Sommaire
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Présentation et sommaire
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Part. 1 — Les menaces
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Édito — Démocratie : peuple et pouvoir? La séparation des pouvoirs est-elle menacée? Désaffection du politique Rencontre avec Alexis Deswaef Au nom du peuple? Le populisme dessiné par Anne-Laure Mahé Part. 2 — Les alternatives associatives Petites histoires... Grande Histoire! Une jeunesse entre deux places Réinventer la démocratie dans nos organisations Il ne suffit pas de dire! Part. 3 — Et ailleurs? Thomas Hirschhorn, un artiste avec des gens dans la rue... Des communes fermes ou humaines? Vous parlez de liberté?
Deux formats
Un outil
Positionner la FMJ Susciter la réflexion
Ill. : Benjamin Cambron
Parution
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Édito 4
Démocratie Par Axel Gossiaux
Peuple et pouvoir?
Habituellement, le régime politique que l’on nomme « démocratie » provient de la Grèce antique (aux alentours du Vème siècle av. J.-C.) et témoigna d’une forme de rupture avec un régime théologico-politique dont le pouvoir monopolisé par un roi entouré de prêtres s’appuyait sur une hypothétique autorité suprême pour gouverner les individus. Ainsi, « démocratie » (demokratia ) est une contraction de deux termes grecs, dêmos et kratos, que l’on traduit généralement en français par « peuple » et « pouvoir, autorité ». La célèbre formule du « gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple » attribuée à A. Lincoln, 16ème président des États-Unis (1860-1865), prend sens. Dans la cité-État athénienne de la Grèce antique, les « citoyens » bénéficiaient d’une égalité de droits politiques et pouvaient se réunir au sein de l’agora, la place publique, qui témoignait matériellement et symboliquement du transfert du pouvoir du palais sacré du roi vers la place publique où les citoyens s’assemblaient. L’idéal de la démocratie athénienne s’arrête là. En effet, il est admis que seuls 10% des personnes vivant sous ce territoire dit démocratique avaient le statut de « citoyens » et pouvaient donc participer directement aux prises de décisions (délibérations, propositions de lois, votes). Les femmes, les étrangers et les esclaves en étaient exclus. Les droits des individus étaient conditionnés à leur statut.
À l’époque moderne, en 1651, T. Hobbes publie l’ouvrage Léviathan ou Traité de la matière, de la forme et du pouvoir d’une république ecclésiastique et civile. Il y développe la notion de « contrat social » qui offre une sortie à un certain contexte de vivre-ensemble conceptualisé sous la fiction d’« état de nature », état caractérisé par une situation de guerre de tous contre tous. Selon Hobbes, lorsqu’il est livré à lui-même, « l’homme est un loup pour l’homme ». Ainsi, en passant symboliquement une sorte de contrat pour limiter la guerre de tous contre tous, les individus obtiennent une certaine protection de leur vie et de leurs biens en échange d’une partie plus ou moins importante de leur liberté. Cette idée de contrat initial fondateur permet ainsi l’édification d’un État censé tirer sa légitimité d’un accord entre tous les individus qui acceptent de restreindre leur liberté pour construire une entité vouée à leur protection. Aujourd’hui, ces contrats fondateurs sont très souvent appelés « Constitutions ». Le fait que l’existence de l’État est censée être le fruit d’un accord entre tous les individus pour éviter que ceux-ci ne s’entretuent pour telle ou telle raison permet de légitimer une situation où des êtres humains commandent à d’autres êtres humains. Ceci est donc particulièrement important pour la conception moderne de la démocratie qui repose sur une liberté et une égalité de tous les êtres humains.
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Ainsi, comme l’explique H. Kelsen, nous faisons comme si l’État existait réellement alors qu’il s’agit d’un sujet hypostasié, il s’agit d’une fiction dans laquelle nous déciderions tous de vivre. Et ceux qui commandent au nom de l’État ne sont pas considérés à proprement parler comme l’État luimême mais comme ses divers organes. L’État se voit alors attribuer un monopole de la violence physique dite légitime, « l’exercice de la contrainte est érigé en monopole de la collectivité juridique ». Sans ce monopole, un État ne pourrait pas être considéré comme souverain sur son territoire. En effet, c’est à partir de cette monopolisation de l’exercice de la violence physique couplée à une entreprise de légitimation de cette monopolisation qu’un agent des forces de l’ordre, par exemple, peut dans certaines configurations obliger quelqu’un à faire quelque chose contre son gré, comme être privé de liberté ou payer une amende. L’on considère que les organes de l’État sont habilités à exercer la contrainte au nom de la collectivité1. L’ordre juridique, la légitimité du droit, donne à la violence de l’État son caractère légal. Si l’État, à travers ses organes, est la seule créature autorisée à utiliser la force et la violence sur un territoire donné, l’usage de cette violence et du pouvoir de l’État doit être contrôlé et surveillé. C’est ce que H. Arendt rappelle lorsqu’elle écrit : « Ce que nous entendons aujourd’hui par gouvernement constitutionnel [...] c’est un gouvernement essentiellement limité dans son autorité et dans l’usage de sa force, un gouvernement sous contrôle des gouvernés »2.
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KELSEN H., « Théorie pure du droit », 1934 ; La démocratie, Sa nature – sa valeur, 1929 (d’après BEHRENDT C. et BOUHON F., « Introduction à la théorie générale de l’État » – Recueil de textes, Larcier, 2009, p. 75, 76 ; p. 226 - 228). 1
ARENDT H., « La politique a-t-elle encore un sens? », L’Herne, 2007, p. 64.
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3 Il convient de signaler que c’est le contrat initial fondateur, la constitution, qui crée ces trois pouvoirs, ces derniers en sont donc dépendants, ils sont ses créatures. Car la constitution elle-même est créée à partir d’une sorte de méta-pouvoir chronologiquement antérieur et hiérarchiquement supérieur aux trois pouvoirs. Ce méta-pouvoir, le « pouvoir constituant », est donc le créateur des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire. Il est antérieur et supérieur aux trois pouvoirs et donne à la constitution la capacité de les créer et de les modifier dans certains cas.
Suivant la conception du pouvoir telle que formulée par Montesquieu, le pouvoir des États doit se diviser en trois branches bien distinctes afin d’éviter sa concentration totale dans les mains d’un seul ou de certains individus. Cette division tripartite du pouvoir, plus connue sous le terme « séparation des pouvoirs », permet alors d’équilibrer et de faire fonctionner les trois pouvoirs fondamentaux d’un régime démocratique3 de manière autonome : les parlements auront la prérogative du pouvoir législatif, les gouvernements celle du pouvoir exécutif et les cours et tribunaux celle du pouvoir judiciaire. La théorie de la séparation des pouvoirs, et particulièrement une garantie de l’indépendance du pouvoir judiciaire, est l’un des principes essentiels de l’« État de droit »; il s’agit de faire en sorte que le pouvoir puisse arrêter le pouvoir. Aujourd’hui, en Belgique par exemple, l’idée de démocratie désigne en réalité une forme de régime électoral libéral.
Comme le souligne F. Dupuis-Déri, « Dans ce régime maintenant appelé démocratie, une poignée seulement de politiciens élus détiennent le pouvoir, même s’ils prétendent l’exercer au nom du peuple souverain. Déclaré souverain, ce dernier n’a plus d’agora où s’assembler pour délibérer des affaires communes ». Ainsi, « Il n’est pas simple d’utiliser le mot "démocratie" lorsque l’on écrit son histoire, puisque son sens descriptif et normatif change à travers le temps, voire évoque des réalités contraires. Faut-il nommer "démocrates" les "fondateurs" de la démocratie moderne, représentative et libérale, même s’ils se disaient ouvertement antidémocrates? »4. En effet, comme l’écrit B. Manin dans l’introduction à son ouvrage de référence, Principes du gouvernement représentatif, « Les démocraties contemporaines sont issues d'une forme de gouvernement que ses fondateurs opposaient à la démocratie »5.
DUPUIS-DÉRI F., « Démocratie. Histoire politique d’un mot : aux États-Unis et en France », Lux, 2013, p. 11, 32, 33.
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5 Pour qualifier un gouvernement de « démocratique et représentatif », Manin distingue quatre « éléments constants », quatre principes fondamentaux (compris dans le sens de « dispositions institutionnelles concrètes ») ayant « toujours été observés dans les régimes représentatifs depuis que cette forme de gouvernement a été inventée :
1. Les gouvernants sont désignés par élection à intervalles réguliers. 2. Les gouvernants conservent, dans leurs décisions, une certaine indépendance vis-à-vis des volontés des électeurs. 3. Les gouvernés peuvent exprimer leurs opinions et leurs volontés politiques sans que celles-ci soient soumises au contrôle des gouvernants. 4. Les décisions publiques sont soumises à l'épreuve de la discussion (cf. MANIN B., Principes du gouvernement représentatif, Flammarion, 1996, p. 11, 14, 17, 18).
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L’élection étant devenue le mécanisme démocratique par excellence, « l'institution centrale du gouvernement représentatif » où l’on exerce le pouvoir « au nom du peuple », certains considèrent dès lors ce type de fonctionnement non pas comme « démocratique » mais comme relevant plutôt de formes d’« aristocratie élective » où seulement une poignée d’« élus » censés représentés / être représentatifs du peuple exercent réellement un pouvoir de décisions politiques. Les « partis politiques » deviennent alors des pièces incontournables des démocraties représentatives, qui deviennent elles-mêmes des démocraties fondées sur le jeu des partis6. Ceci nous amène à reprendre une réflexion bien connue de M. Duverger à propos de ce qu’il considère comme « l’essence même de la politique », qui serait « toujours et partout ambivalente », faisant de l’image de Janus (un dieu à double face) « la véritable représentation de l’État ». En effet, Duverger écrit : « L’État – et, d’une façon plus générale le pouvoir institué dans une société – est toujours et partout à la fois un instrument de la domination de certaines classes sur d’autres [...] et un moyen d’assurer un certain ordre social, une certaine intégration de tous dans la collectivité, pour le bien commun. La proportion de l’un et l’autre élément varie, suivant les époques, les circonstances et les pays : mais les deux coexistent toujours »7. 6 La place manquant pour revenir sur diverses « définitions » de ces organisations, nous reprenons trois « caractères essentiels » de celles-ci énumérés par S. Weil dans sa Note sur la suppression générale des partis politiques et qu’elle considère comme « des vérités de fait évidentes à quiconque s'est approché de la vie des partis » : « Un parti politique est une machine à fabriquer de la passion collective. Un parti politique est une organisation construite de manière à exercer une pression collective sur la pensée de chacun des êtres humains qui en sont membres. La première fin, et, en dernière analyse, l'unique fin de tout parti politique est sa propre croissance, et cela sans aucune limite ». Dès lors, « Par ce triple caractère, tout parti est totalitaire en germe et en aspiration. S'il ne l'est pas en fait, c'est seulement parce que ceux qui l'entourent ne le sont pas moins que lui » (cf. WEIL S., « Note sur la suppression générale des partis politiques », Sillage, 2016 [1950], p. 16, 17).
7 DUVERGER M., « Introduction à la politique », Gallimard, 1964, p. 22.
DUPUIS-DÉRI F., ibid., p. 15, 53.
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9 SARR F., « Afrotopia », Philippe Rey, 2016, p. 9, 17.
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De manière générale, et plus particulièrement à l’ère d’aujourd’hui, il est important d’insister sur « l’extrême malléabilité du sens politique des mots » et sur le fait « que les élites politiques ont toutes cherché à détourner à leur avantage le sens de "démocratie" pour consolider leur légitimité aux yeux du peuple et accroître leur capacité de mobilisation, et donc leur pouvoir. Cette conclusion devrait nourrir une remise en question de l’idée rassurante que nous vivons aujourd’hui en démocratie ». Ces éléments poussent également à démentir catégoriquement « une opinion fort répandue, dans les États-Unis d’Europe et d’Amérique, que la démocratie est tombée du ciel, une fois pour toutes, en Grèce, et même sur une seule cité, [...] Athènes »8. Ceci nous amène alors à relever, à la suite de F. Sarr et en prenant le continent africain en exemple, qu’il est nécessaire « de réussir à penser cette Afrique en mouvement hors des mots-valises que sont : développement, émergence, OMD [Objectifs du Millénaire pour le Développement], ODD [Objectifs de Développement Durable]... , lesquels ont servi jusque-là à la décrire, mais surtout à projeter les mythes de l’Occident sur les trajectoires des sociétés africaines »9. Et, en effet, les quelques lignes qui précédent montrent que la « démocratie » n’est pas un dispositif figé une bonne fois pour toutes, une sorte de « boite à outils » ou de « kits de société » qu’il suffirait d’emballer dans des cartons destinés à être largués à partir d’avions C-130 survolant des territoires ensauvagés encore non-éclairés par l’aveuglante lumière démocratique occidentale. La démocratie telle qu’imposée et conçue aujourd’hui par l’Occident n’a rien d’universel ; rappelons que le concept lui-même évoque des réalités tout à fait contraires et contradictoires à travers l’histoire, si bien qu’aucun être humain ni aucun peuple n’a jamais véritablement vécu en « démocratie ».
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© Ill. : Benjamin Cambron
© Photo : Eleanor Antin
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Par Cécile Lebrun
Culte de la croissance économique à tout prix au détriment du respect et du bien-être des citoyens, fermeture des frontières et repli identitaire, défense de la circulation des biens dans le monde mais pas de celle des êtres humains, incitation à la dénonciation, atteinte aux droits individuels et privés, violation de la liberté de la presse...
Autant d’exemples dans cette liste non exhaustive, autant d’éléments qui nous font craindre et affirmer qu’aujourd’hui, les démocraties sont en danger! « Le silence des pantoufles est plus dangereux que le bruit des bottes », texte de Martin Niemöller (1892-1984), pasteur protestant arrêté en 1937 et envoyé au camp de concentration de Sachsenhausen, puis transféré en 1941 à Dachau dont il sortit en 1945. 1
Penchons-nous ci-après sur ces menaces qui, petit à petit, nous éloignent de toute forme de démocratie, ces menaces qui sont déposées dans un certain silence, ce « silence des pantoufles qui est plus dangereux que le bruit des bottes »1.
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La séparation des pouvoirs Est-elle menacée? Par Delphine Verstraelen COMME PRÉSENTÉ DANS L’ÉDITO, LA SÉPARATION DES POUVOIRS VISE DONC À GARANTIR L’ÉQUILIBRE DES POUVOIRS. 12
Le pouvoir exécutif Le pouvoir législatif Le pouvoir législatif fait les lois et contrôle le pouvoir exécutif. Il est exercé par le Parlement et par le Roi.
Le pouvoir exécutif dirige le pays. Il fait en sorte que les lois soient appliquées de manière concrète et qu’elles soient respectées. Le pouvoir exécutif est exercé par le Roi et son Gouvernement, constitué de Ministres et de Secrétaires d’État.
EN BELGIQUE, LES POUVOIRS SONT RÉPARTIS DE LA SORTE : Cette séparation a pour objectif qu’aucun de ces trois pouvoirs ne devienne despotique en les contraignant à se modérer mutuellement. Dans son livre De l’esprit des lois, Montesquieu écrivait : « La liberté politique n’existe que là où on n’abuse pas du pouvoir; mais c’est une expérience éternelle, que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser ; il va jusqu’à ce qu’il trouve des limites. [...] Pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir ». Même si ce principe de la séparation des pouvoirs n’est pas repris de manière explicite dans la Constitution, qu’il n’est pas absolu et qu’il a ses contestataires, il reste néanmoins un garant de la démocratie.
Le pouvoir judiciaire Le pouvoir judiciaire se prononce en matière de litiges et est exercé par les Cours et les Tribunaux. Il contrôle également la légalité des actes du pouvoir exécutif.
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SI CET ÉQUILIBRE EST ÉBRANLÉ, C’EST LA DÉMOCRATIE QUI EST MISE À MAL! À titre d’exemple, dans le plus noir des scénarios, si ces trois pouvoirs tombaient aux mains d’une même autorité, le citoyen n’aurait plus aucune garantie du respect de ses droits et de ses libertés fondamentales. Nous n’en sommes pas là, mais où en sommes-nous dans ce difficile et pourtant nécessaire jeu d’équilibre? Pour Manuela Cadelli, juge au Tribunal de première instance de Namur et Présidente de l’Association Syndicale des Magistrats (ASM), cette séparation des pouvoirs est aujourd’hui fortement compromise. Personnalité très engagée, elle n’a de cesse de le dénoncer dans ses innombrables cartes blanches, sur les réseaux sociaux et dans les interviews qu’elle accorde volontiers à la presse écrite et télévisée.
http://www.revue-democratie.be
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Ainsi, dans une interview qu’elle accordait à Nicolas Vandenhemel en mars 2016 pour la revue Démocratie1, elle pointait déjà la mesure de la « gestion autonome » dont elle disait : « Il s’agit en réalité d’une mesure décidée par le précédent gouvernement, mais qui est mise en œuvre d’une manière extrêmement passionnée par l’actuel Ministre de la Justice, Koen Geens (CD&V). Cette "gestion autonome" signifie que la Justice va devenir responsable de ses moyens et va avoir la liberté de les affecter en fonction de ses besoins. Belle idée a priori. Mais en réalité, c’est une évolution qui ne va pas dans le bon sens. En effet, on va désormais conclure des contrats de gestion avec la Justice, à l’instar de ce qui se fait avec la RTBF, par exemple. [...] On a donc tutellarisé la Justice, sans contrôle du Parlement (alors que jusqu’à présent, c’est lui qui votait les budgets qui étaient attribués à la Justice). Tout va être décidé par le ministre (les critères, l’évaluation...). Le tout au sein d’une enveloppe fermée. C’est le néolibéralisme dans toute sa splendeur puisque tous les secteurs de la Justice vont se retrouver en concurrence les uns avec les autres. Dans les faits donc, le pouvoir judiciaire va perdre toute son indépendance. C’est le contraire de la séparation des pouvoirs et donc d’un régime démocratique! »
À l’heure actuelle, Manuela Cadelli pointe toujours cette loi de gestion autonome et s’inquiète également de la loi sur la mobilité des magistrats. En effet, en vertu de la Constitution, les juges sont en principe inamovibles. Elle voit, derrière cette loi qui visait, semble-til, à pallier les manques d’effectifs, « un leurre politique » qui pourrait offrir la possibilité de déplacer un juge qui dérangerait. Alexis Deswaef2 partage d’ailleurs le point de vue de Manuela Cadelli : les réformes menées par Koen Geens constituent clairement une atteinte aux droits individuels des personnes dans la mesure où l’accès à la justice est mis à mal. La justice devient plus chère, conditionnelle et limitée dans certains cas.
CITONS ENCORE : L’attitude de Jan Jambon, Ministre de la Sécurité et de l'Intérieur, par rapport au procès Abdeslam, qui parle d’elle-même : un Ministre qui donne son avis par rapport à la plaidoirie d’un avocat et affirme que la demande d’acquittement n’est pas recevable... Théo Francken refusant de respecter l’ordonnance d’un Tribunal interdisant une expulsion vers le Soudan. L’Office des Étrangers refusant de respecter une ordonnance de libération immédiate. Le projet de loi de visites domiciliaires qui touche à l’inviolabilité du domicile et au respect de la vie privée. Les récentes déclarations du Secrétaire d'État à l'Asile et la Migration proposant de contourner l’Article 3 de la Déclaration des Droits de l’Homme pour renvoyer des bateaux de migrants...
Avocat militant pour les droits humains, l'accès à la justice et la liberté de circulation dans le monde.
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Mais alors, vers quelle société va-t-on? Après la polémique soulevée par le Secrétaire d'État à l'Asile et la Migration, Théo Francken, qui, malgré un arrêt de la Cour d’appel de Bruxelles assorti d’une astreinte, a maintenu son refus d’accorder un visa à une famille syrienne fuyant Alep et a annoncé qu’il irait en Cassation, Manuella Cadelli n’hésite pas à dire que « nous avons des gouvernants qui se vantent de ne pas respecter la loi » et d’ajouter « quand Jean de Codt (Président de la Cour de Cassation) a parlé d’État voyou, il avait raison, nous y sommes! ».
Les faits d’actualité illustrant ce déséquilibre des pouvoirs sont malheureusement nombreux... MALGRÉ TOUT, DANS UNE DE SES CARTES BLANCHES, MANUELA CADELLI DISAIT :
« La détermination des citoyens attachés aux valeurs démocratiques constitue une ressource inestimable qui n’a pas encore relevé, à tout le moins en Belgique, son potentiel d’entraînement et sa puissance de modifier ce qui est présenté comme inéluctable. Grâce aux réseaux sociaux et à la prise de parole, chacun peut désormais s’engager, particulièrement au sein des services publics, dans les universités, avec le monde étudiant, dans la magistrature et au barreau, pour ramener le bien commun et la justice sociale au cœur du débat public et au sein de l’administration de l’État et des collectivités. » 15
Réflexion sur base de l’enquête « Noir, jaune, blues »
Désaffection du politique
Par Adèle Dupont Lorsqu’on évoque les difficultés de nos démocraties, on parle de plus en plus de « désaffection du politique ». Il s’agirait d’un phénomène observable depuis une trentaine d’années et qui ne cesse de gagner du terrain. Mais de quoi s’agit-il, en quoi ceci constituerait une menace à la démocratie?
Nous nous baserons sur l’enquête Noir, jaune, blues mandatée par la Fondation Ceci n’est pas une crise. Cette fondation, créée il y a trois ans, avait l’intuition que les questions identitaires allaient dominer tout l’espace public. Cette réalité redoutée allait créer un terreau dangereux pour nos démocraties et pour nos façons de vivre ensemble. Avec les évènements contemporains en matière de terrorisme, ce que les créateurs de cette fondation redoutaient s’est produit. Aujourd’hui, c’est la peur et la tentation de repli qui dominent à travers l’opinion publique. La Fondation Ceci n’est pas une crise défend l’idée d’Alain Touraine selon laquelle : « C’est l’agitation des idées qui permet de faire sortir quelque chose de nouveau ». http://www.cecinestpasunecrise.org/ comprendre/noir-jauneblues-2017/ 1
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Autrement dit, selon eux, c’est en mettant en perspective et en tentant de comprendre les changements en cours que l’on évitera de se laisser submerger par les émotions de peur, de victimisation et de rejet instinctif. C’est dans cette optique de compréhension que la grande enquête Noir, jaune, blues a été menée auprès de plus de 2400 personnes à travers la Belgique pour faire état de l’opinion publique en 20171. Le but de la démarche était, sur base des résultats, de mettre en débat les idées, les préjugés et les réactions qui circulent. Nous chercherons dans cet article à comprendre le populisme identitaire ainsi que les mutations sociétales en évolution en nous appuyant alors sur les résultats de l’enquête. Il s’agit de phénomènes qui pourraient expliquer en partie celui de la désaffection du politique.
La désaffection du politique... Qu’est-ce que c’est? La désaffection se traduit par une perte de l’attachement envers quelque chose en laquelle on croyait. Nous discuterons ici d’une perte de confiance manifeste chez les citoyens et ce, notamment, envers le politique. Lorsque nous parlons du politique, il s’agit de tout ce qui est relatif à l'organisation et à l'exercice du pouvoir dans une société organisée. Dans notre société, ce sont les institutions qui permettent d’organiser le gouvernement. Les institutions sont toutes les structures qui dictent les normes sociales et qui aménagent nos comportements citoyens comme les grandes ONG (MSF, etc.), l'enseignement — le système scolaire — les universités, la Sécurité Sociale, les décideurs politiques européens, la Police, l’Église, la justice, la presse — les journalistes et l'administration. Les institutions représentent en quelque sorte les « valeurs-ciment » qui maintiennent l’organisation de la société. Si la confiance envers les institutions périt, la confiance envers ces valeurs-ciment qu’elles constituent s’effrite avec elles.
Quelles en sont les raisons? Selon l’enquête sur laquelle nous nous basons, une des raisons majeures de la désaffection du politique serait le climat actuel qui tend vers un déclassement social plutôt qu’une évolution positive continue. En effet, la globalisation de la finance et de l’économie rend les citoyens sceptiques face à l’avenir de leurs enfants. La globalisation du numérique qui était accueillie comme un générateur de croissance économique, de modernisation et d’innovation sociale, est, aujourd’hui, perçue comme génératrice d’inégalités sociales de plus en plus saillantes et insupportables.
Une autre raison est que cette société changeante est insécurisante pour les personnes et leur donne alors l’impression d’avancer à tâtons dans une société qui n’existe plus. Dans une société qui ne peut plus les soutenir ou les structurer vers un futur confortable. Cette nouvelle situation signifie deux choses pour les individus. D’une part, cela les rend plus autonomes et libérés de contrainte. L’individualisation est alors favorisée et peut être perçue comme une opportunité d’émancipation. D’autre part, cette position les rend plus vulnérables face aux pouvoirs et dominations qu’ils subissent dans leur vie quotidienne. Leur capacité d’action perçue est alors diminuée car ils se sentent impuissants.
Une des particularités de la situation est que le ressenti de victime de tout-un-chacun ne va pas s’exprimer dans un combat socio-économique. En réalité, il ne peut pas s’exprimer de cette façon puisqu’il n’y a plus de société « fonctionnelle » et « digne de confiance » qui pourrait le porter. Les institutions qui servaient à protéger les individus ne sont plus fonctionnelles à leurs yeux. Les individus se détachent de ce qui, autrefois, les structurait.
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Que cela entraine-t-il? Dans ce nouveau contexte, les individus, pour se raccrocher à quelque chose en laquelle ils croient, se réfèrent dès lors, de plus en plus, à leurs fondamentaux : leur identité. On observe, d’un point de vue social, un retour aux communautés organiques c’est-à-dire à la famille, l’ethnie, le quartier, etc. qui constituent les derniers repères structurant et rassurant dignes de confiance. Malheureusement, ce « repli identitaire » entraine d’abord un rejet de l’altérité, un rejet de l’autre. Il y a un renforcement de l’identitaire et du « nous » qui est menacé par « l'autre ». Ce phénomène se traduit par de la peur, de la méfiance, du rejet et même de la haine envers « les autres ». Ensuite, cela entraine un idéalisme de sa propre identité comme étant la seule vraie et pure. Finalement, à l’heure actuelle, l’environnement global de la société serait de plus en plus perçu comme hostile par les individus. Et face à une société hostile, le repli sur soi est une solution primaire évidente.
Quête d’identité citoyenne
Le rapport d’enquête de « Ceci n’est pas une crise » relève néanmoins une double fracture dans les comportements sociaux. C’est-à-dire qu’on observe deux tendances. Les opinions sont partagées entre deux extrêmes. D’UN CÔTÉ, IL Y A LE REPLI SUR L’IDENTITAIRE ET LE REJET DE
L’ALTÉRITÉ QUI SONT DES LOGIQUES DE FERMETURE.
ET D’UN AUTRE CÔTÉ, ON OBSERVE UNE LOGIQUE D’OUVERTURE À L’AUTRE ET DE SOLIDARITÉ QUI SE MANIFESTE DE MANIÈRE SIGNIFICATIVE. Nous parlerons de deux pôles qui structurent l’espace des opinions, une « gouvernance autoritaire » fondée sur l’exclusion versus une « renaissance » fondée sur la confiance en l’avenir. Dans ce chaos sociétal, quatre modus operandi se dessinent parmi les individus, et ce, en fonction de deux fractures sociétales. Entre ouverture et fermeture d’une part et entre l’idée pro-système et antisystème d’autre part, se dégage une société fragmentée. Quatre profils, quatre archétypes2 et ainsi, quatre visions du monde très différentes se dégagent. Selon les statistiques, chacun de ces quatre profils est représenté par plus ou moins 25 pour cent de la population. Nous parlerons ici des « traditionnalistes », des « abandonnés », des « renaissants » et des « ambivalents ».
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À l’inverse des abandonnés, les renaissants inventent le monde de demain. Ils sont convaincus qu’ils ne sont pas condamnés à subir et qu’ils peuvent changer les choses. Ils ont le sentiment de pouvoir agir, et c’est d’abord à un niveau local que cela s'opère. Ils croient en l’horizontalité et s’investissent petit à petit dans leur rapport à l’alimentation, l’énergie, la solidarité, les monnaies alternatives, le rapport au travail, l’ouverture à l’autre. Il n’y a pas de crainte du futur et aucune revendication du pouvoir. Leur lutte est celle pour la dignité universelle.
Quatre nouvelles postures politiques 2 Les traditionnalistes, comme leur nom l’indique, s’attachent aux traditions. Ils se confortent dans une acceptation du système et leurs croyances envers les institutions persistent. Il s’agit d’un profil de personnes qui ne craignent pas le déclassement social ni la précarité. Ils ne sont pas animés par la peur et sont moyennement critiques face à la globalisation. Leur but fondamental est de conserver leur état de fait dans le système. Les abandonnés sont des personnes qui ont l’impression de subir leur vie, d’être dépossédées de leur propre avenir qui est alors sombre et inéluctable. Ce sont des individus fragilisés culturellement, qui sont mal préparés à s’opposer aux forces qui les dominent. Ils sont séduits par les idéologies simples qui leur offrent un cadre englobant et sécurisant. Ils n’attendent plus rien de la puissance publique ni de la démocratie qui fonctionne très mal selon eux. Ils sont radicaux dans leur positionnement face à l’autre et vivent une forme d’obsession des étrangers. Leur seule solution est le repli sur soi pour se protéger d’un monde menaçant et des autres.
Pour terminer, les ambivalents adoptent une position ambiguë sur la plupart des sujets. Ne sachant pas choisir, ils expriment des avis non tranchés, indécis, mitigés. Ils sont hésitants sur tous les sujets (perception des autres, des immigrés, de la globalisation, des institutions, de l’économie, de leur propre avenir, de l’image d’eux-mêmes). Ils disent vraiment subir ce qui leur arrive mais sans pour autant être vraiment des acteurs de leur vie. Les ambivalents n’ont d’opinion claire sur rien. Leur but ultime est de développer une démocratie qui fonctionne et de se battre contre l’insécurité en général. Il ne s’agit pas de profils descriptifs figés mais bien de tendances générales que l’on peut regrouper dans quatre archétypes (modèle général représentatif d’un sujet).
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Et après? Au regard des différents éléments empruntés à l’enquête Noir, jaune, blues, nous avons pu dégager quelques raisons pouvant expliquer le phénomène de désaffection du politique ainsi que quelques réactions sociétales. Les différentes inclinaisons dans les discours politiques des citoyens en font partie.
Au sein des quatre profils présentés plus haut se dessinent deux tendances générales, et ainsi, deux mondes potentiels extrêmement différents à bâtir. Entre une gouvernance autoritaire et une nouvelle démocratie / une renaissance, la Belgique balance. Comme disait Antonio Gramsci, « Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître, et dans ce clair-obscur surgissent les monstres ». Les monstres auxquels nous sommes tous confrontés aujourd’hui sont de taille. Dès lors, comment agir ou réagir face à ceux-ci? Cette enquête nous aide à mieux comprendre la réalité de notre public. Elle nous éclaire peut-être sur ce que l’on veut construire avec les jeunes. Mais surtout, cette enquête nous aide à nous questionner sur le « comment faire » pour construire le monde de demain avec les jeunes. Notre mission est d’encourager et de soutenir le développement de la citoyenneté. Cette nouvelle perspective de notre démocratie en danger est un tremplin pour réfléchir à de nouvelles actions concrètes. C’est aujourd’hui à nous de nous positionner en tant que personnes et en tant que professionnels afin de mesurer ce que l’on veut construire demain avec et pour les jeunes nés dans cette société désintégrée.
POUR ALLER UN PAS PLUS LOIN... Le rapport complet de l’enquête : http://www.cecinestpasunecrise.org/comprendre/noir-jaune-blues-2017/ Le film documentaire de Léa Zilber basé sur l’enquête Noir, jaune, blues : https://www.rtbf.be/auvio/detail_la-voix-des-autres?id=2207415 L’interview du sociologue Benoît Scheuer qui a mené l’enquête Noir, jaune, blues : https://www.rtbf.be/info/societe/detail_noir-jaune-blues-en-20-ans-laconfiance-envers-les-institutions-s-est-totalement-effondree?id=9497705 20
IMPACTS : • Effritement de la croyance dans des valeurs-ciment. • Effondrement de la confiance dans les institutions. UNE LAME DE FOND
TRÈS ANCIENNE, LES
DEUX TSUNAMIS ONT
SUBMERGÉ NOS SOCIÉTÉS : LA RENAISSANCE
• Globalisation de la finance / de l’économie.
• Un monde ouvert.
• Globalisation numérique du monde.
• Qui refonde la démocratie.
INDIVIDUS TENTENT DE
Nous quittons des sociétés fortement intégrées, nous allons vers des paysages hyperfragmentés, atomisés.
S’AFFRANCHIR :
• Des appartenances héritées; ethniques, religieuses,... DANS CE NOUVEAU CONTEXTE
• Qui refonde des institutions.
• L’individu se retrouve seul, sans appartenance : vide, vertige, insécurité identitaire.
• Qui réinvente l’économie.
• Forte quête identitaire.
• Qui crée un nouvel universalisme qui intègre les différences. • Des individus qui se battent contre toutes les dominations au nom du droit universel à la dignité (la leur et celle des autres). • Des individus qui deviennent des sujets = qui acquièrent une réelle capacité d’agir en se considérant individuellement et collectivement en charge de l’avenir.
DES INDIVIDUS SEULS, DONC • Plus autonomes dans quelques domaines. UNE GOUVERNANCE AUTORITAIRE FONDÉE SUR L'EXCLUSION
• Un monde de murs, de frontières, de fermetures, de replis, de méfiances, de rejets, de xénophobie. • Risque de nihilisme, de décompositions, de désespoirs, d’inégalités sociales croissantes, de violences obscurantistes, de soumissions.
• Mais davantage vulnérables, soumis à diverses dominations.
INCAPACITÉ D’AGIR
Sentiment de subir sa vie, d’être soumis à diverses dominations dont les attentats terroristes,... • Image de soi comme victime. • Un rapport à l’altérité en termes de peurs. • Le rejet et la haine se développent. • Donc : repli sur une mono-identité comme seul cocon protecteur mais qui va exclure l’autre.
UNE PEUR DU FUTUR
Qui paraît très incertain et anxiogène.
APPARITION DE DEUX NOUVELLES FRACTURES SOCIÉTALES
• Ouverture versus fermeture. • Système versus anti-système (verticalité versus horizontalité).
QUEL MONDE VOULONS-NOUS BÂTIR? Des voies d’espérance existent. Mais l’issue est incertaine…
ET LES FLAMANDS, LES WALLONS
ET LES BRUXELLOIS? Quelles convergences et différences?
UNE SOCIÉTÉ FRAGMENTÉE • 4 profils d’individus, • 4 visions du monde très différentes.
Pourront-ils vivre ensemble? Quelques scénarios prospectifs...
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Rencontre avec
Alexis Deswaef Par Delphine Verstraelen
ALEXIS DESWAEF EST AVOCAT AU BARREAU DE BRUXELLES DEPUIS
DE NOMBREUSES ANNÉES. Il est aussi co-fondateur du Cabinet d’avocats du Quartier des Libertés situé au cœur du Quartier des Libertés qui rappelle publiquement la place des droits fondamentaux dans notre espace commun. Cette équipe d’avocats est spécialisée en droit des étrangers, droit pénal, droit familial, droit de l’aide sociale, droit international humanitaire et droit du logement.
Jusqu’il y a peu, Alexis Deswaef a également exercé la Présidence de la Ligue des Droits de l’Homme durant sept années (décembre 2011-mai 2018).
Pensez-vous que les démocraties soient en danger? Et si oui, pourquoi? ALEXIS DESWAEF : Notre démocratie et les démocraties au sens plus large sont en effet bel et bien en danger pour de nombreuses raisons, mais principalement au regard des réponses que l’on apporte aux problématiques qui inquiètent les citoyens. Au jour d’aujourd’hui, un enfant sur quatre en Wallonie vit dans une famille sous le seuil de la pauvreté. Au jour d’aujourd’hui, aucune réponse efficace n’est encore donnée à la problématique de la migration. Au jour d’aujourd’hui, les inégalités se creusent de plus en plus.
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Il est urgent d’agir sur les causes et de réfléchir en amont. Quelles réponses va-ton dès lors donner alors que nous sommes un pays riche, que nous sommes au 21ème siècle et qu’il y a des moyens? Comment va-t-on traduire cela dans la politique et les mesures qui seront prises?
« IL EST URGENT D'AGIR SUR LES CAUSES ET DE RÉFLÉCHIR EN AMONT » Nous ne sommes pas dans un gouvernement de tous. Et de plus en plus de citoyens sont économiquement fragilisés. Nous sommes face à des problématiques complexes qui demandent des réponses complexes, mais auxquelles, pourtant, on ne propose que des réponses simplistes. En matière de droits économiques et sociaux, est-ce avec les réformes des allocations de chômage, des allocataires sociaux, des malades de longue durée qu’on lutte réellement contre la pauvreté? Est-ce par des arrêtés communaux faisant la chasse aux mendiants qu’on lutte réellement contre les causes de mendicité? Est-ce en chassant les migrants que l’on agit sur les causes de migration car on a une responsabilité sur les guerres, la pauvreté, les inégalités qui jettent ces personnes sur les routes? Quelqu’un qui est bien chez lui ne quitte pas son pays! En plus de n’apporter aucune solution réelle, ce qui est inquiétant, c’est que cette manière d’agir porte atteinte aux droits humains et aux libertés fondamentales.
Vous pensez donc que nous sommes dans la répression et / ou dans la prévention? A. D. : Dans la répression! Prenons par exemple la lutte contre le terrorisme. Le terrorisme est une menace. Pouvoir vivre en sécurité est légitime. Mais lorsqu’on observe les mesures prises par le gouvernement après les attentats de Paris et de Bruxelles, aucune de ces mesures ne parlait de prévention. L’accent a été exclusivement mis sur un renforcement de la sécurité mais à la Ligue des Droits de l’Homme, on s’inquiète car une partie de ces mesures touche à nos droits et libertés pour n’offrir, finalement, qu’une illusion de sécurité. Pour mesurer à quel point le focus est mis sur la sécurité, il suffit d’observer la manière dont Jan Jambon, Ministre de l’Intérieur, a changé le titre de sa fonction au cours de son mandat : Ministre de l’Intérieur, Ministre de l’Intérieur et de l’Égalité des Chances, Ministre de l’Intérieur et de la Sécurité, pour finalement se faire le plus souvent appeler Ministre de la Sécurité... Quoi qu’il en soit, se contenter de renforcer la sécurité n’apporte aucune solution de fond. Ordonner à la police de procéder à des arrestations de migrants pour finalement les libérer quelques heures plus tard ne solutionne rien. On assiste à une véritable chasse aux migrants et aux pauvres.
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Pensez-vous que l’on stigmatise ces personnes?
Pensez-vous qu’il y a une volonté politique derrière cette stigmatisation?
A. D. : Oui, on les stigmatise. On l’a encore vu dans la réforme proposée sur l’aide médicale d’urgence. Elle se base sur un abus qui n’est pas avéré. En matière de terrorisme, on stigmatise le musulman : « Le musulman, ce suspect. Le migrant, ce profiteur. Le pauvre, ce bon à rien qui se complait dans sa situation ».
A. D. : Je pense qu’en venant avec une réponse simpliste, on touche « Monsieur et Madame tout le monde ». On touche les personnes profondément dans ce qui les inquiète. Cette manière de faire à pour but de pouvoir dire après : « Regardez comme je suis efficace! ».
Vous pensez donc qu’on joue sur les peurs des gens?
A. D. : On amplifie la peur. Selon moi, il y a deux manières différentes de répondre aux inquiétudes des gens en politique : Soit on est un Homme d’État et on pense à la prochaine génération. Soit on est un populiste et dans ce cas, on pense aux prochaines élections.
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C’est là que le bât blesse car en pensant à court terme, on joue sur les peurs, on les amplifie, on ne recherche pas la solution, mais le bénéfice électoral. J’irai même plus loin en disant qu’on entretient le problème pour le maintenir dans la tête de la population jusqu’aux élections suivantes. Jouer sur la peur des gens et se présenter comme celui qui va les protéger porte atteinte à la démocratie. Nous avons une nouvelle génération de responsables politiques qui prônent le repli identitaire avec plus ou moins de dose de nationalisme. Face aux politiques mises en œuvre, il faut se montrer vigilants car le Gouvernement est hypertrophié et fait passer son programme majorité contre opposition. Le Parlement est transformé en presse bouton, il y a peu de débats. Le pouvoir judiciaire est sous financé et ne sait pas fonctionner correctement. Le pouvoir exécutif prend beaucoup trop de place par rapport aux deux autres. Il y a un vrai problème d’équilibre et de séparation des pouvoirs!
Au-delà du fait de stigmatiser les personnes plus démunies, pensez-vous qu’on essaie aussi de les criminaliser?
Que conviendrait-il de faire selon vous? A. D. : Lutter contre les causes d’inégalités et non sur les conséquences. Cesser de couper dans les budgets de la sécurité sociale.
A. D. : Bien sûr et les exemples sont nombreux dans l’actualité. Après les attentats, de nombreuses personnes d’origine étrangère ont été victimes du streaming des emplois sensibles. Beaucoup de bagagistes à l’aéroport se sont vus retirer leurs badges. Ils ont dû faire des recours. Beaucoup les ont gagnés mais quand un « Mohammed », non musulman, se voit retirer son badge, par rapport à ses collègues bagagistes, ce n’est plus seulement de la stigmatisation... En tant qu’avocat, je connais de nombreuses personnes qui ont été arrêtées puis libérées au bout de 23h30 en leur disant au revoir et merci... Sans être inculpées, sans être envoyées devant le juge. Or, la barrière, la latte comme on dit pour être envoyé devant le juge d’instruction, ou placé sous mandat d’arrêt, après les attentats, est extrêmement basse. Si on avait vu, ne fût-ce qu’un petit indice de micro culpabilité, évidemment que la personne aurait été placée sous mandat d’arrêt. On tente également de criminaliser le citoyen solidaire avec le projet de loi des visites domiciliaires. Même chose dans le registre des bénéficiaires d’allocations sociales. On tente de les criminaliser avec de plus en plus de visites domiciliaires de contrôle. Il est plus difficile de lutter contre la fraude fiscale, donc on lutte contre la fraude sociale, pourtant minime en comparaison. BREF, ON STIGMATISE, ON REND SUSPECT, ON CRIMINALISE.
Réfléchir chaque mesure politique par rapport à la situation des plus fragiles de la société en se demandant quel sera l’impact sur eux. Cesser de réfléchir sous le prisme du « fraudeur ». Accepter que le monde évolue et change. S’adapter à ce nouveau monde multiculturel qui se dessine sans chercher à se replier sur soi, mais au contraire en s’ouvrant à l’autre. Ne plus voir la migration comme une menace, mais comme une opportunité non seulement humaine, mais aussi économique puisque cela aura un impact positif sur notre sécurité sociale et sur le vieillissement de notre population.
Quels conseils donneriez-vous aux jeunes d’aujourd’hui? A. D. : Je ne peux que les encourager à se montrer critiques, à s’informer et se méfier des amalgames. À garder à l’esprit que chacun peut faire progresser la société, chacun peut changer le monde de là où il est. Les inviter à ne pas choisir la concurrence et l’exclusion, mais contribuer plutôt à une société d’inclusion.
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Au nom du
Peuple? Par Sarah Beaulieu
À l’heure du Brexit, de la réaffirmation
Outre-Atlantique du « Make America
Great Again » selon Trump, des tentatives de réformes constitutionnelles
faisant hérisser les poils des défenseurs des Droits de l’Homme, de la médiatisation à outrance de propos sexistes, ho-
mophobes et racistes de certains repré-
sentants politiques, le malaise est latent et l’angoisse est plus que palpable.
Avec l’arrivée au pouvoir de plus en plus de partis de droite radicale, nous assis-
tons, penauds, à la mise à genoux de la
sacro-sainte « social-démocratie » euro-
péenne qui ne semble pourtant pas mesurer toute l’ampleur du phénomène, ou du
moins, qui peine à fournir des alternatives concrètes visant à l’apaisement social. Comment, dès lors, ne pas « faire une
soupe » de tous ces termes et par consé-
quent, comment ne pas traiter « à la grosse louche » des sujets qui demandent une
analyse fine, un temps de réflexion certain? Nous proposerons ici une tentative, bien sûr non exhaustive, de définition et de clés de
compréhension de certaines notions et phénomènes incontournables. N’est-ce-pas là
d’ailleurs, dans la tentative d’appréhension
des phénomènes dans leur contexte et leur complexité que commence le voyage vers
une redéfinition commune de la démocratie?
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Mais qu’est-ce donc que le populisme? Avant toute chose, le populisme est un discours, une rhétorique bien rodée plaçant « le peuple » et la sauvegarde de ses intérêts au centre. En principe donc, compatible avec n’importe quelle idéologie politique. Il suffit de remarquer les partis s’auto-déclarant « populistes » défendant des lignes idéologiques très opposées. Là où les choses se compliquent, c’est qu’à l’inverse d’une idéologie, le populisme ne défend pas vraiment de valeurs fondatrices, ne possède pas de lignes directrices et ne propose aucune explication du monde si ce n’est une vision très simplifiée. La prudence est donc bien de mise quand il s’agit de définir ces concepts car chacun peut finalement en donner sa propre vision, brouiller les pistes et servir des discours dangereux. Nous proposerons donc ici certaines portes d’entrée qui permettent de mieux appréhender ces concepts et surtout leur juxtaposition. DE MANIÈRE CERTAINE, TROIS ÉLÉMENTS RÉCUR-
1
RENTS SONT À RELEVER :
La logique du peuple Sans une certaine représentation du peuple, le populisme n’existe pas. Ce « populus » est donc considéré comme une entité idéale, homogène et unie. Ce serait donc d’une seule et même voix que le peuple revendiquerait ses droits, bafoués par le même ennemi, et qui dans le même bateau, voguerait vers la même terre promise. Cette image fantasmée du peuple reste volontairement floue, ce qui permet d’inclure et d’exclure certaines catégories d’individus.
« Le peuple » incarne à la perfection la notion de mérite. Il participe à la collectivité et, à ce titre, représente la légitimité démocratique et donc la souveraineté. Notons que « les parasites » sont changeants en fonction des discours et de l’idéologie politique défendue. Par exemple, en grossissant à peine le trait, nous pourrions avoir le peuple composé d’honnêtes travailleurs dont les parasites seraient les chômeurs. Ou encore, le peuple composé de citoyens belges dont les parasites seraient les migrants. Le peuple qui se lève tôt pour partir au travail et qui en est empêché par les grèves (dans ce cas, les syndicats représentent les parasites), ...
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2 L’opposition du peuple aux élites Un deuxième élément clé de la construction de discours populistes est l’opposition du peuple homogène, majoritaire et travailleur contre une élite hétérogène, minoritaire et fainéante voire profiteuse. Nous sommes dans une logique du Nous contre Eux. Dans ce type de discours, « Eux » représentent le plus souvent un parti politique, le monde de la finance, l’Europe,... Dans cette logique, les élites profitent du système en instrumentalisant les citoyens. Elles sont vues comme cupides et n’œuvrant pas à l’intérêt collectif. Elles n’ont donc aucun mérite ni aucune légitimité à gouverner.
3 Un leader charismatique Le leader charismatique est le dernier élément clé des discours et logiques populistes. En effet, il va personnifier l’autorité dans un monde complexe avec une multitude d’acteurs. L’image qu’il véhicule de lui-même (qu’elle soit vraie ou fausse) se doit donc d’être impeccable. Le leader doit appartenir au peuple, venir du peuple. Il va donc surfer sur la vague du « self-made man », celui (ou celle) qui « s’est fait tout(e) seul(e) ». Il doit connaître le goût du travail bien fait et le salaire gagné à la sueur du front. Il doit être vu comme un homme providentiel qui va enfin appliquer ce que le peuple souhaite en lui redonnant les rênes du pouvoir.
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CES TROIS CARACTÉRISTIQUES SONT DONC PRÉSENTES « À GÉOMÉTRIE VARIABLE » DANS LES DISCOURS POPULISTES QU’ILS SE SITUENT À GAUCHE OU Le terme « populiste » est utilisé, le plus souvent, de manière très négative voire insultante de façon à décrédibiliser d’emblée un adversaire politique. C’est une manière de refuser le débat.
À DROITE DE L’ÉCHIQUIER POLITIQUE.
D’aucuns pourtant se revendiquent « populistes » en y valorisant la volonté de prise en considération du peuple. Or, les discours populistes de gauche et de droite ne vont pas nécessairement prendre les mêmes formes. La conception centrale du peuple va par exemple être très différente. En effet, le populisme de gauche aura tendance à considérer le peuple dans son sens démocratique (démos en grec). C’est-à-dire que c’est aux citoyens que revient le droit de s’occuper et de décider des affaires de la « cité ». En d’autres termes encore, le pouvoir au peuple, pour le peuple et par le peuple. Nous pouvons par exemple observer ce phénomène dans les théories de Chantal Mouffe1 et d’Ernesto Laclau, fondement idéologique du mouvement des Indignés ou encore de certaines lignes de force de la France Insoumise menée par Jean-Luc Mélenchon. Le populisme de droite, quant à lui, aura plutôt tendance à considérer le peuple au sens ethnique du terme (ethnos en grec). Ici, c’est le positionnement par rapport à « l’ethnos » qui va différencier le populisme de droite des partis d’extrême droite. On retrouve cette conception par exemple dans la politique américaine de Donald Trump ou encore chez Ukip, le parti en faveur du Brexit en Angleterre. Les exemples ne manquent pas.
1
MOUFFE C., « L’illusion du consensus », Albin Michel, Paris, 2016.
Nous l’avons vu, le populisme en tant que tel relève plutôt d’un discours, d’un style politique que d’une idéologie. Or, certains sont parfois trop vite tentés de mettre « dans le même panier » les partis d’extrême droite populiste et ceux d’extrême gauche populiste (faut–il encore s’entendre sur tous ces concepts qui n’ont d’ailleurs pas les mêmes définitions selon l’endroit du globe où nous nous trouvons...). Un des critères qui permet cependant de les différencier de manière certaine est le principe d’égalité entre les citoyens. En effet, de manière générale, la pensée politique d’extrême gauche tend à cette égalité à tous les niveaux entre les citoyens. En clair, tous les individus sont égaux indépendamment de leurs origines sociales, économiques et culturelles. À l’inverse, pour l’extrême droite, l’inégalitarisme constitue le cœur de la pensée politique et « justifie » d’un point de vue discursif le racisme et la xénophobie. Dans ses formes les plus violentes, on retrouve notamment la conception « raciale » de l’inégalitarisme à la base de l’idéologie raciale nazie mais également de celle du Vlaams Block et du Front National sous Jean-Marie Lepen (notamment via l’exclusion du métissage). Les différences entre ces deux populismes ne s’arrêtent évidemment pas ici et il s’agit essentiellement de creuser leurs idéologies et valeurs politiques fondatrices, mais il nous faudrait les aborder en détails, ce qui n’est pas l’objet de cet article. Si une lecture exclusivement populiste est très réductrice car elle ne permet pas d’appréhender une société qui se complexifie, on peut certainement reprocher l’analyse qu’en a fait « l’intelligentsia occidentale ». Ou plutôt, le manque d’analyse et de crédit apporté à un électorat qui s’est dirigé vers ce type de discours. Prendre en compte les thématiques abordées par les partis populistes est essentiel. Il est cependant nécessaire de les problématiser en d’autres termes, de les tourner de manière différente mais certainement pas de les balayer d’un revers de la main au risque de subir, à moyen terme, l’effet boomerang de ce rejet sous forme de mesures concrètes et inadaptées.
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Et en Europe : Force est de constater la montée en puissance de la droite radicale populiste (et d’extrême droite) en Europe qui est, somme toute, la forme évolutive de l’extrême droite traditionnelle.
Tous les partis de droite radicale populiste ne peuvent pourtant pas réellement être apparentés à l’extrême droite car ils ne sont pas « hors système » puisqu’ils ont été élus et siègent au Parlement. Il s’avère très compliqué de « classer » définitivement ces partis dans le camp des « extrêmes ».
C’est bien la juxtaposition des idéologies de la droite radicale (voire de l’extrême droite) à une logique, une rhétorique populiste qui questionne.
En outre, depuis les années septante, en Europe, nous assistons à un changement dans la rhétorique de ces partis participant à la logique de « dédiabolisation » des discours dont l’exemple le plus marquant est celui de Front National français que Marine Lepen s’est attelée à rendre plus « politiquement correct ». Nous ne parlons par exemple désormais plus de partis d’extrême droite mais de partis de droite radicale, de partis populistes de droite ou encore de la droite du changement. Les frontières sont donc floues. Il s’avère assez périlleux de s’aventurer à une quelconque « classification » de ces partis.
DE MANIÈRES CERTAINE, VOICI CE QUI, CUMULÉ, DÉFINIT UN PARTI D’EXTRÊME DROITE :
À l’inverse, les différences culturelles peuvent également servir un discours raciste. En effet, certaines cultures seraient si différentes que ses individus seraient tout à fait inassimilables à l’autre culture. Ou encore, une culture est tellement belle qu’il serait dommage de la « gâcher » en la mélangeant à une autre...
Du racisme biologique vers le racisme culturel...
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Le terme de « race » n’est quasi plus jamais employé au profit de « culture », beaucoup plus consensuel et passe partout. Ne nous y trompons pas, les mêmes composantes sont présentes et l’idéologie de fond reste inchangée. En effet, s’il est devenu politiquement incorrect de parler de suprématie raciale, il n’en va pas de même pour l’identité culturelle ou encore de la dimension culturelle de la citoyenneté. L’idéologie sous-jacente? Afin de sauvegarder l’homogénéité du peuple, il est impératif de gommer les différences culturelles, d’assimiler, de mettre en marche le processus d’acculturation. Nous l’avons vu, c’est l’inégalité entre les peuples, les « races », les cultures et les civilisations qui est au cœur de l’idéologie des partis d’extrême droite. Et cette inégalité est valorisée car perçue comme « naturelle » et donc déterminante pour les différences de traitement entre les citoyens d’un même territoire par exemple.
Une idéologie nationaliste « La nation » est omniprésente dans les discours. Cette nation est vue comme souveraine et homogène et elle doit être protégée contre des menaces internes et externes. Les menaces internes sont par exemple « au choix » : la dénatalité donc la contraception et l’avortement ne sont pas encouragés, le vieillissement est vu comme une menace et l’homosexualité comme une maladie. Les menaces externes, en 2018, tournent quasi unanimement autour de l’Islam (puisque refus il y a d’en envisager toutes les composantes) et des migrants.
Une logique de Loi et d’Ordre
Afin de protéger la « nation », les partis d’extrême droite adoptent des mesures radicales en vue de faire régner l’ordre. Il s’agit par exemple de lois anti-immigration (dans la logique de défense de l’identité culturelle). Il s’agit également de lois en faveur de la peine de mort, de politique dite de « zéro tolérance », etc. Ces mesures radicales, surtout à l’heure actuelle, antimigration ne sont pas le propre de l’extrême droite.
LES PARTIS D’EXTRÊME DROITE VONT CEPENDANT ET OBLIGATOIREMENT CUMULER CES TROIS NOTIONS : INÉGALITARISME, NATIONALISME ET ORDRE.
Sans risque d’ambiguïté, on peut par exemple apparenter ces notions aux partis suivants : le Jobbik en Hongrie (arrivé second aux élections précédentes), La Ligue du Nord italienne, l’Aube Dorée en Grèce ou encore le British National Party au Royaume Uni. Il est beaucoup moins aisé de classer d’autres partis dans ces critères soit parce qu’ils ont « apuré » leur discours, ce qui est par exemple le cas du Front National actuel, soit parce que leur lien de parenté avec le mouvement fasciste des années trente n’est pas évident ou inexistant. Ce qui est par exemple le cas de l’UDC 2 en Suisse qui malgré un discours très corsé et décomplexé tournant autour d’une rhétorique anti Islam et sécuritaire, n’est pas classé officiellement parmi les partis d’extrême droite3.
UDC : Union Démocratique du Centre
2
Pour aller plus loin : Jamin J., « L’extrême droite en Europe », Collection Idées d’Europe, Bruylant, Bruxelles, 2016. 3
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Eléments d’analyse et d’explication de cette montée en puissance des partis de droite radicale en Europe : Qu’ils soient d’extrême droite ou de droite radicale, force est de constater la montée en puissance de ces partis en Europe ces dernières années. De quoi est-ce le symptôme? Comment peut-on tenter de comprendre le phénomène? Voici quelques hypothèses d’explication. Il s’agit ici d’appréhender les contextes généraux et les facilitateurs d’éclosion de ces partis, mais nous ne pourrons les analyser tous en détails. Notons toutefois que les formes de droite radicale et la conception du « populisme » sont très différentes en Europe de l’Est, du Sud ou encore aux États-Unis.
La crise financière de 2008
Une réaction à l’ultra-libéralisme, au capitalisme sauvage prônant l’ouverture au monde mais seulement en termes économiques. Depuis 2008, nous vivons une crise financière, économique et sociale sans précédent constituant un terreau plus que favorable aux extrémismes en tout genre. L’Union Européenne fait face à une crise structurelle et éprouve de grosses difficultés à maintenir une légitimité même à coup de slogans pro-européens quand une grande partie des citoyens sont contraints de « survivre » économiquement.
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Le TINA — There is no alternatives de Margaret Thatcher et ses mesures d’austérité ayant contribué à littéralement « mettre à genoux » toute une partie des citoyens européens ont fortement contribué aux votes populistes. Cependant, les votes pour les partis populistes de droite radicale sont composites, c’est-à-dire que l’électorat est constitué à la fois de citoyens ayant perdu leur pouvoir d’achat (votant traditionnellement plutôt à gauche) et de personnes votant traditionnellement plus à droite, et pour certains avec un statut économique élevé. Dans ce cas, la motivation du vote serait plutôt à chercher du côté de la peur de « perdre » un niveau de vie et dans la volonté de « sauvegarde » d’un patrimoine matériel. On comprend donc aisément que, dans ce contexte, il est assez simple pour les partis populistes de droite d’user de démagogie et de fabriquer des coupables désignés : l’Europe, les immigrés ou encore les chômeurs.
Une crise de la démocratie représentative Sur fond de « scandales politiques » variés et fortement médiatisés, il semblerait que les citoyens soient en « perte de confiance » face aux partis traditionnels. De plus, les acteurs traditionnels semblent, à plusieurs égards, bien impuissants face à la sauvegarde des acquis économiques et sociaux pourtant si durement gagnés.
L’individualisation de la société et la fragmentation de l’aide sociale Celles-ci jouent également un rôle important dans l’avènement des partis populistes de droite (et d’extrême droite). Les institutions et le rôle « protecteur » de l’État tels qu’ils étaient à l’heure de la social-démocratie subissent un processus d’érosion toujours plus grand.
Les « laissés pour compte de la mondialisation »4
4 D. Dion-Viens, « Les laissés pour compte de la mondialisation », Le journal des alternatives, 2004, en ligne — http:// journal.alternatives.ca/ spip.php?article1577
Euroscepticisme Un des points communs de tous ces partis est bien sûr leur euroscepticisme. Il semblerait donc que le pronostic vital de l’Europe soit engagé. Notamment en cause, toutes les raisons citées ci-dessus. Un des meilleurs exemples récents est évidemment le Brexit porté par le parti Ukip 5. Il semble que l’Europe peine à rétablir une cohésion sociale en proposant notamment des contre-mesures face à la ceinture économique qu’elle impose dans bons nombres de ses pays membres.
Dans un monde où la perte de confiance dans les institutions et partis traditionnels est de plus en plus forte, la mondialisation a contribué à déposséder les États d’une bonne partie de leur souveraineté. Pour certains, la mondialisation promettant une ouverture économique, sociale et culturelle ne s’est révélée être que de la poudre aux yeux. Face à une concurrence internationale qui a « pris de court » beaucoup d’ouvriers mais également de PME, le sentiment de honte et l’amertume sont vécus comme un échec individuel.
5
UKIP : UK Independence Party (Parti pour l’indépendance du RoyaumeUni), anti-immigration et eurosceptique.
Pour aller plus loin : IVALDI G., « Droites populistes et extrêmes en Europe occidentale », Documentation Française (La), Paris, 2004. 6
Cependant, force est de constater que les relations de ces partis à l’Europe ne sont pas si claires que ça. En effet, malgré leur fondement anti-européen, le paradoxe est que la plupart d’entre eux profitent des subventions européennes puisqu’ils font partie de groupes politiques qui siègent au Parlement Européen. Ici ne s’arrête pas la liste des terreaux favorables aux votes populistes. Mais dans une société ultra complexifiée, les solutions simplistes et les boucs émissaires présentés par les partis de droite populiste (et d’extrême droite) semblent traduire du moins une lassitude, une perte de repères et de sens de toute une partie des citoyens. En dépit de leur diversité, ces partis ont en apparence réussi à se positionner en sauveurs des intérêts du peuple et de la nation6.
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En quoi est-ce une Menace pour les Démocraties? Nous l’avons vu, les partis populistes de droite (et d’extrême droite) se posent en bénéficiaires des crises plutôt qu’en déclencheurs. Même s’il est vrai qu’une fois au pouvoir, ces partis ne tiennent pas la route par manque de fond et de réelles propositions, ce sont toutes les bases de la démocratie représentative qu’ils viennent ébranler. « À savoir, le pluralisme et l’universalisme, la primauté des droits de l’individu, l’égalité des Hommes comme base de l’État de droit et la délégation de la souveraineté populaire par le biais du suffrage universel »7.
7 Pour aller plus loin : Werner T. Bauer, « Populismes de droite en Europe : Phénomène passager ou transition vers un courant politique dominant? », Analyses et documents, Friedrich Ebert Stiftung — Bureau de Paris, Paris, 2011.
Dans les pays le permettant, certains partis populistes de droite trouvent dans les outils de démocratie directe, très souvent le référendum, un moyen d’influer sur les policy making. Nous sommes dès lors en droit de nous demander dans quelle mesure ces mêmes outils, et plus largement les citoyens, ne sont pas instrumentalisés à des fins politiques.
Le cordon sanitaire En Belgique La Belgique se distingue de ses voisins par ce dispositif unique : le double cordon sanitaire — politique VS médiatique. La raison d’être du cordon sanitaire est d’empêcher un parti d’extrême droite, c’est-à-dire qui ne respecte pas les droits fondamentaux, d’accéder à l’exercice du pouvoir (tout niveau confondu). À l’origine de sa création en Belgique, il nous faut remonter en novembre 1991 lors de ce fameux « dimanche noir » où le Vlaams Belang réussit une percée historique, menaçant d’arriver aux portes du pouvoir. Les partis traditionnels flamands ont donc passé un accord qui consiste à renoncer à une coalition avec le Vlaams Belang (et tout autre parti d’extrême droite) dont le programme est jugé contraire en tout point à la Convention européenne des droits de l’Homme. 34
Du côté francophone, c’est suite aux décisions prises du côté néerlandophone que les partis s’engagent à ne pas accepter de coalition avec des partis d’extrême droite et à ne pas « utiliser » ces mêmes partis comme stratégie politique à l’encontre d’un adversaire. Du côté francophone uniquement, vient s’ajouter au cordon sanitaire politique un cordon sanitaire médiatique. Il vise essentiellement à empêcher les partis d’extrême droite et leurs représentants à disposer d’un temps de parole libre et en direct afin de ne pas en faire « publicité ». Qu’il soit politique, médiatique voire associatif, ce cordon sanitaire se place avant tout dans le champ de la prévention. Les enjeux n’étaient pas tout à fait les mêmes au Nord et au Sud du pays car côté francophone, l’extrême droite était très morcelée ce qui ne lui permettait pas d’obtenir un seuil électoral supérieur à 5% donnant accès au débat public. Notons aussi que le monde associatif et syndical a fait « front » afin de déconstruire auprès des citoyens les discours véhiculés par l’extrême droite. Ce sont là les principaux éléments d’explication même s’il en existe bien sûr d’autres. Pourtant, à de nombreuses reprises, son utilisation a fait l’objet de critiques voire de ruptures importantes. Ce fut parfois le cas en Flandre dans certaines communes lorsque, pour asseoir une nouvelle majorité, des partis traditionnels ont eu recours aux votes de conseillers communaux sur les listes du Vlaams Belang.
Aujourd’hui, en Europe, d’aucuns critiquent l’utilité de ce cordon sanitaire étant donné l’accession au pouvoir de nombreux partis de droite radicale populiste. Là où le bât blesse, c’est que la limite entre l’extrême et le modéré ne tient parfois qu’à un fil que les représentants de ces partis prennent garde de ne pas couper. Ce sont les critères de respect des droits fondamentaux et des institutions démocratiques qui font office de « garde-fou ». Il existe bien entendu plusieurs lois nationales et européennes encadrant les discours jugés d’extrême droite selon des critères précis.
Gardons toujours à l’esprit les exemples quotidiens et positifs de citoyenneté active, participative et engagée venus nous rappeler qu’une construction commune de la démocratie est possible.
Que peut-on Faire?
En effet, des femmes et des hommes issus de la société civile, des organisations de jeunesse, de l’enseignement, des médias, de formations politiques, bref, issus de la belle complexité dont est faite notre société, travaillent d’arrache-pied à la construction de solutions innovantes empreintes de justice sociale, économique et culturelle où chacun trouve sa place et son utilité. Les Centres de Jeunes, à leur échelle, contribuent sans nul doute à être les garants d’une démocratie en tentant notamment de déconstruire, de décortiquer les discours politiques simplistes. En œuvrant pour toujours plus de cohésion sociale et de citoyenneté « connectée ».
N’OUBLIONS ENFIN JAMAIS QUE COMME LE DISAIT SI BIEN CHARLY CHAPLIN, « C’EST DU CHAOS QUE NAISSENT LES ÉTOILES ». 35
© Anne-Laure Mahé
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© Anne-Laure Mahé
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Les alternatives associatives Par Simon Raket1
De l’autre côté des rails de train, de l’autre côté de la place, comme de l’autre côté du monde, sur un p’tit banc de pierre avec une p’tite casquette, y a un p’tit gars.
1 Simon Raket a été champion de Belgique et Vice-champion d'Europe de Slam en 2015.
Un fils de pauvre... mais un fils de pauvre élevé dans un siècle où l’on pense que la culture est un luxe, que l’éducation populaire est accessoire, que la philosophie ne sert à rien. Où l’on pense que c’est une bonne idée de bien trier les pauvres par couleurs et par ethnies, de séparer les cours de religion et d’attendre sans rien faire que tout ce petit monde se haïsse lentement. Élevé par des parents usés par le travail de misère avec cette télé allumée 24/24h lui rappelant sans cesse qu’il a la gueule de l’ennemi, comme à peu près tous ceux qu’il aime, et ben le p’tit gars, il sent grandir quelque chose en lui. Comme une envie d’exister, putain! D’avoir un rêve, une quête, un avenir, un monde à conquérir, un truc grand, fort et beau, un truc qui le dépasse et le tire vers le haut. Un truc qui lui permette enfin de calmer cette envie de mordre dans le ciel, un combat même perdu d’avance qui donne du sens à tout ce bordel.
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Petites histoires...
Histoire!
Par Sarah Beaulieu
Actions locales... Penser global! JOSÉ BENGOA, SOCIOLOGUE CHILIEN, NOUS PROPOSE UNE GRILLE D’ANALYSE INSPIRANTE ET INNOVANTE SUR LE LIEN ENTRE L’ÉDUCATION POPULAIRE ET L’ACTION SOCIALE. Il établit clairement un lien entre la prise de parole publique et collective des publics d’abord au sein de leurs institutions respectives, en l’occurrence les Centres de Jeunes, et ensuite par rapport aux pouvoirs publics et aux systèmes politiques en place.
Ce processus permet de travailler sur les trois niveaux micro-méso-macro. C’est-à-dire favoriser l’acquisition d’une conscience de soi, une conscience de son « groupe d’appartenance » ainsi qu’une conscience politique plus globale. Nous voyons donc une oscillation nécessaire entre le niveau individuel, collectif et sociétal.
POSONS LE CADRE... 40
Selon Bengoa, trois sortes de démocraties1 sont à l’œuvre dans nos sociétés : Pour aller plus loin : J.BENGOA, Les trois formes de démocraties et les quatre besoins fondamentaux — powerpoint, ONG Iteco. http://www.iteco.be/revue-antipodes/education-au-developpement-etat/Principes-pedagogiques-de-l - http://www.iteco.be/Quatre-besoins-fondamentaux 1
1
La démocratie formelle qui est fondée sur le suffrage universel, la séparation des pouvoirs et l’alternance. Elle s’apparente donc à la logique dite « républicaine » puisque les acteurs principaux de cette forme de démocratie sont les partis politiques élus par les citoyens.
2
La démocratie fondamentale qui est, quant à elle, fondée sur des préoccupations d’égalité et de solidarité organisées au niveau de l’État. Sur une logique de redistribution des richesses. Cette forme de démocratie est donc beaucoup plus interventionniste et son acteur principal est l'État. Notons qu’une démocratie uniquement formelle sans prise en compte des logiques de solidarité, d’égalité et de redistribution pousse souvent les citoyens « lésés » aux votes extrêmes (de gauche ou de droite) sur l’échiquier politique.
3
La démocratie substantielle ou participative. Ce type de démocratie est très souvent associée à celle à l’œuvre dans les mouvements sociaux. L’enjeu est la démocratie « réelle » et le renforcement de la société civile. Elle se situe dans une logique d’Éducation populaire et de distribution du pouvoir. C’est, a priori, dans ce type de démocratie qu’œuvrent les associations de type « socioculturelles » à l’instar des Centres de Jeunes.
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Dans ce contexte démocratique, Bengoa identifie quatre besoins fondamentaux à la base de l’engagement social, de la mobilisation citoyenne.
Ces besoins vont donc de pair avec la conception de la démocratie et le degré de mobilisation de la société civile. Ce sont là les fondamentaux du pouvoir d’agir des gens quant au changement social visé.
« TOUTE ACTION SOCIALE TENTE D’APPORTER UNE RÉPONSE AUX BESOINS DES GENS À QUI ELLE S’ADRESSE » 2. Idem.
2
VOYONS CELA DE PLUS PRÈS... LE BESOIN D’IDENTITÉ
« Tout être humain a besoin de savoir qui il est individuellement et quel est son groupe d’appartenance. Ce sont ses besoins d’identité »3.
Idem.
3
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Ce besoin de se définir en tant qu’individu, en tant que groupe est primordial. Qui suis-je au sein de ma MJ, de mon groupe? Comment ai-je envie de me définir?
En tant que groupe, comment nous définissons-nous? Comment allons-nous nous définir face aux autres partenaires du projet, face aux médias? Si nous prenons comme repères les très nombreux projets collectifs menés dans nos Centres de Jeunes, chaque jeune s’est posé la question de savoir qui il était dans ce groupe? Comment a-t-il réussi à s’affirmer au sein du groupe? Comment a-t-il trouvé l’équilibre entre ce qu’il est et sa participation au projet collectif?
LE BESOIN DE PARTICIPATION
LE BESOIN D’ASCENSION SOCIALE
« Tout être humain a besoin d’améliorer son fonctionnement en groupe ou son fonctionnement comme groupe en tant que collectivité. Cela représente son besoin de participation » 4.
Il pourrait se traduire par la nécessité d’acquisition de nouvelles connaissances sur une thématique donnée mais également sur l’acquisition d’outils et de technologies adéquats.
Ce besoin de participation rejoint parfaitement la notion d’utilité que doit ressentir un groupe. En effet, que serait-il sans pouvoir être réellement auteur, acteur de son projet? Il est fondamental que le groupe puisse se sentir porteur de son projet de la conception à la finalisation. Que le groupe puisse être reconnu capable de décider ce qui est bon pour lui et d’émettre des propositions concrètes.
« Tout être humain a besoin de progresser, d’augmenter ses conditions matérielles de vie, d’avoir une mobilité sociale ascendante sur le plan individuel et collectif. C’est le besoin d’ascension sociale » 5. Une fois notre groupe au clair avec qui il est, ce qu’il souhaite et aux commandes de son projet, il est nécessaire qu’il puisse permettre à ses membres de pouvoir produire du savoir ensemble, de pouvoir prendre leur place dans la société afin d’améliorer leurs conditions de vie. LE BESOIN DE CHANGEMENT SOCIAL?
Un groupe appelé à participer sans avoir au préalable débattu sur le sens de l’action, sans pouvoir influer directement sur les décisions risque de se voir verser dans l’occupationnel uniquement. Pire, de se voir instrumentalisé.
« Tout être humain a besoin d’exercer un pouvoir dans la société, d’être pris en compte, d’avoir un pouvoir décisionnel dans les domaines qui le concernent. Cela implique un changement de position du groupe par rapport aux autres, son évolution en tant que collectif. C’est le besoin de changement social » 6.
Idem. Ibidem. 6 Ibidem.
C’est le besoin que les membres du groupe ressentent d’avoir pu, au travers de leur projet, participer au changement de la société.
4
5
Ont-ils par exemple pu prendre publiquement la parole et porter leur message? Ont-ils pu négocier la réalisation de leur projet avec les pouvoirs subsidiants?
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Bengoa nous rappelle aussi qu’il est impératif de prendre ces quatre besoins dans leur ensemble. En effet, un besoin doit pouvoir fonctionner avec les trois autres de manière équilibrée sans quoi il faut s’attendre à des dérives.
Tourné à l’extrême, le besoin « d’identité » peut entraîner un repli identitaire, voire du communautarisme.
Le besoin de « participation » sans perspective de changement social et de réflexion critique peut donner lieu au populisme, peut mener à l’instrumentalisation des membres du groupe ou d’une société. Le besoin « d’ascension sociale » visant uniquement à produire des connaissances sans prise en compte du contexte, du sens de nos actions peut mener au technocratisme. C’est-à-dire un projet de société où les avis d’experts techniques (conseillers politiques, administratifs, économiques,...) mettent en avant des arguments techniques afin d’influencer les prises de décisions au détriment des facteurs et arguments humains et sociaux.
Et enfin, le besoin de « changement social » sans donner la possibilité aux membres du groupe d’agir à partir de qui ils sont, d’où ils sont, en cohérence avec leur besoin peut donner lieu au « dogmatisme ».
Lorsque nous accompagnons les jeunes dans un projet, demandons-nous donc si nous avons favorisé leur participation, si nous sommes partis de qui ils sont, leur permettant ainsi de participer à la construction d’un savoir commun en vue d’engendrer du changement social. Ainsi, au travers des actions micro que nous menons, nous pouvons jeter les bases d’actions macrosociales. La méthodologie que nous appliquons dans les petites structures est porteuse d’une méthodologie de changements plus globaux. Ensemble et en veillant à cette forme de démocratie participative, les gens sont parfaitement capables de réfléchir, d’analyser une situation vécue et d’agir. Gageons que nos petites histoires, mises bout à bout, créent la Grande Histoire!
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« RIEN DE SUPERFLU NE SAURAIT APPARTENIR LÉGITIMEMENT, TANDIS QUE D’AUTRES MANQUENT DU NÉCESSAIRE »
MARAT ASSASSINÉ, 13 JUILLET 1793. Jacques Louis DAVID (1748 - 1825)
J.-P. Marat
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Une
Par Valérie Hébrant et la MJ des Récollets
Jeunesse Entre deux places Quand on n’a pas l’intention de tout prévoir, il se passe parfois des petits miracles. C’est le cas du film « Une jeunesse entre deux places » réalisé par de jeunes verviétois accompagnés par la MJ des Récollets. Partis de discussions animées, ils se sont laissés porter par leurs questionnements et sont allés à la rencontre des citoyens et des différents acteurs concernés par le thème de leur enquête : la place des jeunes dans la société aujourd’hui. L’équipe de vidéastes affirme la nécessité de donner la parole et d’écouter les citoyens mais se questionne sur la réelle volonté, voire la réelle capacité d’écouter tout le monde. L’équipe s’est octroyée du temps pour penser, pour se « mettre en pause » et échanger avec ceux qui sont là aujourd’hui et maintenant et tenter, pour un temps, de sortir des logiques de mise en projet ou de politiques programmatiques à long terme.
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ENTRE L'ENFANT ET L'ADULTE, ENTRE L'ÉCOLE ET LE TRAVAIL, ENTRE L'ABSENCE DE RESPONSABILITÉ ET LE POIDS DE CELLES-CI...
Sa démarche s’inscrit dans cette philosophie inspirée de la sociocratie : laisser la parole et ne pas couper, ne pas orienter la conclusion de l’enquête, ne pas penser pour les gens mais plutôt faire avec eux. Et ils ont constaté que les gens avaient une réelle envie de s’exprimer. Le postulat de l’équipe a donc été de conserver tous les points de vue, sans conclusion préalablement conçue ou orientée.
Š Thomas Derine
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Š Thomas Derine
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Š Thomas Derine
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Les jeunes et la société d'aujourd'hui :
Une place à prendre L’équipe a exploré les notions de citoyenneté, de démocratie, de société, de participation. Au cours de ses pérégrinations, elle a rencontré des acteurs civils, associatifs, politiques ou encore de la fonction publique qui esquissent une certaine vision de la manière de faire société aujourd’hui, qui parlent de la nécessité de participer pour ne pas laisser d’autres décider sans nous et par là, mettre la démocratie... en danger.
Il s’agit bien sûr de courts extraits d’une réalisation bien plus complète qui aborde d’autres questions éminemment importantes telles que l’accès à l’emploi. Elle nous fait découvrir des points de vue divers qui traduisent la complexité de la société actuelle et l’absence de réponses évidentes, voire de réponses tout court. 1 DELRUELLE E., Charlie, violence et civilité. Réflexions sur la liberté d'expression, http:// edouard-delruelle.be/charlie-violence-et-civilite-reflexions-sur-la-liberte-dexpression/, juin 2015.
Idem.
2
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Le travail de ces jeunes vidéastes amateurs est impressionnant de justesse et de simplicité, accessible à tous et source de débats nécessaires aujourd’hui. Cette expérience démontre bien la nécessité de créer des espaces de parole libre par et pour les citoyens. La volonté de l’équipe est à présent de sortir d’une certaine zone de confort en allant se confronter aux réactions de la population dans la diversité de ses opinions — en ce compris des contradicteurs — au cœur de l’espace public.
Mais il ne s’agira pas de provocation ou d’interpellation, on parlera plutôt d’une capacité à débattre, à se mettre en conflit pacifique pour faire « d'une opposition destructrice du lien social, une tension féconde »1. Car la démocratie, « ce n’est pas le consensus mais le dissensus2 ; cette capacité à débattre doit permettre d’élargir les points de vue pour trouver des réponses plurielles et proposer du changement. Sans quoi, la pluralité des discours disparaît et la démocratie s’appauvrit et s’affaiblit ».
Š Thomas Derine
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Réinventer la démocratie Dans nos organisations
Par Nathalie Heusquin et Delphine Verstraelen
DE PLUS EN PLUS D’EXPÉRIENCES TENTENT DE METTRE EN PLACE DES SYSTÈMES DE GOUVERNANCE PARTAGÉE PARTICIPATIFS ET PLUS DÉMOCRATIQUES. QUE CE SOIT DANS L’ÉDUCATION AVEC L’ÉMERGENCE DE NOUVELLES ÉCOLES À PÉDAGOGIE ACTIVE ET LES CLASSES INVERSÉES, DANS LE MONDE ÉCONOMIQUE AVEC DES ENTREPRISES CONSTRUITES SUR DES STRUCTURES ET MODES DE MANAGEMENT INNOVANTS TELS QUE LES ENTREPRISES LIBÉRÉES, OU ENCORE DANS LES COLLECTIFS CITOYENS, LES COOPÉRATIVES ET DANS LES ASSOCIATIONS, DES EXPÉRIENCES D’ORGANISATION EN GOUVERNANCE PARTAGÉE VOIENT LE JOUR. 3
Frédéric LALOUX, « Reinventing organizations - Vers des communautés de travail inspirées », Diateino, 2014. 4
1 Sociocratie : mode de gouvernance qui permet à une organisation, quelle que soit sa taille — d'une famille à un pays — de fonctionner efficacement sans structure de pouvoir centralisée selon un mode auto-organisé et de prise de décision distribuée.
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Inspirées de l’autogestion, de la sociocratie1, de la « démocratie profonde », de l’holacratie2, s’appuyant sur des techniques d’intelligences collectives (forum ouvert, world café,...), ces nouvelles voies encouragent ainsi l’auto-organisation, le partage du pouvoir, la collaboration entre pairs, la confiance en soi et les autres, la créativité et une plus grande authenticité de la part de chacun. Holacratie : système d'organisation de la gouvernance fondé sur la mise en œuvre formalisée de l'intelligence collective. Opérationnellement, elle permet de disséminer les mécanismes de prise de décision au travers d'une organisation fractale d'équipes auto-organisées.
2
Conférence : https://www.youtube.com/ watch?v=wV83kJnYOmY
Frédéric Laloux, ancien conseiller en stratégie d’entreprise, devenu coach indépendant, a réalisé une étude portant sur des organisations innovantes tant dans leurs structures que dans leurs modes de management. Dans son bouquin, Reinventing Organisations 3 sorti en 2014, il met en évidence le contexte d’apparition de ces nouvelles expériences de management et énonce trois percées significatives4 qui permettent à ces organisations d’être un levier de transformation puissant vers un nouveau modèle de société.
Contexte d’apparition Dans l’évolution des sociétés humaines, il semble que le saut dans l’époque de la postmodernité, l’ère de l’information avec l’avènement des nouvelles technologies, l’apparition des générations X, Y et Z préfigurent un changement de paradigme et l’émergence d’un nouveau modèle sociétal. Certaines organisations (entreprises, écoles, associations, collectivités) ont déjà franchi le pas avec l’invention de nouvelles structures et nouveaux modes de management qui semblent tous aller dans le même sens.
Aujourd’hui, on pense encore qu’une bonne organisation est une « bonne machine », on en parle encore souvent avec un langage d’ingénieur. Il faut donc changer notre manière de penser pour s’organiser autrement. Les organisations réinventées doivent être pensées comme des organismes vivants ou des écosystèmes complexes.
Les trois percées significatives L’autogouvernance Dans ces nouvelles organisations, il n’y a plus de hiérarchie de pouvoir. Il n’y a plus de patron et de subordonnés. Fini les pyramides avec différents niveaux de management! À la place, une multitude de hiérarchies naturelles se construisent où les mécanismes d’intelligence sont distribués. Pour se référer à une image, l’organisation devient un écosystème complexe, comme le cerveau humain ou une forêt. Il n’y a plus de centralisation. L’organisation va intégrer des principes complexes de la nature dans différents champs : sa structure, ses modes de prise de décision, la circulation de l’information, l’organisation des réunions, la gestion de projets, les relations entre les travailleurs... Cette auto-gouvernance va permettre une libération des énergies.
La plénitude Ces nouvelles organisations vont permettre aux personnes de « faire tomber les masques » qu’elles portent souvent dans le cadre professionnel. Les personnes peuvent dès lors venir travailler en étant entièrement elles-mêmes, avec leur part émotionnelle, spirituelle et intuitive en plus du rationnel qui est survalorisé dans les organisations classiques.
Des raisons d’être évolutives des organisations Dans les organisations classiques, les misions, valeurs et visions sont définies et rarement sujettes à des évolutions. Ces systèmes prônent le « prédire et contrôler ». Des plans stratégiques, des plans financiers sont établis, puis contrôlés.
Des espaces de confiance, de réflexion, des célébrations vont être mis sur pied. Les processus de recrutement, d’intégration, de feed-back et d’évaluation, les horaires vont être pensés autrement.
Dans les organisations réinventées, les missions vont évoluer au fil des expérimentations et innovations mises en place par les personnes. Si une pratique innovante fonctionne bien, par effet de contagion organique, elle va s’étendre à d’autres personnes et se répandre dans l’écosystème. Elle fera peut-être évoluer la mission de l’organisation.
En privilégiant l’épanouissement personnel et celui de l’organisation, les personnes vont être soulagées et devenir beaucoup plus créatives.
Il n’y plus de plan stratégique. La notion d’organisation concurrente disparait (car elle a le même but) et il faut juste écouter où l’organisation veut aller sans qu’il n’y ait nécessité de prédire l’avenir.
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L'élection sans candidat
La prise de décision par consentement
Quand il s'agit de choisir une personne pour occuper une fonction, un cercle sociocratique procède à une discussion ouverte et argumentée aboutissant à une nomination par consentement. L'absence de candidat garantit qu'il n'y a pas de perdant, et le consentement que chacun est convaincu que le meilleur choix possible a été fait.
En sociocratie, une décision est prise par consentement s'il n'y a aucune objection importante et argumentée qui lui est opposée par les personnes qui vont devoir vivre avec cette décision. Toutes les décisions ne sont pas forcément prises par consentement, notamment pour la gestion courante des affaires.
CES TROIS GRANDS PRINCIPES PEUVENT SE DÉCLINER DE DIFFÉRENTES MANIÈRES DANS DIFFÉRENTS MODÈLES DE GOUVERNANCE PARTAGÉE. ILS SONT TRADUITS DANS LE MODÈLE DE LA SOCIOCRATIE 5 SOUS LA FORME DE QUATRE RÈGLES QUI SONT LES SUIVANTES : 5
http://www.sociocratie.net
Les cercles La structure de décision de l'organisation est parallèle à sa structure fonctionnelle. À chaque élément de celle-ci correspond un cercle. Les cercles sont connectés entre eux et organisent leur fonctionnement en utilisant la règle du consentement. Tous les membres de l'organisation appartiennent au moins à un cercle. Chaque cercle est notamment responsable de la définition de sa mission, sa vision et ses objectifs, de l'organisation de son fonctionnement et de la mise en œuvre des objectifs définis par le cercle de niveau supérieur. 54
Le double lien Un cercle est relié au cercle de niveau immédiatement supérieur par deux personnes distinctes qui participent pleinement aux deux cercles. L'une est élue par le cercle et le représente; l'autre est désignée par le cercle de niveau supérieur et est le leader fonctionnel du cercle.
Interview Vanessa Haté POUR ILLUSTRER DE MANIÈRE PLUS CONCRÈTE COMMENT CES NOUVEAUX MODÈLES DE MANAGEMENT PLUS ORGANIQUES PEUVENT ÊTRE EXPÉRIMENTÉS DANS UNE ASSOCIATION, NOUS SOMMES ALLÉS À LA RENCONTRE DE VANESSA HATÉ, ANIMATRICE-COORDINATRICE DE LA MDJ D’ORP-JAUCHE 6 QUI A MIS EN PLACE UN MODÈLE D’ORGANISATION DE L’ÉQUIPE INSPIRÉ DE L’HOLACRATIE.
Quelle a été ta motivation à mettre en place un travail de gouvernance partagée?
http://mdjorpjauche.byethost15.com
6
En quoi votre mode d’organisation est-il démocratique?
VANESSA HATÉ : Dans mes expériences professionnelles précédentes, j’avais assez mal vécu des modèles d’organisation hiérarchisés et pyramidaux. Je n’appréciais pas du tout les « fais ce qu’on te dit et ne réfléchis pas trop ». Alors quand j’ai eu l’opportunité de monter le projet d'une nouvelle MJ à Orp-Jauche, je me suis dit que je n’allais pas reproduire ce que j’avais vécu. Pendant ma formation BAGIC, j’ai commencé à me renseigner sur différents modèles participatifs. Dans mes lectures, j’ai découvert l’holacratie et ça m’a parlé car ce mode de management est ancré dans l’action, reconnait que l’association est une structure vivante, en perpétuelle évolution, et qu’elle est prête à se remettre en question et à se nourrir de ce que chaque personne y apporte. Avec l’holacratie, on essaye de résoudre les problèmes au fur et à mesure qu’ils se posent. Dans le travail avec les jeunes, on vise l’émancipation et l’autonomie, la prise de responsabilités et on permet le droit à l’erreur. Il me semble que cela doit pouvoir être la même chose dans le travail avec les collègues. Par souci d’éthique.
Ce mode de fonctionnement nécessite-t-il beaucoup de réunions?
VANESSA HATÉ : Notre organisation est horizontale. En tant que coordinatrice, je ne prends pas les décisions. Nous avons un cadre partagé par toute l’équipe. Pour chaque action, on décide ensemble des objectifs. Ensuite, un animateur se propose comme référent sur cette action et la met en œuvre. Ce mode d’organisation demande de se faire confiance et de faire confiance aux jeunes.
VANESSA HATÉ : Oui, mais surtout différents types de réunion qui ont des fonctions différentes. Deux fois par an, nous partons en mise au vert. Ces jours de travail permettent de fixer les priorités. Ce sont aussi des moments d’évaluation des évènements. Nous avons aussi mensuellement une réunion de gouvernance. Celle-ci est consacrée au suivi des projets. Les référents font part des difficultés rencontrées et on essaye de trouver ensemble comment les dépasser. Ce sont des moments où l’on se met au service les uns des autres. Les maîtres-mots y sont solidarité et collaboration. Toutes les semaines se tiennent également les réunions opérationnelles, où on est plutôt sur des questions logistiques, de gestion, les plannings, les horaires...
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Comment se répartit le travail au sein de l’équipe? VANESSA HATÉ : Dans l’équipe, nous avons des profils assez diversifiés et on se répartit le travail en fonction des points forts de chacun. Chaque animateur a sa sphère d’action définie en lien avec ses compétences et ses réseaux. Par exemple, un animateur s’occupe de la communication et des visuels, un autre est plus sur les aspects logistiques, un troisième sur la mobilisation des jeunes.
Quels freins ou difficultés rencontrez-vous? VANESSA HATÉ : Parfois j’ai envie de contrôler ce que font mes collègues, mais je dois m’en empêcher. Il n’y a rien à faire, on est conditionné... C’est difficile d’être le garant du cadre et de ne pas intervenir, surtout quand quelque chose ne fonctionne pas... Dans mon bureau, j’ai une affiche que je lis tous les jours « Le meilleur manager est celui qui sait trouver les talents pour faire les choses, et qui sait aussi réfréner son envie de s’en mêler pendant qu’ils les font ».
Quel impact cela a-t-il sur les jeunes?
Votre Conseil d’Administration est-il partie-prenante de ce mode de gouvernance? VANESSA HATÉ : Oui, notre CA est composé de beaucoup de jeunes et ils apprécient cette organisation. Par exemple, pour la rédaction de notre plan quadriennal, nous avons travaillé tous ensemble : les jeunes, l’équipe et les administrateurs. Chacun a pu s’investir sur les parties qui l’intéressait. Ensuite, j’ai pris le temps de tout rédiger. Au final, c’est super, on a le projet de la MJ sur les quatre années construit et partagé par tous les acteurs.
Votre mode d’organisation permet-il de nouveaux apprentissages ou l’acquisition de nouvelles compétences? VANESSA HATÉ : Je pense que ce mode d’organisation permet à chacun de se sentir bien, libre et valorisé. Cela amène un autre esprit de travail, on a l’impression que le travail est moins contraignant. Au final, cette manière positive d’aborder le travail est une porte ouverte à de nouveaux apprentissages.
VANESSA HATÉ : Je pense que c’est important pour les jeunes de pouvoir voir et expérimenter un autre modèle de société. En général, que ce soit à l’école ou dans le milieu familial, les jeunes ont peu de droit à l’erreur et peu le droit à la parole. À la MJ, ils ont l’opportunité d’expérimenter autre chose. C’est aussi une question de cohérence que l’équipe fonctionne sur un mode démocratique.
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AUTRE EXEMPLE DE NOUVEAU MODÈLE DE MANAGEMENT APPLIQUÉ DANS LE SECTEUR CENTRES DE JEUNES :
Un système de Masure 14 gouvernance revisité C’est en 2017 que l’envie de fonctionner autrement est née dans cette Maison de Jeunes du centre de Tournai. Comme dans beaucoup de Maisons de Jeunes, permettre aux jeunes de trouver réellement une place et un rôle au sein du Conseil d’Administration (tel que prévu dans le décret) n’est pas aisé. Organiser un conseil de participation qui n’est pas juste un lieu de revendications, mais un terreau pour créer de nouveaux possibles à l’initiative des jeunes, coconstruits et portés par les jeunes n’est pas plus aisé. Sur base de ces constats, avec dynamisme et efficacité, Sophie et Johakim ont repensé, insufflé et coordonné un nouveau modèle de fonctionnement.
Le Conseil d’Administration n’a pas échappé à cette nouvelle vague d’organisation. Non seulement, un profil des tâches et des compétences a été mis en place pour chaque administrateur, mais la Présidence a été confiée à Quentin, un jeune de Masure 14. La vice-présidence ayant été quant à elle attribuée à Lucas, ce même jeune qui assure la présidence du conseil de participation, le double lien est une fois de plus assuré.
Ce modèle, inspiré de la sociocratie, permet une plus grande implication des jeunes et renforce la cohérence entre les différentes structures de décision.
Cette nouvelle dynamique positive a permis l’émergence d’une multitude de nouveaux projets porteurs et portés par les jeunes au sein de leur MJ.
Comme le suggèrent les nouvelles organisations basées sur l’auto-gouvernance, les frontières hiérarchiques s’estompent et le double lien entre les structures voit le jour.
Rassembler les jeunes autour de projets communs au sein de la commune était encore plus ambitieux.
En effet, Lucas, jeune faisant partie du Conseil d’Administration, a pris la Présidence du conseil de participation. Il peut donc, en toute connaissance de cause, relayer les demandes et les projets. 7
Plus d’infos via : www. fmjbf.org/elections_ communales2018_ boite_a_idees/
Enfin et toujours selon le principe du double lien, deux jeunes de chaque atelier de la MJ siègent au sein du conseil de participation. Ils peuvent donc se positionner par rapport aux thèmes abordés et faire redescendre et remonter les avis et propositions.
Par ailleurs, d’autres jeunes comme Loïc et Sylvie ont pris en charge l’animation et le secrétariat du conseil de participation.
Qu’à cela ne tienne, il y a deux ans, le collectif Les jeunes donnent de la voix, Canal J, Infor Jeunes et les MJ Port’Ouverte et Masure 14 ont uni leurs forces. Le Forum de la Jeunesse venait de naître et des projets de réappropriation de l’espace public, de manifestations créatives et de vidéos soutenant la création d’un Agora Space ont pu voir le jour. Le Manifeste de la Jeunesse tournaisienne7 en est, lui aussi, un bel exemple.
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Il ne suffit pas de dire! Sans être unique au monde, la vie associative en Belgique (et particulièrement en Belgique francophone) est porteuse depuis bien longtemps d’une dynamique participative importante à la vie sociale : les clubs de pétanque ou de balle pelote, les associations caritatives, l’aide sociale aux jeunes, aux personnes handicapées, aux personnes âgées, les théâtres amateurs, la prise en charge d’animations locales et festives. Chacune de ces associations, par son activité, par la mobilisation qui s’organise autour d’elles, participe à la vie associative, à la vie sociale, à la vie culturelle de la cité. Et par là-même à la démocratie, parce qu’elles permettent à ceux qui s’associent de prendre une place dans le fonctionnement social. Il est d’autres associations qui ont considéré que les dimensions citoyennes et démocratiques étaient premières dans leur engagement. La lutte contre la pauvreté, contre le racisme, la lutte pour l’égalité femmes-hommes, le droit des personnes handicapées, le droit des jeunes à une place de citoyen dans la société, l’accessibilité aux soins de santé, à la culture pour tous... Ces associations ont tout autant choisi d’agir sur les terrains qui les concernaient que de porter un discours politique fort, défendant des valeurs ancrées.
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Par Antoinette Corongiu et Marc Chambeau
1 CRACS : Citoyen Responsable Actif Critique et Solidaire.
Les Centres de Jeunes sont inscrits dans ce dernier mouvement. L’émancipation par la culture, les CRACS 1,
une véritable partici-
pation des jeunes à la vie de l’association et à une implication réelle dans son environnement ont été des leitmotivs pendant longtemps.
MAIS CETTE VIE ASSOCIATIVE A ÉVOLUÉ. UN TEMPS FONDAMENTALEMENT MILITANTE, ELLE A ÉTÉ RECONNUE PAR DIFFÉRENTS POUVOIRS PUBLICS QUI ONT TROUVÉ EN ELLE LA POSSIBILITÉ DE RÉPONDRE À DES BESOINS POUR LESQUELS EUX-MÊMES ÉTAIENT PEU ARMÉS. UNE LOGIQUE DE SUBSIDIATION S’EN EST SUIVIE, PERMETTANT À LA SOCIÉTÉ, GRÂCE À CETTE RÉALITÉ ASSOCIATIVE, DE RÉPONDRE À DES BESOINS DE LA POPULATION QUI ÉTAIENT PEU OU MAL PRIS EN CHARGE, TANT AUX NIVEAUX SOCIAUX QUE CULTURELS. ET BEAUCOUP D’ASSOCIATIONS SE SONT PROFESSIONNALISÉES. L’HISTOIRE A VOULU QUE POUR BEAUCOUP D’ENTRE ELLES, LA DIMENSION « SERVICE » AIT PRIS LE DESSUS SUR LA REVENDICATION MILITANTE. ET CE POUR AU MOINS TROIS RAISONS :
La reconnaissance par les pouvoirs publics de la question publique soulevée par certaines associations était un aboutissement suffisant de leurs revendications et il n’était dès lors plus nécessaire de militer. La professionnalisation a rendu les associations doublement responsables : d’une part du combat qui leur a valu la reconnaissance, mais d’autre part de la gestion d’une équipe de travailleurs et de l’importance (dans un contexte où le chômage devient problématique) de maintenir l’emploi, tout autant pour assurer les missions de service que pour préserver les travailleurs d’une précarisation due à la perte de leur emploi. Les pouvoirs publics sont davantage intéressés par les services portés par les associations que par leurs revendications… qui leur sont le plus souvent adressées! La façon de financer ces associations évolue dans le temps pour favoriser ces services et ne laisser qu’une part infime à la défense de valeurs.
Et l’histoire des Centres de Jeunes, comment a-t-elle évolué? Comme quelques autres secteurs, celui des Centres de Jeunes a eu « la chance » de rester longtemps sous financé, ce qui lui a permis de maintenir vivaces les luttes du début. Bien que, quand on analyse plus finement les différentes associations, on se rend compte que le paysage est davantage contrasté, entre des dynamiques plus ronronnantes et d’autres davantage engagées voire parfois extrêmement militantes sur certains types d’actions. Le regard subjectif des auteur(e)s de ce texte nous permet de dire que les valeurs fondamentales du secteur restent bien présentes, qu’elles sont parfois portées avec vigueur, mais que d’autres fois, elles se font un peu trop cosmétiques. Mais bien souvent, l’envie reste. Il faut sans doute continuer à travailler pour mieux outiller responsables, animateurs et jeunes... L’histoire associative de ces dernières années s’est souvent encroutée, embourgeoisée, encartée, normalisée... Les combats de beaucoup d’associations historiques ont faibli. Et pourtant, de nouveaux mouvements apparaissent. Rafraîchissants, surprenants, virevoltants... Les indignés, Nuits debout, Tout autre chose, Tam-Tam et peut-être surtout aujourd’hui, la plateforme citoyenne... Des mouvements aux valeurs fortes, aux revendications pertinentes et argumentées, aux actions médiatiques créatives... Et qui portent haut le flambeau de la démocratie... Mais, par ailleurs, aux structures relativement faibles et avec un sentiment d’éphémère, de trop éphémère qui envahit l’observateur intéressé voire mobilisé ou mobilisable. La démocratie associative au XXIème siècle doit se servir de son histoire, mais aussi de ces nouveaux mouvements qui portent haut les revendications qui d'ailleurs restent sensiblement les mêmes : plus d’égalité, plus de dignité, plus de liberté, plus d’accès aux droits pour tous, ... Et ce pour poursuivre une lutte bien nécessaire, voire plus nécessaire que jamais, au regard de ce qui se passe dans le monde, en Europe, et dans notre pays. Les nouveaux mouvements, pour obliger l’associatif structuré à se regarder dans le miroir, et à s’obliger à considérer les valeurs qui le portent comme premières. Et cette structure, justement, pour porter les revendications démocratiques, fortement et longtemps.
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C’est cette réalité d’aujourd’hui qui devrait porter les Centres de Jeunes aujourd’hui.
Là où ils sont et surtout d’où ils sont, les Centres de Jeunes portent des valeurs. Ils manifestent par leurs actions avec les jeunes la volonté d’une société différente de celle qui est proposée aujourd’hui. De façon tout à fait concrète le plus souvent. Loin des discours dogmatiques. Mais avec des pratiques qui interpellent les jeunes, les mobilisent, les aident à comprendre voire leur permettent de s’engager.
L’ancrage dans l’histoire du secteur porté par des valeurs fondamentales qui rappellent la nécessité du jeune citoyen, acteur de sa vie, qui fait le choix de la responsabilité, qui pose un regard critique, et dont la solidarité envers l’autre est un vecteur puissant de son action.
Parce que telle est bien là l’exigence. Proposer un potager collectif, un atelier musical ou d’écriture, ou de théâtre, organiser des activités sportives ou un camp, ce peut être la proposition d’activités occupationnelles. Mais ça peut aussi être tout autre chose. En Centres de Jeunes, ça devrait, la plupart du temps être autre chose... parce que le fondement d’un potager collectif en Centres de Jeunes, ce ne sera pas de faire pousser les carottes. Parce que le fondement de l’atelier musical, ce ne sera pas d’aligner les notes. Parce que l’essentiel du match de foot, ce ne sera pas de repérer le futur Hazard. La première force du Centre de Jeunes, c’est de faire vivre la démocratie, de faire comprendre la démocratie, d’apprendre la démocratie dans le match de foot, la compo musicale ou l’arrachage des mauvaises herbes du potager.
Le rappel que ce qui structure l’association (et notamment le décret) est un cadre utile au travail de ces valeurs. Et la vitalité associative actuelle qui présente la créativité et l’intelligence citoyenne nécessaires à cette éducation des jeunes à une citoyenneté engagée et militante aux travers d’outils de la culture et de la démocratie notamment participative.
Parce qu’il en est des Centres de Jeunes comme de la Fédération. Pour vivifier la démocratie aujourd’hui, il ne suffit pas de dire. L’exigence démocratique oblige aujourd’hui à conformer les actes aux discours. Tenant compte cependant de la réalité de l’association, de ses moyens, des jeunes qui la fréquentent et des outils à sa disposition. Mais aussi de sa volonté d’aller chercher mieux pour mieux répondre aux valeurs, parce que l’exigence est bien là.
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Une seconde force du Centre de Jeunes sera de faire vivre les éléments plus traditionnels qui constituent la démocratie. La capacité à prendre la parole, à entrer dans le débat, à développer de l’argumentation. Pas nécessairement au travers d’exercices rhétoriques, mais toujours en s’ancrant dans ce qui fait la force des Centres de Jeunes : les activités culturelles et artistiques. Prendre la parole au travers d’un slam, apprendre la place des multinationales en brassant sa propre bière artisanale, investir l’espace public en réalisant une fresque sur un mur d’une rue qui se déglingue, partager avec le quartier la récolte du potager, et comprendre pourquoi le Centre de Jeunes, les animateurs et les jeunes agissent ainsi, c’est prendre part au débat, c’est donner du sens à son action, c’est argumenter sur ce sens. La troisième force, c’est celle qui consiste à faire vivre la démocratie au sein de son Centre de Jeunes. Une vraie participation des jeunes à la gestion du centre, mais qui tienne compte de qui sont les jeunes qui fréquentent le lieu. Une participation des jeunes à la gestion de certaines activités, au développement de nouvelles propositions. Une participation des jeunes à la gestion de l’association, dans des domaines bien précis ou de façon plus générale. Au travers d’outils existants comme le Conseil des Jeunes ou du tiers de
jeunes décrété dans les Conseils d’Administration. Mais avec la liberté et la créativité d’inventer d’autres formes participatives plus proches des réalités. Pas par confort, mais parce que cela sert davantage les jeunes et l’esprit démocratique qu’il faut insuffler et développer. La force 4, c’est la mobilisation du Centre de Jeunes et des jeunes qui y participent aux enjeux de la société d’aujourd’hui. L’écologie, la solidarité, l’émancipation, la dignité, la sécurité d’existence sont des valeurs que les Centres de Jeunes ne peuvent aujourd’hui éviter d’aborder dans leurs actions. Quand MJ Verte développe son projet et l’étend à l’ensemble de la FWB, c’est qu’il y a une conscience de plus en plus aigüe que la planète est en danger et qu’il faudra que chacun se mobilise pour la sauver. Que le discours et les actes soient portés par un Centre de Jeunes pourrait avoir un impact plus fort chez ceux qui le fréquentent que des paroles dites autre part ou des actions menées en d’autres lieux. Quand le Centre de Jeunes s’intéresse aux jeunes réfugiés du centre Fedasil situé à côté ou quand il décide de participer avec des jeunes au projet Jeunesse Nomade, c’est sans doute un vecteur puissant qui aidera les jeunes à comprendre ce qu’est la solidarité et ce que signifient les migrations, au-delà des clichés véhiculés sur les réseaux sociaux. Quand un Centre de Jeunes et les jeunes réalisent une vidéo sur la place des filles dans le CJ, ils soutiennent les jeunes filles dans leur légitime revendication d’une place égale dans le lieu. Il aide aussi les garçons à comprendre ce qu’est une société qui vise l’égalité. Mais il participe aussi à produire davantage d’égalité entre les sexes au sein de la société.
Face à des enjeux tellement complexes et variés, mais bénéficiant par ailleurs des compétences souvent importantes dont disposent les Centres de Jeunes au
travers de leurs équipes, la Fédération des Maisons de
Jeunes doit apporter son expérience du rapport au poli-
tique, son expérience du réseau et son expérience de la formation pour outiller au mieux les différents centres. Le verbe est dans son nom, mais la première action que se doit de mener la FMJ pour mieux de démocratie, c’est de fédérer ses membres autour des valeurs fortes que le secteur se doit de porter. Fédérer pour un discours fort et commun, fédérer pour des actions communes, qu’elles soient politiques, culturelles, artistiques ou sportives notamment, fédérer pour des interpellations qui font sens, entre autres parce qu’elles sont portées, argumentées et exemplifiées par le terrain. La deuxième action de la Fédération, c’est de fournir aux centres, avec constance, les outils nécessaires au développement d’actions démocratiquement ambitieuses. L’animation de rencontres inter - MJ, les formations ponctuelles et précises ou plus larges et plus généralistes, la publication de documents divers, doivent régulièrement être réfléchies en référence aux valeurs démocratiques. La Fédération propose rarement des outils purement techniques, mais se mobilise davantage sur ceux qui s’ancrent dans les valeurs démocratiques et qui les nourrissent.
Une dernière action qui viserait à promouvoir l’esprit démocratique au sein des Centres de Jeunes, c’est la nécessité de visibiliser les actions qui y sont menées. Quand une Maison de Jeunes réalise une exposition photos, il est vraiment démocratiquement utile que la Fédération en fasse écho. Quand une action de solidarité est menée dans un village ou un quartier, la Fédération se doit d’en souligner l’importance et le sens, de la relayer et de la soutenir. Quand, à l’accueil d’une Maison de Jeunes, une animation originale est organisée pour favoriser la mixité, la Fédération se doit de relayer cette créativité auprès d’autres centres pour qu’ils puissent s’en saisir et l’adapter à leur propre réalité. Mettre en évidence les qualités démocratiques des centres est une mission fondamentale d’une Fédération.
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Et ailleurs? Par Cécile Lebrun
Ces menaces à l’égard de nos démocraties suscitent donc réflexions et questionnements, voire même des actions concrètes, au sein du secteur associatif, y compris parmi les Maisons et Centres de Jeunes.
Il existe également d’autres sphères où ces questions se posent, se réfléchissent et où peuvent se concrétiser des formes d’opposition, de résistance, de rébellion... Dans le milieu artistique, par exemple, le travail de Thomas Hirschhorn est traversé par les questions, les contradictions et les scandales qui taraudent la société contemporaine, marquée par la mondialisation. Cet artiste milite en faveur de plus de justice et d'égalité. « CROYEZ-MOI, LES RÉFORMES SÉRIEUSES, IL FAUT QUE
LES GENS COMPRENNENT QU’ILS DOIVENT LES FAIRE
EUX-MÊMES. TANT QU’ILS GOBERONT DES TRUCS
COMME... LA DÉLÉGATION DES POUVOIRS, LE SENS DES
RESPONSABILITÉS, LA PATIENCE, L’AUTODISCIPLINE ET TOUT CE QUI S’ENSUIT... RIEN NE PEUT BOUGER. »
Les motions contre le projet de loi de visites domiciliaires votées par diverses communes sont des exemples à forte portée symbolique dans la sphère politique. On ne peut pas parler ici de véritable contre-pouvoir, mais ces motions et leur médiatisation favorisent une prise de conscience, le ralliement pour une même cause, voire un sentiment d’appartenance. Elles ont au minimum pour effet de provoquer le débat entre personnes, entre partis, entre les citoyens et la sphère politique... Enfin, une partie du milieu médiatique se positionne également parce qu’il fait face aux effets de cette érosion de la démocratie en étant confronté de plein fouet à des atteintes à la liberté d’expression et d’information.
Dario FO, Mort accidentelle d’un anarchiste
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Thomas
Hirschhorn Par Magali Company
UN ARTISTE AVEC LES GENS DANS LA RUE...
Conférence organisée par l’ALPAC : l’Association Liégeoise pour la Promotion de l’Art Contemporain 1
En mai 2016, il était invité au musée de La Boverie1 à Liège pour présenter son travail « Gramsci Monument ». Anne-Françoise Lesuisse, directrice artistique de la BIP (Biennale de l'Image Possible) introduisait magnifiquement la démarche de l’artiste, tandis que l’intervention par Thomas Hirschhorn himself démontrait de manière percutante que l’art dans l’espace public a plus que jamais une dimension politique et une légitimité dans les quartiers les plus pauvres.
Thomas Hirschhorn est un artiste suisse. Sculpteur-plasticien de renommée internationale, un des rares artistes à oser remuer le couteau dans les plaies socio-politiques par son travail artistique. Depuis des années, il investit l’espace public. Il crée in situ des œuvres éphémères qui sont en réaction à notre société gouvernée par le capitalisme. Thomas Hirschhorn travaille et expose dans la rue car il refuse l’idée de se faire enfermer dans des galeries mondaines.
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Il commence son exposé par les fondements de son travail : « Pourquoi l’art dans l’espace public ne reflète-t-il pas des personnalités issues d’autres cultures? Pourquoi l’idée même de monument repose-t-elle toujours sur des personnalités qui ont illustré la nation? Pourquoi n’aurions-nous pas la possibilité d’ériger des monuments à des personnalités qui nous portent? Pourquoi pas ma grand-mère? ». Ainsi, il a choisi de rendre hommage au penseur et révolutionnaire italien Antonio Gramsci et de construire un monument dans un quartier du Southeast Bronx à New York, au cœur d’une cité afro américaine du nom de Forest Houses.
Pourquoi Gramsci? Pourquoi le Bronx? www.letemps.ch
2
L’artiste précise2 qu’aucune force politique ne l’a contraint à créer une œuvre consacrée à une figure italienne peu enseignée dans les écoles américaines : « C’est une décision personnelle artistique. J’aime
son travail, son refus de toute orthodoxie, ses pen-
sées. C’est un amour non négociable. Gramsci est
un formidable stratège et un penseur engagé qui
n’a pas eu peur de payer le prix de cet engagement
contre Mussolini et le fascisme. Un peu comme Mandela en Afrique du sud ».
L’œuvre est une structure faite de palettes de bois. Un ensemble désuet, composé de tribunes, de podiums, de chaises en plastique, de draps de lit,... De prime abord, ça ressemble à un module de psychomotricité fait en récup'. Sauf que ça n’est pas cela. L’œuvre ne peut être appréhendée sans en saisir sa dimension profonde. D’abord il y a les gens, les habitants, qui vont créer, participer. Il crée une dynamique durant six semaines. Une sorte de grande machine humaine. En amont, il y a deux ans de préparation : il a visité quarante-six sites avant de porter son choix sur le sud-est du Bronx. C’est au hasard d’une rencontre, et de manière instinctive, qu’il pose son choix sur cette cité. On le voit rencontrer pour la première fois des travailleurs sociaux du quartier qui le regardent avec des yeux ronds quand il explique son Gramsci Monument, le rôle important qu’ils vont jouer, s’ils sont d’accord, parce qu’ils vont agir comme des « sésames » pour ouvrir des portes et se connecter à d’autres habitants. Au-delà des murs, rencontrer ceux que l’on ne voit pas, ceux qui ont une histoire, ou d’autres qui ne demandent qu’à s’exprimer.
Quand le chantier est lancé, le projet dure six semaines. Il travaille avec quinze chômeurs de Forest House pour construire le monument et créer un espace où vont se rencontrer les gens, et dont l’une des ambitions est de faire revivre la pensée du révolutionnaire italien. Une bibliothèque dotée de centaines de livres sur et par Gramsci, prêtés par des Fondations et Instituts de renom, un coin internet, un atelier pour enfants... Durant ces six semaines, le Gramsci Monument accueille des lectures quotidiennes, des pièces de théâtre traitant du grand penseur italien, des conférences, des cours d’histoire de l’art... En permanence, il y a une interaction via un site internet qui rend compte de la vie culturelle du lieu. Quand il parle du processus de travail, Thomas Hirschhorn est habité, il ne parle pas en « je » mais en « nous », parce qu’il précise « qu’un artiste a besoin d’aide, il ne fait rien tout seul ». Mais il y a aussi des moments difficiles : les animateurs qui s’opposent à ce qu’il rémunère les quinze chômeurs, le nombre de réunions qu’il a fallu pour désamorcer les tensions et garder le fil conducteur de sa démarche artistique. Il explique avec énergie qu’il ne peut pas céder lorsqu’il travaille sur la création de monuments car il ne s’agit pas de mener un projet pour un plan de cohésion sociale ou de proximité, et les gens font vite des confusions. Ça n’est pas la vocation de son projet. C’est beaucoup plus subtil : il agit avec et provoque la rencontre, tout en restant sur son idée forte, celle de rendre hommage. Un art subtil. Il raconte aussi ses grands moments de solitude lors de ses conférences face à une assemblée vide. Et il explique que ça aurait été trop facile d’abandonner, de renoncer. Obstiné, tous les jours il affiche un programme d’activités. Il ouvre la journée par des sortes de conférences sur Gramsci, chaque jour, à la même heure. Et peu à peu, le public arrive, curieux. Au départ, ce sont deux dames qui tricotent (qu’il va par ailleurs amener à faire une œuvre en crochet sur Gramsci). Ensuite, d’autres personnes, et un peu plus chaque jour. Pour finir, ce n’est plus lui Hirschhorn qui est dans la tribune, mais ce sont les habitants.
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Pourquoi « ça passe » avec Thomas Hirschhorn?
Thomas Hirschhorn
terminera son exposé en répondant aux questions du public
Un documentaire a été réalisé sur le Gramsci Monument et est disponible via http://www.film-documentaire.fr/4DACTION/w_fiche_ film/44527_1 3
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D’abord parce qu’il ne prend pas les gens pour des imbéciles. Puis parce qu’il a une volonté qui le pousse à agir sans être tétanisé par les possibles conséquences de son action. En citant Gramsci : « Chaque être humain est un intellectuel ». Pour Thomas Hirschhorn, ces penseurs sont les inducteurs qui le poussent à créer, à instiller la confiance en soi, et dans la capacité de chacun à réfléchir. Ils donnent la force de penser, d’être actif.
Après six semaines, il opère le démontage du Gramsci Monument et souligne l’importance de défaire avec les habitants. Sa méthode? Une tombola. Tout y est donné, chaque pièce est numérotée et attribuée. Le dispositif de tombola apporte une dimension qui dédramatise le processus de « fin ». Une sorte de rituel pour amener la fin matérielle de l’œuvre où chacun repart avec une partie du monument.
« Comment pouvez-vous assumer d’avoir créé un tel moment dans la vie de ces
gens, un moment qui soit éphémère, pourquoi ne pas l’avoir laissé?! ». Il répon-
dra que son œuvre est précaire, qu’elle génère des expériences, des rencontres. Des souvenirs resteront gravés dans la mémoire intellectuelle et émotionnelle. Au final, le matériel n’a pas d’importance. Le site du Gramsci Monument est un espace public. L’occuper est la quintessence de l’engagement artistique de Thomas Hirschhorn. Une manière de refuser de se retrouver avec un public exclusif qui a accès aux institutions culturelles. Il cherche davantage à rencontrer, à dialoguer là où il est le plus fertile : au cœur de la société réelle.
Un des messages de l’artiste est de faire prendre conscience que la permanence est une manière de se rassurer soi-même. Les habitants de Forest Houses peuvent continuer par eux-mêmes, puisqu’ils sont ce monument, puisqu’ils sont l’œuvre.
Dans sa carrière, Thomas Hirschhorn a réalisé plus de soixante projets dans des espaces semblables à Forest Houses. Et tous ont été démontés. Quand on parle de ses créations et de leurs caractères éphémères, il réagit avec véhémence car il les associe à la mort. Il leur préfère la notion de « précarité » sur laquelle l’homme à une emprise.
Dans la démarche de Thomas Hirsshorn, on retrouve des similitudes avec le travail de Werner Moron, artiste plasticien liégeois qui a notamment réalisé, avec la FMJ et plusieurs Maisons de Jeunes, les projets « Voix de Jeunes Filles » et « Surface de réparation » (avec la MJ du Thier à Liège). En 2012 à Namur, Werner avait réalisé une résidence autour du concept « Les voisins sont des indiens ». Et plus récemment, un projet de parc qui vient d’être inauguré sur la commune d’Herstal, d’où il est originaire.
Gramsci Monument restera en place physiquement septante-sept jours, son démantèlement a une portée presque spirituelle car il permet de prendre conscience de l’impermanence des choses. Si l’œuvre était restée, non seulement elle se serait dégradée ou transformée, mais elle aurait aussi perdu tout son sens.
Des communes Par Valérie Hébrant
fermes ou humaines? DEPUIS JANVIER 2018, UN GRAND NOMBRE DE COMMUNES ONT DÉPOSÉ DES « MOTIONS » INVITANT LES DÉPUTÉS DU PARLE-
MENT FÉDÉRAL À REJETER LE PROJET DE LOI DU GOUVERNEMENT MICHEL SUR LES VISITES DOMICILIAIRES1 ET CE, Y COMPRIS DES
COMMUNES DIRIGÉES PAR LE MR, MEMBRE DU GOUVERNEMENT FÉDÉRAL, À L’ORIGINE DE CETTE PROPOSITION DE LOI. ON PARLE ALORS DE FRONDE AU SEIN DU MR POUR SIGNIFIER QU’AU SEIN
DU PARTI DU PREMIER MINISTRE, IL EXISTE UNE DIVERGENCE DE
POINTS DE VUE SUR CE PROJET DE LOI QUI PRÉVOIT DE PERMETTRE UNE PERQUISITION AU DOMICILE D'UNE PERSONNE EN SITUATION IRRÉGULIÈRE SUR LE TERRITOIRE EN VUE DE SON EXPULSION.
Mais qu’est-ce qu’une motion communale?
http://www.dekamer. be/flwb/pdf/54/2798/ 54K2798001.pdf
1
2 CRISP : http://www. vocabulairepolitique. be/motion/
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Le terme de « motion » a un usage assez large. Dans les assemblées, la motion désigne la plupart des textes adoptés à l'issue d'un vote et qui ne s'inscrivent pas dans l'élaboration d'une loi ou d'un règlement. Dans ce cas, la motion motivée ou motion de recommandation, déposée par un membre de l'assemblée à l'issue d'une interpellation adressée au gouvernement, est un texte contenant une recommandation sur l'objet de l’interpellation2.
Mais qui a commencé? Les réactions à cette proposition de loi ont été très nombreuses : l’ordre des avocats, le syndicat de la magistrature, les associations citoyennes dénonçant l’atteinte à l’État de droit à la solidarité entre les êtres humains. Mais fait plus rare, les pouvoirs locaux ont largement acté leur opposition politique au gouvernement fédéral. Tout a commencé à Esneux, commune située en Province de Liège, plus précisément dans le Condroz. Il s’agit d’une commune de treize-mille habitants dirigée par une majorité MR - PS sous le mayorat de Laura Iker (MR). En janvier dernier, le groupe Écolo esneutois soumet au Conseil Communal une motion qui invite le Parlement fédéral à rejeter le projet de loi sur les visites domiciliaires. Cette initiative, la première d’une longue série, va être adoptée à l’unanimité par le Conseil Communal d’Esneux. Ce texte, qui provenait du groupe Écolo liégeois, le Conseil Communal de la Ville de Liège l’a à son tour voté quelques jours plus tard, également à l’unanimité.
Et ensuite? 16/03/2018
3
25/04/2018
4
www.cncd.be/Communes-hospitalieres-mouvement-ampleur 5
www.communehospitaliere.be 6
70
En moins d’un mois, quarante-deux communes ont voté une motion contre ce projet de loi, suivies par des résolutions similaires des Parlements bruxellois en mars3 et wallon en avril4.
Et ce n’est pas la première démarche de communes contre la politique « étrangère » du gouvernement. En effet, à ce jour, soixante-cinq communes se sont déjà déclarées « communes hospitalières »5 suite à la mobilisation de citoyens pour améliorer l’accueil et le séjour des personnes migrantes en réaction à la politique sécuritaire du Gouvernement6.
Qu’est-ce qui pousse une assemblée locale à déposer une motion contre un projet de loi fédérale?
Les communes sont-elles en train de fronder, de désobéir? Non, car « les communes en elles-mêmes, quand bien même elles s'associeraient, 7 Jean Faniel, directeur n'interviennent pas dans le du CRISP. processus d'adoption d'une 8 Idem. proposition de loi, de décret ou d'ordonnance... Dès lors, 9 Marc Chambeau, Conseil Communal de Walcourt, une intervention ne poursur le vote d’une motion rait se faire que de manière contre le projet de loi sur informelle, en exerçant une les visites domiciliaires, mars 2018. pression sur les parlementaires pendant la procédure d'examen de la proposition »7. C’est aussi par leur Effectivement, les communes aspect exceptionnel que font partie intégrante du ces motions pèsent sur système politique et instituun projet de loi. Le fait tionnel belge et leurs comque plus d’une centaine pétences sont clairement déde communes aient voté finies. En votant une motion, ces motions est un fait elles s’en tiennent à appliquer suffisamment rare pour être une de leurs prérogatives. remarqué. Ces votes ont été médiatisés, souvent les motions ont été adoptées en présence de citoyens mobilisés. Cependant, si elles n’ont pas poids sur le processus législatif Cela rappelle les fondements de d’adoption des lois, ces motions communales et régionales ont notre État de droit et des prinune portée symbolique forte comme nous l’explique Jean Facipes démocratiques « qui limitent niel : « Lorsqu'elles se multiplient sur un même objet, c'est un et organisent l’exercice de la signal important qui est envoyé à l'assemblée ou au gouverpuissance de l’État pour protéger les nement visé »8. Suite à la réaction des communes, Charles individus contre l’arbitraire»9. Michel a d’ailleurs mis le projet de loi entre parenthèses. 71
Vous parlez de
Liberté? LA BATAILLE INFORMATIONNELLE SE DÉVELOPPE SUR PLUSIEURS FRONTS. ELLE A COMME ENJEU LA DÉ-
Par Jean-Claude Garot1
FENSE DE NOS LIBERTÉS ET DE LA DÉMOCRATIE.
L’une de ces batailles se déroule dans les pays où les systèmes économiques, politiques et sociaux sont peu ou pas du tout démocratiques comme la Russie, la Chine, la Turquie, l’Égypte et des dizaines d’autres. Malheureusement, dans ces pays, on arrête des journalistes, on les incarcère sans jugement, on ferme des radios ou des chaînes de télévisions sitôt que la moindre critique émise touche un dirigeant ou informe de manœuvres illicites du pouvoir économique, politique ou militaire. L’exemple le plus frappant aujourd’hui est certainement la répression féroce qui règne dans la Turquie d’Erdogan qui musèle toute liberté de presse et mouvement citoyen. Mais en Europe, aux ÉtatsUnis et dans les pays à régime démocratique, la bataille informationnelle a lieu également, mais d’une autre manière. 72
Dans ces pays, où le néolibéralisme a pris le contrôle de l’économie, l’enjeu est qu’en aucune manière la population ne doit échapper à la religion du marché. Pour cela, il faut fabriquer le consentement. Il faut orienter l’information et la mettre au service des élites politiques et économiques. Les grands médias sont propriété privée et orientés vers le profit et non vers la recherche de l’information factuelle, vérifiée et pédagogiquement expliquée. D’aucune façon les dirigeants de ces médias ne perturberont de manière déterminante les entreprises qui leur fournissent leurs ressources publicitaires. Nombreux sont les journaux, comme en France, où les propriétaires sont des firmes d’armement ou de grands groupes financiers. Ces organes de presse auront recours aux sources officielles des grandes entreprises et des gouvernements. Ceux-ci et les lobbies à leur service pèseront pour que la face cachée des activités financières, économiques, politiques et militaires ne soient pas révélées.
1 Jean-Claude Garot est le rédacteur en chef du magazine POUR. Plus d’infos : https://pour.press/
Avez-vous été clairement informés sur les États qui ont financé Daesh? Lesquels, pour quels montants? Avez-vous été clairement informés sur le nom des usines d’armement et des pays qui ont fourni tous les équipements et armements nécessaires quotidiennement à développer durant plusieurs années l’action de Daesh? Avez-vous su le nom des entreprises pétrolières occidentales qui rachetaient à vil prix le pétrole volé par Daesh et qui transitait sans ennui par convoi protégé à travers la Turquie? Ainsi, alors que les grands médias nous inondaient d’informations sur les actions militaires et criminelles de Daesh, ils prenaient bien garde de ne pas gêner ceux qui en tiraient les plus gros profits.
Mais d’une autre manière, posez-vous la question de pourquoi tant de produits néfastes à la santé des gens peuvent être impunément, durant des dizaines d’années, produits et vendus par des entreprises sans que l’Europe et les gouvernements des pays membres ne fassent barrage. Durant plus de vingt ans, des centaines de milliers de cancers ont pu se développer sans qu’aucun patron de firme cigarettière ne soit inculpé et mis en prison.
Les entreprises chimiques, elles, ont pu déverser des tonnes de pesticides et herbicides détruisant le vivant et tuant nombre d’abeilles et d’êtres humains. Aucun frein sérieux n’a été mis à la prise de contrôle de la privatisation des céréales par le jeu de dépôts de brevets sur des OGM, dont nombreux sont ceux qui détruisent l’équilibre de la nature et la santé des citoyens. Le glyphosate et la firme Monsanto sont des emblèmes de ce qu’il y a de plus détestable; et il n’est pas encore gagné que nous puissions annihiler leur capacité destructrice. Donc, la bataille informationnelle se déroule bien également ici, dans nos pays, au profit d’un consumérisme effréné et d’une prise de contrôle de plus en plus drastique de nos droits démocratiques. Cette bataille touche toutes nos valeurs et seule une petite minorité de journaux et organes de presse alternatifs résiste et tente de mobiliser l’opinion publique sur les menaces du consentement, souvent inconscient, à la surconsommation de tout et n’importe quoi.
Car c’est dans tous les domaines (culture, mode, publicité, enseignement, médias,...) que les pouvoirs financiers ont habilement distillé, par petite dose, leur poison idéologique depuis plus de trente ans. Ils ont ainsi lentement créé l’acceptance d’une nouvelle idéologie, la religion du marché, la quête du graal consumériste. Est-ce que tout est perdu? Deviendrons-nous tous des robots, des drogués ou des esclaves de ce système? Comme d’autres, nous avons fait le pari que non, que la création d’une presse alternative qui informe le plus complètement possible, de manière factuelle et très documentée, qui analyse les causes et les intérêts en jeu, puisse permettre l’émergence et le développement d’une plus large pensée critique. En créant une maison d’édition pluraliste, une coopérative à finalité sociale, une structure très démocratique : « pour écrire la liberté », nous avons voulu créer un ensemble diversifié d’approches informationnelles. 73
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Éditeur responsable : Marc Chambeau — 8 rue aux Chevaux - 4000 Liège Rédactrice en chef : Cécile Lebrun Graphisme et mise en page : Constance Schrouben Ont collaboré à la réalisation de ce numéro : Axel Gossiaux, Anne-Laure Mahé (bande-dessinée), Eleanor Antin (photographie), Alexis Deswaef, Simon Raket, MJ des Récollets, Thomas Derine (bande-dessinée), Vanessa Haté (MJ d'Orp-Jauche), Johakim Chajia (MJ Masure 14), Jean-Claude Garot. Pour la FMJ ASBL : Cédric Garcet, Delphine Verstraelen, Benjamin Cambron, Julie Reynaert, Adèle Dupont, Sarah Beaulieu, Valérie Hébrant, Nathalie Heusquin, Antoinette Corongiu, Marc Chambeau, Magali Company, Anne-Sophie Bourgeois. Typographies : « Kohinoor Bangla Family » & « Abril Fatface » Impression : Imprimerie Vervinckt
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FMJ ASBL 8 rue aux chevaux 4000 Liège +32 4 223 64 16 fmj@fmjbf.org www.fmjbf.org
AIDER LES MAISONS À SE CONSTRUIRE... La Fédération des Maisons de Jeunes vit par et pour les jeunes... et leurs maisons. Par les jeunes, parce que leurs enthousiasmes et leurs énergies constituent la source de tous nos projets. Pour les jeunes, parce que leurs initiatives et leurs réalisations sont autant d’encouragements à continuer notre fantastique aventure. HELPING BUILD THE CENTRES, HELPING BUILD THE FUTUR... Young people and their community centres constitute the raison d’être of the Fédération des Maisons de Jeunes. The enthusiasm and energy of these teenagers are, in fact, the lifeblood of all our projects; their endeavours and achievements provide us with the encouragement to continue to pursue our fantastic adventure. BOUW MET ONS MEE... De «Fédération des Maisons de Jeunes» leeft door en voor jongeren. Door jongeren. Omdat hun enthousiasme en hun energie de motor zijn achter onze projecten. Voor jongeren. Omdat alles wat ze ondernemen en realiseren, telkens opnieuw een aanmoediging is om ermee door te gaan, met ons geweldig avontuur.
- Réalisé avec le soutien de la Fédération Wallonie-Bruxelles (Service Jeunesse) et de la Wallonie (Emploi) -
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