tradition aristocratique du cinéma d’auteur et les plus élémentaires produits du divertissement populaire (Au théâtre ce soir, pour faire simple) qu’il organise. Et ce faisant, on peut imaginer qu’il nous propose comme horizon un art qui serait à l’image de Billie, ce personnage qui n’est plus ni fille ni garçon, ni bourgeois ni gueux, chez qui la monstruosité ne tient plus qu’à la troublante ambiguité de sa beauté, et qui a toute la vie devant lui. Sortir de la consanguinité, de l’entre-soi où croupissent les différents cinémas en France, c’est peut-être la stimulante proposition de Ma Loute. Sortir des règles, des rôles, des cloisonnements, de tout ce qui limite et stimule le réflexe plutôt que l’inspiration : c’est probablement, et plus globalement, la voie la plus excitante ouverte par les meilleurs films de Cannes 2016.
Nicolas Marcadé © les Fiches du Cinéma 2016 - N°2094
RIRES NERVEUX
TONI ERDMANN de Maren Ade (Compétition) sortie : 17 août 2016 Affublé de fausses dents et d’une moumoute grossière, endossant une identité fictive (le “Toni Erdmann” du titre), Winfried, retraité sexagénaire, entreprend de dynamiter le quotidien tristoune de sa fille - la très austère Ines -, fait de restructurations salariales, d’humiliations hiérarchiques et de sexe triste. Par le truchement de cet avatar clownesque et du jeu de rôles qui s’ensuit, Erdmann, ange exterminateur à coussin péteur, contamine la fiction et impose ainsi son rythme à une cohorte de businessmen, imprégnant de folie douce la chronique houellebecquienne un temps redoutée (écart a priori inconciliable entre un post-baba cool aux cheveux longs et une “cost-killer” en talons, figurant les mutations radicales du Capital à l’échelle d’une génération ; anonymat des galeries marchandes et des clubs pour expatriés...). Si le récit fait donc mine de quadriller un territoire balisé (étude psychologique d’une relation filiale ; satire du monde de l’entreprise, de présentations PowerPoint en assemblées de cadres sup’ où se règle à la volée le sort de centaines de salariés...), il privilégie bientôt, aux trajectoires fonctionnelles que jalonnent les rendez-vous clientèle, cocktails mondains et plans cul de son héroïne, les lignes de fuite qu’ouvre Erdmann : une rencontre impromptue en contrebas d’un chantier ; un goûter d’anniversaire où s’invitent père et fille, pour y interpréter une reprise de Whitney Houston... Maren Ade, dont c’est ici le troisième long métrage, a surtout l’élégance de laisser irrésolue la source du non-dit entre Ines et Winfried, rupture dans la filiation qui, on le devine, ne saurait tenir au seul fossé générationnel, comme elle le fait de l’étrange fascination qu’exerce Erdmann sur l’entourage de sa fille (nul n’est dupe d’une supercherie qu’aucun, pour autant, n’envisage de dénoncer, tant il semble tentant de savoir jusqu’où ira le jeu). Le mouvement qui traverse l’ensemble, lame de fond dépressive que fixera le majestueux Plainsong de The Cure, se double enfin - c’est là sa qualité première - d’un projet d’une simplicité biblique, celui qu’entreprend Toni/Winfried : la quête d’une brèche, d’un passage, pour aller retrouver une fillette égarée dans le monde des adultes. Thomas Fouet
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© les Fiches du Cinéma 2016 - Hors Série Cannes
ELLE de Paul Verhoeven (Compétition) en salles depuis le 25 mai 2016 Écran noir. Des cris de femme, une respiration masculine, des bris de verre. Et le premier plan, génial, donne le ton. L’histoire de Michèle, violée dans son pavillon d’une banlieue parisienne cossue, est un anti-drame, une farce, qui signe le retour gagnant de Paul Verhoeven sur le vieux continent. Car Michèle n’a pas une réaction “normale”. Elle n’appelle pas la police, prend tranquillement un bain, fait changer les serrures et se comporte comme si rien ne s’était passé. Elle finira par cracher le morceau lors d’une conversation entre amis où l’on s’apprête à sabrer le champagne : “On va attendre cinq minutes”, dit son voisin au serveur qui présente la bouteille. Signer une comédie sur le viol, jouissive qui plus est, il fallait oser. Une comédie aux allures de thriller néanmoins, avec des scènes d’espionnages à la De Palma et un scénario astucieux qui n’a de cesse de nous surprendre. Dès qu’un lieu commun se profile, le récit le taille en pièces. La scène du repas de Noël est un modèle de cinéma. Madame a de la répartie. Le réalisateur batave, qui adapte ici un roman de Philippe Djian (« Oh !... ») prendra quand même soin de distiller tout au long du film des indices pour mieux comprendre l’héroïne. Intérieur bourgeois, patronne d’une entreprise de jeux vidéo ultra-violents, mère aimante, belle-mère détestable et amante pragmatique, Michèle est une énigme que l’on prend un malin plaisir à essayer de décrypter. On croit qu’elle cherche à se blinder en choisissant de se taire après le traumatisme du viol. Comme le suggère une photo d’elle enfant, vestige d’un passé trouble, elle aime surtout jouer avec le feu. Chez Verhoeven, le bourreau n’est jamais loin de la victime. Quand Michèle juge une scène de jeu vidéo montrant un personnage en train de violer une femme, elle demande à ses employés des cris plus orgasmiques. Ambiance. Avec ce personnage complexe, passionnant, résolument féministe, Isabelle Huppert trouve une nouvelle fois un rôle à la mesure de son talent, immense. L’absence du film au palmarès est d’autant plus incompréhensible. Marine Quinchon
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© les Fiches du Cinéma 2016 - Hors Série Cannes
VICTORIA de Justine Triet (Semaine) sortie : 14 septembre 2016 Après un moyen métrage remarqué (Vilaine fille, mauvais garçon) et un premier long remarquable (La Bataille de Solférino), Justine Triet arrache avec une énergie époustouflante l’étiquette “cinéma improvisé”, sympa et bordélique, pris sur le vif, qui risquait de la cantonner à une économie fauchée. Avec @Victoria, elle réalise un pur film du cinéma du milieu, en tous points bien produit puisque le scénario est brillamment ficelé, l’interprétation bénéficie d’un casting solide et l’équipe technique est de toute évidence conséquente. Tout cela confère instantanément à Victoria un haut potentiel populaire. De fait, ce second film, porté par une Virginie Efira impériale, a ce que le cinéma US s’est octroyé quasi exclusivement : une force réflexive irrésistible. À la fois chronique du quotidien, portait psychologique et étude de mœurs féminines - pour ne parler que du personnage principal -, Victoria est profondément ancré dans le présent et ce faisant pare le genre de la comédie romantique d’un vernis sociologique qui lui donne un petit quelque chose en plus, qui fait de lui un überdivertissement puisqu’en plus d’amuser il divertit aussi de soi : si l’autre est comme moi, alors je suis moins unique (et moins égocentrique) ; si je suis comme l’autre, alors j’ai aussi la capacité de changer. Par le mode comique, consistant à grossir les traits pour ne rien épargner, Justine Triet compose un personnage complexe, dont on peut prétendre qu’il représente assez bien son époque. De mémoire de cinéphile, il ne nous avait pas été donné depuis longtemps dans le cinéma français de s’amuser autant à se regarder. Le trio d’acteurs, tous impeccables (Virginie Efira – Vincent Lacoste – Melvil Poupaud), finit de voler la vedette aux Américains, que l’on a un peu trop tendance à croire les seuls détenteurs de la recette rom’com. Chloé Rolland
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WOMEN IN ACTION Le cinéma c’est la vie. À en croire les films présentés à Cannes la vie des femmes a bien changé. Trois exemples peuvent refléter la petite révolution en marche dans la déculpabilisation des femmes. 1. Des enfants tu n’auras pas la charge exclusive Que ce soit dans Victoria de Justine Triet ou dans Rester vertival d’Alain Guiraudie, la mère peut décider de ne pas se consacrer à ses enfants en les confiant à un babysitter ou à leur père, sans que ce soit le nœud narratif (et dramatique !) du récit. 2. Au travail tu ne te laisseras pas faire Soldat aussi virile que ses patrons, Ines, la femme d’affaires peu scrupuleuse de Toni Erdmann, déshabille les conventions machistes de l’entreprise (et de la société occidentale) et impose la parité hommes / femmes avec panache. 3. Au lit tu oublieras ton âge Ce n’est qu’un des aspects libertaires du sublime portrait de Clara, dans Aquarius, femme libre de 60 ans qui en assumant son indépendance d’esprit ne peut qu’assumer son autonomie sexuelle.
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APNÉE de Jean-Christophe Meurisse (Semaine) sortie : octobre 2016 Après trois premiers quarts d’heure menés tambour battant, patchwork de séquences débinant, avec un systématisme réjouissant, le cortège d’humiliations que se coltine une frange chaque jour moins négligeable de Français (une demande de prêt à la banque, la quête d’un logement miteux au loyer prohibitif... autant de farces dont nul ne saurait plus être dupe, à moins d’être imposable à l’ISF ou de squatter les lambris ministériels), le film quitte son landerneau parisien et bifurque vers la Corse où, prenant ses distances avec la satire, il s’emploie à poser les bases d’une joyeuse utopie. Autour de son trio de tête (les excellents Céline Fuhrer, Thomas Scimeca et Maxence Tual), le premier long métrage de Jean-Christophe Meurisse et des Chiens de Navarre réactive un cinéma d’obédience post-soixante-huitarde, qu’il adapte au contexte contemporain, et, malgré quelques baisses d’intensité (dommages collatéraux d’un récit s’apparentant à une succession de sketches/performances), compose un modèle de fantaisie anar et iconoclaste. Thomas Fouet
UNE SEMAINE ET UN JOUR de ASAPH POLONSKY (Semaine) sortie : 30 novembre 2016 C’est l’histoire d’un mari et d’une femme qui viennent de perdre leur fils. Les sept jours du deuil juif viennent de passer, la vie devrait maintenant reprendre : la femme voudrait essayer, l’homme s’y refuse... Et, comme vous pourrez ne pas l’avoir deviné, il s’agit d’une comédie. Simplissime dans sa forme, animé d’intentions modestes et balisé par les codes archétypaux du cinéma indépendant (américain, mais aussi, de plus en plus, mondial), ce premier film charme en quelque sorte par surprise. On pourrait - surtout à Cannes - le trouver trop “petite chose”. On pourrait s’agacer de l’impression qu’il donne de recycler une construction et des motifs usés jusqu’à la corde. Et pourtant, à l’image du personnage du jeune voisin, tête à claques mais désarmant de candeur, le film suscite une irrépressible sympathie dès les premières minutes, et se regarde finalement avec un réel plaisir. Il faut dire qu’il a tout de même quelques beaux atouts dans sa manche : une écriture simple et percutante, une douce sensibilité sans chichis démonstratifs, et puis un acteur, Shai Avivi, sorte de Jean-Pierre Bacri israélien, assez irrésistible. Nicolas Marcadé
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ATTITUDES
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LOVING de Jeff Nichols (Comp) Sortie : 15 février 2017
Face à l’Amérique blanche des années 1950, 1960 et 1970, la conquête des Droits Civiques pour la population noire, arrachés un à un, a fait l’objet d’une résistance et d’une violence inouïes, de souffrances abominables, d’atroces humiliations, conquête dont les bénéfices, ou les étapes, se mesuraient en millimètres. C’est l’une d’elles - modeste, et pourtant ! - que met en scène Loving, film de Jeff Nichols présenté en Compétition et rentré bredouille de récompenses. Mariés dans l’État de Washington, Mildred Delores Jeter, enceinte, et Richard Perry Loving - elle est noire, il est blanc - rentrent en Virginie dont ils sont natifs, où ils ont toujours vécu et où ils aspirent à vivre encore, en toute discrétion, malgré la loi dite de “l’intégrité des races”, laquelle prohibe les unions intercommunautaires. Mildred arrêtée puis libérée sous caution, ils seront jugés et condamnés à un an d’emprisonnement avec sursis, sous réserves de quitter la Virginie pendant vingt-cinq ans. S’ensuivra une bataille juridique de dix années au terme de laquelle les lois interdisant les mariages mixtes seront déclarées contraires à la Constitution. Pour restituer l’aridité de ce combat, Nichols s’en tient tout naturellement à une mise en scène classique, aussi discrète et modeste que peuvent l’être ses personnages, ces “gens de peu”, comme les appelait le sociologue Pierre Sansot, restés rétifs à la perspective de se voir mués en porteétendards d’une cause pourtant légitime. Accueilli par une indifférence polie, ou relative, Loving n’en mérite pas moins d’être vu avec enthousiasme, tant, entre autre, l’interprétation, de Joel Edgerton en particulier, lui donne de consistance et de charme.
THE NEON DEMON de Nicolas Winding Refn (Comp) En salles depuis le 8 juin 2016
On ne sait toujours pas en quoi consiste précisément le projet de Nicolas Winding Refn - si ce n’est soigner sa colorimétrie, tout en bleus, rouges et verts francs, ou ses textures sonores, par l’entremise du fidèle Cliff Martinez -, et le canevas lynchien présidant à ce Neon Demon (une jeune beauté naïve bascule du rêve éveillé dans le cauchemar en débarquant dans la perfide Los Angeles) a quelque chose de gênant dans sa littéralité. Il n’empêche qu’au-delà de ses fantasmagories clichetonneuses, de son fétichisme gaga et de ses procédés apprétés, ivres de leur propre sophistication, cette façon de rompre, une nouvelle fois après Only God Forgives, avec la veine grand public de Drive - quitte à se claquemurer dans une démarche autistique, voire à flirter avec le néant -, accouche, au détour d’une ou deux séquences, de visions stroboscopiques stupéfiantes. Faire du monde (de la mode) une surface plane et glacée pour mieux en ouvrir in fine les entrailles : c’est à la fois d’une idiotie confondante - tant le film martèle son propos -et, dans les faits, d’une rare mais réelle efficacité.
Thomas Fouet
Roland Hélié
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AMERICAN HONEY de Andrea Arnold (Comp) Il y a deux films dans American Honey. D’un côté, une chronique initiatique réitérant la question qui, depuis Fish Tank, fonde le cinéma d’Andrea Arnold ("qu’est-ce qu’une jeune fille ?") ; de l’autre, un road-movie chroniquant le Midwest états-unien via le sage catalogage d’une série de sociotypes (outcasts, travailleurs des champs de pétrole, banlieues résidentielles aisées...). Le souci, c’est précisément que ces deux pistes peinent à se rencontrer, semblent la superposition de frises distinctes, et que rien ne semble justifier la durée (2h42) du film, dont le récit se délaye dans une prolifique bande-son empruntant au meilleur du hip-hop contemporain. À plus forte raison lorsque les pistes abandonnées sitôt ébauchées le semblent par maladresse plus que par choix, et lorsque la cinéaste ne semble se soucier de sa troupe de personnages secondaires que pour y prélever des motifs (un tatouage, un bijou fantaisie, un pas de danse...) nourrissant son tableau d’une certaine jeunesse white trash. Restent le bel aplomb de la révélation Sasha Lane et la présence de Shia LaBeouf, épatant en camelot roublard à la virilité blessée.
Thomas Fouet
MADEMOISELLE de Park Chan-wook (Comp) Sortie : 5 octobre 2016
Grand Prix du jury en 2004, Old Boy avait déchaîné les passions et propulsé son réalisateur, Park Chan-wook, au rang de cinéaste culte. C’est toujours chose ardue, lorsque soi-même on révère le maître coréen, de dire du mal d’un film aussi plastiquement réussi que Mademoiselle. Pourtant, impossible de ne pas déplorer la paresse de la structure de ce scénario inspiré du roman de Sarah Waters. Duperie, rouages de la duperie et vengeance : la construction d’Old Boy et les péripéties qu’elle induit sont réutilisées pour cette Mademoiselle, dont le doux parfum désuet sent le déjà-vu. Même si le dispositif fonctionne, un peu de créativité n’aurait pas nui - bien au contraire - au plaisir du spectateur.
Alexis Duval
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LES SENTIMENTS 34
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FAIS DE BEAUX RÊVES de Marco Bellocchio (Quinzaine) sortie : 14 décembre 2016 Parfois, il arrive par bonheur que le cinéma redevienne quelque chose de fondamentalement enfantin, ayant partie intimement liée avec la fascination, quelle que soit la variété de sentiment dans laquelle s’incarne cette fascination : émerveillement, excitation, terreur... Le bien-nommé Fais de beaux rêves est de ces films en forme de lampe magique. C’est pourquoi, il est délicat de le juger en recourant à des critères rationnels ou critiques, c’est-à-dire adultes. On pourrait sans doute dire que ce film n’est pas (et ne cherche pas à être) de la trempe d’un chefd’œuvre comme Vincere. On pourrait sans doute remarquer que tout n’y est pas réussi. Cela n’effacerait pas pour autant le sentiment fondamental que ce film est un enchantement. Adapté des souvenirs de Massimo Gramellini, journaliste de La Stampa, Fais de beaux rêves décrit le parcours d’un enfant, puis d’un homme, dont la mère, avec laquelle il entretenait une relation fusionnelle, est brutalement morte un soir, et à qui on n’a jamais dit ce qui s’était réellement passé. Bellocchio décrit en flash-backs cette vie passée comme un rêve, sous la forme d’une errance somnambule dans un labyrinthe, où le héros ne parvient pas à trouver la sortie, faute de disposer de la clé de son passé et de sa vie. Si la grille psychanalytique tend sa toile un peu sommaire en travers du récit, c’est pour mieux y prendre des épiphanies, des souvenirs trop gros pour passer dans le filtre du déni, trop lumineux pour se laisser éteindre dans le black-out. Chaque séquence y est ainsi comme un climax, la transcription d’une émotion suffisamment décisive pour avoir surnagé dans un océan d’oubli. Pour traduire ce parcours mental, l’incroyable styliste qu’est Bellocchio invente mille et un tours de cinéma, et se mue régulièrement en magicien. Dans ce film à la fois totalement signé (il y est question de folie, de psychanalyse et de rancœurs familiales ; la réalité et le fantasme s’y roulent des pelles d’un bout à l’autre...) et un peu à part (il est plus solaire, plus accessible aussi, sans doute, que ses œuvres précédentes), le cinéaste accepte sans réserve l’émotion, l’empathie, le plaisir, mais garde néanmoins une intelligence critique et une lucidité constamment en éveil. Nicolas Marcadé
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L’EFFET AQUATIQUE de Sólveig Anspach (QR) Sortie : 29 juin 2016
Un effet aquatique c’est une vague d’émotion qui vous submerge. Et en effet, L’Effet aquatique, film posthume de Sólveig Anspach décédée en août 2015, ne laisse pas les petits cœurs indifférents. Cette histoire d’amour entre un grutier et une maître-nageuse de Montreuil est inventive, drôle et touchante. Autour de ces deux poissons gravitent des personnages secondaires cocasses - déjà rencontrés dans les précédents films de la réalisatrice - qui rendent cette comédie romantique avant tout hilarante, ensuite poétique, juste ce qu’il faut pour ne pas être sotte. D’une piscine communale aux sources d’eau chaude d’Islande, tout se passe globalement dans des milieux aquatiques. L’eau, comme le fluide amoureux, qui passe plus facilement entre deux êtres pourtant très différents et résistants. Entre situations drolatiques et véritables moments d’émotion, L’Effet aquatique nous remplit d’une eau de gaieté.
Astrid Jansen
TWO LOVERS AND A BEAR de Kim Nguyen (QR) Après Rebelle, qui évoquait les enfants soldats en Afrique, Kim Nguyen change résolument de registre et de décor. Direction le grand nord canadien : dans cette ville de préfabriqués à la frontière du pôle, Roman et Lucy - lui est chauffeur livreur, elle chauffeur de taxi - semblent filer le parfait amour, jusqu’à ce que Lucy obtienne la place en fac espérée : loin. Cris, larmes... Et réconciliation. Les deux amoureux, assez débrouillards, prendront finalement ensemble la direction du sud, sur leurs scooters des neiges, avec leurs traîneaux. S’ensuivra un road-movie terriblement attachant, souvent drôle mais pas léger pour autant, à la mise en scène classique mais dont la réussite tient tout autant aux superbes paysages qu’à la belle complicité entre les deux acteurs principaux. Leur couple, on y croit dur comme glace. Certaines séquences, parmi lesquelles une cuite monumentale, une extraction de crevasse épique ou encore la magnifique scène finale demeurent longtemps après dans les esprits. Quant à l’ours du titre, il fait plusieurs apparitions remarquables. Marine Quinchon © les Fiches du Cinéma 2016 - Hors Série Cannes
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JUSTE LA FIN DU MONDE de Xavier Dolan (Compétition) sortie : 21 septembre 2016
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OLLI MÄKI
de Juho Kuosmanen (Un Certain Regard) sortie : 9 octobre 2016
Porté par un tandem d’interprètes épatantes, le premier long métrage de Houda Benyamina jongle allègrement avec les genres (teen-movie, comédie, film de gangsters...) et mène de front, au fil d’un récit d’une énergie folle, la chronique d’un éveil sentimental et d’une ascension criminelle, jusqu’à un bouquet final en forme d’explosion (aux sens propre et figuré). On ne saurait évidemment reprocher à ce cinéma-là, carburant à l’énergie des corps et au rythme d’une tchatche nourrie de punchlines imparables, sa générosité, voire sa gourmandise ; reste que l’agencement de ses parties témoigne, par endroits, d’une certaine maladresse. Divines n’en reste pas moins une des belles promesses formulées, cette année, par le festival. Ce qui a d’ailleurs été validé par l’obtention de la Caméra d’or...
Le titre laissait présager un souffle de bonheur dans le Certain Regard, sélection lugubre dans son ensemble cette année (si on laisse de côté Captain Fantastic). Avec ce premier long métrage, le réalisateur finlandais Juho Kuosmanen est à la hauteur des attentes. Tourné exclusivement en noir et blanc et en 16 mm, le film se rapproche du cinéma d’époque, voire du reportage. De quoi être immergé dans la vie du boxeur qui avait ému la Finlande dans les années 1960 en accédant au championnat du monde, avec un combat à domicile, à Helsinki, contre l’Américain Davey Moore. Olli Mäki tient tout son intérêt du fait que le réalisateur s’éloigne de cette agitation populaire pour se concentrer sur l’histoire personnelle du personnage et sa relation amoureuse avec la jeune Raiji. Avec une délicatesse et une pudeur bienvenues, Juho Kuosmanen filme ce couple dans ses premiers pas fébriles, captant les regards joyeux de Raiji dévorant Olli ou encore le caractère légèrement brut d’Olli qui, déboussolé, essaye de mettre des mots sur ce qui lui arrive. Le jour le plus heureux de sa vie sera donc celui où il se fait battre à plates coutures et celui où Raiji accepte de l’épouser : de quoi donner une vision pleine d’optimisme sur ce qu’est le bonheur. Si la scène du match témoigne d’une maladresse certaine, le réalisateur se rattrape brillamment sur le reste. En donnant à voir cette passion qui dépasse toutes les autres, une de celles que chacun aimerait vivre au moins une fois, ce premier long mérite amplement le Grand Prix du Certain Regard que lui a décerné le jury.
Thomas Fouet
Delphine Cazus
DIVINES de Houda Benyamina (QR) Sortie : 31 août 2016
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DOGS
de Bogdan Mirica (Un Certain Regard) sortie : 14 décembre 2016
Premier film de Shahrbanoo Sadat, Wolf and Sheep, s’il souscrit parfois un peu trop sagement au programme qu’il s’est fixé (le panorama méticuleux, quoique étonnamment pointilliste, des figures, traditions et pratiques d’un village reculé du cœur de l’Afghanistan), feinte l’aimable chronique pastorale attendue en emboîtant le pas de ses jeunes interprètes, bande de sales gosses fumant en cachette, chipant des pommes de terre et s’insultant avec une verdeur inattendue. Tableau sensible auquel s’ajoute une recension passionnante des mythes et croyances peuplant l’imaginaire de ses protagonistes, et qui a valu à Wolf and Sheep l’Art Cinema Award de la Quinzaine des Réalisateurs.
Un héritage, ça change une vie. Dans le cas de Roman, légataire d’un grand-père mal connu, l’objet de l’héritage va devenir un poids de tous les instants. Une menace, même. Dans une Roumanie rurale (paradisiaque en surface mais rongée par la misère et la violence en profondeur) filmée comme un décor de western, le jeune homme de la ville est confronté, bien malgré lui, à l’histoire de son pays. Premier long métrage du jeune Bodgan Mirica, lauréat du prix FIPRESCI (Un Certain Regard), Dogs marque l’émergence d’un cinéaste très prometteur. Avec un goût prononcé pour l’épure et les ellipses, le réalisateur filme la rencontre entre trois hommes symboliques de la Roumanie contemporaine. Roman, le plus jeune, est résolument tourné vers l’avenir. Samir, l’ancien lieutenant du grand-père mafieux de Roman, prône le statu quo : les affaires doivent continuer. Entre les deux, le vieux policier Hogas hésite encore à se résigner face à la maladie. Le premier veut faire table rase du passé, le deuxième le perpétuer, le troisième, représentant l’ordre, ne sait paradoxalement que faire. Si la puissance de Dogs s’impose avant tout par son imposante mise en scène, la force de sa narration, bien plus subtile qu’il n’y paraît, y contribue beaucoup. Roman, Samir et Hogas sont prisonniers (en connaissance de cause ou non) d’un pays encore sous l’emprise de l’ère soviétique. Près de trente ans plus tôt, nous dit Mirica, la corruption était déjà à l’œuvre dans son pays. Elle est toujours là, plus forte que jamais. Comme un écho au splendide Baccalauréat du palmé Cristian Mungiu, Dogs ausculte les maux de sa nation.
Thomas Fouet
Michael Ghennam
WOLF AND SHEEP de Shahrbanoo Sadat (QR) Sortie : 30 novembre 2016
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Les étoiles de la rédaction autres c otes du comit é de réda ction
am pierre-s imon Gu tman sandrin e marqu es marine quincho n
michael Ghenn
margue rite deb iesse alexis d uval
isabelle danel
jef cost ello
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(suite)
HORS COMPÉTITION / SÉANCES SPÉCIALES Le BGG (v.p. 47)
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Blood Father Café Society
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Le Cancre (v.p. 27)
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Chouf
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Dernier train pour Busan
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Exil La Forêt de Quinconces
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Gimme Danger (v.p. 24)
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Hands of Stone Hissein Habré (v.p. 46)
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Money Monster
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La Mort de Louis XIV (v.p. 18)
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The Nice Guys
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Peshmerga The Strangers (v.p. 17)
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L’Ultima spiaggia
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Wrong Elements (v.p. 45)
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UN CERTAIN REGARD Apprentice
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Après la tempête (v.p. 36)
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Beyond the Mountains and the Hills Captain Fantastic Clash Comancheria (v.p. 26)
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La Danseuse
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Le Disciple
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Dogs (v.p. 43)
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Harmonium (v.p. 36)
Olli Mäki (v.p. 42) Pericle il nero
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La Tortue rouge
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Transfiguration
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Voir du pays
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Personal Affairs
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La Longue nuit de Francisco Sanctis
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Inversion
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§ le coup de cœur
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autres c otes du comit é de réda ction
nicolas marcadé marine quincho n chloé r olland
pierre-s imon Gu tman roland Hélié
am michael Ghenn
thomas Fouet
paul Fa breuil
isabelle danel QUINZAINE DES RÉALISATEURS Divines (v.p. 42) Dog Eat Dog
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L’Économie du couple (v.p. 38)
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L’Effet aquatique (v.p. 35)
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Fais de beaux rêves (v.p. 34)
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Fiore Folles de joie Ma vie de Courgette (v.p. 47) Mean Dreams
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Mercenaire (v.p. 41)
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Neruda (v.p. 17) Poesía sin fin (v.p. 27) Psycho Raman
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Risk (v.p. 44) Tour de France Two Lovers and a Bear (v.p. 35) Les Vies de Thérèse (v.p. 45) Wolf and Sheep (v.p. 43)
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SEMAINE DE LA CRITIQUE Album de famille (v.p. 41)
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Apnée (v.p. 11)
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A Yellow Bird
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Diamond Island (v.p. 23)
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Le Journal d’un photographe de mariages (v.p. 23)
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Los Pasos del agua I Tempi felici verranno presto (v.p. 21)
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Grave (v.p. 40) Mimosas (v.p. 16)
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Une semaine et un jour (v.p. 11)
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Victoria (v.p. 10)
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ACID Isola La Jeune fille sans mains (v.p. 47)
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Madame B. Le Parc (v.p. 20) Sac la mort
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Tombé du ciel (v.p. 40) Willy 1er
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Swagger (v.p. 45) Le Voyage au Groenland
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PALMARÈS SEMAINE DE LA CRITIQUE
Sélection officielle
Carrosse d’or : Aki Kaurismäki Art Cinema Award Wolf and Sheep de Shahrbanoo Sadat Prix SACD L’Effet aquatique de Sólveig Anspach Mention spéciale : Divines de Houda Benyamina Label Europa Cinemas Mercenaire de Sacha Wolff
Grand Prix Nespresso Mimosas de Oliver Laxe Prix Révélation France 4 Album de famille de Mehmet Can Mertoğlu Prix Fondation Gan à la Diffusion Une semaine et un jour de Asaph Polonsky Prix SACD Diamond Island de Davy Chou
COURTS MÉTRAGES Compétition Palme d’or Timecode de Juanjo Gimenez Mention spéciale : La Jeune fille qui dansait avec le diable de João Paulo Miranda Maria
Semaine de la Critique Prix Canal+ L’Enfance d’un chef de Antoine de Bary Prix Découverte Leica Cine Prenjak de Wregas Bhanuteja
Queer Palm Gabber lover d’Anna Cazenave-Cambet
Quinzaine des Réalisateurs Prix Illy Chasse royale de Lisa Akoka et Romane Gueret
Cinéfondation Premier Prix Anna de Or Sinai Deuxième Prix In the Hills de Hamid Ahmadi Troisième Prix ex æquo A Nyalintás nesze de Nadja Andrasev Moholy-Nagy et La Culpa, probablemente de Michael Labarca
QUINZAINE DES RÉALISATEURS
COMPÉTITION Palme d’or Moi, Daniel Blake de Ken Loach Grand Prix du Jury Juste la fin du monde de Xavier Dolan Prix de la Mise en scène ex æquo Cristian Mungiu pour Baccalauréat et Olivier Assayas pour Personal Shopper Prix du Scénario Asghar Farhadi pour Le Client de Asghar Farhadi Prix d’Interprétation féminine Jaclyn Jose dans Ma’Rosa de Brillante Mendoza Prix d’Interprétation masculine Shahab Hosseini dans Le Client Prix du Jury American Honey de Andrea Arnold Palme d’or d’Honneur Jean-Pierre Léaud
UN CERTAIN REGARD Prix Un Certain Regard The Happiest day in the life of Olli Mäki de Juho Kuosmanen Prix du Jury Harmonium de Kôji Fukada Prix de la Mise en scène Matt Ross pour Captain Fantastic Prix du Scénario Delphine & Muriel Coulin pour Voir du pays de Delphine & Muriel Coulin Prix Spécial Un Certain Regard La Tortue rouge de Michael Dudok de Wit
AUTRES RÉCOMPENSES Caméra d’or Divines (QR) Prix FIPRESCI Toni Erdmanns de Maren Ade (Comp.) Dogs de Bogdan Mirica (UCR) Grave de Julia Ducournau (SC) Prix du Jury Œcuménique Juste la fin du monde de Xavier Dolan (Comp.) Mentions spéciales : American Honey (Comp.) Moi, Daniel Blake (Comp.) Prix François-Chalais Le Disciple de Kirill Serebrennikov Queer Palm Les Vies de Thérèse de Sébastien Lifshitz Palm Dog Nellie dans Paterson de Jim Jarmusch (Comp.) Œil d’or du Documentaire Cinema Novo de Eryk Rocha (CC) Mention spéciale : The Cinema Travelers de Shirley Abraham et Amit Madheshiya (CC) Cannes Soundtrack Meilleur compositeur : Cliff Martinez pour The Neon Demon de Nicolas Winding Refn (Comp.) Meilleur music supervisor : Bruno Dumont pour Ma Loute de Bruno Dumont Prix Vulcain de l’ArtisteTechnicien Ryu Seong-hie pour Mademoiselle de Park Chan-wook (Comp.)