Orpheo blanco, huile sur toile, 114 x 146 cm, 2011.
Jérôme BAUDUIN NOCTURNES « Chaque homme dans sa nuit s’en va vers sa lumière » Victor Hugo S’inscrivant dans une longue filiation de peintres de paysages nocturnes, Jérôme Bauduin fait de la nuit le sujet principal de ses tableaux récents et l’élément actif de sa peinture. L’enjeu de cette série de toiles est donc tout à la fois de montrer la fascinante beauté de la nuit urbaine et de mettre en exergue ses propriétés physiques ; sa capacité à transfigurer les couleurs et à sublimer la lumière. Fasciné par l’énergie particulière de la vie nocturne des grandes cités, il traduit au moyen de la peinture les formidables potentialités offertes par la nuit. Par opposition aux rythmes contraints des jours, le temps nocturne des grandes villes est pour l’individu un des derniers remparts de sa liberté d’action et d’expression. La nuit ouvre le champ des possibles : elle offre aux hommes et aux femmes un temps vacant qui souvent semble s’étirer, un espace libre à arpenter selon de nouvelles circulations - au gré des désirs, de l’impulsion, de la fantaisie - permettant ainsi les rencontres les plus improbables, les expériences les plus inattendues ou la découverte de lieux jusqu’alors inexplorés. Manifestes pour une vie noctambule, guidée par le hasard et les passions, ces toiles sont aussi pour Jérôme Bauduin une manière d’interroger la peinture et de jouer avec cette réalité paradoxale et passionnante : la nuit est finalement plus colorée que le jour.
L’artiste révèle en effet dans cette série, au moyen d’une multitude de touches colorées, les propriétés singulières de la nuit, qui possède tout à la fois le pouvoir de concentrer la lumière, d’exalter les couleurs primaires, de faire vibrer chaque teinte saillant de l’obscurité mais aussi d’homogénéiser et de créer des continuités rythmiques dans l’espace de la toile. Son sujet lui permet aussi de traduire l’idée du mouvement par le biais des vibrations de la lumière : les lueurs des phares forment derrière les voitures comme des traînées astrales, les réverbères créent dans le ciel des halos mystérieux, les vitrines deviennent des parallélépipèdes iridescents. S’appuyant sur des photographies qu’il retravaille avec un logiciel de retouche d’images jusqu’à l’obtention d’un rendu qui servira de base à sa composition, Jérôme Bauduin opère un pont entre la tradition picturale et les outils de la modernité. Il utilise les techniques contemporaines au stade du travail préparatoire et revient aux techniques picturales traditionnelles de l’huile et aux vernis des maîtres anciens au moment de l’exécution de la toile. Cette synthèse est pour lui une manière de s’inscrire pleinement dans son époque et de rendre hommage aux artistes qui l’ont précédé, qui, tout comme lui, ont été porteurs d’une interrogation sur les forces qui animent le monde, le font évoluer et induisent notre manière de l’habiter.
Martine Guillerm HIVER 2020/21
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