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saison 09 10
N°
le retour d'un jeune fol
Parsifal | N° 2 | février 2010 |
| LE journal du cercle du Grand Théâtre et du Grand tHéâtre de GEnève
Lulu
et Py
la musique de
le réveil de La
Belle
Simon
Opération
Mythe N° 4
RIEN NE RESSEMBLE PLUS À UNE BANQUE QU’UNE AUTRE BANQUE Faux! En tant que plus ancienne banque suisse, nous bénéficions d’une longue expérience et d’une expertise reconnue. En 268 ans d’histoire, nous avons vu les périodes d’euphorie et de joyeuse insouciance succéder aux guerres, aux révolutions, aux crises économiques et aux krachs boursiers. Pourtant, nous sommes toujours là! Et nos clients qui ont vu leur patrimoine fructifier au fil des générations aussi. Nous serions heureux de vous rencontrer et de vous démontrer à quel point nous sommes différents. Genève: téléphone 022 307 21 21 ou geneve@ge.wegelin.ch Lausanne: téléphone 021 213 25 25 ou lausanne@vd.wegelin.ch www.wegelin.ch
ST-GALL
BÂLE
LOCARNO 2
BERNE LUCERNE
CHIASSO LUGANO
COIRE
GENÈVE
SCHAFFHOUSE
LAUSANNE ZURICH
Buzz op 2-5
Quoi de neuf dans le monde de l’opéra à Genève et ailleurs
Opération 6-12
Olivier Py, « Mon théâtre » Lulu, une somnambule de l'amour Parsifal : Un jeune fol est de retour
Pleins feux 14-16
Deutsche Oper am Rhein Le géant du Rhin
On Stage 17-21
Simon Keenlyside La musique qui est en lui
en ballet 22-23 Sunset bodies Belle de jour
en coulisses 24-25
Profession solutionneur
Carnet du Cercle 26-27
Un palais vénitien sort de la lagune
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Didactique 28-29
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saison 09 10
n°
Labo-M rencontre Marthe Keller La longue marche vers L'étoile « L'opéra, c'est un peu mon Disneyland »
le retour d'un jeune fol
Parsifal | N° 2 | février 2010 |
| LE journaL du cErcLE du Grand ThéâTrE ET du Grand ThéâTrE dE GEnèvE
Agenda 30-31
Lulu et Py
24 h 32
la musique de
le réveil de La
Belle
Simon
ACT-0_N°2_couv.indd 1
Dans la vie de Chantal Graf
25.01.10 04:25
11, bd du Théâtre CP 5126 CH-1211 Genève 11 T +41 22 418 30 00 F +41 22 418 30 01 grandtheatre@geneveopera.ch www.geneveopera.ch Directeur de la publication Tobias Richter Ont collaboré à ce numéro: Kathereen Abhervé, Brice d'Antras, Daniel Dollé, Valérie Epiney, Isabelle Jornod, Charlotte de Lattre, Frédéric Leyat, Christopher Park, Illyria Pfyffer, Borjana Ristic, Jacques Schmitt, Katy Suutari, Jon Tolansky, Alexander Wolhoff Coordination Illyria Pfyffer Responsable de l'édition de la création visuelle et de l'iconographie Aimery Chaigne Impression m+h genève Parutions 4 éditions par année. Achevé d’imprimer en janvier 2010 Image de la couverture Parsifal au Grand Théâtre en 2004 © GTG/Nicolas Lieber
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buzzop © DR
Rolando
Angela libre
sûr de ses cordes Fort de son succès en 1999, au concours Operalia
de Plácido Domingo, le ténor franco-mexicain Rolando Villazón fut aussitôt propulsé sur carrière fulgurante de dix ans qui ont mis à mal
LE magazine jeunesse dédié à la musique
ses cordes vocales et l’ont obligé à interrompre une représentation de Lucia di Lammermoor au Metropolitan Opera de New York en janvier 2009, puis à renoncer au rôle-titre de Werther à l’Opéra
© DR
toutes les grandes scènes internationales. Une janvier 2010
Mensuel N° 16
les clés de la musique 16
6,50 €
one L e tro m b
ivre un cu rgure ! d’enve
cOMPOSITEUr
Prokofiev Un moderne inclassable
Bastille en mars dernier. Après l’ablation d’un INTErVIEW
kyste sur une corde vocale et un repos forcé de
Jean-François Lapointe
plusieurs mois, Rolando Villazón, qui a annoncé
de Mozart
voix », fera son retour sur scène en mars 2010 dans le rôle de Nemorino de l’Elisir d’amore de Donizetti à Vienne, puis à Berlin dans quelques représentations d’Eugène Onéguine. Il est très attendu à Paris, le 18 avril prochain, à l’occasion d’une soirée de prestige programmée avec la pianiste Hélène Grimaud, au Théâtre des ChampsElysées. On le retrouvera également cet été au Festival de Salzbourg puis au Verbier Festival sous >KA
GENrE MUSIcAL
Le requiem
ET AUSSI…
L’Opéra de Saint-Etienne Les actus, les BD, les jeux.
Les Enfants
aussi
MusicKeys est un nouveau magazine destiné à faire découvrir la musique classique aux enfants. Il est complété par un site web qui offre jeux, lexiques et permet de créer des liens entre amateurs de musique classique. >BR www.musickeys.fr © félix broede
la direction de Valéry Guerguiev.
OPÉrA
Idomeneo
a affirmé vouloir être libre comme Carmen et pouvoir prendre seule ses décisions et chanter avec qui bon lui semble. Il y a trois ans, Angela, interviewée avec son médiatique époux, affirmait pourtant : « Nous avons eu l’occasion de chanter chacun avec bien des partenaires : cela s’est toujours bien passé, mais sans jamais atteindre ce degré de fusion vocale ». Alagna ne craignait pas d’en rajouter : « Angela et moi, c’est une alchimie qui fait que les deux timbres fonctionnent merveilleusement. Une coïncidence, une anomalie acoustique de la nature ». Il faudra donc leur souhaiter un second miracle... >KA © GTG
en novembre dernier qu’il avait « retrouvé sa
Baryton lyrique
La séparation d’Angela Gheorghiu et Roberto Alagna est consommée. C’est donc la fin des amours d’un couple déjà mythique de l’opéra dont le mariage en grande pompe à New York sur la scène du Met, il y a 13 ans, avait fait sensation. La diva roumaine qui devait donner la réplique à Roberto Alagna dans la Carmen de Georges Bizet - programmée au Met de New York depuis le 31 décembre 2009 - a d’ailleurs renoncé aux six premières représentations. C’est Elīna Garanča qui l’a remplacée, notamment le 16 janvier 2010, pour une représentation exceptionnelle diffusée dans le monde entier. La volcanique Angela
Vu à la télé
Les archives de la TSR regorgent de petits trésors qui ne demandent qu’à être découverts. On y retrouve, par exemple, un extrait du Bal masqué de Verdi donné au Grand Théâtre de Genève lors de la saison 1983-1984 dans lequel la soprano Danielle Borst tient le rôle d’Oscar et Luciano Pavarotti celui du comte de Warwick. Plus anecdotique, on y retrouve également une séquence montrant Maria Callas faisant son shopping dans les rues de Genève. À découvrir! archives.tsr.ch >VE Le Grand Théâtre met ses archives à disposition : archives.geneveopera.ch
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à vos claviers !
Une nouvelle application pour iPhone ou iPod Touch destinée à tous les amateurs d’opéra permet de lire les livrets des plus grands opéras, d’obtenir des informations sur la création de l’œuvre, les personnages et le synopsis, le tout directement depuis son appareil. Le texte blanc sur fond noir ne fatigue pas les yeux et permet ainsi d’écouter la musique et lire le livret simultanément. L’application est disponible en langue anglaise ou italienne et les livrets dans leur langue d’origine ou traduits en anglais. Actuellement, 24 oeuvres sont téléchargeables dont le Requiem de Mozart ainsi que les Carmina Burana d’Orff gratuitement. >BR www.intermundia.it/ iphone
que le 22 décembre dernier, de nombreux spectateurs ont pu découvrir les Ballets Russes de Diaghilev dans les salles Pathé de Genève et Lausanne. D’autres spectacles devraient être retransmis prochainement en direct du Palais Garnier ou de l’Opéra Bastille. >VE
Benjamin
© DR
Suite au succès incontestable qu’a rencontré le Metropolitan Opera de New York lors de la diffusion de certains de ses opéras dans les salles Pathé, l’Opéra national de Paris a décidé à son tour de retransmettre en direct certaines de ses productions. C’est ainsi
© DR
Paris aussi
S’il n’en reste qu’un Le superbe enregistrement de Faramondo de Georg Friedrich Haendel coproduit par l’Opéra de Lausanne, EMI-Virgin Classics, Rete Due-Radio Svizzera et Parnassus Art Productions a reçu le Grand Prix de l’Académie Charles Cros, dans la catégorie «meilleur enregistrement d’opéra de l’année ». L’œuvre avait été présentée en concert à la Salle Métropole de Lausanne le dimanche 8 mars 2009 et diffusée sur la chaîne Mezzo. Ce coffret a en outre reçu plusieurs prix en 2009 : Diapason d’or et Diapason de la découverte, Grammophon Editors choice et Deutschen Schallplattenkritik. >IP
Trois femmes
trouve ses limites
Benjamin Millepied, chorégraphe de Casse-noisette (de 2005 à 2007) et de Petrouchka (2007-2008) au Grand Théâtre de Genève, participe actuellement en tant que chorégraphe au tournage de Black Swan, un film réalisé par Darren Aronofsky, avec Natalie Portman, Vincent Cassel, Winona Ryder et Barbara Hershey. Dans ce film à suspense, dont la sortie est prévue en 2010, l’héroïne (Natalie Portman) est une ballerine qui, dans un combat contre sa rivale (Mila Kunis), repousse toujours plus loin les limites de ses performances. Le film devrait sortir cette année sur grand écran mais il bénéficie d’ores et déjà d’une forte couverture médiatique en raison de la relation entre Natalie Portman et Benjamin Millepied. Une chose est sûre, Benjamin Millepied sera de nouveau invité au Grand Théâtre de Genève en 2011… >BR
pour la Callas Après Franco Zeffirelli, qui avait réalisé un film sur Maria Callas
avec Fanny Ardant dans le rôle-titre (2002), c’est au tour du producteur américain, Julian Fellowes - oscarisé pour Gosford
© GTG
Park - de s’emparer du mythe avec Greek Fire. Ce film s’inspirera de l’essai consacré à la relation entre la Callas et Onassis du célèbre journaliste Nicholas Gage. Eva Mendes devrait incarner le rôle de la célèbre diva. Un second projet cinématographique est annoncé, sobrement intitulé Callas. Cette production italo-britannique est une adaptation de Niall Johnson d’après l’ouvrage So Proud, So Fragile d’Alfonso Signorini qui relate également la relation tumultueuse et passionnelle de Maria Callas avec l’armateur grec Aristote Onassis. Anne Hathaway et Penélope Cruz sont en compétition pour interpréter la diva légendaire mais aucune n’a encore confirmé son intérêt pour le rôle. Espérons que ces deux productions s’intéresseront davantage aux interprétations spectaculaires de la diva, ovationnée sur les plus grandes scènes lyriques du monde, qu’aux baisers de >KA © DR
l’héroïne s’abandonnant dans les bras de son riche amant.
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Opération > lulu
de Alban Berg Direction musicale : Marc Albrecht Mise en scène : Olivier Py Au Grand Théâtre, 4 | 7 | 10 | 13 | 16 | 19 | 20 février 2010
Olivier Py « mon » théâtre
Le metteur en scène de Lulu nous livre un peu de ses impressions genevoises….
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devenue mythique, a remporté un immense triomphe. Cela aussi parce qu’Armin Jordan dirigeait l’orchestre. Quelles sont les mises en scène que vous aimeriez encore monter à Genève ? Parsifal et le Ring. Continuer avec Wagner. Mais aussi commencer avec Verdi ou Puccini. Comme je n’ai jamais mis en scène d’opéra italien, je serais très tenté par La Traviata ou Madama Butterfly dont je trouve le livret très intelligent. Ou plus fou, Euryanthe de Carl Maria von Weber, dans un autre registre. Genève, une histoire d’amour ? Oui ! Lors de ma première mise en scène à Genève, je dirigeais le Centre Dramatique d’Orléans. Je n’avais jamais travaillé sur un plateau de cette importance auparavant. Depuis, j’y viens régulièrement. Le Grand Théâtre représente donc quelque chose de spécial pour moi. Je m’y sens chez moi. Je le considère d’ailleurs un peu comme « mon » théâtre. J’adore ses équipes techniques. Et j’aime la manière de travailler en Suisse. Organisation. Gentillesse. Il y a dans votre pays un confort psychologique unique que l’on ne trouve pas à Paris où le conflit est permanent. À cet art de vivre inégalable s’ajoutent les équipements du théâtre permettant des audaces incroyables. Dès Les Contes d’Hoffmann, avec Pierre-André Weitz nous avons pensé notre travail en fonction des spécificités du lieu. Par exemple, pour La Damnation de Faust, nous avions débuté notre réflexion sur les ponts du théâtre. Et comme on connaissait les équipes, on a osé proposer des folies techniques. En fait, La Trilogie du Diable (Der Freischütz, La Damnation de Faust et Les Contes d’Hoffmann) a été construite sur mesure pour le Grand Théâtre. Pour chacun de ces trois spectacles, j’ai l’impression d’avoir inventé quelque chose d’inédit, de très expérimental, lié aux possibilités techniques et humaines du théâtre. Avec Lulu, vous signez votre huitième mise en scène à Genève. Vous devez y avoir vos habitudes maintenant. Quels sont par exemple les cafés genevois que vous aimez fréquenter? Chaque fois que j’arrive à Genève, je vais à la Cave Valaisanne. J’apprécie ce lieu pour sa clientèle hétéroclite. © GTG/gregory batardon
Olivier Py, quel est votre premier souvenir lié à Genève ? Mon premier souvenir date de 1988. Avec ma classe du Conservatoire de Paris, j’étais venu présenter un atelier à la Comédie. Il s’agissait d’une pièce de Paul Claudel que nous avions jouée un soir seulement. Le premier spectacle que vous avez mis en scène à Genève était Les Contes d’Hoffmann durant la saison 2001/02, spectacle repris d’ailleurs la saison passée au Grand Théâtre. Quel souvenir en gardez-vous ? J’en conserve le souvenir d’une fête incroyable dans un décor vertigineux. La musique d’Offenbach, la taille importante de la troupe qui comprenait une belle équipe de danseurs, et le fait que nous n’étions pas écrasés par la lourdeur d’une œuvre tragique ont participé à la joie générale. C’est à cette occasion que j’ai fait la connaissance de José Van Dam et de Patricia Petibon (qui incarne Lulu au Grand Théâtre du 4 au 19 février 2010 ndlr). Patricia, que j’avais rencontré au Théâtre du Châtelet, pour parler du spectacle, était terrorisée à l’idée de jouer nue. Je me suis inspiré d’un scénario que Tarkowski avait écrit pour un film sur Hoffmann qu’il n’a finalement jamais tourné. La mise en scène fut difficile mais les problèmes rencontrés n’altérèrent en rien la bonne humeur générale. J’avais fait une belle rencontre avec une équipe formidable. Et c’était la première fois que je travaillais sur un si grand plateau. La reprise de ce spectacle au Grand Théâtre en 2008 s’est faite avec la même joie. Cette œuvre produit une telle atmosphère que l’ambiance de travail est restée pareille, même si l’équipe avait changé. Quelle est votre mise en scène préférée parmi celles que vous avez réalisées au Grand Théâtre? La Damnation de Faust. C’est la plus puissante visuellement. Je pense qu’avec Pierre-André Weitz, mon scénographe, nous avons apporté quelque chose à cette œuvre. C’était un opéra sans mode d’emploi pour lequel on a dû construire une cohérence. Je crois que nous l’avons porté au faîte de sa folie. C’est notre plus beau spectacle. Cette mise en scène a aussi représenté la joie de travailler à nouveau avec José Van Dam et de rencontrer Jonas Kaufmann. Quel est votre opéra préféré ? Tristan und Isolde. Sans aucun doute. Sa mise en scène à Genève a été réalisée comme une évidence. Tout était facile. Tout le monde était parfait. Il n’y a eu aucun problème technique. Cette œuvre nous plongeait dans une mélancolie douce. Tout coulait de source, comme l’eau sur la scène. Il y avait une sorte d’unanimité. Cette mise en scène, qui est
>
Opération
«
Je voudrais être perçu comme un artisan du sens, dont l’inspiration naît de la f idélité aux œuvres.
»
olivier py
Janvier 2010, Olivier Py règle les dernières répétitions sur la scène du
Jeunes branchés, vieilles dames, riches ou personnes moins fortunées, tout le monde s’y retrouve. C’est un lieu ouvert. Un lieu où Armin (Jordan) se rendait souvent. J’aime également dîner au Dorian, un restaurant à l’ambiance chaleureuse à deux pas du Grand Théâtre. J’ai également un petit faible pour la Clémence et sa terrasse. Qu’est-ce qui vous frappe dans une ville comme Genève par rapport à Paris ? à Genève, je suis frappé par l’immuabilité du décor. à Paris, les rues changent très vite. Parfois, on les reconnaît à peine. Hier, une boulangerie. Aujourd’hui, une boutique de luxe. Tout va très vite. à Genève, tout est différent. Les transformations sont à peine perceptibles. Lors de chacun de mes séjours, j’ai l’impression que rien n’a bougé. La mise en valeur de la richesse est également très différente. à Paris, elle est clinquante, tandis qu’à Genève, la calviniste, elle est plutôt discrète. Comment ressentez-vous le public du Grand Théâtre ? J’ai l’impression que le public genevois, et le public lyrique en général, a passablement changé ces dix dernières années. S’il a rajeuni, il me semble moins mélomane et plus intéressé par l’aspect théâtral qu’autrefois. Ce que je ressens surtout entre le public de Genève et nos créations, c’est un lien passionnel qui n’a pas toujours été simple… Le métier que vous aimez le plus dans un théâtre (hormis ceux que vous pratiquez bien sûr) ? Pour moi, travailler avec la lumière représente le rêve absolu, la magie pure. Je considère l’éclairagiste un peu comme un musicien par l’immatérialité de ce qu’il crée. Il faut savoir que le métier d’éclairagiste est récent dans sa forme actuelle. Cela fait seulement plus ou moins 20 ans que nous pouvons nous aider de logiciels. J’apprécie aussi énormément les ateliers de couture car ce domaine me passionne. Je les visite très souvent d’ailleurs. Dans une maison d’opéra on trouve des métiers qui ont presque totalement disparu. Je suis très admiratif de tous ces artisans qui transmettent leur savoir. Le Grand Théâtre est fortement associé à votre image. Comment le vivez-vous ? Cela m’a sauvé la vie. à Genève on prend en compte le travail global d’un artiste. La rencontre avec le public se fait sur une œuvre entière. J’ai toujours cru à l’intelligence du public même dans les moments difficiles. Je voudrais être perçu comme un artisan du sens, dont l’inspiration naît de la fidélité aux œuvres. Propos recueillis par Frédéric Leyat
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Grand Théâtre.
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Opération
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Opération > lulu
de Alban Berg Direction musicale : Marc Albrecht Mise en scène : Olivier Py Au Grand Théâtre, 4 | 7 | 10 | 13 | 16 | 19 | 20 février 2010
Rencontrer
« Schigolch : Vous voilà ! Créatures ! Êtres humains ! Il n’est pourtant pas très clair de qui vous êtes les créatures – les miennes ou celles de l’Autre. C’est pourquoi, il y a longtemps, je vous ai refusé un élément : le feu. Prométhée a volé le feu du soleil et vous l’a apporté sur terre. Pour vous punir de l’arrogance avec laquelle vous vous êtes servi, j’ai créé une belle image trompeuse que j’ai nommée Pandore, c’est-à-dire celle qui donne tout. J’ai envoyé Pandore, avec une boîte d’or remplie de présents, chez l’un d’entre vous qui s’appelait Epiméthée, c’est-à-dire celui qui ne pense qu’après. Epiméthée avait été prévenu par Prométhée de n’accepter aucun présent de nous autres, les dieux. Mais le charme de Pandore le lui fit oublier. Il la pria d’ouvrir la boîte. Elle accéda à son désir. Et de la boîte vinrent sur terre tous ces dons douteux, tous les maux dont vous souffrez encore aujourd’hui. Jusqu’à ce que Prométhée détruise la belle image trompeuse. » Frank Wedekind
Girl under Japanese umbrella Ernst Ludwig Kirchner, 1909 Kunstsammlung Nordrhein-Westfalen, Düsseldorf, Allemagne Huile sur toile
Photos prises au cours des répétitions.
© GTG/gregory batardon
Le marquis, Robert Wörle, Acte III sc 1
Lulu et Jack l'éventreur: Patricia Petibon
© GTG/gregory batardon
© Erich Lessing / Art Resource, NY
et Pavlo Hunka, f inal de l'acte III
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Une somnambule de l'amour Lulu, une prise de rôle pour Patricia Petibon en répétition de l'acte III
Ce que Wedekind avait en tête… « à la place du titre L’Esprit de la Terre, j’aurais aussi bien pu écrire Psychologie réelle en analogie avec la politique réaliste. Lors de la réalisation je veillais à éliminer toutes les notions qui ne se défendent pas logiquement comme celles d’Amour, Fidélité, Gratitude. Les deux personnages principaux Schön et Lulu ne sont pas concernés par ces notions, même pas subjectivement ; elle, parce qu’elle n’a pas reçu d’éducation, lui, parce qu’il l’a surmontée. Ce qui m’importait lors de la description de Lulu, c’était de modeler le corps de la femme à travers ses paroles. à chacun de ses mots, je me demandais s’ils la rendaient jeune et jolie. En conséquence Lulu est un rôle facile et enrichissant si on s’y prête. à mon grand regret, elle a été jouée d’une façon tordue, maniérée et à contresens par des interprètes qui ne s’y prêtaient pas du tout. Ainsi le drame L’Esprit de la Terre m’a donné la réputation d’être misogyne. Le rôle difficile de la pièce est celui du Docteur Schön. Il doit sans cesse détruire le climat sérieux qu’il a créé luimême et affronter le rire du public. » Frank Wedekind En mai 1905, Berg assiste à la première représentation de La Boîte de Pandore au Trianontheater de Vienne. Il suit une conférence de Karl Kraus consacrée au talent de Frank Wedekind. Karl Kraus parle d’une somnambule de l’amour, Lulu. Pour Kraus, Lulu symbolise « la tragédie de la féminité, harcelée, éternellement incomprise, qui ne permet à un monde misérable d’élever ses conceptions morales qu’au niveau du lit de Procuste. »
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Robert Reimer, assistant du Chef d'orchestre Marc Albrecht, dirige
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une répétition au piano de Lulu.
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« Une âme qui dans l’au-delà ôte le sommeil de ses yeux. C’est un poète et amant hésitant entre l’amour et une création artistique de la beauté de la femme qui saisit la main de Lulu dans la sienne, dit ces mots, clefs de ce dédale de la féminité, de ce labyrinthe de l’âme dans lequel bien des hommes ont perdu la trace de leur raison. C’est le dernier acte de L’Esprit de la Terre. La maîtresse a rassemblé autour d’elle tous les types d’hommes pour qu’ils la servent en prenant les dons qu’elle a à offrir, c’est Alwa, le fils de son mari, qui prononce ces paroles. Et puis quand il se sera soûlé à la douce source de la dépravation, quand son destin se sera accompli dans le dernier acte de La boîte de Pandore, délirant devant l’image de Lulu, il trouvera ces mots : En face de ce portrait je retrouve l’estime de moi-même : il me fait comprendre mon malheur. Tout ce que nous avons vécu devient si naturel, si évident, clair comme le soleil. Que celui qui se sent assuré dans sa situation bourgeoise devant ces lèvres charnues, cette bouche en fleurs, ces grands yeux d’enfant innocent, ce corps blanc-rosé, épanoui, que celui-là nous jette la première pierre. Ces paroles prononcées devant l’image de la femme, devenue destructrice universelle parce qu’elle a été détruite par tous, contiennent l’univers du poète Frank Wedekind. à partir d’une série d’événements sans rapport entre eux, qu’un auteur de roman-feuilleton aurait bien pu imaginer, s’échafaude pour un œil plus éveillé, un monde merveilleux. Monde de perspectives et de symboles d’états d’âme et de secousses. La poésie de bas-étage devient la poésie à la gloire des bas-étages que seule peut condamner cette imbécilité officielle qui préfère la mauvaise peinture d’un palais à la bonne peinture d’un caniveau. Dire que Frank Wedekind décrit l’homme serait déjà un éloge qui le situe bien au-dessus des auteurs qui décrivent le milieu. Mais il est aussi le premier dramaturge allemand qui ait fait admettre à nouveau sur scène l’expression des idées depuis longtemps absentes. Toutes les lubies naturalistes sont comme soufflées. Ce que les hommes ont en eux et ce qu’ils cachent est à nouveau plus important que leurs défauts de langage. Ils disent même – on ose à peine l’avouer – des monologues, quand bien même ils sont plusieurs sur le plateau. Le rideau se lève et un athlète obèse rêvasse sur son avenir, ses gros cachets, ses revenus de proxénète. Un poète rouspète comme Karl Moor contre ce siècle de gratte-papier et une femme souffrante rêve de sauver son amie idolâtrée. Trois personnes, un dialogue de sourds. Trois univers. Une technique dramatique qui pousse trois boules d’une seule main (…). La représentation de la femme que les hommes croient « posséder » tandis que c’est elle qui les possède, la femme qui est pour chaque homme une autre, qui tourne vers chacun un visage différent, trompe beaucoup moins et est plus vierge que la poupée domestique. Pour moi, elle sauve l’honneur. Cette femme-entité est montrée avec la faculté géniale de ne pas savoir se souvenir, cette femme vit sans inhibition et sans les dangers d’une conception psychique permanente. Elle lave chaque expérience dans le bassin de l’oubli. Elle désire, elle n’enfante pas, elle ne sert pas à conserver le genre humain, mais à offrir la jouissance. Ce n’est pas la serrure fracturée de la féminité, toujours ouverte, toujours fermée. Loin de la volonté de conception elle renaît avec chaque acte sexuel. Une somnambule de l’amour qui « tombe » seulement quand on l’appelle, éternellement donnant, éternellement perdant. Schigolch, un ami paternel, dit d’elle : « Elle ne veut pas vivre de l’amour, car sa vie est amour ». Que dans ce monde étroit la source de joie doive se transformer en boîte de Pandore, c’est ce regret infini qui semble à la base de cette œuvre poétique. » Karl Kraus
© GTG/marc vanappelghem
Opération
En 1927, naît chez Berg l’idée de fusionner les deux œuvres de Frank Wedekind, La Boîte de Pandore et L‘Esprit de la Terre. Lulu était née comme le montre une lettre d’Alban Berg à Theodor Adorno. Deux ans plus tard l’adaptation du texte est prête. Le compositeur écrit à son ami Schönberg, à qui il dédicace l’opéra pour son soixantième anniversaire, le 28 août 1934. « … Comme je dois couper les quatre cinquièmes du texte original de Wedekind, le choix de ce que je vais retenir dans le cinquième restant me cause beaucoup de peine. Et d’autant plus encore si je m’efforce de les subordonner aux formes musicales (grandes et petites) sans détruire le langage particulier de Wedekind… Toutefois, bien que gêné par des problèmes de détail, le plan général pour transformer la pièce en opéra a été établi depuis longtemps. Cela concerne aussi bien les proportions musicales que dramaturgiques et plus particulièrement le scénario, qui, en résumé, se présente ainsi : Les deux pièces Acte I
L’opéra
Studio d’artiste-peintre, dans lequel le Docteur Goll,
mari de Lulu, meurt d’une attaque.
L’Esprit de la Terre
Acte II
Appartement de Lulu et de son
Acte I (3 tableaux)
deuxième mari, le Peintre, qui se suicide.
Acte III
Loge de théâtre de la danseuse Lulu,
à laquelle le Docteur Schön
promet le mariage.
Acte IV Appartement du Docteur Schön
dans lequel il est tué par Lulu.
Elle est arrêtée. Après dix ans d’emprisonement
Acte II
Lulu est délivrée par le fils
(2 tableaux
du Docteur Schön, Alwa,
séparés par
et la comtesse Geschwitz,
(Chez Berg, 2 ans de prison.)
un long interlude.)
La Boîte de Pandore Acte I Appartement de Schön
(même décor que précédemment).
Elle devient la maîtresse d’Alwa. Acte II Salle de jeu à Paris, Lulu doit s’enfuir.
Acte III (2 tableaux)
Acte III Une mansarde à Londres.
D’après les accolades à droite et à gauche, tu vois comme j’ai délibérément (dans mon Acte II) réuni des parties qui sont séparées chez Wedekind, il s’agit là de deux pièces. L’interlude par lequel j’ai lié le dernier acte de L’Esprit de la Terre au premier de La Boîte de Pandore est bien le pivot de toute la tragédie, car c’est là que la montée de la première partie fait place à la descente de la seconde. (Il est à noter que dans l’opéra les quatre hommes qui rendent visite à Lulu dans la mansarde doivent être chantés par les mêmes quatre chanteurs qui sont apparus comme ses victimes dans la première partie. L’ordre des apparitions est cependant renversé.) »
ACT.0 | N°2 | Le magazine du Grand Théâtre de genève | Saison 09 | 10
Opération
Lulu au Grand Théâtre de Genève au cours de la saison 1985-1986 Direction musicale: Jeffrey Tate Mise en scène : Daniel Schmid Décors : Erich Wonder Costumes : Frida Parmeggiani
Et enfin le Strizzi, le Jules. Celui à qui appartient son cœur, celui qui la rend incertaine, pour qui elle pleure et souffre. Celui qui lui donne l’occasion d’être une femme ! Celui qu’elle aime comme une maman aime son bébé, celui qu’elle souhaiterait malade pour pouvoir le soigner, pauvre pour pouvoir le nourrir, mort pour pouvoir le pleurer éternellement ! Les femmes honnêtes ne ressentent pas cette triple distinction. A moins que ?!? ». >DD
| N°2
dans le rôle de Lulu
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le palais de la Secession, un ensemble radical de volumes rectangulaires, surmonté d’une frémissante coupole sphérique en résille de fleurs dorées, que peut bien signifier pour lui le fonctionnalisme, la référence des docteurs allemands de la nouvelle culture industrielle ? Rien de plus qu’un langage étrange et étranger qui identifie la création aux triviales valeurs bourgeoises d’efficacité, d’économie et de labeur. Presque dix ans plus tard, la Caisse d’épargne de la poste de Vienne, construite par Otto Wagner est avant tout, malgré ses structures métalliques et sa vaste verrière, une ode décorative à la modernité. à la même période, en Allemagne, Peter Behrens ou Walter Gropius proclament de leur côté la fonctionnalité architecturale de la fonte, du verre et du béton. Lors de la fondation, en 1903, des Ateliers Viennois (Wiener Werkstätte) par Josef Hoffmann avec son ami Koloman Moser, la seule fonctionnalité qui les intéresse est décorative. En tôle, en argent ou en porcelaine, du Palais Stoclet à Bruxelles jusque dans les objets sortis des ateliers de Vienne ou dans le Cabaret Fledermaus, le carré se décline dans un éblouissant scintillement plastique. Au lendemain de la Première guerre mondiale, Vienne, dépouillée de son empire et de ses industries s’interroge sur sa raison d’être. L’architecture et les arts appliqués perdent alors les supports traditionnels de leur fonction décorative : la gloire, la puissance et l’ambition. Dans un bref éclair, aussi génial que désespéré, Dagobert Peche, avatar, dans les arts décoratifs, du peintre Egon Schiele, traduit, par sa création névrosée, les psychoses de ce nouvel Etat, malade d’être né d’une défaite. Dans la ville du Dr. Sigmund Freud, Dagobert Peche puise son inspiration dans la complexité angoissée du moi. Avec lui, Vienne exprime ses fantasmes d’une ère révolue. Il donne un nouveau souffle au jeu des libres citations, souvent baroques et toujours hallucinées. Vienne atteint alors le summum de sa déraison décorative avant son effondrement consenti dans l’annexion allemande. De leur côté, Paris et Londres ignorent ou feignent d’ignorer que la victoire de 1918 est en fait la première grande défaite de l’Europe moderne. Paris se bricole un nouveau style, l’Art déco, toujours séduisant mais de moins en moins convaincant dans son avidité quelque peu vaine à se raccrocher à la modernité industrielle. L’art décoratif n’est cependant pas mort. Si à Paris, à Londres ou à Vienne, il a perdu la bataille, il va connaître une extraordinaire mue, mais cette fois-ci outre-Atlantique, dans les studios de Hollywood.
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Peter Altenberg, Esquisses viennoises
Empêtrée dans son vieil empire trop lourd, Vienne, telle une archiduchesse plus convaincue de son rang que de sa place dans l’ère moderne, aborde le XXe siècle avec, pour ultime arme de séduction, son aristocratique culture, à la fois exigeante, raffinée et élitaire. Toujours altière, feignant d’ignorer Londres et surtout Paris, son éternelle rivale, elle s’engage, avec panache, dans son boulevard du crépuscule.
Saison 09 | 10 | Le magazine du Grand Théâtre de genève | ACT.0
Avec Patricia Wise
L’homme traverse des printemps successifs. Mais pour la femme, il est beau de ne traverser qu’un seul rêve et d’en mourir.
Vienne dans les derniers feux décoratifs européens Au seuil du XXe siècle, elle s’éprend d’un groupe de jeunes peintres et architectes qui, sous la bannière de la Sécession, proclament leur rupture avec l’art officiel. Autour de Gustav Klimt et de l’architecte Otto Wagner, sans oublier Josef Hoffmann, le « Diaghilev » des arts décoratifs viennois, elle s’empare à sa manière de la modernité. à Vienne, la Sécession est moderne, mais moderne comme, à la même époque, l’Art nouveau l’est à Paris : avant tout pour l’excitation des sens par la virtuosité, la liberté et l’audace des formes. Parce que tellement semblables dans leurs structures catholiques et aristocratiques autour d’un pouvoir centralisé, les deux capitales s’ignorent superbement. Et pourtant, leurs destins décoratifs sont parallèles. Toutes deux, lassées des plagiats historiques imposés par une bourgeoisie triomphante en mal de racines, à moins que ce ne soit par l’épuisement de leurs aristocraties respectives, décident, dans les mêmes années et dans le même sursaut, de renouer avec la chaîne des styles, interrompue depuis l’avènement de l’éclectisme, au milieu du XIXe siècle. Mais, alors que ce sont les formes féminines et sensuelles de l’Art nouveau de Guimard, Majorelle, Gallé et Daum qui sortent la France de son errance créative, sur les rives du Danube, ce sont les explosions géométriques de la Sécession qui ravivent l’éclat de Vienne. Vingt ans avant le Bauhaus, ces artistes viennois qui redécouvrent la force du cercle, du carré et du triangle ne se rangent pas sous la bannière de la modernité industrielle mais préfèrent l’évoquer dans le plaisir d’un nouveau style décoratif et architectural. Même si dans son arrogance, elle ne l’avouera jamais, Vienne s’est cependant laissé séduire par le challenger culturel de l’Europe, la GrandeBretagne. Elle n’est pas insensible aux excentricités de Charles Rennie Mackintosh, ce jeune décorateur écossais, qui expose à Vienne en 1900. La grande familiarité de ce dernier avec le whisky lui a certainement permis de décaper les préceptes moralisants de William Morris, le gourou des Arts and Crafts. Il en garde le meilleur, la liberté et la qualité de la création artisanale. La radicalité de son trait n’est pas unique dans ce royaume insulaire qui n’identifie pas la création à la pompe du pouvoir. L’immense Christopher Dresser, le véritable père du design, avait déjà convaincu ses concitoyens avec des arts de la table, en métal argenté, aux surprenantes lignes géométriques. De leurs côtés, Ernest William Gimson ou Edward William Godwin, quand ils se sentent suffisamment libres pour abandonner leur style vernaculaire, posent des jalons d’un exceptionnel renouveau de l’art décoratif qui trouvent plus d’écho à Vienne qu’à Londres, notamment chez le jeune Joseph Maria Olbrich. Quand, en 1897, à peine âgé de trente ans, il érige au coeur de Vienne,
Lumières : Max Keller
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Au fameux Café Central de Vienne, repaire des intellectuels du XIXe, on peut côtoyer une statue qui représente Peter Altenberg assis à une table en train d’attendre sa commande. Peut-être réfléchit-il également à la « femme perdue », à Lulu ? Poète de la Belle-Epoque viennoise, il cherche à saisir les « états d’âme » de gens simples. Ses textes, souvent aphoristiques, ont inspiré à Alban Berg les Altenberg Lieder. « Gare à la postérité qui te méconnaîtrait ! » sont les mots que Karl Kraus prononça le 8 janvier 1919 sur la tombe de son ami Peter Altenberg. Ce dernier déclarait : « La f ille perdue a une relation triple avec l’homme. Il y a l’étranger qui est là pour lui rendre la vie possible sur le plan économique. Porte-monnaie sous forme d’homme. C’est pourquoi elle l’exploite impitoyablement, ne fait que le strict nécessaire, avec la froideur de l’obligation inéluctable. Elle est allongée là comme dans une armure d’airain, le regard fixe dans le lointain, sans âme. Il y a le Flug, objet d’une pulsion, celui vers qui elle est momentanément attirée avec ses sens, sans âme, une dévoreuse, une croqueuse, avec une soif et une faim physique ! Rassasiée, elle se détourne, sans se soucier du destin futur de l’homme ! C’était un Flug, l’objet d’une pulsion, l’ardent désir sensuel d’une heure qui s’est évaporée. « J’ai apaisé ma soif avec lui. Et puis c’est tout ».
L'enseigne du Cabaret Fledermaus, une broche signée Hoffmann, la fameuse coupole en feuilles d'Olbrich du Palais de la Secession et un coffret à bijoux de Dagobert Peche. Vienne est alors au summum de sa déraison décorative.
Brice d’Antras Historien et critique du design
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> parsifal
de Richard Wagner Direction musicale : John Fiore Mise en scène : Roland Aeschlimann Au Grand Théâtre, 18 | 21 | 24 | 27 | 30 mars et 2 avril 2010
Un jeune fol
de retour sur les bords du Léman
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de colère Kundry se roule par terre. Amfortas sait ce qui pourrait le guérir. Seul un jeune fol en touchant la plaie provoquée par la lance pourrait le sauver. Il termine sa longue narration, quand arrive Parsifal qui vient de tirer avec son arc sur un cygne (celui de Lohengrin peut-être ?). Un vieux sage, Gurnemanz, le soumet à un quiz, mais Parsifal ne connaît aucune réponse. Soudainement la guérisseuse se réveille et une forme d’excitation apparaît chez les amis d’Amfortas malade. Il est évident que Parsifal n’a aucune notion du Graal, ils le convient alors à une cérémonie au cours de laquelle la coupe sera exposée. Comme l’ignorance de Parsifal devient de plus en plus flagrante, il leur apparaît clairement qu’il est le jeune fol qu’Amfortas attend depuis longtemps. Puis, nous apprenons qu’Amfortas a un ennemi, Klingsor, qui veut s’approprier la coupe lorsqu’il sera mort. Klingsor cherche à éloigner Parsifal, mais ses efforts restent vains car sa force est redoutable, comme bien souvent chez les simples d’esprit dans la littérature. Sans peine, il triomphe des soldats de Klingsor qui sollicite la séduisante Kundry afin qu’elle use de ses charmes et de sa sensualité.
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La musique rejoint le vers pour former, depuis Wagner, la poésie. Stéphane Mallarmé, Divagations
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ACT.0 | N°2 | Le magazine du Grand Théâtre de genève | Saison 09 | 10
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L'adaptation allemande de Wolfram von Eschenbach des récits du Graal du XIIIe hanta Wagner pendant près de 40 ans. Le livret ébauché en 1857 ne sera achevé qu'en 1877, et Wagner composera la musique entre 1876 et 1882. Devenu depuis 1868, un ami et un fervent admirateur de Wagner, Friedrich Nietzsche se dresse contre lui avec colère et dégoût : « Toi qui souffrais de toutes les chaînes, Esprit sans paix, avide de liberté, (...) Toi aussi tu t’effondres devant la croix. Toi aussi ! Toi aussi - un vaincu ! » Dernière œuvre de Richard Wagner, expressément composée pour la colline verte, Bayreuth, elle accomplit les idéaux wagnériens. L’amour, la sensualité, la pureté, le sacrifice, la souffrance et la rédemption s’emparent du mythe du Saint Graal. Afin de signifier au public qu’il ne s’agit pas d’un opéra habituel, Wagner l’a appelé « Bühnenweihfestspiel » (festival scénique sacré). Cette information n’est nullement mensongère, puisque l’ouvrage dure plus de 5 heures, et que celui qui se laisse abuser par les 3 actes ne s'en prenne qu’à lui-même. Dès le commencement nous faisons la connaissance d’un personnage principal : Amfortas. Son père, Titurel, lui a confié la responsabilité du Graal. Représentons-nous le Graal comme une coupe sportive, un trophée exceptionnel. Amfortas est très malade, une maladie incurable. Il a renoncé à la médecine. Kundry, une guérisseuse, lui apporte une plante salvatrice qu’il refuse également. Vexée,
Opération
Parsifal résiste et ne succombe pas. Il comprend comment il pourra guérir le roi et s’empare de la lance pour retourner au royaume d’Amfortas. Lorsque Kundry lui aura lavé les pieds, il sera prêt pour guérir le roi grâce à la lance, mais également pour lui succéder. Ou pour ceux d’entre vous qui n’auraient pas le temps de lire les longs synopsis : plaie incurable d’un vieillard guérie par la lance d’un jeune fol… Acte I Celui de Gurnemanz
Acte II Celui de Kundry
1 Ouverture : Prélude (12’) 2 Éveil de Gurnemanz 3 Arrivée de Kundry 4 Arrivée d’Amfortas 5 Grand monologue de Gurnemanz (15’) 6 Arrivée de Parsifal (1ére) 7 Scène de la transformation 8 Marche des Chevaliers 9 Monologue d’Amfortas (8’) 10 Cérémonie du Graal 11 Coda : renvoi de Parsifal
1 Prélude 2 Monologue de Klingsor 3 Grand dialogue KlingsorKundry (10’) 4 Arrivée de Parsifal (2ème) 5 Filles-fleurs (12’) 6 La grande confrontation Kundry-Parsifal (25’). Climax : le baiser. 7 Klingsor-Parsifal 8 Coda Acte III Celui de Parsifal 1 Prélude 2 Gurnemanz 3 (3°) Arrivée de Parsifal 4 Gurnemanz-Parsifal 5 Musique de la transformation 6 Mort d’Amfortas 7 Sacre de Parsifal
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Après Lulu, une autre femme énigmatique
Qui est Kundry ? Est-ce une nouvelle Eve ou une nouvelle Marie-Madeleine ? En 1860, Wagner a indiqué que le sujet de son Parsifal s’était soudainement clarifié quand il a compris que la servante (des actes I et III) était – devait être – le même personnage que la corruptrice (de l’acte II). Kundry synthétisait deux figures restant disjointes dans Tannhäuser (Élisabeth & Vénus); elle constitue dans Parsifal une énigme : énigme de tessiture (soprano/mezzo), de diversité vocale (Kundry pleure, chante, crie, parle, gémit, rit…), de présence dramatique (Kundry, presque tout le temps présente et principale figure de l’acte II, est souvent invisible dans l’acte I, et presque entièrement muette à l’acte III), d’individualité (Kundry circule « de monde en monde » et rassemble différents visages féminins de toutes époques). Elle est la synthèse disjonctive d'une servante et d'une corruptrice. En parlant d'elle, Gurnemanz dit : « Elle nous sert – tout en se servant. » Elle apporte le baume à Amfortas et de l'eau à Parsifal. « Là-bas j'ai servi. » dit-elle, et « Servir Servir » sont les mots-clefs au 3e acte. Parsifal la traite de corruptrice. Son dilemme est servir ou corrompre, un « ou » que Lacan qualifie d'aliénant. Lorsqu'elle corrompt, c'est parce qu'elle est au service forcé de Klingsor. Son dilemme est plutôt servir Klingsor ou servir le Graal. Elle est la synthèse de nombreuses femmes et erre de monde en monde. Elle renvoie à la figure du Juif errant.
Opération
Parsifal à Genève au cours de la saison 2003-2004. De gauche à droite. Parsifal (Robert Gambill) Kundry (Petra Lang) Kundry et Klingsor (Petra Lang et Günter von Kannen) © GTG/Nicolas lieber
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© GTG/Nicolas lieber
Parsifal (Robert Gambill) et les Filles-Fleurs
Elle ne s'inscrit pas dans un monde particulier contrairement aux autres personnages de l'ouvrage. Elle est comme le jeune fol sans nom. Klingsor lui dit : « Toi qui n’as pas de nom […] Tu fus Hérodiade, tu fus tant d’autres femmes, Gundryggia là-bas, Kundry ici. » à Parsifal qui ne connaît pas son nom, elle va l'apprendre : « Je t'ai nommé Falparsi. Je te nomme Parsifal. » ètrange et ultime héroïne wagnérienne, qui incarne la sensualité, le péché et ouvre au «chaste fol» les portes de la pureté consciente et assumée. Par son baiser, elle donne à Parsifal la connaissance du bien et du mal. Parsifal, de l’arabe Parsi (chaste) et Fal (fou), (et non Parsival, comme on aurait pu s’y attendre), ce jeune homme simple et à peine pubère, est le rédempteur. Elle est également la conjonction de registres vocalement disjoints. Son parcours vocal va du sol grave au si aigu, soit plus de deux octaves. La trajectoire vocale du début à la fin de l'œuvre sera de mezzo à soprano. Première femme à accéder dans le lieu du processus subjectif collectif : « Ici, le temps devient espace. », elle est la seule à avoir des rapports avec tous les personnages de l'œuvre (voir le schéma ci-contre).
J’ai été envoyé pour ton « salut aussi, si du désir tu te
détournes. […] Jamais salut ne te sera donné avant qu’en toi la source du désir tarisse.
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Titurel
Parsifal
Amfortas
Gurnemanz
Klingsor
Elle a séduit Amfortas... Elle devra séduire Parsifal. Dans le jardin de Klingsor, elle est plus belle encore et plus ensorceleuse que les filles-fleurs qui l’animent et le colorent. Le mage démoniaque l’a baptisée «fleur du gouffre». Elle est aussi innocente qu’ève dans le jardin d’éden, mais aussi tentatrice... Wagner l’affuble d’une ceinture en peau de serpent, lui si friand de symboles, ce n’est pas par hasard. Le salut de Kundry passera par la résistance à son désir de séduire. « J’ai été envoyé pour ton salut aussi, si du désir tu te détournes. […] Jamais salut ne te sera donné avant qu’en toi la source du désir tarisse. » prédit Parsifal. Elle croyait le séduire alors qu’elle l’éclaire et, du même coup le rend plus fort. Il résiste à la tentation et Parsifal le Pur sauve la «fauve femme» de sa malédiction. Devant sa chasteté et sa fidélité au Graal, elle se rachète et tombe à ses pieds après les lui avoir essuyés avec ses cheveux. >DD
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Parsifal, s'adressant à Kundry
Kundry
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Sou t en i r l e s jeun e s tal en ts .
Shani Diluka - Pianiste
Quai Turrettini . 1201 Genève www.mandarinoriental.com
PleinsFeux
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ACT.0 | N°2 | Le magazine du Grand Théâtre de genève | Saison 09 | 10
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PleinsFeux > LA CAlisto
de Pier Francesco Cavalli Direction musicale : Andreas Stoehr Mise en scène : Philipp Himmelmann Au Grand Théâtre, 13 | 15 | 17 | 18 | 20 | 22 | 24 | 26 | 28 avril 2010
Deutsche Oper am Rhein
Le géant du Rhin Après le Gran Teatre del Liceu de Barcelone et le Met à New York, nous vous invitons à découvrir un nouveau partenaire du Grand Théâtre, le Deutsche Oper am Rhein. Une institution lyrique qui pratique le répertoire, contrairement à la politique de stagione que nous connaissons à Genève, et qui sera notre partenaire pour la nouvelle production de
que vous pourrez découvrir au mois d’avril au BFM. Vous rencontrerez également des artistes régulièrement invités par le Deutsche Oper am Rhein, ou qui font partie de la troupe. L’occasion pour vous et pour nous de retrouver Anna Kasyan, prix du Cercle du Grand Théâtre et qui vient d’être nominée pour les Victoires de la Musique.
La façade du Théâtre de Duisburg avec son fronton orné d'un poème de Schiller
Saison 09 | 10 | Le magazine du Grand Théâtre de genève | ACT.0
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La Calisto de Pier Francesco Cavalli Soirée de gala au Deutsche Oper am Rhein avec l'orchestre sur scène
Le Deutsche Oper am Rhein est situé en Rhénanie du Nord-Westphalie, un Land de l’ouest de l’Allemagne. Il est l’une des rares structures dans le monde de l’opéra à réunir deux villes, Düsseldorf (environ 600'000 habitants) et Duisburg (environ 500'000 habitants), qui depuis plus de 50 ans ont décidé de mettre leurs moyens en commun. Le Land, dont la capitale est Düsseldorf, constitue la partie la plus peuplée d’Allemagne (plus de 23% de la population allemande), elle comprend la Ruhr qui abrite, entre autres, le fameux Tanztheater Wuppertal connu dans le monde entier grâce à Pina Bausch, qui nous a malheureusement quitté l’an passé. Il s’agit d’une région qui offre une palette riche et variée pour les mélomanes grâce à une densité lyrique impressionnante. En effet, chaque ville d’importance a son opéra, Essen, Cologne, Dortmund, Wuppertal, Krefeld, … pour n’en citer que quelques unes, et tous ces opéras se distribuent dans un rayon de moins de 100 km ! Les deux villes, reliées par le Rhin et réunies depuis plus de 50 ans, comportent deux entités (opéra et ballet) et présentent au cours de la saison 9 nouvelles productions, 14 reprises, ainsi que 5 nouveaux programmes de ballet sous la houlette de son nouveau directeur, Martin Schläpfer. Le public jeune n’est pas en reste avec 3 nouvelles productions. Un peu d’histoire… C’est en 1873 que démarre la construction du Stadttheater Düsseldorf. L’ouverture a lieu en 1875 dans un bâtiment inachevé. Les coûts avaient doublé par rapport au budget initial. C’est en 1887 que s’ébauche une première alliance
Une journée bien remplie… Un aperçu sommaire d’une journée Matin sur le plateau Mise en place pour la répétition 10 h – 13 h Répétition Matin au PZ* 2 œuvres en répétition Dès 13h sur le plateau Démontage et mise en place du spectacle du soir. Dès 13h au PZ 2 œuvres en répétition 19h30 sur le plateau Spectacle 19h30 au PZ Suite des répétitions * Produktionszentrum (Centre de production)
Directeur général Christoph Meyer Directeur administratif Jochen Grote Direction musicale Axel Kober
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(en haut) L'opéra de Düsseldorf situé sur la Heinrich-Heine Allee (en-dessous) Le théâtre de Duisburg situé sur l'Opernplatz.
Un rendez-vous à ne pas manquer, en coproduction avec le Deutsche Oper am Rhein, La Calisto au BFM à partir du 15 avril avec L'Orchestre de Chambre de Genève sous la direction d'Andreas Stoehr assisté par Leonardo Garcia Alarcon (continuo), et le retour d'Anna Kasyan, Prix du
© metropolitan museum of arts
Cercle du Grand Théâtre
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entre Duisburg et Düsseldorf. Elle est résiliée en 1920 et en 1921, la ville de Düsseldorf prend en charge le théâtre en propre régie. Au cours du 28 janvier et du 3 novembre 1943, l’opéra est bombardé et la salle est détruite. L’ordre d’une reconstruction rapide est donné, et le 1er mai 1944, le théâtre rouvre ses portes avec Fidelio de Beethoven dans une salle de 1000 places. Quelques mois plus tard, le 1er septembre, tous les théâtres sont fermés. Le 9 octobre 1945, c’est l’ouverture officielle après la guerre, avec une représentation de Tosca de Puccini. A partir de 1954 commencent un grand nombre de travaux ayant pour objectif l’amélioration et la rénovation du bâtiment qui ouvre ses portes avec Fidelio le 22 avril 1956 dans une salle de 1342 places, la jauge actuelle. Le 29 septembre 1956 s'amorce une nouvelle ère. Duisburg et Düsseldorf s’associent et créent une « communauté lyrique », un syndicat intercommunal, le Deutsche Oper am Rhein. Ce jour là, on présente Elektra de Strauss à Düsseldorf, et le lendemain, l’ultime ouvrage de Verdi, Falstaff, à Duisburg. C’est à Grischa Barfuss qu’incombe la responsabilité de diriger cette nouvelle structure. Kurt Horrès lui succèdera. Lorsqu’il quitte la direction, les deux villes décident de confier la destinée de l’institution à Tobias Richter qui pilotera le navire pendant 13 saisons (1996-2009). à présent, c’est Christoph Meyer qui préside à la destinée de cette entreprise exceptionnelle et probablement unique dans le monde de l’opéra. Il a accumulé de nombreuses expériences dans des institutions lyriques très variées : Cologne, Berlin, Bâle, Barcelone et Leipzig. Plus de 800 personnes de près de 30 nationalités différentes et deux orchestres associés – le Düsseldorfer Symphoniker avec 130 musiciens dirigés par Andrey Boreyko et le Duisburger Philharmoniker et ses 93 musiciens sous la baguette de Jonathan Darlington – assurent chaque saison plus de 300 levers de rideau (environ 200 à Düsseldorf et environ 100 à Duisburg). Axel Kober est l’actuel directeur musical (GMD, Generalmusikdirektor) du Deutsche Oper am Rhein, il succède à John Fiore qui viendra diriger Parsifal à Genève au mois de mars 2010. La structure lyrique allemande peut se réjouir et se montrer fière de son « Ensemble », une troupe fixe d’environ 55 artistes qui a compté dans ses rangs des chanteurs de renommée internationale. C’est ainsi que Wolfgang Schmidt, le ténor wagnérien ayant chanté maintes fois à Bayreuth, fait toujours partie de la troupe ainsi que Jeanne Piland, mezzo présente sur toutes les grandes scènes lyriques. Thomas Hampson y a fait ses débuts en chantant notamment Belcore de L’elisir d’amore, sans parler de la regrettée Hildegard Behrens que Herbert von Karajan a découverte un soir au Deutsche Oper am Rhein alors qu’elle chantait Marie de Wozzeck, et qui lui confiera le rôle de Salomé au Festival de Salzbourg. Une liste exhaustive n’est malheureusement pas envisageable dans le cadre de cette présentation, il serait cependant injuste de ne pas mentionner Astrid Varnay ou Martha Mödl. Grâce à la diversité et à la richesse de sa troupe, le Deutsche Oper am Rhein monte toutes ses productions, y compris le Ring de Wagner, en ne faisant que très rarement appel à des artistes invités. Son répertoire ne néglige aucun jalon de l’histoire de l’opéra, de Monteverdi à nos jours. Les créations mondiales, ainsi que des premières allemandes ne sont pas rares. Orfeo, Il ritorno d’Ulisse in patria et L’incoronazione di Poppea côtoient Janacek, Britten, Moses und Aron de Schönberg, Robin Hood de Frank Schlemmer ou Gesicht im Spiegel de Jörg Widmann, sans jamais négliger Mozart, Verdi et Wagner, bien sûr. Il serait injuste de ne pas évoquer le chœur et ses 66 artistes sous la direction de Gerhard Michalski. L’effectif
du chœur était plus important par le passé, mais il dut être réduit suite à des restrictions budgétaires. Afin de ne pas devoir renoncer aux ouvrages qui nécessitent un plus grand nombre de choristes, le Deutsche Oper am Rhein fait régulièrement appel à un chœur supplémentaire, un ensemble amateur avec des exigences semi-professionelles. Tous ces paramètres ne rendent pas toujours la tâche facile à ceux qui sont en charge de la programmation et de la planification. En effet, lorsque l’une des villes présente un ouvrage qui fait appel à un chœur important, la ville partenaire ne pourra présenter qu’un programme de danse, ou une œuvre sans chœur. Cependant, il arrive, dans de rares occasions, de pouvoir scinder le chœur et d'assister ainsi à des représentations avec lui dans les deux villes. Un autre pôle phare de l’institution est son ballet qui comprend 48 danseurs (24 femmes et 24 hommes). Sous la houlette de son directeur et chorégraphe Martin Schläpfer, il présentera 5 programmes différents pendant la saison en cours. Une majorité de chorégraphies sont signées Martin Schläpfer, mais le public pourra également applaudir le travail de Hans Van Manen, de George Balanchine, de Kurt Joos, de Paul Lightfoot, Sol Leon, de Twyla Tharp ou de Teresa Rotemberg. Il nous faut également parler de l’opéra studio qui accueille de jeunes talents afin de les former au métier difficile d’artiste lyrique. Au milieu de leurs aînés et avec des productions qui leur sont propres, ils apprivoisent la scène et se préparent à auditionner avec succès pour d’autres opéras. Certains d’entre eux rejoindront plus tard la troupe du Deutsche Oper am Rhein ou d'autres troupes où se pratique la politique du répertoire. D’autres encore voleront de leurs propres ailes vers une carrière de soliste qui les mènera de ville en ville à travers le monde. Entre Düsseldorf et Duisburg, la communauté lyrique a décidé de construire un centre de production, c’est le Produktionszentrum ou le PZ comme l’appellent les initiés. Il abrite deux salles de répétitions, les ateliers de décors et une cantine, ainsi que le lieu de stockage des décors regroupés par production dans des conteneurs transportés sur les lieux de spectacles ou emportés lors de tournées internationales aux quatre coins du globe. Nous pourrions encore évoquer bien des aspects d’une institution capable de réaliser ses productions en quasiautarcie. Nous n’avons pas parlé des ateliers qui réalisent les costumes pour les nouvelles productions, mais qui ont également la charge de l’entretien et de la mise en place de ces costumes pour les œuvres en reprise. Ou encore de l'atelier de perruques et de maquillages qui assure tous les spectacles, réalise les effets spéciaux et fabrique les perruques nécessaires aux différentes productions. La qualité de son travail, reconnu par de nombreux opéras, lui vaut des commandes de la part de plusieurs théâtres d’Europe. Il vous sera facile d’imaginer la logistique que suppose une telle organisation. Pour vous éclairer davantage, nous vous rappellerons simplement que Düsseldorf et Duisburg sont distants d’environ 35 km et que le centre de production se situe entre les deux villes. D’autre part, les conventions prévoient le transport des personnels artistique et technique entre les deux villes. >DD
Mit allen seinen Tiefen seinen Höhen «Roll ich das Leben ab vor deinem Blick,
Wenn du das große Spiel der Welt gesehen So kehrst du reicher in dich selbst zurück
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Friederich von Schiller Die Huldigung der Künste Sur le fronton du théâtre de Duisburg
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Baryton piano : Malcolm Martineau Récital au Grand Théâtre, le 5 février 2010 à 20 h
La musique
qui est en lui
Récemment, le site Internet du baryton britannique de renom Simon Keenlyside a enregistré son millionième visiteur – un nombre impressionnant pour quiconque travaille dans le domaine de la musique classique. Cette grande popularité s’explique autant par la force expressive et la sensibilité de la grande palette de ses personnifications dramatiques, que par sa présence charismatique en scène, lors de prestations lyriques ou en récital. L’étendue de ces prestations est véritablement remarquable. Des premiers rôles dans des opéras de Monteverdi, Mozart, Rossini, Thomas, Wagner, Verdi, Tchaïkovski, Puccini, Lehar, Chabrier, Debussy, Prokofiev, Poulenc, Berg, Britten, Maazel et Adès – lieder et mélodies de Bach, Mozart, Schubert, Schumann, Mendelssohn, Brahms, Wolf, Lehar, Strauss, Mahler, Schoenberg, Verdi, Leoncavallo, Berlioz, Fauré, Debussy, Ravel, RimskiKorsakov, Rachmaninov, Vaughan Williams, Britten, Ives, Barber, Bernstein – autant de compositeurs du XVIIe à nos jours que Simon Keenlyside interprète en langue italienne, française, allemande, russe et anglaise. À 50 ans, voilà donc un certain temps qu’il sonde de son intellect acéré le monde de la musique. Une musique qu'il a dans le sang depuis sa plus tendre enfance, comme il me l’a confié lorsque j’eus le privilège de lui parler, il y a quelques mois. C’est dans son berceau, à la maison, qu’il connut sa première immersion musicale ; son père, Raymond Keenlyside, étant le deuxième violon du célèbre Aeolian Quartet. SK : Il y avait de la musique dans chaque coin de chaque pièce. La musique à la maison fait partie de mes plus anciens souvenirs, des souvenirs les plus heureux, et non des pensums ! Ma chambre à coucher se trouvait à côté de la salle de musique, où mon père jouait les œuvres complètes pour violon de Mozart, Haydn, Beethoven et la musique de chambre de Schubert et d’autres compositeurs. Tous les soirs, je l’entendais répéter cette musique qui me servait de berceuse pour m’endormir. Ces œuvres font d’ailleurs toujours partie de mes musiques préférées. JT : Et l’opéra ? Avez-vous assisté à des représentations ou écouté des enregistrements pendant votre enfance ? SK : Non, cela est venu plus tard. On m’a envoyé en internat à la St John's Choir School, où j’ai reçu un enseignement musical fantastique, mais n’ai été exposé aux forces viscérales de l’opéra que beaucoup plus tard, alors que j’étais dans la vingtaine. J’avais déjà fréquenté l’Université de Cambridge et c’est pendant mes classes au Royal Northern College of Music à Manchester que j’ai été mordu par l’art lyrique. J’étudiais avec le
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Jon Tolansky* s'entretient avec le fameux baryton britannique Simon Keenlyside qui interprétera en récital au Grand Théâtre, des œuvres de Fauré, Ravel (Histoires naturelles) et Schumann (Dichterliebe) le 5 février prochain baryton australien John Cameron qui m’a fait connaître en premier les grands chanteurs du XXe siècle – la plupart sur enregistrement, puisque je n’étais pas assez riche pour me rendre à Londres afin d’écouter les grandes voix de l’époque. C’était frustrant, mais j’absorbais tout ce que j’entendais comme une éponge, en essayant d’apprendre un maximum en les écoutant.
*Jon Tolansky réalise des productions documentaires sur les compositeurs et interprètes à l'intention de sociétés internationales de radiodiffusion et de maisons d'enregistrement, parmi lesquelles la BBC, Classic FM, le réseau radiophonique
JT : Est-cela qui vous a donné l’ambition de monter en scène et d’interpréter les grands rôles ? SK : Je les ai aimés dès le début. À l’âge de 26 ans, j’étais fou de La traviata. Au début, je n’étais pas capable de chanter le rôle de Giorgio Germont, mais je l’ai étudié avec assiduité et en profondeur avec un baryton magnifique, Terence Sharpe. Tout ce qu’il me disait, je le transcrivais sur ma partition, et tant d’années plus tard, je me rends compte du bien-fondé de tout ce qu’il me disait. La traviata est un véritable bijou de l’art lyrique ; ce que j’y trouvais si extraordinaire, c’était (et j’utilise ce mot dans son sens le moins strict) le bel canto, cette belle écriture lyrique. Si vous écoutez l’enregistrement que je fréquentais du temps où j’étudiais la partition, c’est-à-dire la représentation dirigée par Toscanini en 1946 avec Licia Albanese en Violetta, Jan Peerce en Alfredo et Robert Merrill en Germont père, vous entendrez à quel point le phrasé lyrique de Merril est parfait – et dire qu’il n’avait que 29 ans à l’époque ! Je crois que, de nos jours, on fait de graves erreurs en attribuant les rôles sur les critères premiers de l’apparence physique des chanteurs et de leur âge. Bien entendu, Germont n’est plus un jeune homme, il est le père d’Alfredo, mais Verdi n’a pas écrit cette musique pour un vieillard en fin de course. Nous disposons de magnifiques services de maquillage dans les théâtres du monde entier, et le niveau du jeu d’acteur que j’ai observé sur scène est souvent excellent. Ce que je vais dire maintenant
WFMT, la Société RadioCanada, Radio Classique, Radio International, EMI Classics, le Decca Music Group et VAI Records. En tant que producteur indépendant, il a créé les premiers enregistrements sur CD consacrés aux biographies documentaires, pour lesquelles il a effectué les enregistrements d'entrevues avec Dietrich Fischer-Dieskau, Mirella Freni, Angela Gheorghiu, Carlo Maria Giulini, Marilyn Horne, Yevgeni Kissin, Antonio Pappano, Luciano Pavarotti, Ruggero Raimondi, Mstislav Rostropovich, Giuseppe di Stefano, Dame Joan Sutherland et Jon Vickers, où les artistes évoquent leur parcours de vie, leur carrière et leur répertoire musical.
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o n stage
paraîtra désagréable, quelle que soit la manière dont j’exprime mon idée, mais tout ce que je peux dire, c’est que, lorsque j’étais plus jeune, j’avais envie de revendiquer, en quelque sorte, les rôles comme celui de Germont père pour un baryton lyrique plus jeune. C’est pour cela que lorsque Peter Gelb a eu la merveilleuse idée de me demander ce que j’aurais aimé interpréter comme rôles au Metropolitan Opera de New York, je lui ai dit que je souhaitais chanter, entre autres, Giorgio Germont. Il a manifesté une certaine surprise, mais je me suis expliqué en invoquant la tradition que j’avais perçue avec Robert Merrill, ou d’autres barytons qui avaient enregistré le rôle encore plus jeunes, et encore plus près de l’époque de Verdi, comme Pasquale Amato, par exemple. Il a débuté comme Germont père à Naples à l’âge de 21 ans seulement, en 1899, encore du vivant de Verdi ! La merveilleuse teneur lyrique de la musique écrite pour Germont est faite pour une voix de jeune homme et je voulais chanter à New York ce rôle que j’ai tant aimé et dans le style que j’avais entendu en grandissant, pour ainsi dire. Simon Keenlyside au Grand Théâtre dans Pelléas et Mélisande avec Alexia Cousin au cours de la saison 1999-2000 et dans Hamlet avec Nathalie Dessay dans le rôle d'Ophélie au cours de la saison 1996-1997. Les deux productions étaient placées sous la direction de Louis Langrée et les mises en scène signées par Patrice Caurier et Moshe Leiser. Simon Keenlyside a également participé à la production de Die Zauberflöte en chantant le rôle de Papageno sous la direction d'Armin Jordan et dans la mise en scène de Benno Besson
«
... le Don Giovanni de Mozart ressemble en fait à un tableau du Douanier Rousseau où il y a un tigre, un tigre qui va vous tuer; vous ne pouvez pas juger ce tigre parce qu’il veut vous tuer, vous pouvez essayer si cela vous tente mais cela ne servira pas à grand chose parce que le tigre f inira quand même par vous tuer.
>
»
Simon Keenlyside parlant de son rôle
© GTG/DR
en 1993-1994
C’est en fait dans le rôle de Belcore, dans L’Elisir d’amore de Donizetti que Simon Keenlyside fit ses débuts au Metropolitan Opera en 1996, apparaissant la même année au Grand Théâtre de Genève dans une prestation du rôle-titre du Hamlet de Thomas, abondamment saluée par la critique. Il était devenu alors l’un des barytons internationaux les plus demandés et devait, peu après, s’attirer encore plus d’éloges et de notoriété pour son interprétation d’un des rôles les plus controversés et les plus complexes, depuis que l’opéra où il figure en tête de partition, fit irruption sur la scène lyrique en 1787 : Don Giovanni de Wolfgang Amadeus Mozart. Simon Keenlyside nous fait part de sa vision longuement réfléchie sur les implications de ce rôle. SK : L’effet que Da Ponte et Mozart voulaient à la fin de l’opéra était comme celui d’un narrateur faisant son apparition sur la scène et demandant, d’une manière tacite en quelque sorte: « Avez-vous aimé cet homme
d’honneur, cet Ottavio si honnête qui aime Donna Anna d’un amour pur, qui essaie de son mieux de faire son devoir, qui est sincère lorsqu’il affirme qu’il fera tout ce qu’il peut pour la soutenir ? En fait, il vous laisse assez indifférent. Et ce Giovanni, ce violeur, ce meurtrier, ce type qui fait ce qu’il lui plaît quand ça lui plaît ? Lui, en revanche, il vous a plu, n’est-ce pas ? » Mais personne n’aime se faire assommer par la poêle à frire d’une morale absolutiste au théâtre. C’est ainsi que le Don Giovanni de Mozart ressemble en fait à un tableau du Douanier Rousseau où il y a un tigre, un tigre qui va vous tuer; vous ne pouvez pas juger ce tigre parce qu’il veut vous tuer, vous pouvez essayer si cela vous tente mais cela ne servira pas à grand chose parce que le tigre finira quand même par vous tuer. C’est d’ailleurs là une manière de considérer la liberté absolue: cela ne vous plaît peut-être pas, mais cela ne peut être autrement. Pour moi, il est essentiel de voir ceci dans le contexte des autres grands opéras de la phase tardive de Mozart. J’ai chanté dans tous les quatre : Le nozze di Figaro, Don Giovanni, Così fan tutte et Die Zaüberflöte. L’idée de liberté figure dans chacun d’eux et se décline en différentes nuances: la liberté sociale, la liberté sexuelle, la liberté politique et la liberté personnelle. Dans Don Giovanni, nous sommes en présence d’un homme qui
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et nous la voyons reculer dans le lointain, pendant que Don Giovanni disparaît en lui-même. La charge passe de l’érotisme à la solitude. Cet homme est perdu – sans direction. Il n’a pas besoin de nous le dire – nous le voyons bien, mais le chanteur doit communiquer cela par le ton et la couleur de sa voix qui révéleront la vérité dont Giovanni lui-même n’est peut-être pas conscient. Une vérité qui se love entre la ligne de la musique et les paroles.
fait tout ce qu’il lui plaît sans le moindre respect ou souci pour les sentiments d’autrui. Dans Die Zauberflöte, c’est le degré le plus élevé de la liberté qui est exprimé: être ce que l’on veut être mais, à l’encontre de Giovanni, sans que ce soit aux dépens de la liberté d’autrui. C’est comme si Papageno disait: « Je n’ai pas envie de faire partie du système », tout en respectant la volonté de Tamino d’en faire partie. En remontant le courant à partir de La Flûte, je ne crois pas qu’on puisse faire abstraction de Don Giovanni dans le contexte plus large des opéras tardifs de Mozart où la question de la liberté est en examen. La liberté de Giovanni est, à la différence de celle de Papageno, inacceptable. Mais il en est de la morale chez Mozart comme d’une plume: Mozart vous a chatouillé l’oreille avec la vérité si délicatement et si délicieusement que l’on n’arrive même pas à juger cet homme qui se comporte comme un monstre.
C’est, bien entendu, comme récitaliste, accompagné par Malcolm Martineau, que Simon Keenlyside fera sa prochaine apparition au Grand Théâtre de Genève le 5 février prochain. Les collectionneurs de CD se sont rués sur son récent enregistrement de Schubert, Wolf, Fauré et Ravel au Wigmore Hall de Londres. Il a également brillé dans le répertoire avec orchestre, notamment dans le cycle Des Knaben Wunderhorn de Mahler, qu’il a enregistré avec le City of Birmingham Symphony Orchestra sous la direction de Sir Simon Rattle. L’une de ses parties les plus poignantes, « Revelge », met en scène un jeune tambour qui accompagne un peloton de soldats sur le sentier qui mène au champ de bataille. La troupe se fait tailler en pièces, pendant que le garçon frappe son tambour de toutes ses forces pour terrifier l’ennemi. Les survivants se rassemblent devant la maison de la bien-aimée du jeune tambour. Le lendemain matin, leurs squelettes sont alignés en rangées, comme des pierres tombales. Au premier rang se trouve le jeune tambour, pour que sa fiancée puisse le voir. Simon Keenlyside confie qu’il a des convictions très arrêtées sur la manière d’interpréter cette musique.
© GTG/jacques Straesslé
JT: Pour faire un lien entre la célèbre petite sérénade Deh vieni alla finestra de Don Giovanni avec ce que vous venez de dire: elle est destinée à séduire une femme pour laquelle il n’éprouve aucun sentiment amoureux mais les changements de tonalité enchanteurs et le phrasé caressant expriment une beauté si extraordinaire et fugace qu’on n’arrive même pas à penser du mal de celui qui la chante. SK : Me serait-il permis d’ajouter quelque chose à ce que vous venez de dire sur la sérénade ? Je pense qu’on devrait s’imaginer qu’à ce moment-là le front de Don Giovanni devient transparent. Combien de fois nous sommes-nous dit : « Si seulement je pouvais voir ce que mon ami, ou la personne que j’aime, est réellement en train de penser ? » Je suis persuadé qu’à ce moment-là de l’opéra, quand il chante la sérénade, nous voyons l’homme, dans toute sa vulnérabilité, dans toute sa nudité. Il s’agit évidemment d’un aspect technique, que je ne voudrais jamais évoquer auprès du public. J’essaierais plutôt de les infecter avec la mélodie de la solitude. La deuxième strophe, en particulier, s’éloigne comme une caméra en travelling arrière
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Wigmore Live: Simon Keenlyside & Malcolm Martineau Schubert, Wolf, Fauré et Ravel Recorded live on 26 October 2008
SK : La conversation ne se trouve pas seulement entre la voix et le texte. Le dialogue se fait avec l’orchestre, pendant que vous déclamez le chant au-dessus d’un amoncellement tordu et pervers qui brasse à vos pieds. C’est vous le narrateur, bien entendu, mais il ne faut surtout pas jouer toutes vos cartes. Pas besoin de prendre un ton terrifiant pour décrire ces troupes d’ossements en marche. Mahler le fait pour vous dans son écriture orchestrale. Il y a un principe de la comédie que je chéris particulièrement et je suis persuadé qu’il s’applique également à la tragédie : il vaut mieux jouer le pince-sans-rire que de faire des simagrées. Il en va du comique comme du tragique ou du mélodramatique. Dans le Winterreise, il faut parler de sa profonde tristesse, mais sans se tordre les mains et pleurer toutes les larmes de son corps à travers la voix. Il faut le dire le plus directement possible : il ne me reste plus rien dans cette vie. Voilà tout. Et dans « Revelge », lorsque vous décrivez cette scène, l’orchestre se charge de vous fournir le tintamarre de l’armée de soldats morts. Pas besoin d’en rajouter. De retour sur la scène lyrique, Simon Keenlyside a très récemment triomphé dans deux rôles verdiens : Macbeth et Posa (Don Carlo). Est-ce à dire qu’il chérit particulièrement Verdi ? SK : J’adore Verdi. Mais je ne l’adore pas plus que je n’adore Debussy ou Mozart. Les gens sont plus à l’aise s’ils peuvent vous mettre dans un tiroir et vous y garder. Il est bon de comprendre cela, afin que cela ne vous perturbe plus à l'avenir. Le monde est ainsi fait, j’ai vu ceci arriver à des comédiens, comme j’en ai fait l’expérience dans le monde du chant. Je crois que les gens se sentent mieux s’ils sont persuadés que votre apparence, ou en tout cas ce qu’ils perçoivent de vous, se laisse facilement insérer dans le cadre qu’ils pensent le mieux vous convenir. J’ai toujours essayé d’élargir les paramètres de mon corps et de ma voix, et oui, bien entendu, j’adore Verdi, énormément. Au terme de ma carrière, j’aurai interprété beaucoup de ses personnages –, – mais je ne suis pas un chanteur verdien. Je suis simplement un chanteur qui peut englober certains rôles.
Saison 09 | 10 | Le magazine du Grand Théâtre de genève | ACT.0
h
Wigmore Live, 2009 WHLIVE0031
Simon Keenlyside Schumann: Dichterliebe Brahms: Lieder Piano : Malcolm Martineau Sony Classical, 2009 B002HEW5RS
Simon Keenlyside Tales of Operas Münchner Rundfunkorchester DM : Ulf Schirmer Sony Classical, 2006 B00000079W
a
Don Giovanni Mozart Royal Opera House DM : Charles Mackeras Blue Ray DVD Opus Arte, 2009 B001U5V03U
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e n Ballet
Sunset bodies
Luc Benard et Damiano Artale du Ballet du Grand
> blackbird / dov'è la luna / être
Théâtre en pleine
Chorégraphes : Jiří Kylián / Jean-Christophe Maillot / éric Oberdorff Au BFM, Salle Théodore Turrettini 28 | 29 | 30 | 31 janvier 2010 et 2 | 3 | 5 | 6 février 2010
répétition d'être d'Eric Orberdorff © GTG/GRegory batardon
Où l’émotion n’est pas un vain mot…
pour nous parler de la relation, de
Grégory Deltenre
l’être à travers des soli, des duos,
et Loris Bonani du
des ensembles avec des mots issus de la modernité et du classique. Il ne s’agit pas uniquement d’une
Ballet du Grand Théâtre en pleine répétition de Dov'è
démarche intellectuelle, mais d’une
la luna de Jean-
numéro du magazine, le BFM vit
interpellation des sens et de l’âme.
Christophe Maillot
au rythme de la danse avec les 22
22 artistes, 22 personnalités
artistes qui composent le Ballet du
différentes, 22 identités
Grand Théâtre. Trois chorégraphes
différentes réunies par une passion
nous invitent à partager leur univers
commune sont au service de trois
avec des pas au crépuscule. Trois
chorégraphes, et nous font partager
chorégraphies, trois langages
des sentiments vrais et profonds. Il
différents qui pourtant se rejoignent
serait grand dommage de ne pas être
pour nous faire partager des
à ce rendez-vous.
Au moment où paraît le nouveau
émotions et nous faire vibrer aux
© GTG/GRegory batardon © GTG/GRegory batardon
>DD
sons des voix géorgiennes, du piano mystique de Scriabine, ou des sonorités fascinantes et baroques de Vivaldi extraites du Nisi Dominus et du Stabat Mater . Pour un soir, il nous faut laisser parler nos émotions qui sont parfois devenues un luxe, un tabou, une expression qui n’aurait plus de sens dans le monde dans lequel nous vivons. Trois talents qui se respectent et s’admirent sont réunis dans le même programme
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e n Ballet
Belle
de jour En avril La Belle se réveille…
Il permet de fuir le réalisme du monde de l’opéra afin de rejoindre l’univers du rêve et des merveilles. Deux univers s’imposent et
Pour les amateurs de ballet à
s’opposent comme le bien et le
programme, mais pas uniquement,
mal, l’univers des Crochus et celui
la saison 2009-2010 du Grand
des Pétulants. Le premier sombre,
Théâtre sera faste. Après le succès
morbide et acéré comme les ongles
de Cendrillon au mois d’octobre
de la Reine mère qui a du mal à
2009, nous aurons le plaisir de
accepter que son fils, le Prince,
découvrir, ou de redécouvrir une
nourrisse des rêves dont elle est
autre héroïne qui a accompagné
exclue. Chez les Pétulants, le ciel
notre enfance La belle au bois
est clair et bleu, tout est rondeur,
dormant sur une musique de Piotr
c’est le royaume de la Belle et de la
Ilitch Tchaïkovski. Ce spectacle,
Fée Lilas qui constitue le lien entre
créé le 27 décembre 2001 au
les deux mondes, et qui apporte
Grimaldi Forum, dans la salle des
la boule de cristal au royaume
Princes à Monte-Carlo, a obtenu
des Crochus. Dans cette boule, le
le prix de la meilleure production
Prince lira un avenir radieux et,
chorégraphique 2001.
peut-être, l’espoir d’échapper à
Avec les Ballets de Monte-Carlo
l’emprise écrasante de sa mère.
placés sous la présidence de S.A.R.
Boule de cristal, bulles, ballons,
la Princesse de Hanovre, Jean-
rondeurs ! Que de symboles que
Christophe Maillot nous raconte
vous découvrirez et décrypterez
l’histoire d’un long baiser qui scelle
en assistant à l’une des rares
non seulement l’union physique,
représentations de La Belle.
mais également l’union spirituelle
Ne tardez pas afin d’être
de deux êtres. Le chorégraphe
présent les 11 et 12
n’est pas un inconnu à Genève,
avril 2010.
>DD
après Roméo et Juliette au cours de la saison 1999-2000, il est au
© laurent philippe
programme que le ballet présente au BFM avec Dov’è la luna. En nous contant sa vision, il rejoint le clan de ceux que le conte de Charles Perrault a inspiré, John Neumeier et Mats Ek, entre autres, Dans une scénographie judicieuse d’Ernest Pignon Ernest, un décor en étroite collaboration avec les lumières de Dominique Drillot, et les costumes de Philippe Guillotel, un complice de Philippe Decouflé, nous allons revivre l’histoire non édulcorée d’un amour pur, peut-être impossible. Devant les démons de sa vie, Tchaïkovski cherchait des refuges. Il retourne alors vers son enfance, vers les contes de Perrault ou encore d’E.T.A Hoffmann. Dans le monde magique du ballet, il n’y a pas de place pour les mots.
> la belle
Chorégraphe : Jean-Christophe Maillot
Les Ballets de Monte Carlo Au Grand Théâtre, 11 |12 avril 2010
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La traviata, donnée à Lyon en 2009
Fraîchement installé au Grand Théâtre
avec Ermonela Jaho (Violetta).
de Genève, Gabriel Lanfranchi n’en est pas moins un habitué de la scène. Ce chef de plateau est un mordu comme on
Dans Cendrillon, l'escalier monumental est assemblé
dit. Son métier ? Comprendre le langage © GTG/vincent lepresle
des artistes…
par un électroaimant.
Profession solutionneur Vos premières armes à l’opéra ? C’était en 1976 à l’Opéra de Lyon, j’avais 17 ans. J’ai eu l’occasion de sympathiser avec des techniciens de cette maison et ils m’ont proposé de faire une visite du plateau alors qu’on donnait La Bohème. Le sujet vibrait déjà en moi : étant de père italien, j’ai eu très jeune l’habitude de l’entendre fredonner de fameux airs d’opéras. En Italie, c’est une véritable spécialité nationale ! Je me suis donc retrouvé sur la passerelle du cintre et lorsque les premières mesures de l’opéra ont retenti, j’ai senti tout mon être résonner, c’était magique ! Je me suis dit : « C’est ici que je veux travailler et nulle part ailleurs ! » J’ai aussitôt prévenu mes amis techniciens pour connaître le jour où un poste serait mis au concours. En 1980, je suis entré à l’Opéra de Lyon. Comment devient-on chef de plateau ? Avant tout, il est important de connaître à fond les métiers techniques qui gravitent autour de la scène. Mon parcours a commencé à la machinerie, j’y ai fait mes classes, pour ensuite intégrer les différents services techniques: service audiovisuel, service électrique lors des tournées du ballet, département des accessoires, de la construction et enfin, chef de plateau. Cela permet d’avoir une bonne vision d’ensemble, de connaître les spécificités de chaque métier et ses impératifs. En quoi consiste exactement votre profession? Ma tâche consiste à réaliser l’interface entre l’artistique – composé du metteur en scène, du décorateur et du créateur des lumières – et les équipes techniques. Je dois faire en sorte de faciliter la mise en œuvre du spectacle, trouver des solutions techniques en relation avec tous les services ; je sers aussi d’informateur sur l’évolution du spectacle. Ainsi, cette profession s’avère essentielle lorsque les demandes d’un metteur en scène dépassent le budget prévu, il s’agit alors de trouver une alternative qui satisfasse tout le monde.
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Un exemple ? Pour les décors du ballet Cendrillon donné en octobre dernier, nous avions absolument besoin de réunir les deux parties d’un escalier monumental. Or un système de fermeture mécanique était impensable, faute de temps pour le manœuvrer. J’ai alors proposé de les rassembler au moyen d’un électroaimant géant. Une idée simple mais qui permettait aux danseurs de ne pas avoir de manipulation compliquée à réaliser en plein spectacle et offrait un aspect « fondu » très naturel. Cela a très bien fonctionné et procuré un petit côté mystérieux. Les spectateurs s’interrogeaient sur cette soudaine combinaison. Il y a bien sûr de nombreuses autres questions à régler d’ordre plus terre-àterre : stocker un cyclo par exemple (un cyclorama est un très grand panneau de toile, souvent peint, qui forme le fond du décor. ndlr) ou gérer les précipités (les changements rapides de décor). En relation avec le sous-chef machiniste et les accessoiristes, nous nous chargeons de trouver des solutions afin que tout s’imbrique avec fluidité. Ce métier se bonifie avec le temps, les solutions s’anticipent avec l’expérience du plateau. Rien ne vaut le vécu. Côtoyer tous les jours des metteurs en scène avec des demandes toutes plus innovantes et folles les unes que les autres, n’est-ce pas un peu compliqué ? Cela dépend des metteurs en scène ! Chaque jour lorsque j’atteris sur scène, je me dis systématiquement « mais que vont-ils inventer ? » et je souris… On se pique au jeu et on se lance dans la mêlée ! Il n’y a plus beau métier que de travailler sur le plateau, et côtoyer des gens aussi inventifs ! Certains imposent leur marque, prennent naturellement possession du plateau par leur autorité et leur présence. Les metteurs en scène Peter Stein, Laurent Pelly, Klaus Michael Grüber en font partie par exemple. D’autres travaillent davantage sur un feeling, sur une qualité relationnelle et oeuvrent main dans la main avec les équipes : Jérôme Savary, Amagatsu, Tobias Richter.
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© GTG/magali dougados
e n coulisses
© GTG/Yunus DURUKAN
l'atterrissage d'un avion sur scène.
Votre opéra par excellence ?
« Tosca sans hésiter ! »
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© GTG/magali dougados
© opera de lyon/DR
Dans l'étoile, les hôtesses de l'air évoquent la fameuse idée de
o n stage
Quelques anecdotes? Jérôme Savary – une personnalité qui a une idée par minute – pour L’étoile, n’a pas hésité à me demander (après un oiseau et une étoile déjà ! ) qu’un avion attérisse sur le plateau. Je lui ai dit : « Tu me fournis l’avion, je te fournis le vol. » Imaginez le budget pour constuire l’avion… Heureusement, il a finalement renoncé et ne sont restées que les hôtesses de l’air… A contrario, Klaus Michael Grüber dans sa Traviata donnée à l’opéra de Lyon, n’exigeait que soies et décors en ombres chinoises, n’usant que de matériaux très légers mais mis en contraste de manière magnifique, ce qui conférait un aspect vivant au décor. Au final, sa mise en scène, bien que très simple, a provoqué un résultat resplendissant et chatoyant. Votre spectacle le plus fou ? Pelléas et Mélisande de Peter Stein. Imaginez un système de machinerie extrêmement complexe sur une pente de 10%, des décors suspendus, un nombre incalculable de tableaux et de gros changements de décors et vous aurez une petite idée de la complexité de cet opéra. Avec Peter Stein, nous nous sommes souvent insultés lors des répétitions mais, à la fin de la première représentation, nous nous sommes embrassés ! J’étais son sauveur, m’at-il dit ! Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur Parsifal ? Parsifal c’est tout d’abord une machinerie folle, très lourde, mais heureusement très bien construite. Le décor est lui aussi particulièrement imposant avec un cône immense, les lignes sont épurées, les couleurs très intenses. Ce décor totalise pas moins de huit semi-remorques ! Les mécaniciens du Grand Théâtre sont ingénieux et s’investissent dans ce spectacle qu’ils prennent à bras le corps. Propos recueillis par Illyria Pfyffer
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Carnet du cercle
Fondé en 1986, le Cercle du Grand Théâtre
Mme Maria Embiricos
s’est donné pour objectif de réunir toutes
Mme Catherine Fauchier-Magnan
les personnes et entreprises qui tiennent
Mme Clarina Firmenich
à manifester leur intérêt aux arts lyrique,
Mme Pierre Folliet
chorégraphique et dramatique. Son but est
Dr et Mme Patrick Fréchet
d’apporter son soutien financier aux activités
M. et Mme Eric Freymond
du Grand Théâtre et ainsi, de participer à son
Mme Elka Gouzer-Waechter
rayonnement.
Mme Bibi Gritti Mme Claudia Groothaert
Bureau
M. et Mme Philippe Gudin de la Sablonnière
Mme Françoise de Mestral, présidente
M. et Mme Urs Hodler
M. Jean Kohler, vice-président
M. et Mme André Hoffmann
M. Gabriel Safdié, trésorier
M. et Mme Philippe Jabre Mme Marie-Josèphe Jacquet
Autres membres du Comité Mme Diane d’Arcis S. A.S. la Princesse Andrienne d’Arenberg M. Friedrich Busse Mme Muriel Chaponnière Rochat M. David Lachat M. Paul Saurel M. Pierre-Alain Wavre Membres bienfaiteurs
M. et Mme Guy Demole Fondation de bienfaisance de la banque Pictet Gonet & Cie, Banquiers Privés M. et Mme Pierre Keller MM. Lombard Odier Darier Hentsch M. et Mme Yves Oltramare Mrs Laurel Polleys-Camus SFG - Société Fiduciaire et de Gérance SA Union Bancaire Privée – UBP Wegelin & Co – Banquiers Privés M. et Mme Gérard Wertheimer Membres individuels S.A. Prince Amyn Aga Khan S.A Princesse Catherine Aga Khan M. et Mme Kofi Annan Mme Diane d’Arcis LL. AA. SS. le Prince et Princesse Etienne d’Arenberg Mme Elisabeth Augereau M. et Mme Gérard Bauer Mme Jean-Claude Bellan M. et Mme Pierre Benhamou Mme Maria Pilar de la Béraudière M. et Mme Philippe Bertherat Mme Antoine Best Mme Saskia van Beuningen Mme Françoise Bodmer M. Jean Bonna M. Alain Boucheron Comtesse Brandolini d’Adda Mme Robert Briner Mme Nicole Bru M. Friedrich Busse Mme Maria Livanos Cattaui Mme Muriel Chaponnière Rochat Mme Anne Chevalley M. et Mme Neville Cook M. Jean-Pierre Cubizolle M. et Mme Claude Demole M. Manuel J. Diogo Mme Virginia Drabbe-Seemann Lady Grace Dudley M. et Mme Olivier Dunant Mme Denise Elfen-Laniado
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Membres institutionnels Activgest SA Banque Audi (Suisse) SA Fondation BNP Paribas Suisse Fondation de la Haute Horlogerie H de P (Holding de Picciotto) SA JT International SA Lenz & Staehelin Mandarin Oriental, Genève MM. Mourgue d’Algue & Cie Notz, Stucki & Cie, SA SGS - Société Générale de Surveillance SA 1875- Finance SA
M. et Mme Jean Kohler M. et Mme Pierre de Labouchère
Organe de révision : Plaf ida
M. David Lachat M. Marko Lacin Me Jean-Flavien Lalive d’Epinay M. et Mme Pierre Lardy Mme Michèle Laraki Mme Charlotte Leber M. et Mme Guy Lefort Mme Eric Lescure M. et Mme Thierry de Loriol Mme France Majoie-Le Lous M. et Mme Thierry de Marignac Mme Mark Mathysen-Gerst M. Bertrand Maus Mme Anne Maus M. Olivier Maus M. et Mme Charles de Mestral M. et Mme Francis Minkoff M. Pierre Mirabaud
Rejoignez-nous ! Nous serions heureux de vous compter parmi les passionnés d’arts lyrique et chorégraphique qui s’engagent pour que le Grand Théâtre de Genève conserve et renforce sa place parmi les plus grandes scènes européennes.
M. et Mme Bernard Momméja
Adhérer au Cercle du Grand Théâtre, c’est aussi
Mme Pierre-Yves Mourgue d’Algue
l’assurance de bénéficier des meilleures places
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dans les meilleures conditions :
M. et Mme Alexander Notter
• Service de billetterie personnalisé • Priorité de placement • Echange de billets • Activités culturelles et voyages organisés
M. et Mme Alan Parker M. et Mme Shelby du Pasquier Mme Sibylle Pastré M. Jacques Perrot M. et Mme Gilles Petitpierre Mme Fabienne Picard M. et Mme Charles Pictet M. et Mme Bruno Prats Mme Françoise Propper Mme Karin Reza M. et Mme Gabriel Safdié Comte et Comtesse de Saint Pierre M. et Mme Paul Saurel M. et Mme Julien Schoenlaub Mme Anne Segré Marquis et Marquise Enrico Spinola
•
autour de l’opéra et de la danse
Visites des coulisses et des ateliers
•
du Grand Théâtre
Rencontres avec les artistes, conférences thématiques
• • Vestiaire privé • Envoi des programmes • Abonnement au journal ACT-O • Cocktails d’entracte réservés aux membres • ainsi que tous les autres avantages réservés
Possibilité d’assister aux répétitions générales
aux abonnés du Grand Théâtre
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Pour recevoir de plus amples informations sur
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les conditions d’adhésion 2009/2010 au Cercle,
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veuillez contacter directement :
M. et Mme Gérard Turpin M. et Mme Jean-Luc Vermeulen M. et Mme Olivier Vodoz
Madame Claire Dubois (le matin, entre 8 h et 12 h)
M. Gerson Waechter
T + 41 022 321 85 77
Mme Véronique Walter
F +41 022 321 85 79
M. et Mme Pierre-Alain Wavre Mme Paul-Annik Weiller
c.dubois@geneveopera.ch
Comte et Comtesse Massimiliano
Cercle du Grand Théâtre de Genève
Zanon di Valgiurata
Boulevard du Théâtre 11 1204 Genève
ACT.0 | N°2 | Le magazine du Grand Théâtre de genève | Saison 09 | 10
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Un palais vénitien sort de la lagune
Saison 09 | 10 | Le magazine du Grand Théâtre de genève | ACT.0
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et la beauté du lieu n’a d’égale que ses nobles ambitions. Son objectif est effectivement de valoriser les œuvres méconnues de compositeurs célèbres du XIXe siècle, tels Berlioz, Bizet, Gounod ou Massenet, mais aussi de réhabiliter des auteurs dont les compositions sont rarement jouées, comme Modeste Grétry, Etienne Méhul, Louis-Ferdinand Hérold, Hyacinthe Jadin, Alexandre Boëly ou Félicien David. Ce centre noue ainsi la gerbe entre le Centre de Musique Baroque de Versailles et l’Ircam, dévolu à la musique contemporaine française. Inauguré officiellement en octobre dernier, il propose depuis lors de nombreux concerts comme ce festival « le salon romantique » donné ce mois-ci, ou le « piano romantique » à apprécier du 8 avril au 19 mai 2010. Au nombre de ses foisonnantes activités, le palazzetto Bru Zane édite des partitions, biographies, essais, disques, DVD, promeut de jeunes talents, et coproduit des spectacles dans le monde entier tels le récent Fortunio de Messager à L’Opéra-Comique et très bientôt Béatrice et Bénédict de Berlioz, Mignon d’Ambroise Thomas, et Pelléas et Mélisande de Debussy. >IP *Traduisez un pavillon de musique Palazzetto Bru Zane San Polo 2368, Campiello del Forner o del Marangon 30125 Venise www.bru-zane.com
«
J’ai toujours travaillé dur et je n’ai souvent compté que sur moi-même pour obtenir ce que je désirais
»
Dr Nicole BRu
>
Membre du Cercle du Grand Théâtre depuis la saison 2003/2004, le Dr. Nicole Bru est également la présidente de la prestigieuse Fondation Bru, mais aussi depuis l’automne 2009, présidente du tout nouveau Palazzetto Bru Zane à Venise, tout entier dédié à la musique romantique française. Venir en aide aux autres et faire partager sa passion pour la musique, voilà le credo du Dr. Nicole Bru. L’ex-présidente du groupe pharmaceutique UPSA créé en 1935, dirige en effet depuis 2005 la fondation qui porte son nom et œuvre de manière remarquable à la fois dans les domaines de l’éducation, de la recherche, de l'humanitaire et du culturel. Au nombre de ses actions, on peut citer le parrainage de l’Ecole Centrale de Pékin qui forme les étudiants chinois à la culture et au savoir-faire de la célèbre école d’ingénieur française, la création d’une école primaire à Ouraken au Maroc accompagnée d’un soutien fort à l’alphabétisation des femmes et des enfants marocains de cette région, ou encore un soutien indéfectible aux jeunes filles abusées sexuellement avec la création de la Maison d’accueil Jean Bru à Agen, installée dans l’ancienne demeure familiale. Dernièrement, c’est sur l’aspect culturel que le Dr. Bru vient de frapper un grand coup en organisant en octobre dernier la restauration impressionnante et à l’identique du casino* Zane en plein cœur de la Sérénissime. Construit en 1965 par une famille de mélomanes dans le quartier San Stin, ce palais était resté quasi abandonné ces dernières années. Il abrite désormais le Centre de Musique romantique française. Reconnu pour son acoustique exceptionnelle, ce palais, visité par Mozart en 1771, affiche des fresques encore intactes, découvertes sous des couches de crépi. Ce palais de 1000 m2 fut donc restauré deux ans durant, par l’éminent cabinet d’architecture vénitien de Marco Zordan. Sa rénovation est une formidable réussite
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d i d act i q u e
© GTG/CHRISTOPHER PARK
Labo-M rencontre
Marthe Keller
De nos jours, il fait bon être jeune abonnée au Grand Théâtre. J’avoue me sentir privilégiée de pouvoir découvrir les coulisses de notre beau théâtre, d’apercevoir les décors des spectacles à venir et d’assister aux répétitions du choeur. Mais la sorte d’événement que j’attends toujours avec grande impatience dans le cadre de notre club Labo-M reste, sans aucun doute, la rencontre des metteurs en scène. Quand ce rendez-vous avec Marthe Keller nous a été proposé pour la soirée du 7 décembre dernier, c’est donc tout naturellement que j’ai répondu présente à l’invitation. Conduits sur la scène qui devait sous peu accueillir Don Giovanni et ses conquêtes, nous pûmes découvrir le décor du Metropolitan Opera New York adapté à nos murs genevois. Notre groupe hétéroclite de jeunes passionnés de belle musique était installé au coeur de Séville, lorsque notre invitée arriva parmi nous. Elégance et simplicité sont les mots qui me viennent spontanément à l’esprit pour décrire la belle personne qu’est Marthe Keller à mes yeux. Elle terminait tout juste un apéritif organisé en l’honneur de l’équipe des techniciens, dont elle nous dit l’importance, et ce simple geste de remerciement montrait déjà à quel point elle savait apprécier la valeur des gens qui l’entourent. Notre équipe de 25 membres Labo-M se montrant quelque peu timide au début de l’entretien, l’actrice s’empressa de nous interroger sur nos activités, personnalités diverses et origines de nos amours pour l’opéra, révélant ainsi sa générosité et sa curiosité envers la jeunesse. Don Giovanni et ses mystères finirent par nourrir notre
conversation. Marthe Keller nous confia que ce personnage, étant un mythe inventé de toutes pièces, elle avait pris le parti de le mettre en scène tel qu’elle l’imaginait et l’aimait. En homme qui savait séduire les femmes, pour le plus grand plaisir de celles-ci... L’important pour celle qui se dit actrice avant tout et qui nie presque son rôle de metteur en scène est de mettre la musique à l’honneur. Dans cet opéra, c’est Mozart, qu’elle souhaite mettre en lumière, d’où son choix de garder de l’espace sur scène. Cela permet également de montrer les intentions de chaque protagoniste. Grâce à son expérience personnelle Marthe Keller dirige les chanteurs pour qu’ils vivent leur personnage de façon entière, ce qui leur permet d'entrer en scène avec les pensées des personnages qu’ils interprètent. Madame Keller nous parle encore de cette étrange sensation que procure le fait de présenter une œuvre dans son propre pays. Avec une carrière l’ayant amenée à voyager dans le monde entier, elle apprécie de se poser chez elle où elle n’a eu que peu l’occasion de travailler auparavant. L’échange se prolongeant, il fallut interrompre notre invitée dans son élan enthousiaste afin qu’elle puisse se rendre à son rendez-vous suivant. Elle partit donc en nous faisant un dernier cadeau, celui de nous convier à la répétition en costumes du lendemain, ce qui en ravit plus d’un. Mon appréciation pour les rencontres de metteurs en scène n’en fut que renforcée ! Katy Suutari relais Labo-M
La longue marche vers l'étoile Tout a commencé lors les répétitions de Simon Boccanegra, lorsque Rodrigo Diaz, l’un des figurants du spectacle, a souhaité rencontrer les chargés des publics jeunes et du service pédagogique du Grand Théâtre. Rodrigo, qui dans le civil est éducateur stagiaire à l’ORIF de Vernier, a demandé comment permettre aux apprentis dont il a la charge, d’assister à un spectacle de la scène de Neuve. L’ORIF, association à but non lucratif, travaille depuis une soixantaine d’années à la formation et à l’intégration socioprofessionnelle durable de jeunes en difficulté ou bénéficiaires d’une mesure de l’assurance-invalidité. Pendant leurs trois années d’apprentissage, ceux-ci sont soutenus par des équipes
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pluridisciplinaires. Un projet pédagogique élaboré à l’intention des apprentis de première année, par Christopher Park et Kathereen Abhervé, en accord avec Rodrigo et son collègue Jean-Pierre Pahud, fut rapidement monté autour de L’étoile d’Emmanuel Chabrier. Ces jeunes, carreleurs, maçons, peintres, plombiers, mécaniciens, cuisiniers, vendeurs et paysagistes, dont la plupart ignoraient jusqu’à l’existence du Grand Théâtre, furent invités à suivre un parcours en plusieurs étapes, en vue de la répétition générale. Kathereen Abhervé s’est donc rendue dans leur établissement, afin de leur présenter les très nombreux métiers cohabitant dans un
théâtre. Cette présentation un peu abstraite a trouvé un formidable écho, lorsque ces apprentis accompagnés de leurs éducateurs et de quelques enseignants, sont venus visiter le Grand Théâtre et ses ateliers de construction de décors, de fabrication d’accessoires et de création de costumes. Ce jour-là, il régnait sur le plateau une intense activité. Le rideau de feu, resté ouvert pour l’occasion, leur a permis de suivre le montage de l’immense décor de Don Giovanni arrivé de New York en pièces détachées et d’apprécier le travail des machinistes et des électromécaniciens occupés à dresser les murailles de bois et de sagex d’un palais de la Renaissance italienne. Coulisses, cintres et dessous
de scène se sont ensuite ouverts pour eux. Pour cela, les élèves furent séparés en deux groupes conduits par Jean-Christophe Pégatoquet, chef électromécanicien et Stéphane Resplendino, électromécanicien, qui se sont révélés d’excellents pédagogues. Ils leur ont ouvert des lieux que bien peu de personnes connaissent. La matinée s’est achevée à proximité de la Jonction, dans les ateliers de constructions de décors, où les menuisiers préparaient les architectures monumentales imaginées par Pierre-André Weitz pour l’opéra Lulu programmé en février. Un passage à l’atelier de couture, puis chez les accessoiristes, ont révélé à ces jeunes apprentis, des savoir-faire issus d’une longue tradition.
Il a été convenu qu’à l’issue de cette visite, leurs professeurs de français et de musique prennent le relais, afin de préparer leurs élèves au spectacle auquel ils étaient invités, en leur révélant l’intrigue et les personnages, complétant cette approche par l’écoute d’extraits musicaux de l’opéra bouffe d’Emmanuel Chabrier. Ainsi le 22 décembre dernier, les apprentis, tous sur leur trente-et-un, étaient fin prêts pour assister à la répétition générale de L’étoile. Ils se révélèrent au final un très bon public, offrant une écoute attentive et riant sans retenue des nombreux gags imaginés par Jérôme Savary. Selon leurs premières impressions, la plupart d’entre eux semblaient satisfaits de l’expérience. >KA
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« L'opéra, c'est un peu
mon Disneyland»
Le club jeunes réunit environ 170 adhérents. Pour faire connaître le Grand Théâtre, douze membres de Labo-M ont accepté une mission particulière : ce sont les relais Labo-M. Alexander Wolhoff, 20 ans, gymnasien à Rolle (VD), fait partie de cette équipe.
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« Jamais je n’en serais arrivé à l’opéra et au ballet, sans que la musique classique et l’éducation musicale m’aient ouvert la porte. Le souvenir de longues heures passées à répéter, puis à déchiffrer les notes, à taper deux bâtons de bois l’un contre l’autre pour donner le rythme, exhume souvent un petit sourire, qui vient se nicher au coin de ma lèvre, les soirs de spectacle : Blaaan-cheu ! ; nooir ; croche ; nooir... Le soir, couché dans ma chambre, des symphonies, des concertos, des arias s’engouffraient dans la cage d’escalier pour s’éclater contre ma porte ; l’imaginaire du petit enfant que j’étais, rêvait. Plus tard, quelques longues années de piano sont venues cimenter ces bases frivoles et renforcer les fondements d’un futur bagage musical. C’était lors d’une journée du patrimoine, le Grand Théâtre de Genève avait ouvert ses portes et mes parents m’y avaient emmené. Mieux que la caverne d’Ali Baba, les ateliers où l’on confectionnait costumes, épées, statues animées, masques étaient de véritables usines à magie ; l’opéra était devenu mon Disneyland. L’opéra était un rêve éveillé : Mickey, Donald et compagnie n’étaient de toute manière qu’une illusion, au théâtre c’était différent,
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les princes et les monstres étaient réels, on pouvait les voir et les entendre de près ! Enfin, autour de mes dix sept ans, j’ai commencé à m’y intéresser plus sérieusement, à apprendre à aimer et à découvrir cet art si diversifié. Pour le ballet, c’est une histoire plus courte. Mon petit frère s’était inscrit à des cours de danse ; mes parents, pour lui plaire, nous ont ouvert le monde du ballet. Et, nous avons arpenté les genres : moderne, classique, contemporain, du Lac des cygnes à Cunningham. Avoir un loisir, un hobby, c’est étonnant, c’est comme une petite parcelle de terre que l’on cultive. On prend un plaisir fou à découvrir de nouvelles graines ; on goûtera à ces fruits nouveaux avec la candide joie de la découverte ; infatigable, on courra les marchés, à la recherche d’innovations. Ce jardin deviendra enfin sujet de toutes nos attentions. Mais quel plus grand plaisir encore trouve-t-on à partager cette passion ! Prendre par la main un profane ; l’asseoir dans l’amphithéâtre ; attendre, avec lui, dans le noir le lever de rideau ; le rassurer, lui montrer du doigt pour qu’il comprenne, pour qu’il entende ; partager ses premières impressions ; descendre finalement les marches de marbre ; se séparer en lui indiquant les différentes voies et espérer que vous avez su allumer une flamme. En somme c’est relayer une passion pour qu’elle puisse vivre, prendre forme, vous surprendre. Si l’on peut transmettre l’amour de l’opéra simplement, en invitant à une représentation, pourquoi alors être relais de Labo-M ? Au-delà du titre, ce sont une douzaine de jeunes qui se réunissent justement pour envisager cette transmission auprès du public de dix-huit à trente ans, pour offrir la possibilité de sortir l’opéra –et le ballet– des préjugés et lieux communs. Être relais, c’est pouvoir s’investir plus profondément dans la pérennité du théâtre, mais aussi, découvrir une maison; ses habitudes ; son histoire ; collaborer avec elle, proposer une approche et un point de vue différents du monde du Grand Théâtre de Genève. Si je devais choisir une des pièces proposées, ces dernières années, par le Grand Théâtre et la déclarer comme mon coup de cœur, je ne pourrais pas. Bien sûr, certaines m’ont charmé, d’autres déçu, il y a celles qui m’ont laissé sur ma faim, mais toutes ensemble, elles constituent un tout, des heures d’émotions musicales, scéniques. Cette saison, le Grand Théâtre a ouvert sa fenêtre, aérant, comme toute maison le nécessite, ses couloirs, ses recoins abandonnés. C’est avec grand plaisir que j’ai contemplé cet air nouveau traverser ces vieux murs. Je ne cache pas que j’attends, avec une impatience fébrile, le calendrier 2010-11 ! » Propos recueillis par Christopher Park
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Il livre aux lecteurs d’ACT·O les raisons de son engagement.
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Agenda Opération
faste (suite)
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>JS
Nous en avions déjà mentionné quelques-
uns, dans notre édition précédente, voici encore quelques anniversaires importants
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Leonard Bernstein (1918-1990) et Aaron Copland (19001990) sont tous deux décédés il y a vingt ans à New York. Si Bernstein était connu pour son énergie tant aux répétitions qu'aux concerts, ainsi que pour son aisance à passer d'un style à l'autre, Copland s'est intéressé au sérialisme. Bien qu'il ait continué à écrire des œuvres à tendance « néo-classique », nombre de ses compositions sont marquées par l'écriture sérielle. L'année 2010 sera aussi marquée par le 50e anniversaire de la mort de Clara Haskil (1895-1960). La vie de la pianiste virtuose fut ponctuée d'années difficiles, tant sur le plan physique - scoliose déformante et tumeur du nerf optique - que psychologique, puisqu'elle était de religion juive en pleine deuxième Guerre mondiale. Malgré les épreuves, son don exceptionnel ne se démentit jamais et lui valut le surnom de « Grande Dame de la Musique». Depuis 1963, un concours de piano qui porte son nom se déroule tous les deux ans à Vevey. Il a pour vocation d'accueillir de jeunes virtuoses du monde entier poursuivant un idéal musical inspiré de l'artiste. Il y a 150 ans, Hugo Wolf (1860-1903) naissait en Autriche-Hongrie, aujourd’hui la Slovénie. Disciple de Gustav Mahler, c’est surtout la musique de Richard Wagner qu'il considéra comme une révélation capitale. Successeur de Schubert dans l'art du lied, il éleva ce dernier à des sommets de raffinement
et de complexité. Isaac Albéniz (1860-1909), son contemporain de quelques mois, est principalement connu pour ses œuvres pour piano. Ibéria – suite d'une complexité technique extraordinaire – est peut-être la plus connue. Très subtilement, il a su introduire de nombreux éléments du sud de la péninsule ibérique, principalement andalous, dans ses compositions. Cette année nous fêterons également les 250 ans de la naissance de Luigi Cherubini (1760-1842). Cet Italien né à Florence est l'auteur de nombreuses œuvres lyriques et de messes. Un demi-siècle avant Cherubini, l'année 2010 célébrera le 300e anniversaire de la naissance de Giovanni Battista Pergolesi (17101736), dit Jean-Baptiste Pergolèse. Bien que décédé à l'âge de 26 ans, il est l'auteur de nombreux opéras et intermezzi. Dans le goût napolitain, ses intermèdes, très appréciées du public, sont de petites farces jouées pendant les entractes dans le but de distraire. C'est ainsi qu'en 1973, La Serva pardonna, qui par la suite devint une œuvre autonome, fut jouée durant son opéra principal Il Prigonier superbo. Enfin, cette année sera aussi celle du 350e anniversaire de la naissance d'Alessandro Scarlatti (1660-1725), compositeur de musique baroque. Gli Equivoci nel sambiante, son premier opéra, connut un immense succès et, chose rare pour l'époque, fut même joué dans d'autres villes. En 1680, il composa sa Passion selon Saint-Jean, l'une de ses meilleures œuvres religieuses. >CdL
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célébrés cette année.
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Heurs et malheurs d'un critique musical
Il m’est arrivé de recevoir des lettres d’artistes dont j’avais relevé la prestation. Elles étaient de deux types. Selon que mes tympans avaient souffert plus que de raison et que mes commentaires débordaient de quelque sévérité à l’encontre de mes tortionnaires d’un soir, les lettres des concernés fustigeaient mon ignorance totale de l’art du chant. Si au contraire, l’interprète avait eu l’heur de me plaire, les missives louaient mes connaissances quasiment divines de ce même art du chant. Si les premières soulignaient leur incompréhension à ce que « des rédactions ouvrent encore leurs colonnes à des individus aussi peu au courant des choses de la musique », les secondes louaient si résolument mes quelques compliments que, sans même me pincer, j’en arrivais à me soupçonner d’être investi d’une capacité de jugement irréfutable. Ils n’étaient de mots assez élogieux pour vanter mes mérites et « que c’était une chance pour un journal de posséder un critique doté d’un avis aussi éclairé ». Des réactions si excessives qu’il serait devenu presque jouissif de pousser mes critiques jusqu’à la démesure. Imaginez, le plaisir égoïste d’être porté au pinacle par les mots chaleureux d’une diva. Ou au contraire, comme un Méphistophélès enfoui qui émergerait soudainement des tréfonds de l’âme du critique, le délice malin de se voir invectivé par une autre diva à l’égo surdimensionné. De toutes ces lettres, je préfère de loin celles qui me reprochent mon ignorance. Non pas que j’en sois particulièrement flatté, j’ai aussi mon égo, mais elles ont l’immense mérite de mettre un point final au désaccord. Aux yeux réprobateurs de leurs auteurs je ne suis qu’un âne, un idiot ou un ignare, voir les trois à la fois et…bastà ! Tandis que pour les autres, parce que le seul plaisir de mes oreilles leur a valu quelques louanges, voilà que mes lignes élevées en paroles d’évangile couvrent désormais leurs sites internet. Comme si ma passion pour l’opéra en général et mon plaisir de ce soir-là étaient voués à l’éternité. Mais j’ai la mémoire courte. Que mes beaux artistes d’un soir se laissent aller à oublier leur authenticité et leur art de bien chanter et l’éternité à laquelle ils pensaient avoir droit risque bien d’être éphémère. Délogés du piédestal où je pouvais les avoir posés, ils concocteront alors leurs remarques vengeresses pour alimenter la prose de mes ennemis. Je sais pourtant que l’art du chant est difficile. L’art culinaire aussi. Je ne sais pas chanter mais, dois-je savoir cuisiner pour apprécier un mets délicat ?
Pour justement détester la musique «moderne, il faut la connaître. Ainsi, on
pourra la détester plus intelligemment. Ou bien, sait-on jamais, l'apprécier.
»
léonard bernstein
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Les bons et les mauvais
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2010 Une année
La chronique de JAcques Schmitt
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Opération
En savoir + sur l'opéra
Second cycle de sept cours-conférences sur l’histoire et les modalités de l’opéra. Vous aimez l’opéra ? Vous aimeriez en savoir plus ? Pierre Michot, musicologue, vous propose une approche à la fois historique et thématique largement documentée par des extraits de musique, de films, et des images. Le tout organisé en collaboration avec l’Association des Amis de l’Opéra. Programme Mercredi 17 février Du mot à la note I Prédominance du texte : les formes du récitatif Mercredi 3 mars Du mot à la note II Prédominance du chant : les formes de l’aria Mercredi 17 mars Du mot à la note III Texte et chant : vers un équilibre ? Mercredi 31 mars Comment faire chanter plusieurs personnages à la fois ? Les ensembles Mercredi 14 avril Comment faire chanter toute une foule ? Les choeurs Mercredi 28 avril A quoi sert l’orchestre ? Mercredi 19 mai Les formes musicales et leur rapport à la dramaturgie Au Foyer du Grand Théâtre de 12h15 à 13h45. Ouverture des portes dès 11h45. Tarifs* Abonnement 7 conférences Fr. 182.- (soit Fr. 26.- la place) Abonnement 7 conférences pour les abonnés du GTG et Amis Fr. 140.- (soit Fr. 20.- la place) Abonnement 7 conférences Jeunes / Labo M / Etudiants Fr. 70.- (soit Fr. 10.- la place)
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Solidarité
Parsifal
« Ein Bühnenweihfestspiel » en trois actes de Richard Wagner 18, 24, 27, 30 mars et 2 avril 2010 à 18 h Le 21 mars 2010 à 16 h Direction musicale John Fiore Mise en scène et décors Roland Aeschlimann avec Detlef Roth, Lioba Braun, Klaus Florian Vogt... L’Orchestre de la Suisse Romande Le Chœur du Grand Théâtre En coproduction avec l’Opéra de Nice Reprise de la production du Grand Théâtre
Grâce à la vente aux enchères le 19 janvier 2005 des décors de La Bayadère réalisés par Gérald Poussin, le Grand Théâtre de Genève a récolté 92 173 francs dont il a été fait don à la Croix-Rouge suisse. Ces fonds répondaient à une situation d’urgence suite au tsunami qui avait ravagé l’Asie du Sud et du Sud-Est en décembre 2004. Cinq ans après, la CroixRouge suisse vient de faire paraître un bilan sur la reconstruction. Sous la devise « reconstruire en mieux », la Croix-Rouge suisse et son partenaire Initiatives in Development Support a permis la reconstruction de logements, l’amélioration des conditions de vie et la promotion de la santé en Inde. En Indonésie, la Croix-Rouge suisse est sur le point de terminer la construction d’une troisième école, et grâce au soutien de la Croix-Rouge indonésienne, un suivi est maintenu afin que la capacité de protection de ces nouveaux bâtiments soit préservée. Des activités d’information ont également été menées visant à l’amélioration des conditions d’hygiène et à la formation de personnel soignant ainsi qu’à la réhabilitation des installations de traitement et d’approvisionnement de l’eau. Au Sri Lanka, malgré la guerre civile qui a freiné les efforts de la Croix-rouge suisse et de ses partenaires, 7’100 logements ont été reconstruits selon deux méthodes : la méthode Cash, qui fournissait une allocation directe aux familles afin qu’elles puissent réaliser elles-mêmes les travaux avec l’aide de spécialistes, et celle faisant appel à des entreprises de construction locales.
La Calisto
Tobias Richter honoré
Le 4 mars 2010, lors d'une cérémonie à Düsseldorf, Tobias Richter, Directeur général du Grand Théâtre de Genève, sera reçu dans l'ordre du Mérite de la République fédérale d'Allemagne, Verdienstorden der Bundesrepublik Deutschland, et décoré de la Croix fédérale du Mérite 1ère classe, Verdienstkreuz 1. Klasse. Cette distinction correspond à la classe internationale d'Officier de l'ordre. Il faut savoir que l'ordre du Mérite est la seule décoration de l'état fédéral allemand et représente sa distinction la plus élevée, destinée à honorer des mérites acquis au service du pays et de la collectivité dans les domaines social, intellectuel, politique et économique. L'ordre a été institué en 1951 par le Président fédéral Theodor Heuss. La cantatrice Jeanne Piland et Tobias Richter accompagnés de l'ambassadeur de France en Allemagne Bernard de Montferrand lors de leur remise de l'ordre des Arts et Lettres au mois de juillet dernier à l'opéra de Düsseldorf. © Johannes Galert
A l’unité (location d’avance vivement conseillée) : Plein Tarif Fr. 30.Tarif réduit Abonné / Membres des Amis Fr. 25.Tarif Jeunes / Labo M / Etudiants Fr. 14.Tarif Personnel Fr. 10.-
A vos agendas
Dramma per musica en un prologue et trois actes de Pier Francesco Cavalli 13, 15, 17, 20, 22, 24, 26 et 28 avril 2010 à 20 h 18 avril 2010 à 17 h Direction musicale Andreas Stoehr Mise en scène Philipp Himelmann Décors Johannes Leiacker avec Sami Luttinen, Bruno Taddia, Anna Kasyan, Bejun Mehta, Christine Rice, Kristen Leich et Catrin Wyn-Davies L’Orchestre de Chambre de Genève Nouvelle production (au BFM) En coproduction avec le Deutsche Oper am Rhein, Düsseldorf-Duisburg
La Belle
Ballet inspiré du conte de Charles Perrault et des Frères Grimm « La Belle au bois dormant » sur une musique de Tchaïkovski 11 et 12 avril 2010 à 20 h Chorégraphie Jean-Christophe Maillot Scénographie Ernest Pignon-Ernest Costumes Philippe Guillotel Lumières Dominique Drillot Les Ballets de Monte-Carlo Ballet invité
Informations et inscriptions Billetterie du Grand Théâtre: T +41 22 418 31 30 billetterie@geneveopera.ch www.geneveopera.ch
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© GTG/Yunus DURUKAN
24 h
24h
dans la vie de
Chantal Graf D’origine flamande, marseillaise de cœur
et corse d’adoption, c’est avec un brin d’accent du Sud que Chantal Graf nous explique qu’elle a choisi dès l’âge de 26 ans de devenir régisseur plateau après une carrière de danseuse professionnelle. Une profession chronométrée qu’elle exerce depuis plus de 15 ans au Grand Théâtre. « D’habitude, je réalise moi-même les dessins pour indiquer les différentes positions mais pour Lulu, c’est la première fois que je reçois des dessins en 3D où l’on peut voir les décors de face, de derrière, d’en haut, un fantastique travail de Fabien Teigné, assistant du décorateur Pierre-André Weitz,»
© GTG
s’enthousiasme Chantal.
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6 h Le rituel est immuable : un citron chaud pour éliminer vainement les excès de chocolat de la veille et un café sur le balcon – été comme hiver – pour contempler le lever du soleil. On passera sous silence les incroyables trois quarts d’heure pour trouver une tenue qui convienne et voici Chantal en route pour le Grand Théâtre. 8 h 30 Son bureau est situé à dix mètres à peine du plateau afin d’être toujours disponible quoi qu’il arrive. La matinée est dévolue à réaliser les innombrables plannings dont elle a la charge : planning hebdomadaire, mensuel, général, de la prochaine saison, des instruments etc. Sa mission est de coordonner toutes les activités de la scène car rien ne se fait sur le plateau sans qu’elle en soit informée : répétitions, montage et démontage de décors, tout est planifié. Elle gère également les conduites techniques qui correspondent à toutes les manœuvres qui s’exercent sur scène lors d’un spectacle, autrement dit les mouvements des décors, les effets sonores, les tops fumée, les effets pyrotechniques, etc. Pour Lulu par exemple, le metteur en scène, Olivier Py, a pris le parti d’un décor qui défile constamment, il faut donc être particulièrement précis dans le timing. Tous les changements de décor figurent
sur la partition, de même que les entrées et sorties des artistes. Tout s’enchaîne: tel décor sera à telle place à tel moment car le chanteur doit sortir par une porte qui n’existait pas quelques secondes auparavant ; tout est calculé mouvement par mouvement. L’assistant à la régie gère en parallèle les entrées et les sorties des chanteurs, danseurs, figurants et du chœur. Les notes respectives sont comparées afin d’élaborer un découpage de l’œuvre, un story board mis à jour quotidiennement. Petit exemple : Lulu rentre à jardin (gauche) dans un costume rose, elle sort à cour (droite) et a une minute pour se changer avant sa prochaine entrée. Ce document est très utile par exemple pour les habilleuses et les maquilleuses. 12 h Ah bon ? Chantal va rarement manger et se nourrit visiblement exclusivement de chocolat. 13 h 30 Préparation de la répétition de 14h15 avec un autre petit rituel : Chantal ne va jamais sur scène sans se parfumer si bien que tout le monde sait quand elle est là… 17 h 15 Fin de la répétition. Petit point pour recevoir les corrections, les notes du metteur en scène et des décors. Ensuite mise à jour de la partition et des conduites. 20 h 15 Répétitions ou spectacle. Chantal témoigne : « Il faut être dégourdie, rapide et savoir réagir à toutes sortes d’imprévus. Il convient aussi de rester calme, de ne pas stresser, sinon ce stress se transmet à tout le plateau. » Lorsque le spectacle débute, Chantal ne cesse de compter (intérieurement !). Elle lit la partition et donne les tops. « Mon ancien métier de danseuse m’est particulièrement utile, il m’a donné l’habitude de compter depuis l’enfance. Sur de nombreux ouvrages, je m’exerce à tourner les pages sans visualiser la partition. Cela me permet de parler à quelqu’un sans avoir le regard rivé sur l’œuvre. Pour d’autres ouvrages, comme Lulu, c’est plus difficile, tant la lecture est compliquée. » minuit « De retour chez moi, il m’est impossible de m’endormir immédiatement. Je suis encore totalement dans le spectacle. C’est un métier qui demande une formidable disponibilité et une résistance au stress à toute épreuve. Ce qui me tient debout ? La passion.» >IP
ACT.0 | N°2 | Le magazine du Grand Théâtre de genève | Saison 09 | 10
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Opération
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