FOCUS FWI N14

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FOCUS ®

F.W.I

JUILLET - AOÛT - SEPTEMBRE 2017 #14 • GRATUIT

NI DROITE, NI GAUCHE La fin d’un ordre classique ? RÉVOLUTIONS EN MURMURES

LE DISCOURS SUR L’AUTONOMIE Les extrêmes

et nous…

Emmanuel MACRON LE JEUNE LOUP DE BALZAC

BROTHER JIMMY

SA VIE SANS FARD FOCUS F.W.I - 1


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www.rivieradulevant.fr La Riviera du Levant 2 - FOCUS F.W.I

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L’UNICEF n’apporte son soutien à aucune marque ni à aucun produit. Une partie des recettes de la Collection « Montblanc soutient l’UNICEF » sera versée à l’UNICEF et à ses projets d’alphabétisation, Montblanc garantissant un montant minimum de 1,5 million de dollars.

Hugh Jackman and the Montblanc for UNICEF Collection Montblanc supports

Avec la collection Montblanc UNICEF, nous célébrons le don de l’écriture. En partenariat avec l’UNICEF, notre objectif est d’améliorer les conditions d’apprentissage de plus de 5 millions d’enfants grâce à des outils éducatifs de qualité et à de meilleures conditions d’enseignement. Pour en savoir plus, rejoignez-nous sur montblanc.com/unicef Crafted for New Heights.

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Martinique : Grain d’Or Perrinon · Grain d’Or Galléria


Guadeloupe : Grain d’Or Milénis · Point Or Bas-du-Fort

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l’édito

A

ujourd’hui, la fatigue l’emporte. On se fatigue à trouver le sommeil. On se réveille fatigué. On se traîne toute la journée. Mieux encore, on s’épuise d’être si fatigué… Trait d’époque. Les enfants sont rompus, les jeunes claqués et les adultes au bord du burnout : stade terminal de la fatigue. On n’ose même plus demander si : « ça va ». Notre fatigue a pris le dessus au point de devenir un poison qui nous embrume le cerveau. Alors voter ? Pourquoi ? Ils sont tous les mêmes. De plus rien ne changera. S’abstenir ? C’est le meilleur moyen d’éviter de se tromper de bulletin ! Et puis, ils nous fatiguent avec toutes leurs promesses qu’ils ne tiennent jamais. Nous atteignons résolument un au-delà de la paresse. Apathie ou révoltes, indifférence ou protestation, la lecture des symptômes dont souffre notre démocratie est aussi nombreuse que vague. Mais si l’on juxtapose abstentionnisme, instabilité électorale, hémorragie des partis, impuissance administrative, paralysie politique, suspicion et autres mots tenaces, on voit se dessiner les contours d’un syndrome, le syndrome de la fatigue démocratique. Et ce qui la rend si singulière, c’est la vitesse à laquelle elle se propage. Et l’abstention en est une, singulière. Au cours de ces derniers mois, l’abstention est ainsi devenue un acte politique majeur, constituant désormais une forme d’engagement citoyen. On ne fait plus preuve d’absentéisme, on se complaît à ne plus voter. Une défection active et assumée résultant d’un divorce entre le peuple et le pouvoir, l’alfa et l’oméga. Un désaveu vis-à-vis des politiques qui se sont éloigné progressivement du peuple. Dont, le jeu pervers consiste à traduire nos réalités – complexes – en simplifications abusives, quitte parfois à faire le lit des vieilles tentations. Il y a toujours quelque chose de cinglant, de piquant et donc extrêmement cocasse dans les écrits d’Octave Mirbeau. Dans La Grève des électeurs, l’écrivain-journaliste éreinte la classe politique de son époque, truffée selon lui de « maîtres avides » qui « grugent » l’électeur et « l‘assomment ». Et longtemps, ces hommes ont prétendu, avec arrogance, avoir le contrôle des choses ; des héros, auréolés de lumière et de pouvoir, qui montrent et tracent la route. Or rien n’est plus faux que cette pensée que porte sur elle, le politique qui n’a produit jusqu’alors que confusion, amertume et désolation. facebook.com/focus-fwi

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@FOCUS_lemag

À telle enseigne qu’on se retrouve, aujourd’hui, confronté à cette force obstinée et « silencieuse » qui mine de l’intérieur l’organisation politique. Tous ces gens qui n’acceptent plus ce qu’on leur présente comme la démocratie: un régime concentré sur son exécutif et un débat qui se traduit aux affrontements entre partis, aux rodomontades de leurs dirigeants et au feuilleton interminable de scandales et de corruption. Ceux-là ont donc opté pour l’exil hors du système, ainsi perçu comme le seul moyen efficace de rejeter la politique. Et puis, Coluche ne disait-il pas que « si voter changeait quelque chose, il y a longtemps que ça serait interdit ». À l’instar de certains pays comme la Belgique où le vote est obligatoire, en France, le vote reste un acte libre : un droit, « un devoir citoyen », mais pas une obligation. Par conséquent, s’abstenir est donc aussi un droit. Un crachat sur toutes ces âmes mortes pour le droit de vote, nous dirait l’histoire. Mais, au regard du climat social actuel, il est parfois permis de penser, au diapason d’Octave Mirbeau, que celui que nous élisons « ne représente ni ta misère, ni tes aspirations, ni rien de toi ; il ne représente que ses propres passions et ses propres intérêts, lesquels sont contraires aux tiens ». Rappelons, toutefois, qu’une défection citoyenne massive n’empêche nullement un(e) chef(fe) d’État d’être désigné(e), aucun quorum n’étant exigé lors de ce scrutin. S’abstenir, c’est donc, aussi, ouvrir un boulevard à ceux qui ont précisément pour projet politique de dynamiter le « système ». Oui, mais bon, nous sommes fatigués. Néanmoins, ces « temps qui changent » doivent nous conduire à reforger en permanence nos schémas intellectuels et nous obliger à réélaborer nos manières de penser face à de nouvelles problématiques, de nouvelles valeurs, de nouveaux enjeux, de nouveaux maux. La Politique en est un, plus que tout autre appelé à être transfiguré. Un défi audacieux à relever. Et pour ce faire le politique doit faire preuve d’audace pour retrouver le courage politique, celui de descendre des hauteurs de sa vigie, pour sentir la société, les frémissements des vagues et les sautes des vents. Cela veut dire, agir et faire ici et maintenant, sur le local et l’humain, pour atteindre un résultat global, valable pour la totalité. Écouter, mais aussi entendre, sentir et comprendre le sens. Co-créer et insuffler une volonté dans tous les corps de la société. Éduquer à la responsabilité citoyenne de chacun, de l’enfant à la firme mondiale. Avoir le courage de changer de route si la vague est trop haute, pour atteindre mieux le futur commun possible. Réinventer le sens du mot gouverner et lui donner une autre valeur que celle dont l’illusion héroïque l’a affublé. Cela insinue aussi : être confiant dans l’intelligence des hommes avant de prétendre mériter leur confiance. En effet, seul le courage permet de véritablement commencer une action, de s’insérer dans le monde et commencer une histoire. Qu’est le pouvoir politique si ce n’est pour servir. Aux autres, les abstentionnistes, il est bon de se rappeler qu’en démocratie, « le pire des systèmes à l’exception de tous les autres », selon la célèbre formule de Winston Churchill, les citoyens ont encore la liberté de «sortir les sortants ». Si la responsabilité des politiques est énorme, celle des citoyens ne l’est pas moins. Et également celle des « exprimées » qui lassés, de lire un programme et d’écouter l’autre, préfère agir par suivisme. Enfin, par ces temps, n’est-il pas bon de résister et de ne pas succomber à la tentation, à la paresse. Réveillons-nous bon sang. Nous sommes libres… Mais aussi libre d’être fatigué. Trait de l’époque.

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— Ken Joseph, Rédacteur en Chef

pinterrest.com/focusfwi

Ken Joseph | Focus FWI


LA BOUTIQUE DES CRÉATEURS Centre commercial La rocade Grand-Camp - Les Abymes T. (+) 590 690 19-0911 FOCUS F.W.I - 9


FOCUS F.W.I

JUILLET - AOÛT - SEPTEMBRE 2017 www.focus-fwi.com

FOCUS / ÉDITION RUNWAY 97100 BASSE-TERRE m. contact@agence-runway.com Rédacteur en chef Ken Joseph ken.joseph@agence-runway.com Directeur de la Publication Mike Matthew mike.matthew@agence-runway.com Rédaction Pierre-Yves Chicot, Stéphanie Melyon Reinette, Salomé. B, Marc Lantin, Leila B, Vincent Tacita, Marie Dominique, Ken Joseph. Ont collaboré à ce numéro Raphaël Lapin Danik Ibrahim Zandwonis Département artistique Agence Runway Photographes Éric Corbel Yvan Cimadure Xavier Dollin Régie publicitaire Guadeloupe : 0690 466 108 Crédits photos Éric Corbel, Yvan Cimadure, Cullin Tobin,Adobe Stock, Jesper Fahey, Laffont, Bevel, Afp, Universal Music, Peter Mcnally, Leah Gordon, Urbnspark, Getty images, Phillippe Wojazer, Pool, Kcs, Reuters, France 3, Étienne Laurent, Patrick Aventurier, DS, Golf international de Saint-François, Adriana Degras, Illecteva, Sophia Webster, Eugenia Kim, Marni, Master-Piece, Gucci, Polo Ralph Lauren, Prada, Baerton Perreira, Mémorial ACTe, Zimmermann, Dolce & Gabbana, Fendi, Nuxe, Dior, Guerlain, Nars, Biotherm, Clarins, Mark Cross, Balenciaga, Girard Perregaux, Cartier Montblanc, IWC, Saint-Laurent, Burberry, Castañer, Givenchy, Acne Studios, Décleor, Adéola Bambé. Impression : En Union européenne Distribution : Colibri Distribution ISSN : 2425-729X

En couverture Brother Jimmy, Photographié par Yvan Cimadure et Mise en Beauté par Make Up For Ever. Retouches Xavier Dollin, Stylisme Ken Joseph et Réalisation Mike Matthew. Costume slim fit, chemise slim et nœud papillon, Mango. Studio Make Up For Ever. 10 - FOCUS F.W.I

Remerciements Brother Jimmy, Philippe Mugerin, Elie Kuame, Meissa Gumbs, Karine Gatibelza, Marlène Ronaul, Sabine Wybo, Grain d’Or, Ophély Mezino, Rainer Boucard, Cosette Ouali, Djoe Dunoyer


B E A U T Y

L O U N G E

by Karine Gatibelza

SOIN DU VISAGE ET DU CORPS | MAKE UP | DERMOGRAPHIE BEAUTÉ MAINS ET PIEDS | EXTENSION DE CILS | VERNIS SEMI PERMANENT Imm. Technopolis 2 - ZI de Jarry - 97122 Baie-Mahault (Près de la pâtisserie Gabriel et de la nouvelle Poste) T. 0590 810 495 - M. makeupbox@hotmail.fr

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Mémorial ACTe Votre rendez-vous av e c l ’ H i s to i r e

Meeting History

0590 251 600 www.memorial-acte.fr Darboussier I Pointe-à-Pitre I Guadeloupe contact@memorial-acte.fr 12 - FOCUS F.W.I


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Brother Jimmy, sa vie sans fard

SOMMAIRE 18 19 20 22 24

MAGAZINE Billet d’humeur : Focus sur l’essentiel L’époque Le décodeur : Le Macronisme-Gwada Photomood Ma boîte à musique

COVER STORY 26 Brother Jimmy, sa vie sans fard LE LABO 38 Révolutions en murmures 42 46 52 54

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GRAND FORMAT La fin d’un ordre classique ? Emmanuel Macron, le jeune loup de Balzac Brigitte Macron, la part non négociable ? Les extrêmes… et nous

PHÉNOMÈNE 57 La Guadeloupe à l’horizon 2030 58 Le discours sur l’autonomie


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SOMMAIRE MOTEUR 60 DS4 Performance Line

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Mode, Street Couture

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HOT SPOT Les îles de Guadeloupe Room Service : Les Villas de la Toubana Hot Spot : L’inoubliable Grande-Terre Room Service : Le Golf International Hot Spot : La majestueuse Basse-Terre Terre de culture Hot Spot : Les éblouissantes, les Saintes Room Service : Le Mémorial ACTe Hot Spot : La surprenante, la Désirade Hot Spot : L’authentique, Marie-Galante

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NOUVEAU GENRE Beauté : This body Accessoires : Oh my bag !!! L’Obsession Mode : Street Couture Montres : Les pendules à l’heure Le vestiaires : Spécial espadrilles Mood Mode : I’m not bossy, I am the boss

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Hot Spot, Les îles de Guadeloupe

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Fsurocus l’essentiel

Billet d’humeur signé MARIE DOMINIQUE. Photo JESPER FAHEY.

‘‘Vite, vite, dépêches toi! Je n’ai pas le temps! Je suis débordé(e) ! Qui dans sa vie professionnelle ou personnelle n’a pas prononcé une de ces phrases au moins une fois ? Tout va vite, toujours plus vite, l’exigence vis-à-vis du temps devient régulière, tout s’accélère. Le temps de rien, le temps devient un grand tout et dévore nos jours. Alors si vous avez levé la main, peut-être avez-vous déjà, le temps de quelques secondes, dans les embouteillages ou dans une file d’attente, pris le temps de vous demander mais pourquoi? Dans quel but ? Quel est le sens de ma vie ?’’

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i aujourd’hui nous ressentons de plus en plus cette oppression du temps, cette sensation que la terre tourne plus vite, car oui ses vibrations sont passées de 8 hertz à 17 hertz (résonance de Schumann). Le temps s’accélère, les questions s’amplifient, et nous sommes poussés vers un but : revenir à l’essentiel, à ce qui importe, aux valeurs et au sens que nous souhaitons donner au quotidien quand nous nous levons le matin. L’essentiel – un mot si simple, qui pourtant peut se définir de maintes manières différentes. Pour certains, cela peut passer par une envie de ne pas étouffer notre instinct derrière les technologies et le commercial ou de s’accorder la liberté de choisir la voie du cœur et non forcément celle de la raison. L’essentiel peut aussi se décliner par un désir de donner la priorité à notre être spirituel et laisser en sommeil notre côté matériel. L’essentiel passe aussi par le désir et l’envie de revenir au plaisir de manger, de se cuisiner de bons petits plats, de savourer des mets, de partager un vrai repas. D’ailleurs, n’est-ce pas aussi la raison pour laquelle le « slow food », c’est à dire prendre le temps de manger, de mastiquer, de déglutir, prend son envol ? En effet, il nous rappelle que pour savourer un aliment et ressentir la satiété, nous devons prendre conscience que nous mangeons et nous focaliser sur nos aliments. Il en va de même pour notre consommation de boissons, et cette apogée du « green ». L’art de la médiation et du retour à soi, sont d’autres formes de ce « retour » à l’essentiel. Il en est de même lorsqu’on s’accorde un temps de décompression, de dialogue avec son fort intérieur. Comme si l’on apprécierait un tableau, se délectait devant l'art ou s'attendrissait devant le sourire d'un enfant... Juste le temps de faire une «pause sur image », et parfois trouver les réponses à ces questions qui nous turlupinent le soir dans notre lit. C’est ainsi que pas à pas, nous commençons à penser autrement.

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Et cet autrement finit par se refléter dans nos actions quotidiennes telles que notre manière de consommer, peut-être plus en conscience, et que nous investissons autrement. L’investissement se veut collaboratif avec l’avènement des plateformes de financement de type « crowdfunding ». Il suffit d’investir en ligne, pour donner un don ou une contribution pour qu’un projet citoyen aboutisse, rassurons-nous, le citoyen acteur à de beaux jours devant lui. Tout comme l’espace de travail, si l’on prend pour preuve la création de ces espaces de travail en commun « coworking ». En Guadeloupe, nous dénombrons un espace de coworking le SPOT à Jarry, et une plateforme dédiée aux projets ultra marins : FEEDELIOS. Les cagnottes, le troc voient leurs essors, de même que le don du temps. Une belle illustration se retrouve sur la plateforme Yakasaider sur laquelle son « temps » ainsi que ses compétences deviennent des valeurs d’échanges et de partage. « Ne plus perdre sa vie à la gagner » Marx. La génération des late bloomers l’a compris et le vit. Traduit au sens littéral par « plante à floraison tardive », ces personnes s’accomplissent sur le tard, mais sont en quête d’un véritable accomplissement personnel. Ils découvrent leur voie, leur accomplissement plus tard que les autres. L‘important – après tout - n’est-il pas de s’épanouir à son rythme ? Une fois dépassé le regard des autres, la déception des proches, claquer la porte aux jobs de rêves, à ce saint Graal qu’est la « carrière toute tracée », il en vient la réalisation que le plus important n’est en effet non pas le regard et l’approbation des pairs, mais bien celui que l’on pose sur soi. Et, comme le perçoit Catherine Taret auteure d’ « Il n’est jamais trop tard pour éclore » ; toutes ces rencontres et ces expériences enrichissent l’être, et de fait nous font « pousser». Les jeunes diplômés sont de moins en moins en quête du poste à Millions et à haute responsabilité, et plus en quête de « sens » pour leur travail. Plus qu’aligner des zéros sur les chèques de fin de moins, le plus important réside dans la quête d’utilité sociale qui leur apporte de la satisfaction personnelle. Ils ont compris qu’il ne suffit plus de courir après des résultats éphémères, des heures supplémentaires facturées double, qu’une augmentation ne remplace pas la satisfaction d’un développement personnel et d’être en phase avec sa vie. Ah cette quête du « sens » - « A purpose-driven life » ! Revenir aux métiers qui ont du sens. Les métiers de demain ne sont à 70% des métiers de demain ne sont pas encore inventés, réalisés ou créés ou tout simplement nous retournerons aux métiers qui ont du sens. Et pour les trente autres pourcents ? Sur notre archipel, cela se matérialise aussi par le un retour en force aux des métiers traditionnels, le plus souvent en lien avec la terre. Ces métiers sont matériellement palpables et de fait donnent une satisfaction immédiate à celui qui l’exerce. Tout comme ces métiers qui ont de l’avenir et ne pourront être remplacés par une machine. Nous assistons à une floraison de métiers autour de l’encadrement personnel dit «Coaching», pour guider ses pairs à atteindre un but, à changer de cap professionnel ou personnel. On se laisse désormais guider par sa passion et ce, même après avoir passé la trentaine. Prenons l’exemple de Stéphanie LANTIN, 33 ans guadeloupéenne, qui a choisit de s’installer à Zurick pour devenir « Coach de vie ». « Depuis le plus jeune âge j’ai du faire face à de nombreux changements : divorce de mes parents, adaptations à de nouvelles cultures et une décennie de hauts et de bas suite à une relation qui m’a fait touché le fond et s’est soldée par un divorce. Cependant c’est la façon dont j’ai surmonté ces épreuves qui a révélé une force en moi que je ne soupçonnais pas. Cette force est née d’un nouvel amour de moi-même et d’une plus forte connexion créée avec mon entourage et surtout ma famille. Je veux être l’inspiration, le réveil, le guide pour faire découvrir aux gens que c’est en étant vulnérable que l’on crée des relations significatives, que c’ est en s’aimant d’abord que l’on peut mieux prendre soin de l’autre et que nous sommes seuls responsables de notre bonheur et personne d’autres. On ne peut pas contrôler le vent mais on peut apprendre à contrôler la voile. » Son travail l’amène à interagir principalement avec des femmes entre 25 et 40 ans, fatiguées de jouer le rôle qu’elles pensent devoir tenir dans une société de plus en plus exigeante. Stéphanie les aide à se (re)découvrir et à exprimer qui elles sont, afin de vivre une vie authentique, qui a du sens et vaut la peine d’être vécue. Alors, si aujourd’hui plus que demain a du sens, prenons le temps en tournant la page de se demander : « Somme nous « bien » - à notre place ?».


l’époque Get out ! un cri primal… Get out ? Mais pour aller où ? Il n’y a pas de refuge pour les descendants d’esclaves, et il n’y en a jamais eu, pas plus aujourd’hui qu’hier… À l’heure où les studios hollywoodiens multiplient les suites et les films de superhéros dans l’espoir de faire de bonnes recettes aux box-offices, un film d’horreur dénonçant le racisme obtient un succès phénoménal et inattendu depuis sa sortie en 24 février dernier aux États-Unis. Produit avec un petit budget (4,5 M$), Get Out a rapidement franchi le cap des 150 millions de dollars de recette aux box-offices américain. Il se situe actuellement au quatrième rang des productions les plus lucratives au box-office américain en 2017. Get Out a aussi permis à son réalisateur, Jordan Peele, de devenir le premier cinéaste et scénariste afro-américain à voir son film dépasser le cap des 100 M$ au box-office. Praticien confirmé de la satire, l’idée de Get Out lui est venue durant les années Obama. Dans un podcast diffusé par Bluzzfeed, il expliquait son idée en ces termes : « Apparemment, nous vivons dans une ère post-raciale. Les gens disaient qu’avec Obama ou pouvoir, le racisme était du passé, que nous n’avions plus besoin d’en parler. Au cas où vous ne le sauriez pas, oui, le racisme existe toujours. C’est ce que j’ai essayé d’évoquer à travers cette histoire ». Sortie sous Trump, Get Out est beaucoup plus qu’un simple thriller. Le film, qui mélange horreur et comédie acerbe, aborde le problème du racisme à travers les mésaventures d’un couple inter-racial. On y suit l’histoire de Chris, un jeune homme noir qui accompagne pour la première fois sa copine dans sa famille. Il est noir et ils sont blancs. Une visite qui se

transformera rapidement en un cauchemar pour Chris, qui se rendra compte qu’il est pris au piège dans une famille raciste. La question du voir - et du bien voir – y est omniprésente : on y perçoit la réalité différemment selon la couleur de peau, on traque avec un appareil photo les faux-semblants; on espionne, on se jauge et on se dupe avec les yeux, mais on y trouve toujours, en fin de compte le miroir de l’âme. Tout se noue et se dénoue autour des regards. « C’est fascinant de constater que pas grand-chose n'a changé. La situation de départ est la même, mon personnage demande à son amie : “Est-ce que tes parents savent que je suis noir ?” Il est dans la même position que Sidney Poitier (ndlr. acteur et réalisateur américano-bahaméen qui a joué dans « Devine qui vient dîner). " Mais il reconnaît, lors d’une interview accordée au Monde, que le film est daté par d'autres aspects : " La manière dont les personnages des parents de ‘‘Devine qui vient dîner’’ réagissent était un peu transgressive à l'époque. Elle relève aujourd'hui d'un antiracisme superficiel, qui se traduit par une remarque comme : “Si Obama avait pu se représenter, j'aurais voté pour lui.” L'équivalent de cette attitude à Hollywood est d'aborder la question raciale à travers le passé, avec des films sur l'esclavage. » Le succès de cet œuvre s’explique par le fait que Jordan Peele aborde de front le problème du racisme sous la forme d’un genre très populaire, le film d’horreur. Certaines scènes font directement écho à des événements qui se sont récemment produits aux États-Unis, comme les crimes racistes commis par les policiers. Sortons de là, oui, il est encore temps. À (re)voir.

ON CRAQUE

« J’ai voulu profiter des élections pour expliquer, à toutes fins utiles, le fond de ma pensée. (…) J’ai essayé de raconter ce qu’on vit aujourd’hui en France collectivement, mais aussi individuellement, ce que peut vivre un jeune homme comme moi à l’orée de l’âge adulte ». Éditorialiste au Point et à RMC Charles Consigny, auteurs des romans « Le Soleil, l’herbe, et une vie à gagner » et « L’Âge tendre », dans son nouvel ouvrage, « Je m’explique, je m’évade», tente de nous livrer un portrait d’époque, avec ses observations personnelles des partis politiques, tout en nous mettant en garde contre les gourous de la politique actuelle et les fantasmes de la révolution. Il mitraille les totems. L'obsession égalitaire, le culte de la diversité, la gauche et la droite qui se rejoignent dans un centre inerte, l'écologisme béat, la censure journalistique, les forces d'inertie qui bloquent tout alors que tout pourrait être possible. C'est un livre de génération, mais également un appel à aller chercher l'énergie d'une certaine jeunesse française, celle des banlieues et des campagnes, qui veut se battre et qui n'a renoncé à rien. Un appel à la laisser travailler, à la payer correctement, à valoriser son envie de réussir. Un réquisitoire contre les pesanteurs d'une nation magnifique et asphyxiante, où tout pourrait aller tellement mieux si l'on y mettait un peu de volonté. C'est en même temps le livre de quelqu'un qui doute, de quelqu'un qui croit au libéralisme tout en étant attaché à ce qui tient la France, ce qui la structure, ce qui en fait un pays rassurant. Voici là, le livre d'un sarko-chiraquien en voie de macronisation qui retrace son parcours, ses origines et son goût pour la société. Un style évident et à la fois accrocheur. Dès 14,00 € chez votre libraire. FOCUS F.W.I - 19


ledécodeur

Les élections législatives françaises qui se sont déroulées en Guadeloupe, n’ont pas fait recette. Le fort taux d’abstention qui a marqué cette consultation (près de 70%) est le signe d’une totale démobilisation des électeurs. Toutefois, chacune des 4 circonscriptions a eu « son » député. Trois parmi eux sont des nouveaux venus : Max Mathiasin, Justine Benin et Olivier Serva. Hélène Vainqueur, quant à elle, avait déjà « gardé » le siège de Victorin Lurel, quand ce dernier s’était laissé tenter par une brève aventure ministérielle sans lendemain et donc en partie responsable de sa chute aux régionales de 2015. Bien avant ces législatives, les partis politiques, tant de l’ex « socle de gauche » que ceux de la Droite conservatrice étaient déjà tous en « kakakok » à la recherche d’un second souffle, voire d’un souffle tout court. Certains auront bien du mal à repartir, alors qu’une échéance politique majeure se profile déjà.

Le Macronisme-Gwada,

maladie infantile d’une « gauche » qui a perdu son socle?

Par DANIK IBRAHIM ZANDWONIS, Directeur de Caribcreolenews.com Rédacteur en chef de www.ztl.tv Photos ÉRIC CORBEL, AFP

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ne Droite sans carburant, mais avec…Pétro! Quand en Guadeloupe le top départ, de la course aux présidentielles françaises a été donné. Les derniers mohicans d’une Droite en totale déconfiture ont tenté de faire mine d’exister. Ainsi, Sonia Pétro la présidente en exercice des LR, sarkozyste jusqu’au bout des ongles, s’est mise en ordre de bataille. On la voyait un peu partout dans les médias, faisant la promo de son Nicolas. Mais les primaires de la Droite et du centre ont très vite remis les pendules à l’heure de la désunion. La victoire inattendue de François Fillon obligeait cette droite très minoritaire en Guadeloupe, à faire corps et mine de se rassembler. Laurent Bernier, secrétaire des LR et sa présidente Sonia Petro, pas toujours en phase, ont essayé de calmer le jeu. Mais ni l’un ni l’autre n’avaient la main ; car dans le sud Basse-Terre, où, se nichent quelques mairies droitistes (Terre-de-haut, Gourbeyre, Vieux-Habitants) ; ce sont les maires de ces communes qui donnaient le tempo. Sonia Petro, bien qu’investie par Paris, comme au bon vieux temps du RPR, n’a jamais pu imposer sa ligne à sa famille politique. Se sentant comme « exclue » des décisions, et voulant à tout prix se présenter aux législatives, elle fut contrainte à démissionner de son poste d’adjointe à la mairie de Basse-Terre. Elle venait ainsi de se suicider politiquement et de laisser la voie libre à Aramis Arbau, maire de Vieux-Habitants, qui avait décidé, lui aussi, d’être candidat. De son côté Lucette Michaux Chevry, rendu aphone par le scandale de la CASBT, ne pouvait en aucun cas se mettre en ordre de marche. Sa fille Marie-Luce Penchard qui avait été jadis très sarkozyste, a dû se rabattre sur Juppé avant de soutenir du bout des lèvres, Fillon le tricheur. Dès lors, le sort de la Droite conservatrice était scellé. Aramis Arbau, n’a pas convaincu dans la 4e circonscription, Sonia Petro, a fait un score peu rassurant pour les municipales à venir, Bernier battu dans la 3e annonçait pour sa part la création d’un nouveau parti. Que reste-t-il des LR ? Une présidente de plus en plus isolée et qui tente vainement d’exister. La « gauche des frères ennemis : Lurel, Gillot, Losbar et Cie. C’est la 2e mandature de Victorin Lurel à la Région qui est, en quelque sorte, responsable de l’’implosion du socle de la gauche. Jusqu’en fin 2013, le PPDG, la Fédération du PS français, et Guadeloupe Unie Socialisme et Réalités (GUSR) constituaient l’essentiel de ce trop fragile « socle ». Victorin Lurel lors de son second mandat à la Région a voulu imposer son leadership personnel et celui du PS sur le socle. Ses divergences avec Jacques Gillot à l’époque Président du Conseil général, notamment sur le timing d’une possible Assemblée unique, ont fini par devenir des querelles avant de se transformer en guerre ouverte. C’est ainsi que progressivement le GUSR s’est écarté du PS. Et quant aux cantonales de 2015, Gillot a été pratiquement humilié par Lurel qui joua la carte Borel Lincertin. C’en était fini de l’alliance PS/GUSR. D’autant que sous la pression du même, le secrétaire de la fédération du PS, Max Mathiasin était contraint à une démission qui ressemblait davantage à un désaveu. Ary Chalus, se disant toujours sans étiquette et sans parti, mais en embuscade, sentant son heure venue, se décida à aller au feu des Régionales. En décembre 2015, il l’emportait très largement sur un PS lurélisé mais déjà très affaibli. En dépit de ses efforts herculéens, Hilaire Brudey nouveau patron du PS, héritant d’un parti exsangue et divisé, n’a jamais pu réussir les miracles souhaités. La défaite de décembre 2015, a sonné le glas du Lurélisme et annonçait déjà celle du Hollandisme en France. C’est alors que la dynamique Chalus, rejoignant celle du GUSR, qui entretemps sentant souffler le vent du macronisme, changeait de dénomination. Exit Guadeloupe Unie Socialisme Réalités, bonjour, Solidaires et Responsables. Ary Chalus, que l’on avait connu sans parti et sans étiquette…précise, se mettait en mode GUSR. On n’a jamais su s’il avait été réellement encarté : mais quelle importance ? Ce qui est sûr, c’est qu’une fois Macron eut fait le ménage au PS et dans le gouvernement Hollande, les macronistes-gwada ont poussé comme des champignons. Serva, Losbar, Perran… On dit même qu’historiquement la première macroniste-gwada aura été Mélina Seymour. C’est dans ce climat Macron compatible que se sont déroulées les législatives qui ont mis à nu la vraie nature du GUSR. Ce parti « plus communal » que « national Guadeloupe » très peu représentatif dans le sud Basse-Terre, n’a pas été d’une immense aide au candidat Arbau. On sait maintenant que

de Goyave à Bouillante, le GUSR est aussi peu connu et inexistant que son candidat Nestor Luce dans la 3e circonscription : c’est dire ! De Baie-Mahault à Deshaies, la très faible représentativité du GUSR a été un handicap majeur pour l’infortuné Nestor Luce. Le GUSR en mode Macron Gwada compatible n’a donc pas réussi à s’imposer dans 3 circo sur 4, est désormais en difficulté, les choix ont été hasardeux : Diana Perran sans expérience et aucun fait d’armes tout comme Nestor Luce ont très largement prouvé qu’un mauvais casting se paie cash en politique. Olivier Serva s’il a remporté une victoire historique aux Abymes, ne la doit pas au GUSR mais plutôt à son implication constante et réelle sur le terrain. Abymien et même au-delà. Aujourd’hui, le GUSR se doit de s’interroger et se voit contraint à abandonner son rêve d’un leadership en Guadeloupe. Ary Chalus qui a avoué n’avoir pas été suivi dans son soutien à Mathiasin, semble lui-même vouloir prendre ses distances du GUSR : ira-t-il jusqu’à créer son propre parti ? Le PPDG de Jacques Bangou n’est pas mieux loti. Son soutien logistique et son implication ont été quasiment invisibles pendant la campagne. Encore un parti très « communal » jadis basé à Pointe-à-Pitre, (époque Génies) qui s’est décentré vers Saint-François, mais n’a pas non plus d’avantage réussi son implantation « nationale » en Guadeloupe. Il y a bien entendu Christian Baptiste à Sainte-Anne, mais est-il plus PPDG que FARDS ? Tous ses derniers communiqués étaient signés de la « Force d’Action et de Développement pour Sainte-Anne ». Est-ce déjà là un signe ? Les autres partis : presque inexistants sur la scène électorale. Que ce soit les Verts Guadeloupe d’Ary Durimel, le PCG de Félix Flémin, ils n’ont pas su tenir la distance, faute de logistique adéquate, faute de militants, donc de moyens, ils n’ont pas pu faire le job sur le terrain et l’absence de résultats probants en est la preuve évidente. Un grand Parti luréliste pour l’Assemblée Unique ? À l’analyse globale de ces élections législatives, on s’aperçoit que la très faible participation de l’électorat peut aussi s’expliquer par l’absence d’implantation de tous ces micros partis, très communaux de la Gauche traditionnelle. En dépit de son affaiblissement il n’y a que la fédération du PS à avoir gardé une certaine représentativité sur le terrain. Lurel qui a sans doute un coup d’avance sur les autres serait lui aussi en « réflexion », pour la création d’une structure moins dépendante de Paris, car l’ex-ministre des dernières colonies, a déjà compris que la ville de Basse-Terre est à prendre et que la question d’une « assemblée unique » est dans l’air, ce sera le prochain grand rendez-vous politique de l’ère macronien, et pour cela, il faudra plus qu’un parti communal …

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BLACK STAGE

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photomood --- UNE ODE À LA FEMME. À l’occasion de la première édition du Salon de la Femme organisé par Cosette Ouali, les 8 et 9 avril derniers, Elie Kuame, le faiseur de mode ivoiro-libanais a choisi de présenter exceptionnellement sa collection Hyper-Femme. Une collection dans l’air du temps, pleine de charme et de chic gravitant tout autour de la Femme. Avec un fil conducteur porteur d’énergie, actuelle, de ceux qui renouvellent avec intelligence et raffinement les lignes de notre époque. Résolument contemporaine, la femme Elie Kuame se pare de mousseline, de soie, de dentelle, de transparence …, avec un élan de romantisme et un soupçon de fantaisie. Pour une allure hyper-féminine, qui nous a vivement séduits. Vous pourrez d’ailleurs admirer sa collection Madame dans notre rubrique mode. Photographe, YVAN CIMADURE - Réalisation, KEN JOSEPH Maquillage, MAKE UP BOX - Coiffure, LES MAINS DE FÉE Modèles : Naomi, Estelle, Mathilda,Pauline - Lieu, GOSIER

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MA BOÎTE À MUSIQUE

FÉFÉ

MAUVE

KENDRICK LAMAR

Après quatre ans d’absence, Féfé nous revient avec un nouvel opus haut en couleur, Mauve, « synthèse entre le rose de la vie et les bleus à l’âme», comme il se plaît à le définir. Une sorte de journal intime dans lequel il se confie sur les étapes difficiles croisées sur sa route. Rap, funk, reggae… L’ex-membre du Saïan Supa Crew mélange les genres avec une énergie et une puissance folle. Parmi les jolis duos de cet album, on retiendra le très rythmé Naija, co-signé avec la chanteuse Ayo. « Aussi fort » et les deux autres duos, avec Tété et M, font aussi partie des moments forts de l’album. Un disque qui nous fait voyager par ses mélodies et réfléchir par ses textes !

DAMN.

Hyper politique, le quatrième album de Kendrick Lamar, « DAMN » est d’ores et déjà l’un des plus grands albums de 2017. Un album corrosif qui hésite entre prêches d’église et cri de douleur dans la lignée de To Pimp a Butterfly, son précédent album. Kendrick Lamar donne le ton dès le premier titre, BLOOD., en évoquant les affrontements sanglants entre la communauté noire et les forces policières qui sévissent aux États-Unis depuis quelques années. BLOOD., et le dernier titre, DUCKWORTH., se font écho en évoquant les meurtres d’américains noirs, dans les rues des États-Unis. Une boucle musicale. Un album dans son temps qui pose la question d’une société qui part en vrille où les limites sont sans cesse repoussées. Entre des morceaux planants, d’autres au flow plus nerveux, Kendrick Lamar varie les ambiances et les mélodies pour un opus éclectique, mais cohérent. Dans le titre DNA., le protégé de Dr Dree règle son compte à la chaîne pro-Trump en rappelant ce que constitue son ADN: « Il est fait de loyauté, de royauté, de morceau 24 - FOCUS F.W.I

de cocaïne gros comme une pièce de monnaie, de paix, de guerre, d’arnaque, d’ambition et de flow…». Sur le LOYALTY., le titre le plus doux où il fait rapper Rihanna, il fait référence à une autre légende du rap new-yorkais, Ol’Dirty du Wu-Tang Clan. Le morceau, baptisé XXX., est l’un des meilleurs moments de l’album et résume à lui-seul le rap complexe que développe Kendrick Lamar depuis Good Kid M.A.A.D City, son deuxième album. Un titre déstructuré sur l’Amérique accompagné de U2, où le chant de Bono semble anecdotique. LOVE. est un égotrip où il compare ses exploits sexuels à ceux de Mike Tyson sur le ring. DAMN. évolue de l’ombre à la lumière, pour mieux s’élever. Un album de réflexions sur la condition humaine, porté par quatorze morceaux aux titres formés sur le même modèle : des capitales et un point final. Comme autant de poings tapés sur la table du rap-game. Un opus profond, qui déroule son propre film.

PLUS POP QUE ROCK

TEXAS

Quatre ans après leur dernier album et leur tournée à succès, Texas vient de sortir Jump On Board, un huitième opus plus pop que rock. The Conversation était nerveux et efficace, Jump On Board est plus coloré, varié. Cet album est une parfaite synthèse de la discographie de son groupe. C’est vrai, ils balaient en 38 minutes toutes les couleurs musicales qu’ils ont expérimentées depuis 1989. Un yo-yo qui pousse Sharleen Spiteri à moduler un peu plus son chant. Texas flirte même du côté du disco avec Let’s Work It Out, une chanson qu’on entend depuis plusieur semaines.


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Costume Brasilia slim-fit structuré, Mango. Montre, Timewalker Carbone Chrono, Montblanc, Grain d’Or. 26 - FOCUS F.W.I


Brother

Jimmy SA VIE SANS FARD Par KEN JOSEPH - Photographe, YVAN CIMADURE Retouches Photos, XAVIER DOLLIN - Stylisme, KEN JOSEPH Réalisation, MIKE MATTHEW - Maquillage MAKE UP FOR EVER Lieu, STUDIO MAKE UP FOR EVER

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S

urprenant, fascinant, parfois problématique. Émouvant, et même bouleversant, mais aussi fuyant. Attractif, courageux. Ingénu. Pur d’apparence, trafiqué dans l’œil d’autrui. On pourrait continuer longtemps le ping-pong des mots afin de saisir la personnalité de Brother Jimmy. La faute au sujet, tant il est illisible et imprévisible, mais pour je ne sais quelle raison, il a décidé de se livrer, et cela, sans fard. Loin de toutes constructions fantaisistes, sans pathos. Oublions Brother Jimmy, le temps d’un moment, et parlons un peu de Bernard Jimmy Pierre-Jean. Car s’il a bousculé le monde de l’audiovisuel et de la pensée en décodant ce « tout monde » par la surexposition de ses moindres facettes, ses failles, ses histoires, ses injustices qu’il nous livre en pâture - quitte à parfois déranger. Il existe bien derrière son activisme une histoire, un homme, un vécu, un récit. Bavard, notre rencontre programmée pour durer une heure aura duré cinq bonnes heures. Il arrive au rendez-vous avec 30 minutes de retard et s’en excuse, abordant une allure qui lui est propre, le visage lumineux, un regard singulier et ses longues dreadlocks - symbole pro-black déambulant le long d’un physique discret, sec et affûté, mais prenant naissance au pourtour d’une tête ma foi bien pleine. Quant aux quelques rides qui marquent son visage, ce sont celles d’un homme de 49 ans que l’on sent épanoui malgré les affres de la vie. Et le temps d’un thé – pour moi un café -, dans un huis-clos, nous voici parti pour une rencontre des plus surprenantes. Bon sang, que dis-je ? Une rencontre émotive où il a su faire sens de la mesure, de l’équilibre et des nuances quitte parfois à se remettre en question, malgré lui. Une tentative du parler vrai, du rejet des mythes et des idéalisations flatteuses et faciles, à l’image d’une Maryse Condé qui dans La vie sans fards a voulu se montrer dans toute la vérité de la nature. Cadet d’une famille de trois enfants, Bernard PierreJean est né en 1967 à l’heure des années Bumidom, dans un foyer modeste de la région pontoise. Scolarisé à Massabielle dès les classes primaires jusqu’à la 6éme, il avait le goût des lettres, des mots et de la rédaction, il adorait les cours de français et également de géographie. À l’époque, il rêvait de devenir volcanologue, il se rappelle d’ailleurs un livre que lui avait acheté sa mère avec le peu de sous, mis de côté : Le grand livre des volcans du monde. Avide de tout, il s’intéressera à la mythologie grecque pour ensuite se laisser grandir par les plumes d’écrivains, de discours engagés et de lyrics « conscients» reggae-raggamuffin qui l’inspireront à devenir l’homme qui l’est aujourd’hui. Dans cet établissement privé catholique, où chaque jour était rythmé par des prières, il a reçu une éducation stricte et les armes nécessaires qui lui permettront d’acquérir un

savoir certain. Réservé à une certaine élite, il dit y avoir fait face à ses premières injustices. « J’ai vite remarqué le comportement de mes profs et de mes camarades à mon égard, non pas parce que j’étais noir, mais parce que je m’appelais Pierre-Jean et que ma mère était fille de salle au CHU ». Il n’était en effet personne dans ce cénacle, car son nom ne portait pas et n’avait point de profondeur dans ce paysage de notable. « C’est sans doute l’une des premières injustices que j’ai vécue ». Il garde en effet en mémoire le traitement de faveur qui était fait à certains de par leurs noms de famille, leurs conditions sociales. Nonobstant, cette iniquité, il s’est accroché en gardant en tête l’objectif que lui avait fixé, voire imposé sa mère : la réussite et l’excellence. « Je suis d’une famille guadeloupéenne née à Haïti et là-bas le devoir de l’excellence est une valeur qui a plus que du sens, et cela, quel que soit le rang social. Ton père ou ta mère peut être jardinier ou femme de ménage, mais ils ont ce rêve de voir leurs enfants réussir et sont prêts à se sacrifier pour cela ». Ces origines haïtiennes, Bernard les revendique au même titre que ses origines guadeloupéennes. Il estime d’ailleurs que quelles que soient les conditions sociales que tout parent se doit de viser l’excellence pour ses enfants. Il n’a jamais connu son père, hormis à travers des récits contés par d’autres, mais savait qui il était. C’est donc naturellement que sa mère a cumulé le poste de mère et de père. Une mère dont il est fier. Femme de valeur dont il admirait le courage, la ténacité, et aimait la douceur de ses bras adorables se refermant autour de lui. Il était bon élève, ce qui faisait la fierté de sa mère, mais une fois sa grande sœur entrée dans la vie active et se retrouvant limitée face aux exigences scolaires de son fils, sa mère toujours hantée par ses valeurs d’excellence et de réussite décide de l’envoyer chez son grand frère. L’autre surdoué, ce génie, celui qui était devenu cadre de la Sécurité sociale, afin qu’il puisse à son tour l’aider à gravir les marches de la réussite. Un frère qu’il admirait de loin, mais qu’il ne connaissait pas vraiment, car parti très tôt du foyer familial. Le voici alors en partance vers le grand continent. Une fois arrivé en métropole, ce nouveau monde, qu’il a appris à apprivoiser, semblait alors lui ouvrir le champ des possibles. Il se sentait fin prêt à respecter ce pacte moral qu’il avait signé avec sa mère : réussir. Émerveillé, « J’adorais le château de Versailles, particulièrement le petit Trianon. C’était un paradis pour moi qui étais féru de culture ». Ce lieu en effet était devenu sa cour, son royaume, son refuge, lieux de toutes les rencontres cosmopolites bien loin du quartier de Miquel où il a grandi. Il y prit ses repères au point que les guides du château le surnommaient le guide noir. Acte prémonitoire ? Why not ! Au côté de son frère, il découvrit la musique dite du monde, la Littérature, les Lettres. Il lira le quotidien le Monde, sous recommandation de ce dernier, afin d’enrichir son vocable. Passionné de football, il s’y adonnait à cœur joie quitte parfois à oublier les recommandations de son frère : rentrer avant 18 heures. « Je jouais, je transpirais, je me sentais vivre. En plein été, je n’avais pas la même notion de ses 18 heures à lui. En Guadeloupe à 18 heures, le soleil se couche alors qu’en France à 21h, il fait encore jour ; donc, je jouais et rentrais à 21h45 ». L’enfance, l’adolescence, a ses odeurs, ces doux parfums d’innocence, de joie, de découverte, d’expérience nouvelle, de promesse et d’inconscience. « Aimez l’enfance ; favorisez ses jeux, ses plaisirs, son aimable instinct. Qui de vous n’a pas regretté quelquefois cet âge où le rire est toujours sur les lèvres et où l’âme est toujours en paix?», écrivait Rousseau dans l’Émile. Mais en dérogeant à cette règle, il fut pour la première fois de sa vie confrontée à ce que nul enfant ne devrait connaître. Oui, il arrive parfois que l’idée de l’enfance se heurte à celle de l’adulte, et transforme ce qui devrait être l’âge d’or en un cauchemar. Et Bernard y a goûté, à son insu. « Je me suis retrouvé enfant battu, il m’a frappé brutalement, il m’a fait saigner, j’avais les tibias ouverts. (…) À ce moment, mon frère a manqué de psychologie et de pédagogie, il a vu rouge. Aujourd’hui, en tant qu’adulte, j’ai voulu comprendre ce qui s’était passé dans sa tête, il s’est sûrement dit comme moi, j’étais en âge d’adolescence qu’il devait me dresser, me mater pour que je ne fasse pas de conneries.

« JE ME SUIS RETROUVÉ ENFANT BATTU, IL M’A FRAPPÉ BRUTALEMENT, IL M’A FAIT SAIGNER... ».

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Chemise slim-fit Ă carreaux et Pantalon jogging en coton, Mango. FOCUS F.W.I - 29


Costume slim-fit structurĂŠ, Chemise slim-fit en coton et cravate Mango. 30 satinĂŠe, - FOCUS F.W.I


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Veste slim-fit structurée, chemise slim-fit en coton et nœud papillon en soie texturé, Mango. Montre, Tank Anglaise, Cartier, Grain d’Or.


Mais mon grand frère n’a pas vécu avec moi, il est parti quand j’avais 7 ans. Il n’a pas vu la relation qui s’était développée dans la famille et surtout avec ma mère. Moi, il fallait me prendre par l’affectif et non par la force et encore moins par la violence. Je n’oublierai jamais cette barre de fer avec laquelle il m’a frappé. (…) J’ai une fille de 18 ans, elle pourrait te dire qu’elle n’a jamais pris des coups de ma part et pourtant j’ai déjà été fâché contre elle. Je préfère être dur avec elle dans mes mots plutôt que par mes gestes. Les mots restent, mais on peut encore échanger après et éclaircir les choses ». En évoquant ce souvenir douloureux, j’ai vu un homme écorché vif et je me suis laissé emporter par l’histoire de l’homme qui se cachait derrière ce militant, cet effronté. « Il n’a jamais échangé avec moi, il m’a frappé. Il aurait dû faire comme ma mère, les rares fois qu’elle me frappait, elle me laissait une heure dans mon coin puis elle venait me voir pour m’expliquer pourquoi elle m’avait frappé et me faisait des câlins. » Ces coups, ces blessures, ces torsions, ces bruits de foisonnement dans sa chair le marqueront à vie et auront un impact sans précédent sur sa trajectoire. « Il n’a pas parlé, il a frappé, il a frappé donc j’ai fui », répète-t-il inlassablement telle une antienne. Se reconstruire après de tels évènements n’est pas si simple, et peut-être encore plus dur quand ils surviennent à un jeune âge, au moment où notre personnalité se construit. « J’ai fugué à 800 m de chez lui, j’ai dormi dans une cage d’escalier le temps d’une nuit, puis je suis allé à l’école le lendemain, mais c’était la première fois que j’allais à l’école sans me laver. Pour le jeune Guadeloupéen que j’étais, cela était inconcevable, je n’étais pas propre, je me sentais sale donc je ne suis pas resté dans l’école. On ne m’a pas élevé comme ça ». Il décide alors de fuguer de tout, de son frère, de l’école, du monde qu’il s’est créé pour prendre ses repères dans une cage d’escalier, qu’il quittera par un appel anonyme à la gendarmerie. Durant ces jours d’errance, il était hors de question pour lui d’en parler à sa mère sous peine de la décevoir, de lui causer du tort, de la voir souffrir. Il se refusait de briser cet engagement moral signé avec elle. « Ma mère m’a dit, ‘‘tu vas partir’’, moi je ne voulais pas partir, ‘‘c’est pour ton avenir mon fils, car je veux que tu réussisses et moi, je ne peux plus te suivre au niveau de ta scolarité’’. (…) Le pacte avec ma mère, c’était d’aller en France pour réussir, il était hors de question pour moi de revenir en Guadeloupe tant que je n’avais pas réussi. Donc si la réussite devait à ce moment passer par des coups-de-poing, cette barre de fer, la DDASS, les foyers, par la déception des autres alors je me devais d’assumer et de faire front ». En vérité pourquoi partir, alors qu’il était déjà dans la lutte ? Celle de sa réussite et de sa propre vie. Son obsession était de rendre fière sa mère, qu’elle ne se sente pas coupable de l’avoir éloigné ; sa personne n’importait plus, il voulait juste contribuer au bonheur de sa mère. Mais la vie, parfois, nous inflige ses champs les plus sombres. Au fil des échanges, j’apprends que sa mère avait déjà eu ses propres souffrances avec ce même frère. « Elle nous l’a caché. Mon grand frère avait quelque chose de bizarre avec ma mère, il lui reprochait quelque chose, je ne savais quoi. Peutêtre un manque d’affection qu’elle manifestait plus naturellement avec moi, car j’étais le dernier ». Dans mon rôle de journaliste, et par mon pseudo trait de « psychologue », j’essaie de le pousser, de le questionner pour déceler le différend entre son frère et sa mère. Il avouera que son frère reprochait à sa mère de l’avoir placé à Saint-Jean Bosco. Il venait donc de là le souci, de Saint-Jean Bosco, ce camp de redressement pour enfants difficiles, cette sorte de croque-mitaine institutionnel que l’on qualifiait de « bagne d’enfants ». « Il n’a jamais accepté que ma mère l’y ait placé, quoique Saint-Jean Bosco l’ait redressé et fait de lui ce qu’il a été, un homme qui avait réussi. À l’époque, c’était une fierté d’être fonctionnaire, je parle là de l’époque des enfants de la génération BUMIDOM ». Si Bernard voit cela comme une chance - en demi-teinte -, il est difficile pour de nombreux enfants placés d’accepter leurs sorts loin de toute stabilité affective, c’est peut-être de là que vient également le conflit entre lui, l’enfant « choyé », et son frère. Mais j’apprends au fil des mots, des heures que son frère avait également porté atteinte à sa mère. « J’ai vu ma mère pleurer dans un coin, elle m’a raconté une fausse histoire et 20 ans plus tard j’ai su qu’il avait frappé ma mère». Un épisode familial sur lequel il ne s’attardera pas. « Je peux accepter ce qu’il m’a fait, mais je n’accepterai jamais ce qu’il a fait à ma mère ».

L

A GRANDE QUÊTE. Après cet incident familial et un passage à la Ddass, il sera placé en foyer d’accueil, puis partira à l’âge de 19 ans dans un foyer de jeunes travailleurs. Dans son livre, Dans l’enfer des foyers, Lyes Louffok raconte son parcours d’enfant placé, jalonné de violence, d’humiliation et de maltraitance. Bernard en connaîtra trois. Des bercails où les plus jeunes sont les cibles des plus grands, où les éducateurs, font la guerre aux enfants et vice-versa. Un lieu où l’instinct de survie prend tout son sens et le supplice de la chaise devient un rituel. Oui, la vie en foyer connaît ses réalités, ses zones d’ombre, mais Bernard lui n’en parle pas ou peu. Il préfère discourir de ses rencontres, de ses échanges… Il séjournait avec des africains, juifs, chrétiens, musulmans, réunionnais – de la génération Debray, réfugiés politiques qui avaient tous une histoire, un vécu, une culture qu’il aimait écouter. « Ils me parlaient de leurs cultures, de leurs modes de vie et de leurs histoires, face à toute cette richesse, je me sentais petit, car je ne savais pas quoi leur offrir de mon histoire, de ma culture… Et c’est à ce moment que j’ai commencé à m’interroger sur mon identité, ma négritude ». Ses résultats scolaires ne sont plus les mêmes que ceux du temps de Massabielle, mais il y fera face grâce à un accompagnement et une volonté de fer. Du foyer au centre de formation, il passera par une période de remise à niveau pour ensuite se former au métier de soudeur. « J’ai eu la chance d’avoir de bons éducateurs et un accompagnement efficace jusqu’au foyer de jeunes travailleurs. (…) J’aimerais qu’en Guadeloupe qu’il y ait ce genre de structure », dit-il tout en déplorant la qualité et le manque d’accompagnement des structures en Guadeloupe. (…) J’étais devenu autonome». Mais c’est au foyer de l’Orfrasière, à Nouzilly, que Bernard se sentira chez-lui, lui qui aimait tant Versailles, pour sa dorure et sa prestance, se retrouvait dans un château alors transformé en un foyer. « Nous étions quatre par chambre, nous avions un jardin, un terrain de foot, un parc, de très bons éducateurs ». Mais sa position « d’enfant valise » n’a su qu’amplifier les traits de l’enfant turbulent qu’il était jadis, au point que Bernard se qualifiait de cas sociaux quand il n’empruntait pas le qualificatif de sauvage. Une forme de déshumanisation sous fond de souffrance qui affectait son discours et son corps ; à la réalité d’une innocence brisée par la tyrannie d’un frère. Un frère dont il taira le nom tout au long de notre entretien. Une façon-là sûrement de le protéger et de lui éviter l’opprobre. Puis viendra le foyer de Beauvais, où il fera la rencontre d’un éducateur antillais. « J’étais sauvage, très turbulent et la rencontre de cet éducateur qui s’avérait être mon cousin paternel m’a beaucoup aidé à me reprendre en main. Il faut dire qu’il a su y faire avec moi ». Toujours dans sa quête identitaire, il entreprendra des recherches afin de se réapproprier sa culture, de la véhiculer aux autres. « J’ai commencé à écouter Kassav, les Aiglons, du Gwo-Ka... Tout le monde au foyer écoutait sa musique donc moi aussi, je voulais leur faire écouter ce qui venait de chez moi. Je voulais m’affirmer en tant que Guadeloupéen ». J’apprends à ce moment que sa sœur Chantal était également du voyage à son arrivée en métropole. « Sans elle, mon frère m’aurait fait pire, (…) il avait une crainte de ma sœur, elle est cool, mais il ne faut pas la chercher. Mon frère a été monstrueux avec moi, mais je pense que ce n’était pas un monstre. J’ai encore de l’affection pour lui. (…) C’est mon frère, c’est ma famille (…) mais je n’oublie pas ». Un frère qu’il revit en 86 lors du baptême de l’aîné de sa sœur, mais avec qui il n’y aura ni échange, ni salut, juste de l’angoisse, une torsion dans le temps. Il s’agissait là d’une tentative de sa sœur de réconciliation qui n’aura certes pas abouti, mais qui aura sans doute évité le pire. « C’était difficile de rester calme, j’étais fier de moi. Mais là où il m’a déçu de nouveau, c’est le 14 août 2001 ». FOCUS F.W.I - 33


B

ernard était dans l’avion, de retour ce moment, il écrira une chanson aux airs raggamuffin, une sorte d’ode à la de New-York quand soudain lui prit raison, une prise de conscience : « Seigneur, je ne veux pas connaître la prison, un grand frisson, une sorte de prétout ce qui m’intéresse, c’est de faire ma progression. (…) Rude boy, il est temps sence inexplicable, une tempête pour nous de changer de direction ». Face au juge, il plaide coupable de ces intérieure qu’il ne comprendra que actes, expliquant ce qui l’avait poussé vers cette solution de facilité. « La juge plus tard. Ils étaient bien plus que a été conciliante. Elle a écouté ce que je faisais musicalement et elle m’a dit : je prévu, ce jour-là, à l’attendre à la ne veux plus vous revoir. Je pense que le fait que je travaillais à également jouer sortie de l’aéroport : membres du en ma faveur ». KSS, proches, parents… Mine défaite, les mots peinent à sortir pour Éclectique, il écoutait de tout, mais portait plus aisément l’oreille sur des lui expliquer l’inexplicable, sans sons reggae. Un style musical né à la fin des années 60, à la Jamaïque, qui doute, l’insurmontable. La scène de prend ses racines dans des contextes sociaux et culturels bourrus. Appala mort annoncée d’un parent est un ru avec l’arrivée de l’esclavage, de la colonisation, des migrations, des inclassique du cinéma (Les invasions fluences des U.S.A., de l’évangélisation, puis de l’indépendance et l’effonbarbares, 2003), des récits (La Présence pure de Christine Bobin), mais aussi drement de l’économie jamaïcaine, des guerres entre partis politiques. de notre imaginaire, comme si, dans l’effort désespéré de nous y préparer. Fruit d’un vaste métissage, elle deviendra un moyen d’extériorisation pour Son retour définitif en Guadeloupe était intimement lié à la peur de cette le peuple. « La musique est la religion et la religion, la musique. Le reggae épreuve. Comme toute rupture, la mort intensifie est une communication, la communication la plus les affects, réveille les conflits et fait ressurgir, dans douce », écrivait Bob Marley. Et comme lui, dans « (…) LES LUTTES un bric-à-brac mouvementé, souvenirs d’enfance ses titres, des chanteurs reggae comme Toots, Éric DANS LESQUELLES JE joyeux, rancœurs et autres nostalgies. Était-ce là le Clapton, Jacob Miller s’inscrivaient par leurs textes, moment de se réconcilier avec ce frère tyrannique, M’INSCRIS N’ONT JAMAIS dans un antagonisme contre tous les préjugés, en de lui pardonner ? Allait-il enfin prononcer les padénonçant l’asservissement injuste, l’intolérance ÉTÉ CONTRE TELLES roles tant attendues ? « Jusqu’à aujourd’hui, il n’est raciale et les conditions de vie misérables. Au-deOU TELLES CHOSES, jamais venu aux obsèques de notre mère, malgré l’aplà du temps passé dans les bibliothèques, dans sa pel de ma sœur. La seule avec qui il était en contact. quête identitaire, c’est bel et bien la musique qui MAIS TOUJOURS POUR Voilà pourquoi c’est impossible que je lui parle à noului apportera bon nombre de réponses. Ce qui siFAIRE CHANGER LES veau. C’est elle qui nous a donné la vie. Après le seigna l’acte de naissance du Militant. Mais de l’autre gneur, c’est elle ». La mort, et pour ceux qui restent, côté du continent, le reggae est en pleine mutation CHOSES, ÉLEVER LES une deuxième naissance symbolique. Dorénavant, sous l’ajout de sonorité électronique et de phraser il y aura toujours un « avant » et un « après ». Et en CONSCIENCES ET PENSER très rapide. C’est Mark Frampton, étudiant domininous laissant désormais la première place sur la liste quais en architecture en 87, plus tard, consul de la UN MEILLEUR VIVRE EN des prochains partants, nos parents nous donnent Dominique à la Martinique, qui lui fera connaître le ENSEMBLE ». là une dernière leçon ; celle de nous découvrir huraggamuffin au point d’en devenir accro, s’en suivra mains, mortels, donc vulnérables, comme eux. Berl’époque des sound systems. « Mon premier sound nard ne craint pas la mort, il se dit prêt… « Mon testament est bouclé, mes system, c’était au métro Robespierre dans un garage, je me souviens de l’amdernières volontés sont déjà établies », me dit-il, pour ensuite m’affirmer qu’il biance, j’ai halluciné. (…) Il y avait plein de personnes dans une salle complècraint tout de même de mourir avant de ne pouvoir accomplir tous ces protement sombre, de grosses enceintes, de la musique à fond. (…) Ce qui m’a le jets. Le comble de l’humain. plus plu ce sont les messages positifs qui étaient portés : le retour en Afrique, « À un moment de ma vie, j’ai connu l’argent facile, mais je ne vendais pas la tant spirituel que physique ; les slogans pro black mais pas anti-blanc. C’était la mort. (…) Ce n’est un secret pour personne, mais je ne souhaite pas en faire revendication de la négritude ». Dans les années 50 à la Jamaïque, les sound l’apologie afin que le petit jeune qui lira cet article ne puisse pas se dire : Regarde systems ont changé la façon d’écouter de la musique, mais aussi de la faire. Jimmy l’a fait et il est à la télé ». Cette période, dont il est peu fier, correspond À cette époque peu de Jamaïquains – exclus par une société colonialiste à une phase de sa vie où il rencontrait des difficultés financières. « Moi, j’ai – pouvaient se payer un poste de radio. Les sound systems étaient alors detoujours travaillé, et cela, dès l’âge de 18 ans, mais à cette période mon patron, venus le seul moyen d’écouter de la musique et de danser. Fédérateur, il ne me payait plus. La France est un pays dans lequel on ne demande pas à prêdeviendra plus tard une sorte de substitut aux journaux télévisés grâce aux ter où le voisin ne t’apportera pas un régime de bananes ». Cette entrave qui interventions d’animateurs ou de chanteurs déclamant des textes revendine devait durer que le temps de faire face à ses difficultés aura duré bien catifs. C’est à cette période qu’il décide de laisser pousser ses dreadlocks, plus longtemps que prévu. « Le problème de l’argent facile est d’en sortir. (…) non pas par effet de mode, mais pour une idéologie et une spiritualité déOn finit par s’habituer à un certain mode de vie ». Il prit goût à cette vie facile, coulant du rastafarisme. « D’autre part, mes dreadlocks sont un hommage aux vêtements, aux chaussures, aux sorties entre amis, aux filles… Il était à l’ancien footballeur Ruud Gullit qui était lui-même rasta et avait dédicacé roi et en bon roi, il se sentait intouchable. Il était un « Rude Boy ». Mais un son ballon d’or en 1987 à Nelson Mandela qui était en prison ». Magasinier à jour, il s’est fait prendre. « Je me suis retrouvé au commissariat du forum des la Fnac import-service, sa passion pour le reggae et le raggamuffin le suiHalles, après un passage à tabac des gendarmes et d’insultes racistes ». Un clavront et feront sens, ce qui lui permettra par la suite de créer un service quement de menottes et une garde à vue. 48 heures durant lesquelles il se Fnac import-service reggae. De ce poste, il observera les mécanismes du retrouva face à sa conscience, seul face à sa foi et où il entamera un jeûne milieu musical qui lui serviront plus tard. Habitué des sound systems, il couplé de prières, à l’instar d’une retraite comme une façon de se repentir. commence à connaître les acteurs de la scène tel que Daddy Yod, Pablo Rude Boy oui, mais il avait la peur de la prison et il savait que par cet acte, il Master, Supa Jhon. « Je me suis retrouvé un jour à prendre le micro et ensuite causerait la peine de sa mère. « C’est vrai, j’avais fauté, mais je ne voulais pas à écrire des textes engagés. C’était l’époque de la cohabitation Mitterrand-Chiconnaître la prison. Je ne voulais pas tomber dans cet engrenage. (…) Je m’étais rac, et je ne mâchais pas mes mots contre cette droite dure, notamment promis d’arrêter quand j’aurais pu sortir la tête de l’eau, mais j’ai continué ». De contre le discours de Chirac sur le bruit et les odeurs en parlant des immigrés ». 34 - FOCUS F.W.I


Polo slim-fit piqué floral et Chino slim-fit texturé, Mango. Basket Stan Smith, Originals, Adidas, Eram.

Après son service militaire, il fit la rencontre de Tonton David - l’un des pionniers avec son titre Peuples du monde présent sur la compilation Rappattitude - qui l’intégrera dans son sound system pour ensuite intégrer les hauts lieux des sound systems parisiens et côtoyer les grands noms : Mc Janik, Daddy Nuttea, Féfé Typical. « Je deviens alors toaster-dj, je commençais à toaster des chansons comme ‘‘Rebel, je le suis, rebel, je le reste, (…) je suis enragé comme tous ces jeunes de cité qui ne supportent plus les bavures policières’’ ». Ses titres étaient toujours empreints de révolte, de dénonciation contre un système qui ne semblait pas les écouter. Il se considérait comme le journaliste de la rue ; la voix des sans voix, des sans-dents. La musique était devenue son arme, son étendard et sa politique. Lui qui à l’époque du foyer avait tendance à se refermer dans sa coquille pour se questionner sur son identité, commençait alors à l’affirmer et l’imposer par ses textes et ses débits saccadés. Il évoluera au sein de différentes formations avec diverses pointures jusqu’au moment où il eut l’idée de réunir ces derniers, sur une même scène, qui était une façon pour lui de faire taire certaines rivalités et prôner ainsi le collectif. « C’était un défi pour moi, que j’ai réussi. D’ailleurs ce sound system a déclenché la plus grande vague de sound system de ces dernières années, nous brassions plus de 2000 personnes par sound. C’était énorme et le 14 août 1993 le sound system Standtall était né». En 1995, il sort le titre Mandela – sur un album Lyrics puissance 4 avec Mc Janick, Modiwo et Jha Mike - et reçoit un appel de RFO qui l’invite à participer à l’émission Partition en Guadeloupe. Il repoussera de deux mois son départ, pour Paris, ceci afin de prendre soin de sa mère. Nostalgique des sound systems de paris, durant cette période, il fera le va-etvient entre la Martinique et la Guadeloupe. « Mais à un moment cela a commencé à couter cher, donc j’ai décidé de créer mon sound system en Guadeloupe ». Ce fut le début du KSS, le Karukéra Sound System à Boissard, avec Pupa Alain, Teddy Selecta, Oliver Stone, Sister Joy…, qui deviendra par la suite l’un des plus célèbres collectifs « Reggae Music » des Antilles.

Cet engouement pour les sound systems, le conduira à rester en Guadeloupe. Passé sous le statut associatif, ils produiront de nombreux albums qui feront émerger de nombreux artistes comme la révélation Admiral T – dont ils feront le plan de carrière jusqu’à sa signature en major. Toujours dans sa démarche de promotion des sound systems, il produira, en 1996, une émission du nom de KSS sur Mornealeau FM, puis Big Up sur Canal 10, afin de montrer au grand public ceux qui faisaient les mots des sound systems et de défaire l’image faite d’eux. « On nous prenait pour des voyous, des racailles. (…) Les gens avaient peur de cette nouvelle vague musicale qui arrivait, on nous donnait mauvaise presse ». L’émission aura duré le temps de 3 saisons, mais il préférera l’arrêter, car les tensions internes au sein de la chaîne ne lui permettaient plus de travailler. Liliane Francil directrice des programmes de RFO le contactera par la suite pour intégrer sa grille. Au bout de deux refus, il acceptera et créera l’émission Réyèl Attitudes, pour laisser la parole aux jeunes sur des thématiques telles que : l’éducation, la violence, la sexualité, etc. Graduellement, il s’est retiré des sound systems pour laisser la place à des jeunes qu’il jugeait plus talentueux, mais il reconnaitra également que ses textes avaient du mal à passer. « Les gens aimaient les sons festifs ; moi je venais avec des textes de conscientisation, j’avais le sentiment d’ennuyer, donc, j’ai déposé le micro. Malheureusement, il y avait aussi beaucoup de rivalité, de jalousie, des incompréhensions… ce qui provoqua la fin du groupe KSS mais pas la fin de nos sound systems. Beaucoup de membres ont craché sur le KSS alors que leurs plus gros succès viennent du KSS ». Et c’est dans les médias qu’il poursuivra cette ambition de dédiaboliser les sound systems et de laisser la parole aux jeunes, mais cela pas sans failles. Sa personnalité, sa dégaine, ont parfois dérangé, on le voyait comme le voyou, le rasta, « vié nèg la ». « Pour beaucoup, un rasta ne devait pas être à la télévision et encore moins à des heures de grande écoute, mes propres collègues ont mené des campagnes de démystification à mon encontre. Nombreuse de mes émissions TV et radios ont été supprimées, malgré de fortes audiences, parce que je dérangeais. Mais j’étais déjà fort mentalement donc je persévérais ». Débarqué de son émission, Réyèl Attitudes, la direction lui proposera de penser à une émission en extérieur. Le voici alors devenu à nouveau, comme dans ses années de toaster-dj en métropole, le journaliste de rue. C’était l’émission Réyèl an Mouvman qui s’arrêtera en 2001, l’année de la disparition de sa mère. « J’ai eu mal, je ne comprenais pas pourquoi on n’arrêtait toutes mes émissions, pourtant, elles cartonnaient toutes ». Limoger de RFO TV, c’est en radio qu’il reviendra avec Reggae Time, pour ensuite succéder à Robert Dieupart, avec l’émission Les Râleurs, un talk-show où les auditeurs pouvaient échanger sur des sujets d’actualité. « Robert Dieupart, c’était un monument de la radio, j’avais beaucoup d’admirations pour lui, (…) ce n’était pas facile pour moi de le succéder, j’ai même dû faire face à des collègues qui ne comprenaient pas pourquoi on m’avait choisi, moi le rasta. Et je peux te dire que même aujourd’hui après 21 ans dans l’audiovisuel, tout en ayant fait mes preuves, et cela, même avec B. World Connection, je continue à déranger ». FOCUS F.W.I - 35


Demin ajusté en toile stretch délavée et Blouson ‘‘Findenza’’ en suédine, Serge Blanco.

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’émission aura également duré trois ans. Au chômage, il décide de créer avec un associé une entreprise de taxi moto, qui ne fera pas long feu à cause d’un partenaire sans doute un peu trop vénal. À ce moment, souffle en Guadeloupe un vent de xénophobie, de haine et de division porté par un démagogue, ayant pignon sur rue. « Je trouvais révoltant les propos d’Ibo Simon, je ne comprenais pas pourquoi un homme, lui-même noir, dévalorisant les noirs et prônant la haine de l’autre pouvait officier sur une chaîne TV et faire des audiences records. Au point qu’il fut candidat à de nombreuses élections locales obtenant parfois 12 % des suffrages. (…) Je ne pouvais pas rester là, inactif et laisser faire. (…) C’est de là que m’est venue l’idée de créer B. World Connection ». Une émission positive, ayant pour objet de conscientiser la population et mettre en lumière des réussites noires du monde sportif, culturel, intellectuel, etc. Une sorte de remède face à l’aliénation, les préjugés et le complexe du noir. « Je suis au côté de Jimmy dès l’idée de B. World Connection et pour moi qui travaillais chez France 2 sur des émissions comme Envoyé Spécial, c’était une opportunité pour moi de travailler sur cette émission qui avait une ligne éditoriale plus libre à caractère instructif, me confiera Philippe Mugerin, le réalisateur de B. World Connection, jugeant les productions outre-Atlantique trop formatées.

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(..) J’ai le sentiment de faire bouger les choses et cela se ressent sur le terrain et lors de nos déplacements. (..) On a longtemps voulu faire de B. World Connection une émission communautaire, mais elle va bien plus loin que ça, car elle apporte tant au Noir qu’au Blanc. Personne n’y est exclu, conclura-t-il. » C’est le footballeur Lilian Thuram – aujourd’hui militant-activiste - qui lui permettra de financer l’émission sur une période de trois ans. Il sera d’ailleurs l’un de ses premiers invités, le 16 avril 2003, au moment même où la polémique sur la colonisation positive enfle un peu partout en France. « Il assurait la prise en charge de l’émission, et je n’oublierai jamais ce qu’il a fait pour nous. Son départ fut très douloureux pour l’équipe, mais nous nous sommes accrochés. (…) nous sommes restés trois ans à travailler sans salaire. Il nous faut plus de 150 000 € par an pour produire l’émission et payer l’équipe. Et même aujourd’hui, après 14 ans d’émission, nous galérons encore pour trouver les fonds. Est-ce que je trouve cela normal ? Non, mais nous irons jusqu’au bout de cette mission ». En 14 ans d’existence, B. World Connection aura reçu des invités de prestige tels que: Cheick Modibo Diarra, Kerry James, Gisèle Pineau, Wyclef Jean, Bernard Lama… Cette Émission l’emmènera dans les quatre coins du monde sur les traces des épopées NOIRES. De ces voyages, il sera touché par la rencontre du Révérend Jesse Jackson avec lequel il liera une complicité sacramentelle. « Je me rappelle que petit ma mère me racontait ces histoires aux côtés de Martin Luther King Jr. Sa rencontre fut pour moi bouleversante. (…) je le considère comme un père spirituel ». Il sera au demeurant à la genèse de la venue du révérend Jackson en Guadeloupe en 2015. « Je n’ai jamais eu de plan carrière, je n’aurais jamais pensé un jour être la télévision et encore moins produire des émissions. Mon parcours est simplement le résultat d’événements. (…) Mon image est secondaire. Un regret ? Surement de ne pas avoir connu mon père ». « On a toujours voulu me mettre dans des cases tout en voulant déformer et réinterpréter mes intentions. (…) Les luttes dans lesquelles je m’inscris n’ont jamais été contre telles ou telles choses, mais toujours pour faire changer les choses, élever les consciences et penser un meilleur vivre en ensemble. » Tout est là, du moins pratiquement tout, car comme a pu l’écrire Joël Des Rosiers, « derrière chaque histoire dite, il y a une histoire plus intime qui demeure non dite ». Ce fut une rencontre sans « concessions » qui fait état d’une vie jonchée d’épreuves, de trauma et de déception qui n’est en somme qu’une quête de soi et la volonté farouche de s’accomplir. Un récit qui laisse entrevoir les fondements de la naissance d’un homme tout en faisant émerger sa conscience militante et son activisme, en devenir. Un destin fait aussi de bonheur et surtout de rencontre qui lui donna les jalons menant à la construction de soi. Somme toute, une démarche universelle. Féru des romans d’Agatha Christie, son parcours de vie pourrait-il s’expliquer par cette phrase de l’auteure tiré dans Le crime du golf : « La malchance est cette justice obscure qui forme les destinées des hommes et ne leur permet point d’éviter les conséquences de leurs actes. » ? En effet, ce tout laisse à méditer sur ses mots de Césaire : « La force de regarder demain ».


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Révolutions en murmures Par STÉPHANIE MELYON REINETTE, Sociologue et Artiviste. Photos LEAH GORDON, URBNSPARK

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N PEU D’HISTOIRE… Les Révolutions Américaine (1776) et Française (1789) sont les premières d’un genre qui se reproduit à l’envie. Sur le fond tout au moins. Elles ont amené respectivement la Déclaration d’Indépendance des 13 colonies britanniques qui firent sédition et sécession par la même pour créer les Etats-Unis d’Amérique, tandis qu’en France, advient la Déclaration des Droits de l’homme et du Citoyen avec l’apparition de la Monarchie constitutionnelle par l’abolition des droits féodaux et des privilèges (enfin apparemment pas vraiment… c’est un autre débat). Les contextes qui ont mené à cette forme de révolution – la forme qui nous est contemporaine – sont caractérisés par une opposition de classes. La pratique révolutionnaire émerge à la fin du 18ème siècle à la croisée de deux phénomènes idéologiques qui émergent : la Démocratie et le Libéralisme / capitalisme… Pour faire vite. Ce seront là les catalyseurs de la pensée de la libération, et de l’autonomisation des peuples. Un bond dans l’histoire nous amène au Capitalisme et aux inégalités croissantes qu’il génère, à la Seconde Guerre Mondiale, la Guerre Froide et les premières approches théoriques de la Révolution pensée par Karl Marx, avec le Marxisme-Léninisme (URSS) et le Maoïsme (Chine). À Berlin, un mur sépare le monde en deux, puis en trois, et pousse ce troisième monde à choisir entre les deux autres camps idéologiques. C’est celle de l’Étoile, de la faucille et du marteau, qui gagnera ces pays, à l’époque dits du ‘Tiers Monde’: ce sera la base des révolutions de libération nationale et pour l’autodétermination. De grands personnages de l’histoire des peuples noirs africains ou de la diaspora africaine auront été imprégnés de cette idéologie : les Black Panthers et le petit livre Rouge de Mao, Thomas Sankara, Fidel Castro, Che Guevara et le communisme, Frantz Fanon et Aimé Césaire, Sonny Rupaire, et tous les autres Frères. Le populisme, le peuple, le populaire. Le pouvoir au peuple, pour le peuple, par le peuple. L’émergence de l’homme nouveau – el hombre nuevo con al arcilla maleable de la juventud (l’homme nouveau avec l’argile malléable de la jeunesse), pour résumer Fidel. Comme illustré, nous n’y échappons pas. Et les fondements de l’idéologie de classe développés dans les discours de nos syndicats s’y trouvent également. Il y a là – comme partout ailleurs dans les colonies vociférantes – la formation de Lumpen-prolétariats et d’armées de libération nationale. Évidemment, la Caraïbe est contaminée par le mouvement libertaire et il y a affrontements avec les classes dominantes. Mais historiquement, la Caraïbe avait déjà connu ses propres révolutions. Aussi, la première grande Révolution caribéenne n’est autre que la Révolution haïtienne initiée par Toussaint Louverture et achevée par Jean-Jacques Dessalines, faisant de Saint-Domingue la Première République Noire du monde. Largement inspiré par les événements qui se produisirent en France, il y eut un soulèvement des es-

claves et ce sera la première révolte d’esclaves aboutissant à une réelle révolution. On peut aussi citer la révolution bolivarienne qui aboutit en 1811 à la Constitution d’indépendance du Vénézuela. Au 20ème siècle, il y a aussi la fameuse révolution cubaine menée par Fidel Castro, Ernesto Che Guevara, Raúl Castro et leurs compañeros. La baie des cochons et la fuite de Batista en 1959 sont également des symboles pour les révolutionnaires franco-caribéens. Dans la colonie française que nous étions, la révolution n’a existé qu’à une période précise, voire deux, et cela au 20ème siècle, et avant relativement au même moment que la Révolution haïtienne. En effet, comme nous le savons, une première abolition de l’Esclavagisme en 1794 en Guadeloupe, sera remise en question par Napoléon Bonaparte qui rétablira le système en 1802, deux ans avant l’indépendance haïtienne. C’est là une période de grands bouleversements dans le monde colonial. Durant la seconde moitié du 18ème siècle et le 19ème siècle, des insurrections et des révoltes éclatent dans toute la Caraïbe : le Marronnage. L’évasion d’esclavagisés créolisés ou encore bossales des plantations, et la constitution de communautés dans les mornes est ce processus de résistance physique qui se fera idéologie de résistance-résilience anticoloniale. Au vingtième siècle, entre les années 1960 et 1990, durant la période de la décolonisation, ce sont des mouvements nationalistes qui émergent avec des organes tels que le GONG, entre autres. Les indépendantistes sont des révoltés certes, mais plus encore des révolutionnaires qui aboutirent presque un accord avec le gouvernement français. La révolution aurait pu être totale, car achevée.

« Le bien-être et le progrès de l’Europe ont été bâtis avec la sueur et les cadavres des nègres, des Arabes, des Indiens et des Jaunes. Cela nous décidons de ne plus l’oublier ».

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a notion du ‘tiens bon’ face à l’oppresseur est un cri de révolte, de résistance et de résilience. Une raison d’être. Un état de vivre. On retrouve dans le slogan ‘la Gwadloup sé tan nou, la Gwadloup a pa ta yo’ la même fibre anticolonialiste voire indépendantiste des syndicats. 2009, une révolte gonfle, une révolution se profile. Et pourtant, le grand changement n’est toujours pas advenu. Il n’y aura pas révolution, mais révolte. Si les deux processus évoquent une attitude de refus de l’autorité d’une entité violente, abusive et outrancière, ou une action accompagnée de violences à travers laquelle une communauté se soulève contre l’ordre établi, la révolution implique nécessairement d’une part, une issue favorable au projet de réforme, d’autre part une changement brusque et brutal dans la structure politique et sociale du pays. Ce qui n’est UNE SOCIÉTÉ DE RÉSISTANCE ? En Guadeloupe l’esprit « Nègre Marron » (Lespwi Nèg Mawon) le cas à aucun moment de nos révoltes les plus connues. est la mentalité et l’idéologie de celui qui s’affranchit du système dominant (post/néo)coloMai 67 n’était pas une non plus. Encore une fois, ce fut une nialiste en place, soit en établissant ses propres lois pour s’émanciper du système (maroon révolte. 2009 et ses 44 jours de grève était une révolution communities en Jamaïque), soit en incarnant un séparatisme idéologique et symbolique larvée, qui vraisemblablement s’amorça sous les aspects (Rastafarisme), soit encore en participant d’un système sclérosant les luttes de classes/ d’une fronde contre l’exploitation outrancière d’une élite races : maitre vs esclaves, Patronat vs « Prolétariat ». Il détermine l’identité du Guadelouséculaire entre autres choses, où émeutes et affrontepéen actuel. La réappropriation culturelle, le revivalisme des racines africaines et la valoriments se sont soldés par des pourparlers axés sur l’acquisition de revenus supplémentaires contre la vie chère sation de notre (pré)histoire de l’Esclavagisation sont les ressorts d’une identité marronne érigée comme « vraie et authentique Guadeloupéanité » (une espèce de diktat aussi arbi(les fameux 200€) plutôt que d’aller vers une négociation de sécession. Mais était-ce le but (de tous) ? Sékou Toutraire qui nie aux autres leurs enracinement, l’identité comme la culture n’étant qu’amalgame et mouvances. Encore un autre débat). Mais quel genre de société cela constitue-t-il ? ré, premier président de la Guinée qui s’était élevé contre La société guadeloupéenne est une société postcol’union-partenariat loniale. Ces sociétés sont des entités généralement avec la France (et ‘‘LA GUADELOUPE EST UNE SOCIÉTÉ DE caractérisées par une structure sociodémographique malgré son mandat RÉVOLTÉS OÙ LA COLÈRE VOLCANIQUE en prise avec les ornières de la plantation : un découcontestable nous le page socio-ethnique croisant races, niveaux écono- GRONDE ET FERMENTE. À CHAQUE CONFLIT citerons), très imprémiques et pouvoir ou classes phénotypico-sociales. Une SOCIAL, LE DISCOURS DE REVENDICATIONS gné de marxisme-léconstruction pyramidale étroitement liée au système ninisme dit « Il ne ÉCONOMIQUES MONTRE DES CONFLITS impérialiste/capitaliste qui lui a donné chair : au somsuffit pas d’écrire un met les békés – comme nous le savons – avec un mo- SOCIAUX AUX ATOURS DE LUTTE DE CLASSE, chant révolutionnaire nopole économique, une couche intermédiaire mupour participer à la ET DE LUTTE ETHNIQUE ’’. lâtre et la base noire, afrodescendante principalement. révolution africaine, il Par ailleurs, c’est une société de résistance : les grands faut faire cette révopersonnages érigés en statues, en symboles de personnalité, sont ceux-là même qui ont lution avec le peuple. Avec le peuple et les chants viendront menés les révoltes d’indépendance. Bien qu’avortées, bien que vaincus, ils restent les symseuls et d’eux-mêmes. (…) Il n’y a aucune place en dehors de boles de notre esprit frondeur, frontal de révoltés en colère : Ignace, Delgrès et Solitude. ce seul combat ni pour l’artiste, ni pour l’intellectuel qui n’est Ce n’est pas un hasard. Ce n’est pas une coïncidence. La Guadeloupe est une société de pas lui-même engagé et totalement mobilisé avec le peuple révoltés où la colère volcanique gronde et fermente. À chaque conflit social, le discours dans le grand combat de l’Afrique et de l’humanité soufde revendications économiques montre des conflits sociaux aux atours de lutte de classe, frante». On parle de l’Afrique, ce pourrait être n’importe et de lutte ethnique. Kenbé rèd fwè ! Kenbé rèd pa moli ! Kenbé rèd douvan misié la ka kenbé quelle colonie: la Guadeloupe ? Une révolution est un profwèt-la ! chantait Guy Konkèt. jet qui doit être commun et sans concessions. 40 - FOCUS F.W.I


Révolutions en Murmures. « Don’t you know they’re talking about a revolution, it sounds like a whisper. While they’re standing in the welfare lines crying at the doorsteps of those armies of salvation Wasting time in the unemployment lines, sitting around waiting for a promotion… » Tracy Chapman chante ces rhymes et touche les esprits de millions, de peuples. « Ne sais-tu pas qu’ils parlent d’une révolution, elle sonne comme/ressemble à un murmure. Tandis qu’ils font la queue devant les bureaux des services sociaux pleurant sur le pas de la porte de ces armées du salut, perdant du temps dans leur queue pour chômeurs, assis autour à attendre une promotion ». Elle décrit la triste réalité des pays en développement pratiquant la politique de la main tendue. Attendre que le gouvernement pallie les problèmes, compter sur les subsides pour vivre, pour sortir des ornières de la pauvreté, voire pour s’élever socialement. L’autre est la réponse à tout. Elle ajoute : « Poor people are gonna rise up and get their shares, poor people are gonna rise up and take what’s theirs… ». « Les pauvres se soulèveront pour prendre leur part, ce qui leur est dû ». Certes. Oui, il y eut des révolutions aux Etats-Unis, en Afrique, dans la Caraïbe. La grande période de la décolonisation voyait des peuples acculés à la pauvreté et au mépris en castes indigentes face à une caste dirigeante, dominante, s’accaparant des richesses et de la pensée. Vivre libre ou mourir est le cri libertaire poussé par Delgrès et ses compagnons à Matouba ! Une injonction à la liberté absolue : car dans la mort point de fers. Il n’y avait pas de demi-mesure, pas de concessions ou de compromission. Ils ne pouvaient être repris et remis dans les fers après avoir goûté à la liberté, au libre-arbitre, au déterminisme absolu et entier, au choix. On retrouve cet absolutisme dans le Hasta la victoria Siempre ! du Che et de la révolution cubaine, ou encore dans le The revolution has begun ! Off the Pigs ! » des Black Panthers. Que dire encore du Jou-la nou ké mété a jounou po ko vwè jou de Sonny Rupaire et des mouvements, sympathisants et acteurs culturels indépendantistes Guadeloupéens ensuite. ? Un absolu. Dans cette entreprise sans réserve, inconditionnelle, Delgrès et ses compagnons se font sauter à Matouba, Rupaire et Fanon rejoignent l’armée de libération algérienne et le Dr Ernesto Guevara dit le Che quitte son Argentine natale pour rejoindre la lucha cubana. Quitter son pays pour poursuivre le rêve d’émancipation d’un autre peuple ? Qui le ferait aujourd’hui ? Je demandai à mon oncle Luc Reinette ce qui l’avait poussé à s’engager dans cette lutte plus grande que lui, plus grande que nous : « je suis un romantique ». Le romantique est ciel qui dominé.e par sa sensibilité, et qui fait montre d’une empathie, d’une compassion, d’une Humanité, d’un Humanisme sans borne, absolus. Car en effet, leur lutte était celle de la libération des « Opprimés » et non de leur seul peuple. De leur seul être. Frantz Fanon, dans Les Damnés de la Terre, écrit : «Le bien-être et le progrès de l’Europe ont été bâtis avec la sueur et les cadavres des nègres, des Arabes, des Indiens et des Jaunes. Cela nous décidons de ne plus l’oublier ». Ainsi, un.e révolutionnaire est un.e romantique qui voue son corps et son âme à la liberté absolue de tous.

nous-mêmes, contre le frère, la sœur. Citons encore Fanon : « Au niveau des individus, on assiste à une véritable négation du bon sens. Alors que le colon ou le policier peuvent, à longueur de journée, frapper le colonisé, l’insulter, le faire mettre à genoux, on verra le colonisé sortir son couteau au moindre regard hostile ou agressif d’un autre colonisé. Car la dernière ressource du colonisé est de défendre sa personnalité face à son congénère. Les luttes tribales ne font que perpétuer de vieilles rancunes enfoncées dans les mémoires. (…) comme si la plongée dans ce sang fraternel permettait de ne pas voir l’obstacle, de renvoyer à plus tard l’option pourtant inévitable, celle qui débouche sur la lutte armée contre le colonialisme ». Nulle apologie de la violence ici. Ou de la lutte armée. Mais la description d’une réalité indéniable : les Freedom fighters n’ont jamais négocié leur émancipation ni leur sédition. Ils ont toujours su qu’il fallait arracher sa liberté à l’oppresseur. La liberté ou la mort. La recette pour une bonne révolution ? Une masse opprimée, déshumanisée, dépersonnalisée, exploitée donc conservant ses forces vives pour le travail ; la confiscation du libre-arbitre et l’imposition d’une système fondé dans l’extranéité (étranger) convoquant une forme d’aliénation ; l’émergence d’une philosophie ou idéologie de libération ; un ou des leaders charismatiques, et une vision claire d’un futur et d’une société de ce peuple, par ce peuple, pour ce peuple. Il semblerait que nous n’ayons pas toutes les conditions réunies à ce jour. Une salve de question pour interroger ce qu’il nous manquerait : souffrons-nous suffisamment pour prétendre nous affranchir totalement du système existant ? Avons-nous la capacité, voire même le désir, de nous projeter dans une forme de société que nous aurions à construire ? Avons-nous une culture de l’entreprise et du « DIY » (Do It Yourself, Fais-le toi-même)? Envisagerions-nous l’étape décisive du prix à payer de l’émancipation comme une étape nécessaire et incontournable ? Fanon d’écrire encore : « L’apothéose de l’indépendance se transforme en malédiction de l’indépendance. La puissance coloniale par des moyens énormes de coercition condamne à la régression la jeune nation. En gros la puissance coloniale dit : « Puisque vous voulez l’indépendance, prenez-la et crevez ». Les dirigeants nationalistes m’ont alors d’autre ressource que de se tourner vers le peuple et de lui demander un effort grandiose». Rappelons Haïti et Cuba… Une révolution et un renouveau gouvernemental et national se font-ils avec l’aide du colonisateur ? Sans doute l’Etat-Providence est-il la solution à tous nos maux. À nos révolutions en murmures… Car incontestablement le renouveau passera par une élite et une population formée à tous les postes clés… Et la vague se profile.

Mais où sont les nouveaux Romantiques ? « Chaque génération doit dans une relative opacité découvrir sa mission, la remplir ou la trahir. » écrivait Fanon, toujours dans les Damnés… Et quelle est notre mission aujourd’hui ? La suite de la Guerre Froide nous la connaissons tous : un mur qui s’écroule à Berlin et des dictatures communistes qui terrifient l’opinion publique, suite à la mise au jour des pratiques dictatoriales, anti-démocratiques et qui chutent elles aussi. Le socialisme se meurt et le capitalisme est érigé en Dieu. L’absolu a changé de camp, car la liberté est dans le dollar, dans la devise. L’accumulation de richesses par la surconsommation est une religion et une idéologie qui priment sur tout le reste. La valeur première est du sonnant et du trébuchant, et elle se conjugue avec un individualisme morbide et mortifère. Ce qu’il reste des grandes idées révolutionnaires communistes c’est une lutte de classes sociales, phénotypico-sociale dans notre cas. Sans minimiser les volontés d’améliorer nos sociétés, le romantisme est pour ainsi dire mort. Par ailleurs, on entend souvent dire que rien n’est possible de construire ici car nos propres frères nous mettraient des bâtons dans les roues. Notre alter ego n’est pas digne et éligible à la réussite car ce serait l’apanage des dominants qi ne sont pas « nous ». ce sont « eux ». Yo. La violence omniprésente bien qu’insidieuse, est dirigée par intermittence contre le colon ou ses représentants et représentations symboliques, mais aussi contre FOCUS F.W.I - 41


LA FIN D’UN ORDRE CLASSIQUE ?

Par KEN JOSEPH ET MARC LANTIN - Photos GETTY, REUTERS/PHILIPPE WOJAZER, POOL

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i droite, ni gauche… Emmanuel Macron et Marine Le Pen sont arrivés en tête du premier tour de l’élection présidentielle, le 22 avril dernier, conformément à ce qu’annonçaient les sondages depuis plusieurs semaines. Ils ont donc éliminé de la course François Fillon et Benoît Hamon, qui étaient pourtant les candidats des deux principales formations politiques du pays. Pour la première fois dans l’histoire de la Ve République, en effet, ni la droite, ni la gauche traditionnelle ne sont parvenues à accéder au second tour. Mais l’échec est d’autant plus cinglant pour la droite républicaine, car pour la première fois, depuis la réélection au suffrage universel direct du général de Gaulle, en 1965, elle n’a pas su accéder au second tour d’une élection présidentielle. La gauche de gouvernement avait, de son côté, connu pareille mésaventure, en 2002, lorsque son candidat Lionel Jospin avait été éjecté du premier tour au profit de Jean-Marie Le Pen. Mais le résultat famélique de Benoît Hamon – 6,2 % des suffrages exprimés pour une formation pourtant encore aux manettes - signe une des plus cuisantes des débâcles depuis la présidentielle de 1969. Un désastre qui n’a pas vraiment surpris, alors même que cette campagne avait déjà été jusqu’à ce moment-là celle de toutes les surprises. Il y a encore neuf mois, la plupart des observateurs du monde politique s’apprêtaient d’ailleurs à rejouer le match de 2012. Le président sortant, François Hollande, devait représenter la gauche, malgré un bilan extrêmement critiqué. Quant à Nicolas Sarkozy, à droite, il attendait sa revanche avec impatience après sa défaite de 2012. Mais le premier, confronté à une fronde sans précédent, a préféré renoncer à briguer un nouveau mandat. Le second, quant à lui, a été éliminé dès le premier tour de la primaire de la droite. Et même leurs dauphins les mieux placés sur le papier, Alain Juppé et Manuel Valls, n’ont pas su convaincre dans leur camp respectifs, éclipsés par François Fillon et Benoît Hamon. Deux candidats qui ont chacun remporté avec brio leur primaire, et ce qui devait être une parfaite rampe de lancement s’est avéré être un prolapsus. Alors qu’Emmanuel Macron porté par un mouvement ayant à peine une année d’existence, a réussi à se hisser au second tour et devenir le 8e président de la Ve République, face à un FN faisant florès. Mais comment expliquer que des rouleaux compresseurs comme le Parti socialiste et Les Républicains, pourtant aguerris aux joutes électorales, ont échoué aussi lamentablement ?

Novembre 2016, François Fillon remporte triomphalement et sans coup férir la primaire de la droite et du centre, terrassant le favori des sondages Alain Juppé. Loué pour sa rigueur et son « courage de la vérité », l’ancien locataire de Matignon aborde l’échéance présidentielle dans la peau du grandissime favori. Crédité à 30% des voix au sortir de l’année 2016, ce confortable matelas va fondre comme neige au soleil dès les prémices de 2017, suite aux révélations successives des emplois présumés fictifs de sa femme Pénélope et de ses enfants. Sans oublier « l’affaire » des costumes de Robert Bourgi couplée à la volonté indéfectible de François Fillon de ne pas renoncer et s’accrocher à une candidature qui ressemblait, déjà, à s’y méprendre à une course perdue d’avance. Jusqu’au bout, il aura fait part de sa certitude d’être au second tour, tout comme Édouard Balladur en 1995 ou encore Lionel Jospin en 2002. Non, la victoire n’est jamais chose acquise. Il serait toutefois lourd de croire que « les affaires » soient le seul facteur de cet échec. En effet, la droite paye à cet égard quarante années d’égarement idéologique. Elle est arrivée épuisée en 2017, épuisée de courir après la gauche, épuisée de naviguer sans cap, épuisée de ne pas s’être enracinée dans une identité à la fois culturelle et idéologique. Et surtout épuisée par ces nombreux hommes providentiels qui ont causé sa perte. Issu, comme lui, d’une primaire ouverte à l’ensemble des citoyens, Benoît Hamon, ancien ministre de l’Éducation, a également vaincu, sans trop de difficultés, le favori désigné de ce scrutin, un autre ancien Premier ministre, Manuel Valls. Tout comme François Fillon, l’ancien patron du Mouvement des jeunes socialistes va essuyer les désillusions et « les couteaux dans le dos » de sa propre famille politique dont les membres les plus éminents ont fait le choix de rejoindre la cohorte des marcheurs d’Emmanuel Macron, tels que François Patriat, Gérard Collomb et Richard Ferrand, laissant Benoît Hamon face à sa solitude, face à lui-même. Le frondeur aurait-il été à son tour frondé ?

‘‘POUR LA PREMIÈRE FOIS DANS L’HISTOIRE DE LA VE RÉPUBLIQUE, (…), NI LA DROITE, NI LA GAUCHE TRADITIONNELLE NE SONT PARVENUES À ACCÉDER AU SECOND TOUR ‘‘.

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faite, on l’assume tous. » François Hollande émettait a déroute des primaires. « LES PRIMAIRES déjà quelques réserves quant à la pertinence de ce Innovation démocratique DÉSIGNENT UN système le 13 avril dernier, dans une interview acadoptée pour combattre cordée au journal Le Point. Il y critiquait la tenue des le discrédit des partis, les CANDIDAT QUI N’EST primaires de la gauche de janvier : « Je pensais qu’il primaires semblaient pourPAS FORCÉMENT LE n’y en aurait pas parce qu’elle n’avait pas lieu d’être. tant être un processus inéIl ne doit plus y avoir de primaire dans des partis luctable. « Elles s’inscrivent LEADER DE SON PARTI (…) de gouvernement, sinon il n’y aura bientôt plus de pardans un mouvement général de démocratisation de la vie ET N’A PAS LA MAÎTRISE ti de gouvernement dans ce pays. » D’après Adélaïde Zulfikarpasic, directrice de BVA Opinion, l’échec des politique, c’est presque le sens de l’histoire, explique le chercheur Éric Treille – coau- DE SA MAJORITÉ. CELA NE vainqueurs des primaires à la présidentielle peut teur du livre « Les primaires ouvertes en France ». C’est PEUT PRODUIRE QUE DES s’expliquer par deux raisons. « Premièrement, ces primaires sont de véritables machines à attirer les didevenu, et pas seulement en France, le nouveau mode PRÉSIDENTS FAIBLES ». visions. Il y a toute une phase d’opposition pendant standard de désignation des candidats. Au point qu’il laquelle les candidats se critiquent entre eux, et après paraît difficile de revenir en arrière ». Elles ont d’ailleurs parfaitement joué leur rôle puisque dans la foulée des scrutins, les tout ça, une fois que les primaires sont terminées, ils cherchent à se rassembler, vainqueurs ont bénéficié d’une dynamique immédiate dans les sondages. alors qu’ils se sont discrédités entre eux. L’autre raison, c’est que chacun des canEn revanche, ce que personne n’attendait, ce sont les résultats. Emmanuel didats n’a pas su faire le nécessaire pour rassembler, que ce soit dans son parti Macron avait dit « Les primaires, c’est aller à la corrida ». Mais il est difficile de ou à l’extérieur de celui-ci », a-t-elle expliqué ». L’autre problème majeur des dire si c’est le mode de sélection qui a produit ce résultat ou un désir plus primaires réside dans un système trop rigide. Car malgré les différentes afprofond de renouvellement de la classe politique, qui dans le cas de François faires dans lesquelles il s’est retrouvé impliqué, conjugué aux réticences de Fillon comme celui Benoît Hamon ont désigné ceux qui n’étaient pas présen- son camp, François Fillon ne pouvait plus faire marche arrière. Même au sein tés a priori comme favoris. Pour Pierre-Yves Chicot, avocat à la Cour, Maître de son propre camp, personne n’osait prendre le flambeau. Difficile de s’autode conférence de droit public en Guadeloupe, les primaires présenteraient proclamer nouveau candidat de son parti, alors que l’on n’a pas légitimement un risque de schisme « Tout d’abord, la voie toujours possible de candidatures à été choisi par ses électeurs, et de remettre en cause la légitimité de celui qui l’élection présidentielle en dehors du parti ou de son obédience de pensée ou en- l’a été. core le refus dissimulé ou ostensible de se rallier au candidat investi par le corps Alors pourquoi ça a fonctionné en 2012, mais pas cette année ? En 2012, le PS électoral de la primaire. » Notons également que dans le cadre des primaires, était motivé par un objectif commun. Celui de faire front à Nicolas Sarkozy, le corps électoral n’est pas celui qui vote aux élections, ce qui n’aide pas les et de reprendre le pouvoir délaissé à la droite depuis près de 30 ans. Pour candidats, qui ont conçu leur programme en fonction de ces électeurs, à atteindre cet objectif, les candidats de la primaire de la gauche avaient mis s’adresser ensuite à un public plus large et à construire des majorités pour leurs divergences de côté, les avaient rendues discrètes, et s’étaient tous ralgouverner. « Une absurdité » affirme même de son côté Pascal Jan, professeur liés à François Hollande après sa victoire. Cette année, l’ambition n’était plus de droit public à Bordeaux. « Les primaires désignent un candidat qui n’est pas la même. Pour les socialistes, le combat était au sein même du parti divisé forcément le leader de son parti – il y est même parfois minoritaire comme Be- par des divergences trop marquées, entre frondeurs et soutiens de Manuel noît Hamon – et n’a pas la maîtrise de sa majorité. Cela ne peut produire que des Valls. Si la victoire de Benoît Hamon était légitime du point de vue des élecprésidents faibles. C’est ce qui s’est passé avec François Hollande », regrette-t-il. teurs, elle ne l’était pas au sein du PS, dont la majorité des candidats à la Il reproche également la personnalisation à outrance d’un scrutin qui affai- primaire n’a pas tenu sa parole de soutien au vainqueur et a quitté le navire, blit le rôle des partis, notamment dans leur dimension programmatique. « Il notamment pour rejoindre Emmanuel Macron. Même son de cloche chez les y a dans ces primaires une logique très politique qui a oublié l’objectif qui est la Républicains, dont une partie des membres s’est désolidarisée de François capacité du candidat à gouverner », poursuit-il. Les partis politiques, qui ont Fillon, pour des divergences d’opinions, mais surtout pour les affaires dans accepté ce processus parce qu’ils en maîtrisaient les règles, ont fini par en lesquelles il était plongé. Selon le politologue Philippe Moreau Chevrolet perdre le contrôle. Et qu’elles soient de la droite, de la Belle Alliance populaire l’échec du PS et de la droite est l’échec d’une génération de dirigeants qui ou encore chez les écologistes, les primaires qui devaient faire émerger le n’ont pas saisi dans quel pays ils vivaient. « Ces responsables n’ont pas compris futur président du pays ont toute échoué. Jean-Pierre Raffarin, du parti Les les exigences de transparence, de responsabilité, de renouvellement des FranRépublicains, l’a reconnu au micro de RTL, « Je pense qu’on a fait une erreur çais. Les partis politiques en tant que tels sont morts. On se dirige à présent vers avec les primaires, moi j’avais voté contre. (…) Mais quand on est dans une dé- des structures plus mouvantes ». 44 - FOCUS F.W.I


Le PS, dans la vallée de la mort... Crédité au sortir de la primaire de la « Belle Alliance populaire » de 14-16% des intentions de vote, Benoît Hamon a, finalement, enregistré un score trois fois inférieur à celui de Jean-Luc Mélenchon, qui lui a enregistré 19,58% des suffrages exprimés. Une claque. Dès son discours après la défaite, Benoît Hamon a dit mesurer « la sanction historique (…) exprimée envers le PS ». Son score, le deuxième le plus faible de l’histoire des socialistes après les 5,01% de Gaston Defferre en 1969, n’a pas totalement surpris les cadres du parti. Car, depuis l’élection de François Hollande « lui président de la République », en 2012, le PS est en proie à de féroces luttes internes. En cause, l’affrontement de trois lignes difficiles à concilier. D’une part, celle incarnée par les « frondeurs » proches de Benoît Hamon, d’autre part ceux qui à l’instar de Stéphane le Foll, souhaitant un PS social-démocrate, dans la ligne de François Hollande. Et enfin, le courant Valls, à l’aile droite, avec lequel la rupture semble consommée. Les doutes qui entourent l’avenir du parti sont tels que de nombreux socialistes quittent le navire. Certains, à l’instar de Christophe Castaner ou encore Stéphane Travert ont rallié En Marche ! avant même le premier tour. Un mouvement qui s’est amplifié au lendemain de la victoire d’Emmanuel Macron au vu des législatives.

gauche, nombreux sont les cadres du PS à voir en lui l’un des responsables de l’échec de Benoît Hamon. Mais pour l’intéressé la campagne de Benoît Hamon était en elle-même le problème. « Quand on mène une campagne d’extrême gauche, on ne récolte que ce qu’on a semé ». D’autre part, il semble assumé pleinement son choix pour Emmanuel Macron, « J’ai assumé mes responsabilités […]. Il y a eu des responsables gouvernementaux qui ont été incapables de donner leur avis avant le premier tour et qui après, la minute près, disaient : ‘‘Il faut faire barrage au Front National’’. Enfin la belle affaire… Je n’ai pas de regret.» Enregistrant ainsi l’acte de décès du Parti socialiste, Manuel Valls regrette que rien n’ait été fait plus tôt. « Nous n’avons pas été capables de changer de nom, de nous dépasser, de changer de nature. » Changer le nom du PS, une obsession pour l’ancien locataire de Matignon qui l’avait déjà proposé en 2007, 2011 et en 2014, s’attirant à chaque fois des volées de bois vert.

Non rien de rien, il ne regrette rien... « Incontestablement, c’est la fin d’un cycle, la fin d’une histoire, nous le répétons depuis des années. Je fais attention aux mots, mais c’est la fin d’une histoire», a indiqué Manuel Valls sur France Inter. Alors que le PS est de plus en plus divisé entre plusieurs lignes politiques, le député d’Évry estime que ces « contradictions » ne peuvent plus durer. « Ceux qui ne partagent pas les mêmes idées, ceux qui ne sont pas d’accord sur l’Europe, l’économie, l’entreprise ou la laïcité… Peuvent-ils être dans la même Politique ? Personnellement, je ne crois pas», a indiqué l’ex-chef du gouvernement Hollande. Pour sa part, Christiane Taubira, icône controversée de la gauche, au-delà des différences prône la concertation. «Nous étions nous la gauche, nous sommes au pouvoir. Nous savons que la gauche est composée de sensibilités différentes. Il y avait quatre groupes de gauche au Parlement. C’est une réalité. Et une réalité consubstantielle même à la gauche, je dirai même à la politique. Parce qu’il y a aussi des nuances à l’intérieur du camp de la droite républicaine. Donc ce n’est pas comme ça (via une primaire) qu’il fallait y aller. Cela fait un an que je le dis. Il fallait travailler ensemble à construire ce que nous allions dire aux Français, aussi bien en terme d’action conduite au gouvernement et au parlement, qu’en terme d’engagement pour continuer d’améliorer la vie des uns et des autres». Par son appel à voter pour Emmanuel Macron et par son mépris de la charte de la primaire de la

Alors que l’élection présidentielle est désormais derrière nous, que retiendra-t-on de la droite et de la gauche ? Le revenu universel de Benoît Hamon ou encore la suppression de 500.000 emplois de fonctionnaires préconisée par François Fillon ? Ni plus ni moins. Les deux candidats ont, en effet, donné l’impression de n’avoir rien d’autre à proposer. Ainsi, les Français ont donc mis un terme à cette « façon » de faire de la politique. Et renvoyé les deux candidats « officiels » à leurs tourments. Reste à savoir quel sera l’avenir du PS tiraillé entre « le France Insoumise » et « la République En Marche ». Ce « 21 avril » bis marque l’affaiblissement historique de la gauche dans son ensemble et la disparition d’une histoire d’idéaux. Un boulevard pour JeanLuc Mélenchon ? Ou encore pour Christiane Taubira, Martine Aubry et Anne Hidalgo qui ont créé le parti « Dès demain ». D’autre part, quel sera le sort du parti Les Républicains éliminé aux portes du second tour, malgré le score honorable de François Fillon ? Alors que la nomination d’Édouard Philippe à MaLes primaires ouvertes tignon semble accentuer un peu plus le parti entre un courant en France, Rémi Lefèbre modéré, désireux de coopérer avec le nouveau chef de l’État et et Eric Treille, Presses une aile dure, prête à la confrontation. Et que dire des législaUniversaitaires Rennes, 2016 tives ? Enfin, comme l’écrit Bruno Gaccio dans Les 100 derniers jours du parti socialiste, « Ça n’est pas si grave la mort d’un parti. Les 100 derniers jours du Tout est mortel ». Mais n’est-ce pas aller un peu vite en besogne Parti Socialiste, Bruno que de parler de la fin du PS et de la droite ? Gaccio, LLL, 2017

« ÇA N’EST PAS SI GRAVE LA MORT D’UN PARTI. TOUT EST MORTEL ».

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LE JEUNE LOUP DE BALZAC. « Sky’s the limit », le ciel est la limite affirmait Emmanuel Macron lorsqu’il a engagé sa marche vers l’Elysée. Pourtant, personne à ce moment-là n’imaginait sa qualification au second tour et encore moins sa victoire au soir du 7 mai. Mais par force de ténacité, de culot et grâce à quelques coups de pouce du destin, à 39 ans, l’ancien ministre de l’Economie Emmanuel Macron est devenu le président de la République avec 66,06% des suffrages contre Marine Le Pen au sortir d’un second tour dominé par la plus forte abstention depuis 1969.

Par KEN JOSEPH ET SALOMÉ. B - Photos KCS, ETIENNE LAURENT/AFP, PATRICK AVETURIER

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Chronologie d’une ascension macronique. Peu après 21h, Emmanuel Macron s’est exprimé depuis son QG, situé dans le XVe arrondissement de la capitale. « Vous avez choisi de m’accorder votre confiance et je tiens à vous exprimer ma profonde gratitude. […] Je connais les difficultés économiques, les fractures sociales, les impasses démocratiques, l’affaiblissement moral. Je sais la colère, l’anxiété, les doutes d’une grande partie d’entre vous ont exprimé. Il est de ma responsabilité de les entendre. […] Je ne me laisserai arrêter par aucun obstacle. J’agirai avec détermination et dans le respect de chacun. Car par le travail, l’école, la culture, nous construirons un avenir meilleur ». 22h30. Le jeune loup traverse la cour du Palais-Royal d’un pas lent, le visage grave, marchant dans le faisceau des projecteurs qui lui ouvrent la voie, tandis que l’Ode à la joie, l’hymne européen, fait battre la place du Louvre. Il s’agit ici de passer de l’ombre à la lumière et de marquer le changement de pouvoir. Une longue, très longue marche solitaire illustrant certainement « la solitude du pouvoir ». Lui qui disait vouloir renouer avec une présidence solennelle, « jupitérienne », après que ses deux prédécesseurs ont abîmé la fonction, met ainsi en scène ses premiers pas en emboîtant ceux de François Mitterrand. En effet, l’ancien président socialiste avait lui aussi marché seul sous la coupole du Panthéon, le 21 mai 1981, sur l’air de la 9e symphonie de Beethoven pour fleurir les tombeaux de Jean Jaurès, Jean Moulin et Victor Schœlcher, à coup de roses rouges. Autre hommage. Faut-il rappeler que tout comme lui Valéry Giscard d’Estaing était inspecteur des Finances et ministre de l’Economie ? Et qu’à l’époque, Bercy avait son palais dans cette aile du Louvre, le long de laquelle Macron a accompli sa marche nocturne. Ce même Giscard qui comme lui l’a fait, embrassait le rêve de rassembler « deux Français sur trois », pour tenter de casser l’opposition droite-gauche autour d’une proposition identique : le libéralisme mâtiné de conscience sociale. Conscience des symboles ? Et voici, que le huitième président de la Ve République, le plus jeune des vingt-cinq, arrive sur l’estrade, les bras levés au ciel et lance : « Ce que nous avons fait […], tout le monde nous disait que c’était impossible, mais il ne connaissait pas la France ! ». Et à cela je rajouterais, qu’ils ne connaissaient pas l’homme… FOCUS F.W.I - 49


Jamais un homme politique n’est allé aussi vite aussi haut. Certains destins sont façonnés par un échec. Celui du nouveau président de la République a sans doute pris son envol ici, à l’ombre de la place du Panthéon où il débarque en classe de terminale à la rentrée scolaire de 1995. Pour tout élève débarqué de province, passer son baccalauréat au Lycée Henry-IV a valeur de tremplin. Élève brillant, excellant particulièrement en lettres, dévorant les classiques. « Emmanuel Macron en savait plus que la moitié des profs du collège. Il adorait ‘les Nourritures terrestres’ de Gide, ‘le Roi des Aulnes’ de Tournier ou ‘le Rivage des Syrtes’ de Gracq », confit l’un de ses anciens camarades à L’Obs. Ses compagnons du lycée parisien, où il obtient un bac S avec la mention très bien, se souviennent d’un étudiant « sympathique », qui aimait faire des mots d’esprit et citer les blagues des Inconnus. Un ancien de sa promotion raconte: « Il avait une maturité incroyable. Il était copain avec tous les professeurs de prépa et très peu avec nous ». Après les classes préparatoires littéraires de khâgne et hypokhâgne, puis l’École normale supérieure où il échoue à deux reprises au concours de Normale. Le jeune prodige ne se démontra pas et poursuivra son cursus par un DEA de philosophie politique à l’université de Nanterre avant d’intégrer Science Po Paris en 2001. C’est à cette période qu’il fait la connaissance de Paul Ricœur. « Je ne me voyais pas attendre quarante ans avant de réaliser des choses. J’avais envie de vivre ! », déclare-t-il dans un entretien accordé à L’Obs. Et pour réaliser « ces choses », il fit son entrée à l’ENA dans la promotion Léopold Sédar Senghor que le Monde qualifie de « cuvée d’exception », d’où il intègre le corps de l’inspection des Finances en 2004. Politiquement, il se cherche encore. Après deux ans au mouvement de Jean-Pierre Chevènement, le MRG, il rencontre au début des années 2000 l’homme d’affaires Henry Hermand, qui deviendra son mentor et l’introduira auprès de Michel Rocard. « Quelques mois avant qu’il ne rejoigne Rothschild, j’ai pris un petit-déjeuner avec lui et je l’ai senti dans l’expectative, détaille Julien Aubert, sorti en même temps que lui de l’école et à l’époque député. Je lui ai demandé s’il allait intégrer un cabinet chez Sarko, il m’a répondu : ‘Ça, non, sûrement pas.’ C’était la première fois que je réalisais qu’il était de gauche ». Encarté trois ans au PS, Emmanuel Macron se greffe à cette filiation sociale-démocrate. Il prend goût à la politique. L’homme a trouvé sa voie.

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ais là encore, il ne se voit pas attendre des années pour gravir les échelons. Son accélérateur de carrière, ce sera la Commission Attali en 2007 pour la libération de la croissance française – mise en place par Nicolas Sarkozy- où il a en charge de proposer des réformes libérales. Il sera d’ailleurs, par la suite, propulsé rapporteur général adjoint. L’opportunité pour lui d’étoffer son carnet d’adresses, d’observer comment des personnalités de bords différents peuvent trouver des terrains d’entente et, sur le fond, de puiser des idées qui inspireront son futur programme présidentiel. Jacques Attali n’est pas le seul à avoir repéré le talentueux énarque, aussi aimable et séduisant que faisant montre d’une confiance en soi désarmante. Alain Minc aussi, qui conseille au « petit Macron », comme il l’appelle, de passer un temps chez Rothschild, l’une des banques d’affaires les plus influentes en France. Ainsi, en 2008, il devient banquier d’affaire. Un épisode qui marquera tant sa vie professionnelle que son image, d’ailleurs ses détracteurs durant la campagne n’ont cessé de le renvoyer à son passé de banquier. Chez Rothschild, il gravit rapidement les échelons et se fait remarquer par quelques faits d’armes, comme la négociation du rachat de Pfizer par Nestlé en 2012. « Avec ce mélange, rarissime,

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surtout à un si jeune âge, de rapidité intellectuelle, de puissance de travail, de sûreté dans le jugement et de charme, il aurait été, s’il était resté dans le métier, un des meilleurs en France, sans doute même d’Europe », a dit de lui François Henrot, directeur de la banque Rothschild, dans Rue 89. Mais l’intrépide Emmanuel Macron a décidément la bougeotte et quitte Rothschild, pour rejoindre François Hollande, qui se prépare à la présidentielle, en tant que conseiller économique, sous les recommandations de Jean-Pierre Jouyet. L’apprenti politique ne s’éloignera pas de lui, « Monsieur 3 % ». Du moins, pas encore. Son premier bureau à l’Elysée, il l’occupe en 2012 comme secrétaire général adjoint. Mais le trentenaire est frustré que ses idées, jugées trop libérales, ne soient pas davantage écoutées. Frustré de rester dans l’ombre. La lumière, il la trouvera deux ans plus tard, lorsque le président Hollande le nomme ministre de l’Economie, en remplacement d’Arnaud Montebourg. « Le Puceau », comme certains l’appellent au PS veut un ministère plein. Jackpot. Ministre de l’Economie, de l’Industrie et du Numérique, il ne sera pas en effet sous la férule de Michel Sapin, en charge des Finances. Ce sera entre eux une guérilla larvée. Avec le soutien des médias et la complicité amusée d’un président ravi d’avoir, croit-il, favorisé l’éclosion d’une « créature » susceptible de le servir. Ce ministère sera son véritable tremplin et la « forge » d’En Marche !. Il devient dès lors l’un des ministres les plus populaires du gouvernement. Plébiscité par les patrons de start-up, il représente pour beaucoup de Français, le renouveau de la classe politique. « Il possède l’incroyable capacité à donner l’impression d’être proche de son interlocuteur. Il nimbe toutes ses relations professionnelles d’une chaleur, d’une attention à l’autre bien peu commune dans les sphères du pouvoir », dit de lui Anne Fulda auteur d’Emmanuel Macron, un jeune homme si parfait. Bon orateur, il s’affiche volontiers dans les médias et n’hésite pas à sortir du cadre, via ses déclarations sur les 35 heures par exemple. Quitte à hérisser une partie du PS. Michel Sapin, hollandais de la première heure, n’apprécie guère le locataire de Bercy, qu’il juge envahissant et bruyant. « Avec Macron, tu penses que tu vas ajouter une dent à ton râteau, mais tu vas te prendre le râteau dans le nez », confie-t-il à son ami François Hollande. Son passage à Bercy est également marqué par la loi qui porte son nom. Elle entraîne là aussi des réformes qui sont loin de faire l’unanimité : libéralisation du transport en autocar, liberté d’installation des notaires, extension des ouvertures le dimanche pour les commerçants, accélération des procédures devant la justice prud’homale ou modification des règles du licenciement collectif. Idéologiquement, il est social-réformiste. Dans son rôle de conseiller à l’Elysée déjà, il sommait François hollande de sortir de l’ambiguïté, ce que le président n’a fait qu’en janvier 2014 avec le pacte de responsabilité. Faisant fi des tabous du PS, Macron affiche ainsi un réformisme progressiste, dans le prolongement d’un Michel Rocard. Enfin, l’homme est apparu comme l’un des rares responsables politiques à comprendre que l’économie mondiale changeait de logiciel.

« JE NE ME VOYAIS PAS ATTENDRE QUARANTE ANS AVANT DE RÉALISER DES CHOSES. J’AVAIS ENVIE DE VIVRE ! »


Révolution, Emmanuel Macron, XO, 2016 Emmanuel Macron, unejeune homme si parfait, Anne Fuda, Plon, 2017 Vol de nuit, Antoine de saintExupéry, Gallimard, 1972

Multipliant les déclarations transgressives, il crée son mouvement En Marche! en avril 2015, alors qu’il est encore ministre, « celui-ci n’est ni de gauche, ni de droite », affirme-t-il lors d’une réunion citoyenne à Amiens, même si « on essaiera toujours de le mettre dans une case ». Il précise que le mouvement est « ouvert », et que « les clivages sont obsolètes et nous empêchent à beaucoup d’égards ». Le ministre ajoute : « Je suis d’un gouvernement de gauche et je l’assume totalement avec les valeurs auxquelles je crois et qui me caractérisent. Mais je veux travailler avec des gens qui se sentent aujourd’hui à droite, aussi ». Fils de médecins picard, Macron affirmera plus tard que son engagement socialiste lui a été légué par sa grand-mère dite Manette. « Ce n’est pas un mouvement pour avoir un énième candidat de plus à la présidentielle, ce n’est pas ma priorité aujourd’hui. Ma priorité, c’est la situation du pays », insiste-t-il. Mais la suite, on la connaît. Sur le site du mouvement au moment du lancement, une vidéo prétend qu’« il faudrait que ça bouge. Il faudrait essayer des idées neuves, aller plus loin, oser, en finir avec l’immobilisme » face au « mal français. Le mal d’un pays sclérosé par les blocages ». Alors, quelles solutions ? Se mettre en marche « car on ne fera pas la France de demain sans faire place aux idées neuves, sans audace, sans esprit d’invention. On ne fera pas la France de demain en restant isolé de ce nouveau monde à la fois inquiétant et plein d’opportunités. On ne fera pas la France de demain sans faire place à une génération nouvelle, combative, entreprenante, audacieuse et belle », conclut le clip. Dans Vol de nuit, Antoine de Saint-Exupéry écrit : « dans la vie, il n’y a pas de solutions. Il y a des forces en marche : il faut les créer et les solutions suivent ». Est-ce de là que lui vient la notion d’En Marche! ? Les observateurs du monde politique comprennent alors que l’homme a des ambitions présidentielles. Mais Emmanuel Macron entretient le suspense. Il pense que François Hollande, très affaibli dans les sondages, ne se représentera pas à la présidentielle. Lui, à ce moment, ne se considère plus comme « l’obligé » de François Hollande, comme il le déclare, en 2016, pour marquer le début de son émancipation politique. À ce moment, la question n’est pas plus de savoir s’il va démissionner, mais quand. Le fondateur d’En marche ! croit plus que jamais en lui-même. Et brûle toutes les étapes pour se lancer dans la présidentielle. Fin août 2016, il démissionne de Bercy : trop d’obstacles, trop de frustrations et trop d’opportunités. Mais

ce n’est que le 16 novembre de la même année, qu’il se déclare candidat à l’élection présidentielle. Un traître ? Non. « Je pense que Macron a eu l’intuition, précisément parce qu’il était extérieur à la vie politique traditionnelle, que les partis de gouvernement avaient créé leurs propres faiblesses, avaient perdu leur propre attractivité, étaient, pour reprendre un vieux mot, usés, fatigués, vieillis », confiait récemment François Hollande. Et désormais affranchi de ses parrains et protecteurs, le voilà l’« obligé » de tous les Français. Dès le début de sa campagne, le candidat d’En Marche ! poursuit sa stratégie « ni droite ni gauche ». « Sa force réside dans sa nature hétérodoxe, au-delà des camps retranchés idéologiques, privilégiant un état d’esprit positif », déclarait à sons propos Daniel Cohn-Bendit, dans une tribune du Monde. Il incarne le libéralisme de gauche, est pro-européen, tout en voulant prendre en compte « la France périphérique » … Mais il tarde à présenter un programme avec des propositions concrètes. Télégénique et percutant dans les débats télévisés, Emmanuel Macron ne cesse de monter dans les sondages. Depuis mars, toutes les enquêtes le créditent d’entre 22 et 26 % des intentions de vote au premier tour. Il parvient aussi à rassembler des poids lourds de droite comme de gauche. Ses détracteurs lui reprocheront son flou politique jusqu’à la fin de la campagne du premier tour, les autres candidats feront de lui leurs cibles privilégiées, il fut malgré tout le favori jusqu’aux derniers jours du scrutin. La preuve de son obstination fut faite le 7 mai 2017 à 20h00 et confirmée lors des législatives en obtenant la majorité absolue. Météore politique, Emmanuel Macron a parsemé sons ascension-éclair de références littéraires et philosophiques. Féru de lectures depuis son adolescence, le nouveau chef de l’État s’est installé en président plus romanesque que jamais. D’ailleurs pour lui, la politique et la littérature, sont intimement et profondément liées. « Il est impossible d’établir un lien entre le réel et la transcendance sans passer par l’écriture », confie-t-il à L’Obs dans un entretien accordé en février dernier. Dans son livre Révolution, il écrit : à 16 ans, « je venais habiter [Paris] des lieux qui n’existaient que dans les romans, j’empruntais les chemins des personnages de Faubert, Hugo. J’étais porté par l’ambition dévorante des jeunes loups de Balzac ». FOCUS F.W.I - 51


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Brigitte Macron, la part non négociable ? Par LEILA. B - Photos, GETTY, AFP

Les Français l’ont découverte le 2 juin 2015, sur le perron de l’Elysée, lors d’un dîner d’Etat en honneur du roi Felipe d’Espagne. Dès lors, leur histoire a passionné les foules et fait l’objet de toutes les rumeurs et curiosités. Parce qu’elle a 24 ans de plus, parce qu’ils s’aiment et le montrent. Et surtout parce que leur histoire ne ressemble à aucune autre dans la vie politique française. Mais là où est la différence avec ce qui se raconte, c’est qu’elle n’aurait jamais eu Emmanuel Macron dans sa classe en tant qu’élève, c’est sa fille Laurence qui était en classe avec lui. S’il fut élu, le 7 mai dernier, à la plus haute magistrature, elle, on le sait moins, a joué un rôle unique et essentiel auprès de lui. Elle est à la fois « ses yeux et ses oreilles », son lien avec la société. 52 - FOCUS F.W.I

adette d’une famille de six enfants, Brigitte Macron est née en 1953 à l’heure de la folie yéyé, dans une famille de la bourgeoisie amiénoise célèbre pour leur chocolaterie, conservatrice et pilier du Rotary. À Amiens, la chocolaterie Trogneux est en effet une institution qui se transmet depuis cinq générations. Blonde aux yeux bleus, elle adore danser, s’amuser. Dans sa chambre, elle accroche des posters de Clint Eastwood et des Rolling Stones. Son père, Jean Trogneux, a toléré ce qu’il n’a jamais accepté avec ses autres enfants. Les premiers sont des enfants de la guerre, qui ont connu les privations et le manque de tout. Elle avait le droit de sortir, elle, et de porter des jeans. Dans ce paysage familial de la haute bourgeoisie, Brigitte ne semble manquer de rien. Si ce n’est d’amour. Un manque d’attention né de sa différence d’âge, l’isolant de ses frères et sœurs. Si rétrospectivement la nouvelle Première Dame garde un souvenir heureux de son enfance, elle confie toutefois, en 2016, dans VSD à Philippe Besson, proche du couple Macron, avoir souffert d’une « fêlure existentielle » et avoir été « une adolescente en souffrance ». De ces années difficiles, la future professeure de français tire la force de devenir très vite adulte. Et a à peine 20 ans, elle épouse son premier mari André-Louis Auzière. De cette union, naîtront trois enfants : Sébastien, Laurence et Tiphaine, ce qui vaut au jeune président de la République d’être grand-père par alliance de sept petits-enfants. Brigitte fait ses études à Lille, puis à Strasbourg. Elle chérit les classiques, Baudelaire, Rimbaud, Beaumarchais. Adore le « Don Juan » de Molière pour son coté « libre-penseur ». Mais celui qu’elle met sur un piédestal, c’est Flaubert, la critique de la médiocrité bourgeoise dans « Bouvard et Pécuchet », le portait d’Emma Bovary, son ennui, ses rêves de princesse. De cette passion pour les lettres, elle deviendra professeure de français. Elle enseignera à la Providence, à Amiens, où elle croisera pendant les ateliers de théâtre, qu’elle dirige, le jeune Macron. Il est en Première et elle âgée de 41 ans. Ensemble, ils mettront en scène un texte du dramaturge italien Eduardo De Filippo. Brigitte sera vite séduite par l’intellect du jeune Macron. « Écrire avec lui, c’était extraordinaire, raconte-t-elle, plus de vingt ans plus tard, à un ami qui l’interroge sur leur rencontre. J’avais l’impression de travailler avec Mozart… ». Ils se plaisent. Dans le livre révélation, Les Macrons, consacré au couple « hors normes » dont L’Express a décrypté et publié les bonnes feuilles des journalistes Caroline Derrien et Candice Nedelec. Brigitte réfute toute aventure du temps où elle le dirigeait aux ateliers de théâtre, avant d’évoquer le début de leur histoire : « Je ne l’ai jamais vécue comme une transgression. (…) Je ne l’ai jamais considéré comme un élève ». Mais dans cette ville de province, où tout se sait, où tout se voit, il n’est pas simple pour une femme mariée, mère, d’aimer un homme de vingt ans plus jeune qu’elle. Qui peut dire ce qu’elle a subi, les reproches, les colères, les anathèmes, dans sa famille et parmi ses proches ? D’ailleurs, les parents d’Emmanuel Macron s’opposeront à leur histoire d’amour naissante allant jusqu’à l’éloigner d’Amiens pour Paris. Mais, déjà à ce moment Brigitte joue un rôle prédominant dans l’avenir d’Emmanuel en le recommandant au Lycée Henry-IV, la crème de la crème. En partance pour Paris, Emmanuel Macron lui aurait dit : «Vous ne vous débarrasserez pas de moi, je reviendrais et je vous épouserais ». Et la suite, on la connaît. « L’amour a tout emporté sur son passage et m’a conduite au divorce. Impossible de le résister », confie-t-elle au magazine Paris Match. Et par respect pour ses parents, issus d’un monde où le divorce est une hérésie et la peur du qu’en-dira-t-on une religion, elle attend leurs décès avant d’acter officiellement sa séparation. Il lui faudra dix ans pour divorcer et rompre avec les siens.


Les 164km qui les séparent n’y feront rien. Le couple finit par se retrouver à Paris, où Brigitte enseigne au très huppé lycée jésuite Saint-Louis de Gonzague. « C’était une prof exceptionnelle, souligne Laurent Poupart, l’actuel directeur. Une femme de culture inouïe, joyeuse, enthousiaste, dynamique, attachée à obtenir de chaque élève le meilleur de lui-même. Un tourbillon. Jamais blasée, jamais dans la routine ». Obtenir, le meilleur, c’est ce qu’elle fera avec Emmanuel Macron alors en marche vers sa destinée. De son côté, il excelle et gravite dans les plus hautes sphère et laisse de côté le qu’en-dira-t-on. Mais si les critiques n’ont pas réussi à désespérer l’amoureux transi, il en garde néanmoins un souvenir très amer. « On se fait taper de tous les côtés, confesse l’épouse à L’Express. C’est comme ça, je l’ai choisi. On aurait pu changer de mode de fonctionnement, mais on a décidé de ne pas le faire ». Les Macron, envers et contre tous ? Brigitte Macron suit la progression vertigineuse du jeune prodige, qui gravit à tour de marche les échelons jusqu’à prendre la tête de Bercy. À cette même période, elle se met en disponibilité de l’Éducation nationale pour se consacrer au futur leader d’En Marche !. « Sans cela, je ne le verrais jamais », avoue-t-elle à Paris Match en 2015. En peu de temps, elle a dû improviser. « Il y a encore trois ans, elle ne connaissait rien à la politique, elle avance à marche forcée, explique Philippe Besson. Elle continue à être désorientée par la violence de ce monde. » Il lui aura notamment fallu faire face aux rumeurs d’homosexualité de son mari et aux allusions désagréables sur leur différence d’âge. « J’ai cessé de vouloir rectifier, démêler le vrai du faux, c’est sans fin ». Mais en quelques mois, celle que les Français découvrent à la une de magazine conseille, accompagne et oriente celui qui deviendra le plus jeune président

de la République. Femme de l’ombre passée à la lumière, toujours souriante, présente aussi bien lors des réunions de cabinets à Bercy, qu’au comité de pilotage d’En Marche !, où elle n’hésite pas à donner son avis sur des sujets d’actualité. Elle gère son agenda personnel, organise des dîners avec des personnalités pour garnir leur carnet d’adresses. Mme Macron déjeune avec Jacques Attali pour parler de ses propositions économiques. Mme Macron fait passer les messages d’Henry Hermand, autre mentor – et mécène - de son mari. Mme Macron fait. À l’annonce de la candidature de son mari à la Présidentielle, elle se transforme alors en chef d’orchestre. Et c’est bien ensemble que les Macrons ont décidé de faire campagne, parce que Brigitte Macron joue sa propre partition. Si Brigitte ne figure pas sur l’organigramme du mouvement En Marche !, elle travaille bel et bien au côté de son mari. « Emmanuel Macron a eu trois maîtres à penser : le philosophe Paul Ricœur, Michel Rocard et Brigitte. Les deux premiers sont morts. Elle est la seule pour laquelle il a du respect intellectuel. Il lui confie tout. », révèle un proche à L’Obs. Elle est « la part non-négociable de son époux », pas d’Emmanuel sans Brigitte. « Elle est là parce qu’elle m’accompagne. Parce qu’elle contribue à une autre ambiance et c’est important. (…) Son avis m’importe, elle y passe beaucoup de temps », confiait Emmanuel Macron sur le plateau du Supplément de Canal +. La professeure de français relit les discours (« si moi, je ne comprends pas, personne ne comprendra »), épluche la presse, le suit lors de ses déplacements (« il y a des choses qui se disent plus facilement à une femme »). Toute la journée, elle note sur son ordinateur portable ce qu’elle entend, ses idées et ses suggestions. Et chaque soir, c’est un rituel, le couple « débriefe ». Elle le conseille également sur ses choix vestimentaires, prend des bains de foule en son nom. La politique n’est pas son sujet. La victoire de son mari, en revanche, est son combat. Au sein d’En Marche !, certains s’agacent de la croiser si souvent, redoutant les effets dans l’opinion du mélange vie privée et vie publique – une confusion des genres à l’« Obama » dont le couple Macron s’est fait une spécialité. Mais la plupart des conseillers louent le naturel de Brigitte Macron, sa liberté de ton et la facilité avec laquelle elle se laisse aborder. Comme le souligne la journaliste Alix Bouilhaguet dans son ouvrage, Le Couloir de Madame : « Brigitte a mûri le rôle qu’elle veut avoir, elle a choisi de mettre en lumière son mari, de l’épauler. Comme Michelle Obama l’a fait avec Barack ». Le seul souci de Brigitte Macron, son irréductible ennemi, le combat qu’elle a perdu d’avance, c’est… le temps qui passe. Elle s’en amuse souvent devant ses proches : « Il faut qu’Emmanuel réussisse maintenant. Vous imaginez la tête que j’aurais en 2022 ». Une forme d’autodérision, une manière de justifier l’urgence et cette réalité que lui renvoie ce tout monde.

« Emmanuel Macron a eu trois maîtres à penser (…). Les deux premiers étant morts. Elle est la seule pour qui il a du respect intellectuel. Il lui confit tout ».

Aujourd’hui, la figure de Brigitte Macron humanise son époux parfois perçu comme trop lisse ou trop rigide. Au soir du second tour, au Louvre, une partie des yeux était tournée vers la nouvelle Première Dame. Comme si la valeur d’un professeur se mesurait à la personnalité de ses élèves. Son mari a prévenu : « Elle aura un rôle, un vrai statut et une capacité à faire ». Et qui peut, ne serait-ce qu’un instant douter de ses « capacités à faire » et de son flair. Ne dit-on pas que derrière chaque homme se cache une grande femme ? You Welcome Brigitte. FOCUS F.W.I - 53


C Les extrêmes…

et nous Par VINCENT TACITA - Photos AFP, S.LAGOUTTE

La campagne des présidentielles est terminée et un nouveau messie est à la tête de la République française. A voir l’engouement que suscite le marcheur en chef, nul doute qu’il a entièrement raison de se qualifier lui-même de Jupitérien (si, si, je demande au lecteur curieux de rechercher par lui-même ce qu’Emmanuel Macron entend par là). Quoiqu’il en soit, les électeurs, à la recherche d’un nouveau souffle, souhaitant donner une leçon aux vieux politiques et en même temps dans l’attente d’un homme providentiel ont validé au second tour de la présidentielle le bulletin de vote du nouvel Obama. Il est vrai que la victoire a été rendue facile au nouveau venu : le candidat des Républicains, très largement choisi lors des primaires de son parti, a fait en sorte, en se maintenant malgré des affaires, SES affaires d’affaiblir considérablement son parti ; le président sortant, François Hollande ne s’est pas représenté ; les primaires de la belle alliance ont consacré Benoit Hamon, honni (puis lâché) par la gauche gouvernementale. S’essuyant sur le pacte le liant à son parti, Manuel Valls a publiquement annoncé qu’il votait Valls dès le 1er tour : le fameux « vote utile » était alors la règle. D’autres, sans l’avoir annoncé publiquement, en on fait de même. Le président sortant fut de ceux-ci. Et puis il est beauuuuuu <3. En conséquence, le benjamin de la compétition s’est retrouvé opposé au Front National et à sa présidente, Marine Le Pen. Marine Le Pen ? 54 - FOCUS F.W.I

’est vrai que nous avons connu un quinquennat Hollande au cours duquel les politiques (incompatibilité pour les Roms de s’intégrer en France selon Manuel Valls, déchéance de la nationalité par François Hollande, esclavage partage de civilisation selon Fillon) et les médias et leurs commentateurs (unes consacrées au péril islamiste, danger du communautarisme en France...) s’en sont donnés à cœur joie. Ça a si bien marché que tout le monde s’est habitué à la présence d’une Le Pen au 2nd tour de l’élection présidentielle. Beaucoup d’enquêtes d’opinion la plaçaient même en 1ère position sans que personne ne s’en émeuve outre mesure. Philippot, Alliot, les filles Le Pen, Collard étaient conviés à la table des médias pour être les idiots utiles du système. Mieux, les candidats de gauche étaient jugés au mieux candides ou naïfs, au pire extrémistes, aussi dangereux que le FN. Malérèzman, pour lui et ses supporters le FN n’a pas réussi à atteindre son objectif qui était de rassembler au moins 40% des suffrages au second tour. Ce score était tellement décevant qu’il a sans doute provoqué le retrait de Marion Maréchal Le Pen (vraisemblablement pour mieux revenir) et l’ire du père Le Pen. Il ne pouvait pas en être autrement de toutes façons : ce parti n’est en aucune façon prêt à gouverner, puisqu’il ne s’appuie pour prospérer que sur de la colère, du ressentiment. Le débat de l’entre 2 tours l’a illustré de façon caricaturale : le Front National, représenté par sa candidate (donc son meilleur élément, imajinéw si sété on dòt moun !) s’est tiré, comme prévu, une belle balle dans le pied. Les 16 millions de téléspectateurs se sont vite rendus compte de la vacuité programmatique de ce parti, mais également de sa non crédibilité à accéder à une quelconque responsabilité. Les vrais racistes et xénophobes de tout poil en sont pour leur compte : yo menm ki yo menm mèt yo ka douté. Ceux qui se sentent déclassés, mis sur le côté, rejetés à cause de ce monde qui va trop vite et qui ont voté FN pourront toujours regarder du côté d’une autre offre politique. « En même temps » (l’expression est certes Jupitérienne, mais aussi consacrée), le parti a, malgré la mise à nue de son vide programmatique sidéral, réussi à coaliser 34% des votants... dont 25 % au second tour en Guadeloupe. Trente-trois mille (33 000 !) personnes inscrites sur les listes électorales en Guadeloupe ont donc, au 2nd tour, glissé un bulletin de vote FN dans une urne. Diantre ! On a donc assisté à une progression fulgurante, extraordinaire du FN. En décembre 2015, ce parti a magistralement obtenu...1,48 % des suffrages au 1er tour des élections régionales (avec un taux de participation flirtant avec les 50 %). Certes, d’autres idées tout aussi nauséabondes étaient présentes, puisque Henri Yoyotte a fait 1,5 % lors de ces mêmes élections. L’extrême droite a donc, au total, rassemblé moins de 3 % des votants, il y a seulement quelques mois sur l’élection locale majeure. Là, lors d’un scrutin national, avec moins de participation, cette même idéologie semble gangréner l’esprit de plus de 13 % de votants au récent 1er tour.


Que s’est-il passé en 1,5 ans en Guadeloupe pour que le score de l’extrême droite y soit multiplié par 10, que celui de l’extrême droite soit multiplié par 4 ? Les votants sont-ils différents ? Ils ne voteraient donc pas lors des régionales, locales, mais pour les présidentielles ? Qui sont-ils donc? On pourrait penser que les électeurs guadeloupéens ont alors été touchés... par la disgrâce. Une autre hypothèse est que les mêmes propos nauséabonds, mais tenus par la papesse nationale, plus exposée, plus médiatique donc plus crédible aux yeux de certains ont davantage d’impact sur l’opinion publique locale. Et elle conserve cette crédibilité malgré l’inanité de ses propos que tout le monde, y compris ici a pu écouter. En d’autres termes, le vote LePéniste (mais on le savait peut-être déjà) n’est pas forcément une question d’adhésion au sérieux du programme, mais d’adhésion à la personnalité qu’incarne le Pen et/ou le FN. En passant, on serait curieux de voir le score qu’aurait réalisé ici la boutiquière du FN si elle était venue faire campagne chez nous. Ki vlé di, sé nonm doubout la ki té ka di dènyéman « Nou vlé pa Le Pen an Gwadloup » té ni rézon : plus on est exposé aux discours fétides (et faciles) tenus par ces extrémistes-là, plus certains d’entre nous se laissent enfumer par cette idéologie. C’est donc ici en maintenant que l’on doit s’interroger sur le score du FN en Guadeloupe lors des présidentielles. Car à l’évidence, ce n’est que lors de ce scrutin des présidentielles que les électeurs ont un besoin subit de pousser les feux de l’extrême droite. Je me souviens avec effroi d’une conversation d’avant le 1er tour avec des jeunes lycéennes de Baimbridge ne souffrant d’aucune exclusion : « (...),c’est la 1ère fois que nous allons voter, nous allons choisir Marine ! ». Après un bref passage aux urgences hospitalières je me suis empressé de leur demander la raison de leur choix : « c’est une femme et on comprend ce qu’elle dit». Mésyé ! Il y a 30 ans, alors que j’étais en terminale, dans le même lycée, je déchirais consciencieusement les affiches de celui qui est brossé aujourd’hui comme un humaniste, mais qui avait eu le tort, à mes yeux, d’avoir parlé de « bruits et des odeurs » .... Pa menm té ni afich a le FN o péyi a lépòk la sa. Alors évidemment, on a le droit de woukler contre les politiques traditionnels, ceux qui se repassent le plat, ceux qui fragilisent toujours les plus faibles. Ceux qui servent leurs intérêts particuliers dans leurs fonctions tout en donnant dans des discours sentencieux (Maréchal nous voilà...). Mé kant menm ! L’offre politique est suffisamment large ! De Artaud, Poutou, Lassale à Mélenchon pour exprimer un besoin de davantage de justice sociale. Nou pa oblijé voté pou moun ki pa ka sipòté sa nou yé paskè nou nèg (afriken lèw vwè nou an Fwans), zendyen (SriLanké), chaben oben milat (arab...). Malik Oussékine n’est pas si loin et même si les followers excités du FN n’ont pas le monopole du racisme ou du rejet de l’autre, force est de constater que c’est chez eux que la parole est la plus libérée ...

A moins que... A moins que les citoyens n’oublient quel est l’ADN du FN. A moins que ce parti, qui a le droit de cité bien évidemment ne soit exposé et considéré comme un autre parti. Là-dessus, la paresse des journalistes est criante. Ici comme ailleurs, sur les plateaux TV, dans la presse écrite, le FN est régulièrement invité à développer ses idées. Et pourquoi pas? Ici même un jeune Guadeloupéen a expliqué son choix du FN avec des arguments qui ne tiennent pas une seconde non pas face à un contradicteur, mais simplement à la lumière crue de la réalité des faits. Mais non, le jeune homme propre sur lui (et donc bankable) n’a jamais été challengé sur...les faits. Il manquerait donc, y compris à nos professionnels, une éducation à l’interview politique (à moins qu’il ne s’agisse de courage ?) afin que le souci d’objectivité n’empêche pas le questionnement. Et si le politainment démocratise la chose politique, il faut au moins en profiter pour que les sujets de fonds soient traités, en laissant un peu de temps aux débatteurs (hein Guadeloupe 1ère ? Un effort please !). A moins que la xénophobie (et non le racisme) continue de faire son lit ici lors des présidentielles. Tous nos malheurs viendraient des haïtiens, des dominiquais, des dominicains qui nous envahiraient (alors que notre pays se vide...). Assez bizarrement, cette xénophobie et/ou ce rejet de l’autre ne s’illustrerait dans les urnes que lors des présidentielles, et non lors des régionales qui connaissent, on l’a vu, un taux de participation plus élevé. A moins que le corps électoral s’exprimant lors de ces 2 scrutins ne soit légèrement différent, certains ne se déplaçant que pour les présidentielles, les scrutins locaux ne les intéressant pas.

Ki vlé di, sé nonm doubout la ki té ka di dènyéman « Nou vlé pa Le Pen an Gwadloup » té ni rézon : plus on est

Si cette xénophobie prend ici, ce n’est que de notre responsabilité, collectivement. C’est pour cette raison que nous nous devons d’échanger, d’humaniser, de recréer du lien social, d’expliquer. Tout le temps. Pas simplement entre 2 tours d’élections. La challenge est rude : il y a une réelle détresse, il y a des citoyens intimement persuadés que le politique ne sert à rien, il y a des distractions télénovélisées... Pourtant, des pays proches du notre, dans la caraïbe, ne connaissent pas ces votes extrémistes. Est-ce parce que le fait de faire pays est un ciment assez fort pour permettre à leur population d’être suffisamment fière ou optimiste, est-ce parce qu’ils ont mis des moyens, beaucoup de moyens dans l’éducation, y compris populaire (le cas de la Barbade est assez intéressant à ce propos) ? Le fait est que ça marche! Et si nous regardions de ce côté-là, que nous nous faisions confiance, et que nous faisions confiance à l’avenir ?

exposé aux discours fétides (et faciles) tenus par ces extrémistes-là, plus certains d’entre nous se laissent enfumer par cette idéologie.

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Les enjeux sociaux. L’émigration des forces vives qui a débuté de manière significative depuis le dispositif du BUMIDOM (Bureau des migrations des départements d’outremer) dans les années 60 ainsi que le faible taux de natalité exhortent la Guadeloupe à considérer avec la plus grande attention l’élément démographique pour envisager son avenir. Le vieillissement de la population qui menace, semble simplement pouvoir être inversé, grâce à un mouvement de retour au pays de retraités partis s’installer dans l’hexagone, il y a plusieurs dizaines d’années. Il n’a pas été mesuré l’attitude adoptée par ses natifs, dès lors qu’ils ré-embrassent le sol natal. Sont-ils réinstallés dans le pays de la Guadeloupe pour, exclusivement, « couler des jours heureux » en attendant le trépas ou redeviennent-ils des acteurs vivants et actifs pour livrer leur corps et leur esprit à leur terre ? Parallèlement à cette décrue de la population traditionnelle un renouvellement sociologique se fait jour. La crise en Europe continentale incline des habitants qui y habitaient jusque là, à établir, désormais leur résidence sous des cieux guadeloupéens plus cléments, en raison notamment de la permanence du soleil et un environnement urbain et rural, plutôt bien équipé. Pour certains pays de la Caraïbe la Guadeloupe, au même titre que les autres pays français d’Amérique (Guyane et Martinique) représente « un eldorado social » où il fait forcément mieux vivre que dans leur nation d’origine. L’hétérogénéité de la population guadeloupéenne, née de ces immigrations, peut présenter des risques de rupture durable de la pacification sociale. L’équilibre est de plus en plus fragile. La Guadeloupe, présentant l’image d’une juxtaposition de communautés, peut être le théâtre d’affrontements éruptifs ou constants, si les conditions de l’harmonie sociale, et donc du vivre ensemble, ne sont pas réunies. Par ailleurs, des mafias se constituent et alimentent l’économie informelle. Des petites, vivant de braquages en série et de trafic de marijuana et des grandes, qui font des pays français d’Amérique de hauts lieux de l’économie de la cocaïne. Les enjeux économiques. Nonobstant la transformation de la colonie de la Guadeloupe en département d’outre-mer par la loi du 19 mars 1946, force est de constater que l’économie coloniale perdure, si on part du principe que le régime colonial est d’abord défini sur la base du principe de l’exclusivité de la colonie avec sa métropole. Cette situation est d’autant plus visible, que des abus de position dominante, notamment dans le domaine du commerce, ne laisse guère de perspectives à de nouveaux investisseurs. Le marché exigu guadeloupéen semble verrouillé à double tour. Pour autant, on peut imaginer que l’activité économique touristique de plus en plus florissante dans l’espace Caraïbe, du fait notamment des actes de terrorisme au Moyen Orient donne l’occasion à des opportunités d’investissement profitables aux petits investisseurs, en Guadeloupe. Les « communes cimetières d’hôtels », seraient remplacées par la construction de petites unités, bien tenues et compétitives, aux mains de propriétaires guadeloupéens. On sait que la fin des marchés protégés pour la banane et pour la canne à sucre compromet sérieusement l’avenir à l’export de ces productions traditionnelles. Par ailleurs, la réécriture de l’article 349 du traité de fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE) relatif aux régions ultrapériphériques se révèle être comme une ardente nécessité. Si l’intégration peut conférer l’avantage d’émarger aux fonds structurels européens, le principe de l’identité de la norme européenne applicable à la Guadeloupe pose au moins trois problèmes. Tout d’abord, la concurrence faite aux entreprises européennes lors de la soumission à des marchés publics ; ensuite, la concurrence des travailleurs détachées au détriment des ouvriers guadeloupéens, singulièrement dans le bâtiment ; enfin, la fragilisation du secteur de la pêche parce que l’Union s’affirme comme une puissance écologique. Les enjeux juridiques et politiques. Après que la Guyane et la Martinique aient décidé d’abandonner les habits de la départementalisation-régionalisation au profit de la collectivité unique, en Guadeloupe, le désir d’une remise au goût du jour de la question institutionnelle et/ou statutaire est intense. L’identité politique du pays de Guadeloupe doit-elle reposer exclusivement sur le principe de l’assimilation législative ? Faut-il changer les institutions sans changer le régime juridique de la loi ? Faut-il changer de régime institutionnel et, en même temps, le régime d’application de la loi, qui deviendrait du même coup, dominé par la spécialité ? Ce sont autant de questions préalables fondamentales qui sont posées. De façon ultime, il pourrait être question d’envisager le statut d’autonomie à l’instar des polynésiens. Un statut d’autonomie qui confère au territoire qui l’adopte, tout en demeurant dans la République française, la capacité d’adopter des lois du pays, de pratiquer la préférence locale pour l’emploi et l’accès au foncier, de participer aux compétitions sportives en étant porteur de son hymne et de son drapeau.

La Guadeloupe à l’horizon 2030. Par PIERRE-YVES CHICOT, Avocat à la Cour, Maître de conférence de droit public - Habilité à diriger les Recherches.

Quand la communauté des hommes n’est pas plongée dans le bonheur du temps présent, soit elle se réfugie dans le passé qui a pu être glorieux, soit elle sombre dans un fatalisme mortifère, soit elle fait montre de résilience, en préparant un avenir qu’il peut ou qu’il faut espérer radieux. La Guadeloupe d’antan est regrettée, et le plus grand nombre glose sur l’avenir pour se morfondre ou pour engager réflexions et actions pour un meilleur vivre ensemble. Comment envisager la Guadeloupe à l’horizon 2030 en focalisant l’analyse sur les enjeux immédiats avec des répercussions sur le futur ?

A

vant toute plongée dans le fond du propos, il convient de formuler deux observations sur le contexte d’aujourd’hui, qui est caractérisé d’un point de vue général, par le fait que la France est entrée dans l’ère de l’autonomie locale, et d’un point de vue particulier, cette même France tend, progressivement à redéfinir ses rapports avec les outre-mers. En effet, dans un document prospectif dénommé «outre-mer 2025 », du Centre d’Analyse Stratégique, placé sous la tutelle du Premier Ministre, il est mis en évidence le rapport de dépendance de la France extra-hexagonale à la France hexagonale. D’après ce qui est rapporté, celui-ci mérite d’être revisité en raison du contexte mondial actuel dominé par le libéralisme économique et ses attributs : compétition entre les territoires ; libre échange échevelé ; recherche d’économies d’échelles et réductions des coûts ; décloisonnement fiscal etc. Une mention apparaissant dans le document est à plusieurs égards, apostrophant : « des économies ultramarines sous-serre en quête d’un schéma endogène dans un monde globalisé ». Trois grands enjeux semblent l’emporter sur tous les autres. Il s’agit de la dimension sociale, économique, politique et juridique.

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Le discours sur l’autonomie Par RAPHAËL LAPIN - Doctorant en droit, Auteur de La libre concurence et des départements et régions d’outre-mer, Editions universitaires européennes et du Manifeste pour une évolution statutaire de la Guadeloupe, Edition Jasor.

«L’IMAGE DOIT SORTIR DU CADRE1.»

P

ar cette phrase sentencieuse, Michel Foucault explique comment la période de l’histoire conditionne ce qui est politiquement correct et de fait, ce qu’il n’est pas acceptable de dire. Le philosophe nomme ces conditions spatio-temporelles du discours, l’épistémè. Toute sa vie politique durant, l’Homme Césaire, s’est trouvé confronté à cet obstacle avec pour effet, l’opposition de certains et l’effarouchement des autres au moment où, dès la fin des années 50, il questionnait le statut des départements d’outre-mer et singulièrement celui de la Martinique2 . En dépit, de ses nombreux discours passionnés et de quelques avancées, la Martinique reste régie depuis plus de 58 - FOCUS F.W.I

71 ans, par le statut de l’assimilation législative. La raison semble désormais évidente. A l’époque où CÉSAIRE fait de l’autonomie la colonne vertébrale de son engagement politique, il n’était pas encore acceptable d’en entendre parler. Il y avait alors, un obstacle épistémologique. Dans le même esprit, il est possible de s’interroger sur la réunion des conditions du discours sur l’autonomie au moment où le peuple Guadeloupéen a été appelé à se prononcer sur la question de la réorganisation des institutions en 2003. Il importe en liminaire, de rappeler la différence qui existe entre ces deux débats puisqu’il y a d’un côté la question de l’évolution institutionnelle et de l’autre, celle de l’évolution statutaire. Pour poser la première en des termes simples, on retiendra qu’elle interroge sur la réunion de l’assemblée régionale et du conseil départemental en un seul organe. Une telle évolution s’envisage sans changer le statut de la Guadeloupe qui resterait, au sens du droit, régie par l’article 73 de la Constitution, comme si elle était encore un département. L’évolution ne serait alors qu’une rationalisation de l’administration publique locale, une modification technique et un changement de vocabulaire pour signifier sur le fond la même chose. De l’autre

côté, se pose une question bien plus fondamentale. Celle du passage de l’article 73 à l’article 74 de la Constitution. Ces deux textes fondent deux principes opposés. Il y a d’une part, l’article 73 et le principe de l’identité, ou de l’assimilation législative. C’est celui qui nous régit. Il signifie que le droit est strictement le même en Guadeloupe et dans l’hexagone, avec quelques possibilités d’adaptation aux spécificités locales. Et d’autre part, l’article 74 et le principe de la spécialité législative. Il signifie que la Guadeloupe serait régie par des règles propres. Certes, différentes par principe de l’hexagone mais adaptées aux particularités du territoire. Cette évolution statutaire correspondrait alors à un véritable changement de logiciel dans l’exercice du pouvoir au niveau du pays Guadeloupe. La différence de taille qui existe entre ces deux questions n’empêche pas que l’évolution institutionnelle soit une étape préalable à une évolution statutaire de la Guadeloupe. Dès lors, il faut s’interroger sur les conditions de la tenue d’un discours sur les évolutions institutionnelles et statutaires de notre territoire ? Il semble que l’évolution de l’épistémè guadeloupéen soit le prérequis nécessaire à la tenue d’un véritable discours sur l’autonomie.


L’impérieuse nécessité d’une évolution de l’épistémè Guadeloupéen. Au moment du rejet du référendum sur l’évolution institutionnelle en 2003, l’image sortait une fois de plus du cadre. Deux raisons principales sont identifiables pour expliquer ce rejet initial. D’une part, seule la question sur les institutions a été posée au peuple. L’évolution statutaire était ainsi définitivement écartée du débat, motifs tirés de ce que « le peuple n’aurait pas été prêt » comme si les conditions spatio-temporelles qui auraient permis la tenue du discours sur l’autonomie n’étaient pas rassemblées. Alors on a construit aux guadeloupéens pour des motifs politiques un épistémè. L’objectif était simple, opposer à toute évolution qu’elle soit statutaire ou institutionnelle un obstacle épistémologique lui aussi fabriqué de toutes pièces. Ainsi, seul un certain champ des possibles avait été présenté au peuple. Pourtant, de nombreux changements institutionnels sont d’ores et déjà à l’œuvre et ce, à tous les niveaux de gouvernance, c’est-à-dire aussi bien au niveau international que national et local. Ces évolutions interviennent nonobstant le vœu de statu quo formulé massivement en 2003 au moment du référendum. Il est, en effet, une vérité absolue, c’est que la conception très française de l’État jacobin appartient au passé. L’État perd en souveraineté de toutes parts. D’un côté les grands ensembles comme l’Union européenne puise les sources d’une gouvernance régionale dans les souverainetés nationales. De l’autre, les impératifs de proximité et d’efficacité des politiques publiques impliquent que l’État laisse une marge de liberté croissante aux collectivités territoriales en décentralisant ses compétences à leur profit. Dans cette perspective, les exemples de rationalisation institutionnelle se multiplient, avec la Ville de Paris, la Ville de Lyon, la Corse, les lois successives sur la décentralisation et enfin, la loi récente sur la nouvelle organisation territoriale de la République. Alors même que les guadeloupéens ont rejeté toute évolution en 2003, les transformations que connaît le monde changent déjà la face de nos institutions et ce à marche forcée. Partant, il semble plus que nécessaire que les guadeloupéens s’emparent de la question et préparent, pour eux, le modèle le plus adapté à leur besoin et à ceux du territoire. Or, il est indispensable pour se faire qu’évolue notre champ des possibles. D’autre part, la construction bancale d’une pseudo-impréparation d’une prétendue mentalité qu’on a flanqué aux guadeloupéens a bridé la volonté du peuple. Là encore diverses raisons politiciennes ont été avancées sans compte tenir des difficultés de fond rencontrées dans la mise en œuvre des politiques publiques. C’est ainsi que l’évolution institutionnelle qui n’était finalement qu’une réorganisation administrative, a été présentée comme l’antichambre de l’indépendance. Et le peuple était alors plongé dans une caverne allégorique. Dès lors, les conditions du débat sur les options institutionnelles et statutaires du peuple guadeloupéen ne pouvaient être réunies. L’objectif de l’ouvrage Autonomie – Manifeste pour une évolution statutaire de la Guadeloupe est de faire progresser l’épistème, de révéler l’image au-delà du cadre. C’est la condition indispensable à la tenue du discours sur l’autonomie et d’un débat de fond autour de lui. Le mois de mai 2017 était la période rêvée pour ce faire, une porte spatio-temporelle, un vortex, entre le passé, le présent et le futur. C’est le mois des mémoires, 169e anniversaire de l’abolition de l’esclavage et 70e des évènements de mai 67 en Guadeloupe. Ce mois de veille électorale devait aboutir à un changement massif du personnel politique du pays avec quatre nouveaux parlementaires issus du suffrage guadeloupéen au sein de la représentation nationale. Une période charnière pour la conscience collective, pour lui fournir les armes du débat avec un discours sur l’autonomie qu’il est, désormais, admissible d’entendre.

la grande grève de 2009 a conduit entre autres à la loi du 20 novembre 2012 visant à lutter contre la vie chère. L’adoption de cette loi illustre le caractère critique de la situation économique de notre territoire. Mais elle illustre plus encore, la contrainte du rattrapage à laquelle nous condamne le principe d’assimilation. Il ne s’agit là que d’un exemple parmi d’autres mais il suffit à révéler le premier handicap auquel nous confronte le principe d’assimilation. La défaillance fondamentale du pouvoir exécutif dans certains domaines se traduit de fait par une inapplication pure et simple de la loi. Le discours sur l’autonomie veut donc que nous rapprochions du local certains attributs du pouvoir exécutif dans la limite des prérogatives régaliennes de l’État. Cette évolution passe par le transfert progressif de certaines compétences de l’État au bénéfice des collectivités territoriales. Elles doivent être accompagnées d’une dotation compensatrice conformément aux dispositions de l’article 72-2 de la Constitution. Une fois le transfert de la compétence nécessaire opéré, il sera possible, par exemple, de créer une autorité de la concurrence, chargée de réguler le jeu de la concurrence sur le marché local et de mieux protéger le consommateur de la vie chère, comme c’est le cas par exemple en Polynésie française ou en Nouvelle-Calédonie. La seconde expérience repose sur l’examen des dispositifs législatifs en eux-mêmes. Ils sont bien trop souvent inadaptés aux problématiques locales. Alors, de trop nombreux dispositifs peuvent-être cités en exemple. Celui relatif au champ d’application national des conventions collectives en droit du travail qui a exclu par principe les Outre-mer pendant 20 ans créant ainsi des inégalités entre les travailleurs guadeloupéens et leurs compatriotes de l’hexagone, sans moyen d’expression au niveau local, puisqu’il n’existait pas jusqu’à une époque récente, d’échelon de négociation social à l’échelle du département et donc pas de convention collective pertinente3 . Cette problématique explique par trop la culture endémique de l’affrontement social qui se traduit par des grèves systématiques alors que nous aurions pu impulser depuis longtemps une culture du dialogue social si les instances locales ad hoc avaient pu être créées plus tôt. Un dernier exemple, plus parlant celui-là, est celui de l’interdiction des vitres teintées décriées par l’opinion publique. Au-delà d’être devenue quasi-coutumière, il est argué par les détracteurs de l’interdiction que la pratique est guidée par des nécessités climatiques. Les mêmes nécessités qui, selon Montesquieu, l’un des pères fondateurs du modèle républicain français, devaient présider à l’esprit des lois. Cette seconde expérience permet de conclure à l’inefficience de la fabrique de la loi. Il faut, par conséquent, rapprocher de la Guadeloupe, le pouvoir législatif.

« LE DISCOURS SUR L’AUTONOMIE, DOIT ÊTRE L’ANNONCE DE L’ACTE FONDATEUR DE LA SOCIÉTÉ GUADELOUPÉENNE ».

L’admissibilité du discours sur l’autonomie. Plusieurs expériences prouvent qu’il faut regarder l’image au-delà du cadre. Nous en retiendrons deux particulières. Elles établissent les limites d’un pouvoir exécutif et d’un pouvoir législatif exercés de manière absolue à 6 745 kilomètres du territoire. La première expérience consiste dans l’observation des conditions d’application du droit. Les textes relatifs à la libre concurrence qui aurait dû permettre de lutter contre la vie chère existent depuis 1791 en France (Loi le Chapelier et Décret d’Allarde) et depuis 1957 au niveau européen (Traité de Rome). Pourtant,

Dans l’ouvrage Autonomie – Manifeste pour une évolution statutaire de la Guadeloupe, nous voulions réaliser ces deux expériences appartenant à la science juridique dans un lien physique, voire mystique avec la sociologie du peuple guadeloupéen à laquelle le droit guadeloupéen doit se conformer. Sociologie, qui est expliquée par les plus grands penseurs antillais ayant plaidé en faveur d’une émancipation réelle des consciences et des peuples. A l’édifice de leur pensée, nous voulons ajouter nos conclusions d’expérience: La contradiction fondamentale entre le droit et notre sociologie locale se traduit par le krach sociétal permanent décrit dans l’ouvrage. Celui-ci s’exprime par des faits divers sanglants, des oppositions de caste et la crise des fondements de la société guadeloupéenne, causée par l’absence sociologique du mythe fondateur d’un peuple, d’une société. Sur la base de ce constat, notre vœu ne peut qu’être clair, public et non équivoque, le discours sur l’autonomie, doit être l’annonce de l’acte fondateur de la société guadeloupéenne. Pour ce faire, il doit au préalable devenir admissible car il est la pierre angulaire sur laquelle nous construirons le cadre à la juste mesure du peuple Guadeloupéen. 1. M. FOUCAULT, Les mots et les choses, Gallimard, Tel, p. 24 (Chez Michel FOUCAULT, l’épistémè est l’ensemble des rapports entre les sciences, les figures épistémologiques, les positivités et les pratiques discusives d’une époque donnée). 2. A. CÉSAIRE, Du pire et du meilleur, Le progressiste, 7 février 1959. 3. Voir article in Le Mirador n°001 : http://adecom7374.fr/le-mirador-page/ FOCUS F.W.I - 59


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LES ÎLES DE GUADELOUPE

Entre la mer des Caraïbes et l’océan Atlantique, les îles de Guadeloupe forment un archipel de contrastes composé de cinq îles uniques au coeur des Petites Antilles. Un concentré de tous les parfums, de toutes les couleurs, de tous les sourires et surtout de toutes les émotions, et surtout cinq fois qu’une, qui rendront votre voyage inoubliable. FOCUS F.W.I - 63


ROOM SERVICE

LES VILLAS DE LA

TOUBANA

S

ituées dans un jardin tropical, dominant la magnifique plage de la caravelle, les villas de la TOUBANA Hôtel & Spa invitent à vivre des moments de purs plaisirs et de quiétude aussi bien en couple, en famille ou entre amis. Conçues par l’architecte Guy Benoît, ces trois villas ont été festonnées de façon épurée, alliant élégance et originalité avec des couleurs naturelles et minérales. Équipée de quatre chambres indépendantes climatisées avec une salle d’eau privative, d’une vaste cuisine à l’américaine pour cuisiner en toute liberté, d’un grand salon ouvert sur une somptueuse terrasse avec sa piscine à débordement, chaque villa apporte à la fois confort et grand raffinement avec une vue panoramique imprenable sur l’océan et l’île de Marie-Galante. La Villa AYATI se caractérise, en effet, par son style contemporain, par ses nombreux espaces volumineux et par son impressionnante piscine à débordement de 25 mètres de long qui vous permettra de profiter pleinement du somptueux panorama. La Villa URA, quant à elle, se distingue par son style moderne, par la vitalité et l’énergie des couleurs qui en font un lieu d’exception. Dominant l’Océan Atlantique, le côté zen vous permettra de vous ressourcer tout au long de votre séjour. Enfin, La Villa IDIKA vous plongera entre souvenirs d’antan, par son mobilier de style colonial et modernité par son architecture époustouflante. Il vous sera également possible de profiter des soins de L’Océan Spa où vous pourrez conjurer beauté et bien être, et vivre de véritables moments de plénitude. Concernant les multiples services proposés tels que le petit-déjeuner, les excursions et la location de bateaux, nous avons littéralement craqué pour le chef-cuisinier à la journée qui nous a permis de (re)découvrir les mets locaux parfois jumelés aux saveurs occidentales. Alors durant ces vacances pourquoi ne pas vous laissez tenter par une de ces villas ? LES VILLAS DE LA TOUBANA |SAINT-ANNE | GUADELOUPE TEL : +590 (0) 5 90 88 25 78 - LESVILLASDELATOUBANA.COM 64 - FOCUS F.W.I


hot spot

ADRIANA DEGRAS Maillot de bain dos nu imprimé Ginkgo, 315,00€

L’INOUBLIABLE

GRANDE-TERRE

SOPHIA WEBSTER Claquettes en cuir imprimées Phoebe, 370,00€

Nommée la petite Bretagne des Antilles à cause de ses falaises abruptes, la Grande-Terre invite à la douce rêverie. Ainsi, bordée de superbes plages de sable blanc, de paisibles lagons turquoise, de spots de surfs et de nombreuses infrastructures touristiques, Grande-terre offre un littoral aussi sublime que tranquille ! On y trouve aussi de nombreux restaurants et hôtels où se vivent l’art culinaire créole et la douceur des nuits guadeloupéennes. De la Pointe-desChâteaux aux falaises de la Grande Vigie, du marché aux épices de Pointe-à-Pitre au Mémorial ACTe, que ce soit pour des moments culture ou farniente, en Grande-Terre, pas de doute, même les plus exigeants trouveront leur bonheur ! Les incontournables : La Basilique Saint-Pierre et SaintPaul à Pointe-à-Pitre, l’îlet du Gosier, Le Golf International de Saint-François, le cimetière de Morne-a-l’Eau en amphithéâtre avec ses caveaux en damier noir et blanc...

ILLESTEVA Lunettes de soleil rondes Porto Cervo, 195,00€

MARNI Boucles d’oreilles en plaqué or, corne et corde, 310,00€

EUGENIA KIM Sac à main en paille à finition en gros-grain Flavia, 460,00€

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LE GOLF INTERNATIONAL

P

DE SAINT-FRANÇOIS

ensé par Robert Trent Jones, architecte de référence s’il en est, le Golf international de Saint-François est dessiné entre l’un des plus beaux lagons de la mer des Caraïbes et l’incontournable Pointe des Châteaux. Il s’y dégage un petit parfum de paradis tant son environnement est magique promettant une expérience golfique intense et inoubliable. À la fois prestigieux, sportif et convivial, il fait l’unanimité de par la qualité de son parcours homogène, aussi pour le caractère exceptionnel de ces compétitions (l’Open de Saint-François, le Karukéra Meeting…) et également pour son ambiance chic et décontractée où se mêlent gastronomie et détente. La magie « Saint-franciscaine » participe largement à cette atmosphère si particulière. Rénové depuis peu, le swing y est élevé au rang d’art sur un parcours, de 18 trous par 71, qui se révèle à la fois astucieux, accrocheur mais très jouable s’offrant harmonieusement à tous les niveaux de coup de golf. Et si l’idée de tenter une expérience golfique vous prenait, sachez qu’il vous sera possible durant les mois de juillet, aout et d’octobre de bénéficier du PASS GO FOR GOLF. Mise en place par le Golf International de Saint-François en collaboration avec la fédération française de golf, ce programme d’initiation au débutant vous permettra de goûter aux joies du green. Le Prix ? 59euros, pour 4h30 de cours collectifs (maximum 8 personnes) selon le principe suivant : 1ère heure de cours pour la présentation du Sport et de la Structure, practice, putting – 2ième heure: Grand Jeu – 3ième heure : concours de putting et de petit jeu et la 4ième heure est consacrée à vos premiers pas sur le parcours. 4 sceaux de balle à utiliser au practice en dehors des cours. Prêt du matériel par le Club pour les cours et le practice et une attestation FFGOlf. Alors prêt pour une expérience golfique ?

GOLF INTERNATIONAL DE SAINT-FRANÇOIS AVENUE DE L’EUROPE 97118 SAINT-FRANÇOIS| GUADELOUPE FWI T. +590 (0)590 850 489 www.golf-saintfrançois.com 66 - FOCUS F.W.I


MASTER-PIECE Sac à dos en coton et nylon, 180,00€

hot spot

LA MAJESTUEUSE

BASSE-TERRE POLO RALPH LAUREN Short de bain seersucker, 89,00€ GUCCI T-Shirt slim-fit imprimé Tropical, 490,00€

PRADA Sneakers, 495,00€

Défiez la canopée à bout de bras dans les parcours accrobranches, voyagez dans le temps en parcourant Basse-Terre où quatre siècles d’Histoire vous attendent. Découvrez des plages de sable noir, brun, ocre et rose, plongez au cœur de la fameuse réserve sous-marine du Commandant Cousteau (avec son buste immergé) … Visitez l’héritage culturel et historique de l’île : ses églises catholiques, son temple hindou, son fort militaire du XVIIe siècle ! Un véritable livre d’histoire à ciel ouvert ! Aussi, empruntez l’un des nombreux itinéraires de randonnées balisés et d’intensité variable pour apprécier sa richesse spectaculaire. Avec ses 17 000 hectares de forêts classées Parc National depuis 1989, ses nombreuses chutes d’eau, ses parcs aux plantations diverses et sa flore luxuriante comptant plus de 3000 espèces d’arbres, Basse-Terre est l’île aussi sauvage que majestueuse qui saura, à coup sûr, vous dévoiler tout son charme au naturel ! Les incontournables : Les Îlets Pigeon à Bouillante, les spectaculaires Chutes du Carbet au départ de Capesterre-Belle-Eau, La cascade aux écrevisses sur la route de la traversée, le volcan de la Soufrière à Saint-Claude, la ville de Basse-Terre classée ville d’Art et d’Histoire, le Domaine de l’Habitation La Grivelière à Vieux-Habitants…

BARTON PERREIRA Lunettes de soleil Byron, 540,00€ FOCUS F.W.I - 67


terre de culture Photo ADÉOLA BAMBÉ

Les tribulations de l’histoire et le métissage ont pétri une culture guadeloupéenne multiple, d’où ressurgissent rites indiens, mémoire africaine ou encore quadrille des colons du XVIIème siècle. Une terre sous influences qu’il faut prendre le temps de découvrir pas à pas. Les Îles de Guadeloupe vivent en musique. Les anciens vous parleront de quadrille avec ses bals et orchestres, de la biguine, aussi, et des grands titres qui font encore danser les Guadeloupéens (« La rue Zabym », « Ami Roro », etc.). Le gwo-ka qui connaît un renouveau très fort, notamment chez les jeunes qui découvrent au moyen de ce tambour une grande partie de leur patrimoine. On peut en écouter dans les rues piétonnes de Pointe-à-Pitre et de Basse-Terre et dans les lewoz, rassemblements réguliers de musiciens et de danseurs de ka. Les mairies de Pointe-à-Pitre et de Basse-Terre (deux « Villes d’Art et d’Histoire ») organisent des visites guidées des quartiers anciens. L’artisanat guadeloupéen, original et riche en matériaux naturels (calebasses, noix de coco, bambou, sable, graines, etc.) donne des idées de cadeau tout comme les grands titres des auteurs guadeloupéens, de Saint-John Perse à Gisèle Pineau en passant par Maryse Condé ou Ernest Pépin. Si vous avez la chance de connaître le carnaval dans les Îles de Guadeloupe, vous vivrez en quelques jours un des moments les plus forts de la vie culturelle. 68 - FOCUS F.W.I


PRADA Chapeau Holiday-Ready, 290,00€

hot spot LES ÉBLOUISSANTES

LES SAINTES

Au sud de la Guadeloupe, l’archipel des Saintes est réputé pour sa beauté et la grande clarté de ses eaux ! Neufs îlots composent l’archipel mais seulement deux sont habités, Terre-de-Haut et Terre-de-Bas, auxquelles viennent s’ajouter sept autres îlets inhabités. Autrefois lieu de batailles sanglantes entre flottes françaises et anglaises, les Saintes vous proposent aujourd’hui un cadre idyllique pour des vacances paisibles. Réputée pour son surprenant pain de sucre, son village aux rues paisibles, son Fort Napoléon et son musée au surprenant jardin exotique…Terre-de-Haut vous charmera par son aspect hors du temps du à ses origines bretonnes et normandes. À Terre-de-Bas, la célèbre plage de Grande-Anse a fait sa réputation ! Mais Petite-Anse mérite aussi le détour ! Rendez-vous avec ses vestiges de l’ancienne poterie Fidelin ou avec son ravissant petit village de pêcheur. Moins fréquentée que sa sœur, le calme, la douceur de vivre et l’hospitalité légendaire de Terre-de-Haut vous offrira un havre de paix que vous ne voudrez plus quitter ! FOCUS F.W.I - 69


LE MÉMORIAL ACTE

Véritable bijou d’exception à l’architecture inédite, trônant fièrement à l’entrée de la Darse de Pointe-à-Pitre, Le Mémorial ACTe se veut être le centre caribéen d’expression et de mémoire de la traite et de l’esclavage. 70 - FOCUS F.W.I


C

arrefour de la Caraïbe. Véritable bijou d’exception à l’architecture inédite, trônant fièrement à l’entrée de la Darse de Pointe-à-Pitre, Le Mémorial ACTe se veut être le centre caribéen d’expressions et de mémoire de la traite et de l’esclavage. Prix du musée européen 2017, sa mission est de faire « acte du souvenir la fabrication d’une société nouvelle » avec l’ambition d’apporter des moyens intellectuels de lutte efficaces contre les conséquences sociales et sociétales de l’esclavage telles que le racisme, l’exclusion sociale, les inégalités et les formes contemporaines d’atteinte aux droits de l’Homme. Inauguré par le Président de la République le 10 Mai 2015, Le Mémorial ACTe est le premier grand musée national consacré à la mémoire collective de la traite et de l’esclavage. Entre terre et mer, implanté sur le site de l’ancienne usine sucrière de Darboussier au cœur de Pointeà-Pitre, le MACTe constitue un lieu ouvert à tous et pluridisciplinaire où anthropologie, histoire de l’art et art contemporain se croisent. Il présente un regard culturel, social mais aussi scientifique et politique sur la mémoire de la traite et de l’esclavage mais aussi sur les expressions qui en sont nées et en naissent aujourd’hui. Pensé comme un phare rayonnant sur la Guadeloupe et la Caraïbe, le Mémorial ACTe se veut un lieu symbolique fort, en écho avec son temps et projectif sur les expressions contemporaines. Véritable cité des connaissances et des échanges, il offre plusieurs espaces de découvertes : une exposition permanente se développe sur 1700m2 racontant l’histoire de l’esclavage de l’Antiquité à nos jours, un espace dédié à la création artistique contemporaine lors d’expositions temporaires, un espace de recherches généalogiques, un jardin panoramique, le Morne Mémoire offrant une vue sur l’océan, les montagnes de la Basse-Terre et la Baie de Pointe à Pitre et une passerelle monumentale (12 mètres de hauteur, 275 m de long) reliant le Morne Mémoire au reste de la structure. Elle permet au visiteur de profiter de panorama invisible jusqu’alors. Au-delà des expositions majeures, si vous programmez une sortie en famille, Le MACTe abrite également une médiathèque, une salle des congrès et des arts vivants proposant des spectacles, deux espaces de restauration (snack-bar et un restaurant gastronomique) et une boutique... Une expérience mémorielle inoubliable et saisissante.

Coup de cœur des programmations Mardi 1er août | Conférence-Débat |19H « Entre reconversion et réhabilitation des friches industrielles : le cas particulier de Jeudi 13 juillet |CinéMACTe | 19H30-21H30 l’usine de Darboussier ayant éclos en un « Au temps des isles à Sucre » Patrick BAUCELIN « Mémorial ACTe » Cycle A RIRE et à PENSER (8 et 19 juillet 2017)

Mardi 18 juillet | Bokantaj |19H « Victor Hugues : l’ambition d’entrer dans l’histoire 1762 - 1826»

Vendredi 4 août | Conférence-Débat |19H Bokantaj « Darboussier : entre immigration et convergence contemporaines »

Mercredi 19 juillet | 20H Mofwaz Bo’ Kannal, La légende de la Porte d’enfer !

Samedi 19 août | Concert | 20h Wopso

Samedi 22 juillet | 20H Traversée d’une œuvre à l’autre… 1967-2017 Angajé ?

Dimanche 20 août | 16H-18H Kalakaswé (danse-initiation) 18H-20H Gran bwabwa Ti-jan ou la parade des diables !

Mardi 25 juillet | Bokantaj | 19H « Darboussier, mémoire (s) du lieu »

Samedi 26 août | Concert | 20H RENAISSANCE WOMAN!

MÉMORIAL ACTE | DARBOUSSIER (POINTE-À-PITRE, GUADELOUPE) | 0590 25 16 00 | WWW.MEMORIAL-ACTE.FR

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LA SURPRENANTE

LA DESIRADE

Première terre découverte par Christophe Colomb lors de son second voyage le 2 novembre 1493, La Désirade est cette petite île en forme de quille de barque renversée, localisée à l’est de Grande-Terre, au large de la Pointe des Châteaux. Hors du temps, La Désirade vit au rythme des vagues et rien ne semble perturber son atmosphère paisible ! L’île devrait son nom au soulagement des membres de l’équipage du navigateur italien qui, apercevant enfin la première terre ferme après 21 jours de mer depuis le départ des îles Canaries, auraient crié « Oh île tant désirée ! » Descendants de Bretons, de Normands et de Poitevins, les habitants de l’île ont su conserver leur authenticité et leur accueil bienveillant si caractéristique dans chaque quartier, Les Galets, Le Souffleur et Baie-Mahault ! Les incontournables : La plage de Petite-Rivière, idéale pour la plongée sous-marine, le Morne du Souffleur offrant une superbe vue, la plage de Beauséjour, les Îles de Petite-Terre… 72 - FOCUS F.W.I


hot spot ZIMMERMANN Robe en mousseline de soie froissée à superpositions Winsome, 1.328,00€

L’AUTHENTIQUE

MARIE-GALANTE À 30 km au sud-est des côtes de la Guadeloupe, Marie-Galante aussi appelée « la grande galette » en raison de sa forme ronde, est la 3ème île des Antilles françaises en terme de superficie. Réputée dès le 18ème siècle pour son rhum, Marie-Galante, alors surnommée « l’île au cent moulins » possède toujours de vastes champs de cannes à sucre qui occupent encore aujourd’hui la majorité des terres. Composée de trois communes, Grand-Bourg, Capesterre et Saint-Louis, Marie-Galante a gardé le charme d’autrefois. Il est encore possible de croiser les chars à bœufs (jadis, unique moyen de transport) de visiter un pitt à coq ou encore de participer à une compétition de bœufs-tirants. Que vous veniez pour ses plages de sable blanc, pour ses spécialités culinaires (le bébélé) ou pour son rhum, réputé le meilleur au monde, à Marie-Galante vous avez rendez-vous avec une terre authentique où le plus dur est toujours d’en repartir ! Les incontournables : Le Château Murat, la plage de la Feuillère, L’église de Notre-Dame, le moulin de Bésard, la Gueule Grande Gouffre, la plage Anse-Canot, les distilleries Bellevue, Bielle et Poisson…

MARNI Sandales en cuir métallisé découpées au laser, 580,00€

DOLCE & GABBANA Boucles d’oreilles, 475,00€ FENDI Sac porté épaule rayée Kan Mini, 1450,00€

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THIS BODY Photographe, YVAN CIMADURE Lieu, PLAGE DE GRAND ANSE, DESHAIES

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MUST HAVE L’iconique Huile Prodigieuse® revêt son habit de plumetis pour une Édition Limitée, désignée par Mademoiselle Stef. Elle se présente dans son écrin, habillée pour l’occasion. Retrouvez son parfum addictif et sa texture huile sèche unique qui fait d’elle la N°1* des Huiles en pharmacie. L’Huile Prodigieuse® nourrit, répare et sublime le visage, le corps et les cheveux. Enrichit en huile de Tsubaki, sa formule sans silicone est hautement nourrissante, anti-oxydante, a un effet « bouclier » contre la pollution**, et réduit l’apparence des vergetures. Huile Prodigieuse Edition Limitée Plumetis, Nuxe, dès 25,90 € les 100 ml.€.

L’AUDACIEUSE

DOUCE CARESSE

L’utilisation quotidienne d’une brosse pour le corps stimule la circulation, accélère le renouvellement cellulaire et élimine les toxines, constituant ainsi le moyen le plus efficace d’obtenir une peau radieuse de la tête aux pieds. La brosse exfoliante d’Aromatherapy Associates est dotée de poils naturels de cactus sisal et possède une sangle pour une prise en main très facile. Brosse pour le corps, Aromatherapy Associates, 15,00 €.

Plus qu’un soin protecteur, ce lait enrichi d’agents hydratants est un véritable soin de beauté. Doté d’une texture ultra fluide à la manière d’une brume fraîche et évanescente, il ne laisse aucun fini au toucher pour mieux faire apparaître des reflets nacrés. Lait en brume protecteur hâle sublime - SPF 30, Dior, 44,50 €.

GUERLAIN LE BAIN DES DÉLICES Le lait pour le corps les Délices de Bain de Guerlain, au délicieux parfum hespéridé musqué, dévoile une texture fluide et veloutée qui infuse l’épiderme d’une confortable hydratation. Créé spécifiquement pour cette ligne de produits, son flacon, pur et raffiné, est un hommage au célèbre flacon Abeilles. La ligne Les Délices de Bain célèbre un art de vivre intensément le parfum. Guerlain crée un rituel du corps destiné aux femmes comme aux hommes. Le lait corps laisse la peau douce, souple et délicatement parfumée de notes fraîches et délicieuses. Lait parfumé pour le corps Les Délies de Bain, Guerlain, 55,00 €.

L’HYPNOTISANTE La première eau de toilette qui associe le pouvoir parfumant et le pouvoir traitant des plantes, selon les principes de l’aromathérapie et de la phytothérapie. D’un seul geste, cette Eau de Soins parfume, hydrate et tonifie. Eau dynamisante , Clarins, 51,00 € les 100ml.

FRAÎCHEUR ARDENTE

Vibrante, fougueuse, sensuelle...

L’Eau Soleil est un produit parfumé spécialement conçu pour être utilisé par temps chaud. Ses notes fruitées sont particulièrement énergisantes. Qui plus est, sa composition est idéalement conçue pour prendre soin de la Capturant l’huile de monoï de Tahiti peau en cas d’exposition trop intensive aux à l’état pur, cette huile légère et mulrayons ultraviolets. Ainsi, il s’agit d’une lotion tifonctions peut s’utiliser au quotinutritive et hydratante. Elle semble littéraledien et rend la peau douce, éclatante ment gorgée de soleil et apporte un réel éveil et naturellement parfumée. Monoï pour les sens. En l’occurrence, son odeur s’ouvre Body Glow II, Nars, 65,00 €. sur une touche hespéridée et fruitée d’Orange. Eau Soleil, Biotherm, 19,00 €.

PEAU TROPICALE

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PRADA Sac à main Midollino en toire et en osier à finitions en cuir, 1.300,00€

MARK CROSS, Sac porté épaule Manray en rotin à finitions en cuir texturé, 1.825,00€

Oh my BAG !!!

BALENCIAGA, Sac à main Bistrot Panier en raphia tressé et en cuir, 745,00€ 76 - FOCUS F.W.I

DOLCE & GABBANA, Sac porté épaule Escape Beauty, collection Mambo en osier à ornements, 2.250,00€


l’Obsession En hommage aux 30 ans de Terracotta, et pour la toute première fois, Thierry Wasser, le "nez" de Guerlain, interprète la poudre mythique en parfum. Gorgé de soleil, comme une invitation au voyage vers des terres lointaines. Une fragrance sensuelle et irrésistible, exotique et lumineuse, inspirée par l’univers rayonnant de Terracotta. Eau de toilette, Terracotta Le parfum, Guerlain, dès 54,00 € les 100 ml. Photographe, YVAN CIMADURE Lieu, PLAGE DE GRAND ANSE, DESHAIES

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street couture Photographe, ÉRIC CORBEL - Styliste, KEN JOSEPH Réalisation, MIKE MATTHEW - Maquillage, MAKE UP BOX Modèle, OPHELY - Lieu, POINTE À PITRE

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Veste en wax Vlisco et Robe, Elie Kuame Paris.

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Robe à imprimé floral, Elie Kuame Paris. Escarpins, Mango. 80 - FOCUS F.W.I


Robe en wax Vlisco, Elie Kuame Paris.

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Robe fluide en wax Vlisco, Elie Kuame Paris.

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Veste en wax Vlisco et jupe en tulle, Elie Kuame Paris. Bustier, Zara.

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Trench en wax Vlisco, Elie Kuame Paris. 84 - FOCUS F.W.I


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Photographe, YVAN CIMADURE

MAÃŽTRE

DU TEMPS 86 - FOCUS F.W.I


GIRARD PERREGAUX, Montre 1966 WW.TC, 40mm. Boîtier en or rose et bracelet en cuir d’alligator.

CARTIER Montre Drive extra-plate, 39mm. Boîtier en or gris et bracelet en cuir d’alligator gris.

LES PENDULES À L’HEURE

IWC, Montre Da Vinci Automatic, 40mm. Boîtier en acier et bracelet en cuir d’alligator.

MONTBLANC, Montre Chronograph Tachymeter Édition Limitée 44 mm. Boîtier en or rouge et bracelet en cuir d’alligator.

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LE VESTIAIRE

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Espadrille en toile noire, Saint Laurent, 395,00€

Gucci Tian L’espadrille des Hommes, Gucci, 370,00€

Espadrille en toile à motif House check, Burberry, 350,00€

Espadrille Pablo Suede, Castañer, 95,00€

Espadrille en cuir noir avec motif, Givechy, 495,00€

Espadrille Jose bleu tonnerre en tissu à enfiler, Acne Studios, 300,00€


Mood THE IT-BAG RÉSOLUMENT CHIC

Revu et corrigé par les créateurs, le sac à dos devient un accessoire de mode pointu et sophistiqué. Une tendance facile à adopter... C’est certain : quand on nous dit sac à dos, on ne pense pas immédiatement it-bag. Et pourtant, au fil des saisons il est devenu un incontournable. Repéré sur le dos des mannequins en plein marathon de défilés, le sac à dos est, doucement mais surement, monté en grade à coups de cuir lisse et de design minimaliste pour devenir un accessoire (presque) comme les autres. Sac à dos, Burberry dès 850 euros.

The must have

La célèbre maison de haute couture Dior vient de dévoiler sa nouvelle collection de lunettes de soleil masculine à l’ouverture de la Paris Fashion Week Homme. Les lunettes présentées par la maison française arrivent tout droit des années 70. Le rétro est plus qu’à la mode en ce moment. Un fil métallique vient ici suivre la ligne des verres et prend leur forme jusqu’au nez. Lunettes de soleil Diorsynthesi01, Dior dès 420 euros.

L’HOMME IDEAL EST UN MYTHE,

SON PARFUM, UNE RÉALITÉ

Si l’Homme idéal est un mythe grâce à Guerlain son parfum est une réalité avec L’Homme Idéal Sport. Pour révéler le potentiel sportif de l’Eau de Toilette, la maison Guerlain offre une cure de vivacité à l’amande, caractéristique de l’Homme Idéal. Dynamisée par des épices fraîches, sa tonicité s’exprime notamment grâce aux propriétés énergisantes du gingembre et du citron. Une overdose de bergamote vivifie la composition et forme un concentré de vitalité pour se tenir prêt à relever tous les défis du quotidien. Eau de toilette, L’Homme Idéal Sport, Guerlain 50 ml dès 70 euros.

[

MATCH PARFAIT

]

100% naturel, ce sérum est composé d’huiles essentielles et d’huiles végétales. Il hydrate la peau et la protège de la pollution. La peau est lissée et affinée, le teint est éclatant. La composition aromachologique à base d’huile essentielle de Néroli Citrus aurantium, contribuent à une sensation de bien-être immédiates. Huile hydratante, Aromessence Néroli Amara Sérum, Decléor, dès 54,95 euros les 15 ml.

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I’M NOT BOSSY Photographe, ÉRIC CORBEL - Styliste, KEN JOSEPH Réalisation, MIKE MATTHEW - Maquillage, MAKE UP FOR EVER Modèle, RAINER - Lieu, MORNE-À-L’EAU

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T-shirt en coton message et Jupe trapèze à bretelles, Mango. Lunettes de soleil, Rétro Superstar, My Optics.

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T-shirt dĂŠtails volant, Jean straight et Bretelles, Mango.

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T-shirt imprimé, Pantalon slim-fit à carreaux et Veste modern slim, Mango.

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Chemise et Bermuda a rayures, Fleur de Canne by Denis Devaed. Sandales, Mango.

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Chemise regular-fit en coton imprimĂŠ et Maillot de bain imprimĂŠ tropical, Mango. Lunettes de soleil, Vuarnet, My Optics.

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CARNET D’ADRESSES DS AUTOMOBILE Carrefour Grand Camp Route de la Gabarre 97110 Pointe-à-Pitre T. 0590 212 733 ----ZI des Pères Blancs 97123 Baillif T. 0590 410 101

LES VILLAS DE LA TOUBANA 97180 Sainte-Anne T. 0590 882 578 MAKE UP BOX Imm. Technopolis 2 - ZI Jarry 97122 Baie-Mahault T. 0590 810 495

Elie KUAME PARIS 1 bis Avenue Daumesnil 75012 Paris T. 0640 237 271

MAKE UP FOR EVER Galeries de Houelbourg 97122 Baie-Mahault T. 0590 388 417

ERAM Centre commercial Jardiland 97122 Baie-Mahault T. 0590 958 136

MANGO Centre commercial Destreland 97122 Baie-Mahault T. 0590 418 644

FLEUR DE CANNE By Denis DEVAED Galerie de Houelbourg 97122 Baie-Mahault

MÉMORIAL ACTE Darboussier 97110 Pointe-à-Pitre T. 0590 251 600

GRAIN D’OR C.C Milénis 97139 LES ABYMES T. 0590 48 01 02

MY OPTICS Cœur de Jarry 97122 Baie-Mahault T. 0590 326 128

LE GOLF INTERNATIONAL DE SAINT-FRANÇOIS Avenue de l’Europe 97118 Saint-François T. 0590 884 187

SERGE BLANCO Galeries de Houelourg - ZI Jarry 97122 Baie-Mahault T. 0590 418 644

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DS 3 INES DE LA FRESSANGE

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Teinte Bleu Encre et pavillon Blanc Opale Siège Cuir Grainé Bleu Granit avec personnalisation Ines De la Fressange Bandeau de planche de bord rouge et surtapis Ines De La Fressange Centres de roue et coques de rétroviseurs extérieurs spécifiques Jantes alliage 17’’ APHRODITE diamantées Noir Projecteurs DS LED Vision et Feux arrière 3D à LED Pack Navigation tactile avec écran tactile 7’’

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